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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 14:11

LEMONDE | 13.03.12 | 11h09   •  Mis à jour le 13.03.12 | 14h46

 
 

 

Photo prise le 12 mars 2012 à Trégunc de la plate-forme de distribution de courrier où un cadre de La Poste en arrêt maladie a été retrouvé pendu le 11 mars.

Photo prise le 12 mars 2012 à Trégunc de la plate-forme de distribution de courrier où un cadre de La Poste en arrêt maladie a été retrouvé pendu le 11 mars.AFP/FRED TANNEAU


Stupeur et incompréhension, lundi 12 mars, parmi les quinze agents de la plate-forme de distribution du courrier de Trégunc (Finistère). En arrivant au travail, ces facteurs apprennent le suicide d'un membre de l'encadrement. La veille, un promeneur a découvert son corps, pendu à l'entrée du centre de tri ouvert en avril 2010, au fond d'une zone d'activités de cette commune littorale.

Le choc est rude. Il renvoie au suicide, à Rennes, le 29 février, d'un cadre de 28 ans, qui s'est défenestré devant ses collègues, cinq mois après qu'une postière de 52 ans s'est donné la mort à Paris.

Bruno P., cadre de 43 ans diplômé d'un DESS en économie et finances, père de deux jeunes enfants, travaillait depuis près de vingt ans à La Poste. En arrêt-maladie depuis trois mois, il devait prendre un poste de directeur adjoint en charge des ressources humaines à Rosporden, ville voisine, dans une quinzaine de jours.

Cette affectation, il l'avait obtenue, à sa demande, pour mettre fin à de mauvaises relations avec sa hiérarchie proche, qu'il accusait de "pressions" et de "harcèlement". Il s'était longuement arrêté entre 2007 et 2009, et s'était résolu à solliciter l'arbitrage du PDG de La Poste, Jean-Paul Bailly, lequel était intervenu pour que sa mutation soit acceptée.

Deux courriels, qu'a pu consulter Le Monde, rendent compte de leurs échanges. Dans le premier, daté du 3 novembre 2011, Bruno P. "sollicite l'aide urgente" du PDG, en s'"excusant par avance de [lui] prendre un peu de [son] temps".

Il y adjoint une lettre où il décrit "un quotidien professionnel marqué par des dérapages réguliers [de sa hiérarchie] qui entretient chez [lui] un profond mal-être, (…) un lent processus insidieux et destructeur qui (…) compromet [son] devenir professionnel". Or, poursuit-il, "j'ai toujours eu des équipes (…) à manager, j'ai conduit le changement (…) et je me suis toujours fait un point d'honneur de mettre l'humain au cœur de mon management".

Le deuxième mail parvient à M. Bailly le 1er décembre. Le postier le remercie pour son intervention "qui a permis de régler les points de litiges professionnels qui affectaient [sa] vie professionnelle et personnelle depuis plusieurs semaines".

 

"ÉCOUTE TARDIVE"

Que s'est-il passé entre le 1er décembre et le 11 mars ? La direction et les syndicats s'interrogent. Ceux-ci sont d'autant plus troublés qu'ils ont reçu un courriel de Bruno P., le jour de sa mort, avec des pièces jointes résumant, écrit-il, les "différents événements ayant marqué [sa] carrière professionnelle de ces dernières années et leurs conséquences… 2011 et 2012…".

Bruno P. y évoque une "convocation médicale", un "contrôle" qui paraît le contrarier. Ce courriel s'achève ainsi : "A noter que mon arrêt-maladie actuel va jusqu'au 25/03 et que je devais reprendre à son issue (…). Si vous pouviez essayer de faire que 'tout ça' débouche sur quelque chose de positif et de constructif pour l'entreprise et nos collègues… Merci à vous tous."

Tout en reconnaissant une certaine "fragilité psychologique" au cadre, les syndicats Sud, CGT, CFE-CGC et CFDT, lors d'une conférence de presse à Quimper (Finistère) lundi, renvoient aux conditions de travail des postiers, soumis à une hiérarchie toujours plus exigeante. Ils évoquent "une écoute tardive" et "un problème de management qui n'est pas propre à la Bretagne". Mise à l'épreuve de réorganisations incessantes à La Poste, depuis quinze ans, l'organisation du travail serait à l'origine d'un profond mal-être des employés.

"Bruno P. a été cassé par La Poste", déclare sans ambages un élu cégétiste, qui n'hésite pas à évoquer des similitudes avec la situation chez France Télécom.

Lundi matin, à Trégunc, les facteurs n'ont pas voulu prendre leur service. Une cellule d'écoute a été mise en place. Un comité hygiène, sécurité et conditions de travail (CHSCT) extraordinaire est convoqué mercredi. A Paris, la direction a fait part de sa "vive émotion", après ce deuxième suicide en Bretagne. Son PDG, Jean-Paul Bailly, avait été prévenu dans la soirée de dimanche, avant même l'appel de la police. Le désarroi est d'autant plus grand, dit un proche, que les problèmes du jeune cadre avaient été "identifiés et pris en charge".

M. Bailly se donne une semaine pour rencontrer les syndicats, dans le cadre du cycle d'écoute sur la santé au travail ouvert après le suicide de Rennes. Avant de faire ses premières propositions.

 

>> Lire notre entretien avec François Dupuy, directeur académique du Centre européen d'éducation permanente : "Le système du 'toujours plus' accroît la pression au travail"


Stéphane Cariou (à Concarneau) et Anne Michel

 


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13 mars 2012 2 13 /03 /mars /2012 14:04

 

Le Monde - Mardi 13 mars 2012

 

Partout dans le monde, des barrages colossaux sont en construction. Officiellement, il s'agit d'accroître l'accès des populations à l'électricité et de soutenir la croissance économique. Mais en réalité, si les grandes entreprises du Nord et les institutions financières internationales se ruent vers les fleuves des pays du Sud pour y édifier ces gigantesques ouvrages aux conséquences environnementales et sociales désastreuses, c'est en raison de la perspective de "marchés juteux et sans risque". Voilà les conclusions d'un nouveau rapport des Amis de la Terre, intitulé A qui profitent vraiment les grands barrages ? et publié à l'occasion du Forum mondial de l'eau qui se tient à Marseille du 12 au 18 mars. Ronack Monabay, chargé de campagne sur les institutions financières internationales pour l'ONG, revient sur les enjeux de ces constructions.

 

Qu'est-ce qu'un grand barrage et où les trouve-t-on ?

Ronack Monabay : Tout au long du XXe siècle, l'idée du développement économique a été associée aux barrages. Résultat : on en compte aujourd'hui 800 000 dans le monde dont 52 000 sont considérés comme des grands barrages, c'est-à-dire d'une hauteur de plus de 15 mètres et avec un réservoir supérieur à 3 millions de m3. Les quatre principaux pays constructeurs de barrages en comptent les trois quarts : 45 % en Chine, 14 % aux Etats Unis, 9 % en Inde et 6 % au Japon. La France possède, elle, 569 grands barrages, soit 1 % du total mondial.

Pourquoi les grands barrages posent-ils problème ?

Ronack Monabay : S'ils fonctionnent avec une ressource renouvelable, les grands barrages sont néanmoins loin de produire une énergie propre. Au-delà des impacts de leur construction proprement dite, et des milliards de tonnes de béton utilisées, leur édification crée d’immenses retenues d’eau qui submergent des terres cultivées ou des forêts, entraînent la décomposition des nombreuses matières organiques et libèrent de grandes quantités de gaz à effet de serre (notamment du méthane et du protoxyde d’azote, respectivement 25 et 300 fois plus puissants que le CO2). Au final, ces ouvrages contribuent à 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, soit plus que le secteur aérien, selon l'association Rivières internationales.

Autres impacts environnementaux : les grands barrages bouleversent aussi fortement le fonctionnement des cours d’eau — 60 % des fleuves et rivières du monde sont altérés — et des écosystèmes, en provoquant la disparition de nombreuses espèces animales et végétales.

Enfin, les populations locales sont fortement touchées. Selon un rapport de la Commission mondiale des barrages, entre 40 et 80 millions de personnes ont été déplacées à cause des barrages au cours du siècle dernier. Plus largement, 472 millions de personnes ont été affectées par les impacts en aval des barrages, tels que la diminution des terres fertiles et des ressources halieutiques, la baisse de la qualité de l’eau, qui entraîne des maladies, ou encore la déforestation.

Quels sont les grands barrages, construits ou en projet, qui inquiètent le plus ?

Ronack Monabay : En Chine, le barrage des Trois-Gorges, le plus grand au monde, d'une puissance de 22 500 mégawatts (MW), a causé de nombreux et sérieux problèmes environnementaux, sociaux et économiques, que même le gouvernement de Pékin reconnaît.

>> Lire : Le colossal barrage des Trois-Gorges inquiète la Chine : L'accumulation d'une trop grande quantité d'eau dans le réservoir, long de 660 km et d’une capacité de 39 milliards de m3, augmente les risques de glissements de terrain et de tremblements de terre, selon des géologues. Des espèces du fleuve Yangtse ont été déclarées officiellement éteintes en raison de la pollution et des algues, qui s’accumulent du fait du barrage, au lieu d’être drainées par le fleuve. L'édifice a entraîné le déplacement de 1,4 million de personnes et la destruction d’un millier de villes et villages. Enfin, la baisse du niveau des eaux en aval du barrage, dont dépendent des populations entières pour l’agriculture, est particulièrement pointée du doigt lors des sécheresses.

Le barrage des Trois-Gorges

Nous nous inquiétons aussi du barrage de Jirau, au Brésil, sur le Rio Madeira. Ce chantier, mené par GDF Suez, doit générer une puissance de 3 300 MW, mais aussi entraîner le déplacement de milliers de personnes et l'inondation d'hectares et d'hectares de forêts.

L'ancien président brésilien Lula devant le barrage Jirau en construction

En Ouganda, la construction du barrage Bujagali, de 250 MW, a débuté en 2007, sous-traitée par l'entreprise italienne Salini, malgré l’opposition des communautés locales depuis quinze ans. Le chantier a déjà provoqué le déplacement de 6 800 personnes. Si l'un des objectifs est d'améliorer l’accès de la population à l'électricité,  la surestimation de la capacité du barrage, ainsi que les termes défavorables de l’accord d’achat de l’électricité, rendra celle-ci inabordable pour la majorité des Ougandais. Sans compter que 5 % de la population seulement est reliée au réseau électrique.

