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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 17:29

 

 

| Par Mathilde Mathieu et Michaël Hajdenberg

 

Dimanche, pour le premier des «Sarko shows» géants, programmé au parc Chanot de Marseille, l'UMP promet de ridiculiser le Bourget de François Hollande. En 2007, c'est dans cette salle que le champion de la droite avait livré son dernier discours de campagne, 72 heures avant le premier tour. A l'époque, le coût de l'opération avait atteint 333.538,22 euros. Comment brûler tant d'argent en si peu de temps ? Pour comprendre, Mediapart publie en exclusivité les factures du meeting de 2007, enfouies dans le compte de campagne de Nicolas Sarkozy – 27 cartons en tout, déposés sur les bureaux de la CNCCFP (la commission nationale chargée de contrôler les dépenses et recettes de tous les candidats).

Si l'ensemble de ces documents ont été saisis en décembre par les juges bordelais qui instruisent le volet politico-financier de l'affaire Bettencourt, Mediapart avait pris soin d'en photocopier une partie (voir les détails dans la Boîte noire). Pour observer la prestation de dimanche avec un œil averti, voici donc une sorte de radiographie comptable du meeting du 19 avril 2007 : tout ce que Nicolas Sarkozy a dépensé poste par poste, de son maquillage à sa «sécurité médicale», en passant par les cars de militants.

Ces chiffres pourraient paraître anecdotiques, si la moitié des frais engagés au fil de la campagne n'avaient été remboursés par l'Etat (10,8 millions sur 21 millions de dépenses, comme le prévoit la loi). Si ces factures, surtout, n'avaient pas été signées par Eric Woerth en personne. A l'époque, le député de Chantilly, trésorier de l'UMP, présidait l'Association de financement de la campagne de Nicolas Sarkozy (AFCNS), sise rue La Boétie ; depuis le 9 février, il est mis en examen pour «trafic d'influence passive » et «recel » de 150.000 euros d'argent liquide au bénéfice de l'AFCNS, une somme présumée soutirée à Liliane Bettencourt. Au passage, le nom de l'expert-comptable qui a revu le compte avant sa livraison à la Commission vaut le détour : Bernard Godet, décoré le 13 juillet 2008 de la Légion d'honneur sur le contingent du ministre du budget d'alors, Eric Woerth.

A l'époque, Nicolas Sarkozy avait déboursé en tout 12,38 millions d'euros en réunions publiques. Pendant des mois, le matériel avait circulé dans un semi-remorque d'une ville à l'autre, avec une «flight-case » en plexiglas pour protéger le pupitre sur-mesure du candidat, se souvient un prestataire.

 

Au parc Chanot de Marseille, le 19 avril 2007 
Au parc Chanot de Marseille, le 19 avril 2007© Reuters

Ce 19 avril 2007, à Marseille, des milliers de spectateurs débarquent eux aussi en cars – au moins 67 ont été affrétés pour plus de 39.000 euros, auxquels s'ajoutent des «frais de déplacement divers». Nicolas Sarkozy, pour sa part, semble voyager en jet, puisqu'on retrouve une location d'« avion » à 37.769 euros.

La salle (la même que celle réservée dimanche) coûte alors 59.325 euros TTC – prix comprenant la location de 6500 m2 « nus », le montage/démontage des structures, 2.794 euros de cloisons (pour la loge du candidat par exemple), le nettoyage («enlèvement des moquettes jetables non compris»), etc. L'aménagement en mobilier (chaises, etc.), assuré par l'entreprise francilienne Jaulin, grimpe à 49.413 euros.

Ci-dessous, un récapitulatif des frais liés au meeting :

Recapitulatif-partiel-marseille-2007 (à voir sur le site de Médiapart)

A trois jours du premier tour, l'équipe du candidat lance en plus à Marseille l'opération «72 heures pour gagner» : 160.094 euros de gadgets, dont 49.700 euros de «tee-shirts» floqués, 54.300 euros de «badges, ballons et stickers», etc. Les quelque 20.000 spectateurs, selon La Provence, sont inondés.

Dans le compte, suivent une ribambelle de «petites» prestations  :

• 956 € pour la maquilleuse personnelle de Nicolas Sarkozy, qui le suit sur tous ses meetings

• 911 € pour un «chargé de sécurité» qui s'ajoute aux fonctionnaires du SPHP (le service de protection des hautes personnalités), affectés aux différents candidats pendant les présidentielles

• 1.148 € de «sécurité médicale»


 

• 2.377 € pour deux «interprètes» en langue des signes

• 4.880 € de «traiteur»

• 1.227 € de badges (identifier les journalistes s'avère essentiel pour mieux les cantonner dans des espaces dédiés)

• 2.667 € pour 200.000 tracts

•1.817 € pour 60.000 cartons d'invitation (mais 25.952 € de frais d'envoi)

Ce qui grève surtout le budget, c'est le poids des équipements mobilisés pour l'éclairage et le son, ainsi que la vidéo. A l'époque, les deux premiers sont assurés par l'entreprise Lumison, déjà engagée au côté de Jacques Chirac en 2002, qui facture 31.133 euros. Diffuser sans coupure, sans parasite, requiert le recrutement d'une énorme équipe. En vrac, on repère :

• 3 «pupitreurs», chargés d'optimiser le son du discours

• 6 «sonorisateurs»

• 3 «ingénieurs son»

• 3 «chefs de chantier son»

• 6 «électriciens»

Nicolas Sarkozy n’a aucun « retour son » dans l’oreille, mais un petit haut-parleur dissimulé à ses pieds, dans son dos, lui permet de « s’entendre ». Quant à l’image, outre l’écran géant à l'extérieur (9.530 euros), l’équipe de campagne met le paquet à Marseille. Pour 33.229 euros, l’entreprise ETC installe à l’intérieur du hall :

• 4 vidéoprojecteurs, pour 4 « mosaïques » de 2 mètres de haut

• 2 écrans plasma Pioneer 16/9

• 6 « écrans direct »

• et même trois petits écrans LCD de 50 cm dans la loge du candidat (205 €)

 

 

Si Jacques Chirac utilisait un prompteur en 2002, « importé » des Etats-Unis par sa fille Claude, Nicolas Sarkozy n’en dispose pas en 2007.

Enfin, il faut soigner la « captation » d’images pour les retransmettre en direct sur internet (2.840 euros), et surtout les « offrir » clefs en main aux chaînes de télé. Ce dispositif destiné à mieux contrôler la représentation du candidat, inédit jusqu'en 2007, déclenche alors une polémique, les reporters télé se voyant parallèlement interdits de circulation et cantonnés sur un « plateau » collectif à une quinzaine de mètres du pupitre. Pour le syndicat de journalistes SNJ-CGT, «ce type de documents, fournis par les organisateurs, est à proscrire des reportages». Mais en 2007, les chaînes cèdent les unes après les autres à la facilité et diffusent ces images préfabriquées, conditionnées.

 

 

C’est ainsi qu'à Marseille, ETC facture à Nicolas Sarkozy un « plateau 4 caméras », « un boîtier distribution presse », un « ingénieur de la vision », deux « techniciens vidéo », deux « assistants montage », etc. Rien n’est trop beau pour alimenter les JT et chaînes d’info continue.

Au bout du compte, cette manifestation n'aura pas été la plus dispendieuse des meetings sarkozystes de 2007. Comme l'a déjà écrit L'Express, trois ont coûté plus cher : celles du Zénith à Paris (plus de 640.000 euros), de Bercy (470.000) et de Lyon (400.000). Cette année, ces chiffres semblent déjà enfoncés par François Hollande : à en croire des confidences de son équipe de campagne à Libération ou au Monde, sa réunion du Bourget aurait coûté plus de 800.000 euros. Nicolas Sarkozy repassera-t-il en tête dimanche ?

