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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 19:29

 

Rue89 - Casse-tête 29/02/2012 à 19h29
Estelle Faure | Journaliste
RSA, CMU... Loin d'une France des «  fraudeurs  », des bénéficiaires potentiels capitulent face à l'administration ou ne savent pas qu'ils ont droit à des allocations.

Un Rubik's cube (Jaimesh/Flickr/CC)

Selon un rapport d'évaluation [PDF] paru en décembre dernier, la moitié des bénéficiaires potentiels du RSA (Revenu de solidarité active) n'en ont pas fait la demande. Victor, prof de gym à la retraite, en fait partie :

« Si je n'étais pas venu ici, je n'aurais pas su que j'avais certains droits. »

Ici, c'est le Pimms du XIIe arrondissement de Paris : le Point d'information et de médiation, une association qui compte quatre autres sites dans Paris et plus d'une quarantaine ailleurs en France.

« Je ne savais pas que j'y avais droit »

A 61 ans, Victor cherche encore ses mots : à la suite d'un AVC en 2005, il n'est plus apte à travailler et survit grâce à sa pension d'invalidité. Un coup dur pour cet ancien professeur de gym d'une école privée, qui rêvait d'enseigner le sport depuis qu'il est tout jeune.

Et quand Victor atteint l'âge de la retraite, il y a deux ans, ses revenus fléchissent. Il est contraint de quitter son logement.

Depuis, il vit dans un petit hôtel meublé pour 615 euros par mois :

« J'en ai marre de vivre là-bas, je ne peux pas faire ce que je veux. Alors je viens faire une demande de logement dans une résidence pour personnes âgées. Je ne savais pas que j'y avais droit. Je ne comprends pas tout pour les papiers alors je viens ici. »

Comme Victor, ils sont plus de 40 000 à venir chaque année dans un Pimms parisien – 400 000 dans la France entière – pour chercher de l'aide, remplir des papiers, rédiger des courriers ou faire des demandes d'allocations sociales. Un écrivain public social en quelque sorte. Rachid Ferhan, le responsable de l'établissement, explique leur mission :

« Notre rôle, c'est d'accueillir, informer et orienter les gens qui viennent nous voir, pour qu'ils ne soient pas ballotés entre deux administrations. Ces gens sont en butte à la lourdeur administrative : la CAF, la Sécurité sociale, les impôts. Au journal télévisé, on parle beaucoup des fraudeurs à l'assurance maladie, mais on n'entend jamais parler de ceux qui auraient droit à des allocations et qui ne le savent pas. »

Des taux élevés de non-recours

Ces oubliés de l'aide sociale sont pourtant nombreux : selon l'Odenore (Observatoire de non-recours aux droits et services), toute prestation sociale confondue, le taux de non-recours ne descend jamais en-dessous de 10%.

Philippe Warin, co-fondateur de l'Observatoire, précise :

« Pour certaines allocations, comme l'aide à la complémentaire santé, cela peut aller jusqu'à 80%. »

Selon lui, plusieurs raisons conduisent les bénéficiaires à ne pas se manifester :

« Le non-recours est élevé quand le dispositif est peu connu, enfoui dans un ensemble de droits comme les aides connexes par exemple, les tarifs sociaux de l'énergie. »

« Cette condition-là, je ne l'avais pas vue »

Pierre fait partie de ces allocataires qui auraient pu bénéficier d'une aide, mais qui n'en ont pas fait la demande. Pas par négligence, mais par manque d'information.

En septembre 2010, étudiant en école d'ingénieur, il termine son contrat d'apprentissage, réalisé en alternance dans une grande entreprise publique française.

Il décide de prendre le large et de partir un an en Australie, pour voyager, travailler, voir d'autres latitudes. Mais à son retour, il apprend qu'il est trop tard pour faire les démarches :

« Je suis rentré en France en décembre 2011 et j'ai voulu faire une demande d'allocation à Pôle emploi. Mais il aurait fallu que je la fasse dans un délai de douze mois après la fin de mon contrat. C'est trop tard maintenant et je me retrouve donc sans aucune allocation. »

Avant de partir en Australie, il s'était pourtant renseigné pour savoir comment calculer le montant de ses allocations :

« Mais cette condition-là, je ne l'avais pas vue, je n'étais pas au courant. »

« Les dossiers traînent, sont trop compliqués »

Si certaines personnes connaissent mal les dispositifs sociaux, d'autres en ont entendu parler, mais ne savent pas toujours comment y accéder, selon Philippe Warin :

« Les démarches sont parfois longues et rébarbatives, certains demandeurs peuvent tout abandonner parce que les dossiers traînent ou sont trop compliqués. »

Pour se rendre compte de l'ampleur du phénomène, l'Odenore a calculé le montant ce que représente en euros le total du non-recours pour certaines aides. Rien que pour le RSA, les pertes sont importantes selon Philippe Warin :

« Cette non-dépense aurait fait économiser 4,3 milliards d'euros par an à la Caisse des allocations familiales (Cnaf), quand les fraudes aux allocations représentent 90 millions d'euros. »

« Si on se loupe, ils ne sont pas contents »

De retour au Pimms, dans la petite salle d'attente, Zohra et Monia patientent, des tas de papiers sur les genoux : les grands chiffres, elles n'y comprennent pas grand-chose, elles ont déjà du mal avec leurs petits revenus. Zohra, mère de famille d'origine tunisienne, raconte :

« Je viens renouveler ma CMU [couverture maladie universelle, ndlr]. Moi, je ne sais pas écrire en français, ma fille a essayé de remplir le dossier mais elle n'a pas tout compris, c'est trop compliqué. Pourtant, elle travaille dans une pharmacie ! »

Assise à côté, Monia, 56 ans, acquiesce :

« Cette année, pour avoir la CMU, on nous demande de prouver notre nationalité par exemple, on ne le faisait pas avant. »

Elle sait parfaitement lire et écrire mais préfère venir au Pimms pour remplir ses dossiers :

« Ici, ils sont gentils. Et puis j'ai peur de faire une erreur dans le dossier, il y a beaucoup trop de calculs. Avec la Sécurité sociale, si on se loupe, ils nous appellent et ne sont pas contents. »

Les deux femmes continuent de discuter en arabe, en attendant d'être prises en charge par un médiateur du Pimms et enfin envoyer leurs dossiers de CMU.

Aussi une question de dignité

Qu'il soit subi ou consenti, le non-recours préoccupe de plus en plus l'administration et surtout les collectivités locales, en première ligne de la misère sociale.

Ici et là, des initiatives sont enclenchées pour enrayer ce phénomène. A Grenoble par exemple, le centre communal d'action sociale (CCAS) mène plusieurs projets depuis 2008, comme la création d'un baromètre du non-recours.

Avant la crise, cette question n'était pas forcément prioritaire, reconnaît Olivier Noblecourt, vice-président du CCAS et adjoint à la mairie PS de Grenoble :

« On privilégiait la problématique de l'insertion et de l'emploi. Mais depuis quelques années, le non-recours s'est développé : la complexité des démarches est croissante et le regard négatif sur la pauvreté s'est durci.

Beaucoup de gens pensent que ça fait partie de leur dignité de ne pas aller dans un centre social. »

Mieux détecter les bénéficiaires potentiels

A plus grande échelle, c'est le système de détection du non-recours qui doit être amélioré, comme l'explique Philippe Warin :

« L'Assurance maladie fait un énorme travail sur ses bases de données pour identifier les assurés sans couverture maladie. »

Mais c'est encore peu comparé aux avancées d'autres pays européens. En Belgique, la Banque-carrefour de la Sécurité sociale est une administration qui détecte les bénéficiaires potentiels et leur attribue automatiquement leurs droits sociaux ou autres avantages, notamment les tarifs préférentiels de l'eau, du gaz et de l'électricité.

Des innovations qui ont permis à la Belgique de remporter en 2007 le premier prix d'un concours européen d'excellence dans le secteur public.

« Une efficacité du RSA divisée par trois »

En France, la question du non-recours reste encore confidentielle. Le rapport d'évaluation sur le RSA est la première grande enquête publique à s'intéresser au sujet.