En République démocratique du Congo, les barrages Inga I et II, d'un total de 2 500 MW, ont aggravé l'endettement massif du pays. Or, seulement 11 % de la population est connectée au réseau. Et le pays veut produire un autre barrage, le Grand Inga, un mégaprojet d’un coût estimé à 80 ou 100 milliards de dollars qui produirait 40 000 mégawatts.

Le barrage Inga

Pourquoi ces ouvrages essaiment-ils malgré tout ?

Ronack Monabay : Si tant de barrages sont en construction, c'est qu'ils sont massivement subventionnés. Avec 72 milliards d’euros de prêts en 2010 (et 900 millions d’euros depuis 2003), la Banque européenne d’investissement (BEI) est ainsi le premier bailleur de fonds international, devant la Banque mondiale (57,8 milliards). Depuis 2003, un tiers des prêts pour l'énergie accordés par la BEI en Afrique le sont pour des centrales hydroélectriques. La logique est double : ouvrir des marchés juteux pour les grandes entreprises comme EDF ou GDF Suez et disposer d'électricité bon marché, pour l'industrie (mines notamment), afin de produire des biens destinés à l'exportation.

C'est flagrant dans le cas du Laos, avec le barrage Nam Theun II. Cet ouvrage d’une puissance de 1 075 MW a entraîné 3 500 personnes déplacées, 110 000 affectées et une baisse des réserves halieutiques et de la qualité de l'eau. Or, 95 % de la production est destinée à la Thaïlande, dont les besoins industriels sont plus importants et où l’opinion publique n’a pas voulu de ces barrages.

Le barrage Nam Theun II au Laos

Quelles alternatives proposez-vous pour permettre malgré tout la production d'énergie dans ces pays en développement ?

Ronack Monabay : On demande aux institutions financières mondiales d'adopter un moratoire sur le financement des grands barrages et de respecter certains principes tels que l'accord libre des populations concernées et l'étude indépendante des alternatives qui existent. Il s'agit de la micro-hydraulique (soit des centrales inférieures à 10 MW), l'éolien, le solaire, la géothermie et la biomasse.

Au Népal, la mobilisation de la société civile a permis l’annulation de la construction du barrage d’Arun III soutenu par la Banque mondiale. Ce projet ruineux (1 milliard de dollars soit près d’une fois et demi le budget national du Népal) aurait détruit l’une des dernières forêts intactes de l’Himalaya et menacé la survie des populations locales. A la place, de nombreux villages ont développé leurs propres mini-centrales hydrauliques dont certaines gérées collectivement. Au final, comparé aux capacités estimées d’Arun III, cela a permis de produire près d’un tiers d’électricité en plus, en deux fois moins de temps et pour un coût divisé par deux.

Propos recueillis par Audrey Garric

Suivez mon blog sur Facebook et sur Twitter : @audreygarric.

Photos : AFP

 

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 16:11

 

| Par Fabrice Arfi et Karl Laske


Mouammar Kadhafi a-t-il financé Nicolas Sarkozy ? La question, soulevée peu avant la guerre en Libye, vient d’apparaître en toutes lettres dans l’affaire Takieddine. Selon un document consulté par Mediapart, le marchand d’armes Ziad Takieddine, organisateur en 2005 des visites du ministre de l’intérieur et de ses proches en Libye, puis en 2007 du président élu, aurait mis en place les « modalités de financement » de sa campagne présidentielle par le régime de Kadhafi, en lien avec Brice Hortefeux, alors ministre des collectivités locales.

Le 18 octobre 2011, les policiers ont versé au dossier d’instruction une note de synthèse sur laquelle figure une référence à un document baptisé « GEN/ NS V. MEMO DG », qui contient sans les expliciter les initiales du président de la République. Cette note de synthèse a été rédigée et remise aux enquêteurs par un témoin du dossier, Jean-Charles Brisard, ancien membre de l’équipe de campagne d’Edouard Balladur, en 1995, aujourd’hui dirigeant d’une société de renseignements privée. Le document contient aussi les références du compte suisse de la sœur de Jean-François Copé, le patron de l’UMP, dont M. Brisard est un proche.

 

MM. Kadhafi et Sarkozy 
MM. Kadhafi et Sarkozy© Reuters

Mediapart s’est procuré l’intégralité du document « GEN/ NS V. MEMO DG », dont seul le titre apparaît dans la note de synthèse et qui n’a pas été communiqué aux enquêteurs par M. Brisard. Son contenu est explosif. Il s’agit des confessions de Didier Grosskopf, « DG », l’ancien médecin personnel de Ziad Takieddine, qui l’a accompagné à plusieurs reprises en Libye, pour y soigner des membres de la famille Kadhafi. Ces confessions ont été recueillies le 20 décembre 2006, à Lausanne, en Suisse, par M. Brisard.

Ci dessous, le verbatim du document « GEN/ NS V. MEMO DG », en respectant sa graphie :

---------------------------------

MEMO DG
SUISSE
20.12.2006

CAMP07
MODALITES FIN CAMPAGNE NS REGLEES LORS DE LA VISITE LIBYE NS + BH 06.10.2005
PLUSIEURS ENTRETIENS PREALABLES ENTRE ZT ET SAIF AL ISLAM
ZT CHARGE DU MONTAGE
ZT INTERV CONTRATS COMM SEC ARMEES ET CARTES ID A PUCES

FIN LIB 50 ME
MONTAGE INCLUT SOC BH PAN + BANQUE SUISSE (ND)
FIN CAMPAGNE TOTALEMENT REGLE

--------------------------------

Le premier volet du document est intitulé « CAMP07 » et concerne la campagne présidentielle de 2007. D’après la note, les « modalités de financement de la campagne » de « NS» ont été « réglées lors de la visite Libye NS + BH » le 6 octobre 2005. Cette visite officielle avait été activement préparée par Ziad Takieddine, comme en attestent ses notes à Claude Guéant, qui figurent au dossier d’instruction.

Contacté lundi 12 mars, M. Hortefeux, actuel vice-président de l’UMP chargé de la cellule « riposte » du parti, a confirmé à Mediapart sa présence en Libye lors de la visite de Nicolas Sarkozy du 6 octobre 2005. Mais il a souligné qu’« il n’a jamais été question de financement politique, ni de près de loin ». 

La note « CAMP07 » évoque « plusieurs entretiens préalables » entre « ZT et Saïf Al Islam », l’un des fils du colonel Kadhafi. « ZT » apparaît comme étant « chargé du montage », en marge de ses « interventions » sur des contrats de sécurisation des communications des armées et de fabrication de cartes d’identité à puces. Comme Mediapart l’a déjà souligné, ce premier marché, confié à la société Amesys, a effectivement été signé grâce aux bons offices rémunérés de M. Takieddine.

Selon la note, le financement libyen prévu s’élevait au total à 50 millions d’euros. Et les opérations financières faisaient intervenir personnellement Brice Hortefeux. Le « montage » inclut ainsi une société « BH » au Panama, plus une banque suisse non déterminée. Ce passage se clôt par une phrase sans ambiguïté : « Financement campagne totalement réglé ». Questionné par Mediapart sur cette mystérieuse société panaméenne, M. Hortefeux a déclaré : « Je ne sais même pas ce que c’est. »

« Plus à l’aise pour évoquer l’autre sujet important »

Les soupçons soulevés par cette note sont aujourd’hui confortés par les notes personnelles de Ziad Takieddine, remises par son ex-épouse à la justice, et qui ne sont pas contestées par leur auteur. « Les notes que j’ai établies sur mon ordinateur sur les différents pays, la Syrie, l’Arabie saoudite, la Libye et le Liban, sont réelles et ont été remises par moi-même à M. Guéant, qui en avait besoin pour les remettre au ministre (ndlr, Nicolas Sarkozy), qu’il appelait le patron », a témoigné M. Takieddine, le 12 octobre 2011, devant le juge Renaud Van Ruymbeke.

Le relevé des voyages du marchand d’armes fait apparaître qu’il a effectué onze voyages à Tripoli pour la seule année 2005. Au même moment, il a rédigé une dizaine de notes consacrées à la Libye pour le cabinet de M. Sarkozy, au ministère de l’intérieur. M. Takieddine a notamment préparé la visite officielle du ministre le 6 octobre 2005, celle qui est précisément au cœur de la note « GEN/ NS V. MEMO DG ». Et, selon nos documents, il était présent à Tripoli pour les visites de MM. Guéant, Hortefeux et Sarkozy. 

 

 
© Reuters

Dans une première note, datée du 6 septembre 2005, et consacrée à un rendez-vous préparatoire de Claude Guéant, l’exposé de M. Takieddine est lourd de sous-entendus : « La visite préparatoire est inhabituelle, écrit-il. Elle doit revêtir un caractère secret. Il sera préférable que CG se déplace seul et que le déplacement s’effectue sans fanfare. L’autre avantage : plus à l’aise pour évoquer l’autre sujet important, de la manière la plus directe…»  

Une autre note du 22 septembre 2005, évoque un « tête-à-tête » de Nicolas Sarkozy « avec le Leader », la remise des « CV de NS et BH » à Kadhafi et la négociation de plusieurs marchés de sécurité et d’armement. Ce document contient lui aussi une phrase énigmatique : « Avec le ministre de l’intérieur : jusqu’où ? »

Les policiers ont aussi trouvé parmi les documents de M.Takieddine des lettres de MM. Sarkozy (10 septembre 2005), Guéant (23 septembre 2005), Hortefeux (15 novembre 2005) adressées aux autorités libyennes.

L’homme à l’origine des révélations du mémo « GEN/ NS V. MEMO DG », le neurochirurgien Didier Grosskopf, est un proche de Jean-François Copé. C’est d’ailleurs ce qui l’a conduit au chevet de Ziad Takieddine, grièvement blessé à la tête lors d’un séjour sur l’île Moustique, en avril 2004.

