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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 12:41
| Par Jade Lindgaard

Sans doute peu connu, Yves Marignac est l'un des experts sur l'énergie les plus actifs aujourd'hui en France. Consultant à but non lucratif sur les risques nucléaires et les politiques énergétiques, il rédige notes et études pour des acteurs institutionnels et associatifs. Il dirige Wise-Paris. Cette association a été fondée en 1983 pour mettre à disposition du public des informations sur l'énergie et faciliter ainsi le jeu démocratique. Il vient de contribuer au Manifeste Négawatt, livre tout juste publié par le réseau d'experts éponyme sur la manière de réussir la transition énergétique.

C'est le cinquième volet de nos entretiens en vue de la présidentielle de 2012, où nous demandons à des chercheurs et intellectuels de livrer leurs analyses.

Notre dépendance au nucléaire crée-t-elle un handicap pour le développement des énergies renouvelables, et plus largement, pour la transition vers un modèle plus économe et plus durable ?

Yves Marignac, à Paris, le 24 janvier 2012(JL) 
Yves Marignac, à Paris, le 24 janvier 2012(JL)

Yves Marignac. J’en suis convaincu. L’énergie dans un pays fait système. Il y a une imbrication très étroite entre l’organisation d’une société et son système énergétique. Le nucléaire, s’il ne représente qu’environ 17 % de l’énergie que nous consommons en France, est totalement structurant. Par exemple, la question des transports est éclipsée de presque tous les débats énergétiques, alors que la consommation d’énergie dans les transports n’a cessé de croître, et que notre gestion de l’espace s’est complètement organisée autour du tout-voiture.

Plus généralement, les grands acteurs du système ne savent pas appréhender la question énergétique dans le bon sens, c'est-à-dire en partant des besoins au lieu de l'offre.

Par ailleurs, la faillite de l'entreprise Photowatt, le retard français dans le développement de l’éolien, du photovoltaïque et de la biomasse, alors que la France possède le meilleur potentiel en Europe, ne s’expliquent que par le primat du nucléaire et la volonté de ne pas laisser ces alternatives lui prendre de la place. Ce n'est pas le nucléaire qui sert la politique énergétique mais l'inverse, d'où un débat systématiquement biaisé.

La France se caractérise par le monopole d’EDF sur le transport et la distribution de l’électricité – l’activité de production et de vente ayant été ouverte à la concurrence. Ce système unifié, intrinsèquement lié à notre conception du service public de l’énergie, ne rend-il pas difficile l’essor des énergies renouvelables ? Ne sera-t-il pas nécessaire de réformer ce système pour accélérer la transition énergétique ?

Autour de l’acteur EDF, on trouve une gestion unifiée du parc de production, du réseau de transport d’électricité, d’une très large partie de sa distribution mais aussi de l’ensemble des règles tarifaires – puisque une grande majorité des consommateurs restent dans le tarif régulé. Cela permet à l’acteur public de tirer toutes les ficelles. De là, tous les débats sur la réalité des coûts du nucléaire. Le tarif de l’électricité ne reflète pas les nécessités économiques en termes de coût de production, ni la nécessité des investissements massifs à venir dans la sûreté et le réseau. D’où la demande formulée aujourd’hui par EDF d’augmenter de 30 % les tarifs d’électricité.

Le système électrique est pensé en fonction du nucléaire et en défense de ce choix. La transition énergétique ne se fera pas sans réformer ce modèle. Historiquement, il s’est produit une sorte d’assimilation entre le choix nucléaire, le service public EDF et la protection des consommateurs français en termes de tarif d’électricité. Or il existe un capital énorme de sympathie pour le modèle du service public national, qui renvoie à l’héritage du Conseil national de la résistance. Ce sont des choses ancrées profondément, et qui sont intégrées comme participant de l’intérêt général. Le programme nucléaire est en partie assimilé à ce système.


Henri Proglio, PDG d'EDF, et Nicolas Sarkozy en 2010 (©Reuters) 
Henri Proglio, PDG d'EDF, et Nicolas Sarkozy en 2010 (©Reuters)

L’un des paradoxes de la situation actuelle, c’est qu’EDF s’éloigne de ce modèle, en se comportant de plus en plus comme un acteur privé jouissant d’un monopole public. Mais tout en conservant cette image extrêmement positive auprès des Français. EDF profite clairement de cette situation pour capter la rente que constitue le nucléaire historique et la détourner de l’intérêt général.

Une illustration de ce phénomène est donnée par la décision qu’EDF a prise, avec l’aval de son actionnaire l’Etat, fin 2010, d’inscrire dans le fond séparé de provisions pour le démantèlement futur des installations nucléaires la moitié de la valeur en actifs du réseau de transport d’électricité. Cela représente 2 milliards d’euros. Alors que ce fond est censé garantir les provisions disponibles pour le démantèlement, on y inscrit quelque chose qui, non seulement n’est pas disponible, et en plus fait partie des bijoux de famille de cet héritage de la nationalisation de 1946 !

Les Français ont payé le développement de ce réseau, paient sur chaque kWh des provisions pour le démantèlement. Mais cette décision va conduire, quand on va démanteler, à avoir le choix entre se séparer du réseau de transport, en clair le vendre au privé pour obtenir les liquidités, ou alors, payer le démantèlement une nouvelle fois ! Cela va, sans aucune contestation possible, contre l’intérêt général. Il n’y a eu aucun débat public sur le sujet.

Si l’on ajoute à cela le fait qu’EDF a comme principal intérêt aujourd’hui de défendre son parc nucléaire, de l’utiliser le plus longtemps possible à moindre coût, de résister au développement trop important des renouvelables et de la maîtrise de la consommation, on peut dire que ses intérêts vont contre l’intérêt général énergétique à long terme. Il y a donc un besoin urgent de réinventer un modèle pour le secteur, où l'on pourra préserver les acquis, en laissant de côté toutes les évolutions négatives des dernières années. L’acquis de service public est extrêmement important.

Ce qui manque, c’est le lien entre les échelons national et local. On a l’exemple de la mobilisation sociale dans la transition énergétique que facilite le caractère décentralisé du système allemand. Dès que les projets ont trait à une maîtrise publique locale ou coopérative, l’acceptabilité est beaucoup plus grande. Par exemple, il n’y a pas d’opposition aux fermes éoliennes développées dans le cadre d’une régie publique d’électricité.

On retrouve ici le lien auquel les Français sont attachés entre l’intérêt public et le développement des outils de production. Dans le cas du programme nucléaire, à partir du moment où l’équation économique est devenue mauvaise, et où le parc s'est trouvé en surcapacité, les choix faits se sont de plus en plus éloignés de l’objectif de moindre coût et de meilleur service pour la communauté. A l’inverse, au niveau local, le développement maîtrisé des outils de production peut se faire en lien avec les besoins. La décentralisation est indispensable car les gisements d’économie d’énergie et de renouvelables, qui sont à portée de main, sont locaux.

 

Le quinquennat de Nicolas Sarkozy a débuté avec le lancement du Grenelle de l’environnement, d’abord encensé comme le lancement d’un « new deal » écologique, mais décrié désormais par les associations et mouvements écologistes pour ses faiblesses. N’était-il pas dès le départ condamné à l’inefficacité, du fait d’avoir exclu le nucléaire de son périmètre de réformes ?

Le Grenelle a été un vrai moment de concertation et de construction d’un consensus sur la question énergétique, avec des avancées réelles dans la réflexion et les objectifs. Mais cet espace de discussion n’a pu fonctionner que par le choix initial de laisser le nucléaire hors du champ. C’était fou puisqu’on voit que le nucléaire structure tout le reste et, en même temps, je fus le premier à considérer à l’époque que c’était peut-être une façon d’avancer sur les deux priorités de la transition énergétique : l'action sur les consommations d'énergie et le développement des renouvelables.


Nicolas Sarkozy et Al Gore, octobre 2007, lors du lancement du Grenelle de l'environnement (©Reuters/Philippe Wojazer) 
Nicolas Sarkozy et Al Gore, octobre 2007, lors du lancement du Grenelle de l'environnement (©Reuters/Philippe Wojazer)

En fait, le paradoxe s’est avéré mortel. Une fois le Grenelle terminé, l’administration et les politiques ont fait l’addition du Grenelle et du choix du nucléaire, comme si ces deux choses étaient compatibles. En réalité, elles ne le sont pas. Cela s’est traduit par un scénario énergétique improbable, élaboré par la Direction générale de l'énergie et du climat du ministère de l’écologie. Pour la première fois, les pouvoirs publics ont proposé un scénario de baisse immédiate de la consommation énergétique. Sauf que leurs prévisions tablaient à la fois sur le maintien du niveau nucléaire et sur 20 % d’énergies renouvelables – requis par nos engagements européens. Le problème, c’est que la somme de ces projections conduit à un fort excédent d’électricité.

La conclusion du ministère a été de boucler le scénario par une augmentation sans fondement du solde exportateur. La France, qui a connu un pic d’exportations de 70 TWh au début des années 2000, devait parvenir à exporter presque le double, 130 TWh, ce qui est hautement improbable dans un marché beaucoup plus libéralisé et fluide. Quand j’ai demandé quelle étude fondait la faisabilité de cet objectif, la réponse a été : aucune. C’était une façon de ne pas reconnaître que ces objectifs du Grenelle et le statu quo nucléaire étaient en fait contradictoires.

François Hollande veut ramener la part d’électricité d’origine nucléaire à 50 % en 2025, contre 75 % aujourd’hui. Cet objectif vous semble-t-il cohérent ?

Il y a une ambiguïté sur l'objectif à plus long terme, et une incohérence à plus court terme. Nous sommes pris dans un jeu de contraintes créé par la vitesse de réalisation du programme nucléaire français – 80 % des réacteurs ont été mis en service entre 1977 et 1987 –, par la durée de vie prévue à la conception de ces réacteurs, et la remise en question de leur sûreté après Fukushima.

Un objectif de fonctionnement sûr de ces tranches après 30 ans et jusqu’à 40 ans est aujourd’hui tout à fait incertain, sans parler des projections au-delà. Les “stress test” le montrent bien : il y a tout un travail à faire de réévaluation des exigences de sûreté. Par exemple, le processus de vieillissement des cuves de certains réacteurs est bien connu, et il renforce le risque d’accident.