Pauline Domingo est conseillère à la direction des statistiques, des études et de la recherche de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), elle a participé à la rédaction de ce rapport :

« Les enquêtes sur le non-recours sont assez peu développées car elles sont coûteuses et très complexes à mettre en place. »

Pourtant, éradiquer le non-recours pourrait engranger de grandes économies : si tous les bénéficiaires du RSA activité en avaient fait la demande, le taux de pauvreté aurait baissé de 0,7 point. En l'état actuel, il n'a diminué que de 0,2 point.

Pauline Domingo résume :

« Le non-recours divise par trois l'efficacité du RSA activité. »

Automatiser les droits sociaux

Une des solutions serait d'automatiser l'ouverture des droits des administrés, dès qu'une personne est repérée comme ayant-droit potentiel.

En octobre dernier, Eric Besson, ministre de l'Energie, faisait un premier pas dans ce sens : il promettait un décret pour automatiser la mise en place des tarifs sociaux de l'électricité et du gaz, d'ici le 1er janvier 2012.

Seuls 600 000 foyers bénéficient de ce tarif préférentiel, contre 1,5 à 2 millions d'allocataires potentiels.

Le 19 janvier, le ministre a reconnu que le décret était encore à l'étude par le Conseil d'Etat mais serait publié dans « les semaines prochaines ».

En attendant, au Pimms de Paris, on se débrouille avec les moyens du bord : face à l'affluence d'usagers en porte-à-faux avec l'administration, l'association envisage d'ouvrir une permanence supplémentaire d'écrivain public.

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 12:20
yetiblog.org
Publié le 28/02/2012 à 11h21

Mikis Theodorakis devant le Parlement grec (photo : Arton)

Les choses tournent vraiment vinaigre. L'Europe, cette Union démocratique censée rassembler les peuples du vieux continent, est en train de tomber en déliquescence sous les coups de boutoir de la « Grande perdition » et de son oiseau de mauvais augure : la Troïka. Certains commencent à sérieusement se rebiffer.

« Un complot international est en cours, visant à mener à terme la destruction de mon pays. Aujourd'hui ils essaient de nous exterminer physiquement par le chômage, la famine et la misère. Si le peuple grec ne se soulève pas pour les arrêter, le risque de disparition de la Grèce est bien réel. » (Mikis Theodorakis, 12 février 2012).

Le pré carré d'un petit cercle rassis

D'autres vieilles nations vacillent ou tombent, les unes après les autres, le Portugal, l'Espagne, l'Italie... Aux mains de dirigeants fantoches, comparses ou même issus de ce milieu bancaire interlope.

Soutenu par un grand patronat aux pratiques obscènes, relayé par les élites confites de la cour médiatique, culturelle, intellectuelle, le petit cercle rassis s'accroche à son pré carré, défend mordicus ses privilèges sans souci de spolier les populations de ce qui était leur bien le plus cher, la démocratie et sa laïque trinité : liberté, égalité, fraternité.

Les élections ne sont plus que faux semblants mis en coupe réglée par les instituts de sondage et les milieux d'argent pour maintenir une illusion enfuie. Ne sont en réalité tolérés que les prétendants ayant prêté allégeance, les autres étant impitoyablement refoulés à la marge.

Faut-il rappeler le sort qui fut fait aux résultats des référendums français et irlandais sur le projet de constitution européenne ? Faut-il rappeler qui approuva ou s'abstint, avec des airs en biais, sur le traité de Lisbonne à Versailles en février 2008 ?

Ou encore, hier encore, sur ce Pacte de stabilité européen (MES), véritable acte de capitulation face aux diktats des financiers et de la Troïka (BCE, Commission européenne, FMI).

Le concept d'eurofascisme

Regardez encore comment « ils » exécutèrent la promesse de référendum d'un Papandréou à la dérive. Suivez, oui, suivez bien comment ils se comporteront face aux prochaines législatives d'avril 2012 en Grèce (si elles ont lieu).

Ce qui était hier menaces et déplorables coups fourrés est aujourd'hui une bien sombre réalité : la démocratie est moribonde en Europe. Et le fait que la situation soit pire de l'autre côté de l'Atlantique n'est ni rassurant, ni une circonstance atténuante.

Aujourd'hui, un projet politique de rupture avec le totalitarisme financier n'a aucune chance de s'imposer, encore moins de se réaliser, par la seule volonté des urnes. « Ils » ne le permettraient pas et ne laisseraient pas menacer leur château. L'exemple grec ne suffit-il pas à s'en persuader ?

L'Europe – mais pas qu'elle – se dirige désormais tout droit vers une situation historique explosive, dramatique, où rien ne se résoudra sans l'intermédiaire, à un moment ou à un autre, de la rue. Entre la Troïka et la démocratie, il faudra alors choisir. Et trancher à vif.

« Ce qui se passe actuellement en Grèce, c'est la destruction de la démocratie par l'Europe. Et comme le processus de destruction se fait par le haut, par un complot des élites, je pense qu'on peut commencer à spéculer sur le concept d'eurofascisme » (Emmanuel Todd, 14 février 2012).

 

 

 

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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:59

LEMONDE | 29.02.12 | 11h35

 
 

 

Mario Monti et la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin le 11 janvier.

Mario Monti et la chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin le 11 janvier.AP/Gero Breloer


Bruxelles, Bureau européen - Nicolas Sarkozy l'a porté à bout de bras, en soutien d'Angela Merkel. François Hollande promet de le renégocier s'il est élu président de la République. Le pacte budgétaire est soumis à la signature de 25 chefs d'Etat et de gouvernement européens, vendredi 2 mars, à Bruxelles – seuls le Royaume-Uni et la République tchèque devraient s'abstenir –, mais le débat à son sujet n'est pas clos pour autant.

Cette signature ouvre la voie à une procédure de ratification qui s'annonce délicate, à l'heure où la crise des dettes souveraines connaît un répit relatif en marge du sauvetage de la Grèce. Mardi 28 février, le premier ministre irlandais de centre gauche, Enda Kenny, a annoncé, contre toute attente, son intention d'organiser un référendum pour ratifier le pacte.

En France, M. Sarkozy s'est résolu à ne pas précipiter la ratification parlementaire avant les élections présidentielle et législatives, mais il entend y procéder au plus vite s'il est réélu. Au contraire, si M.Hollande l'emporte, de nombreux responsables de gauche ne veulent pas entendre parler d'une ratification du texte en l'état.

LA "RENÉGOCIATION" PRÔNÉE PAR HOLLANDE

Dès le sommet européen de juin, ils espèrent muscler le volet croissance et gouvernance économique d'un traité avant tout conçu pour inscrire dans le marbre la discipline budgétaire chère à Mme Merkel.

La "renégociation" que le candidat socialiste appelle de ses vœux reçoit un accueil glacial dans les milieux européens. " S'il veut ouvrir ce chantier, je lui souhaite bonne chance: ce sera impossible trois mois après la signature", lâche un dirigeant européen. Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, que les chefs d'Etat et de gouvernement doivent confirmer pour deux ans et demi dans ses fonctions, veut éviter la mise en cause de l'autre traité, sur le Mécanisme européen de stabilité (MES), en cours de ratification.

Sous pression pour augmenter la force de frappe de ce fonds de secours permanent, l'Allemagne a insisté pour lier politiquement les deux textes. D'où l'abstention des socialistes français lors de la ratification du MES à l'Assemblée nationale, le 21février, puis au Sénat, mardi.

Sur le fond, l'opposition entre M. Sarkozy et M. Hollande sur le nouveau traité reflète le débat du moment entre les Vingt-Sept. Après avoir donné la priorité à l'austérité, sous la pression des marchés, ils doivent discuter de la meilleure façon de soutenir leurs économies sans creuser davantage les déficits.

AGGRAVER LA RÉCESSION

Les plans d'austérité, en vigueur un peu partout sur le continent, sont de plus en plus contestés par les syndicats et par les opinions publiques, sur fond de montée du chômage dans les pays les plus fragiles.

Ils risquent de surcroît, de l'avis de nombreux dirigeants, d'aggraver la récession qui menace. "En ce moment, on insiste trop sur les pénalités financières et les paquets d'austérité", a jugé le socialiste Martin Schulz, président du Parlement européen, lors d'une visite à Athènes, mardi.