 

 

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 17:23

 

Marianne - Vendredi 17 Février 2012 à 18:01 | Lu 7407 fois I 15 commentaire(s)

 

Interview de Thomas Porcher, enseignant chercheur à l’Ecole Supérieure de Gestion, auteur de « L’indécence précède l’essence » paru le 16 février aux éditions Max Milo.

 

 

Total vient encore d’annoncer un bénéfice astronomique, de 12 milliards d’euros, pour 2011. Dans votre livre, vous qualifiez ces profits « d’indécents »… En quoi le sont-ils ?
 
Ca n’est pas une posture idéologique. Je ne trouve pas révoltant qu’une entreprise fasse des profits, mais dans le cas de Total, ils sont réalisés au détriment de l’emploi et des comptes publics. Voilà des décennies que, pour contenter ses actionnaires, Total se concentre sur ses activités de production (à l’étranger) et délaisse le raffinage, dont la rentabilité à court terme est moindre. Résultat, ce secteur riche en emplois meurt à petit feu. L’institut français du pétrole considère qu’il faudrait investir 2,2 milliards d’euros sur 10 ans pour sauver les deux ou trois raffineries françaises menacées de fermeture dans les prochaines années. C’est tout à fait dans les moyens de Total ; pas dans sa logique financière. Par ailleurs, rappelons que l’entreprise ne paie aucun impôt sur les bénéfices en France, où elle déclare des pertes. La pression fiscale qui s’exerce sur elle dans notre pays (charges sociales comprises) est de 8 % de ses profits… contre 26 %, en moyenne, dans une PME ! Rendez-vous compte : si Total s’acquittait du même pourcentage auprès du Trésor, cela financerait la moitié du plan d’austérité !
 
Selon vous, Total lèserait également les consommateurs…
 
Oui, nous avons montré, avec d’autres chercheurs, que l’entreprise met plus de temps à répercuter à la pompe les baisses du cours du pétrole que ses hausses… Ces quelques centimes gagnés par litre d’essence pendant quelques jours engendrent des millions ! Total représentant 50 % des raffineries en France, et 40 % des stations services, c’est de loin l’acteur majeur du secteur. Et donc le premier responsable de cette anomalie.
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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 16:51

LEMONDE.FR avec AFP | 18.02.12 | 09h28   •  Mis à jour le 18.02.12 | 10h06

 
 

 

Manifestation de partisans du Front de gauche devant l'ambassade de Grèce, le 13 février 2012.

Manifestation de partisans du Front de gauche devant l'ambassade de Grèce, le 13 février 2012.AFP/JOEL SAGET


Près d'un Français sur deux (49 %) estime que la France pourrait connaître la même situation que la Grèce, au bord du défaut de paiement, dans les prochains mois ou les prochaines années, selon un sondage Ifop que publiera, demain, Sud Ouest Dimanche.

Selon ce sondage, 17 % des personnes interrogées estiment "certainement" que la France pourrait connaître une situation similaire, tandis que 32 % répondent "oui probablement". Parmi les 51 % de sondés qui répondent par la négative à la question, 37 % disent "non probablement pas" et 14 % "non certainement pas".

Ce résultat est en recul par rapport à ceux mesurés en novembre dernier (57 %), d'autant plus que la proportion des Français convaincus qu'un scénario à la grecque ne pourrait "certainement pas" advenir en France a bondi de 12 points en l'espace de trois mois (de 2 % en novembre 2011 à 14 % aujourd'hui), commente le quotidien de Bordeaux.

"Cette tendance tient sans doute à une accélération de la dégradation de la situation en Grèce telle que les Français s'identifient de moins en moins aux Grecs", poursuit Sud Ouest Dimanche qui estime cependant que "le fait que près d'un de nos concitoyens sur deux estime aujourd'hui que la France pourrait connaître d'aussi lourdes difficultés qu'une Grèce au bord du chaos en dit long sur le pessimisme régnant actuellement dans notre pays".

Selon le sondage, 70 % des sympathisants de l'UMP pensent que la France ne connaîtra pas de situation semblable à celle de la Grèce dans les prochaines années. A l'inverse, les sympathisants de gauche (54 %) et ceux du Front National (82 %) pensent le contraire. Parmi ces derniers, 46% sont même convaincus que la France va "certainement" connaître le même sort que la Grèce.

Le quotidient relève que les ouvriers sont les plus nombreux (62 %) à craindre cette éventualité au point que près d'un quart d'entre eux (24%) estime "qu'elle va certainement se réaliser".

 

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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 16:39
Marianne - Claude Nicolet - Tribune | Jeudi 16 Février 2012 à 15:01 |

 

Pour Claude Nicolet, « ce qui se déroule aujourd'hui (en Grèce) est tout simplement historique. On voit un peuple d'Europe se révolter contre la promesse européenne qui devait apporter au continent la paix, la prospérité, l'emploi, la croissance... »



« La rue flambe, la Grèce s'embrase, des scènes de guérilla urbaine, les casseurs triomphent... » Les commentaires vont bon train quant aux scènes de violence qui émaillent l'actualité grecque et européenne.
 
Il faut le dire, aujourd'hui, le remède proposé n'est pas seulement économique ou financier, il est consubstantiellement antidémocratique. Le peuple grec refuse que son pays soit « vendu » aux « européens ». Il refuse que sa dignité de peuple libre soit foulée aux pieds par le FMI et la Commission européenne.
 
Le lien entre l'Europe et la liberté se déchire sous nos yeux et ce qui apparaît ce n'est que la loi terrible du marché. Ce qui se déroule aujourd'hui est tout simplement historique. On voit un peuple d'Europe se révolter contre la promesse  européenne qui devait apporter au continent la paix, la prospérité, l'emploi, la croissance...

La faute à l’Etat ou à l’Union ?

Certes, le modèle économique de la péninsule n'est probablement pas exempt de reproche, ses dirigeants politiques sont loin d'être irréprochables, mais est-ce là le fond du problème ? Est-ce là la réalité ? Bien sûr que non et nous le savons tous si nous regardons les choses avec un tant soit peu d'honnêteté intellectuelle et de rigueur dans le raisonnement.

Tout d'abord l'euro ne peut plus fonctionner comme il fonctionne. Encore une fois sur la question monétaire nous nous sommes aveuglés. En faisant Maastricht ses partisans ont tenté de faire passer l'incantation pour une perspective inéluctable : la monnaie unique entraînerait la convergence économique. Mais non.

Une monnaie est un marqueur identitaire

Les grands prêtres du franc fort accroché au Deutsch Mark ont oublié une chose : une monnaie n'est rien si ce n'est un outil et un marqueur identitaire. Un outil  au service de l'économie d'un pays et d'un peuple qui est ce pays et s'identifie à lui. C'est aussi la photographie de la réalité d'une économie, de son reflet.
 
Nous avons l'économie de notre monnaie et la monnaie de notre économie. Elle est aussi l’illustration d’une identité voire d’un tempérament national. Or l'euro qui n'est aujourd'hui qu'un Mark bis, peut-il être la monnaie de la Grèce et de son économie ? Non. Peut-il être la monnaie de l'Espagne, de l'Italie, du Portugal ? Non. De la France ? Non.

L’Europe n’est pas allemande et ne le sera jamais. Pas plus qu’elle n’est française et ne le sera jamais. Or les monnaies ont besoin de ces marqueurs identitaires. Ce ne sont pas seulement des statistiques, des algorithmes, des valeurs boursières, des équations mathématiques.

Désillusions

Mais les grands prêtres de la monnaie unique ne peuvent pas, ne doivent pas abjurer. Ils sont les gardiens du dogme, donc du système. Peuvent-ils annoncer Urbi et Orbi que les Saintes Ecritures des traités de Maastricht, de Lisbonne, du pacte de stabilité, d'Amsterdam...ne nous ont pas conduit à la Terre promise du bonheur économique éternel. Ce paradis promis nous ne l'avons pas encore suffisamment mérité. Il faudra alors passer par une vallée de larmes et c'est aux Grecs d'ouvrir la voie.

