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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 14:31

 

Créé le 09-01-2012 à 06h39 - Mis à jour à 15h42   

Par Le Nouvel Observateur avec AFP


Le ministre des Transports s'est engagé à explorer "la totalité des pistes" pour permettre aux 880 salariés de retrouver un

emploi

 

"C'est un gâchis énorme", a déclaré l'un des avocats des porteurs du projet de reprise en coopérative ouvrière (Scop). (AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA)

"C'est un gâchis énorme", a déclaré l'un des avocats des porteurs du projet de reprise en coopérative ouvrière (Scop). (AFP PHOTO / MIGUEL MEDINA)

Quelques heures après la décision du tribunal de commerce de Paris, lundi 9 janvier, de prononcer la liquidation définitive avec cessation d'activité de la compagnie transmanche SeaFrance, le ministre des Transports, Thierry Mariani, s'est empressé de déclarer que "la totalité des pistes qui vont permettre aux 800 salariés de retrouver un emploi vont être explorées". "Notre préoccupation, c'est l'emploi", a-t-il ajouté, précisant que ses "pensées" allaient "aux salariés, qui se trouvent dans la situation de perdre leur emploi", après la décision du Tribunal de commerce.

François Fillon a confirmé que le gouvernement s'efforcerait de "trouver une solution" pour le millier de salariés de la compagnie transManche SeaFrance, dont le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation définitive avec cessation d'activité. "Il faut être capable de trouver une solution", a déclaré le Premier ministre devant des journalistes en marge de la présentation de ses voeux à Matignon, affirmant vouloir "reprendre les discussions" avec les acteurs économiques et politiques du dossier pour sauver des emplois. "On a des possibilités partielles avec le groupe Dreyfus, des possibilités de reclassement avec la SNCF", a-t-il poursuivi. "Avec ça, on devrait pouvoir réussir à construire quelque chose".

"C'est un gâchis énorme, un gâchis social d'abord puisqu'il concerne le sort de 1.010 salariés, un gâchis économique également", a de son côté déclaré maître Philippe Brun, l'un des avocats des porteurs du projet de reprise en coopérative ouvrière (Scop), en référence aux 880 salariés de SeaFrance à Calais et aux 130 de la filiale britannique, confirmant la "liquidation définitive" de SeaFrance.

Aucune offre de reprise valable"

Plus tôt ce lundi, le tribunal de commerce de Paris a précisé sa décision : "Il n'existe aucune offre de reprise valable, l'activité ne peut être poursuivie, le tribunal met fin à la période de maintien de l'activité de SeaFrance", selon l'exposé oral des motifs de la décision par les juges.

L'offre de la Scop "n'est pas très différente de la précédente" et présente "le grave inconvénient de ne pas comporter le financement nécessaire pour redémarrer l'activité", a déclaré le président de la chambre à des journalistes.

A la suite du soutien imprévu de l'opérateur du tunnel sous la Manche Eurotunnel apporté lundi à la Scop, les avocats des quelque 880 salariés de SeaFrance avaient demandé un report de la décision, mais n'ont pas été suivis par le tribunal.

Or, selon les juges, un report est "incompatible avec l'urgence" de la situation.

Le PDG d'Eurotunnel avait annoncé dans un entretien à "Libération" de ce lundi qu'il allait soutenir le projet de sauvetage de SeaFrance par ses employés en se portant acquéreur des navires de la compagnie de ferries. 

36 millions d'euros d'indemnités de la SNCF

Peu avant la décision du tribunal, la SNCF avait annoncé dans un communiqué le versement "d'une somme d'un montant global estimé à 36 millions d'euros", en plus de ce qu'exige la loi, pour indemniser les salariés de la compagnie de ferries SeaFrance qui seraient licenciés. Le conseil d'administration de la SNCF avait approuvé lundi matin ces indemnités exceptionnelles "afin de proposer des solutions de soutien" aux salariés de SeaFrance.

Maison-mère de SeaFrance, la SNCF propose également la mise en place d'une cellule de reclassement et de recrutement "dans le groupe SNCF", si des licenciements avaient lieu, comme l'avait annoncé son patron Guillaume Pepy. Une offre qui avait laissé les salariés perplexes.

 

Par Le Nouvel Observateur avec AFP

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 14:24
| Par La rédaction de Mediapart

Quatre ans après le début de la crise financière de 2007, la crise inter-bancaire ne faiblit pas, bien au contraire. Les banques européennes viennent de battre un nouveau record de dépôt auprès de la banque centrale européenne (BCE) avec 463,6 milliards d'euros déposés au 8 janvier 2012.

 

Les records de dépôts des banques commerciales auprès de la BCE sont battus semaine après semaine. La crise de confiance inter-bancaire, qui paralyse une partie de l'économie et sclérose notamment les prêts aux PME, semble donc s'approfondir un peu plus chaque jour. Ce phénomène dénote que les banques ne se font toujours plus confiance les unes les autres pour se refinancer entre elles, comme elles pouvaient le faire tout à fait normalement il y a encore quelques années et surtout sans aucune intervention des pouvoirs publics.

 

Pourtant, les taux offerts par la BCE sont loin d'être mirobolants, à 0,25%. Ils se situent d'ailleurs bien en deçà du taux de 0,369% qu'offre actuellement le marché interbancaire. Malgré cela, le placement auprès de la BCE est ce qui leur paraît le plus fiable. Voyant ce qu'elles ont dans leur propre coffre-fort -dettes d'États, produits dérivés toxiques- les banques savent qu'en cas de nouveau krack voire de défaut d'un État européen, ces voisines ne survivront pas, et que l'argent prêté à d'autres banques disparaîtrait en cas de défaut de paiement.

 

Cette ruée vers la BCE s'explique aussi par le prêt historique consentie par la BCE aux banques européennes le 21 décembre 2011. Les banques pouvaient venir se servir de façon illimité : elles ont emprunté pour 489 milliards d'euros à un taux de 1%. Mais les banques n'ont pas encore trouvé où investir cet argent et le retournent à l'envoyeur.

 

Pour restaurer la confiance, l'autorité bancaire européenne (EBA) oblige les banques européennes, dans le cadre des accords de Bâle 3, a augmenter leur réserves de fonds propres de 115 milliards d'euros pour atteindre 9% de leurs avoirs risqués pour pouvoir faire face à un effondrement de leurs valeurs. Mais quand on sait que, par exemple, sur presque 2000 milliards d'euros d'actifs, la BNP Paribas ne peut assurer la perte que de 55 milliards et qu'au delà, elle fait faillite : les doutes demeurent sur le marché, d'autant plus que les actifs risqués de la BNP s'élèvent à 600 milliards, toujours selon l'EBA. 

 

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 14:14

«On est donc en train de réfléchir sur comment faire en sorte que le logement social puisse mieux aider ceux qui travaillent», a déclaré le ministre de l'enseignement supérieur, Laurent Wauquiez. Cette proposition «met systématiquement en porte-à-faux les suggestions de L. Wauquiez avec la politique qu’il est censé soutenir depuis 2007», explique Didier Desponds, qui vient de publier  Pour en finir avec l’égalité des chances. Refonder la justice sociale.

 

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Laurent Wauquiez, maire UMP de la ville du Puy-en-Velay et ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche à ses heures perdues, est un homme pressé. Il n'arrête plus d'occuper le devant de la scène médiatique comme en témoigne son dernier livre publié chez O. Jacob « La lutte des classes moyennes », ayant fait l'objet d'une aimable promotion lors de l'émission de L. Ruquier du 17 décembre 2011, « On n'est pas couché ». La reprise du concept de lutte des classes appliqué aux classes moyennes peut surprendre. Un ministre en exercice de l'équipe Sarkozy revendiquerait un héritage marxiste... La pertinence même du concept serait surtout à interroger, si l'on excepte les catégories les plus aisées qui parviennent adroitement à défendre leurs propres intérêts en les faisant passer pour compatibles avec l'intérêt général (voir sur ce point les travaux des sociologues M. Pinçon et Mme Pinçon-Charlot), c'est bien davantage le délitement du sentiment d'appartenance à une classe et le morcellement de la société qui s'observent.  

 

La proposition la plus spectaculaire défendue par le ministre vise à réserver les logements sociaux à ceux qui travaillent. Elle part certes d'un constat qu'il est possible de partager (pour avoir un emploi, mieux vaut avoir un logement...) mais se heurte à un certain nombre de paradoxes, mettant systématiquement en porte-à-faux les suggestions de L. Wauquiez avec la politique qu'il est censé soutenir depuis 2007.

 

- Comment envisage-t-il de procéder pour réserver les logements sociaux à ceux qui travaillent alors que tous les experts en charge de la question pointent une pénurie de l'offre en regard de la demande effective, comme l'indiquent les rapports de la Fondation Abbé Pierre ?