Les mises en garde en ce sens se sont multipliées. Douze pays, dont l'Italie, l'Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Pologne, demandent de réorienter la politique économique défendue par le tandem Merkel-Sarkozy. "La crise à laquelle nous faisons face est aussi une crise de croissance", ont-ils fait valoir dans un courrier rédigé à l'initiative de Mario Monti, président du conseil italien. Les socialistes français y voient la preuve que leurs demandes procèdent d'un souci qui s'impose à tous.

Mais, dans l'esprit des douze signataires de cette lettre, le remède passe par davantage de libéralisations, par la réforme du marché du travail dans chacun des Etats et par une plus grande ouverture commerciale du continent. Ce ne sont pas vraiment les solutions préconisées par la gauche française! La récession qui menace les Vingt-Sept inquiète de surcroît leurs partenaires internationaux.

"PLAN DE CROISSANCE COMMUN"

Pascal Lamy, directeur général de l'Organisation mondiale du commerce, devait appeler lui aussi, mercredi, à la mise en place d'un "plan de croissance commun" en Europe. "Le nouveau traité lui-même, avec ses règles strictes pour les politiques budgétaires nationales, va susciter une demande en faveur d'un budget européen étendu", devait-il expliquer à Bruxelles.

Pour M. Lamy, membre du PS français, ce plan devrait comporter trois axes: investir dans des infrastructures communes, promouvoir la recherche ou l'éducation, aider les Etats européens à adapter leurs outils productifs, leurs systèmes de sécurité sociale et leurs marchés du travail.

A plus court terme, l'enjeu est aussi – et peut-être surtout – de préciser les modalités d'application du pacte de stabilité et de croissance, tel que renforcé depuis l'automne. L'Espagne demande à revoir à la baisse les objectifs qui lui sont fixés, demande repoussée d'un revers de main par la Commission et la Banque centrale européennes.

Avec un souci qui risque de compliquer le début de mandat du prochain président français: protéger la crédibilité du dispositif de surveillance collective qui émerge peu à peu de la crise de la zone euro.

Philippe Ricard

 


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29 février 2012 3 29 /02 /février /2012 11:56

Point de vue | LEMONDE.FR | 29.02.12 | 09h03

par Philippe Corcuff et Lilian Mathieu, sociologues

 
 

Quand les médecins sont atteints, sans s'en apercevoir, des maux qu'ils sont censés diagnostiquer et guérir chez les autres, un espace plus large est laissé aux illusionnistes et aux charlatans.

En politique, c'est aujourd'hui un peu pareil : des professionnels de la politique imbus d'un mépris social non contrôlé causent abondamment dans le poste de "l'abandon des classes populaires" et de "l'autarcie des élites", en prétendant "redonner la parole au peuple". Pendant ce temps, une professionnelle de la politique issue des classes aisées, Marine Le Pen, a engrangé des points dans les sondages, en se faisant passer indûment pour "hors-système".

Dans ce contexte, la candidature non professionnelle d'un ouvrier d'usine, Philippe Poutou, nous fait l'effet réjouissant d'un Jacques Tati dans un jeu de quilles si bien encadré, jusqu'à l'impeccabilité de la rhétorique IIIe République du politicien estampillé "critique" de la bande, Jean-Luc Mélenchon. Ainsi le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), malgré une crise autodestructrice de ses cercles dirigeants (comme s'ils avaient voulu imiter avec persévérance les premières minutes culte des épisodes de Mission impossible !), est à l'origine de la principale innovation de cette morne présidentielle.

Combien parmi les prétendants à la magistrature suprême ont-ils animé une bataille syndicale qui a sauvé mille emplois, comme cela a été le cas de Philippe Poutou à l'usine Ford de Blanquefort ? Cela n'empêche pas les milieux politiques professionnels de droite et de gauche de l'ignorer superbement, de moquer son "incompétence" et/ou d'ironiser sur "la maladresse" de ses prises de parole médiatiques. La condescendance de classe, des riches et des énarques, est souvent cumulée avec une arrogance de caste, celle du petit monde des professionnels de la politique issus de cette classe dirigeante ou des couches moyennes scolairement dotées. Et cela peut être tout au plus amorti par une fausse compréhension paternaliste : "Il est gentil ce Poutou, mais quand même…" Deux logiques de domination se trouvent ici emboîtées : des rapports hiérarchiques entre les classes et une tutelle des représentants professionnels sur les citoyens représentés.

Le sort réservé à Philippe Poutou nous introduit au cœur de nos problèmes politiques : ce qui fait que nous ne vivons pas réellement dans des démocraties, ni même dans des démocraties représentatives, mais dans ce que le philosophe Jacques Rancière nomme des "Etats de droit oligarchiques" ou ce que nous pourrions appeler des régimes représentatifs professionnalisés. Dans ce cadre, "le peuple", sous sa double forme sociologique (les "classes populaires") et politique (les citoyens), est à la fois porté au pinacle rhétoriquement et méprisé pratiquement.

Dans cette restriction de classe et de caste de l'aire du politiquement bien-pensant, la gauche de la gauche n'est malheureusement pas en reste. Certes, les quelques critiques publiques les plus vives de la campagne de Philippe Poutou sont seulement issues, dans une logique kamikaze, des rangs du NPA lui-même. Toutefois la dévalorisation sociale de cette candidature atypique gangrène, bien au-delà, les cadres dirigeants de la plupart des secteurs de la gauche radicale. Mais cela se produit plus insidieusement, dans des échanges "off" et sur Internet, où s'exprime alors sans complexes une ironie acerbe à l'égard du "prolo", voire du "plouc qui ne sait pas bien parler". Même ceux qui n'hésitent pas à se la jouer "chefs de la lutte des classes" peuvent se retrouver du mauvais côté : celui des stéréotypes dominants ! On voit ainsi des adeptes de la "révolution citoyenne" fétichiser jour après jour un nouvel "homme providentiel" et des militants proclamant leur attachement à la cause d'un "prolétariat" abstrait se retourner contre un ouvrier concret qui ose être candidat…

La plupart de ces Importants des gauches "critiques" nous expliquent d'ailleurs que, pour se lancer dans la course présidentielle, il faudrait avoir effectué un long parcours de dirigeant politique. Saisissent-ils qu'ils reprennent ainsi à leur compte les arguments de ceux qui font de la politique une affaire de spécialistes, contre les aspirations des Indignés de la planète ? Pas sûr. Et le mépris social sous-jacent est euphémisé à travers l'accusation floue et supposée infamante d'"ouvriérisme". Ils nous parlent depuis des années d'"émancipation des opprimés" et n'ont toujours pas compris qu'ils font pleinement partie des obstacles auxquels ils prétendent s'opposer. Pour ces chevaliers Jedi de l'anti-libéralisme et de l'anti-capitalisme aussi, comme George Lucas en a eu l'intuition géniale pour les personnages de Star Wars"le côté obscur de la force" est bien une possibilité qui les travaille de l'intérieur !

Malgré cette schizophrénie et les embûches de toutes sortes, on peut continuer à espérer qu'il se trouvera suffisamment d'élus attachés aux idéaux démocratiques et pluralistes pour permettre à Philippe Poutou de bénéficier des cinq cent parrainages requis. La sagesse populaire d'un Peter Falk dans Columbo, finissant toujours par damer le pion aux riches arrogants, pourrait alors utilement épauler la critique du capitalisme d'un Karl Marx. Nous avons besoin d'une telle candidature, hérétique parce que paradoxalement celle d'un homme ordinaire, en rupture avec la creuse agitation politicienne (stimulée par le non-événement de la deuxième campagne de Nicolas Sarkozy) et avec l'insipide conformisme (alimenté par l'absence débordante d'imagination de François Hollande) propres à cette présidentielle 2012.


Philippe Corcuff et Lilian Mathieu sont directeurs de la collection "Petite Encyclopédie Critique" des éditions Textuel qui publie le 7 mars 2012 Un ouvrier, c'est là pour fermer sa gueule ! de Philippe Poutou.

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 19:14

LEMONDE.FR avec AFP | 28.02.12 | 18h35

 
 

 

Scènes de violences à la Réunion, vendredi 24 février.

Scènes de violences à la Réunion, vendredi 24 février.AP/Fabrice Wislez


Les prix de 60 produits de première nécessité vont baisser de 10 à 40 % dans les supermarchés de La Réunion, dès le 4 mars et jusqu'à la fin de l'année. Cette annonce de la préfecture intervient alors que des troubles sociaux et des émeutes nocturnes ont éclaté la semaine dernière pour dénoncer la cherté de la vie sur l'île, sur fond de chômage endémique.