« J’ai reçu un appel sur mon téléphone portable du porte-parole du gouvernement qui était M. Jean-François Copé, a déclaré aux policiers le Dr Grosskopf, en octobre dernier. C’est au titre de médecin et d’ami que M. Copé m’a demandé de m’occuper d’un personnage important, qui avait un problème de santé, à savoir Ziad Takieddine. J’ai accepté cette mission par amitié pour M. Copé. Un personnel de la préfecture m’a conduit à l’aéroport. »
Didier Grosskopf : « Je veux protéger mes intérêts »

Arrivé après l’intervention chirurgicale, M. Grosskopf a organisé « le rapatriement de M. Takieddine » à l’hôpital de la Salpêtrière, puis il s’est chargé de sa convalescence. Par la suite, le neurochirurgien affirme avoir été « sollicité par M. Takieddine pour soigner d’autres malades que lui dans ses relations personnelles ». Il confirme « être allé en Libye pour donner des conseils à des malades », « à la demande de M. Takieddine ».

Ci-dessous, deux billets d'avion d'un déplacement commun à Tripoli de MM. Takieddine et Grosskopf, en juin 2006 :

 

© dr

C’est à l’occasion de ses multiples déplacements à Tripoli, que M. Grosskopf aurait été mis dans la confidence de ce qu’il n’aurait pas dû apprendre.

Questionné le 29 février par Mediapart, M. Grosskopf n’a pas contesté la substance des informations contenues dans le mémo rédigé par M. Brisard. « M. Brisard est un ami, je me suis entretenu plusieurs fois avec lui de ce sujet, il m’a aidé, a-t-il indiqué. Mais ce qu’il dit n’engage que lui. Je ne veux pas être un acteur de cette affaire. Je veux protéger mes intérêts, c’est-à-dire ma femme et mes enfants. A un moment donné, j’ai été suivi. J’ai eu très peur.»

A l’automne 2006, M. Takieddine a brutalement coupé les ponts avec son médecin et a engagé une procédure à son encontre devant le conseil de l’Ordre, pour obtenir un remboursement des honoraires qu’il lui avait versés. C’est au milieu de ce conflit que M. Brisard recueille les confessions du médecin, le 20 décembre 2006. Il l’a revu plusieurs fois. Au moins un autre mémo aurait été rédigé.

« C’est une affaire qui dépasse l’imagination la plus féconde, poursuit le Dr Grosskopf. Je suis désolé comme citoyen par cette affaire. Mais je ne pouvais pas imaginer, en organisant le rapatriement sanitaire de ce monsieur, qu’il s’agissait du plus grand corrupteur de la République. » Le docteur dit en vouloir « au pouvoir » qui l’a entraîné là, mais pas à Jean-François Copé « qui reste un ami ».

Alors qu’il vient de publier un livre, L’Ami encombrant (Editions du Moment), dans lequel il conteste l’existence d’une corruption, M. Takieddine avait déclaré le 11 octobre, à l’émission Complément d’enquête, qui l’enregistrait en caméra cachée : « Je les tiens tous dans ma main ! Je peux tous les faire tomber !». Et à la question de savoir « qui ? », le marchand d’armes avait murmuré « tous ! ».

 

Saïf al-Islam 
Saïf al-Islam© Reuters

Le soupçon d’une participation libyenne au financement de Nicolas Sarkozy avait été alimenté par les autorités de Tripoli elles-mêmes il y a un an par les déclarations spectaculaires de Kadhafi et de son fils, Saïf al-Islam. Dès le mois de mars 2011, deux jours avant l’intervention militaire occidentale, ce dernier avait accusé le pouvoir français dans un entretien donné à la chaîne Euronews : « Il faut que Sarkozy rende l'argent qu'il a accepté de la Libye pour financer sa campagne électorale. C'est nous qui avons financé sa campagne, et nous en avons la preuve. Nous sommes prêts à tout révéler. »

« La première chose que l'on demande à ce clown, c'est de rendre l'argent au peuple libyen, avait-il ajouté. Nous lui avons accordé une aide afin qu'il œuvre pour le peuple libyen, mais il nous a déçus. Nous avons tous les détails, les comptes bancaires, les documents, et les opérations de transfert. Nous révélerons tout prochainement. »

Les espèces de Takieddine

Ces déclarations, dans le contexte d’unité nationale d’avant guerre, n’avaient pas provoqué d’interpellations politiques. Pourtant, à elles seules, elles auraient déjà mérité l’ouverture d’une enquête, parlementaire ou judiciaire. L’enquête des juges sur Ziad Takieddine alimente, elle aussi, les mêmes soupçons. L’examen du fonctionnement des sociétés offshore du marchand d’armes faisant apparaître l’existence de commissions occultes d’origine libyenne.

En mars 2011, Ziad Takieddine avait également été interpellé de retour de Tripoli à l’aéroport du Bourget, avec 1,5 million d’euros en espèces sur lui. « J’y étais allé porteur d’un message de Claude Guéant et je l’ai d’ailleurs appelé de là-bas, a-t-il expliqué le 9 novembre au juge Van Ruymbeke. Croyant bien faire, je suis revenu porteur d’une réponse de Kadhafi que, compte tenu des circonstances de mon “accueil à l’arrivée, je n’ai pas pu livrer. » Lors de son interpellation le 5 mars, il a déclaré sur procès-verbal aux agents des douanes que « c’est le gouvernement libyen » qui lui a « remis les billets de banque». Il avait précisé que cet argent couvrait ses propres honoraires.

 

MM. Hortefeux et Takieddine, en 2005 
MM. Hortefeux et Takieddine, en 2005© dr

L’apparition de Brice Hortefeux dans la note « GEN/ NS V. MEMO DG » renvoie aux missions officieuses qu’il a effectuées avant 2007 pour le ministre de l’intérieur. Il a en particulier assuré le contact avec l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui se faisait fort d’ouvrir les portes de plusieurs pays arabes au ministre de l’intérieur. Le marchand d’armes avait d’ailleurs conduit, fin 2003, Brice Hortefeux en Arabie saoudite pour y négocier un important contrat de surveillance des frontières (nom de code : Miksa).

A l'été 2007, Ziad Takieddine a également été l'un des acteurs principaux de la libération des infirmières bulgares par le régime libyen, ouvrant une « nouvelle page » – c'est son expression – des relations franco-libyennes. Mais permettant surtout à la France de dérouler le tapis rouge sous les pas du dictateur, dont on a monté la tente, en décembre 2007, dans les jardins de l'hôtel Marigny, résidence officielle des hôtes de l'Etat.

Plusieurs photos publiées par Mediapart attestent par ailleurs des relations amicales nouées avec M. Takieddine et des visites mutuelles qu’ils se rendaient dans le sud de la France. Des relations favorisées par Thierry Gaubert, un autre ami de Nicolas Sarkozy, impliqué dans la campagne Balladur de 1995. Les policiers avaient intercepté, en septembre dernier, des conversations téléphoniques entre MM. Gaubert et Hortefeux, s’inquiétant de la progression de l’enquête sur M. Takieddine.

De fait, en décembre 2011, Nicola Johnson, l'ex-épouse de M. Takieddine, mettra aussi en cause Brice Hortefeux. Selon son témoignage, l’ancien ministre était venu chercher en 2005 une somme en espèces auprès du marchand d'armes lors d'une visite à son domicile avenue Georges-Mandel, à Paris, en compagnie de Thierry Gaubert. Un témoignage vivement contesté par M. Hortefeux, qui n’a toutefois pas déposé plainte, contrairement à ce qu’il avait annoncé.

Contactés par Mediapart, l’Elysée et Ziad Takieddine n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

 


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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 15:26

 

Rue89 - Global Voices Online 12/03/2012 à 09h49
Global Voices"

Pauline Ratzé

 

La Suisse a beau être souvent présentée comme un exemple de cohabitation, puisque cet étrange pays multilingue et multiculturel réussit à maintenir une identité nationale qui unit les citoyens et fait généralement leur fierté, il n'est pas rare que les Suisses allemands (germanophones) et les Suisse romands (francophones) se moquent les uns des autres.

Si les différences qui caractérisent les habitants de chaque côté du Röstigraben se font souvent sentir en politique et particulièrement au moment des votations, il arrive de temps en temps que des blagues de plus ou moins bon goût fusent sur les voisins.

La dernière provocation en date provient d'un article publié le 1er mars par le journal suisse allemand Weltwoche. Son auteur se moque des Romands considérés comme les « Grecs de Suisse », fainéants, amateurs d'alcools et de bonne chère.


La photo du journal suisse « Weltwoche » qui a piqué les Romands au vif (Groupe Facebook Welschwoching)

 

Sur la photo accompagnant l'article, un travailleur pose, les pieds sur son bureau, un verre de vin à la main et de la lingerie dépassant des classeurs.

Les Romands n'ont pas tardé à riposter. Le politicien genevois Antonio Hodgers a donné le ton.

Comme le rapporte 20min.ch, il s'est photographié dans la même pose que la photo illustrant l'article et commente pour contredire ces allégations :

« A l'adresse des Weltwocho-udécistes, nous précisons que l'évolution du PIB romand est supérieure à la moyenne suisse depuis des années, que l'Arc lémanique est l'une des régions économiques les plus dynamiques et que des cantons comme Genève et Vaud sont des contributeurs nets à la péréquation inter-cantonale. Tout cela en glandant… pas mal, non ? »

Il n'en fallait pas plus pour créer un effet de mode. Sur Facebook, le groupe Welschwoching publie les photos des internautes romands prenant la pose, pieds sur le bureau et bouteilles bien en évidence, pour rendre hommage au style de vie dont les accuse la Weltwoche.

De nombreux clichés et commentaires sont également visibles sur Twitter. Le compte Twitter @welschwoching créé pour cette nouvelle cause lance à 17h précises l'appel aux choses sérieuses :

« Grecs de Suisse, c'est l'heure de l'apéro ! »

L'atelier de sérigraphie Graphein propose déjà un t-shirt imprimé pour l'occasion arborant le slogan Tuschur rigol, shamè travaï (Toujours rigole, jamais travaille, avec l'accent allemand)

Mais quelques jours plus tard, les administrateurs du groupe Welschwoching sur Facebook se sont plaints de multiples attaques, et des signalements à Facebook pour « atteintes aux droits d'auteurs » seraient parvenus à faire retirer certaines photos.