 

- Si la loi SRU impose un pourcentage de logements sociaux par commune de plus de 1500 habitants en région Île-de-France et de 3500 hors de celle-ci, les réticences à construire proviennent le plus fréquemment de communes dirigées par des maires de la même couleur politique que L. Wauquiez. Il ne semble pas envisager d'accroître les sanctions contre celles qui ne respectent pas la loi.

 

- Si ceux qui ne travaillent pas ne peuvent accéder au logement social, quelles pistes alternatives s'offrent à eux ? Le parc locatif privé ne constitue sans doute pas la solution adéquate, les prix ayant connu dans ce domaine une forte appréciation, en particulier dans les grandes agglomérations. Il serait naturellement envisageable de  mettre en place des dispositifs visant à limiter cette flambée des prix comme ne l'envisage en aucun cas le gouvernement auquel appartient L. Wauquiez. Les contraintes se renforcent donc pour ceux qui n'ont pas la chance de disposer d'un emploi stable ni de revenus conséquents. L'accès au logement, que la loi du 31 mai 1990 présente comme un droit, se révèle ainsi de plus en plus hasardeux.

 

- Ces difficultés se trouvent accrues en raison des choix opérés pour résoudre les difficultés budgétaires. Le Premier ministre a ainsi annoncé une diminution des APL. Effective depuis 2010, ceci contribue à rendre moins solvables des ménages de jeunes adultes, en particulier ceux qui éprouvent des difficultés croissantes pour accéder au logement. L. Wauquiez ne s'est pas exprimé sur ce sujet qui affecte pourtant de nombreux étudiants.

 

- Face à ces multiples contraintes, financières et de localisation de l'offre résidentielle, de plus en plus de ménages optent pour des solutions alternatives de logement pouvant les conduire à résider de façon permanente sur des terrains de camping localisés aux marges des agglomérations. Or le gouvernement a récemment choisi de lutter de façon urgente contre ce type de résidence, limitant de nouveau les solutions adoptées par ceux qui n'ont guère de choix :. L. Wauquiez croit tenir la solution en souhaitant réserver les logements sociaux à ceux qui travaillent. Que pense-t-il de ceux qui choisissent des solutions résidentielles non conventionnelles en conséquence de leur solvabilité réduite et de la restriction de l'offre résidentielle accessible ? Ils nuisent probablement au caractère bucolique du paysage rural...

 

- Quant à ceux qui se trouvent dans la plus grande précarité, il est nécessaire de rappeler la réduction du nombre de places de logements d'urgence. Si la loi DALO (Droit Au Logement Opposable) du 5 mars 2007, a mis en place un dispositif complexe, destiné à permettre l'accès de tous au logement, elle nécessite de recourir à l'offre dans le parc social existant. Ceci concerne d'abord des ménages en grandes difficultés économiques. L. Wauquiez ne nous a pas indiqué s'il comptait revenir sur le dispositif, le modifier, le réserver à ceux qui ont un emploi même précaire quitte à laisser à la rue des familles avec enfants ?

 

Au final, cette proposition apparaît clairement pour ce qu'elle est : jeter un écran de fumée sur la faillite de la politique du logement mise en œuvre par son mentor, Nicolas Sarkozy, qui promettait de réduire la pauvreté en France et s'était engagé le 18 décembre 2006 à Charleville-Mézières dans un grand discours à la France qui souffre à ce que « d'ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur un trottoir et d'y mourir de froid », celui qui lors de sa campagne de 2007 souhaitait « permettre à chaque ménage d'être propriétaire ». Le club de réflexion créé par L. Wauquiez, la Droite sociale (ce qui dans la Novlangue actuelle signifie la stigmatisation systématique des catégories les plus défavorisées) a donc comme ambition de faciliter l'accès au logement de ceux qui ont déjà un travail, elle pourrait en cas de mise en œuvre accroître les difficultés des personnes à la recherche d'un emploi, en soumettant à une pression nouvelle celles qui résident dans le parc locatif social, voire les conduisant plus facilement à la rue. « Louable proposition » émanant d'une droite se prévalant des valeurs catholiques, dans un contexte de tensions accrues sur le marché du logement. Que l'on se rassure, cette double-peine que L. Wauquiez veut leur appliquer au nom d'un prétendu principe de responsabilité s'inscrit dans l'air du temps consistant à culpabiliser les plus fragiles. La Grande-Bretagne de J. Cameron fait de même avec l'approbation tacite du New Labour de E. Milliband. L. Wauquiez au final ne prend guère de risques, les catégories qu'il stigmatise lâchement n'auront guère d'incidences sur le plan électoral. Elles votent peu...

Pour conclure, je souhaiterais poser trois questions simples à L. Wauquiez :

  • 1) La perte d'emploi est-elle le stigmate d'une indignité personnelle justifiant l'ajout de nouvelles épreuves ?

  • 2) Dans le cas de l'adoption d'un dispositif s'inspirant des préconisations de la Droite sociale, que se passerait-il pour l'actif ayant eu accès à un logement social et perdant son emploi, devra-t-il rendre son logement, même s'il paye les traites de son loyer ?

  • 3) Si les « classes moyennes » que L. Wauquiez prétend défendre ont été affaiblies, quelle part de responsabilité porte la gestion mise en œuvre par l'actuel Président de la République ?

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Dernier ouvrage paru : Desponds Didier (sous la direction de) : «  Pour en finir avec l'égalité des chances. Refonder la justice sociale ». Edition Atlande, 2011.

 

 

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 13:53

 

Le Monde - 09 janvier 2012

 

Bien que le solde commercial de la France se soit redressé d'un milliard d'euros en novembre 2011 à  - 4,412 milliards, selon les Douanes, il n'y aura pas de miracle sur le front du commerce extérieur français. Le déficit cumulé des douze derniers mois (novembre 2010 à novembre 2011) a déjà atteint 70, 450 milliards d'euros.

Le gouvernement français a prévu un déficit record de 75 milliards  en 2011 (ce chiffre sera connu le 7 février), après les deux très mauvais crus de 2010 (- 51,45 milliards) et de 2008 (- 56 milliards). La France n'a pas connu d'excédent commercial annuel depuis 2002. C'est une des signes de la perte de compétitivité de son économie.

Comme souvent, le moindre mal de novembre est dû à une très forte poussée des livraisons de matériel de transport qui bondissent à plus de 8 milliards (dont plus de 2,2 milliards liés à un  niveau exceptionnel des livraisons d'Airbus). Pendant que le déficit commercial de la France s'établissait à 4,412 milliards, l'Allemagne a enregistré en novembre un excédent commercial de 15,1 milliards en données corrigées des variations saisonnières.

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9 janvier 2012 1 09 /01 /janvier /2012 13:38

 

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 09.01.12 | 12h55   •  Mis à jour le 09.01.12 | 13h45

 
 

 

François Fillon présente ses vœux à la presse, le 9 janvier 2012, à Paris.

François Fillon présente ses vœux à la presse, le 9 janvier 2012, à Paris.AFP/JACQUES DEMARTHON


Le déficit public de la France pour 2011 sera inférieur à la prévision de 5,7 % du produit intérieur brut (PIB), a déclaré lundi 9 janvier le premier ministre François Fillon, qui n'a pas exclu des mesures supplémentaires si nécessaire.

"Grâce aux efforts engagés par le gouvernement, je peux vous annoncer que sur l'Etat, en 2011, notre déficit sera de l'ordre de 4 milliards inférieur à la dernière prévision", a déclaré M. Fillon, lors de la cérémonie des vœux de la presse à Matignon.

"Notre déficit public pour 2011 sera donc très probablement inférieur aux 5,7 % du PIB sur lesquels nous nous sommes engagés", a-t-il ajouté.

"NOUS DEVONS CONTINUER DE RÉDUIRE NOS DÉFICITS"

Le gouvernement, a expliqué François Fillon, n'exclut pas de nouvelles mesures pour réduire les déficits. "Nous devons continuer de réduire nos déficits et nous préparer à toutes mesures nouvelles éventuelles", a-t-il dit.

"Je veux dire qu'en la matière le gouvernement a fait de l'adaptation permanente sa règle de conduite. (...) C'est le gage de notre crédibilité vis-à-vis des Français comme vis-à-vis des marchés", a-t-il poursuivi.

C'est la première fois que le gouvernement parle d'un déficit public inférieur à 5,7 % cette année. Il est prévu à 4,5 % l'an prochain, 3 % en 2013 et devrait diminuer encore, selon les engagements du gouvernement, pour revenir à l'équilibre en 2016.

DÉJÀ DEUX PLANS DE RIGUEUR

Par ses déclarations, le premier ministre semble préparer les esprits à un troisième plan de rigueur. M. Fillon, qui joue de nouveau le rôle de celui qui annonce les mauvaises nouvelles au sein de l'exécutif, a déjà piloté deux plans de rigueur ces derniers mois.