Nouvelles baisses des pensions. Suppression de 15 000 fonctionnaires supplémentaires, baisse de 22 % du salaire minimum, baisse de 32 % du salaire minimum pour les moins de 25 ans, nouvelles privatisations...

Alors plutôt jouer avec le feu, prendre le risque de briser un pays, un peuple, une nation, une démocratie que de remettre en cause les raisons de la crise. L’euro est un carcan pour des pays, des économies qui ne peuvent s’aligner sur les critères allemands de productivité, de compétitivité, de déflation salariale, de tissu industriel très serré. Quel point commun entre l’économie allemande et grecque ?

Aveuglement

Alors qui est le plus violent ? Ceux qui refusent de voir leur pays mis à l'encan aux profits d'intérêts étrangers ? Ceux qui voient leur démocratie être mise « sous tutelle » du FMI et de l'Union européenne ? Ceux qui voient leur société voler en éclat au nom de la compétitivité, du libre échange, de la concurrence ? Ceux qui se suicident comme jamais la Grèce n'a connu une telle épidémie qui touche celles et ceux qui retournent contre eux la violence faite à leur pays et à leur société ?
 
La situation grecque doit nous servir d’exemple et d’avertissement et il faut appeler un chat un chat : les mêmes causes entraîneront les mêmes effets. L’euro dans son fonctionnement actuel est en train de détruire l’Europe comme idée de coopération possible entre Etats Nations. Il s’attaque donc aux fondements même de la démocratie. La fuite dans je ne sais quel mirage fédéraliste ne fera que nous précipiter dans des impasses politiques et intellectuelles d’où sortiront le pire.
 
Les peuples n’accepteront pas d’être asservis et de voir leur histoire, leurs combats pour le progrès social, détruits sur l’autel d’intérêts particuliers. Il faut donc de façon urgente proposer un « Plan B » pour une monnaie qui nous fait désormais courir un risque majeur. Il ne faut pas chercher plus loin d’où vient la fameuse montée des « populismes ». Les souverainetés nationales existent, elles sont inséparables de la question sociale. Nous en avons encore une démonstration flagrante aujourd’hui. Mais il n’y a pas de pire aveugle que celui, ou celle, qui ne veut pas voir.

 

Claude Nicolet
Premier secrétaire de la fédération du Nord du MRC
Secrétaire national du MRC
Conseiller régional Nord Pas de Calais
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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 16:35

Gérard Filoche sur Marianne2

La crise grecque est loin d’être terminée. Il est néanmoins possible de tirer un bilan provisoire sous forme de 6 leçons. La troïka s’est acharnée à extorquer encore 385 millions aux Grecs avant de donner 130 milliards aux banques… au nom des Grecs. C’est une honte à vomir.



  1. La troïka (FMI, Union européenne, Banque centrale européenne) n’hésite pas à plonger la population grecque dans le chaos social pour tenter de sauver la finance
 
Sonia Mitralia, membre du comité grec contre la dette a prononcé le 24 janvier un discours devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg.

Elle déclarait notamment :

« Les salaires et les retraites sont amputés de 50 % et même dans certains cas, de 70 %.

La malnutrition fait des ravages parmi les enfants de l’école primaire, la faim fait son apparition surtout dans les grandes villes du pays dont le centre est désormais occupé par des dizaines, de milliers de SDF misérables, affamés et en haillons.

Le chômage atteint désormais 20 % de la population et 45 % des jeunes (49,5 % pour les jeunes femmes).

Les services publics sont liquidés ou privatisés avec comme conséquence que les lits d’hôpitaux sont réduits (par décision gouvernementale de 40 %, qu’il faut payer très cher même pour accoucher, qu’il n’y a plus dans les hôpitaux publics de pansements ou de médicaments de base comme des aspirines.

L’Etat grec n’est toujours pas capable, en janvier 2012, de fournir aux élèves les livres de l’année scolaire commencée en septembre passé.


Des dizaines de milliers de citoyens grecs handicapés, infirmes ou souffrants de maladies rares se voient condamnés à une mort certaine et à brève échéance après que l’Etat grec leur a coupé les subsides et les médicaments.

Le nombre de tentatives de suicide s’accroît à une vitesse hallucinante, comme d’ailleurs des séropositifs et des toxicomanes abandonnés désormais à leur sort par les autorités… »
 
Cela ne suffit pas à la Troïka qui exige une nouvelle saignée de la population grecque : baisse du salaire minimum, baisse des retraites, nouveaux licenciements dans le secteur public. Sarkozy, affirmait à l’issue du dernier Conseil des ministres franco-allemand : « Les Grecs ont pris des engagements, ils doivent les respecter scrupuleusement, il n’y a pas le choix, le temps presse, c’est une affaire de jours, maintenant il faut conclure ». Cet homme-là est décidément d’une grande humanité.
 
Les termes de « plans d’austérité » ou de « plans de rigueur » sont inadéquats. Ils suggèrent une forme d’ascèse librement acceptée, un passage qui serait difficile mais nécessaire. Cela n’a rien à voir avec la réalité. Ces plans sont des plans de destruction sociale.
 
Nous sommes ramenés plus d’un siècle en arrière lorsque les libéraux ne cachaient pas qu’ils croyaient que seule la faim pouvait pousser les salariés à travailler. Aujourd’hui, c’est le peuple grec qui subit la loi de la finance dans toute sa barbarie. Demain, ce sera le tour du Portugal, de l’Irlande, de l’Espagne, de l’Italie, de la Belgique, de la France…

 

  1. Les plans de destruction sociale de la troïka enfoncent la Grèce et l’Union européenne dans la récession
 
La Grèce subira en 2012 sa cinquième année de récession consécutive. En 2011, son PIB a diminué de près de 6 %. L’année 2012 sera encore pire.
 
Cette récession n’est pas due à la fatalité mais aux plans de destruction sociale successifs imposés à la Grèce. Ces plans massacrent la consommation intérieure. Le chômage dépasse les 22 % de la population et atteint 45 % chez les jeunes. La récession entraîne une baisse des recettes publiques (impôts, cotisations sociales) et donc une augmentation du déficit public malgré les coupes opérées dans les dépenses. Pire, le ratio dette/PIBB utilisé par l’Union européenne comme par les marchés financier augmente encore plus rapidement puisque la dette publique augmente et que le PIB diminue.
 
La combinaison des plans de destruction sociale imposés à la Grèce à des plans, moins barbares, mais de même nature, imposés aux autres pays européens généralise la récession à toute l’Union européenne et aggrave la récession subie par chaque pays qui voit, ainsi, sa demande extérieure diminuer. Même l’Allemagne est maintenant touchée par la récession.
 
C’est le cas, en particulier, des pays les plus fragiles de la zone euro.

Le Portugal subira en 2012 la pire récession (de l’ordre de 5 %) depuis la sinistre récession de 1975. Dès juin 2011, le nouveau Premier ministre de droite, Pedro Coelho, annonçait deux « années terribles » de récession et de chômage alors que le chômage (officiel) dépasse déjà les 13 % de la population active.

C’est aussi le cas de l’Espagne. « Le premier trimestre va être très dur, très dur » affirmait, le jeudi 2 février, le ministre de l’Economie à la radio Onda Cero. Le FMI prévoit une contraction du PIB espagnol de 1,7 % en 2012. Le déficit public de 2011 devrait s’élever à 8 % au lieu des 6 % prévus. L’Institut nations de statistiques (INE) souligne la situation des familles au bord de la dérive sociale. Dans 1,6 millions de foyers espagnols, tous les membres sont au chômage. 1/3 des 5,27 millions de chômeurs ne bénéficie d’aucune aide sociale de l’Etat. 22,85 % de la population (chiffre officiel) est au chômage et 51,4 % des moins de 25 ans.
 
Les économies des pays de l’Union européenne entrent en récession, les unes après les autres. Avec à chaque fois, la même origine : les plans de destruction sociale mis en œuvre dans l’ensemble de l’Union européenne.
 