Toutefois, l'unité nationale n'est peut-être pas totalement mise en péril puisque certains Suisses-allemands se montrent solidaires de leurs voisins romands dans cette vidéo :

 

 

 

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12 mars 2012 1 12 /03 /mars /2012 14:38

 

Passage à l'acte 12/03/2012 à 10h44
Reporters d'Espoirs | Agence de presse 

 

Un chat boit de l'eau au robinet (Dave Dugsdale/Flickr/CC)

Plus des trois-quarts des gens affirment restreindre leur consommation d'eau. Le volume par Français est estimé à 151 litres d'eau jour :

  • 1% en boisson,
  • 6% en repas,
  • 9% en vaisselle,
  • 10% en linge,
  • 12% en divers,
  • 25% en sanitaire
  • 37% en toilette.

Pour une facture moyenne de 181 euros par an et par personne. Mais selon les régions, la note peut être plus ou moins salée : 157 euros en Franche-Comté contre 229 euros en Bretagne. Et quels que soient les revenus, ces charges sont fixes.

Bilan : certains foyers ne réussissent plus à payer leurs factures d'eau, alors qu'aucune aide n'existe actuellement au niveau national, contrairement à l'électricité, au gaz ou au téléphone.

L'idée

La Banque mondiale et l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) préconisent que le montant de la facture d'eau n'excède pas 4 à 5% du revenu moyen du ménage. Au-delà de ce seuil, une politique de tarification sociale doit prendre le relais.

Le professeur Henri Smets, membre de l'Académie de l'eau, propose de retenir 3% comme seuil à ne pas dépasser en France.

Ensuite, plusieurs options sont possibles :

  • la tarification progressive : c'est-à-dire une grille de tarifs par tranche de volumes consommés. La solution est encouragée [PDF] par ATD Quart-Monde comme l'explique Bruno Tardieu, son délégué général :

« Nous voulons que les premiers litres, correspondant aux besoins vitaux (alimentation et hygiène), soient facturés à un prix très attractif. Au-delà, le tarif augmenterait progressivement. »

Selon l'ONG, le bénéfice est double : la réponse est adaptée aux plus démunis et elle conduit les autres, de facto, à moins consommer. Des avantages dont l'organisation a discuté avec l'ancien ministre du Développement durable, Jean-Louis Borloo, en 2010… sans qu'aucun engagement de l'Etat n'ait été pris, depuis, en ce sens ;

  • la tarification sociale : elle est plus difficile à mettre en œuvre, car elle suppose, au préalable, d'identifier les « usagers sociaux ». Mais dans le cas où l'option serait retenue, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) souligne [PDF] la nécessité d'un dispositif complet : exonération de tout ou partie de l'abonnement, versement d'aides personnalisées pour l'accès à l'eau et création d'aides directes pour le paiement de l'eau, sans que celles-ci soient subordonnées à l'existence préalable de dettes d'eau, contrairement à aujourd'hui.

Comment la mettre en pratique ?

Plusieurs communes appliquent déjà une tarification spécifique, proportionnelle à la consommation des ménages : Niort, Rouen, Arras ou Bordeaux... et, plus récemment, Libourne (33).

Fin 2010, la ville a mis en place une tarification dite « sociale et progressive » de l'eau, à l'occasion de la reconduction de son contrat de délégation de service publique, qui la lie à la Lyonnaise des eaux. Désormais, chacun des 11 000 abonnés a droit à 40 litres d'eau par jour, au prix de 1,50 euro : ce qui revient à 10 cents le m3, soit sept fois moins que le prix pratiqué sur la commune auparavant.

Puis le tarif augmente par tranches. De 16 à 120 m3, l'équivalent de la consommation moyenne des Libournais, le coût est de 0,70 euro le m3. Jusqu'à 150 m3, il est de 0,75 euro et au-delà, de 0,83 euro.

Au final, la majoration appliquée aux gros utilisateurs compense entièrement le tarif préférentiel accordé aux plus économes sans pénaliser les familles nombreuses (soit 20% des familles en difficulté), contrairement à ce que craignent certains conseils municipaux.

En janvier 2009, Gérard Poujade, maire du Séquestre, village tarnais de 1 500 habitants, a mis en place une tarification progressive. Il se tenait prêt à prendre en charge les éventuels dépassements au sein des familles de plus de quatre personne :

« Mais finalement, la consommation s'est révélée proportionnelle aux moyens, pas au nombre d'individus présents. »

Une analyse qu'a confirmée l'étude [PDF] effectuée par Henri Smets. Et en Flandres, le système va même plus loin : depuis 2002, la première tranche, soit 15 m3, est complètement gratuite à condition que l'eau soit destinée à une utilisation « humaine ».

Ce qu'il reste à faire

Dans l'Hexagone, le nombre d'habitants concerné reste cependant marginal, même s'il est en croissance constante, met en garde Henri Smets :

« Nous avons beaucoup de retard par rapport à nos voisins belges ou espagnols. Aujourd'hui, il n'y a que 5 à 10% des villes qui appliquent le tarif progressif. »

Pour accélérer la mise en place d'un droit à l'eau (sur le même modèle que le droit au logement), l'Observatoire des usagers de l'assainissement en Ile-de-France (Obusass) souhaite ainsi qu'une « allocation eau » soit créée. Sa distribution serait assurée par les Caisses d'allocations familiales (CAF).

Andrea Paracchini

 


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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 19:16

«Le malade, c’est l’État, et non l’économie et la société grecques», réaffirme Georges Contogeorgis, professeur de science politique à Athènes, ancien ministre qui a apporté son soutien aux Indignés de la place Syntagma. Ce qui rend indispensable un réexamen des orientations demandées à la Grèce, et «pourrait être le point de départ d’un approfondissement de l’Europe politique».

  

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puceinvite.jpg1. Au départ crise de l’emprunt, la crise grecque est ensuite devenue crise de la dette, avant d’être considérée finalement comme une crise de la compétitivité. Dès le début, la troïka a fondé son approche de l’économie grecque sur l’idée essentielle que l’État était confronté à une crise de la dette parce que l’économie grecque n’était pas compétitive et que, par conséquent, les Grecs vivaient au-dessus de leurs moyens, sur des emprunts.


Or, si cette idée avait été correcte à la base, les mesures écrasantes – de l’aveu général – imposées à la société grecque auraient dû porter quelque fruit. Cela fait cinq ans déjà que nous vivons une récession sans précédent, qui promet de se poursuivre avec la même intensité. Et pourtant, nul ne saurait dire encore à quel moment le «niveau de vie» du Grec sera conforme à l’état réel de l’économie.


Comme hypothèse de travail, je propose de considérer ici que, dans le cas de la Grèce, la «recette» qui a été choisie pour faire face à la crise est partie d’un diagnostic complètement faux pour ce qui est de la cause, mais aussi du malade. Plus précisément, je soutiens que le malade, c’est l’État, et non l’économie et la société grecques. Le surendettement public n’est pas directement lié au niveau de vie de la société: c’est simplement un indice significatif de la corruption et de l’appropriation de l’État par la classe politique et par ceux qui le possèdent. Le fait que la crise de l’emprunt ait dégénéré en crise de la dette résulte exclusivement du refus général des gouvernements grecs de prendre des mesures élémentaires de réforme de l’État. Ensuite, la gestion de la crise, marquée par les infléchissements par rapport aux prévisions des mémorandums, et, en fin de compte, les ponctions inouïes effectuées aux dépens de la société, va de pair avec l’obstination du personnel politique à conserver intacts ses insolents privilèges ainsi que les piliers de la partitocratie. Le système politique a perdu toute légitimité et se trouve en rivalité continuelle avec la société des citoyens.


En particulier, apprécier le niveau de vie des Grecs en fonction du PIB est en contradiction avec le fait que, dans ce cas précis, le PIB ne correspond manifestement pas à la réalité de l’économie. L’écart devient patent si l’on compare l’économie réelle avec les ressources de l’État, qui sont évidemment inférieures à ce qu’elles devraient être, en raison de l’énormité de la fraude fiscale dans le pays. L’État pauvre et surendetté ne préjuge pas d’une économie pauvre et d’une société qui vit au-dessus de ses moyens. Il est intéressant de remarquer que, contrairement à celui de l’État, l’endettement des particuliers en Grèce était, au début de la crise, parmi les plus faibles d’Europe. Et si l’on ajoute la collusion d’intérêts et la corruption (l’État grec se situe en ce domaine aux derniers rangs des nations), force est de constater que les détenteurs/possesseurs de l’État «pauvre et surendetté» menaient une vie outrageusement luxueuse.


Vu la perte considérable de richesse productive occasionnée par les collusions d’intérêts et par une corruption connues de tous, vu le gaspillage et le pillage des recettes publiques par la classe politique et, bien entendu, les pratiques clientélistes visant à satisfaire des groupes sociaux «amis», il va de soi que la prospérité par habitant (y compris la qualité de vie, comme par exemple les services fournis par l’État) était largement en dessous de celle à laquelle pouvait prétendre la société grecque. On a calculé que si cette richesse – produite par l’économie grecque ou importée de l’UE – avait été investie de manière productive, le niveau de vie du pays aurait égalé celui des pays scandinaves.


Pour apprécier l’ampleur de l’effort déployé par l’ensemble de la société grecque afin d’atteindre ce niveau, il faut tenir compte de l’environnement extrêmement défavorable dans lequel elle était contrainte de fonctionner. L’État dressait et continue de dresser des obstacles insurmontables à toute activité, d’entreprise ou autre, de la société et à la constitution de relations économiques saines et débarrassées de l’entremise des intérêts et de la corruption. Du simple agriculteur au grand entrepreneur, toute transaction avec l’État implique soit l’adhésion au système de la collusion d’intérêts et de la corruption, soit le début de complications sans fins pour soi-même ou son entreprise. Pour profiter des services élémentaires que lui vaut sa qualité de citoyen, ce dernier doit «avoir un piston» ou payer le bakchich nécessaire. Il n’est pas excessif de dire que la société grecque est aux mains d’un État dynastique que s’est approprié une classe politique


transformée en partitocratie. Il suffit de noter la diminution impressionnante du poids du monde grec depuis le XIXe siècle pour comprendre l’ampleur des dégâts provoqués par cet État dynastique ; ou de s’interroger sur la réussite de la diaspora (aux États-Unis, la diaspora grecque occupe l’une des deux places les plus importantes parmi les communautés nationales) ou sur la flotte marchande grecque, la première au monde.