Après un premier plan d'économies de 11 milliards d'euros annoncé en août 2011, le gouvernement a présenté un second plan de rigueur de 6 à 8 milliards en novembre, avec de nouvelles mesures d'austérité liées à la révision à la baisse de la prévision de croissance pour cette année.  


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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 16:04

 

http://socialwaves.blog.youphil.com/

08/01/2012

 

La Pierre de France est partout. Qu’on soit dans un centre commercial, qu’on soit dans un conseil régional, une gare, une boutique Dior ou Chanel, la Pierre de France est présente au travers des revêtements de marbre, de granite. Elle constitue le pavement, les décors de chacun de ces édifices. Au siècle dernier, on avait vu Haussmann construire Paris avec des pierres de la région parisienne, aujourd’hui ce sont tous les coins de France qui reçoivent cette pierre. Elle est écologique, inutile de passer par des étapes de broyage, de concassage et de chauffage pour en faire des éléments de construction. Elle est brute et prête à l’emploi. Nous sommes allés à la rencontre de cette Pierre de France et de l’entreprise EDM pour voyager au travers de ce monde de la pierre, du marbre. Hélène Loublier et moi-même sommes allés du blog de marbre dans la carrière jusqu’à la dernière création de Davide Macullo qui aime à évider des cubes de marbre pour en faire ressortir la fragilité. Nous sommes allés du tailleur de pierre jusqu’aux hôtels et boutiques de luxe qui se couvrent de ces pierres travaillés, préparées, choisies précisément.

Bienvenu dans cette découverte d’une entreprise EDM, d’un monde celui de la Pierre de France et du marbre dans tous ses états. On y verra du compagnonnage, de la modernisation en pleine crise, des acteurs solidaires, un monde vivant… qui devrait en inspirer d’autres.

 

Tout commence les pieds dans la boue. Mais, cette matière qui colle aux bottes est plus gluante, plus épaisse que l’argile. On ne s’en débarrasse pas, elle se fixe à nos pieds, nos manteaux, nos effets… Cette poussière de roche amalgamée est partout sur ce terrain lunaire. Des excavations gigantesques semblent sorties d’un film de science-fiction. On dirait un autre monde. On est très très loin des milieux urbains ; dans cet endroit, ni lumière artificielle, ni klaxon, ni immeuble… Dans cette atmosphère on se croirait au milieu d’un cratère, un de ceux qu’aurait pu imaginer Jules Vernes. Comme si un météorite s’était abattu sous nos pieds. La boue est toujours là, engluant chaque pas. Les autres journalistes se pressent pour éviter de glisser tout en restant saisis par ces murs de marbre qui les entourent. Des parois taillées, de plusieurs mètres de haut. Des blocs prêts à être séparés de cette carrière à ciel ouvert. Au-delà d’un petit chemin, un monticule énorme de gravats, de pierres inutilisables… et puis plus loin, le retour à l’origine avec des plantations d’arbres sur une zone anciennement exploitée. Plus loin encore à l’horizon, on devine les cimes d’arbres juchés autour de la plaie béante de cette « mine de pierre ».

Tout y est donc boue, poussière et pierre. Mais plus loin, on y découvre des hommes. Des bleues de travail blanchis par les retombées grisâtres. Il faut imaginer des hommes au milieu de ce paysage dantesque, dans le froid glacial et la neige qui s’emploient à sortir des matériaux de ces veines de marbres et l’extraire des carrières. Des efforts titanesques pour récupérer des blocs de plusieurs tonnes. Il y a la sueur, l’effort et le courage. Une chaîne humaine forte qui s’organise toujours à la manière des compagnons d’autrefois… entraide, solidarité, esprit d’un travail qui élève l’homme… Des équipes bien rodées trouvant pour seul répit que la pitance du midi. Ces hommes-là sont comme Jean qui servira de sherpa à notre découverte. Il a 55 ans, une véritable force de la nature et surtout un œil. Il connaît toutes les carrières du coin. Il connaît chaque pierre, chaque veine, chaque strate. Son expérience est irremplaçable, car il y a plus de trente ans qu’il se colle à ce monde du marbre. Il sait que telle paroi sera fragile, que tel cube de pierre ne vaudra rien. Que tel autre sera précieux, car il aura décelé des motifs d’entroques qui raviront les acheteurs. Oui, Jean est incontournable. Il est d’ailleurs respecté par tous. Son salaire est faible, mais il est un des maillons essentiels du fonctionnement de cette usine à pierre. Il travaille inlassablement, c’est une passion. Peu importe le temps passé, il reste tant qu’il n’a pas jugé avoir fini. Son médecin lui dit pourtant de s’économiser, mais dans ses gènes, c’est autrement qu’on fait… De lui dépend la qualité des gisements qu’on exploitera, de lui sortira ou non des marbres purs. De lui le reste de l’usine dépend si on peut dire. Son œil est essentiel, et déjà on pense à proposer des apprentis pour qu’ils les initient à ce savoir qu’il a acquis au fil du temps… Comme chacun des employés de l’entreprise, il est respecté, car du plus haut de l’entreprise, on voit chaque maillon comme un talent et comme un individu à accompagner précieusement, car l’entreprise à EDM est avant tout un esprit… celui d’une aventure humaine…

L’usine de Sogépierre (Montbart, Nod sur Seine). Nous avons laissé Jean à sa besogne et nous avons rejoint l’usine… Elle est plantée dans ce coin de Bourgogne, à quelques kilomètres des crevasses dont nous venons. Autre monde, autre milieu, autres gens… un point commun… la poussière qui colle nos vêtements, nos narines et nos cheveux… le royaume de la pierre marbrière est à nos pieds, mais il colle de partout… Des hangars sont adaptés à la hauteur des blocs à débiter et à transformer. Des machines-outils dernier cri qui savent élaguer la pierre de ses imperfections. Un arsenal de disqueuses et ponceuses géantes qu’on voit rarement au même endroit. Aucune carrière privée ne pourrait se payer l’ensemble de ce matériel… et c’est sur ce point que René Camart a été révolutionnaire. Dans un secteur très touché par la globalisation, il a su acquérir des dizaines de sites marbriers. Sa méthode est simple : à la suite de l’achat, on respecte les hommes, les chaînes de décision, on insuffle de l’investissement massif et on accompagne la réussite. Avoir 50 carrières, c’est avoir une capacité globale de résistance à une concurrence internationale par exemple. C’est aussi envoyer un signal à l’ensemble des sites français qui n’ont pas à craindre d’être « rachetés », car l’ambition de René Camart c’est de convaincre qu’on est plus fort en rentrant dans son consortium de la pierre et qu’on y est respecté profondément... Il n’y a jamais de chasse aux sorcières comme dans les OPA des grandes entreprises ou le but est de dégommer tous les échelons hiérarchiques d’en face. Dans sa dynamique, il y a un esprit de compagnonnage vrai. C’est probablement qu’il y a la conscience de la pénibilité de ce métier et on y respecte ceux qui ont la même passion de ces roches métamorphiques dont on a construit des villes, des monuments depuis l’ère romaine.

On découvre ainsi une usine fleuron du groupe « EDM ». Les ouvriers s’affairent avec minutie, ici pour affiner une future fontaine. Là, c’est un gaillard qui pose des plaques de marbres régulièrement découpées par des scies à diamants. Encore ici, une énorme roue dentée mord la roche pour donner de quoi faire fonctionner les équipes pendant plusieurs jours. Plus loin ce sont les manutentionnaires qui se déploient pour empaqueter des pierres « vieillies » qui iront daller un grand hôtel, peut être avec tel autre carreau on fera le pavement d’un magasin DIOR… Dans un vacarme infini, une meute d’hommes continue inlassablement de travailler ces roches pour en faire du rêve pour les futurs acquéreurs…

Plus loin dans l’usine on trouve un stigmate de Noel… un sapin aux guirlandes larges se retrouve comme tout maculé de poisse de pierre… mais rien n’y fait… les ouvriers continuent leur labeur… A coté du sapin, le directeur du centre lui aussi suit d’un air minutieux le travail à boucler. Il connaît chacun de ses hommes. En quelques mois depuis son arrivée, il a réussi à fédérer autour de lui une équipe. Il veut un management humain. Il sait que cette usine doit tourner en respectant chacun de ses hommes. Chacun est précieux… quelque soit le poste occupé… L’enjeu pour lui est de réaliser le meilleur pour des clients aux quatre coins du monde et toujours avec le respect de « ses hommes ». Car depuis la carrière jusqu’à la plateforme d’expédition, la chaîne humaine a fourni ce qu’on trouve de meilleur en terme de travail et d’innovation… Autre point culminant d’une entreprise de la sortie de crise.