Le ministre allemand des Finances, Wolfgang manque de s’étouffer en évoquant le « puits sans fond » de la dette publique grecque. Il oublie toutefois de préciser que ce sont les « remèdes » de l’UE et du FMI qui ont creusé ce trou depuis 2010.
 
Il suffit d’ailleurs de constater l’évolution des dettes publiques des pays européens les plus fragiles pour constater l’effet désastreux des plans de destruction sociale imposés par la troïka.

En 2010, la dette publique de la Grèce s’élevait à 140 % de son PIB, celle du Portugal à 91 % de son PIB, celle de l’Irlande à 96 % et celle de l’Espagne à 60 %.

Aujourd’hui, la dette publique de la Grèce atteint 162 % de son PIB, celle du Portugal 110 %, celle de l’Irlande 105 % et celle de l’Espagne 66 %.
 
Christine Lagarde, elle-même, prend conscience du danger et prévient que « les 17 pays de le l’euro ne doivent pas entreprendre des réductions drastiques de dépenses au même rythme et de même ampleur ». Ce qui n’empêche pas la Troïka, dont le FMI est l’un des participants de poids, d’exiger une nouvelle saignée de la Grèce.

 

  1. Les banques se gavent aux dépens des populations européennes
 
Le nouveau plan d’aide à la Grèce, prévu par la troïka, doit renforcer le capital des banques grecques d’un montant de 40 milliards d’euros pour compenser les pertes de 50 à 70 % de la valeur des titres grecs qu’elles possèdent. Ce sera à l’ensemble du peuple grec de payer rembourser ses 40 milliards d’euros et à subir le nouveau plan de destruction sociale, en contrepartie du prêt consenti par l’UE et le FMI.

La Banque centrale européenne (BCE) a, en décembre 2001, fourni 489 milliards de liquidité aux banques européennes sous forme de crédit à 3 ans au taux très bas de 1 %. Elle s’apprête à recommencer la même opération (pour un montant sans doute plus important encore) en janvier 2012. Ces banques ont utilisé une partie de ces fonds pour acheter des titres italiens ou espagnols lors des dernières émissions de dette publique de l’Italie et de l’Espagne. Ces titres leur permettront d’empocher, chaque année, des taux d’intérêt de 5 à 7 %.
 
Pendant combien de temps les peuples européens accepteront-ils d’être saignés à blanc pour enrichir les banques qui empruntent à 1 % à la BCE pour prêter à 5 à 7 % aux Etats européens ?
 
Ce n’est pas supportable plus longtemps : la BCE doit acquérir directement les titres des dettes publiques nouvellement émis à un taux de 1 % ou de 0,75 % comme elle prévoit de le faire pour les banques européennes.

 

  1. Les plans d’aide à la Grèce sont des plans d’aide aux créanciers de la Grèce : les banques, les assurances et les fonds spéculatifs
 
Les Grecs ne voient pas un centime d’euro des « plans d’aide » appelés par antiphrase « plans d’aide à la Grèce ». Les sommes versées par le FMI et l’UE vont directement dans les poches des créanciers de la Grèce, en particulier les banques et les assurances grecques mais surtout allemandes françaises, britanniques.
 
Les plans d’aide à la Grèce sont donc des plans d’aide aux créanciers de la Grèce : les banques, les assurances et les fonds spéculatifs. On comprend aisément pourquoi ils ne portent pas leur véritable nom.
 
Pour ceux qui douteraient de cette réalité, ils n’auraient qu’à se référer aux dernières déclarations de Sarkozy et Merkel. Ils ont souhaité que les sommes versées par l’UE et le FMI (par tranches successives) soient bloquées sur un compte séquestre « pour être sûr que cet argent sera durablement disponible pour assurer les paiements du service de la dette du pays ». Et éviter, sans doute, que quelques dizaines de milliers d’euros ne s’égarent pour aller financer des cantines ou des médicaments pour les hôpitaux grecs.

 

  1. L’article 63 du traité de l’Union européenne permet aux « hedge funds » de spéculer sur la dette grecque
 
 
Article 63 du Traité européen qui est une reprise de l’Acte unique de 1986 interdit que soit instauré le moindre contrôle des capitaux à l’entrée ou à la sortie de l’Union européenne.
 
C’est cet article qui permet, aujourd’hui, aux « hedge funds » anglo-saxons de spéculer sur les dettes publiques des pays de l’Union européenne en se souciant comme d’une guigne des conséquences de leur spéculation pour la population de ces pays et sur l’avenir de la zone euro.

 

  1. Rien n’empêche la Grèce de faire défaut, au contraire
 
Il est stupéfiant de constater l’arrogance des dirigeants européens qui affirment « perdre patience » face aux « atermoiements » des Grecs qui n’acceptent pas sans quelques réticences la ruine de leur pays.
 
C’est le monde à l’envers. Il suffirait que la Grèce affirme qu’elle va faire défaut de sa dette publique pour que l’on assiste aussitôt au spectacle des dirigeants européens et des banques européennes perdant brutalement leur superbe et acceptant, en toute humilité, de négocier la restructuration de la dette publique grecque, oubliant au passage toutes leurs prétentions à imposer leurs ignobles plans de destruction sociale.

Qui aurait, en effet, le plus à perdre à un défaut de la dette publique grecque ?

La Grèce ? Certainement pas.

Que pourrait-il, en effet, lui arriver de pire que ce qu’elle subit en se refusant à faire défaut ?
 
La Grèce ne pourrait pas faire face à l’échéance de 14,5 milliards d’euros en mars 2012 ?

Menace dérisoire. Si la Grèce faisait défaut de sa dette, c’est-à-dire annulait sa dette publique, elle n’aurait pas à se préoccuper de ces 14,5 milliards d’euros qui n’ont qu’une fonction, rembourser les créanciers de la dette publique grecque du montant des titres de cette dette qui arriveront à échéance en mars. En faisant défaut de sa dette, la Grèce effacerait toutes ses dettes dont celles qui arrivent à échéance en mars.
 
La Grèce risquerait de faire faillite ?

Cest une supercherie. Un épouvantail agité par les dirigeants européens et la quasi-totalité des médias.

Un Etat relève du droit international et a le droit souverain de faire défaut de sa dette c’est-à-dire de ne plus la rembourser et de ne plus payer les intérêts qui lui sont liés.

La faillite relève du droit privé et ne s’applique pas à un Etat. Nul n’a le droit de vendre un Etat par appartement pour l’obliger à rembourser sa dette s’il décide de faire défaut.

C’est justement parce que la Grèce ne fait pas défaut qu’elle est traitée comme une entreprise privée, que ses services publics sont vendus à l’encan et que ses créanciers peuvent lui imposer des plans de destruction sociale à répétition.

Si la Grèce faisait faillite, elle serait cent fois mieux traitée et pourrait chasser de son sol les hommes et les femmes en noir de la troïka avec, dans leurs attaché-case, leurs plans de destruction sociale de la Grèce.
 
La Grèce risquerait de ne plus avoir accès aux marchés financiers ?

C’est une menace ridicule. Aujourd’hui, la Grèce ne pourrait pas se refinancer sur ses marchés à moins de 35 %. Les marchés financiers lui sont donc interdits.

Mais si elle dénonçait une dette de 390 milliards d’euros, elle aurait tout le temps de relancer son économie, comme l’ont fait la Russie après 1998 et l’Argentine après 2001, puis de revenir sur les marchés financiers, si tel était son choix, mais avec des taux de 1 ou 2 %. Pour la finance, en effet, l’argent n’a pas d’odeur et elle sera toujours prête à faire crédit à un pays en plein développement et avec une dette publique considérablement allégée.
 
La Grèce serait obligée de quitter la zone euro si elle annulait sa dette publique ?

Mais où Sarkozy a-t-il lu cela, lui qui le premier a brandi cette menace ?

Il n’y a rien qui permette de le faire dans les traités européens où ce cas de figure avait été résolument écarté par les pays signataires.