2. Ces constatations montrent à quel point la troïka s’est fourvoyée dans sa manière d’envisager le problème grec. Je considère en l’occurrence comme une erreur l’assimilation de la dite «dévaluation interne» à la dévaluation d’une monnaie nationale, même si l’on oublie un instant que le but poursuivi est de servir l’intérêt des marchés. La dévaluation de la monnaie nationale améliore, sous certaines conditions, la compétitivité de l’économie ; la «dévaluation interne» marque une intervention violente et déstructurante au niveau de la base productive de l’économie elle-même, ce qui hypothèque la consommation et l’État providence.


Dans le cas de la Grèce, c’est la «dévaluation interne» qui a été choisie pour faire face, nous l’avons dit, à la crise de la dette. Mais ainsi, elle a rendu la dette ingérable et a inévitablement imposé son «effacement partiel». La «dévaluation interne» a porté un coup fatal au tissu productif de l’économie et a en fait entraîné la faillite du pays. Faut-il alors penser que seule sa «sinisation» fera que la société grecque cessera de vivre au-dessus de ses moyens ? D’un autre côté, les gouvernants n’ont toujours pas expliqué pourquoi la dette n’était pas gérable quand elle était égale à 120% du PIB au début de la crise et le sera avec le même pourcentage en 2020, c’est-à-dire une fois que la société grecque sera exsangue. Surtout que, dans le premier cas, les créanciers n’auraient pas eu à subir le fameux «effacement partiel».


On entend dire également que la désagrégation de l’économie et la paupérisation forcée de la société amélioreront la compétitivité puisque la dévalorisation du marché du travail et de la richesse privée et publique éveillera l’intérêt des investisseurs et relancera l’économie. Indépendamment de ce que l’on peut penser de cette option, on convient que l’argument qui prétend que les Grecs vivaient au-dessus de leurs moyens était mensonger: il a servi de prétexte à l’objectif véritable du mémorandum, qui n’est manifestement pas de faire face au vrai problème de l’économie grecque, à savoir la dette, mais d’utiliser le pays comme cobaye dans la promotion du nouvel ordre européen. Sinon, la troïka n’aurait pas eu recours à l’effacement partiel. En tout état de cause, cette option renvoie au dogme des marchés, selon lequel l’intérêt de ces derniers prime celui des sociétés ou, dans le meilleur des cas, l’intérêt de la société s’identifie par définition à celui des marchés.


Cependant, dans le cas de la Grèce, le problème est que, de la sorte, la dimension politique de la crise est contournée. En effet, la crise grecque a pour cause première la transmutation partitocratique du système politique, l’appropriation et, au-delà, le pillage de l’État. Il n’est pas lieu d’expliquer ici la spécificité grecque. Contentons-nous de noter que, malgré tout ce qui se dit, ce phénomène est révélateur du déficit démocratique de la modernité et non du retard politique de la société grecque.


Dans ce cadre en tout cas, le mémorandum, prévu au départ comme un programme de sortie de la crise, est devenu une autre cause essentielle de l’impasse grecque. Et même, dans la mesure où il a choisi de transférer de manière univoque la charge de ses choix à la société sans s’attaquer à l’État, la société en déduira que la classe politique grecque sert de «véhicule» à l’instauration dans le pays de son propre despotisme, à côté de celui de la partitocratie grecque. En confondant la société grecque avec l’État, la troïka a perdu l’avantage de la légitimité. Ce n’est pas un hasard si la troïka, alors qu’elle va jusqu’à s’occuper en détail de l’imposition des chômeurs, n’a pas effleuré un seul instant les privilèges de la classe politique, les fondements de l’État dynastique ni, par extension, la fraude fiscale.


La troïka ne voit donc pas que sa politique, qui conjugue la paupérisation forcée de la société et la dissolution de l’État de droit et de l’État providence avec l’humiliation nationale, pourrait mener à l’accumulation d’un mélange détonant, capable de réduire à néant son entreprise. Peut-être ignore-t-elle un paramètre significatif de la société grecque, à savoir son aptitude à déverser son problème dans la cour de ceux qui foulent aux pieds sa liberté. Aptitude émanant de son niveau élevé de développement politique et de sentiment national, qui est sa qualité distinctive. De ce point de vue, si l’entreprise réussit en Grèce, alors elle ne rencontrera pas d’autres obstacles ; mais si elle échoue ou si son enjeu se diffuse dans l’espace européen en général, il est probable qu’elle déclenchera une succession de conséquences considérables au sein de l’Europe politique, et au-delà. Car cet enjeu, quant à son fond, dépasse largement le territoire grec.


3. Sous cet angle, j’estime qu’une réorientation radicale des lignes directrices du mémorandum s’impose, avant qu’il ne soit trop tard. Il faut comprendre que ce n’est pas le coût élevé du travail qui a occasionné la crise de la dette ou qui freine la croissance, et que l’on ne saurait imputer à l’économie grecque en général la cause de la crise. À l’heure actuelle, même si la société grecque offrait gratuitement son travail, nul ne viendrait investir en Grèce. Aucun nouveau «plan Marshall» ne suffirait pour que l’économie grecque renoue avec la croissance. Ce qu’il faut, ici et maintenant, c’est une refonte de l’État. Je veux parler du système politique, de l’administration publique et, substantiellement, de la législation.


Il n’est pas lieu d’énumérer ici les mesures requises pour cette refonte. Mais je peux affirmer que l’ensemble du système est à ce point pourri et a à ce point perdu sa légitimité, que si la troïka venait à l’abandonner, il s’effondrerait sur l’heure. Cela veut dire que la réforme peut et doit se faire très rapidement ; il suffit que ceux qui possèdent la force et soutiennent le régime aient la volonté politique de cette réforme. Mais cela présuppose une connaissance profonde du problème, pour que la réforme prenne la direction voulue et, surtout, produise des effets immédiats.


Citons brièvement les orientations générales d’une telle entreprise: dissolution de la base institutionnelle de la partitocratie et prise de mesures visant à reconnecter le personnel politique avec la collectivité sociale; reconstitution de l’administration publique avec pour point de mire l’efficacité sociale, avec tout ce que cela entraîne dans le domaine de sa structure, de la responsabilité personnelle du fonctionnaire et de l’intérêt légitime du citoyen. Le problème de l’administration grecque ne réside pas dans la qualité de son personnel, qui est élevée, mais dans son appropriation; pas tant dans la taille de l’État que dans son œuvre de pillage. Tout cela suppose, d’abord, une refonte intégrale de la législation. L’appropriation de l’État, la collusion d’intérêts et la corruption, la base clientéliste des politiques publiques et la logique dynastique du personnel politique reposent sur un arsenal juridique sophistiqué qui prend la société en otage et la contraint à agir selon ses prescriptions.


Cela incite à se demander si les options du mémorandum ne révéleraient pas un point de rencontre entre la classe politique grecque et la troïka: la première maintient intact son statut partitocratique et celui de ses partenaires au sein de l’État; la seconde trouve dans la classe politique grecque un allié tout disposé à faire passer ses choix à peu de frais, à savoir le principe de l’intérêt des marchés à l’intérieur de la zone euro, à commencer par la Grèce.


Ce n’est pas un hasard si la classe politique dans son ensemble, tirant profit des choix de la troïka, n’a pas touché jusqu’à présent, si peu soit-il, aux piliers de son statut: le caractère partitocratique du système politique, l’État administratif et la législation. Exemple caractéristique: les émoluments scandaleux du personnel politique et, sous cet angle, la gestion dispendieuse des finances de l’État, ainsi que, en tout état de cause, la question de la fraude fiscale. Celle-ci, bénéficiant de la haute protection des acteurs de la partitocratie, avait lieu au grand jour, sans précautions, à travers le système bancaire, etc. Il aurait suffi de comparer les mouvements des comptes de tout un chacun avec ses déclarations fiscales. Cette simple action aurait eu des résultats surprenants.


En conclusion, je pense qu’il est superflu de revenir sur la question de savoir ce qui a empêché jusqu’à ce jour la troïka d’aborder le problème grec à la lumière de la cause première de la crise. D’autant plus que le système partisan et, dans ce cadre, la classe politique, au-delà de leur caractère craintif et parasite, sont les otages du gouvernement allemand, principalement, qui détient les preuves de leur corruption, à travers les entreprises allemandes avec lesquelles ils ont fabriqué le large tissu de relations de corruption dans le pays. Je répéterai simplement ma remarque, que le dilemme «mémorandum ou faillite» de la Grèce est fausse car il contourne la cause première de la crise et la question de savoir qui va payer les frais. La sortie du pays de la crise et toute entreprise de relance de l’économie présupposent une réorientation complète du mémorandum: que l’on abandonne la «sinisation» forcée de la société et la démolition de la base économique du pays et qu’on libère leur dynamique des cliques oligarchiques. Libération qui ne surgira que d’une restructuration de fond en combles du système politique, de l’État et de la législation. Faute de quoi, je crains qu’il ne faille encore beaucoup de mémorandums jusqu’à la «solution finale». En attendant le dilemme qui réapparaîtra ne sera pas celui de la sortie de la Grèce de l’euro – les conditions géostratégiques s’y opposent radicalement –, mais celui du moment où, avec la complicité des dirigeants de l’Europe politique, la crise grecque ébranlera la stabilité sociale et économique de l’Union européenne. Inversement, je considère que le réexamen des orientations du mémorandum grec pourrait être le point de départ d’un approfondissement de l’Europe politique, face à la perspective d’une évolution vers une Europe allemande. D'une Europe qui servira l'intérêt de ses peuples ou bien l'intérêt des marchés.

 


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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 19:05

 

Le Monde - 10 mars 2012

 

 Faisons un peu le point.

Les prix du pétrole n'en finissent pas d'augmenter, malgré la faiblesse de la croissance mondiale. Le cours du baril de Brent de la mer du Nord frôle les 126 dollars, en hausse de plus de 20 % depuis la mi-décembre. Or les premiers frissons de reprise économique sont en train de relancer la demande de brut, et devraient donc continuer à tirer les prix vers le haut, analyse l'agence Reuters, qui souligne que les tensions en Iran ne sont pas le facteur essentiel de la hausse en cours.