Luxe, calme et innovation. Dans sa stratégie reposant sur l’humain, EDM a misé sur un pole d’excellence. L’innovation est un point d’ancrage de cette réussite. Ainsi, une technique inspirée de l’aérospatiale a été adaptée au maniement des revêtements de roche. Le fuselage d’une aile d’avion permet désormais de mettre en forme le marbre, de réaliser des formes cintrées…  En fait, une tranche de marbre de 2,5 cm repose sur un socle hyperleger en nid d’abeille ce qui permet d’obtenir une structure très résistance, capable de torsion et de mises en forme très fines. Autre propriété non négligeable de ce revêtement c’est sa légèreté… les dispositifs pèsent 150 kg au lieu de plusieurs tonnes par le passé, avec en plus des résistances antisismiques très importantes. EDM a su convaincre le marché de cette technique. Et le résultat en est de pouvoir faire émerger des colonnes de marbre de plus de 10 mètres avec un minimum de matière brute. Permettant une plasticité là ou à une époque on évitait de soumettre le marbre à trop de torsion.

Dans la même logique, EDM a su proposer des marbres de très grande qualité pour produire les dallages de grands hôtels avec un service de maintenance hors pairs… Ceci a permis de conquérir la confiance des Hôtels Georges V, Crillon, Ritz, Meurice, l’Aldon (Berlin)… Et c’est grâce à cette chaîne humaine que ce groupe a pu arriver à cela. Par le perfectionnisme et la volonté d’innovation, ce groupe de 50 carrières a pu transforme le destin noir d’un secteur promis à la faillite en véritable renouveau qui s’exporte aux quatre coins du monde. On y trouve les domaines du luxe, tel Yatch devra se parer de marbre français, tel hôtel sera pavé de dalles de bourgogne, telle boutique Chanel, Dior aura son revêtement bien calibré avec l’image de l’entreprise…

EDM aussi est enfin sensible à l’art et devient mécène quand il le faut. Ainsi, l’entreprise sait se rapprocher de créateurs emblématiques comme Davide Macullo dont l’œuvre récente présentée au siège social de l’entreprise reposait sur des cubes de marbre travaillés aux millimètres prêts à la manière des orfèvres comme pour faire vivre cette pierre en l’évidant. Une dentelle de marbre, cubique montrant fragilité et légèreté… Le soutien de l’art étant comme une forme d’aboutissement en termes d’image et d’engagement de l’entreprise tournant autour de l’humain.

Au travers de ces réalisations, en prenant un peu de recul, on voit ce contraste entre la boue qui collait à nos pieds dans ces mines ultramodernes et ces ornements précis dans les lieux les plus calmes et luxueux de la planète. Ce contraste n’en est pas vraiment un. Car on voit qu’il y depuis l’usine bourguignonne jusqu’à l’entrée de l’Hôtel Georges V, une dynamique humaine respectée avec une passion pour une réalisation, avec un groupe qui sait protéger l’écosystème social des entreprises qu’il rachète. En ce sens, il y a vraiment dans un EDM un cœur d’innovation qui dépasse celui de la pierre et qui le place dans un modèle entrepreneurial nouveau.

 

 En conclusion. Au travers de cette entreprise, on découvre les solutions à la crise actuelle. Ce groupe a une volonté rare, celle d’associer les entreprises et entrepreneurs qui ne seraient pas encore dans leur giron, à une dynamique humaine, car il semble que ce soit le seul moteur de réussite de la société de demain...

Dans ce groupe on considère qu’une entreprise qui réussit c’est avant tout une équipe qui œuvre dans le même sens à tous les niveaux, de l’agent de marketing jusqu’au tailleur de pierre... On comprend qu’un rachat ne veut pas dire liquidation du passé, mais accompagnement pour le meilleur. Plus encore, cette expérience de réussite, au cœur de la crise, montre enfin que sans fraternité et solidarité il est impossible de réussir dans des secteurs concurrentiels. En ce sens, on voit que l’entreprise d’avenir doit être « humaine » et « constructive », « ambitieuse », et c’est ce qui permet d’aboutir au talent et à l’innovation. 

Dans une deuxième approche, on sent que ce consortium est en phase avec un patrimoine français qu’il faut préserver. Il évite la perte des savoirs « encyclopédiques et techniques » qui font qu’un pays est indépendant. En ce sens, la stratégie d’EDM est une conservation de l’essentiel dans un secteur précis. Si cette optique est généralisée et adaptée à d’autres corps de métier, il se pourrait bien qu’on évite les délocalisations dont souffre tant la France et qu’un jour nos enfants puissent grandir avec une fierté d’appartenir à une société fraternelle et consciente de ses richesses.

 

par Yannick Comenge et Hélène Loublier


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8 janvier 2012 7 08 /01 /janvier /2012 15:45
| Par Laurent Mauduit

 

C'est donc décidé ! Seul contre tous, Nicolas Sarkozy a choisi de passer en force avec la taxe sur les transactions financières. Et quand bien même les autres pays européens traîneraient-ils des pieds, la France la mettra en œuvre, seule s'il le faut. Voilà donc, sur le registre dont il est coutumier – tartarinades et hochements de menton –, ce que vient d'annoncer le chef de l'Etat.

 

Nul n'est, pourtant, obligé d'être dupe. Car à l'approche de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy a visiblement décidé de multiplier ce genre de galipettes bravaches. Il faut donc savoir démêler le vrai du faux : analyser les hypocrisies de sa nouvelle posture sur cette taxe Tobin dont il a longtemps été un détracteur, mais en même temps les replacer dans la politique économique qu'il mène. Une politique où le mensonge a une place si considérable que cela finit par donner le tournis...

 

C'est donc le 6 janvier, à l'occasion d'un colloque à Paris, baptisé « Nouveau monde », que le chef de l'Etat a joué les fiers à bras sur la taxe Tobin, annonçant que la France ne supporterait plus les atermoiements des autres pays européens, et qu'elle pourrait envisager de mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières, même seule, si aucun autre pays ne se décidait à lui emboîter le pas.

 

« Nous n'attendrons pas que tout le monde soit d'accord pour la mettre en œuvre. Nous la mettrons en œuvre parce que nous y croyons », a dit Nicolas Sarkozy. Formidable ! Alors que la taxe Tobin est regardée avec dédain par toutes les grandes puissances depuis bientôt quarante ans; alors que depuis l'accélération de la crise, en 2007, les pays riches n'ont pas plus trouvé de raison de mettre en œuvre cette taxe, pourtant impérieuse pour faire reculer la spéculation, Nicolas Sarkozy s'applique soudainement à faire croire, à quelques encablures du premier tour de l'élection présidentielle, que c'est pour lui la première des priorités. L'urgence des urgences.

 

Voilà donc Angela Merkel prévenue ! Elle qui vient lundi à Paris pour rencontrer Nicolas Sarkozy sera sommée, une nouvelle fois, de se rallier à l'idée de cette taxe, et d'arrêter de prétendre que le projet n'a de sens que s'il est mis en œuvre simultanément par toute l'Europe (lire la réaction allemande ici).

 

Nicolas Sarkozy contre toute l'Europe ! Voilà l'image que le chef de l'Etat aimerait à donner de lui-même. L'image d'un président courageux, prêt à se battre seul contre la spéculation ; prêt à en découdre contre ces marchés financiers toujours plus avides de profits rapides. Magic Sarkozy ! Et le fait que l'élection présidentielle arrive dans bientôt quatre mois n'a naturellement strictement rien à voir avec cette formidable mise en scène.

 

D'un coup d'un seul, tous les ministres ont donc été requis pour annoncer la bonne nouvelle : la taxe Tobin arrive. Cela ne s'est pas fait sans quelques couacs. La plume du président, toujours empressée, Henri Guaino, a promis que tout serait bouclé dans le courant de ce mois de janvier 2012. Un peu plus prudent, le ministre des finances, François Baroin, a assuré que le projet verrait le jour en fin d'année. Promis, juré ! L'affaire est lancée. Et tant pis si c'est la future majorité qui, en fin d'année, sera censée mettre en œuvre une taxe dans les pires des conditions, hors de toute coopération européenne.

 

Oui, tous les ministres ont été requis. Pour annoncer la bonne nouvelle que la spéculation allait devoir reculer ? Oui, sans doute. Mais tout autant pour faire oublier que durant des mois, et même des années, l'UMP avait combattu cette fameuse taxe Tobin. Pas seulement l'UMP : le chef de l'Etat lui-même.

 

Pas plus tard que le lundi 21 novembre au soir, le principe d'une taxe sur les transactions financières, d'un montant de 0,05%, a été soumis à l'approbation du Sénat, par la socialiste Nicole Bricq, rapporteur général du budget, sous la forme d'un amendement au projet de loi de finances pour 2012. Mais le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Pierre Lellouche, y a été dépêché par le gouvernement pour s'y opposer avec la dernière énergie. Il a même eu l'imprudence de dire exactement... le contraire de ce que Nicolas Sarkozy prétend aujourd'hui, à savoir que la France « ne peut légiférer seule » car ce serait « contre-productif » et cela « nuirait à la place financière de Paris ».