50 % d’électricité en 2025 – sous réserve que la consommation d’électricité se stabilise – signifie la fermeture d’un tiers du parc. Le problème, c’est qu'avant 2027, juste deux ans plus tard, ce n'est pas un tiers du parc actuel mais 80 % des réacteurs qui atteignent 40 ans. Il n’est pas réaliste d’imaginer fermer la différence, soit la moitié du parc, en deux ans, entre 2025 et 2027.

Donc cet objectif pour 2025 soit devra être revu avec plus d’ambition, soit conduira à la construction de nouveaux réacteurs ou entraînera la prolongation de la durée de vie d’une quinzaine de réacteurs au-delà de 40 ans. Un tel prolongement paraît en l’état des connaissances extrêmement risqué. Je crois que c’est sincèrement que François Hollande s’est orienté vers cette position qu’il a perçue comme un compromis. Mais le compromis avec la sûreté n’est pas possible.

 

Avec les experts de l’association Négawatt, nous avons calculé que l’horizon de fermeture du parc actuel, à la fois nécessaire du point de vue de la sûreté et raisonnable du point de vue de la transition énergétique, se situe entre 2030 et 2035.

C’est une fenêtre très étroite. Surtout, elle ne pourra être atteinte que si l’on prend très vite la bonne pente. C’est-à-dire si on ferme rapidement des réacteurs, parce que dans un système où le nucléaire est en surcapacité, il faut faire de la place physiquement et économiquement aux énergies renouvelables, et aux actions efficaces de maîtrise de la demande d’électricité.

Si on ne fait pas ça, s’il n’y a pas d’impulsion forte pendant la prochaine mandature, c’est là que le risque d’échec est réel. Et le risque de se retrouver confrontés dans une dizaine d’années à un choix impossible, entre fermer les réacteurs sans avoir mis en place les solutions alternatives, ou les prolonger dans des conditions de sûreté dont on ne pourra pas nier qu’elles sont extrêmement dégradées.

 

Presque un an après l’accident de Fukushima, la façon dont on débat de l’énergie en France s'est-elle profondément modifiée ?

Le changement pour les experts non institutionnels comme moi est manifeste. Le besoin d’expertise existait déjà avant. Mais le choc de Fukushima est plus profond que ça. Depuis des années, et même des décennies, la politique énergétique française était un non-sujet politique : le nucléaire était installé dans l’esprit des gens, même s'ils n'y étaient pas nécessairement favorables. Les décisions étaient confisquées, du fait que les responsables politiques déléguaient avec beaucoup de satisfaction cette question technique qui ne les intéresse pas fondamentalement aux administrations et au Corps des Mines.

Pendant trois, quatre décennies, la politique énergétique s’est donc construite sur la politique nucléaire. C’était insensible aux alternances politiques. Je crois que cette parenthèse historique s’est refermée avec Fukushima, qui a créé un besoin plus profond de se dire qu’une alternative au nucléaire est possible. C’est insupportable pour la société française de se sentir condamnée au choix nucléaire et condamnée, peut-être, à une catastrophe. C’est manifeste dans l’évolution de l’offre politique en vue des prochaines échéances électorales.


La centrale de Fukushima Daiichi, en novembre 2011 (©Reuters) 
La centrale de Fukushima Daiichi, en novembre 2011 (©Reuters)


Pourtant les intentions de vote pour Eva Joly, la seule candidate à mener aussi volontairement campagne pour la sortie du nucléaire, sont très faibles dans les sondages. 

Il y a peut-être un paradoxe. Ce besoin qui s’exprime se joue dans d’autres mouvements politiques que le mouvement écologiste. Il se joue dans les débats qui s’ouvrent en interne, et dans les évolutions des hommes et femmes politiques. On l’a vu notamment au Parti socialiste, dans le cadre de la primaire, avec les prises de position très engagées de Martine Aubry, et celles, moins radicales mais qui rompent avec les lignes antérieures, de François Hollande. Ségolène Royal s’est aussi plus ou moins prononcée pour une sortie du nucléaire.

Du côté de la gauche du PS, les choses évoluent aussi fortement. Le candidat du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, s’exprime pour une sortie du nucléaire mais compose avec un Parti communiste dont la ligne officielle reste la continuation du programme.

Un véritable espace de débat s’est donc créé. Mais on constate aussi l’inculture massive des acteurs médiatiques et politiques. Par exemple, la plupart d’entre eux ne connaissent pas la différence entre l’énergie primaire et l’énergie finale, qui distingue la quantité d’énergie mesurée au niveau de la ressource de celle de votre consommation. Or la différence est extrêmement importante car, entre les deux, se joue tout le rendement de la chaîne énergétique. C’est-à-dire, la quantité d’énergie nécessaire pour produire et transporter l’électricité à partir de l’uranium, du pétrole, ou d'un rayon de soleil…

Or en France, une large part du débat tourne autour de la façon dont on cache ou révèle la très mauvaise performance du nucléaire : seulement 33 % de l’énergie libérée dans la chaudière nucléaire est livrée sur le réseau. Si bien que des pertes massives de chaleur se dissipent dans nos rivières et dans les airs. Ce sont ces grands panaches de vapeur qui s’échappent des fameuses tours aéro-réfrigérantes des centrales nucléaires.

Cette inculture énergétique forte des acteurs politiques, des médias et du grand public permet à certains mythes fondateurs de perdurer. Comme celui de l’indépendance énergétique.

 

Pourquoi parlez-vous de mythe ?

L’indépendance énergétique mesure le ratio entre l’énergie produite et consommée en France. Pour la calculer, on compte l’énergie produite dans les centrales nucléaires, les centrales hydro-électriques, l’éolien, le photovoltaïque… que l’on rapporte à ce que l’on consomme, déduction faite de la part d’électricité qu’on exporte. On y ajoute, enfin, tout le pétrole, le gaz et le charbon qu’on importe pour faire fonctionner nos voitures et nos chaudières.

Le chiffre officiel, c’est que la France produit à peu près 50 % de l’énergie qu’elle consomme. Ce taux a doublé par rapport à l’époque du premier choc pétrolier, où il était environ de 25 %. Or derrière cette vision très favorable, il y a deux conventions éminemment contestables : la première, c’est de prendre en compte l’énergie primaire et non l’énergie finale. Du coup, toute la chaleur gaspillée par les réacteurs du fait de leur mauvais rendement est comptée comme une énergie qu’on est content d’avoir produite et consommée. Le paradoxe, c’est que si on avait des réacteurs encore moins performants, avec 10 % ou 5 % de rendement seulement, on augmenterait complètement artificiellement cette indépendance énergétique !

La deuxième convention majeure dans ce calcul, c’est de considérer que l’énergie nucléaire est produite en France, en évacuant le fait que l’uranium qui sert à la produire est totalement importé. Ainsi, quand vous importez du pétrole brut, que vous le raffinez en France, et que vous le brûlez dans une centrale thermique pour produire de l’électricité, c’est comptabilisé comme une importation d’énergie. Mais quand vous importez de l’uranium, que vous l’enrichissez en France, et que vous l’utilisez dans une centrale pour fabriquer de l’électricité, c’est une production domestique.

Résultat : si on remplace ces deux conventions par un calcul en énergie finale, et en comptant l’uranium comme une énergie importée, on n’est plus sur une hausse de 25 % d’indépendance énergétique en 1973 à 50 % aujourd’hui, mais sur une baisse de 30 % en 1973 jusqu’à 15 % seulement aujourd’hui.

Ces deux conventions sont par nature deux représentations discutables du réel. Mais a minima, la seconde me paraît mieux représenter les enjeux de la situation actuelle. C’est un débat que les associations et les experts non institutionnels portent depuis des années. La comptabilité officielle ne changera pas parce que ce chiffre de 50 % a pris au fil des ans le statut d’un mythe. Il n’est plus discutable et sert de justification absolue à la poursuite du programme nucléaire. L’existence d’un lobby fort d’un côté, et l’inculture générale de l’autre, permettent de maintenir des biais incroyables dans l’analyse statistique de notre bilan énergétique.


Carte de France des centrales nucléaires (©ASN) 
Carte de France des centrales nucléaires (©ASN)

Pensez-vous que le nucléaire puisse jouer un rôle d’énergie de transition ?

La question est en effet aujourd'hui de savoir si le nucléaire, dont on ne peut plus raisonnablement soutenir qu'il est durable dans sa forme actuelle, est une énergie du passé ou une énergie de transition qui a sa place pour aller vers un autre système énergétique. Comme nous l'avons vu, le nucléaire est dans le cas de la France un obstacle à la transition énergétique.

À l'inverse, le pays le plus engagé aujourd’hui dans la transition énergétique est l’Allemagne. Il y a une cohérence entre la volonté réaffirmée de sortir du nucléaire, les ambitions que l’Allemagne se donne dans la maîtrise de l’énergie et la montée des renouvables, et un lien évident avec la façon dont les acteurs – la société civile, les politiques, les industriels – se mobilisent pour atteindre ces objectifs.

Ce qui est très frappant quand on compare les discours, c’est qu’en Allemagne les orientations politiques sont portées par une vision à long terme. En France, la vision qui structure la politique énergétique, c’est l’ambition de maintenir le choix nucléaire. On est allé au bout de cette perspective avec 75 % de nucléaire dans l’électricité, ce qui est sans équivalent dans le monde. On a poussé aussi loin que possible les usages de l’électricité, parfois de la façon la plus absurde comme avec l’équipement massif des bâtiments en chauffage électrique.

Ce système est à bout de souffle. Sa prolongation n’est pas une perspective pour faire avancer la donne énergétique.

On le voit dans l’évolution du bilan énergétique : nous ne parvenons pas à atteindre les objectifs que nous nous fixons. Part des renouvelables en 2010 fixée par la loi POPE en 2004, objectif de renouvelables et d’économies d’énergie pour 2020, horizon de diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre en 2050 : nous ratons ces échéances ou sommes en mauvaise voie pour les respecter. Cela montre bien que le système n’est pas mobilisé vers les objectifs fixés. Il n’y a pas de tendances claires. Alors que la transition énergétique est chaque jour un peu plus une urgence, la seule tendance, c’est le statu quo.