Pour relâcher la pression, de nombreux analystes comptent beaucoup sur les pétroles de schiste et autres « pétroles étroits » (pétroles piégés dans des réservoirs peu poreux), dont l'exploitation se développe à vitesse grand V aux Etats-Unis. Une étude de la banque Citi avance même que « la résurgence de la production de pétrole en Amérique du Nord » va signer l'arrêt de « mort de l'hypothèse du pic pétrolier ».

La production nord-américaine repart, c'est vrai, mais pas de façon miraculeuse

Cette relance va-t-elle pouvoir se poursuivre ? L'administration Obama l'espère (et compte aussi beaucoup sur les nombreux permis de forage récemment accordés dans le golfe du Mexique, y compris à BP, responsable de la marée noire de 2010).

L'Australien Matt Mushalik, l'un des analystes « piquistes » les plus lus aujourd'hui, estime cependant sur son blog que « les Etats-Unis peuvent produire autant de pétrole de schiste qu'ils veulent, ça n'arrêtera pas le déclin de la production iranienne ». De fait, la très prudente Agence internationale de l'énergie table sur un affaissement important des extractions de l'Iran d'ici à 2015, indépendamment des sanctions imposées par les Etats-Unis et l'Europe, qui risquent toutefois « d'accélérer le processus », note Matt Mushalik.

(C'est ballot, d'autant que selon la CIA, l'Iran a arrêté son programme d'armement nucléaire depuis 2003. Aussi, à quoi bon affamer les Iraniens, demande dans les colonnes du New York Times un journaliste expatrié ?)

Le ministre du pétrole de l'Arabie Saoudite a récemment détaillé le montant des capacités de production inutilisées de son royaume, seules capables de faire face à court terme à une poursuite de la hausse de la demande mondiale de brut, tirée par les économies émergentes. Le résultat apparaît décevant, constate un responsable de la banque américaine Citi (encore elle) dans les colonnes du Financial Times :  

« Les capacités [de production inutilisées de l'Arabie Saoudite] immédiatement disponibles représentent un faible 1,5 million de barils par jour (Mb/j), beaucoup moins que la soupape de sécurité nécessaire pour convaincre les marchés que les prix ne vont pas augmenter. »

Tout ça a l'air compliqué mais en réalité, c'est très simple :

la production de pétrole et des autres carburants liquides est sur un plateau depuis 2005 ; à l'échelle de la planète, il faudrait développer l'équivalent de 2 à 4 Arabies Saoudites d'ici dix ans (!), rien que pour maintenir à niveau les extractions, et compenser le déclin de champs anciens, tels que ceux de l'Iran.

La production mondiale de brut est comme un grand balancier. De son équilibre dépend l'avenir de la croissance économique : que s'ajoutent trop de poids d'un côté, trop de champs en déclin, et l'équilibre sera rompu, sonnant le glas, comme le prophétise l'ex-premier ministre Michel Rocard, « de notre modèle de prospérité ».

Nous sommes bel et bien confrontés au « troisième choc pétrolier », juge Olivier Appert, président de l'Institut français du pétrole. Les vols d'essence, qui se font en France de plus en plus fréquents, ne devraient pas s'arrêter de sitôt...


Les émeutes qui ont eu lieu fin février à La Réunion se sont cristallisées sur le prix de l'essence. [AFP]


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11 mars 2012 7 11 /03 /mars /2012 18:58

LEMONDE.FR avec AFP | 11.03.12 | 16h19

 
 

 

"Le budget 2012 permet de réduire le déficit budgétaire de notre pays à 2,8 % du PIB. Et les budgets 2013 et 2014 nous permettent d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015", s'est félicité le chef des négociateurs et premier ministre pressenti, le socialiste francophone Elio Di Rupo.

"Le budget 2012 permet de réduire le déficit budgétaire de notre pays à 2,8 % du PIB. Et les budgets 2013 et 2014 nous permettent d'atteindre l'équilibre budgétaire en 2015", s'est félicité le chef des négociateurs et premier ministre pressenti, le socialiste francophone Elio Di Rupo.AP/Virginia Mayo


La Belgique a renforcé dimanche son plan de rigueur et s'est posée en bon élève européen à l'heure où de nombreux pays, comme l'Espagne ou les Pays-Bas, connaissent des difficultés à réduire leur déficit budgétaire. Après une semaine de tractations, la coalition gauche-centre-droite au pouvoir s'est mise d'accord pour un nouveau train de mesures d'austérité d'un total de 1,82 milliard d'euros, qui s'ajoutent aux 11,3 milliards d'économies décidés fin 2011.

"Avec ce budget, notre pays est un des meilleurs élèves en Europe", a affirmé le Premier ministre socialiste Elio di Rupo, en saluant un effort sans précédent dans l'histoire du royaume de 11 millions d'habitants. L'objectif est de limiter le déficit budgétaire à 2,8 % du PIB en 2012, contre 3,8 % en 2011, et de respecter ainsi les "engagements à l'égard de l'Union européenne", qui fixe le maximum à 3 %.

La Commission européenne avait exhorté en début d'année la Belgique à trouver encore de nouvelles économies en raison de l'abaissement des prévisions officielles de croissance pour 2012, à +0,1 % contre +0,8 % initialement. Par précaution, le gouvernement a également ajouté dimanche un matelas de 650 millions d'euros en réserve afin de parer tout nouveau recul de la croissance.

M. di Rupo a reconnu que les négociations au sein de la coalition de six partis aux sensibilités très différentes avaient été "difficiles" pour s'entendre sur "des mesures justes et équilibrées". "Malgré un contexte très difficile, le pouvoir d'achat des citoyens est préservé et la compétitivité des entreprises est sauvegardée", a-t-il assuré.

 

TAXES SUR LE TABAC ET LES TRANSACTIONS BOURSIÈRES

Les nouvelles mesures portent essentiellement sur une augmentation des recettes de l'Etat grâce à une hausse des taxes sur les transactions boursières et sur le tabac ainsi que sur une répression accrue de la fraude. Des économies sont également réalisées dans les dépenses (livraisons d'hélicoptères, frais de justice...).

Entré en fonctions le 6 décembre à l'issue d'une longue crise politique, M. di Rupo a insisté sur le fait que les Belges n'étaient pas aussi sévèrement affectés que les autres Européens. "Chez nous, il n'y a pas de baisse du salaire minimum. Il n'y a pas de baisse du montant des pensions. Il n'y a pas de diminution des allocations familiales. Il n'y a pas d'augmentation de la TVA".

Annoncés à la veille d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro lundi à Bruxelles, les efforts belges vont accroître la pression sur l'Espagne et les Pays-Bas, deux pays ayant récemment annoncé qu'ils auraient du mal à respecter les engagements pris vis à vis de l'UE. Le Premier ministre espagnol, Mariano Rajoy, a ainsi prévu que le déficit public serait de 5,8 % du PIB en 2012, soit bien supérieur aux 4,4 % initialement promis. Aux Pays-Bas, les prévisions portent sur un déficit de 4,5 % du PIB en 2013.

En Belgique, l'austérité renforcée est dénoncée par les syndicats, qui avaient organisé le 29 janvier une grève générale, la première depuis près de 20 ans, pour protester en particulier contre le durcissement des conditions de départ à la retraite anticipée. L'organisation patronale, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB), a en revanche salué les mesures qui adressent "aux marchés financiers un signal propre à rétablir la confiance".

 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 19:11
| Par Laurent Mauduit

C’est l’un des paradoxes les plus étonnants de cette campagne présidentielle : le pouvoir d’achat est, avec l’emploi, le sujet qui préoccupe le plus les Français. Mais c’est aussi l’un de ceux dont parlent le moins François Hollande et Nicolas Sarkozy. Ou plutôt, c’est l’un de ceux sur lequel le candidat socialiste pourrait se montrer le plus offensif, tant le bilan du « candidat sortant » est le plus calamiteux ; et pourtant il n’en fait rien. Il faut donc savoir décrypter cet étrange théâtre d’ombre autour d’un sujet pourtant majeur de toute politique économique. Un sujet qui a valeur de test car il révèle les graves inégalités qui se sont creusées au cours du quinquennat mais aussi la prudence sinon la gêne des socialistes.

C’est peu dire en effet qu’avec cette question du pouvoir d’achat, François Hollande pourrait pousser son avantage et établir devant l’opinion que non seulement le « président des riches » a abreuvé les plus grandes fortunes d’une cascade de cadeaux fiscaux mais que de surcroît, il a infligé aux plus modestes une politique d’austérité.

C’est même pis que cela ! C’est le dossier qui pourrait permettre au candidat socialiste d’établir le plus facilement l’une des principales impostures sur laquelle Nicolas Sarkozy a construit sa victoire à la présidentielle de 2007, promettant avant l’élection d’être le « président du pouvoir d’achat », et s’indignant ensuite qu’on lui rappelle son engagement, comme en rend compte la vidéo ci-dessous :


Que l'on se souvienne ! Battant la campagne, au début de 2007,  Nicolas Sarkozy explique jour après jour à qui veut l'entendre que « l'une des questions centrales pour la France, c'est celle du pouvoir d'achat des Français ». « Les salaires sont trop bas, les revenus sont trop faibles. Et moi, je veux parler à la France qui travaille, celle qui a un métier, (...) celle qui travaille dur et qui pense pourtant que l'on n'arrive pas à joindre les deux bouts », martèle-t-il jour après jour. Et puis, sitôt l’élection présidentielle passée, le nouveau chef de l’Etat tombe le masque et applique une politique de rigueur salariale sans précédent.

Un seul exemple, le plus révélateur de tous : Nicolas Sarkozy est le premier président de la République depuis que le Smic a été créé, en 1970 (dans le prolongement du Smig, créé, lui en 1950) qui a choisi de ne le faire profiter d’aucun « coup de pouce ». En clair, le salaire minimum a bénéficié depuis 2007 des revalorisations légales obligatoires (ici les règles de revalorisations), mais Nicolas Sarkozy n’a jamais usé de la faculté que lui donne la loi de faire plus que les revalorisations légales – c’est cela que l’on appelle communément un « coup de pouce ». Et cinq ans de suite, inflexible, il s’en est tenu à cette ligne de conduite, manifestant un égoïsme social sans précédent (lire Le pacte que Sarkozy a passé contre le Smic).