Ces 60 produits alimentaires, d'hygiène et d'entretien feront l'objet d'une signalétique particulière avec la mention "produit solidaire". "Ce ne seront pas des produits bas de gamme mais de marque, pour répondre à une demande des associations de consommateurs", a précisé à la presse le secrétaire général aux affaires économiques à la préfecture, Thierry Devimeux. Les baisses seront "en moyenne de 17 % sur l'ensemble des produits". "Des efforts ont été faits par l'ensemble des acteurs économiques, amplifié par un financement du conseil général sur les produits locaux, afin d'aider les filières de production", s'est réjoui M. Devimeux.

 

"PRODUITS PAYS"

Parmi les produits retenus figurent, dans l'alimentation, des fruits et légumes, le poulet (qui baisse de 40 %), le porc, le jambon, la morue, le riz, les haricots rouges, les jus, compotes, confitures, café, céréales, l'huile, le beurre, le sel, etc. Pour les produits d'hygiène, les shampooing, dentifrice, savon, couches et lait pour bébé ont notamment été retenus, de même que la lessive et les essuie-tout dans les produits d'entretien. "Il faut que ces 'produits pays' soient attractifs pour permettre leur écoulement et alimenter un cercle vertueux" de production sur l'île, a-t-il souligné.

La présidente du conseil général a en outre précisé la teneur de son "chèque électricité" : il oscillera entre 90 euros et 120 euros par an, en fonction de la taille de la famille, et sera destiné à toutes les familles bénéficiant du minimum vieillesse, de l'AAH ainsi qu'aux foyers percevant jusqu'à 1,4 smic, soit environ 40 000 familles. EDF a annoncé de son côté essayer d'élargir les bénéficiaires de son tarif de première nécessité, et va recruter 50 médiateurs pour repérer les 10 000 foyers estimés qui n'en bénéficient pas faute de le connaître. 45 000 foyers en profitent déjà à la Réunion.

 

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28 février 2012 2 28 /02 /février /2012 19:03

LEMONDE.FR avec AFP | 28.02.12 | 19h55

 
 

 

L'hémicycle de l'Assemblée nationale.

L'hémicycle de l'Assemblée nationale. AFP/JOEL SAGET


Le Parlement français a donné mardi 28 février son feu vert au Mécanisme européen de stabilité (MES), structure commune permanente pour financer les pays en difficulté de la zone euro. Le vote s'est tenu dans un climat de polémique politique, attisé par la campagne électorale.

Après l'Assemblée nationale le 21 février, le Sénat a approuvé mardi les deux traités qui vont remplacer à terme l'actuel Fonds européen de solidarité par le MES. Le premier texte, qui modifie un article du traité de l'Union européenne, autorise la création d'un tel mécanisme, tandis que le second traité fixe ses modalités de fonctionnement.

 ABSTENTION SOCIALISTE

Ces deux traités sont juridiquement distincts du pacte de stabilité budgétaire conclu entre 25 pays de l'UE, qui doit être officiellement signé le 1er mars et que le candidat socialiste à l'élection présidentielle, François Hollande, veut renégocier. Mais un lien fort existe entre les deux car les prêts du MES ne pourront être accordés qu'à des pays membres du pacte. Ce lien a justifié l'abstention socialiste. La gauche s'est toutefois divisée, les communistes du Front de gauche votant contre. Cette abstention a été qualifiée de "faute historique" par le premier ministre François Fillon.

Ce vote intervient alors que le sommet de la zone euro prévu le 2 mars à la fin du sommet européen des 27 a été annulé en raison des réticences de l'Allemagne à discuter des moyens alloués au MES, ce pare-feu contre les crises des dettes

 

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27 février 2012 1 27 /02 /février /2012 15:17

 

Rue89 - Témoignage 27/02/2012 à 09h57
Raphaël P. | Etudiant grec en France
Je suis un cas classique, un Grec de plus qui a quitté son pays à la recherche de meilleures conditions de vie. Un Grec de plus qui, en plein désespoir, est parti vers une destination, avec l'espoir que « là », il serait mieux.

Depuis longtemps, j'avais décidé de partir. J'avais, dès le début, choisi la France, en la connaissant le mieux possible pour un non-habitant de ce pays, un observateur extérieur et récepteur de l'image qu'elle donne. Je croyais depuis toujours que la France pouvait bien me donner le sol pour m'enseigner, me faire évoluer, créer et exister artistiquement, comme elle l'avait fait d'ailleurs toujours au cours de sa longue histoire.

Paris était, par excellence, le refuge artistique, la cité qui abritait et nourrissait chaque artiste paria, exilé ou auto-exilé. Romantique ? Sans doute.

Sans honte, l'Etat s'attaque aux Grecs

J'ai abandonné mes études en biologie sans en obtenir le diplôme et je me suis installé à Athènes, pour me consacrer exclusivement à l'art. C'était là, en février 2010, quand cette crise a clairement éclaté. C'était là où les premières grandes protestations ont commencé, même si elles étaient moins signifiantes comparées à celles qu'on voit actuellement.

C'était là où apparemment et sans honte la police, donc l'Etat, s'attaquait aux citoyens, nettement ou déguisée en « anarchiste » et c'était là où –discrètement- elle nous bloquait dans la station du métro la plus centrale, pour nous étouffer avec des armes chimiques, qu'on appelait encore conventionnellement des « fumigènes et lacrymogènes ».

C'était là, aussi, où j'ai vu de mes propres yeux une banque du centre-ville, au centre de ma ville, brûler, attaquée par ces « anarchistes » et trois personnes être tuées (l'une d'entre elles était une femme enceinte). Et c'était exactement à ce moment-là, en retournant chez moi entouré de ma ville enflammée et amputée, en ruines, que j'ai décidé qu'il était l'heure pour moi de quitter mon pays natal.

« Votre pays n'est plus assez fiable »

Néanmoins, en raison de difficultés personnelles mais aussi techniques, mon départ n'a pas eu lieu que le 25 septembre 2011, après avoir été admis au département de l'histoire de l'art de Dijon. Enfin, j'avais la chance de faire des études qui m'intéressaient et vivre – et travailler, bien sûr – dans le pays que j'aimais tant !

Pour l'argent dont j'avais besoin pour cette nouvelle démarche, j'ai emprunté un petit capital, vu que je savais de toute façon que les offres de travail en France étaient plus que nombreuses. Et moi, pour accélérer l'afflux d'argent dans mon budget, j'étais franchement déterminé à exercer n'importe quel métier. Et je suis venu.

Et tout d'un coup, un visa et un permis de séjour m'ont été demandés, malgré le fait que mon pays reste un membre – un des plus anciens – de l'Union européenne et de la zone euro. Et on m'a demandé des justificatifs supplémentaires comme garanties pour louer un appartement, parce que « vous voyez, votre pays n'est plus assez fiable » – pour reproduire fidèlement les paroles de l'employée de l'agence immobilière.

Et j'ai commencé à envoyer des CV et des lettres de motivation – d'ailleurs, j'étais motivé ! – à tous les postes que je trouvais. Littéralement.

Si j'ai envoyé des CV faux ? Bien sûr. Je n'ai jamais travaillé comme valet de chambre ou comme réceptionniste, mais je te rassure, je suis absolument apte à nettoyer et aménager une chambre et à utiliser des logiciels de réservation. J'ai juste besoin d'une formation extrêmement courte.

Je cherche un coin de la planète où je pourrai vivre

Les réponses se faisaient attendre, c'était normal. J'ai continué à envoyer des CV, mes choix se multipliaient : plongeur, employé au marché de légumes, vendeur de poisson et de charcuterie dans un supermarché, équipier polyvalent partout – honnêtement sans sous-estimer aucun de ces métiers.

Aucune réponse, sauf un appel pour un entretien par une entreprise de restauration rapide, qui – après avoir eu comme pivot la crise grecque et son impact sur l'économie occidentale – a abouti sur une promesse d'embauche (on m'a même donné des directions pour trouver le bâtiment où je signerais mon contrat de durée indéterminée). Celle-ci, toutefois, ne s'est apparemment jamais réalisée.