 

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 12:28

 

Rue89 - Hep ! Facteur ! 06/02/2012 à 12h10
Florent Hayet | Etudiant a 3IS
 

Une poupée sur une boîte aux lettres (Marc Lagneau/Flickr/CC)

Ulrich et Gabrielle habitent une ferme perdue dans les collines de l'Ariège. Pour éviter de se déplacer jusqu'à la boîte postale la plus proche, à 5 km, ils ont trouvé l'astuce :

« Nous accrochons une pince à linge au clapet de notre boîte aux lettres, avec le courrier à l'intérieur. C'est une sorte de code : quand le facteur passe pour sa tournée quotidienne, il sait qu'il a une lettre à ramasser. Parfois, on laisse un peu de monnaie dans la boîte et c'est lui qui pose le timbre. »

La Poste, après avoir fermé ses bureaux de poste dans les campagnes, y fait disparaître les boîtes postales. Dans certains hameaux isolés, adieu les sorties pour mettre le courrier dans la boîte jaune de la place du village.

« C'est la rentabilité avant tout “

Jacques Drouhin, maire de Flagy et président de l'Association des maires ruraux de Seine-et-Marne, tente de voir le bon côté des choses :

‘Heureusement, il existe encore un esprit d'entraide dans les villages. Pour aller poster le courrier, on peut encore compter sur son voisin ou sur la secrétaire de mairie !

Mais il dénonce une véritable dégradation du service public dans le milieu rural’ :

‘Mauvaise distribution du courrier, moins de boîtes aux lettres, fin des cabines téléphoniques... c'est la rentabilité avant tout. Conséquence : les habitants se retournent vers le maire qui doit trouver des solutions.’

La Poste nie vouloir supprimer les boîtes aux lettres, et parle d'un ‘redéploiement’ :

‘Nous mettons les boîtes aux lettres là où les gens en ont l'utilité. Le chiffre de 130 000 boîtes postales en France reste stable. On a environ une boîte pour 500 habitants, c'est le ratio le plus élevé d'Europe. Alors quand on constate que la boîte n'est pas suffisamment remplie, nous décidons de la supprimer.’

L'entreprise de service public explique que la décision de suppression d'une boîte se fait dans les bureaux de poste, après ‘plusieurs instances de concertations entre les PTT et les élus locaux’.

La Poste faut sauter les boîtes, on attend le facteur

Une affirmation contestée par plusieurs élus. A Villeneuve-le-Comte, un village de Seine-et-Marne, la boîte aux lettres a été retirée sans aucune concertation avec la commune.

Les arguments avancés au maire sont confus : d'abord, la boîte est dite en ‘réparation’, puis, contactée par la mairie, La Poste évoque un ‘risque routier’ à l'endroit où elle est implantée, avant d'expliquer que la boîte n'était ‘pas rentable’. Le courrier se conclut par une phrase digne d'une entreprise privée :

‘En tant qu'entreprise responsable, La Poste se devait de maintenir une rentabilité économique afin de conserver son modèle social et la pérennité de son activité.’

Pourtant, la loi française rend obligatoire l'implantation d'une boîte aux lettres à moins de dix kilomètres de toute habitation. Les personnes âgées et à mobilité réduite seront-elles obligées de parcourir plusieurs kilomètres pour poster leur déclaration d'impôts ? Au service communication de La Poste, on a une parade :

‘Les habitants isolés des zones rurales pourront toujours donner leur courrier au facteur, lors de sa distribution.’

Autrement dit : si vous n'avez rien à faire de votre journée, attendez le passage du facteur...

 

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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 17:25

LEMONDE | 04.02.12 | 14h55   •  Mis à jour le 04.02.12 | 17h16

 
 

Ni Nicolas Sarkozy, ni François Hollande, ni François Bayrou n'ont la solution miracle pour comprimer les 61 milliards d'euros de dotations aux collectivités locales, soit 20 % des dépenses de l'Etat. Pour sortir du déficit budgétaire, réduire ces concours reste pourtant un objectif impérieux.

Le ministère de l'économie souhaite les baisser de manière drastique. Dans la feuille de route de Bercy baptisée "Stratégie pluriannuelle des finances publiques"pour supprimer le déficit en 2016, il est prévu 6 milliards d'euros de dotations en moins sur la période. Le programme de l'UMP va jusqu'à promettre 10 milliards d'économie sur cinq ans.

Mais cet objectif paraît peu réaliste. A chaque coup de semonce contre leurs ressources, les associations d'élus sonnent le tocsin. "Réduire les dotations n'aurait qu'un effet très marginal sur la dette de l'Etat, mais contribuerait à accroître le chômage", prévient Michel Destot, président (PS) de l'Association des maires des grandes villes de France. A l'envi, les élus locaux répètent que les collectivités assurent 71 % de l'investissement public et remplissent les carnets de commandes des BTP.

Le gouvernement est toutefois parvenu à geler les dotations jusqu'en 2014. Mais le président de la République veut aller plus loin et brandit la menace de les "moduler" en fonction de "la sagesse" des collectivités "en matière de création de postes de fonctionnaires". Une telle mesure a toutes chances de se heurter au principe constitutionnel qui garantit la libre administration des collectivités locales. Le gouvernement n'a, par ailleurs, pas le mode d'emploi : "La modulation des dotations sur des critères de bonne gestion, on ne sait pas faire", prévient Jacques Pélissard, le patron (UMP) de l'Association des maires de France.

 

L'ETAT SUPPLÉÉ

Si l'Etat ne peut peser brutalement sur les dotations, il peut en revanche inciter les élus à baisser leurs dépenses. C'est la solution que préconise Gilles Carrez, président du Comité des finances locales. Moins les collectivités déboursent, explique le député (UMP) du Val-de-Marne, moins les impôts locaux grimpent, moins les dotations de l'Etat pour compenser les dégrèvements ou allégements de fiscalité locale destinés aux ménages et aux entreprises augmentent. Elles s'élèvent déjà à plus de 11 milliards d'euros.

Mais enclencher ce cercle vertueux n'est pas facile. François Bayrou s'engage à limiter la croissance des dépenses des "collectivités à 1 point, en volume", dit Robert Rochefort, vice-président du MoDem. Sans dire comment. François Hollande est moins draconien. Il garantit le maintien "des dotations à leur niveau actuel". Exclure toute hausse est déjà ressenti comme un effort par les collectivités, qui suppléent de plus en plus l'Etat dans ses missions, fait valoir l'équipe du candidat PS.

Béatrice Jérôme


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4 février 2012 6 04 /02 /février /2012 16:20

Économiste dialoguant avec la philosophie et les penseurs de la décroissance, Christian Arnsperger est l’auteur de L’homme économique et le sens de la vie. Petit traité d’alter-économie. Un titre de la collection « Petite Encyclopédie Critique » des éditions Textuel...

 

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Beaucoup de défenseurs du capitalisme ne voient pas clairement ses effets néfastes – écologiquement, socialement, humainement – et sont en tout cas convaincus que les vertus de ce système continuent à l’emporter sur ses défauts. Ce sont plutôt eux, les adolescents … Car en réalité, nous sommes entrés dans une phase dangereuse où les avantages mêmes de l’économie de marché capitaliste commencent à nous nuire. Elles se retournent notamment contre les cadres eux-mêmes, et bien souvent aussi contre les managers et les entrepreneurs. Ceux-ci devraient se voir de plus en plus comme les alliés des ouvriers et des employés dans une critique anthropologique et existentielle du capitalisme.

 

Critique anthropologique : nos objections au capitalisme vont devoir s’ancrer de plus en plus dans une réflexion sur l’humain, sur la condition humaine, sur ce qui nous permet d’être humains les uns envers les autres ou nous en empêche. Critique existentielle : nos révoltes envers le capitalisme auront à s’enraciner de plus en plus dans notre quête d’un sens de l’existence, d’un rapport heureux à nous-mêmes et entre nous. On peut paraphraser le mot « anthropologique » par ayant un rapport avec la question de l’humain et le mot « existentiel » comme ayant un rapport avec le sens de la vie.

 

L’une des marques du non-sens est que l’on continue à faire des choses qui ont depuis longtemps perdu leur sens initial. On est sur un mode mécanique, on continue à faire ce qui est convenu sans plus très bien savoir pourquoi on est là. S’éveiller à la réalité du non-sens peut être très douloureux. Dans les cas les plus extrêmes – qui, s’en étonnera-t-on, deviennent de plus en plus fréquents dans le climat économique d’aujourd’hui – l’éveil est empêché par l’addiction : on ne parvient pas à s’éveiller parce que cela signifierait purement et simplement la fin de ce que nous ressentons comme Notre Vie, avec un « N » et un « V » majuscules. Pour celui qui est « accro », s’éveiller veut dire mourir.

 

Toutefois, même dans les cas moins extrêmes où l’éveil impliquerait un inconfort passager, rester dans les mécaniques convenues est un moyen d’éviter, de fuir la douleur du non-sens. La meilleure parabole pour illustrer cela se trouve dans Le Petit prince de Saint-Exupéry, quand le petit garçon demande à l’ivrogne ce qu’il est en train de faire. « Je bois », répond l’homme. « Et pourquoi bois-tu ? », rétorque le petit prince. « Pour oublier. » « Pour oublier quoi ? » La réponse de l’homme perce alors le cœur du lecteur : « Pour oublier que je bois. » N’avons-nous jamais vécu ce genre de dialogue intérieur ?

 

La critique, une fois devenue anthropologique et existentielle, cesserait-elle d’être idéologique ? Pas du tout. Elle l’est forcément ; elle ne peut pas ne pas l’être. Quiconque prétend penser a besoin d’un cadre, de principes directeurs, d’orientations qui permettent à la fois de raisonner et d’agir. En ce sens neutre, l’idéologie est une nécessité existentielle. Mais nous sommes aujourd’hui entrés dans une situation inédite où, en raison des acquis de trois siècles de capitalisme et de l’aiguisage des techniques de performance, de productivité et d’efficacité, la scission entre idéologie pro-capitaliste et idéologie anti-capitaliste nous traverse chacun et chacune, personnellement. Nous sommes doubles, nous sommes dédoublés, nous sommes tiraillés.