Ainsi, au 1er janvier dernier, Nicolas Sarkozy a refusé pour la cinquième année consécutive de donner un « coup de pouce » au Smic. Celui-ci n’a donc été revalorisé que de l’obligation légale : le Smic mensuel brut pour 151,67 heures de travail est passé de 1.343,77 euros à  seulement 1.365 euros. Ce qui correspond à un Smic mensuel net de près de 1.073 euros contre 1.055,42 euros tout au long de l'année 2010.

« Le premier sujet de préoccupation des Français »

Et le résultat est celui que l’on sait : n’usant d’aucun des outils de la politique économique pour amortir le choc de la crise, Nicolas Sarkozy est devenu « le président… de la baisse du pouvoir d’achat ». Il suffit de se référer aux derniers chiffres qui font foi, ceux de l’Insee, pour en prendre la mesure (Lire Les 7 péchés du sarkozysme 2/ L’avarice et Alerte, récession !). Dans sa dernière note de conjoncture, l’Insee révèle ainsi que le pouvoir d'achat par unité de consommation (qui correspond à ce qu'éprouvent réellement les Français), la hausse a seulement été de 0,7 % en 2011 et pour le premier semestre de 2012, il devrait être en baisse de l'ordre de -0,5 à -0,6 point.

Sous les effets de la crise mais tout autant de la politique économique, le nombre de pauvres a aussi explosé. Pour la seule année 2010, il a ainsi augmenté de plus de 400.000, portant le nombre de pauvres en France à plus de 8,2 millions de personnes, un niveau historique. Et pour 2011 et le début de 2012, les chiffres ne sont pas encore connus, mais ils seront naturellement en hausse spectaculaire, compte tenu de l’envolée du chômage. Et pour ceux qui ont un travail, cela vaut à peine mieux, puisque le revenu médian des Français est actuellement de 1.584 euros par mois. Autrement dit, 50 % des Français ont un revenu inférieur à ce seuil.

Voilà donc le bilan sarkoziste. Il est accablant. On comprend donc mieux pourquoi Nicolas Sarkozy tente aujourd’hui de brouiller les cartes, en suggérant un obscur tour de bonneteau consistant à supprimer la prime pour l’emploi et à la remplacer par un allègement des charges sociales sur les bas salaires, et en voulant faire croire que cela génèrerait une hausse des salaires nets, alors qu’en vérité cela ne dégagerait qu’une hausse microscopique. On comprend donc mieux aussi pourquoi, face à un pays où l’exaspération sociale est palpable, Nicolas Sarkozy multiplie les opérations de diversion et vient de plus en plus souvent sur le terrain nauséabond de l’extrême droite, pour attiser d’autres haines.

Témoin cette sortie stupéfiante, soulignée à juste titre par Rue89, proférée par le champion de l’UMP, le 5 mars à Saint-Quentin (Aisne) sur « le premier sujet de préoccupation des Français ». Quel est-il, ce « premier sujet », aux dires du candidat de l’UMP ? S’agit-il précisément du pouvoir d’achat ? Ou alors de l’emploi ? Nenni ! Pour Nicolas Sarkozy, « le premier sujet de préoccupation de discussion des Français, c'est cette question de la viande halal », a-t-il osé dire, comme en atteste le document sonore ci-dessous.

Face à ces manœuvres de diversion d’une droite de plus en plus radicale – ou extrême, c’est comme l’on veut –, le candidat socialiste avait donc une formidable opportunité de placer la question sociale au centre de son projet. Et tout particulièrement la question du pouvoir d’achat.

Or, force est de le constater, depuis le début de sa campagne, François Hollande se montre sur le sujet discret ou prudent. De cela, il existe un premier indice. Quand il publie ses « 60 engagements pour la France », à la mi-janvier dernier, le candidat socialiste crée la surprise (Lire Un projet social au souffle court) : les mots de « pouvoir d’achat » ne sont pas même mentionnés dans la plate-forme du candidat, sauf une fois, pour justifier les… économies de chauffage ! Et il n’est pas fait mention non plus du salaire minimum.

Pour le vérifier, il suffit de se reporter à ce projet que voici :


Plaidoyer « pour une modération salariale»

S’agit-il d’un oubli ? Non, c’est évidemment un choix délibéré, qui a été discuté puis tranché par le candidat socialiste avec son équipe de campagne. Car voici un an, l’affaire était entendue : le projet initialement voté par les militants socialistes au printemps 2011 envisageait une revalorisation du salaire minimum.

Pour nous en assurer, replongeons-nous dans ce projet du PS. Le voici :

A la page 14 de ce document, l’engagement était clairement consigné : « Le Smic constitue un levier à court terme pour améliorer les conditions de vie des plus modestes et stimuler la consommation. La revalorisation de son pouvoir d’achat sera engagée après des années d’abandon par la droite. »

Mais, durant l’été, alors que se préparent les primaires socialistes, François Hollande et ses proches débattent du sujet et ne manifestent guère d’enthousiasme pour cette revalorisation du Smic. Et cela transparaît publiquement quand François Hollande organise le 24 août 2011, à la Maison de l’Amérique latine, une première réunion avec des économistes qui lui sont proches (Lire L’énigme François Hollande).

L’un des économistes présents est en effet Gilbert Cette. Peu connu du grand public, cet expert, qui apparaît sur la vidéo officielle ci-dessous retraçant les travaux de la réunion, s’est en effet distingué en co-signant en 2008 un rapport public pour François Fillon préconisant ni plus ni moins que de casser le système du salaire minimum. Mediapart s’en était fait l’écho et avait révélé le rapport le 9 avril 2008 (lire Un rapport officiel veut casser le salaire minimum).

 

 

Or, le 24 août, le même Gilbert Cette repart à la charge contre le Smic. Et le plus étonnant, c’est que ce qu’il dit est retenu comme parole d’évangile. On en trouve trace dans le compte-rendu officiel (il est ici) de la troisième table ronde qui a eu lieu ce jour-là, dénommée – ce n’est guère enthousiasmant ni mobilisateur ! : « Concilier pouvoir d’achat, compétitivité, et consolidation des finances publiques ».

Cela commence par l’énoncé suivant: « Cette troisième table ronde a permis de définir des pistes de conciliation entre, d’une part, la sauvegarde du pouvoir d’achat et, d’autre part, deux forces contraires : un regain de compétitivité qui plaide pour une modération salariale et un contexte de sobriété budgétaire susceptible de toucher les dépenses dont bénéficient les foyers modestes. »

Autrement dit, la table ronde fait siens tous les poncifs réactionnaires de la politique libérale, qui a été le socle des politiques économiques suivies par la droite comme par la gauche depuis le virage de 1982/1983 : une politique salariale trop généreuse fait le lit du chômage et nuit à la compétitivité. Cela a été en particulier le credo de Pierre Bérégovoy comme celui d’Édouard Balladur. Il faut donc conduire une politique de l’offre plutôt qu’une politique de la demande. Tout est dit dans cette formule : il faut privilégier « un regain de compétitivité » et cela « plaide pour une modération salariale ».

Et le compte-rendu officiel poursuit : « S’agissant des classes populaires, les participants font le constat d’un tassement de l’échelle des salaires lié à une progression du Smic plus rapide que celle du salaire médian. Les intervenants se sont accordés pour dire qu’un Smic élevé n’est pas le meilleur outil de soutien aux plus modestes, les dispositifs de solidarité de type RSA ou PPE étant mieux adaptés car sans incidence directe sur le coût du travail. Ces outils pourront être évalués et ajustés, mais les moyens qui leur sont alloués devront être ménagés afin que la phase de désendettement ne génère pas de nouvelles inégalités. » Plus brutalement dit, si « un Smic élevé n’est pas le meilleur outil », on peut en déduire qu’il ne faudrait donc pas donner de « coup de pouce » au Smic.

Mélenchon pour un Smic net à 1 700 euros pendant la législature

En quelque sorte, les économistes proches de François Hollande donnent donc raison, sans le dire ouvertement, à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir donné de « coup de pouce » au Smic et prennent donc leur distance avec le projet du PS.

L’absence de référence au salaire minimum dans le projet de François Hollande ne doit donc rien au hasard. Mais sans doute l’équipe du candidat socialiste a-t-elle compris qu’elle avait commis une erreur en faisant à ce point l’impasse, plus largement, sur la question du pouvoir d’achat dans la plate-forme. Depuis quelques semaines, les proches de François Hollande essaient donc de rectifier le tir et, agrégeant différentes mesures éparpillées dans le projet, ils s’appliquent à faire la démonstration qu’elles constituent le socle d’une véritable politique en faveur du pouvoir d’achat.

Le site Internet du candidat présente même désormais une page dédiée à cette question (elle est ici) où sont détaillées les sept propositions de François Hollande pour le pouvoir d’achat : « 1. Une nouvelle tarification progressive de l'eau, du gaz et de l'électricité ; 2. Baisse des frais bancaires et valorisation de l’épargne populaire ; 3. Lutte contre la spéculation sur les prix de l'essence ; 4. Fiscalité : protéger le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires ; 5. Augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire ; 6. Encadrement des loyers ; 7. Baisse du prix des médicaments ».

On admettra pourtant qu’en dehors de la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire, aucune de ces mesures n’aurait d’effet direct et vraiment sensible. Et dans tous les cas de figure, sans doute pourraient-elles contribuer à défendre le pouvoir d’achat, mais guère plus. En tirer argument pour dire que le candidat socialiste prône une politique de relance relèverait en tout état de cause de l’abus de langage.

Dans l’entourage de François Hollande, certains veulent croire toutefois que le débat n’est pas tranché. Comme Mediapart le racontait dans un article récent, (Lire Le candidat Hollande affine sa méthode de gouvernement), syndicats et patronat seront en effet appelés, en cas de victoire du PS, à se retrouver au lendemain de la présidentielle pour une « conférence sociale », qui pourrait s’appeler « Assises de la démocratie sociale ». Elle pourrait se tenir avant même les élections législatives.

« Il s'agira d'évoquer le calendrier des négociations sociales entre les partenaires sociaux sur toute une série de sujets, mais aussi de lancer les mesures urgentes pour l'emploi et d'évoquer une éventuelle revalorisation du Smic », affirme Alain Vidalies, qui est responsable du pôle « travail, emploi » dans l’équipe de campagne de François Hollande. Dans ce même article, nous précisions que, selon ce même responsable socialiste, l'idée d'un coup de pouce au salaire minimum a même été validée par l'entourage du candidat.