Comment, lui toujours si prompt à réclamer le respect des traités quand cela l’arrange, pourrait-il s’asseoir aussi délibérément sur le traité européen ?

Un défaut de la Grèce aurait, au contraire, des répercussions désastreuses pour les banques et les oligarques européens

Les taux des dettes publiques italiennes et espagnoles augmenteraient brutalement.

L’Italie et l’Espagne serait dans l’obligation, soit à faire défaut, soit à faire appel au FMI et à l’UE. Mais le FMI et l’UE n’ont pas les moyens de faire face à une crise des dettes publiques espagnole et italienne. La dette publique grecque s’élève à 390 milliards d’euros, les dettes espagnoles et italiennes cumulées à 2 850 milliards d’euros !
 
La crise grecque ferait tâche d’huile et la plupart des pays européens se verraient dans l’obligation d’annuler une bonne partie de leurs dettes.
 
Il suffit de se rappeler de la panique qui avait saisi Sarkozy et Merkel lorsque Papandréou avait brandi la menace (hélas passagère) d’un référendum grec pour comprendre à quel point ces Tartarins sont vulnérables.
 
Le milliardaire américain Paul Getty l’avait compris il y a déjà quelques temps : « Si vous devez mille dollars à votre banquier, il vous tient. Si vous lui devez un million de dollars, c’est vous qui le tenez ». Et c’est des centaines de milliards d’euros que la Grèce doit à ses créanciers.
 
Si Papandréou avait eu le courage de défendre les intérêts du peuple grec plutôt que ceux des banques et de la finance, il aurait pu obliger l’Union européenne et le FMI à régler très rapidement, dès 2010, le problème de la dette grecque en négociant l’annulation de la plus grande partie de la dette. Il aurait pour cela suffi qu’ils menacent les Merkel et autre Sarkozy d’une annulation unilatérale de la dette grecque. Il aurait alors inversé le rapport de forces et obligé la Finance à négocier, le dos au mur. Il aurait, par la même occasion, évité qu’une égratignure (la Grèce représente 3 % du PIB de la zone euro) ne se transforme en danger de gangrène pour l’ensemble de la zone euro.
 
Il est urgent pour le Parti socialiste grec (le Pasok) de changer de politique et de défendre les intérêts du salariat grec plutôt que ceux de la Finance. Cette Finance que François désignait, à juste titre, dans son discours du Bourget comme notre ennemi.

Les 22 députés socialistes qui se sont opposés au vote du nouveau plan de destruction sociale de la Grèce montrent la voie du redressement pour le Parti socialiste grec.
 
Jean-Jacques Chavigné

 

Jeudi 16 Février 2012
Gérard Filoche
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16 février 2012 4 16 /02 /février /2012 16:23

 

Le Monde - 16 février 2012

 

C’est carnaval depuis déjà deux semaines, à Patras, mais le cœur n’y est pas. "D’habitude, les rues sont remplies de gens costumés et masqués. Cette année, impossible d’arracher un sourire", soupire un vendeur ambulant. Les joyeux personnages en carton-pâte installés par la mairie ne font pas illusion : la grisaille de l’hiver est seulement dissipée par les affichettes jaunes "A louer" et "A vendre" qui ornent les vitrines des commerces en faillite.

La bijouterie de Georges Roros a survécu mais l’homme est inquiet. Président de l’un des deux syndicats de commerçants de la ville, il est aux premières loges pour assister à l’effondrement de la capitale du Péloponnèse (250 000 habitants). Patras a enregistré 1 630 fermetures d’entreprises en 2010 et 1 730 en 2011.

Georges Roros

Assis entre une icône dela Vierge et un buste d’Hermès, M. Roros accuse : les banques, qui ont "trop vite coupé le robinet du crédit" ; Bruxelles et Angela Merkel, qui voudraient "tuer les entreprises grecques pour ensuite investir à moindre frais" ; Athènes et ses hommes politiques "illégitimes", qui ont "signé l’arrêt de mort du pays".

"A vendre"

Nikos Sifados, du journal local Peloponnisos, possède un autre indicateur imparable pour mesurer la chute de la troisième ville de Grèce : la vitesse à laquelle s’écoule son édition du jeudi, celle où sont répertoriées les offres d’emploi. "Semaine après semaine, il y a de moins en moins d’annonces, mais le journal s’arrache de plus en plus tôt dans la journée", explique M. Sifados, qui en rigolerait presque : "Ca ne résout même pas la crise de la presse, on est passé de sept journaux locaux a quatre !"

Les statistiques officielles confirment la tendance : la ville compte 25 % de chômeurs, contre 10 % en 2009. De l’aveu même de l’adjoint au maire à la politique sociale, Teoharis Massaras, le chiffre réel, une fois pris en compte les travailleurs les plus précaires, pourrait être bien supérieur. Parallèlement, les prix ont grimpé : en trois ans, le fioul de chauffage est passé de 5 centimes le litre à un euro. "Cette augmentation, ce sont les taxes que les Européens nous accusent de ne pas payer", commente, amer, M. Massaras.

"A louer"

Face à l’ampleur du choc, les services sociaux sont dépassés. Il y a encore un an, la mairie distribuait des repas à 400 familles. Elles sont aujourd’hui mille à recevoir nourriture et médicaments, et 500 demandes sont en souffrance. Il a fallu "faire des choix", reconnaît M. Massaras : l’aide sociale qui allait aux milliers de migrants bloqués en ville en attendant d’embarquer dans un ferry pour l’Italie est désormais accordée en priorité "aux gens d’ici".

 

Ioannis Souvaliotis

Pour les anciens, comme Ioannis Souvaliotis, dirigeant local dela Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE), la crise actuelle rappelle la mauvaise passe des années 1980, quand les grandes usines – de textile principalement – avaient quitté la ville. "Au lieu de chercher à recréer un tissu industriel, Patras s’est spécialisée dans les services", regrette M. Souvaliotis. Car les cohortes de nouveaux chômeurs se recrutent aujourd’hui quasi exclusivement chez les petits employés du tertiaire et les commerçants, qui n’ont pas résisté à la baisse de la consommation provoquée par les plans d’austérité imposés par la troïka.

Rescapé de cette chute vertigineuse, seul le port offre encore un filet de sécurité à la ville. Porte d’entrée pour les touristes motorisés de l’Europe entière et porte de sortie des exportations de la région, il est la dernière valeur sûre de Patras, malgré son trafic – passagers et camions – en diminution de près de 30 % en quatre ans. Mais là aussi l’inquiétude règne, exprimée par Nikos Papaleksis, président du syndicat des hôteliers de la région Achaïe : "Nous n’avons pas très bonne presse en Allemagne, en ce moment, il ne faudrait pas que ça décourage les touristes."

Benoît Vitkine


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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 23:10

 

Rattrapage 15/02/2012 à 12h28
Nolwenn Le Blevennec | Journaliste Rue89
C'est l'augmentation de salaire de toute une vie. La rémunération moyenne globale des patrons du CAC 40 a augmenté de 34% en 2010, à 4,11 millions d'euros annuels. Ces chiffres sont issus de l'étude annuelle de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest, publiée mardi 14 février.

« Après trois années de baisse », dit l'étude, les grands dirigeants se sont bien rattrapés. Dix grands patrons français ont touché une rémunération représentant plus de 240 , soit 4,6 millions d'euros, en 2010. Allez, pour le plaisir :

  • Jean-Paul Agon de L'Oréal  : 10,7 millions d'euros ;
  • Bernard Arnault de LVMH  : 9,7 millions ;
  • Carlos Ghosn de Renault  : 9,7 millions ;
  • Bernard Charlès de Dassault systèmes : 9,5 millions ;
  • Franck Riboud de Danone  : 7,7 millions ;
  • Maurice Levy de Publicis  : 6,2 millions ;
  • Christopher Viehbacher de Sanofi-Aventis : 6,1 millions ;
  • Arnaud Lagardère de Lagardère SCA : 4,9 millions ;
  • Henri de Castries de AXA  : 4,9 millions ;
  • Lars Olofsson de Carrefour  : 4,8 millions.