 

Seulement voilà ! Il n'y a pas que l'insipide Pierre Lellouche qui a contredit Nicolas Sarkozy. Il y a aussi... Nicolas Sarkozy, lui-même ! C'était le 7 juin 1999, à l'occasion d'un débat sur France-2, qui opposait Nicolas Sarkozy, François Hollande, François Bayrou et Robert Hue, à l'époque dirigeant du Parti communiste français. Et ce que dit ce soir-là celui qui depuis est devenu le chef de l'Etat est proprement stupéfiant : c'est mot pour mot l'exact contraire de ce qu'il fait mine de penser aujourd'hui.

 

http://www.ina.fr/video/I11298787/echanges-nicolas-sarkozy-robert-hue-sur-la-taxe-tobin.fr.html

« L'affaire de la taxe Tobin est une absurdité [...]. Si nous le faisons en France, on va encore le payer de dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires », s'exclame-t-il, ce jour-là, avant de poursuivre : « Ce que vous ne comprenez pas, c'est que le monde a changé, le monde est devenu un village. A chaque fois que nous pénalisons la création de richesse sur notre territoire, nous favorisons la création de richesse chez les autres [...]. Réveillez-vous, le monde a changé ! »

 

Les tergiversations de Lionel Jospin

« Réveillez-vous !» Avec le recul, la formule résonne comme une mise en garde contre Nicolas Sarkozy lui-même, et ses perpétuelles galipettes. Réveillez-vous : écoutez ce qu'il disait hier, et écoutez ce qu'il dit aujourd'hui. Vous verrez que Nicolas Sarkozy dit blanc un jour et noir le lendemain, au gré de ce qui l'arrange. C'est le côté le plus détestable de la politique : au gré de ce qui est bon non pas pour le pays mais pour lui-même.

 

Il faut, toutefois, admettre que Nicolas Sarkozy n'est pas le seul à faire ce genre de gymnastique. La gauche aussi, également sur la taxe Tobin, a pratiqué exactement les mêmes volte-face.

 

Que l'on se souvienne ! Affirmant sa « volonté d'agir pour la remise en ordre du système monétaire international [et] la création d'un fonds de stabilisation des changes abondé par la taxation des mouvements de capitaux », c'est Lionel Jospin, le premier, le 14 avril 1995, en pleine campagne présidentielle, qui avait exhumé cette proposition de taxe Tobin. Pourquoi cette idée lui est-elle venue ? Il n'est guère difficile d'en expliquer la genèse. Très critique à l'encontre des dérives libérales auxquelles avaient alors cédé ses camarades socialistes lors du second septennat de François Mitterrand, le candidat Jospin ancre alors nettement à gauche sa campagne. Quoi de mieux que la taxe Tobin pour révéler son ambition ?

 

Sous les effets conjugués de la mondialisation, de la libération définitive des mouvements de capitaux et de la déréglementation boursière du milieu des années 1980 – dont, en France, les socialistes ont été les principaux artisans –, les marchés financiers avaient déjà conquis à l'époque une force considérable. Dans la proposition de Lionel Jospin d'instaurer une taxation des mouvements de capitaux, il y avait donc une arrière-pensée implicite : la déréglementation a été trop loin. La « planète finance » est devenue folle et menace de contrecarrer la puissance souveraine des Etats, notamment dans la détermination de leur politique monétaire. Les marchés contre la démocratie : voilà donc, en résumé, le cheval de bataille qu'enfourche Lionel Jospin, qui pour ce faire exhume en 1995 la vieille proposition de l'économiste américain James Tobin, qui a, le premier, dans les années 1970, imaginé qu'un impôt, même modeste, sur les mouvements de capitaux freinerait leur mobilité et empêcherait l'éclosion de bulles spéculatives, régulièrement suivies par des krachs et autant de crises sociales.

 

En 1995, cette proposition de taxe Tobin prend donc, dans la campagne jospinienne, valeur de symbole : comme l'attestent aussi de nombreux autres volets du programme socialiste, elle révèle que la gauche veut changer l'orientation de la politique économique. On sait pourtant ce qu'il en advint. Progressivement, Lionel Jospin a changé de politique économique. Ouvrant un jour le capital de France Télécom, annonçant le lendemain une baisse de l'impôt sur le revenu, y compris du taux supérieur, avec en arrière-fond une politique budgétaire qui cherche à respecter peu ou prou les exigences du traité d'Amsterdam, le premier ministre a perdu sa spécificité. Faisant entendre hier une petite musique hétérodoxe, il s'est rallié à l'orthodoxie ambiante.

 

Dans ce contexte, la fameuse taxe Tobin est très logiquement tombée aux oubliettes. C'est Dominique Strauss-Kahn, à l'époque ministre des finances, qui a sonné le premier la charge, faisant figurer dans un document budgétaire de Bercy une étude officielle critiquant très fermement la taxe Tobin. Puis, en octobre 1998, le Conseil d'analyse économique, dans un nouveau rapport, sous la signature d'un expert proche du PS, Olivier Davanne, enterre à son tour la fameuse taxe (le rapport est ici). Exit donc Tobin et son impôt : on est invité à comprendre que le premier ministre socialiste a définitivement changé de doctrine.

 

Et puis voilà que sur TF 1, le 28 août 2001, Lionel Jospin, qui va bientôt engager sa seconde campagne présidentielle, fait de nouveau volte-face et se prend à se souvenir que la taxe Tobin, c'est lui qui l'a remise d'actualité, sept ans plus tôt. Du coup, on est pris par le tournis. Et on se prend à penser que la ficelle est un peu grosse. Les mille et un arguments avancés par les deux rapports officiels pour démontrer l'ineptie de la taxe Tobin n'ont-ils plus de fondement ? Sans se soucier de la question, le premier ministre fait ce jour-là une nouvelle contorsion, proclamant qu'il est « en sensibilité proche » avec la taxe Tobin.

 

Un jour pour, le lendemain contre, le surlendemain encore pour... On observera, bien sûr, que pour un premier ministre socialiste revendiquant la sincérité et la transparence, cette politique en zigzag, au rythme des échéances électorales, n'est pas très glorieuse. Mais depuis, il faut en donner crédit aux socialistes, au moins sur ce point : ils ont fini de tergiverser et la taxe Tobin fait définitivement partie de leurs propositions.

Le reproche que l'on peut donc faire aux socialistes, c'est d'avoir progressivement cédé aux sirènes libérales du milieu des années 1980 jusqu'au début des années 2000. Et l'espoir que l'on peut nourrir – même si François Hollande n'envoie pas toujours des signes en ce sens, c'est qu'ils en aient tiré toutes les leçons. En tout cas, depuis le début de cette présidence, il faut leur rendre cette justice : il n'ont plus changé de cap. La taxe Tobin fait partie de l'arsenal de mesures qu'ils préconisent.

 

Eloge des subprimes

En revanche, avec Nicolas Sarkozy, ce n'est pas cela, visiblement, qui est en cause : c'est d'abord un problème de sincérité. Car sans cesse, il dit une chose et puis tout aussitôt il dit son contraire. Et ce n'est pas affaire d'inconstance ou de versatilité, comme c'était le cas pour Jacques Chirac. Non ! De l'art du mensonge en politique : Nicolas Sarkozy incarne jusqu'à la caricature une conception de la politique où l'honnêteté de la parole publique n'a strictement aucune importance.

 

Dressons en effet un rapide inventaire – qui n'a pas la prétention d'être exhaustif. Outre ce pas de deux sur la taxe Tobin qu'il tournait en dérision en 1999 et dont il prétend aujourd'hui être le champion, Nicolas Sarkozy s'est aussi illustré de la même manière en de nombreux autres sujets.

 

Premier exemple : la régulation du capitalisme. Le 25 septembre 2008, Nicolas Sarkozy prononce un célèbre discours à Toulon, où il se présente comme celui qui aura le courage de moraliser le capitalisme. Faisant mine d'être un héritier de Jean Jaurès ou de Léon Blum, il fustige toutes les dérives passées, celles de la finance folle.

 

 

 

 Il annonce ainsi « la fin du capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l'économie et avait contribué à la pervertir ». Et il ajoute : «  L'idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle. L'idée que les marchés ont toujours raison est une idée folle. »

 

Mais au passage, il omet naturellement de rappeler que s'il y a eu en France, dans le passé, un propagandiste de la finance folle, c'est d'abord lui. A l'origine du début de la crise financière, en 2007, les subprimes, ces produits financiers hautement toxiques qui ont permis à des banques de s'enrichir spectaculairement en diffusant des prêts hypothécaires à des personnes non solvables, n'ont été défendus dans le passé, en France, que par un homme politique et un seul : Nicolas Sarkozy.