 

Nos sociétés contemporaines nous immergent depuis des siècles dans un système capitaliste, dans une culture capitaliste et dans une existence capitaliste. Loin de n’être qu’un ensemble de règles et de mécanismes, le capitalisme nous propose bel et bien un rapport intime à nous-mêmes, une visée de sens et de dépassement. Dans le contexte qui est le nôtre, chaque personne est habitée par un « capitaliste intérieur » et un « alternatif intérieur ».

 

Dès lors, c’est bien en menant de front, simultanément, les aspects de changement anthropologique individuel avec les enjeux collectifs de la transformation institutionnelle, qu’on pourra entrevoir l’autre économie, l’autre richesse – celle qui est associée à notre condition humaine et aux valeurs de notre modernité, mais que le capitalisme social-démocratique nous a fait perdre de vue.

 

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Christian Arnsperger est l’auteur de L’homme économique et le sens de la vie. Petit traité d’alter-économie (144 pages, 9,90 euros, octobre 2011). Il est maître de recherche au Fonds national belge de la recherche scientifique et professeur à l’Université catholique de Louvain. Il a notamment publié aux éditions du Cerf : Critique de l’existence capitaliste (2005) et Éthique de l’existence post-capitaliste (2009).


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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 17:03
| Par Mathieu Magnaudeix
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Le 7 février, les inspecteurs du travail seront en grève dans toute la France et manifesteront à Paris, en souvenir de leur collègue Romain Lecoustre. Ce jeune inspecteur du travail de 32 ans (photo) s'est pendu chez lui, à Bauvin (Nord), le 18 janvier 2011. Dans la journée, il était passé dire bonjour à sa famille, avant de se rendre au magasin de bricolage pour acheter le matériel nécessaire à son geste fatal. « Ce n'était pas un suicide sur un coup de tête », explique son frère Pierre, 44 ans.

 

 
© DR

Fin juillet 2011, Romain, alors en poste à Arras (Pas-de-Calais), avait déjà tenté de mettre fin à ses jours. Le jeune fonctionnaire, par ailleurs militant syndical Sud, n'était pas un garçon à problèmes. « Il avait une vie normale, il sortait beaucoup, faisait énormément de voyages », raconte son frère. Pour sa famille comme pour les syndicats, pas de doute : bien qu'il ait été muté à Lille (Nord) en fin d'année dernière, le geste est lié à ses conditions de travail à Arras. « Selon les éléments dont nous disposons, nous pouvons dire que ses conditions de travail et son environnement étaient difficiles », admet Joël Blondel, le DRH du ministère du travail interrogé par Mediapart, qui refuse « à ce stade » de se prononcer sur la responsabilité de l'administration dans cette mort.

Lors de ses obsèques, mardi 24 janvier, les collègues se sont déplacés en masse. Deux jours plus tard, ils ont manifesté leur colère devant les locaux de la Direction régionale du travail (Direccte) du Nord. « Romain est quelqu'un de perfectionniste et volontaire (…), solide », « toujours disponible et à l'écoute », « mais son découragement, les contrariétés emmagasinées au travail ont eu raison de sa résistance », avait témoigné en septembre 2011 une de ses collègues dans une lettre adressée à la Direction générale du travail. Elle qui le côtoyait tous les jours à Arras le décrivait alors « désemparé », « profondément blessé ».
 

« Il n'y a de doute pour personne sur la nature professionnelle de son mal-être, ni sur les causes de son suicide, explique un tract intersyndical daté du 20 janvier. C'est bien le travail, ses conditions d'exercice et l'environnement hiérarchique qui sont ici clairement responsables de la dégradation profonde de son état de santé, qui l'a conduit à la mort. » Depuis sa tentative de suicide, Romain se battait pour la faire reconnaître comme un accident de service, l'équivalent de l'accident du travail dans la fonction publique.

Cruelle ironie toute bureaucratique : sa demande est examinée ce vendredi 3 février. A titre posthume.

Le 4 mai 2011, un inspecteur du travail, Luc Beal Rainaldy avait mis fin à ses jours dans les bureaux de la direction générale du travail, Quai de Javel, à Paris. Ses camarades du SNU-TEF-FSU, dont il était le secrétaire national, avaient alors pointé le « rythme effréné des réformes, qui broient les services de l’Etat et leurs agents et détruisent les valeurs du service public », et « l’incessant simulacre de dialogue social » ayant « conduit Luc à l’épuisement et à une impasse ». Dans ce dossier, une commission d'enquête doit rendre ses conclusions mardi 7 février lors d'un comité hygiène et sécurité au ministère. Y sera également évoqué le suicide de Romain Lecoustre.

Selon le ministère du travail, sept agents (dont trois inspecteurs du travail) ont mis fin à leurs jours depuis 2007. Deux se sont tués sur leur lieu de travail. A Arras, Romain Lecoustre avait lui-même repris les dossiers d'un inspecteur qui s'était suicidé en décembre 2009.

Aucun de ces suicides n'a été reconnu comme accident de service, confirme le ministère.

« Politique du chiffre »

« Il y a urgence, s'inquiète Lise Rueflin, membre du secrétariat national SNU-TEF-FSU au ministère du travail. C'est le quatrième suicide en trois ans lié de près ou de loin à un problème au travail, et l'on voit partout des gens en situation de mal-être. »

Dans chaque région, les agents ont rédigé une quarantaine de cahiers de doléances transmis à la direction régionale, qui décrivent longuement la souffrance des agents, le sentiment d'une perte de sens de leur métier. Outre les agressions dans les entreprises (en 2004, deux agents de contrôle avaient été tués par un exploitant agricole de Dordogne), l'inspection du travail vit de profonds changements depuis 2006 sur fond de RGPP et de « modernisation ». En 2009, les inspections du travail ont été fusionnées, des directions régionales (les Direccte) ont été créées l'année suivante. Parallèlement, le contrôle hiérarchique a été renforcé, restreignant parfois l'autonomie au travail. Une « politique du chiffre » vécue bien souvent comme une « reprise en main », selon Lise Rueflin.

« Les contradictions deviennent majeures entre l'injonction à faire du chiffre de la hiérarchie, et la multitude de courriers, d'appels et de mails que nous recevons chaque jour », explique Jérôme, un collègue de Romain qui militait avec lui à Sud. « Il faut de plus en plus mettre des bâtons, rendre compte de son activité et pendant ce temps les dossiers s'accumulent. Du coup, on est en conflit dans l'entreprise avec les employeurs qui ne respectent pas le droit du travail, et on est aussi en conflit dans notre propre administration avec la hiérarchie. »

Romain Lecoustre était un inspecteur du travail prometteur. Entré dans l'administration depuis 2002, il avait réussi haut la main le concours d'inspecteur du travail, était sorti major de sa promotion. Début 2010, il est envoyé à Arras. Depuis des années, le service marche très mal. L'arrivée d'un nouveau directeur a encore aggravé la situation. En juin 2010, un médecin du travail alerte sur la « souffrance au travail » parmi le personnel. Il évoque déjà des « modifications organisationnelles et structurelles profondes, posant question sur le sens du travail et affectant le collectif », une « importante charge mentale », l'impression de « ne pas être assez soutenus et/ou reconnus dans leur travail ».

Sur demande du CHSCT régional, composé de représentants du personnel et de représentants de la hiérarchie, une enquête sur les conditions de travail est alors lancée sur les sites d'Arras, Maubeuge et Dunkerque. Rendue en septembre 2011, l'expertise décrit un manque cruel de moyens et d'appuis, « la rupture du dialogue avec la hiérarchie » qui, bien souvent, ne reconnaît pas le « travail réel » des agents.

Au sein du (petit) service inspection d'Arras, les experts comptent quatre départs en un peu plus d'un an. Ils détectent une « situation de tension avec le supérieur hiérarchique, de mal-être, de stress, sources de souffrance au travail », pointent « une perte d'autonomie et un contrôle accru », « l'absence de soutien du supérieur hiérarchique voire des désaveux publics », « des désaccords sur le sens des missions du service et sur la façon dont on les conduit ». Autant de signes d'une « situation pathogène », concluent-ils.

De mars 2010 à octobre 2011, Romain Lecoustre vit un enfer. Dans un long document de six pages retrouvé dans ses affaires personnelles, il a relaté avec précision son parcours à Arras. Il raconte les premiers incidents avec son supérieur, dès octobre 2010, et les premières crises d'angoisse. La direction lui reproche de ne pas faire « assez de procès-verbaux ». Il fait état de plusieurs incidents avec la hiérarchie, de « propos dégradants » émanant de plusieurs supérieurs. «Vos chiffres à Arras sont mauvais, les plus mauvais du Pas-de-Calais. Ah ah c'est mieux de râler plutôt que de travailler», lui dit une responsable, qui lui reproche un «excès de zèle», Romain ayant alerté un jour sur l'existence d'amiante dans un bâtiment. En réalité, Romain n'avait pas été formé à l'outil logiciel qui permettait de rentrer ses résultats. Deux comptes informatiques avaient été ouverts à son nom, une situation qui n'avait jamais été réglée et empoisonnait son quotidien.

La surcharge de travail devient ingérable : entre manque d'effectifs, collègues assurant des formations ou absents, il n'est pas rare que Romain, « submergé », s'occupe au printemps 2011 de plusieurs autres secteurs géographiques que le sien. Il dit avoir dépensé sur ses propres deniers « plus de 300 euros de documentation », utile pour son activité, que l'administration ne lui a pas fournie. Ses journées s'allongent, il prend l'habitude de ramener à la maison des dossiers le soir et le week-end.