LePoint.fr note :

« Ces rémunérations valorisent les stock-options et actions gratuites (30 % de la rémunération totale) à la date d'attribution et ne tiennent donc pas compte de la chute des cours enregistrée depuis. »

C'est la hausse qui compte

Interrogé par l'AFP, le PDG de L'Oréal Jean-Paul Agon a déclaré que les deux tiers de ce chiffre étaient virtuels.

« Ces stock-options dépendent par définition du prix de l'action en Bourse et à titre indicatif, au cours de ce matin, ces 7 millions d'euros soi-disant représentaient en fait zéro. »

Il a ajouté avoir cependant « un très haut salaire » de 3,7 millions d'euros.

Qu'importe, c'est la hausse qui compte (grâce à la distribution de bonus). Les patrons sont plus généreux avec eux-mêmes qu'avec leurs salariés.

Dans le même temps, le pouvoir d'achat des Français est en décélération : il est en hausse de 1,2% en 2010, contre 1,6% l'année précédente. Selon une étude de l'Insee publiée en avril 2011, le niveau de vie médian s'élève à 1 580 euros par mois. Le salaire moyen, quant à lui, est de 1 842 euros par mois.

 

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 23:04

 

LEMONDE | 15.02.12 | 11h00   •  Mis à jour le 15.02.12 | 18h25

 
 

 

Selon l'Observatoire national de la fin de vie, seuls 2,6 % des généralistes se sont formés aux soins palliatifs.

Selon l'Observatoire national de la fin de vie, seuls 2,6 % des généralistes se sont formés aux soins palliatifs.AFP/VALERY HACHE

Les progrès de la médecine ont fait évoluer des maladies autrefois aiguës en pathologies chroniques, et ainsi accru le nombre de fins de vie lentes et complexes. La tendance devrait se poursuivre, mais la France prend mal en compte ce phénomène. C'est ce qui ressort du premier rapport de l'Observatoire national de la fin de vie, rendu public mercredi 15 février dans un contexte encore plus tendu qu'habituellement sur cette question sensible, l'euthanasie étant devenue un sujet du débat de l'élection présidentielle. François Hollande a inscrit une évolution de la loi à son programme; Nicolas Sarkozy s'y oppose.

Le rapport de l'Observatoire créé en 2010 après l'affaire Chantal Sébire, du nom de cette femme défigurée qui réclamait le droit de mourir, était attendu. Il ne comporte toutefois pas les résultats d'une étude de l'Institut national des études démographiques (INED) sur les circonstances des décès et la réalité des pratiques d'euthanasie en France, qui devrait être publiée en avril.

>>>Lire le rapport de l'Observatoire de la fin de vie

Le rapport mesure toutefois, et pour la première fois, les besoins en soins palliatifs: deux tiers des personnes qui décèdent relèveraient d'une telle prise en charge, soit 322 000 par an, dont la moitié sont atteintes d'un cancer. Ces patients sont loin d'en bénéficier : à l'hôpital par exemple, en soins aigus, un tiers des mourants disposerait d'une prise en charge palliative, soit seulement la moitié de ceux qui en ont besoin. Aux urgences, 64 % des personnes qui décèdent nécessiteraient des soins palliatifs et seuls 7,5 % en bénéficient. L'Observatoire regrette que le système de codage de l'activité hospitalière, qui a souvent changé, ne permette pas d'avoir une vision précise du recours à de tels soins.

Alors qu'il est communément admis que la loi Leonetti qui instaure le droit au "laisser mourir" est mal connue des Français et peu appliquée, le rapport fait le point sur la formation des soignants: à l'hôpital, depuis 2005, seulement 10 % des infirmières ont été formées. Pire, chez les médecins libéraux, seuls 2,6 % des généralistes ont opté pour une formation à l'accompagnement de la fin de vie. Et ce, alors que beaucoup de Français souhaitent mourir chez eux.

DONNÉES PEU NOMBREUSES

Dans l'attente de l'étude de l'INED, la France ne dispose d'aucune photographie fiable sur les circonstances des décès. En Belgique et aux Pays-Bas, qui ont légalisé l'euthanasie, ces données alimentent déjà le débat. Pourquoi un tel retard? "L'hypothèse que j'émets est que dans les pays du nord de l'Europe, culturellement et historiquement, la question de la mort et de la fin de vie est moins taboue", affirme Régis Aubry, président de l'Observatoire et chef du service de soins palliatifs du CHU de Besançon.

En Belgique et aux Pays-Bas, peu de décisions d'euthanasie ont été enregistrées (2,5 % à 3,5 % de l'ensemble des décès). Mais parmi elles, un tiers sont prises sans le consentement des patients, malgré une procédure stricte de décision médicale collégiale, et sont donc illégales. Un phénomène qui devrait être aussi constaté en France, estime l'Observatoire, et dont il faudra s'atteler à comprendre les causes. En octobre 2011, l'étude menée par le docteur Edouard Ferrand, chef de l'unité mobile de soins palliatifs de l'hôpital Foch à Suresnes (Hauts-de-Seine), montrait que des demandes d'euthanasie persistent malgré l'accompagnement des patients par des équipes de soins palliatifs (Le Monde du 11 octobre 2011).

L'Observatoire rend par ailleurs publique, dans son rapport, une étude réalisée sur les "obstinations déraisonnables" – ou acharnements thérapeutiques –, que la loi Leonetti proscrit depuis 2005. Il n'existe pas de données sur le nombre de situations donnant lieu à des conflits entre patients, famille et médecins, mais il ressort de cette enquête, menée par le docteur Bernard Devalois, médecin de soins palliatifs, qu'elles sont rares. Ces conflits naîtraient en outre davantage du fait d'un désaccord entre médecins et équipe paramédicale, qu'avec les patients ou leur entourage. Enfin, dans les conflits concernant des patients inconscients, des velléités d'acharnement thérapeutique ont été constatées non de la part de médecins comme on aurait pu s'y attendre, mais des familles.
Des données peu nombreuses, certes, mais à prendre en compte. "Notre rapport est fait pour alimenter le débat. Notamment pour que, quelle que soit l'orientation politique ou politicienne des candidats à la présidentielle, on puisse débattre sur des éléments factuels", espère M.Aubry, s'agaçant de voir le sujet de la fin de vie tourner à l'affrontement gauche-droite.

Rien ne laisse présager que ce travail apportera une quelconque sérénité, tant les positions semblent déjà tranchées. Dès réception du rapport, mardi 14 février, François Fillon a publié un communiqué, dans lequel il juge qu'une évolution législative n'est pas nécessaire. Dans la foulée, l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) a dénoncé, "un brûlot anti-euthanasie". Drôle d'ambiance.

 

 

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15 février 2012 3 15 /02 /février /2012 22:22

 

Le Monde - 15 février 2012

 

Comme souvent aux 4000, le digicode ne marche pas : la porte d'entrée est ouverte à tous les vents. Une quinzaine de boîtes aux lettres défraîchies. Toutes portent un nom, sauf une, qui en porte cinq. Nous montons l'escalier aux murs tagués de "93", sonnons, et dès l'ouverture de la porte nous reconnaissons des visages, et bientôt des frimousses. Il y a encore trois mois, ces enfants jouaient, mangeaient et dormaient sous des tentes, à 100 mètres de là. Depuis le 11 novembre, ils dorment au chaud dans ce grand appartement. Mais toujours dans l'illégalité.

Dans le nouveau squat... © E.R

Dans le nouveau squat... © E.R

Les 26 adultes et 9 enfants qui squattent cet appartement de six pièces sont tous des anciens squatteurs de la barre Balzac dont nous suivons les péripéties sur ce blog depuis 1 an et demi maintenant (nos lecteurs fidèles peuvent passer le prochain paragraphe).