 

C'était le 14 septembre 2006, lors d'une réunion de l'UMP, dont il était alors le président, baptisée « Convention pour la France d'après ».

 

 

Rentrant d'un voyage aux Etats-Unis, Nicolas Sarkozy prononce ce jour-là un discours faisant un éloge dithyrambique de ces crédits hypothécaires, connus désormais sous l'appellation de subprimes : « Cela paraît très compliqué, c'est en réalité très simple (...) Je propose de changer les règles prudentielles imposées aux banques, de simplifier le recours à l'hypothèque (...) L'hypothèque doit être encouragée dans notre pays. »

Si on l'avait écouté, la France aurait connu un désastre bancaire gravissime et une crise financière encore plus grave.

 

L'aveu malencontreux de Borloo

Deuxième exemple : en 2006 et 2007, Nicolas Sarkozy n'a de cesse que de répéter qu'il sera le « président du pouvoir d'achat ». Il répète à qui veut l'entendre que «l'une des questions centrales pour la France, c'est celle du pouvoir d'achat des Français». «Les salaires sont trop bas, les revenus sont trop faibles. Et moi, je veux parler à la France qui travaille, celle qui a un métier, (...) celle qui travaille dur et qui pense pourtant que l'on n'arrive pas à joindre les deux bouts», martèle-t-il jour après jour.

 

Et que l'on observe maintenant l'épilogue de ce quinquennat. C'est l'Insee qui l'a présenté, dans sa dernière note de conjoncture, le 15 décembre, en donnant ses prévisions pour le premier semestre de 2012: Nicolas Sarkozy est en fait «le président de la baisse du pouvoir d'achat». Selon l'indicateur le plus pertinent, le pouvoir d'achat par unité de consommation (qui correspond à ce qu'éprouvent réellement les Français), la hausse a seulement été de 0,7% en 2011 et pour le premier semestre de 2012, il devrait être en baisse de l'ordre de -0,5 à -0,6 point.

 

Et là encore, il existe des images d'archives qui montrent l'aplomb stupéfiant dont Nicolas Sarkozy peut faire preuve quand on le renvoie à ses promesses passées.

 

 

 

Troisième exemple, qui est peu souvent évoqué, mais qui en dit long sur le personnage: celui de la TVA. Car, comme on le sait, Nicolas Sarkozy est subitement devenu un propagandiste de la TVA, frauduleusement présentée sous le nom de TVA sociale. Le 31 décembre, lors de ses vœux pour 2012, il a ainsi dit vouloir « faire contribuer financièrement les importations qui font concurrence à nos produits avec de la main-d'œuvre à bon marché ». Le petit doigt sur la couture du pantalon, tous les ministres sont donc entrés en campagne pour défendre une mesure qu'ils dénonçaient la veille, et le premier d'entre eux, François Fillon. Le 5 janvier, le premier ministre a ainsi annoncé le plan de travail du gouvernement

.

 

 

Ce jour-là, on apprend donc de la bouche de François Fillon que les décisions seront prises « à la fin janvier », après le sommet social prévu le 18 janvier à l'Elysée, et que la réforme sera « soumise au Parlement en février ». En bref, la TVA est subitement devenue l'urgence des urgences.

 

Mais que pensait Nicolas Sarkozy de la même TVA dite sociale au début de sa présidence ? Il y a un intermède qui le révèle. Il se passe le 18 juin 2007, au soir du premier tour des élections législatives, sur le plateau de France-2. Ce jour-là, le socialiste Laurent Fabius bouscule avec beaucoup d'habileté Jean-Louis Borloo, qui vient tout juste d'être intronisé ministre des finances, et lui fait avouer, comme la rumeur le suggère depuis quelques jours, que le gouvernement travaille à une hausse de la TVA.

 

 

Mais la vérité, c'est que Nicolas Sarkozy comprend sur-le-champ que l'annonce va avoir des effets ravageurs sur l'électorat et qu'elle risque de limiter la victoire de l'UMP au second tour des législatives, quelques jours plus tard. La sortie malencontreuse de Jean-Louis Borloo est donc perçue par l'Elysée comme une faute politique majeure. On connaît la suite : c'est à cause de cela que Jean-Louis Borloo est sanctionné et perd quelques jours plus tard son portefeuille de ministre des finances.

Alors, Nicolas Sarkozy pense-t-il vraiment qu'il va sauver sa présidence, en même temps que son clan, en défendant une mesure qu'il pourfendait voilà quelque temps ? Ainsi va en tout cas Nicolas Sarkozy : il achève son quinquennat comme il ne voulait surtout pas le commencer. Et en donnant de la politique la plus détestable des apparences : la politique du mensonge.

 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 22:43

La Grèce poussée hors de la zone euro? La Hongrie exclue de l'UE? La Grande-Bretagne sur le banc de touche, lors des négociations sur le futur traité... Alors que le spectre de la «déconstruction» de l'Union menace à Bruxelles, Hans Magnus Enzensberger enfonce le clou, dans un pamphlet vif, mais pas toujours très convaincant.

L'intellectuel allemand, ovationné en 2010 pour son roman Hammerstein ou l'instransigeance (Flammarion), s'est lancé, cette fois, dans la description de la machine bruxelloise, qui court, selon lui, à sa perte. Dans Le doux monstre de Bruxelles (Flammarion, 7,50 euros), il fait de l'Union une «chimère» - cet être composite «lion par-devant, serpent derrière et chèvre au milieu». C'est-à-dire une «invention fabuleuse», «un rêve ou une vision», voire «une image trompeuse ou une idée extravagante».

 

Sans grande surprise, Enzensberger, poète et essayiste né en 1929 en Bavière, dresse l'inventaire des «monstruosités» de l'Union, et bouscule la «bureaucratie éclairée» en poste dans la capitale belge. Le manque de légitimité démocratique de l'Union? «On le désigne par un euphémisme, le 'déficit démocratique': il est considéré comme une maladie de carence, chronique et manifestement difficile à traiter (...) Pourtant, cela n'a rien d'une énigme médicale. Ce déficit n'est rien de plus qu'une formulation distinguée pour dire la mise sous tutelle politique des citoyens».

Sur la novlangue bruxelloise: «Même le traité de Lisbonne, cet ersatz de Constitution qui sert de base juridique à l'Union, se caractérise par le fait que sa lecture met devant d'insurmontables difficultés même le citoyen européen le mieux disposé. On dirait un barrage de barbelés». Quant aux fonctionnaires qui «incarnent la raison d'Etat d'un Etat qui n'a pas d'existence», ils tiennent, estime l'auteur, à garder leur distance «avec le monde où vivent les Européens»: «Ce splendide isolement n'est pas un défaut, il est même souhaité; c'est la seule façon de marquer de façon convaincante qu'on est impartial».

Mais comment expliquer, alors, que les Européens consentent à cette «tutelle»? Sans trop se fouler, Enzensberger renvoie à La Boétie, et à son Discours sur la servitude volontaireCe sont les peuples eux mêmes qui se laissent ou plutôt se font gourmander»). En fait, ce pamphlet sur une Europe mal en point produit un curieux effet de décalage temporel, comme si Enzensberger n'avait pas voulu ajuster ses critiques, aussi vieilles que le projet européen, à ce moment si particulier que traverse le continent aujourd'hui.

D'où cette impression d'un texte trop peu précis, pas assez documenté sur le dos de la bête bruxelloise, et qui choisit trop souvent la facilité du mot-valise «Bruxelles», quitte à faire l'impasse sur la désignation des véritables responsables de l'impasse actuelle. Sa tentative de dire son amour pour «l'Europe la vraie», par-delà la bureaucratie de l'Union, ne convainc pas non plus.

 

Dans son dernier chapitre, Enzensberger imagine un dialogue plutôt drôle entre un fonctionnaire de la Commission (A) et lui (B), autour d'un osso-buco partagé dans un restaurant bruxellois - et certaines de ses intuitions touchent juste, en particulier quandil épingle cette capacité qu'a l'Union à persévérer dans la même direction, sûre de son fait, lorsque tout le monde, ou presque, lui indique pourtant qu'elle s'égare (cf. les politiques d'austérité):

«B: Pourquoi les ténors de l'Union ne connaissent-ils qu'une seule direction? On continue! On ferme les yeux et l'on fonce! Est-ce qu'une perpétuelle croissance est une loi de la nature? Tout ce qui s'est passé est-il irréversible?
A: C'est-à-dire?
B: Clausewitz, le plus perspicace des stratèges, fait l'éloge de la retraite comme étant la plus difficile de toutes les opérations. Celui qui se jette dans une impasse d'où il ne peut ressortir ne provoque-t-il pas sa propre défaite?
»

Pour poursuivre le débat - on peut écouter la Grande Table de lundi dernier, l'émission du midi sur France Culture, orchestrée par Caroline Broué, où le cinéaste et critique Jean-Louis Comolli a défendu coûte que coûte l'essai.