Premier « burn-out » en mai, suivi d'une période de congé pour décompresser. Les tensions avec le supérieur hiérarchique, qui lui reproche de ne pas tenir ses objectifs, s'accumulent. «Lorsque je lui parlais de mes dossiers, je n'obtenais que critiques, remarques qui m'ont progressivement fait perdre confiance en mes qualités professionnelles», écrit-il. Le 27 juillet, Romain est agressé par un employeur pendant un contrôle. «Dans la nuit du 28 au 29 juin, j'ai tenté de mettre fin à mes jours étant complètement épuisé, déprimé et dégoûté.» La direction locale ne l'entoure guère. «Personne, excepté madame G., ne prend de mes nouvelles», écrit-il.

« Psychologiquement, il était resté à Arras »

Sa tentative de suicide crée un choc parmi les personnels. Sud et la CGT dénoncent alors dans une lettre à la directrice régionale la «dégradation de ses conditions de travail qu'il subit depuis plus d'une année», situation dont «la hiérarchie locale n'a jamais pris la mesure et dont elle a au contraire aggravé l'impact sur la santé mentale par ses remarques dégradantes (…) et son obsession maladive pour les remontées chiffrées», des «vexations, déstabilisations», et l'absence de mesures de la direction régionale malgré les alertes. «Le risque grave de voir se reproduire les choses est réel», écrivent, prémonitoires, les syndicalistes.

D'après ses proches, Romain Lecoustre n'a alors plus qu'une idée en tête : faire reconnaître la souffrance vécue à Arras. Il espère pendant de longs mois que sa tentative de suicide va être requalifiée en accident de service. Dans le même temps, il demande sa mutation à Lille. Mais il vit mal l'absence de sanctions envers son chef à Arras, «exfiltré» en décembre au ministère du travail à Paris – en dehors des mouvements de mutation, selon un syndicaliste.

Le 4 octobre au soir, Romain Lecoustre envoie un e-mail à plusieurs collègues, que nous avons pu consulter. Il vient d'apprendre sa mutation à Lille. «Je suis content mais c'est largement en dessous de ma tristesse (…). Moi j'y pense tous les jours, j'en rêve la nuit plutôt je fais des cauchemars de [le nom de son supérieur], de ma hiérarchie. Depuis mars 2010 c'est comme ça. Vous trouvez ça normal que c'est l'agent qui vit ça, qui doit se casser ? (…) On bouge le pion et on passe à une nouvelle partie (…) Depuis ma titularisation à Arras j'ai plongé dans un stress réactionnel de plus en plus violent.» Il dénonce à nouveau la «politique du chiffre»dit aussi son sentiment d'être «montré du doigt» à cause de son appartenance syndicale.

A sa famille, Romain parle peu de ses problèmes au travail mais «il répétait à notre mère que jamais il n'oublierait ce qu'ils lui avaient fait à Arras», raconte son frère Pierre. «Depuis sa mutation, le 1er novembre, ça se passait super bien, on pensait que ça allait mieux. En fait, il avait quitté Arras physiquement, mais psychologiquement il y était encore.»

Selon plusieurs collègues de Romain Lecoustre, la direction régionale n'a pas pris assez tôt la mesure du problème. «Il y avait un déni», explique un militant syndical. Une vision contestée par Joël Blondel, directeur de l'administration générale et de la modernisation des services (DAGEMO), autrement dit le DRH du ministère du travail. «La directrice régionale avait pris des dispositions : elle avait entamé une démarche de prévention des risques psycho-sociaux et donné son aval au CHSCT régional pour le rapport d'expertise.»

Le DRH, qui vient d'être nommé en septembre 2011 quand il reçoit le dossier de Romain Lecoustre, admet toutefois avoir découvert une «situation difficile, plus difficile que je ne l'aurais imaginé». Le ministère du travail confie alors une enquête à l'inspection générale des affaires sociales (IGAS). La commission de réforme, qui examine les dossiers d'accidents de service, est saisie.

Romain Lecoustre vit mal cette période, à commencer par les longs délais administratifs. «Je peux comprendre le ressenti exprimé par M. Lecoustre, mais il n'y avait aucune volonté de la part de l'administration de retarder les échéances, répond Joël Blondel. La commission de réforme ne pouvait statuer qu'en ayant connaissance du rapport de l'IGAS.» Le DRH reconnaît toutefois que les délais auraient pu être plus courts : «Il a obtenu sa mutation à partir du 1er novembre, sans doute aurions-nous pu gagner quinze jours ou un mois

Rendu en décembre, le rapport de l'IGAS, dont nous avons pu prendre connaissance, est implacable. Huit pages sont consacrées à la situation personnelle du jeune inspecteur du travail. «M. Lecoustre a vécu une situation de souffrance au travail que sa hiérarchie n'a pas su éviter, voire a renforcée», conclut-il. Son supérieur de l'époque est directement mis en cause. 

Le rapport de l'IGAS, dont Romain avait eu connaissance, n'a pas vocation à être rendu public, explique-t-on au ministère.

Le ministère du travail n'exclut pas des sanctions personnelles. «Nous verrons, il faut faire une appréciation objective de la situation, explique Joël Blondel. Le rapport IGAS n'a pas caractérisé de faute qui justifierait une sanction disciplinaire individuelle.»

Le DRH promet des mesures. «L'organisation et les méthodes de travail ont connu des modifications importantes ces dernières années. Elles avaient pour objectif de rendre plus efficace l'action de l'inspection du travail notamment par le développement d'actions collectives. ll faut qu'avec les représentants du personnels nous réfléchissions à ne pas créer de difficultés et de situations inacceptables pour les agents. Mais je ne partage pas le point de vue selon lequel les objectifs fixés relèvent d'une logique purement quantitative et de comptage aveugle.» Selon le ministère, les agents n'ont pas d'objectifs individuels mais «une moyenne de référence». «Il est possible que cela ait été mal compris par des agents ou par la hiérarchie dans certains cas», admet Joël Blondel.

De son côté, la famille de Romain Lecoustre a déjà pris rendez-vous avec un avocat. «Je ne sais pas encore si on va attaquer une personne en particulier, l'institution ou les deux. En tout cas, nous n'en resterons pas là. Si nous le pouvons, nous irons au pénal», promet le frère de Romain.

 

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 16:43
| Par rachida el azzouzi

Des salariés sur la défensive qui refusent toute interview, un syndicat majoritaire, la CFDT, aux abonnés absents malgré des coups de fil et des messages intempestifs, une direction tout aussi fermée... Difficile de réaliser un reportage à « Cofinoga city » en Gironde, cette ville de 2.000 employés dans la zone industrielle de Mérignac, siège de l'une des marques les plus connues de crédit à la consommation. Deux semaines après l'annonce de la suppression de 433 postes au sein du groupe Laser-Cofinoga, dont 368 sur le seul site girondin, son plus gros centre opérationnel, soit un cinquième de l'effectif, la tension est vive dans les services, le mutisme de rigueur.


 
© Rachida El Azzouzi


Ce mercredi 1er février, à l'heure de la pause déjeuner, dans le restaurant d'entreprise plein à craquer, pas un employé n'accepte de se livrer à la presse. De peur ou de colère. Quand ils ne se réfugient pas derrière un glacial « je n'ai rien à déclarer, je suis ni démotivé, ni inquiet », ils en veulent aux journalistes. « Vous êtes tous pareils, vous donnez une image très négative de Cofinoga », maugréent, dans leurs écharpes, deux dames, attablées devant un café. « A cause de vous, on se fait insulter. Sur les forums et au téléphone, les gens nous accusent d'avoir surendetté les Français et nous disent "bien fait pour vous" », peste, une table plus loin, une autre salariée. Entourée par trois collègues qui hochent la tête, elle ressort des commentaires incendiaires déposés sur le site internet du journal local Sud-Ouest.

Dans le local de la CGT, la seule organisation syndicale qui acceptera de répondre à nos sollicitations, ces réactions à vif ne surprennent pas. « L'ambiance est délétère dans les services. On navigue à vue. La direction entretient le flou le plus total. Les salariés pensaient être fixés avec le CCE (comité central d'entreprise) du 30 janvier mais il a été annulé in extremis et reporté au 13 février. Depuis, chacun se replie dans sa bulle, attend les résultats de la loterie et préfère ne pas faire de vagues par crainte d'être dans le collimateur », témoigne Sébastien Robert, élu au comité d'entreprise.
 

En désaccord avec la CFDT, absente de l'intersyndicale (CFDT-CFTC-SNB/CFE-CGC), la CGT, qui représente 19 % des salariés, fait bande à part. Elle aimerait mobiliser les troupes, lancer une grève. « Mais dès qu'on parle de débrayage, la CFDT s'oppose et le salarié craint d'être mal vu. C’est pas demain la veille que vous verrez des palettes brûler devant l’entreprise. On n’est ni à Continental, ni chez Ford », déplore Yann Castaing, un autre élu CGT.

« Cofinoga, c'est des micro-entreprises dans l’entreprise avec beaucoup de couloirs. Chacun prend le sien. Dans les services concernés par le PSE (plan de sauvegarde pour l'emploi), ça chauffe. On commence à se regarder en chiens de faïence, à se placer auprès du chef pour sauver sa peau, à dénoncer le voisin qui travaille moins que l’autre. La direction aime bien ça : diviser pour mieux régner. Dans les services où il n’y a rien à craindre, on s’en fout. C’est à l’image de la société individualiste, chacun pour soi », abonde Sébastien Robert.

 

 
© Rachida El Azzouzi

 

Les salariés se renferment. Les syndicats s'interrogent et accusent la BNP, actionnaire à 50 % avec les Galeries Lafayette, de vouloir sacrifier Cofinoga au profit de son concurrent Cetelem, que la banque possède à 100 %. Ils ne comprennent pas pourquoi Laser-Cofinoga, la maison mère qui affichait un bénéfice de 30,8 millions d’euros, au premier semestre 2011 (en chute de 48 % par rapport à l’année précédente), décide de réduire la voilure et prétexte les effets négatifs de la loi Lagarde encadrant plus fermement le crédit revolving depuis 2010.
 

Certes, Cofinoga, qui a fait du crédit renouvelable un de ses produits phare, est plus touchée que ses concurrents par la loi Lagarde. En 2011, la société a vu ses demandes de crédits divisées par deux. Un effet immédiat de la loi qui oblige les vendeurs à proposer aux clients souhaitant emprunter plus de 3.000 euros un crédit amortissable à des taux et conditions bien plus favorables que les renouvelables (6 % en moyenne contre 15 %).
 

