07-10-11 à 19:06 par Marco Mosca
Une étude menée par des parlementaires sur les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac fait un état des lieux instructif sur le business du tabac en France.
2,7 milliards d'euros. C'est ce que coûtent les ventes de cigarettes hors réseau légal au fisc français, selon un projet de rapport d'information parlementaire que Challenges.fr a pu consulter. La vente illégale de tabac prend des proportions inquiétantes en France. Ses conséquences sont fiscales, économiques, mais surtout sanitaires. Dans ce projet, les députés Jean-Marie Binetruy (Doubs, UMP), Jean-Louis Dumont (Meuse ,PS) et Thierry Lazaro (Nord, UMP), apporte un éclairage sur le business du tabac en France, entre contraintes sanitaires et fiscales d'un côté, et le poids du lobby des buralistes de l'autre.
Le montant des pertes est "considérable dans le contexte budgétaire actuel", souligne d'entrée de jeu ce rapport sur "les conséquences fiscales des ventes illicites de tabac". A titre de comparaison, la fiscalité sur le tabac devrait rapporter 13,6 milliards de recettes à l'Etat cette année, les dépenses de soutien aux buralistes s'élèvent à près de 300 millions d'euros et le coût pour l'assurance maladie des dépenses de soins remboursées attribuables au tabac est estimé à 6,8 milliards d'euros…
La pression fiscale favorise-t-elle le développement du marché parallèle?
"Aujourd'hui, avec un taux de taxation de 80,64%, la France exerce une des plus fortes pressions fiscales sur les produits du tabac en Europe", précise-t-il, ce qui a permis aux ventes de cigarettes de décliner en vingt ans, de 97,1 milliards d'unités en 1991, à 54,8 milliards d'unités en 2010. "Cette baisse est principalement imputable aux fortes augmentations de prix de janvier et d'octobre 2003 et de janvier 2004" qui ont fait passer le prix du paquet de cigarettes à 5 euros. Mais depuis, les hausses des prix n'ont plus d'incidences réelles sur les ventes qui stagnent. Les consommateurs se sont notamment reportés sur les tabacs à rouler et les tabacs à pipe, qui ont eux, augmenté entre 2004 et 2010 (9% pour le tabac à rouler), parce que meilleur marché. Et selon les rapporteurs, cette pression fiscale favorise le développement du marché parallèle.
Le volume des achats de tabac réalisés en dehors du monopole de distribution de l'Etat ne cesse de croître ces dernières années pour atteindre désormais 20% des ventes total de produits du tabac. "15% proviennent d'achat hors réseau, légaux ou non selon les quantités transportées (duty free, franchises légales, achats transfrontaliers, achats auprès de revendeurs); 5% d'achats illégaux hors réseau (contrebande, contrefaçon, achats sur internet)".
11 recommandations pour s'en sortir
La mission d'information avance un certain nombre de recommandations pour lutter contre ce phénomène. Elle préconise notamment de "soutenir les efforts du gouvernement" pour une convergence des prix pratiqués en France et dans les pays voisins. Cela permettra notamment de réduire les achats transfrontaliers qui représentent 50% du marché "parallèle". La mission souhaite également que les prochaines hausses, dont celles annoncées le 24 août dernier par le Premier ministre, de 6% à compter d'octobre 2011 puis de 6% à nouveau en 2012, s'inscrivent dans le cadre du Plan Cancer 2009-2013.
Elle invite aussi à "engager une réflexion sur la fiscalité des tabacs à rouler, en vue de contrecarrer l'effet de substitution à chaque hausse des prix de cigarettes". La mission prend ici des pincettes pour ne pas froisser une industrie qui a vu son chiffre d'affaires passer de 13 milliards d'euros en 2000 à 16,65 milliards d'euros en 2010 en grande partie grâce aux ventes de tabac à rouler. Il n'est aucunement question ici d'aligner les prix de ces paquets vendus au poids sur ceux des cigarettes…
A ces mesures s'ajoutent également une campagne nationale sur les dangers de la contrefaçon, un affinage du marquage des paquets pour faciliter l'identification de leur origine, le refus du paquet générique proposé par Bruxelles qui standardise l'aspect des paquets et favorise la contrebande, la lutte contre la vente illicite sur Internet, le durcissement de l'arsenal répressif.
Autant de mesures pour remettre les consommateurs dans les rails d'une consommation légale. Est-ce pour autant suffisant pour réduire les dépenses de santé liées aux conséquences du tabac, qui représente près de 3% des 234 milliards d'euros de dépenses de santé? Le tabac est responsable de 60.000 décès environ par an en France.