En essayant de sauvegarder mon budget, j'ai quitté Dijon. En conséquence, j'ai aussi quitté mes études – pour la seconde fois. Je me trouve actuellement dans le Sud de la France, accueilli par des amis et en attente de réponse aux CV que je continue à envoyer. Les réponses, quand il en existe, continuent à être négatives.

Et moi, je recherche quotidiennement sur quel point de cette planète je pourrai m'installer, pour que je puisse donner tout ce que j'ai à donner. Et c'est cela qui me ronge les entrailles : je sais que je peux tout faire.

 

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26 février 2012 7 26 /02 /février /2012 14:49

LE MONDE GEO ET POLITIQUE | 25.02.12 | 14h28   •  Mis à jour le 26.02.12 | 15h33

 
 

Doha, envoyé spécial - La scène se déroule le 23 juin 2009 dans le salon d'apparat de la mairie de Paris. Le tapis rouge est déroulé devant son Altesse Sérénissime Hamad Ben Khalifa Al-Thani, le monumental émir du Qatar. Dehors, la police parisienne est sur les dents. Des hélicoptères sillonnent le ciel de la capitale et les voies sur berge sont cadenassées. La conversation entre Bertrand Delanoë et son hôte glisse sur la boulimie d'investissements du micro-Etat qui, en l'espace de quelques mois, est entré au capital de poids lourds européens comme Porsche, Suez et la banque Barclays. Tamim, le prince héritier, fils chéri de l'émir, intervient avec un sourire sibyllin : "Il faut que vous compreniez, en ce moment nous rachetons nos chevaux aux Egyptiens et nos perles aux Indiens."


Le Qatar : un nabot par la taille (11 500 km2) et la population (1,7 million d'habitants, dont 85 % d'expatriés), un mammouth par la force de frappe diplomatique et économique. Gavé de devises par son industrie gazière, l'une des plus performantes au monde, la presqu'île du golfe Arabo-Persique pratique une politique d'intervention tous azimuts.

 

Ces derniers mois, il a non seulement raflé l'organisation de la Coupe du monde de foot 2022 et racheté le PSG, ses deux faits d'armes les plus connus en France, mais il a aussi investi un milliard de dollars (755 millions d'euros) dans des mines d'or en Grèce, pris 5 % de la banque Santander au Brésil, le plus gros établissement financier d'Amérique latine, renfloué les studios de cinéma Miramax mis en vente par Disney et placé un autre milliard de dollars dans un fonds d'investissement en Indonésie.

 

Parallèlement, le Petit Poucet qatari montait au front des révolutions arabes, en envoyant ses avions de chasse Mirage et ses forces spéciales à la rescousse des rebelles libyens et en sonnant la charge contre Bachar Al-Assad, le tyran de Damas. Un activisme débordant, avec dans le rôle du porte-voix, la chaîne Al-Jazira, rouleau compresseur médiatique, à l'avant-garde de la stratégie d'influence développée par Doha.

 

PLUS GRAND GISEMENT DE GAZ NATUREL

Pour comprendre ce qui fait courir la dynastie Al-Thani, il faudrait donc, comme le soufflait Tamim, remonter à l'époque des perles et des chevaux, les deux "mamelles" historiques du pays. "Dans la psyché des Qataris, la perle est quelque chose de fondamental, explique un conseiller du maire de Paris. Il y a, chez eux, un vrai ressentiment historique, un besoin de revanche sur ces voisins, cheikhs arabes ou maharajas indiens, qui l'ont copieusement pillé." Dans les années 1980, alors jeune prince héritier, le cheikh Hamad fait une autre expérience amère. Lors d'un voyage en Europe, un douanier à l'aéroport lui agite son passeport sous le nez, goguenard : "Mais c'est où ça, le Qatar ? Ça existe vraiment ?" Mortifié, le futur émir aurait juré de faire très vite connaître son confetti de terre.

 

Son arme sera le North-Dome, le plus grand gisement mondial de gaz naturel, à cheval sur les eaux territoriales du Qatar et de l'Iran. Son père, l'émir Khalifa, redoutait que la mise en valeur de cette manne n'agace justement la République islamique. Il craignait aussi de braquer l'Arabie saoudite, sourcilleux patron des micro-Etats de la péninsule.

 

En 1995, à l'âge de 43 ans, l'impétueux Hamad profite d'un séjour en Suisse de son pusillanime de père pour le déposer et lancer son royaume dans un processus de modernisation à marche forcée. Instruit par les déboires du Koweït, le jumeau pétrolier du Qatar envahi par les troupes de Saddam Hussein en 1990, le jeune monarque veille à assurer ses arrières. Un an après son putsch de palais, il lance Al-Jazira. A la fois professionnelle et populiste, bête noire des rivaux du régime, comme l'Egypte de Hosni Moubarak et l'Arabie du roi Fahd qui avaient critiqué le coup d'Etat de 1995, mais beaucoup plus conciliante avec ses alliés comme la Libye de Mouammar Kadhafi -, avec qui l'émir partage une même détestation des Saoud - la nouvelle venue s'impose comme la caisse de résonance planétaire de la diplomatie de Doha

.

ÉQUILIBRISME DIPLOMATIQUE

En 2003, nouvelle rupture : le Cheikh Al-Thani ouvre son pays au Pentagone, qui installe dans les sables du Qatar ce qui va devenir la plus grande base aérienne américaine en dehors des Etats-Unis. La tête de pont de ses opérations en Irak et en Afghanistan. Dans les années 1990, l'émir avait aussi noué un début de lien diplomatique avec Israël, pays avec lequel il restera en contact jusqu'à l'offensive de Tsahal contre la bande de Gaza, en janvier 2009.

 

Soucieux de ne froisser personne, le Qatar se transforme dans le même temps en terre d'accueil des opposants islamistes aux régimes en place dans le monde arabe : du prédicateur libyen Ali Al-Salibi à l'Algérien Abassi Madani, en passant par le télé-coraniste égyptien Qaradawi et le Tunisien Rached Ghannouchi, le patron d'Ennahda, futur vainqueur des législatives tunisiennes... Sans oublier Oussama Ben Laden, l'ennemi public numéro un de l'Oncle Sam, dont les messages audio sont retransmis sur Al-Jazira. Objectif de ce jeu d'alliance à 360 degrés : tenir à bonne distance Riyad et Téhéran, et surtout s'assurer un accès ininterrompu au détroit d'Ormuz, passage obligé de ses exportations de gaz naturel liquéfié. "Le Qatar est assis sur un tas d'or mais il se sait très fragile, analyse un diplomate français. Pour continuer à exister, il a compris qu'il doit se faire connaître et reconnaître."


Le Qatar aurait pu en rester là. Continuer son numéro d'équilibriste diplomatique tout en plaçant sa fortune dans des bons du trésor américain ou des projets immobiliers sans valeur ajoutée, comme dans l'ex-Europe de l'Est, où il achète des morceaux de ville entiers. Une stratégie de bon père de famille, avisé mais sans aucun rayonnement dans les capitales occidentales. Témoin, la morgue de Bertrand Delanoë, en 2006, lorsque le Qatar Investment Authority (QIA), bras financier de l'émirat, classé au douzième rang des fonds souverains les plus riches de la planète, avait tenté une première approche du PSG. Le maire de Paris avait fustigé "ces fonds exotiques ", allant jusqu'à émettre des doutes sur "l'origine des capitaux".

 

BUSINESS ET TOUR VERTIGINEUSE

Tout change avec la crise financière de 2007-2008. En quelques mois, les grands trésoriers de la planète se retrouvent à court de liquidités. La Russie et la Chine étant jugées infréquentables, c'est vers le Golfe que les multinationales en mal de cash choisissent de se tourner. Chance pour le Qatar, son industrie gazière arrive à maturité au même moment. Le méga-complexe de liquéfaction de Ras Laffan, à 80 km au nord de Doha, voit défiler les méthaniers. "C'est à partir de ce moment que le Qatar s'est mis à investir dans des marques prestigieuses comme Suez, Vinci ou Harrods et que sa cote s'est envolée, explique un banquier qui a travaillé pour le Palais. Sans la crise, on en serait resté à la situation de 2006."


Le QG de cette métamorphose est situé dans une tour vertigineuse, surmontée d'un dôme de verre bleuté, qui domine la baie de Doha. La Qatar Holding, la branche du QIA en charge des investissements dans le secteur industriel, y occupe quelques étages. C'est là qu'ont afflué des dizaines de banquiers étrangers, laissés sur le carreau par la faillite de Lehman Brothers, à l'été 2008. "C'est l'une des rares institutions du pays dont les employés bossent comme des malades", sourit un familier de West Bay, le quartier des affaires de Doha.