Dans un communiqué, la Fédération CFDT des banques et assurances rappelle que « la diversification récente des activités de Cetelem prouve que les entreprises de crédit à la consommation ne sont condamnées ni par la crise ni par la mise en œuvre d'une régulation plus stricte ». « Il n'y a pas nécessité à licencier. Il est possible de créer une passerelle avec les activités de la BNP », martèle Jean-Louis Gayon, le délégué central de la CGT, qui appelle de ses vœux la CFDT à « se réunir rapidement tous ensemble autour d'une table ronde ».

Depuis « le coup de massue » du 20 janvier, les représentants des salariés vont de réunions en réunions et espèrent infléchir ce plan, unanimement condamné par les élus locaux, dont on ignore encore les modalités de départ. Licenciements secs, départs en pré-retraite ou reclassement dans les sociétés du groupe ? C'est la grande inconnue. Aujourd'hui, une délégation devrait être reçue en préfecture par le préfet de Gironde et le bras droit du premier ministre François Fillon, en visite dans la région. Plusieurs élus du Bordelais, toutes étiquettes confondues, dont le maire de Bordeaux, Alain Juppé, sont montés au créneau. Ils demandent à la BNP et aux Galeries Lafayette d’éviter un plan social et dénoncent le risque de licenciements « dictés par les seuls intérêts de la finance ». Rencontre avec cinq salariés dont un couple.

«C'est comme si on hurlait après la caissière de Carrefour parce que les carottes sont trop chères»

 

 

Muriel, 17 ans de maison 
Muriel, 17 ans de maison© Rachida El Azzouzi

Employée depuis dix-sept ans au service « octroi », embauchée peu après la millième personne, Muriel, la quarantaine, est l'une des chefs de file de la section CGT. Elle s'est syndiquée en 1998, quatre ans après son CDI, à son retour de maternité, voyant que la CDD qui la remplaçait était maintenue sur son poste. Première déception, première lutte. D'autres suivront.
  

« A sa petite échelle », Muriel dit « non » à certaines pratiques. Quitte à être convoquée par sa hiérarchie. Comme lorsqu'elle refuse un crédit renouvelable à une personne de 90 ans. On lui rétorque : « Ce n'est pas à vous de réfléchir, faites ce qu'on vous dit. » Elle s'obstine, « pas d'accord pour mettre dans la merde des gens fragilisés ». A l'époque, au début des années 2000, c'est le boom des crédits revolving.
  

Dans son service où l'on est chargé d'accepter ou de refuser l'octroi d'une carte, d'un prêt, on ne s'embarrasse pas d'états d'âme. « On nous demandait de faire sauter certains seuils. Au lieu de considérer, après l'étude du dossier que le client avait besoin de 800 euros pour subvenir à ses charges, loyer, électricité, nourriture, on descendait à 600 euros pour faire passer le crédit. » Muriel s'arrachait les cheveux, retoquait des dossiers que la procédure Cofinoga validait : « Comment avec si peu de revenus vivra-t-il ? »
  

Aujourd'hui, elle se dit que « si tout le monde avait fonctionné comme elle, il n'y aurait pas eu autant d'impayés », « le service recouvrement n'aurait pas explosé quand le service clientèle perdait des effectifs » : « On savait pertinemment qu'on vendait de l'endettement à des clients qui seraient très vite étranglés. On accordait 1.500 euros à des personnes qui finissaient à 9.000 euros ! » Se réfugier derrière les effets de la loi Lagarde pour justifier la nécessité d'un plan social, « c'est du flan », poursuit-elle, véhémente. « Les dirigeants ont laissé faire. Entre 2008 et 2011, on a perdu beaucoup de clients à cause de leur stratégie. La BNP, notre principal actionnaire, nous lâche au profit de Cetelem. »
  

Déléguée syndicale, élue au comité d'entreprise, Muriel travaille toujours à l'octroi mais elle est désormais spécialisée dans le rachat de crédits, « un prêt propre où on regroupe toutes les créances du client, en général des revolving, pour qu'il n'ait qu'une seule mensualité à un taux bien moins élevé ». Elle vit aussi son premier grand conflit social et se démène pour mobiliser les collègues, « un exercice difficile compte tenu du climat ambiant » : « La CGT, c'est l'ogre. »
  

Divorcée, mère de famille, elle a eu « droit à pas mal de vannes, genre, tu mets les gens dans le rouge ». Et s'en défend : « Ce n'est pas nous qui avons surendetté les Français, décidé des taux d'intérêt à 21 %. C'est le système. C'est comme si on hurlait après la caissière de Carrefour parce que les carottes sont trop chères. Nous ne sommes que des exécutants en bout de chaîne. »


Cécile, 21 ans d'ancienneté
Cécile, 21 ans d'ancienneté© Rachida El Azzouzi

A 54 ans, dont la moitié chez Cofinoga, Cécile, agent de maîtrise au service « octroi », ne se fait guère d'illusions. « La région de Bordeaux est sinistrée par le chômage, on ne trouvera pas d'emploi si la BNP ne revoit pas son plan. » Maman de deux ados, elle se fait moins de souci pour elle, car son mari travaille, que pour ses collègues.

« 80 % des salariés sont des femmes. Beaucoup sont dans des situations précaires, obligées de se serrer la ceinture parce que les petits salaires de Cofinoga suffisent tout juste à boucler les fins de mois. Divorcées, célibataires, souvent jeunes, avec peu d'ancienneté, elles élèvent seules leurs enfants. Que vont-elles devenir ? Tous les matins, elles se lèvent en pensant à la menace. Tous les soirs, elles se couchent avec. »

« Et les quinquagénaires ? La plupart des premiers embauchés n'ont même pas le bac. Ce n'est pas comme les jeunes cadres qui ont tous des diplômes. On ne sait faire que du crédit. Même les banques ne voudront pas de nous car nous n'avons pas de formations bancaires », poursuit Cécile.

Au bout de vingt ans de carrière, essentiellement dans la vente, elle gagne moins de 1.400 euros net par mois. « Heureusement que la rémunération est variable, qu'on touche des primes d'objectifs et que je ne suis pas seule. » Elle espère que la BNP va « se réveiller » : « J'ai du mal à croire qu'une boîte qui dégage autant de bénéfices puisse nous laisser tomber. Pendant des années, on a tout donné à l'entreprise. On a suivi les instructions, on a été polyvalents et c'est ainsi qu'ils nous remercient. » A la main, le dernier tract distribué par la CGT à l'entrée de la cafétéria, fustigeant Philippe Lemoine, le PDG du groupe Laser-Cofinoga, et Beaudoin Prot, le directeur général de la BNP Paribas.


« Si on prend la porte tous les deux, que devient-on ?»

 

David et Macha
David et Macha© Rachida El Azzouzi

David, 40 ans, et Macha, 39 ans, deux enfants de 12 et 7 ans, en accès à la propriété sur le bassin d'Arcachon, « angoissent ». Ils sont l'un des nombreux couples employés par Cofinoga, lui depuis onze ans, elle depuis quinze. « L'inquiétude est multipliée par deux », avoue Macha. A deux, ils gagnent un peu plus de 3.000 euros. « Si on prend la porte tous les deux, que devient-on ?, s'interroge David en tournant frénétiquement son alliance. Sur le papier, on est dans le lot. L'entreprise prendra-t-elle en compte les couples ? On ne sait pas. On attend les critères de sélection. »

David travaille au service « support ». Il n'a pas eu le choix. On l'y a recasé lors de la fermeture de l'atelier « mise sous pli, édition » en 2007 lorsque la BNP a racheté Paribas et sa filiale Cetelem. « On a été une quinzaine à être reclassés. Ils ont transféré le service à Cetelem, mutualisé tout ce qui ne rapportait pas assez. » Dans son service, les collègues tirent la langue. « Ce n'est pas une bonne chose de laisser envenimer la situation. On demande aux employés de travailler jusqu'au bout mais beaucoup sont démotivés. Pourquoi travailler plus si c'est pour faire gagner de l'argent aux patrons et se retrouver sur le carreau dans six mois ? »

A plusieurs reprises, il a demandé à changer d'affectation. En vain. « On me dit que je fais très bien mon travail. » Pourtant, il est las, « mal à l'aise en fait. » Il passe ses journées à traquer les clients partis sans laisser d'adresse avec des dettes allant jusqu'à 5.000 euros, traite une dizaine de fichiers à l'heure. « Une tâche monotone, rébarbative » : « Sur 5.000 personnes, on en retrouve en moyenne 35 %. C'est comme si on cherchait une aiguille dans une meule de foin. On n'a pas de moyens à part les pages jaunes. Quand on appelle les banques, aucune n'accepte de collaborer. Il ne nous reste que les téléphones de la personne souvent hors service et son employeur qu'elle a généralement quitté. »

A travers les dossiers, il voit « la vie devenir de plus en plus dure pour des milliers de Français ». Serveur de formation, il changerait bien de métier. « Dans mon service, on attaque la misère. Contrairement à d'autres collègues, je ne bataille pas pour récupérer 50 euros à une vieille dame qui vient de perdre son mari. Il faut savoir rester humain. Les managers ont beau rabâcher qu'il faut mettre son mouchoir, que les clients doivent payer, moi, j'ai du mal », confie-t-il.

Macha travaille, elle, au « recouvrement judiciaire ». Elle a été appelée en renfort il y a trois ans dans ce service où l'activité explose. Elle étudie des dossiers qui vont de 800 à 50.000 euros de dettes. « Soit je l'envoie au tribunal avec ou sans huissiers, soit je le dirige vers nos avocats », explique-t-elle. Avant, elle travaillait au « support ». C'est là qu'elle a rencontré David. Elle s'occupait du « back office » : « Les clients étaient notés selon un "scoring". Suivant leur profil, je leur proposais une assurance, une carte ou un tirage financier s'ils étaient déjà détenteurs d'une carte. Puis je recrutais des intérimaires afin qu'ils traitent leurs réponses et les mettent sur fichiers. » C'était une autre époque. Celle « des quarante glorieuses » où on entrait à Cofinoga comme dans la fonction publique, « pour la sécurité de l'emploi ». Aujourd'hui, elle accuse le coup.