Flash-back

La plupart sont arrivés en France pour fuir les violences des dernières années du régime de Laurent Gbagbo en Côte d'Ivoire. Sans famille pour les héberger, avec de trop petits salaires pour louer dans le parc privé, et parfois sans-papiers, ils avaient trouvé un toit de fortune dans le vieil immeuble vidé de ses locataires en vue de sa démolition, et cela en toute connaissance de l'office HLM qui leur faisait payer des indemnités d'occupation. Il y avait là des hommes seuls, mais aussi des familles. Le 8 juillet 2010, au petit matin, 190 adultes et 49 enfants étaient expulsés par les CRS.

Sur la place de la Fraternité, le 5 octobre 2011. © Elodie Ratsimbazafy

Sur la place de la Fraternité, le 5 octobre 2011. © E.R

Épaulés par l'association Droit au logement, ils décidaient de planter des tentes au pied de la barre. Les CRS les évacuaient le 21 juillet 2010 sans ménagement, une scène dont les images ont été diffusées jusque sur CNN. Après trois mois de manifestations, la préfecture acceptait de payer pour eux des chambres d'hôtels où passer l'hiver : procédure courante – mais très coûteuse – en l'absence de places suffisantes d'hébergement d'urgence. Durant l'hiver des logements étaient trouvés pour certains familles, des titres de séjour obtenus. Au bout de cinq mois, passée la trêve hivernale, la préfecture mettait fin au paiement des chambres d'hôtels. Et le 18 avril 2011, 72 adultes et 36 enfants, sans solution de logement, décidaient de continuer la lutte ensemble en venant installer leurs tentes place de la Fraternité au beau milieu de la cité. Ils vivront là dans des conditions très précaires pendant près de sept mois. Le tribunal administratif de Montreuil a décidé de leur évacuation le 2 novembre 2011.

"Dans les centres d'hébergement d'urgence, il n'y avait pas de place"

Le 7 novembre, les CRS sont arrivés vers 9 heures du matin, ont encerclé la place. Tous ceux qui se trouvaient là ont été mis en rang pour monter dans des cars. Mais d'autres étaient déjà au travail à 9 heures ce matin-là. C'était le cas de Massandjé, 26 ans, et de Sidiki, 35 ans, son compagnon, qui nous accueille ce soir-là dans leur nouveau squat de La Courneuve. Il est agent de sécurité, et gagne un SMIC. "J'étais au travail, c'est ma femme qui m'a averti. Quand je suis arrivé sur place l'endroit était barricadé, on n'a pas pu y avoir accès. Nous avons vu les autres monter dans les cars, nous sommes restés sur place" explique-t-il. Il pensait alors avoir été chanceux. Mais ceux qui sont partis en cars, comme l'hiver dernier, se sont vus proposer des chambres d'hôtels, payées par la préfecture, quand eux, sont restés à la rue.  

"Nous n'avions plus de tentes, nulle part où aller. Nous appelions les centres d'hébergement d'urgence, mais il n'y avait pas de place. Il y avait là des femmes avec des enfants, il faisait froid. La première nuit, elles l'ont passée à l'hôpital. Et un soir, une personne de bonne volonté nous a indiqué qu'un appartement était libre à quelques pas de la place [de la Fraternité à La Courneuve]. Nous sommes allés voir, la porte était ouverte. Et nous nous sommes installés", raconte-t-il.

Sidiki, au premier plan, et quelques-unes de ses colocataires d'infortune, dans leur nouveau squat. © E.R

Sidiki, au premier plan, et quelques-unes de ses colocataires d'infortune, dans leur nouveau squat. © E.R

Depuis, ils y ont fait rebrancher le gaz, l'électricité, une box Internet, et payent chaque mois leurs factures à EDF, GDF et SFR en bonne et due forme. L'appartement compte six pièces, trois chambres pour les couples, deux pour les femmes seules avec enfants, et une pour les hommes célibataires , dont le mur est noirci par l'humidité : l'appartement est vétuste. Un drôle de retour à la case départ, 19 mois après avoir quitté le squat de la vieille barre Balzac : qui aurait cru qu'elle aurait été démolie avant qu'une solution ne soit trouvée pour les expulsés ?

Nouvelle ordonnance d'expulsion

Sur la table, plusieurs lettres d'huissier. Des convocations devant la justice. Mi-janvier, ils ont dû se présenter au tribunal d'instance d'Aubervilliers. Sans avocat : leur demande d'aide juridictionnelle n'a pas abouti. La juge a décidé leur expulsion. "Même si la situation des défendeurs est incontestablement difficile, il est tout aussi incontestable que de nombreuses familles se trouvent dans des situations tout aussi difficiles et qu'il ne peut être admis que ceux qui forcent une porte se retrouvent dans une situation privilégiée du fait de leur action forcée" lit-on sur la décision.

Dans la salle de bains du squat. © E.R

Dans la salle de bains du squat. © E.R

Ils ont jusqu'à fin février pour partir car pour eux la trêve hivernale – qui interdit les expulsions entre le 1er novembre et le 15 mars – ne s'applique pas. "Partir ? Pour aller où? Nous n'avons nulle part où aller" explique Sidiki. Ils s'attendent donc à se voir chasser par les CRS un matin prochain. Mais restent sereins, résignés : "On a l'habitude, ça va faire quatre fois..." Sidiki répète ce que chacun des expulsés nous dit depuis un an et demi : "Nous ne sommes pas des criminels, nous ne sommes pas des voleurs. Nous travaillons. Nous ne demandons pas la pitié. Nous voulons juste un logement. Nous avons de quoi payer : ma femme est en CDI, elle a des papiers, à nous deux nous gagnons 2 500 euros par mois. Mais nos demandes de logement ne passent pas. Que faut-il faire maintenant ?" Et ajoute : "Depuis 2007 je vis en France, j'ai toute ma vie ici. Retourner en Côte d'Ivoire, cela voudrait dire tout reprendre à zéro. J'ai 35 ans. A quel âge pourrais-je fonder une famille ?" Un an et demi après, le problème reste donc entier, pour les nouveaux squatteurs comme pour ceux qui vivent à l'hôtel : jusqu'à quand la préfecture paiera-t-elle leurs chambres ? Peut-on imaginer les voir tous revenir au printemps, replanter leurs tentes sur la place pour la troisième fois ?

Il est 19 h 30, on sonne à la porte. Voilà un autre des expulsés de Balzac qui arrive avec ses deux enfants. Lui fait partie de ceux qui sont hébergés à l'hôtel. Il vit désormais dans les Yvelines à l'autre extrémité de la ligne B du RER. Il travaille à 6 heures chaque matin à Alfortville dans le Val-de-Marne. Mais ses enfants de 5 et 7 ans sont scolarisés en maternelle et en primaire à La Courneuve. Tous les jours, les enfants se lèvent donc à 4 heures pour qu'il ait le temps de les déposer chez une Courneuvienne compréhensive avant de partir travailler. Et de les récupérer en toute fin de journée. L'aîné des enfants, en CE1, écoute le récit de son père. "Pas trop fatigué ?" lui demande-t-on. "Non !" répond-il souriant. Une des femmes lance : "il a le choix ?"

A.L


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14 février 2012 2 14 /02 /février /2012 16:56

 

Le rapport annuel de la Cour des comptes fait autorité pour baliser le champ de la politique budgétaire. Il est loué pour sa rigueur comptable et sa neutralité politique. Sa cuvée 2012 accorde un satisfecit à l’effort de rigueur réalisé en 2011 (de 0,9 point de PIB, dont 0,4 point lié à l’abandon des mesures de relance) et programmé pour 2012 (1,25 points de PIB, soit près de 25 milliards d’euros).

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Liêm Hoang-Ngoc, Député au Parlement européen, membre de la Commission des affaires économiques et monétaires, contre-rapporteur du « paquet gouvernance »

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Cet effort serait le plus important réalisé depuis les années 1995 et 1996, où fut conduite par Alain Juppé la politique dite «de réduction des déficits», avec le bonheur que l’on sait(1) ...