 

Un activisme qui s'explique facilement : alors que dans l'émirat voisin d'Abou Dhabi, le processus de décision est dilué entre une multitude de frères et demi-frères, au Qatar, la stratégie se décide entre quatre personnes : l'émir, son fils Tamim, de plus en plus associé à la marche du pays, une de ses épouses, la fringante Cheikha Mozah à la tête de la Qatar Foundation, et le premier ministre, Hamad Ben Jassem Al-Thani, patron du QIA. "Dans un pays normal, le business va vite et le gouvernement est lent, explique un homme d'affaires qatari. Ici, c'est le contraire. Les hommes d'affaires courent en permanence après l'autorité publique."


SAUTER DANS LE TRAIN DES RÉVOLUTIONS ARABES

Arrive la dernière étape de l'ascension de la start-up Al-Thani : 2011 et les "printemps arabes". Despote éclairé, le cheikh Hamad n'a pas de passion particulière pour la démocratie. Mais son désir d'être du bon côté de l'Histoire, le positionnement marketing d'Al-Jazira – "la voix des sans-voix" – et surtout, l'impuissance de ses pairs arabes qui laissent un espace à prendre, l'ont incité à sauter dans le train des révolutions. "Le Maroc est trop loin, l'Algérie trop sénile, l'Egypte paralysée par sa révolution, l'Irak enfoncée dans la crise et l'Arabie engluée dans les calculs de succession, résume un diplomate français. Il y avait un vide et les Qataris l'ont occupé." Du pur opportunisme, donc : un peu comme si la France et l'Allemagne faisaient faillite et que la Slovénie se retrouvait à piloter l'Europe.

 

Combien de temps cette business-diplomatie tapageuse peut-elle encore durer ? Mise sur orbite par la volonté d'un homme et quelques accidents de l'Histoire, la fusée qatarie subira un jour ou l'autre des accidents contraires qui l'obligeront à redescendre sur Terre. Dans le monde arabe, par exemple, "l'interventionnite" du clan Al-Thani suscite une exaspération croissante.

 

Venu mi-janvier assister aux célébrations du premier anniversaire de la révolution du jasmin, l'émir a été conspué par des milliers de Tunisiens qui l'ont accusé d'être le complice d'un plan américain visant à remodeler le Proche-Orient au profit du camp islamisto-sunnite incarné par les Frères musulmans égyptiens. Quelques jours plus tôt, l'émir avait été renvoyé de Mauritanie par son homologue, Mohamed Ould Abdel Aziz, ulcéré que son royal invité lui ait enjoint de dialoguer avec son opposition... islamiste.

 

A force de se faire le chantre de la démocratisation, le pacha de Doha a dû annoncer des élections législatives pour 2013. Le courant ultra-conservateur salafiste, dominant dans la société qatarie, pourrait lui signifier son peu d'entrain à cohabiter en 2022 avec des supporters de foot éméchés. Sans compter les risques de coup d'Etat, une valeur sûre aux pays des perles. Conclusion de la politologue Fatiha Dazi Héni : "La famille Al-Thani est loin d'être à l'abri d'un effet boomerang."


Benjamin Barthe


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25 février 2012 6 25 /02 /février /2012 20:17

 

Rue89 - Explicateur 25/02/2012 à 11h48
Liior Chamla | Citoyen et blogueur tatillon
Décrié par le Front de Gauche, le Mécanisme européen de stabilité (MES), ce nouveau fonds de soutien aux pays de la zone euro en crise a été adopté mardi par l'Assemblée nationale, après un débat « fougueux », alors que les députés socialistes étaient appelés à s'abstenir. Le Sénat devrait suivre le même exemple mardi prochain. 

Le but du MES est de sauvegarder la stabilité de la zone euro de manière permanente. Le traité est maintenant en cours de ratification par les différents Etats membres et devrait entrer en vigueur en juillet 2012.

De nombreux citoyens sont très hostiles à ce nouveau mécanisme qui représente selon eux un abandon de souveraineté et un renforcement des règles « automatiques » imposant la rigueur aux peuples. Qu'en est-il ?

 

1 Comment est né le MES ?

 

Le 9 mai 2010 : la Commission confie au Conseil Ecofin une proposition de règlement permettant d'établir le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF).

Les 9 et 10 mai 2010, les ministres des finances des 27 états approuvent la création du MESF et du Fonds européen de stabilité financière (FESF) :

  • le premier, le MESF, est un organisme communautaire adossé au budget de l'Union européenne et n'est garanti « que » à hauteur de 60 milliards d'euros (auxquels s'ajoutent 30 milliards d'euros de garanties du FMI) ;
  • le second, le FESF, est un organisme inter-gouvernemental doté de 440 milliards d'euros de capital garanti (le FMI garantissant 220 milliards d'euros de plus, le capital garanti s'élève à 660 milliards d'euros).

Aussi, afin de « pérenniser » un mécanisme européen de stabilité, les dirigeants européens doivent modifier le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Validée par le Parlement européen, la modification de l'article 136 du TFUE est entérinée par le Conseil le 25 mars 2011. Elle devra, dans le même temps que le Traité MES, être ratifiée par les Parlements nationaux.

Le 2 février 2012, une deuxième version du traité a été signée afin d'y intégrer des nouveautés dans plusieurs domaines

.

2 L'absence de transparence (et autres soupçons)

 

Ses grandes lignes étaient connues depuis le Conseil Européen des 24 et 25 mars 2011.

Depuis juillet 2011, date de sa signature, la suspicion règne sur le Net vis-à-vis de ce traité, alimentant la peur d'une « dictature financière ». Certains se demandent aussi si sa ratification s'est faite légalement

Pourtant très attendue, sa signature n'a pas été commentée dans les grands médias. Seuls les sites officiels ainsi que certains médias spécialisés ont rapporté l'information.

 

3 Structure et objectifs du futur organisme

 

Le MES sera une institution internationale composée :

  • d'un conseil d'administration présidé par un directeur général et dont le travail sera de gérer les affaires courantes et techniques ;
  • d'un conseil des gouverneurs chargé de prendre les décisions importantes.

Ce dernier, regroupant les ministres des finances des Etats membres :

  • élira son président pour un mandat de deux ans renouvelable ;
  • nommera aussi le directeur général du conseil d'administration pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois.

Le but de cet organisme sera de prendre la suite du FESF en finançant sous conditions un Etat membre si sa situation menace la stabilité de la zone euro. Ce mécanisme pourra lever des fonds via des instruments financiers (par des émissions d'obligations notamment), mais aussi via des accords de coopérations avec des états non-membres ou des institutions tiers telles que le FMI.

 

4 Les pommes de discorde

 

Objet du scandale n°1 : le capital

Tout comme ses prédécesseurs, le MES ne prêtera pas son propre argent aux Etats en difficulté. Il se base sur un capital garanti par les Etats membres pour pouvoir emprunter sur les marchés. Le capital s'élevant au total à 700 milliards d'euros dont 11% seulement (80 milliards d'euros) seront réellement versés durant les cinq années suivant la ratification du traité. Deux types de capital :

  • des fonds mobilisables qu'on appelle capital libéré (c'est l'argent que les Etats auront vraiment donné au MES), d'un montant initial de 80 milliards d'euros ;
  • un capital non libéré (il est sujet à appel mais n'est pas versé tant qu'on n'en a pas besoin) d'un montant initial de 620 milliards d'euros.

Ce qui pose problème à certains commentateurs, c'est le fait que le conseil des gouverneurs pourra décider de modifier ces montants. Il pourra donc, d'un commun accord (unanimité des votants, l'abstention n'étant pas comptée), augmenter le montant du capital libéré ou non libéré.

Le conseil des gouverneurs aura par ailleurs la possibilité de faire appel à du capital non libéré des Etats membres.

Dans les cas extrêmes où le MES se verrait dans l'incapacité potentielle d'honorer ses créanciers, le directeur général pourra faire appel au capital non libéré : les Etats s'engageront alors inconditionnellement et irrévocablement à procéder au paiement dans les sept jours suivant l'appel.