Nicole, 58 ans
Nicole, 58 ans© Rachida El Azzouzi

Après son mari, un « Ford » au chômage partiel depuis septembre dernier, Nicole, 58 ans dont 25 chez Cofinoga, connaît, à son tour, la tourmente. « Furieuse » après la BNP, elle compte retirer ses comptes de cette banque qui, « après s'être grassement enrichie sur (leur) dos, (les) abandonne lâchement au profit de Cetelem ». « J'espère que tous les collaborateurs feront comme moi », lance cette « Cof' », ex-mère au foyer, qui a démarré « à la source », aux Nouvelles Galeries de Bordeaux.

Nicole a vendu les premières cartes, les premiers crédits, les premières assurances automobile... C'était à la fin des années 1980, « une époque très intéressante, avec des objectifs raisonnables ». « Mais très vite, ils sont devenus inatteignables. » Nicole a demandé à quitter le monde impitoyable de l'agence : « Je ne voulais pas rentrer dans le jeu de la pression du chiffre. Mais si vous n'êtes pas dans le moule, votre carrière n'évolue pas. J'ai demandé à redescendre d'un cran, à redevenir conseillère alors que j'étais coordinatrice. »

Elle est arrivée sur le site de Mérignac en 1997 au service « produits fidélisants » où l'on vend « des produits variés, des abonnements à des magazines, du vin ». Après des années dans ce service, elle a souhaité évoluer, « voir comment cela se passait lorsque le client ne payait pas ». Elle a rejoint « le surendettement » en janvier 2003, « un service difficile » où l'on traite 30 à 40 dossiers par jour avec « des clients qui se suicident, d'autres qui ont 148.000 euros de dettes ». Un service « plombé par la loi Lagarde » en vigueur depuis deux ans, où « on évite de parler du PSE pour ne pas broyer du noir ».

« Une maladie, une perte d'emploi, un divorce, tout le monde peut très vite dégringoler », constate Nicole. Avant de défendre l'esprit « humain » de l'entreprise : « Nos clients nous sont reconnaissants. On essaie toujours de trouver une solution, on pratique l'écoute. Ce n'est pas Cetelem ou Finaref où, au moindre retard de paiement, s'ensuivent une mise en demeure et une annulation du plan de surendettement. »

Longtemps, son mari la taquinait et l'accusait de vendre du surendettement. Nicole répliquait : « Le crédit, ça se gère. S'endette qui veut. A Cofinoga, on ne met pas de couteau sous la gorge pour signer un contrat. » Elle a attendu 58 ans pour se payer un écran plat, roule dans une voiture d'occasion, voit son pouvoir d'achat diminuer tous les jours. Si elle est licenciée, elle est « certaine de ne pas retrouver de boulot ». « Mais à deux, je m'en sortirai. Je suis moins dans la difficulté qu'une mère célibataire avec deux gosses à charge. »


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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 14:16
Marianne - Tefy Andriamanana - Marianne | Vendredi 3 Février 2012 à 15:01

 

Le directeur de Sciences Po Paris a admis gagner 27 000 euros mensuels. La Tribune avait déjà révélé qu’il gagnait 17 408 euros par mois en 2005. Soit une augmentation de 54% en 6 ans. Un nouvel élément à charge pour le meilleur promoteur du modèle éducatif à l'américaine.



Pour gagner un gros salaire, vaut-il mieux être directeur de Sciences po ou diplômé de Sciences po ? Vu la crise actuelle, la première option semble la bonne. Dans une interview à Libération, Richard Descoings, directeur de l’établissement, avoue gagner 27 000 euros bruts par mois, hors primes. Alors qu’un président d’Université ne touche « que » 6000 euros par mois au maximum. Ses collaborateurs sont aussi bien dotés. Selon Mediapart, 11 membres du « comité exécutif » de l’IEP se sont partagés 295 000 euros de primes de résultat en 2011. Descoings parle lui d’un chiffre de 292 000 euros.
 
Et quel est le montant de la prime du directeur ? Descoings a refusé de communiquer sur ce point. Pour autant, quelques petits calculs simples et un peu de lecture permettent de savoir quelques petites choses sur le salaire du patron de l’IEP. Mais on peut se douter que ce dernier rechigne face à ces fondamentaux de l’enseignement républicain.
 
En janvier, Mediapart avait révélé un courrier interne de Descoings au sujet des rémunérations des dirigeants de l’établissement. Lui-même, sans dévoiler de chiffres précis, dit alors gagner « l’équivalent, pour ne donner que deux exemples, du président de l’université de Birmingham en Angleterre et deux fois moins que le salaire le plus élevé d’un président d’université publique américaine ». 

54% d'augmentation

A l’aide de ces comparaisons et des chiffres sur les salaires des universitaires cités, Mediapart en a conclut que Descoings devait gagner « autour de 500 000 euros par an, soit environ 38 500 euros bruts par mois » mais « en comptant son salaire et sa prime de résultat » et sachant que les salariés de l’IEP de Paris ont un 13e mois.

Conclusion : en faisant une petite soustraction et sachant que Descoings dit gagner 27 000 euros bruts par mois hors primes (soit 351 000 euros par an), sa prime serait donc de 149 000 euros par an.
 
Doté d’une jolie prime, Descoings a aussi bénéficié d’une belle augmentation. En avril 2009, La Tribune révélait que le salaire 2005 du directeur était de 17 500 euros bruts par mois. En supposant qu’il s’agissait du salaire hors primes, son salaire a donc augmenté de 54,3% en 6 ans.
 
Pour le directeur, ces hauts salaires sont justifiés : « Je laisse à chacun le soin de juger si, en quinze ans, j’ai fait deux-trois choses qui ont changé l’institution. (…) Quelle entité publique ou privée a créé, comme moi, 170 emplois nets depuis 2007, à un moment où, dans l’administration, on ne remplace pas un départ à la retraite sur deux ? ».

Business school

Il est vrai que Descoings a profondément changé Sciences po Paris. Arrivé en 1996 à la tête de l’Institut, il a obtenu en avril dernier un nouveau mandat de cinq ans. De 5600 en 2006, l’effectif de son établissement est aujourd’hui de 9600 étudiants. De nouvelles filières ont été créées.  D'un établissement chargé de former les élites de la fonction publique, il en a fait (ou a voulu en faire) une « business school » à l'américaine formant plus au pouvoir qu'au savoir.

En cela, on ne peut pas lui reprocher un minimum de cohérence quand il se fixe un salaire largement au dessus d'un président d'université qui enseigne encore la philosophie et l'histoire, matière sans aucune utilité dans paradis libéral. Cela colle avec cette vision du monde qui préfère l'individualisme et la performance au savoir et à la culture universelle. L'argent devient alors un motif de distinction bien plus valorisant que la culture. Rien d'étonnant de le voir courir les financements privés, L'Oréal ou Lagardère sont des parrains plus sympathiques que Machiavel ou Hobbes.

C'est la même cohérence lorsque Descoings supprime l'épreuve de culture générale du concours d'entrée, qui serait discriminante socialement. Dans le monde selon Descoings, la culture ne vaut que si c'est celle du résultat (avec versement de primes) et pas lorsqu'elle est historique, littéraire ou philosophique. Une vision purement utilitariste de l'enseignement.

Discrimination

Pour pousser plus loin sa logique, Descoings a même écarté la sélection par le savoir pour mettre en place une politique de discrimination positive avec sa filière spéciale pour les lycéens de ZEP, dispensés de concours. Il s'était même dit pour un quota de 30% boursiers dans les grandes écoles, idées refusées par ces dernières.
Mais d’autres établissements prestigieux voient d’un très mauvais œil l’ambition de Descoings.  Laurent Batsch, président de l’université de Paris-Dauphine, qui ambitionne aussi d’être un Harvard français, dénonce le fait que l’IEP de Paris bénéficie de plus de subventions publiques de lui. En 2010, Dauphine a reçu 55,6 millions d’euros de l’Etat contre 80,5 millions d’euros pour l’IEP pour moins de 9600 étudiants. Une différence qui peut apparaître comme une discrimination aux yeux de certains. On croyait pourtant que Descoings détestait ça.

 

 

 

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3 février 2012 5 03 /02 /février /2012 13:58

LEMONDE.FR | 03.02.12 | 09h18

 
 

 

Ces dernières années, les augmentations des factures d'électricité ont été de l'ordre de 1 à 3 % par an.

Ces dernières années, les augmentations des factures d'électricité ont été de l'ordre de 1 à 3 % par an.AFP/JEFF PACHOUD


La mesure avait été saluée et devait entrer en vigueur au 1er janvier 2012. L'attribution automatique du tarif de première nécessité (TPN) de l'électricité avait été annoncée par Eric Besson, ministre de l'énergie, le 17 octobre. Pourtant, le décret n'a toujours pas été publié, souligne Le Parisien dans son édition du 3 février, qui évoque le "parcours du combattant administratif" pour les foyers concernés. La mesure permet aux ménages les plus modestes, ceux dont les revenus sont inférieurs aux plafonds de la couverture maladie universelle (634,25 euros par mois pour une personne seule et 951 euros pour un couple), d'obtenir automatiquement un rabais sur leur facture d'électricité, un dispositif actuellement appliqué sur demande.

Ce retard, qui devrait se prolonger encore plusieurs semaines, est dû au fait que les "dernières consultations formelles" entre l'administration et les industriels doivent toujours avoir lieu de même qu'un avis du Conseil d'Etat, a indiqué le ministère de l'énergie, confirmant les informations du Parisien.

Entrés en vigueur en 2005 pour l'électricité et en 2008 pour le gaz, les tarifs sociaux étaient jusqu'à présent attribués sur demande aux ayants droit, mais par manque d'information ou complexité administrative, beaucoup ne les réclamaient pas. Seuls 600 000 foyers bénéficient actuellement de tarifs sociaux alors que 1,5 à 2 millions sont éligibles, une situation qui avait poussé le gouvernement à promettre son automatisation. La réduction est estimée par EDF et GDF Suez à environ 90 euros par an en moyenne pour l'électricité et 140 euros pour le gaz.