Le rapport souligne que l’effort récent a surtout tenu dans une hausse des prélèvements obligatoires. Il indique que, sous l’hypothèse d’une croissance potentielle annuelle de 1%, la France devra consentir un effort de rigueur de 20 milliards par an pendant trois ans (de 2013 à 2015) si elle entend contenir l’emballement de la dette publique qui, autrement, atteindrait 100% du PIB en 2015 et 113% en 2020, amenant notre pays à consacrer 4,5% du PIB par an au paiement des intérêts de la dette.

Reprenant les chiffres de la Commission européenne, la Cour des comptes estime que cet effort permettrait de réduire de près de 3 points le déficit structurel, que Bruxelles estime à 5,2% du PIB (2). Mais comme l’effort récent a consisté à augmenter les impôts, le rapport préconise de répartir l’effort de 20 milliards par an pour une moitié en hausse des prélèvements et pour l’autre moitié en baisse des dépenses. Outre la poursuite du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux dans le cadre de la Revue Générale des Politiques Publiques, il faudrait, en outre, poursuivre le gel des salaires des fonctionnaires, désindexer les pensions de retraites sur les prix et approfondir la politique de déremboursement des médicaments. 

La feuille de route du futur président de la République est donc fixée. Il n’est pas question d’engager un euro de dépense supplémentaire. La hausse de la fiscalité doit être complétée par une baisse des dépenses. Hors de la rigueur, point de salut. Ce point de vue est présenté comme a-idéologique. La crédibilité est à ce prix. Aucune autre politique n’est possible. 

C’est ici qu’imperceptiblement, à la manière d’une agence de notation glissant de façon subliminale ses recommandations, la Cour outrepasse son rôle, tant sa présentation du débat budgétaire est tronquée. Elle tranche le débat théorique de fond d’un revers de main, en 4 pages (de la page 50 à 53 du rapport), où sont exposés les présupposés qui motivent, en amont, ses préconisations. 

Dans les médias, l’idéologie de la rigueur est résumée par la ritournelle de «la dette qui pèse sur les générations futures». Dans le rapport, cela donne: «Les ménages et les entreprises peuvent augmenter leur épargne et réduire leurs investissements face à une aggravation du déficit» (3). Pour le dire clairement, en prévision des impôts qu’il faudra payer pour éponger les intérêts de la dette, les ménages consomment moins et les entreprises n’investissent plus, de peur de voir leur rentabilité amputée par un alourdissement de la fiscalité. Dans les manuels de théorie économique, ce point de vue est défendu par la très libérale théorie de l’équivalence ricardienne. Pour celle-ci, ce que les agents économiques ne paient pas en impôts pour financer une dette improductive, ils l’affectent intégralement à des dépenses de consommation et d’investissement. La réduction des déficits permettrait alors de relancer la croissance. 

Malheureusement, la politique recommandée est très précisément celle qui est menée depuis dix ans et qui a creusé les déficits sans relancer la croissance. Outre leur hausse conjoncturelle liée aux mesures de relance et au rôle des amortisseurs sociaux durant la crise, rappelons ici que la part des dépenses publiques dans le PIB est restée stable depuis 1983. En son sein, la part des dépenses de l’Etat avait même baissé de deux points. La RGPP a détruit, depuis 2007, plus de 150 000 emplois dans les services publics. Les réformes des retraites et les déremboursements ont été amorcés. Les générations futures d’hier ont même déjà bénéficié des baisses d’impôts, gagées sur ces dépenses maîtrisées. Contrairement aux espoirs de ses promoteurs, cette politique n’a pas relancé la dépense de consommation et d’investissement des générations futures d’hier (et pour cause, la propension à consommer des ménages riches est faible et l’investissement dépend avant tout de la demande, devenue atone). La dette ne s’est pas creusée parce que la France fut keynésienne (elle ne l’est plus depuis 1983), mais parce que les déficits sont désormais concomitants des politiques dont la Cour ne fait, au fond, que réclamer l’approfondissement. 

Evidemment, et c’est son rôle, la Cour épingle l’inutilité de certaines niches fiscales. Elle se défendra de tout a priori idéologique. Page 52 du rapport, elle évoque même les effets récessifs susceptibles d’être engendrés par les politiques d’austérité et mis en évidence par les modèles keynésiens. Pour autant, dans son court passage sur les effets de la récession, le rapport ne discute jamais du détail de la conjoncture économique, notamment marquée par une sous-utilisation des capacités de production qui pousse les entreprises à réduire leur stock de capital. Or ce phénomène est précisément la cause de la baisse de la croissance potentielle de notre économie que l’on met généralement sur le compte d’un coût du travail plombant la compétitivité. La page 52 du rapport conclut sans débat: «Il est donc probable que les effets keynésiens de la diminution du déficit public seront prédominants à court terme, mais une confiance suffisante dans le redressement des comptes publics peut limiter leur ampleur en incitant les ménages à épargner moins et les entreprises à investir plus. » 

Et le rapport d’en appeler à une amélioration de la compétitivité française (on suppose que cela transite par une baisse du coût du travail) et une réduction de la demande intérieure (le pouvoir d’achat ne doit pas être la priorité) pour réduire le déficit extérieur de la France. La Cour espère en outre naïvement que les débouchés extérieurs s’amélioreront lorsque que d’autres pays relanceront leur demande, alors même que tous les Etats de la zone euro appliquent le même type de politique d’austérité que celle qu’elle recommande dans son rapport… 

Au total, l’analyse sous-jacente au rapport et ses recommandations n’ont rien de neutre. Elles font échos aux préconisations de la Commission européenne, au paquet gouvernance (le «six pack») que les conservateurs et les libéraux ont voté des deux mains au Parlement européen, et à la règle d’or que le couple Merkozy veut imposer dans les constitutions nationales sous la surveillance de la Cour de justice européenne, sous peine de sanctions financières automatiques.

Les mêmes politiques d’austérité, appliquées simultanément dans tous les pays de la zone euro, la plongeront durablement dans la récession et finiront par détruire le modèle social européen. Est-ce leur but inavoué ? Elles feront en tout cas basculer un nombre croissant de nos concitoyens du côté obscur du débat politique.

(1) Pour avoir cassé la croissance, cette politique échoua sur le front même de la réduction des déficits et provoqua la dissolution de l’Assemblée nationale par Jacques Chirac.

(2) Ce chiffre est contesté. L’OFCE estime que le déficit structurel est de 2,6% du PIB et le déficit conjoncturel de 2,7%. Un déficit structurel de 5,2%, proche du déficit courant, sous-entend que les dérisoires taux de croissance actuels sont proches du taux de croissance potentiel et que le déficit conjoncturel est devenu infime. Ce qui paraît absurde alors même que la France est en récession.

(3) En outre, le rapport insiste sur les pertes encourues par les banques qui détiennent des titres souverains dépréciés, à l’heure où les textes européens imposent des ratios de solvabilité nécessitant qu’elles consacrent des bénéfices supplémentaires à leurs fonds propres. Ceci conduirait les banques à renchérir le crédit pour restaurer leurs marges. Le rapport évoque également ce que les économistes orthodoxes nomment l’effet d’éviction, lié aux tensions sur les taux d’intérêt obligataires résultant de la prime de risque accrue sur les emprunts d’Etat. Ceci alourdirait le financement par émission d’obligation des entreprises. S’agissant du premier risque, la BCE a, depuis, massivement racheté les titres souverains dont les banques se sont débarrassées sur le marché secondaire, contribuant à soutenir leur cours. Elle a en outre injecté 489 milliards de liquidités pour qu’elles en rachètent sur le marché primaire. S’agissant du second risque, les taux sur le marché des obligations privées sont détendus, puisque les épargnants s’y replient, compte tenu des incertitudes sur le marché action et le marché des souverains. C’est pourquoi l’essentiel de l’argumentation de la Cour tourne autour de la thèse de l’équivalence ricardienne (Cf. infra).

13 février 2012

 

 

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