Enfin, le conseil d'administration pourra, à la majorité simple, faire appel au capital non libéré pour maintenir le niveau de capital libéré : si, à cause de pertes, le montant du capital libéré descend à 75 milliards, il pourra alors demander aux Etats de libérer 5 milliards d'euros pour revenir au montant prévu de 80 milliards d'euros de capital libéré.

Objet du scandale n°2 : immunité, privilèges et manque de transparence

Le MES « aura pleine personnalité juridique et aura pleine capacité juridique ». Il pourra aller en justice, acquérir et aliéner des biens immobiliers et mobiliers ou passer des contrats. Tous ses biens, fonds et avoirs jouiront de l'immunité de toute forme de procédure judiciaire et seront exempts de restrictions, réglementations, contrôles et moratoires. Sa propriété, son financement et ses actifs seront exempts de perquisition, réquisition, confiscation ou saisie, d'où qu'elles émanent.

Ses archives et documents, ainsi que ses locaux seront inviolables. Les employés seront à l'abri de toute poursuite à l'égard d'actes accomplis en leur qualité officielle, seront soumis au secret professionnel, paieront un impôt interne décidé par le conseil d'administration ​(les salaires et émoluments étant exempts de l'impôt sur le revenu national).

Notons que le conseil des gouverneurs aura le pouvoir de lever certaines immunités quand il le jugera opportun et surtout, que ce régime juridique est le régime classique pour une institution internationale.

Objet du scandale n°3 : le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance

Le traité établissant le MES fait explicitement mention du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, signé par 25 Etats de l'Union européenne le 30 janvier 2012, et qui a pour but de renforcer la discipline budgétaire des Etats signataires. En effet, une des conditions d'accès à l'assistance du MES sera d'avoir au préalable ratifié le TSCG et d'avoir créé un mécanisme de correction budgétaire (la « règle d'or »). C'est à cause de cette mention faite du TSCG que les parlementaires socialistes sont appelés à s'abstenir.

 

5 résumé, un pouvoir immense

 

Le MES aura un immense pouvoir au sein de la zone euro et prendra la place du FESF en Juillet 2012 (si le processus de ratification se passe sans problème dans les 17 Etats signataires).

Le capital pourra être modifié à l'unanimité des gouverneurs, offrant donc une flexibilité potentielle tout en gardant la possibilité pour un membre d'user de son droit de véto.

La France y est engagée à hauteur de 142,7 milliards d'euros, dont 16,3 milliards d'euros de capital à libérer dans les cinq ans suivant 2013, soit environ 3,26 milliards d'euros par an.

Bien sûr, si la décision d'augmenter le capital était prise, la France et les autres membres devraient augmenter leurs transferts vers le MES.

Certains transferts de capital non libéré pourraient être exécutés par les Etats, dans les cas extrêmes, dans les sept jours suivant l'appel du directeur général.

Facteur à ne pas négliger non plus : aucun acteur de ce système n'est élu ni responsable devant les peuples européens.

 

 

 

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24 février 2012 5 24 /02 /février /2012 19:44

 

Marianne - Rédigé par Gérard Filoche le Vendredi 24 Février 2012 à 10:19

 

Dans son discours de Marseille, le dimanche 19 février, Nicolas Sarkozy s’est livré — la période du Carnaval s’y prêtant sans doute — à de multiples métamorphoses devant les yeux de quelques milliers de militants UMP ébahis, ravis, subjugués. Petit tour d'horizon des différentes facette du président-candidat par Jean-Jacques Chavigné.

 

(Nicolas Sarkozy - Flickr - Débat-Sarkozy.fr - cc)
(Nicolas Sarkozy - Flickr - Débat-Sarkozy.fr - cc)

Le président des 1 % les plus riches endosse le costume du fils du peuple

« Je ne serai pas le candidat d’une petite élite contre le peuple. Je veux être le candidat du peuple de France »  déclarait-il à Marseille.
Oublié la fiesta du Fouquet’s lors de son élection en 2007, oubliées les vacances sur le yacht prêté par son ami Bolloré.

Oubliée l’instauration d’un « bouclier fiscal » de 50 % qui permettait à un millier de contribuables, parmi les plus riches, de recevoir, chaque année, un chèque du Trésor public de 260 000 euros en moyenne (30 millions d’euros pour Madame Bettencourt). Oubliée la suppression de l’impôt sur la fortune pour 300 000 riches ménages en 2011 avec un coût de 1,9 milliards d’euros pour l’Etat.

A Marseille, le président des riches, des banques et de la finance, sans le moindre scrupule, a revêtu le masque de Zorro, la cape noire du candidat « antisystème » alors que la droite occupe la présidence depuis 17 ans, qu’il a été ministre dans tous les gouvernements de droite durant la présidence de Chirac et qu’il est président de la République depuis 5 ans.

Le destructeur d’emplois industriels se transforme en chantre des ouvriers

« On oublie qu’une France (…) sans ouvriers, sans usines, sans ateliers (…) serait une France (….) économiquement à la merci des autres ».

Certes, mais c’est surtout lui qui n’aurait pas du l’oublier car, au cours des trois dernières années, notre pays a vu la fermeture de 900 usines et la perte de 100 000 emplois industriels (500 000 en 10 ans avec la droite au pouvoir).
En février 2008, Sarkozy promettait de sauver l’usine ArcelorMittal de Grandrange et s’exclamait : « Grandrange comme voyage de noces y a pas mieux ». L’usine fermera un an plus tard.

Ségolène Royal remue le fer dans la plaie, là où ça fait mal à Sarkozy : « Le candidat UMP n’a pas le courage d’aller là où les gens souffrent de ses promesses non-tenues ». Car les ouvriers d’ArcelorMittal Florange n’ont toujours pas reçu la visite du président ou du candidat de l’UMP, après l’annonce de la fermeture de deux hauts-fourneaux. Ils occupent aujourd’hui le centre administratif de l’entreprise et seraient sans doute ravis de recevoir Sarkozy en personne plutôt que ses CRS.

Le président qui s’était assis sur le référendum de 2005 devient le champion du référendum

« J’ai entendu les cris de ceux qui pensent que se tourner vers le peuple c’est du populisme. Au fond d’eux-mêmes, ils trouvent sans doute que le peuple n’est pas assez raisonnable, que le peuple n’est pas assez intelligent et que mieux vaut ne pas demander son avis au peuple »

Il ne manque pas d’air, lui qui n’avait pas eu le courage de soumettre à un référendum la ratification du traité de Lisbonne, copie-conforme du Traité Constitutionnel Européen que 55 % des électeurs avaient repoussé lors du référendum de 2005. Lui qui n’avait pas osé soumettre à référendum la privatisation de la Poste ou sa contre-réforme des retraites. Peut-être ne trouvait-il pas, alors, le peuple assez raisonnable, assez intelligent ?

Tout comme le peuple grec d’ailleurs lorsqu’il a menacé Papandréou de chasser la Grèce de l’euro (avec un total mépris des traités européens qui s’opposent à une telle éventualité) s’il maintenait son projet de référendum.
Il gouvernera, s’il est élu, à coup de référendum qu’il choisira soigneusement afin de dresser les habitants de notre pays les uns contre les autres : ceux qui ont un travail et ceux qui n’en ont pas, ceux qui sont musulmans et ceux qui ne le sont pas, ceux qui sont étrangers et ceux qui ne le sont pas…

Mais il évitera soigneusement tout référendum sur le traité européen dit « pacte Merkozy », tout référendum sur l’augmentation de la TVA… Consulter le peuple, certes mais quand même pas sur ce qui pourrait fâcher les marchés financiers ou le Medef.
Il en profitera pour attaquer tous les corps intermédiaires qu’il a dénoncés à Marseille, les syndicats en particulier mais aussi les partis (sauf l’UMP), indiquant quel danger pour la démocratie constituerait sa réélection.

Le président qui a infligé tant de souffrances se voile derrière son mouchoir pour pleurer

« Je sais mieux que personne toutes les souffrances et toutes les difficultés… »
Sans doute, puisque de ces souffrances, il est le premier responsable avec sa politique au service du Medef et des 1 % des plus riches de la population.
En 2007, Sarkozy s’était engagé à réduire d’un tiers le nombre des 8 millions de pauvres. En 5 ans, le nombre de pauvres dans notre pays a augmenté de 337 000. Selon l’Insee, l’écart entre les 10 % les plus riches et les 20 % les plus pauvres s’est accru de 30 % entre 2004 et 2010.