L'extension des tarifs sociaux avait été une des mesures évoquées pour faire face à la forte hausse des tarifs du gaz et de l'électricité ces dernières années, des tarifs réglementés par les pouvoirs publics.

Le Monde.fr

 


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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 15:17

Nicolas Sarkozy avait promis à Mende, aux maires et députés, notamment ruraux et surtout UMP, qu’il n’y aurait aucune fermeture de classe nette. Promesse tenue. Mais c’est au prix de la fin des Réseaux d'aide spécialisée aux élèves en difficulté : les RASED sont rasés. En 2012, on peut affirmer que les élèves n’auront plus droit, au sein de l’école, à une aide spécialisée.

Les chiffres viennent de tomber. On s’y attendait un peu, et même beaucoup, mais la réalité est dure. Les Inspecteurs d’Académie ont bien suivi les directives Ministérielles mais en y mettant chacun leur propre pâte. Deux exemples : l’Académie de Toulouse (31) et celle de l’Hérault (34).


En Haute-Garonne, L’Inspecteur a décidé de supprimer 78 postes RASED (sur 86 postes à supprimer en tout) et celui de l’Hérault 27 postes RASED (40 postes sont à supprimer). Mais qu’est ce que cela représente ?
Les postes enseignants RASED se divisent en deux, les maîtres dits E et les maîtres G (les lettres correspondent à une spécialité sans lien avec le nom de la spécialité). Les maîtres E aident les élèves (ou appuient les enseignants en leur fournissant des outils) sur les apprentissages scolaires quand on voit poindre les signes de difficultés importantes : par exemple, un élève de CP qui n’assemble pas les lettres après quelques semaines d’apprentissages en classe ; un élève de CE1, qui systématiquement compte 200 après 109…Le maître G lui va intervenir auprès d’enfants qui n’ont pas une attitude d’élèves, qui sont toujours en conflit avec leurs camarades, qui refusent ou sont apathiques face aux apprentissages.

Une histoire des RASED


En Haute Garonne, comme le montre le tableau ci-dessous, les enseignants spécialisés n’existent plus réellement.

  • Rentrée 2011 : 106 720 élèves ; 118 postes RASED => soit 1 enseignant spécialisé pour 904 élèves
  • Suppression et situation actuelle : - 78 postes ; + 1000 élèves
  • Rentrée 2012 : 107 720 élèves ; 40 postes RASED => soit 1 enseignant spécialisé pour 2693 élèves
  • Conclusion : augmentation de près de 300 % de la charge de travail     

Si l’on estime que 21 % des enfants ont des difficultés plus ou moins grandes d’apprentissage (cf. chiffres évaluations CM2 ) alors on peut dire qu’un enseignant RASED doit s’occuper de 404 enfants (plus si on compte les enfants qui ont des comportements inadaptés à l’école), soit 2 heures par enfant et par année scolaire !!!! On dira partout que l’on a réorganisé « efficacement » le service, que l’on fera mieux avec moins mais comment régler la difficulté d’un enfant en 2 heures ?


En fait, dans cette académie, c’est la mission qui va changer pour le personnel restant : les enseignants RASED seront « itinérants » selon les vœux de l’inspecteur d’académie. Ils auront donc trois rôles : faire des bilans pour orienter les enfants vers des structures hors circuit « normal » (des Instituts éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques, Classe insertion scolaire…) ou vers des spécialistes (en hôpitaux ou en libéral) ; ils iront « éteindre » des incendies là où l’on sait que la situation est la pire (enfant se mettant en danger, parents d’élèves mobilisés, équipes peu commodes, bref, là où cela fait le plus de bruits) ; et enfin, ils porteront la « bonne parole » pédagogique de la différenciation auprès des enseignants en perdition, en connaisseurs qu’ils sont, et qu’ils ne seront bientôt plus, de la difficulté des élèves. L’éparpillement le plus total pour justifier la suppression de cette quarantaine de postes l’année prochaine pour la raison évidente, preuve à l’appui, que leur rôle est inefficace. Une des seules « chances » de faire « vivre » ces postes serait de les transformer en attribuant à ces nouveaux enseignants RASED la mission de remplir des statistiques de la difficulté scolaire afin que l’administration centrale connaisse mieux la difficulté scolaire (cela confirmerait une nette tendance actuelle à conserver les postes producteurs et administrateurs de chiffres sur les postes élèves).


Dans l’Hérault, la situation est différente. L’Inspecteur d’Académie a fait d’autres choix, peut-être a-t-il aussi hérité d’une situation différente. Le choix a été fait de répartir « l’effort » entre le RASED (27 postes) et les remplaçants (25 postes). D’autres postes ont été supprimés. Le surplus de suppression à la commande ministérielle permet d’éponger, un peu, avec 9 classes ouvertes en plus, l’arrivée de 1049 élèves (soit 116 par classe).
Il restera donc 100 enseignants RASED (contre 127  à la rentrée 2011) : soit pour 2012, 1 enseignant pour 916 élèves, l’équivalent à la situation toulousaine de 2011, contre 1 RASED pour 713 élèves en 2011. Cela fait 4 h par élève et par an d’aide spécialisée si l’on reprend le calcul de tout à l’heure. Les petits héraultais ont deux fois plus de « chance » d’être pris en charge par un enseignant spécialisé que leur camarade toulousain. Egalité ?

  • Rentrée 2011 : 89 593 élèves ; 127 postes RASED => soit 1 enseignant spécialisé pour 713 élèves
  • Suppression et situation actuelle : - 27 postes ; + 1049 élèves
  • Rentrée 2012 : 91 612 élèves ; 100 postes RASED => soit 1 enseignant spécialisé pour 916 élèves
  • Conclusion : augmentation de près de 128 % de la charge de travail     


Dans tous les cas cela reste bien inférieur aux besoins.


La suppression des RASED ne va-t-elle pas conduire de nombreux enseignants à traiter la difficulté en invitant les familles et les enfants à aller consulter des « spécialistes » extérieurs à l’école comme les orthophonistes, les psychologues, les neuropédiatres… ?
Et la classe n’est-elle pas un lieu de réponse ? En effet, aujourd’hui, chaque enseignant doit faire face à cette disparition et se poser la question pour lui-même de la prise en charge spécialisée de la difficulté scolaire. Quels outils pour aider les élèves qui bloquent sur des apprentissages fondamentaux ? Comment organiser sa classe pour être plus disponibles pour ces élèves sans léser les autres ? Comment construire l’envie et la joie de venir à l’école pour des enfants qui viennent la boule au ventre ? Comment leur permettre d’avoir confiance en eux ?


La survie de ces postes ne tient plus qu’à un fil que les inspecteurs de circonscription peuvent saisir et retenir. Ils sont chargés d’organiser les missions de ces équipes RASED. Ils peuvent saupoudrer l’aide, pour soulager les uns et les autres et par là même « prouver » l’inefficacité du dispositif comme décrit plus haut ou, et ils feraient là un choix crucial pour l’avenir, ils peuvent affecter les moyens dans des lieux restreints, sur des périodes longues, avec un suivi particulier du travail accompli afin de constater les bénéfices de l’œuvre pédagogique. La création de solutions pour demain, doit se construire aujourd’hui ; et qui pourrait s’opposer à cette volonté d’autonomie des cadres de l’Education nationale ?

 

 

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 14:33

LEMONDE.FR avec AFP | 01.02.12 | 21h07

 
 

 

L'association Attac fait partie de ce collectif qui compte aussi la fondation Copernic, Droit au logement et plusieurs syndicats.

L'association Attac fait partie de ce collectif qui compte aussi la fondation Copernic, Droit au logement et plusieurs syndicats.AFP/-


Un collectif de syndicats du secteur financier et bancaire et d'organisations de défense des droits a annoncé mercredi 1er février avoir adressé un courrier aux candidats à l'élection présidentielle pour réclamer la création d'un "pôle financier public au service des droits".

Dans ce courrier, le collectif relève que "la crise et les politiques d'austérité (...) compromettent l'accès d'une fraction de plus en plus large de la population à un certain nombre de droits fondamentaux constitutifs de notre modèle social".

Parmi ces droits, ils citent le droit à l'emploi et à un revenu décent, le droit au logement, à une protection sociale de haut niveau, à des services publics de qualité, à l'inclusion bancaire ou encore à un cadre de vie respectueux de l'environnement.

Le collectif juge qu'il y a "nécessité et urgence à ce que la puissance publique se dote d'un instrument lui permettant d'influer directement sur la sphère financière".

Il préconise par conséquent de créer un pôle financier qui "serait constitué par la mise en réseau d'institutions financières dans lesquelles l'État dispose d'une influence certaine, directement ou indirectement".

Ce pôle regrouperait des institutions publiques, comme la Banque de France, la Caisse des Dépôts, la Banque Postale, l'Agence Française de développement, ou dont l'activité relève d'une mission de service public comme le Crédit foncier.

Le collectif précise que "toute banque ou société d'assurance dans laquelle l'Etat viendrait à prendre une participation majoritaire ou à laquelle seraient attribuées des missions de service public", en ferait "bien évidemment partie".

Il ajoute que le rôle de ce pôle public ne sera pas de "prendre en charge ce qui n'est pas rentable pour laisser le reste au secteur privé, mais de jouer un rôle de catalyseur pour attirer" d'autres financements.

 

ATTAC, DROIT AU LOGEMENT ET PLUSIEURS SYNDICATS

Dans leur courrier, les membres du collectif sollicitent une rencontre avec les candidats, notant que "même si elle n'est pas achevée", leur réflexion "est suffisamment avancée pour permettre des échanges constructifs".

Parmi les premiers signataires figurent l'organisation altermondialiste Attac, l'association Droit au logement (DAL), la Fondation Copernic, ainsi que de nombreuses structures syndicales des secteurs financiers et bancaires, dont la fédération CGT finances, la fédération SUD PTT, des syndicats de la Caisse des dépôts, des Caisses d'Epargne, du Crédit foncier ou encore de la Banque de France.

 

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