 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 22:37

 

| Par Laurent Mauduit

 

C'est une véritable entourloupe qui se prépare autour du Livret A. Alors que le niveau de l'inflation devrait conduire à un relèvement du taux de rémunération du livret d'épargne de 2,25% actuellement à 2,50%, ou plus vraisemblablement à 2,75% le 1er février, le gouvernement pourrait choisir de violer les modalités d'indexation prévue, en arguant de circonstances exceptionnelles. C'est ce qui transparaît de propos tenus par le gouverneur de la Banque France, qui veut aussi éviter à Nicolas Sarkozy d'avoir à endosser l'impopularité d'une baisse du Livret A, le 1er mai prochain, entre les deux tours de l'élection présidentielle.

 

Au passage, l'affaire révèle ce dont on se doutait déjà : le pouvoir d'achat des Français est le dernier souci de l'Elysée, même si le chef de l'Etat prétend le contraire, notamment pour justifier son passage en force dans le dossier de la TVA.

 

L'entourloupe, la voici. La loi a codifié de manière stricte les conditions dans lesquelles le taux de rémunération du Livret A peut être modifié. Voici le texte réglementaire qui fait référence : (à voir sur Médiapart)

 

Concrètement, deux formules d'indexation sont prévues, étant entendu que c'est à chaque fois la plus avantageuse qui doit jouer. Celle qui est actuellement la plus avantageuse et qui devrait donc jouer à l'occasion du prochain calcul, c'est celle qui prévoit que le taux soit égal à l'inflation majorée de ¼ de point. A l'occasion de la publication, jeudi 12 janvier, par l'Insee du prochain indice des prix, celui de décembre, on saura donc exactement comment devra jouer la formule d'indexation.

 

Mais dès à présent, il n'y a guère de mystère. A fin novembre, les prix (hors tabac) accusaient en glissement annuel une hausse de 2,4% (les chiffres peuvent être consultés ici). Et il est assez probable que le résultat, à fin décembre 2011, soit strictement identique. Dans cette hypothèse, la formule d'indexation voudrait donc que le taux du Livret A, actuellement de 2,25%, soit porté à 2,65%. Mais la formule d'indexation prévoit par ailleurs un système d'arrondis tous les quarts de points, le quart de point finalement retenu étant celui qui est le plus proche du résultat de l'indexation. En clair, si l'indexation poussait à 2,65%, le système d'arrondi devrait conduit à un taux final d'indexation de 2,75%.

Le tour de bonneteau du gouverneur de la Banque de France

C'est donc cela qui, initialement, semblait se profiler : un relèvement du taux du Livret A de 2,25% actuellement à 2,75% le plus vraisemblablement, ou, dans le pire des cas pour les épargnants, à seulement 2,50%, dans le cas d'un recul inattendu de l'inflation en décembre.

 

Le règlement que l'on a pu consulter ci-dessus est en effet très explicite sur la procédure. Une fois que la formule d'indexation est connue, voici ce qui se passe : « La Banque de France calcule ces taux chaque année les 15 janvier et 15 juillet. Elle transmet le résultat du calcul dans les quatre jours ouvrés au directeur du Trésor. Lorsque le résultat du calcul conduit à modifier les taux, le directeur du Trésor fait procéder à la publication des nouveaux taux au Journal officiel de la République française. Ces nouveaux taux sont applicables à compter du 16 du mois de leur publication ou, si la date de publication est comprise entre le 16 et la fin du mois, du premier jour du mois suivant leur publication. » Donc, le 1er février, dans le cas présent.

 

Ainsi est la loi. Et nul ne peut y déroger. Dans ce règlement, il est juste prévu une clause (c'est celle qui figure au dernier paragraphe de la deuxième page du document ci-dessus) qui permet au gouverneur de la Banque de France de suspendre la mise en œuvre de la formule d'indexation en cas de « circonstances exceptionnelles ». En clair, en cas de tempête sur les prix du fait d'un choc pétrolier, de krach majeur, la règle d'indexation peut être suspendue.

 

Or – et c'est là le tour de passe-passe – le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, envisage de faire jouer cette clause de « circonstances exceptionnelles » pour laisser le taux de rémunération du livret  à 2,25% au 1er février prochain. C'est ce qu'il a laissé entendre vendredi matin sur Europe-1 :

 

Pour entendre Christian Noyer sur Europe 1 : cliquer ici

Et quel est l'argument de Christian Noyer pour justifier cet éventuel recours aux « circonstances exceptionnelles » ? Le gouverneur de la Banque de France fait valoir que les prévisions des grands instituts de conjoncture escomptent un recul de l'inflation d'ici l'été prochain – ce qui est exact –, et qu'il n'y a pas de raison de relever le taux du Livret A si, les mois suivants, les règles de l'indexation, le repoussent vers le bas : «Ce que je regarderai, c'est l'inflation qui va venir, parce que ça ne servirait à rien que le taux augmente légèrement pour rebaisser immédiatement ensuite (...)  Si l'inflation baisse il n'y a pas de raison d'augmenter le Livret A, en effet.»


Or, cet argument est proprement stupéfiant, pour de multiples raisons. D'abord, on ne peut naturellement pas dire qu'une inflation de 2,4% en rythme annuel relève de ces « circonstances exceptionnelles » évoquées par la loi. A l'échelle de l'histoire économique française, cela reste un taux d'inflation bas. De surcroît, le fait qu'il ne serait pas opportun de relever le taux du Livret A car il faudrait bientôt le rebaisser quelques mois plus tard est d'une flagrante mauvaise foi. Car, dans cette hypothèse, l'argument pourrait tout autant s'inverser : il ne faut pas baisser le taux du Livret A parce l'inflation pourrait un jour repartir à la hausse. Mais de cet argument, le gouverneur de la Banque de France ne jouera jamais.

 

Car, c'est cela le plus choquant. Depuis plus de dix ans, la législation encadrant le Livret A a été sans cesse remaniée, et tout particulièrement depuis 2007, comme en fait foi l'en-tête du règlement que nous avons inséré ci-dessus. Et à chaque fois, les modifications sont intervenues dans les mêmes conditions: pour changer les règles d'indexation quand elles jouaient à l'avantage des épargnants. Et c'est encore à ce tour de bonneteau que veut procéder le gouverneur de la Banque de France.

 

Menaces multiples sur le pouvoir d'achat

Le gouverneur de la Banque de France prépare ainsi le terrain à... un viol de la loi qui encadre la rémunération du Livret A. Et selon de très bonnes sources, il l'a fait en accord avec l'Elysée. Balladurien de vieille obédience, proche de Nicolas Sarkozy, Christian Noyer n'a visiblement pas pris sur lui d'annoncer une mesure politiquement aussi sensible sans s'assurer de ses arrières.

 

Les raisons de ce tour de passe-passe sont, au demeurant, transparentes. La loi prévoit en effet que les changements des taux du Livret A entrent en vigueur chaque 1er février et 1er août, mais si les variations d'inflations ont été fortes, des changements de taux de rémunération peuvent aussi intervenir le 1er mai et le 1er novembre.

 

En clair, la loi devrait faire obligation à Christian Noyer de procéder à une hausse du taux du Livret à 2,75% au 1er février prochain, quitte à rabaisser le taux le 1er mai suivant, c'est-à-dire... entre les deux tours de l'élection présidentielle! Or, Nicolas Sarkozy ne veut pas endosser l'impopularité d'une telle mesure, qui entrerait en vigueur quelques jours à peine avant le second tour du scrutin présidentiel. D'où cette intervention de Christian Noyer, qui a sans doute jugé qu'il valait mieux contrevenir à la loi plutôt que de placer le chef de l'Etat sortant dans cette délicate position.

 

Les « circonstances exceptionnelles », ce sont donc celles-là, et aucune autre: pour voler au secours du chef de l'Etat, le gouverneur de la Banque de France envisage de violer la loi, en même temps que les obligations de sa charge. Et ce sont les épargnants du Livret A qui vont financièrement faire les frais de l'opération, avec un taux de rémunération de leur épargne inférieure pendant au moins un trimestre à ce que la loi prévoyait.

 

Il est d'ailleurs possible d'évaluer le manque à gagner dont vont pâtir les épargnants. Puisque le Livret A et le livret qui lui est adossé, le Livret de développement durable (LDD), totalisent environ 270 milliards d'euros de dépôts, auxquels il faut ajouter les quelque 50 milliards d'euros du Livret d'épargne populaire (LEP), soit 320 milliards au total, un point de variation du taux de rémunération équivaut à 3,2 milliards d'euros sur un an, soit 800 millions d'euros par trimestre.