Le système de santé français a longtemps été le meilleur du monde. Une dizaine d’autres le dépasse aujourd’hui et ce sont les personnes précaires qui souffrent le plus des cadeaux faits par Sarkozy aux cliniques privées, aux trusts pharmaceutiques, aux compagnies d’assurance. Les franchises et autres tickets modérateurs n’ont cessé d’augmenter. Le nombre de médicaments (utiles) non remboursés ou moins remboursés s’est multiplié. La hausse de la  fiscalité des mutuelles, qui leur a été imposée, aura pour conséquence une nouvelle augmentation de leurs tarifs (déjà plus de 30 % en 5 ans) amenant de plus en plus de Français à ne plus pouvoir se payer d’assurances complémentaires, alors qu’un tiers des habitants de notre pays doit renoncer à se soigner.

Une journée de carence en cas de maladie a été imposée aux salariés de la fonction publique et une baisse de leurs indemnités journalières pour les salariés du privé percevant plus de 2 405 euros brut par mois. L’âge de la retraite a été repoussé à 62 ans avec toutes les implications d’un tel recul sur la santé de ceux à qui se sont vu voler deux années de leur vie.

Durant cinq ans il n’y aura eu aucun coup de pouce au Smic. Les allocations familiales et l’allocation logement ne seront revalorisées que de 1 %. Mais les profits du CAC40 ont augmenté de 85 % en 2010 sans que le président de la République s’en émeuve.

Le Président qui pouvait tout se déguise en victime de la crise

« Ensemble tout est possible »  affirmait le candidat Sarkozy en 2007.
En octobre 2007, il affirmait : « La croissance de 2007, je n’y suis pour rien, il faut la doper en 2008, et en 2009 ce sera la mienne ». Résultats : la croissance de 2007 atteignait + 1 ,9 %, celle de 2008 + 0,9 % et celle de 2009  - 0,4 % !

En janvier 2010 il certifiait : « dans les semaines et les mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays ». Deux ans plus tard, notre pays comptait 400 000 chômeurs de plus, 1 million de plus depuis 2007.
A Marseille, il s’était retranché derrière des formules qui en disaient long sur son incapacité à changer le cours des choses : « La vérité c’est que le chômage n’a pas explosé comme ailleurs. La vérité c’est que des milliers de Français n’ont pas été chassés de chez eux. » En substance : nous avons eu la peste et le choléra mais tout le monde n’en est pas mort, mon bilan est donc positif !

Quant à la crise que nous subissons aujourd’hui, loin d’en être la victime, il en est l’un des premiers responsables, avec Angela Merkel, puisque c’est à leur initiative que les pays de la zone euro subissent des plans dits de « rigueur » qui les plongent dans la récession et le chômage.

« Si la France a  mieux résisté que d’autres c’est qu’elle a puisé sa force dans ce qu’elle avait de meilleur » ose-t-il affirmer à Marseille, alors que ce qui a, avant tout, permis à la France de mieux résister, ce sont les acquis sociaux du salariat qui ont servi d’amortisseurs à la crise, mais que Sarkozy veut supprimer aujourd’hui. 

Le Chanoine de Latran jette son froc aux orties et devient le champion de la laïcité

Le 20 décembre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait, lors de son intronisation comme Chanoine de Latran, à Rome et par le Pape en personne : « Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur ».
A Marseille il affirmait « Je vois tous les jours la laïcité attaquée… ». Mais la « laïcité » de Sarkozy n’a rien à voir avec la loi de 1905 qui est une loi de tolérance qui accepte les processions religieuses dans l’espace public, les sonneries de cloches…

La « laïcité »  de Sarkozy est entièrement tournée contre l’Islam qu’il veut ramener à l’espace privé alors qu’il tolère dans l’espace public (comme le permet la loi de 1905) le rassemblement de dizaines de milliers de jeunes pour les journées mondiales de la jeunesse (JMJ) les processions catholiques, les calvaires, les pèlerinages à Lourdes… Pourquoi ces deux poids et ces deux mesures ?

Le recordman de la dette publique devient le chevalier du déficit zéro

« La dette de l’Etat et la dette des Français, c’est une seule et même dette ».
Quel culot ! Sous sa présidence, la dette publique a augmenté de 450 milliards d’euros, de 600 milliards d’euros depuis que la droite est au pouvoir. Des centaines de milliards qui ont pour origine la baisse des impôts des ménages les plus riches et des sociétés, et les dizaines de milliards dépensés pour sauver les banques. De 64 % du PIB en 2007 à 86 % fin 2011.

Le pourfendeur de l’Etat revêt le déguisement du défenseur de l’Etat

« Je veux parler de cette grande chose en France qui s’appelle l’Etat. »
Cette grande chose qu’il a continuellement attaqué, sapé durant son quinquennat : remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, suppression de 70 000 postes de professeurs, de 13 000 postes de gendarmes et de policiers, l’Hôpital public dépecé par les Agences régionales de santé (ARS) au profit des cliniques privées et de leurs actionnaires, la privatisation de GDF…

Le commis du Medef revêt les habits de l’homme libre

« Quand on aime la France, on n’est prisonnier d’aucun groupe de pression, d’aucun syndicat, d’aucune clientèle, d’aucune minorité ».
Toutes les principales contre-réformes de son quinquennat, il les a menées selon les instructions précises du Medef : santé, retraites, restriction du droit de grève, stagnation du Smic, fusion ANPE-ASSEDIC, déconstruction du code du travail, ruptures à l’amiable du contrat de travail, accords de compétitivité, augmentation de la TVA pour baisser les cotisations sociales patronales… Le candidat Sarkozy est un homme sous influence, du Medef et des marchés financiers.

Le Président « des copains et des coquins » se rase le crâne et gonfle ses biceps de Monsieur Propre

« Quand on aime la France, on n’est prisonnier (…) d’aucune clientèle »
En juillet 2008 : Bernard Tapie, qui avait soutenu Sarkozy en 2007, touche 45 millions d’euros dans le litige qui l’opposait au Crédit Lyonnais. Le ministre de l’Economie avait opportunément pris la décision de confier la résolution de ce litige à un tribunal arbitral et non à la justice.

D’août 2008 à avril 2009, il fait garder par 15 gendarmes la villa corse de son ami Christian Clavier.
En octobre 2009 : son fils, Jean Sarkozy, 23 ans, étudiant en 2e année de droit, est proposé pour devenir président de l’EPAD, le centre d’administration de l’un des plus important quartiers d’affaires d’Europe.
En novembre 2009 : son ami Henri Proglio est nommé PDG d’EDF avec une augmentation de 45 % de son salaire qui atteint 1,6 millions d’euros par an.

En juin 2010 : Christine Boutin, qui s’est depuis retirée opportunément de la course à la Présidence au profit de Sarkozy, est chargée d’une mission « sur les conséquences sociales de la mondialisation » payée 9 500 euros par mois. Elle percevait déjà une retraite de parlementaire de 6 000 euros.
En juin 2010 débute l’affaire Woerth-Bettencourt.

En septembre 2011 : l’affaire Karachi rebondit, deux proches de Nicolas Sarkozy sont mis en garde à vue.
Devant le tollé que provoque la décision de nommer Jean-Louis Borloo, qui s’est lui aussi opportunément retiré de la course à l’Elysée, à la tête de Veolia, Sarkozy recule et affirme qu’il y a maldonne.
Quant à Stéphane Guillon et Didier Portes, tous les deux licenciés de France-Inter, ils n’étaient pas vraiment copains de Sarkozy ou de l’Etat-RPR. Et ne l’envoyaient pas dire.

Le Président qui avait augmenté son salaire de 172 % se met à prêcher contre les rémunérations excessives

« Il faut avoir le courage de dire aux élites qu’une partie d’entre elles n’a pas été à la hauteur de ses responsabilités en s’octroyant des rémunérations qui défiaient le sens commun. »
Nicolas Sarkozy a, finalement, prononcé une seule phrase vraiment sensée au cours de son long discours : « L’impunité en haut de l’échelle n’est pas acceptable ». Aidons-le à la mettre en application : le 6 mai renvoyons-le à son cabinet d’avocat d’affaires.
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