 

Alors, si d'aventure Christian Noyer met en œuvre son dispositif et si 0,5 point de rémunération de ces livrets est soustrait à leurs bénéficiaires, cela voudrait dire que les épargnants seraient spoliés d'environ 400 millions d'euros sur un trimestre. Juste pour que Nicolas Sarkozy en soit avantagé. Et il va sans dire que ces 400 millions d'euros ne seraient pas imputés sur le compte de campagne du candidat.

 

Les arguments du gouverneur de la Banque de France sont d'autant plus de mauvaise foi que les prévisions des économistes en matière d'inflation risquent d'être contrariées par la politique économique de Nicolas Sarkozy. Car si l'Insee prévoyait effectivement en décembre dernier un recul de l'inflation (voici ce qu'étaient ses prévisions) au cours du premier semestre de 2012, la donne a changé.

 

D'abord, à la hussarde, le gouvernement a fait voter en décembre un relèvement de 5,5% à 7% du taux normal de TVA, qui pèse depuis le 1er janvier sur le pouvoir d'achat des Français, tout comme sur l'inflation. De surcroît, l'Elysée veut aussi imposer, toujours à la hussarde, le vote d'ici la fin de la session parlementaire, en faveur de la TVA dite sociale – qui est en réalité une TVA très anti-sociale. Et par-delà les questions sémantiques, on sait aussi ce qui pourrait en résulter : une nouvelle rafale de hausses de TVA, avec à la clef encore moins de pouvoir d'achat pour les ménages et plus d'inflation.

 

Certes, ce n'est pas à cette aune-là qu'il faut apprécier la sortie du gouverneur de la Banque de France. Sa mission devrait être d'appliquer strictement la loi – et la formule d'indexation qu'elle prévoit – et non de juger en opportunité. C'est la raison pour laquelle sa sortie est très préoccupante. Rien ne l'autorise à prendre des libertés avec les codes et règles de la République.

 

Il reste que cette possible transgression de la loi se double d'une faute économique et politique. Car ce mauvais coup intervient au moment précis où le pouvoir d'achat des Français est en train de flancher (lire Alerte, récession ! et Les 7 péchés du sarkozisme 2- L'avarice). Le premier souci du gouvernement et de l'Elysée devrait donc être de prendre des mesures pour soutenir ce pouvoir d'achat. En confortant le Livret A, qui est le produit fétiche des Français, puisque plus de 60 millions d'entre eux en détiennent un. Ou encore en soutenant le Smic. Ou enfin en évitant toute mesure fiscale qui frappe la consommation populaire.

 

Or, Nicolas Sarkozy a tout fait à rebours. Hausse en cascade de la TVA, refus depuis 2007 de tout coup de pouce en faveur du salaire minimum – ce qui est sans précédent depuis plusieurs décennies –, et maintenant mauvais coup contre le Livret A : cette présidence ne se soucie du pouvoir d'achat qu'en de rares circonstances. Seulement quand il s'agit du pouvoir d'achat de ses richissimes amis du Fouquet's.

 

Reste une question: que se passera-t-il si Christian Noyer passant à l'acte, un épargnant introduit un recours devant la justice administrative? En pleine campagne présidentielle, ce serait pour le moins cocasse...

 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 22:13

 

Leçon de morale 06/01/2012 à 18h18
Redchef adj Rue89

 

Une riveraine de Rue89 décide de contester une contravention pour stationnement gênant, parce qu'elle l'estime non gênant. A ce stade, c'est touchant, mais ça ne justifie pas un article.

Elle rédige une longue (et poignante, pour qui mesure l'inutilité de la performance) missive à l'officier du ministère public, le 10 octobre 2011.

 

Voir le document

(Fichier PDF)

 

Et elle reçoit une réponse, personnelle, le 2 janvier de cette nouvelle année, sous forme d'une leçon de morale sociale et fiscale. L'officier grenoblois du ministère public à qui elle avait raconté ses nombreux soucis financiers lui écrit :

« Votre situation fiscale devrait vous inciter à faire preuve de plus de vigilance quant au strict respect du code de la route... »

Notre riveraine estime « honteux que l'administration avoue que les riches sont au-dessus des lois. Qu'ils ont conscience qu'une même amende est facilement payée par un riche et durement par un “pauvre” ».

Voici le courrier de notre riveraine qui mérite vraiment d'être lu jusqu'au bout.

« Je vais vous parler de ma vie »

 » Pour vous expliquer ma démarche, je vais vous parler de ma vie.

Mercredi 5 octobre, comme depuis un mois maintenant, je suis en stage. C'est donc sur mon téléphone que je reçois le message suivant :

« Je suis passé devant ta voiture et tu as un PV. »

Un PV de 35 euros, cela peut sembler dérisoire… Mais pas pour moi. 35 euros pourquoi ? Car je suis garée devant chez moi, sur une place non matérialisée. Ni sortie de garage, ni place pour personnes handicapées en vue, juste une barre au sol, signifiant sans doute l'ironie d'un zébra.

« En effet, je n'ai plus de rétroviseur droit »

Non, je n'ai ni un garage, ni une place de parking privée et je ne me déplace pas non plus en stage avec ma voiture car le gazole c'est trop cher (ce n'est pas moi qui vais vous l'apprendre).

D'autant plus que j'ai « la chance » d'avoir un tarif préférentiel pour le tramway. Je ne paie que 14 euros par mois alors j'en « profite ».

Pour être sincère avec vous, je préfèrerais aller au « travail » en voiture, je ne mettrais pas 45 minutes pour aller de la caserne de Bonne à Echirolles. En plus, ma voiture serait stationnée toute la journée sur un parking sûr.

Mais il y a une autre raison pour laquelle je ne vais pas au travail en voiture. C'est que pour l'instant, je cours le risque d'avoir une autre contravention. En effet, je n'ai plus de rétroviseur droit. Je me suis levée un matin et il était cassé, côté trottoir, sans doute un passant énervé ou colérique qui n'a pas trouvé un autre moyen pour exprimer sa peine.

« En fait, c'est encore la voiture de ma maman »

C'est la deuxième fois cette année et je n'ai pas les moyens de m'offrir un rétroviseur tous les six mois. Comme je n'ai pas non plus les moyens de payer cette contravention de 35euros. D'ailleurs, je ne devrais pas dire « ma » voiture car c'est encore celle de ma maman.

Elle m'a payé ma voiture 2 600 euros il y a deux ans et je lui dois encore 1 600 euros. Je pensais pouvoir lui rembourser car je travaille l'été. Malheureusement, je privilégie le paiement de mes charges courantes : loyer, nourriture, EDF, GDF, téléphone. [...] [Un jour] je gagnerai assez bien ma vie pour prendre MA voiture pour me rendre au travail et la garer dans MON garage quand je rentrerai le soir.

Alors j'imagine déjà votre courrier de réponse : « Mademoiselle, selon
l'article R417-10 du code de la route, tout véhicule à l'arrêt ou en stationnement... [...].

“Cette contravention, je ne la paierai pas”

De toute façon, je ne vous demande pas d'accepter l'opposition que je fais à cette contravention mais sachez juste que je ne la paierai pas. [...]

Actuellement, je suis étudiante et mes parents n'ont pas les moyens de m'aider. Je fais des études pour me sortir de cette situation, je suis en master 2 et pourtant je me demande à quel salaire je vais pouvoir prétendre l'année prochaine : 1 600 euros ? 1 700 euros ? [...]

Voilà, j'espère que vous m'aurez lu. Je n'en serai jamais certaine puisque je n'ai pas les moyens d'envoyer ces courriers en recommandé avec avis de réception.

Alors comme pour le reste de ma vie, je vais miser sur ma (pseudo) chance. Par ailleurs, sachez que je me ferai un plaisir de participer à la solidarité nationale, de payer mes impôts ou des contraventions quand j'en aurai les moyens.[...]

Vous remerciant, peut être de m'avoir lu, je vous prie de croire, mesdames, messieurs, en ma sincère considération. »

La réponse de l'officier du ministère public

« Mademoiselle,

Vous m'adressez une correspondance qu'effectivement j'ai pris le temps de
lire, relative à une verbalisation relevée à votre encontre par le contrôle du stationnement de Grenoble. Il n'a pas été accordé de suite favorable à votre demande.

Je ne répondrai pas que “votre situation fiscale ne justifie pas le retrait de votre contravention”, mais plutôt que votre situation fiscale devrait vous inciter à faire preuve de plus de vigilance quant au strict respect du code de la route... Deux possibilités s'offrent à vous :

  • ou vous payez la contravention de 35 euros sous 45 jours [...] ;
  • ou vous souhaitez maintenir votre contestation malgré la présente décision, auquel cas votre dossier sera envoyé devant la juridiction compétence, ce qui entrainera en cas de condamnation, outre l'amende, des frais fixes de justice de 22 euros. »
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