Mais pour l’heure, le candidat s’est gardé de le dire publiquement. Sur ce front, donc, la différence entre le projet du candidat socialiste et celui de Jean-Luc Mélenchon est donc grande. La plate-forme du Front de gauche (elle est ici) préconise en effet une forte revalorisation du Smic : « Afin d’enrayer la montée des inégalités de richesse dans notre pays, nous procéderons à une réévaluation globale des salaires et des traitements, des indemnisations du chômage et des retraites, et les indexerons sur l’évolution du coût de la vie. Cette réévaluation se fera aux deux extrémités de l’échelle des salaires. Nous porterons immédiatement le Smic à 1.700 euros brut par mois pour 35 heures, conformément aux revendications syndicales, et 1.700 euros net pendant la législature. Un salaire maximum sera instauré. La Confédération européenne des syndicats propose d’ailleurs, dans toutes les entreprises, que l’écart entre le plus bas et le plus haut salaire ne puisse dépasser 1 à 20. Ainsi, les patrons ne pourront gagner plus sans d’abord augmenter les salariés du « bas de l’échelle ». Par la fiscalité, nous établirons un revenu maximum fixé à 20 fois le revenu médian (soit aujourd’hui 360.000 euros par an) ».

La prudence de François Hollande est d’autant plus sensible que le Smic n’est pas le seul levier de la politique économique lui permettant de relancer le pouvoir d’achat. Parmi d’autres leviers, il y a aussi la politique fiscale. Le projet initialement conçu par l’économiste Thomas Piketty, et repris à son compte par le PS dans son projet entériné au printemps 2011, pouvait avoir cet effet. Prévoyant de fusionner l’impôt sur le revenu et la Contribution sociale généralisée (CSG) et de redessiner des taux d’imposition organisant une meilleure progressivité de ce nouvel impôt, la réforme visait à organiser une vaste redistribution des revenus, pour redonner du pouvoir d’achat aux revenus modestes et assujettir davantage les hauts revenus.

Or, François Hollande n’envisage plus cette fusion rapidement. Elle n’aura lieu qu' « à terme ».  Du même coup, le candidat socialiste s’est aussi privé d’un outil de relance du pouvoir d’achat, comme l’a expliqué l’économiste Thomas Piketty dans un entretien-vidéo récent (Lire Piketty à Hollande : davantage d’audace !)

 


 

Dans cet entretien, l’économiste faisait en particulier ces constats : « Dans ce que propose Hollande actuellement, il y a un mérite, c’est qu’il dit assez clairement là où il veut aller chercher des recettes complémentaires, mais il y a plusieurs insuffisances qui tiennent au fait que, comme il ne remet pas en cause les structures, comme il ne refonde pas véritablement l’impôt sur le revenu, il s’interdit de mener une politique du pouvoir d’achat vis-à-vis des classes populaires et des classes moyennes. » Car c’était cela, faisait-il valoir, le sens de la proposition de révolution fiscale qu’il préconise. « Cette absence de politique de pouvoir d’achat dans le programme de Hollande est intimement liée à l’absence d’ambition fiscale, de véritable remise à plat fiscale. »

Mais il est vrai que la campagne n’est pas encore finie. Alors, comme il l’a fait dans le cas de l’impôt sur le revenu, en se prononçant pour un taux supérieur à 75 % (Lire Fiscalité : Hollande invente la réforme Canada dry), François Hollande pourrait-il sortir de sa hotte une mesure surprise un peu plus spectaculaire en faveur du pouvoir d’achat ? Si beaucoup de Français aspirent à tourner une bonne fois pour toutes la page du sarkozisme, c’est aussi pour cela…

 

 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 18:34

LEMONDE.FR | 10.03.12 | 08h28   •  Mis à jour le 10.03.12 | 09h20

 
 

 

La semaine dernière, le diesel, qui représente 80 % de la consommation en France, s'établissait à 1,44 euros le litre en moyenne, approchant le record de mai 2008 avec 1,45 le litre

La semaine dernière, le diesel, qui représente 80 % de la consommation en France, s'établissait à 1,44 euros le litre en moyenne, approchant le record de mai 2008 avec 1,45 le litreAFP/MYCHELE DANIAU


Ils le découvrent généralement au retour d'une pause déjeuner, après une sieste ou une courte nuit de sommeil. Après avoir laissé leur véhicule sans surveillance, de plus en plus de routiers se retrouvent face à un réservoir vide. Alors que les prix à la pompe atteignent de nouveau des sommets, les vols de carburant se multiplient.

La semaine dernière, le diesel, qui représente 80 % de la consommation en France, s'établissait à 1,44 euros le litre en moyenne, approchant le record de mai 2008, avec 1,45 euros le litre. Tiré par le prix du baril, le coût de l'essence est en effet dopé depuis la fin de l'année 2011 et le début 2012 par la tendance haussière sur le marché pétrolier.

"Chaque fois que le prix du carburant est en hausse, le vol de carburants augmente de façon considérable", confirme Frédéric Plan, délégué général de la Fédération des combustibles, carburants et chauffage (FF3C). Depuis le début de l'année, ces délits animent les colonnes faits divers de la presse régionale : dans le Loir-et-Cher, des bidons d'essence d'une grande surface ont été dérobés, rapporte La Nouvelle République. Dans le Morbihan, la gendarmerie a été alertée sur un vol de carburant par le gérant d'une station service, raconte Le Télégramme. Dans le Rhône, c'est le réservoir d'un routier qui a été vidé, relate Le Progrès.

 

"SIPHONNAGE" ET BANDES ORGANISÉES

Il est difficile pour les fédérations de routiers de quantifier avec précision les cas de vols de carburants. Les organisations notent cependant, à l'appui des témoignages de professionnels, une réelle recrudescence de ce type de délits. A la FF3C, Frédéric Plan remarque une nette augmentation des vols "depuis novembre 2011". Même constat de Nicolas Paulissen, adjoint au délégué général de la Fédération nationale des transports routiers : "Les vols augmentent depuis l'automne dernier, et cela s'est encore amplifié ces deux derniers mois."

En matière de vol de carburants, il existe deux types de scénarios très distincts : la "grivèlerie", c'est à dire un départ sans paiement en station service, et le siphonnage. "Le vol du contenu des réservoirs de camions est prémédité, organisé : ce sont des bandes qui ont du matériel pour siphonner, et qui revendent ensuite aux particuliers", explique le commandant Dominique Ramat, CRS-autoroute sur le secteur Lyon Rhône-Alpes Auvergne.

A la fin du mois de février, son service a démantelé "une bande de Roumains", rapporte le CRS. Le vol est généralement commis la nuit, sur un véhicule isolé. "Ils viennent munis de jerricanes, à deux ou trois pour siphonner les réservoirs qui peuvent atteindre jusqu'à 1 000 litres", relate Nicolas Paulissen. Celui-ci relève empiriquement une augmentation de ces cas de l'ordre de 25 % depuis l'automne 2011. Pour les entreprises, l'augmentation des vols de carburant entraîne une perte importante, souligne Nicolas Paulissen : "Le gazole représente 5 % de leur coût de revient pour les véhicules longue distance, 17% à 18% pour ceux à distance régionale."


GRIVÈLERIES ET FINS DE MOIS DIFFICILES

Les grivèleries affichent également une nette augmentation, et sont quant à elles le fait de particuliers. Sur le secteur autouroutier lyonnais, les cas ont augmenté de 44 % entre périodes équivalentes du début 2011 et 2012, selon le commandant Dominique Ramat. "Sur six stations Total des autoroutes lyonnaises, le préjudice subi sur l'année 2011 s'élève à 110 000 euros", révèle-t-il. Les auteurs sont "des petits voyous habituels, selon le commandant. Ils vont très rarement au même endroit, et installent souvent de fausses plaques d'immatriculation."

L'Union française des industries pétrolières (UFIP), qui dispose d'une évaluation nationale des vols en général en station service, rapporte une augmentation de 20 % des délits entre 2010 et 2011. Le Conseil national des professions de l'automobile se veut  plus nuancé : il existe une "petite recrudescence" des vols liée à l'augmenation du prix de l'essence, admet Christian Roux, président de la branche représentant les professionnels de la distribution de carburants, qui assure que ce sont essentiellement "les banlieues des grandes villes" qui sont concernées.

Les stations contactées en banlieue parisienne, à Aubervilliers, Aulnay-sous-Bois ou encore à Créteil, affirment en effet que les tentatives de départ sans paiement sont "fréquentes". "Il y en a tout le temps, s'exclame une employée d'une station service du Val-de-Marne sous couvert d'anonymat. Une à deux fois par semaine." "Je les appelle avant qu'ils ne partent, je bloque les fonctionnement des pompes", raconte l'employée. Mais ces tentatives ne sont pas nouvelles ni toujours liées au prix de l'essence, soulignent les professionnels.

 

 

Les stations services développent le pré-paiement pour se prémunir des cas de vols.

Les stations services développent le pré-paiement pour se prémunir des cas de vols. AFP/ERIC CABANIS


"On peut en revanche clairement faire le lien avec le prix de l'essence quand on observe la part des particuliers que l'on retrouve et qui sont en situation de pauvreté", estime le commandant Ramat. Son service évalue entre 30 % et 40 % la part les conducteurs retrouvés qui ne relève pas de la petite délinquance et "commettent ces vols pour stricte raison économique". "Ce sont des gens qui n'arrivent pas à boucler leurs fins de mois, des chômeurs, des gens dans la galère. Ils camouflent une partie de leur plaque avec du ruban adhésif, et on finit par les retrouver", rapporte le CRS. Les affaires ne sont généralement pas portées au pénal, les conducteurs interpellés retournant payer l'essence qu'ils viennent de voler.

Avec la recrudescence de ces vols, stations sevices et routiers modifient leurs habitudes. Les camionneurs privilégient le stationnement systématique sur des avenues passantes ou des parkings éclairés. Surtout, "ils mettent le moins d'essence possible pour que le stationnement se fasse à vide", explique Frédéric Plan. En station service, ce sont les systèmes de pré-paiement et d'automates qui se développent, note Yves-Marie Dalibard de l'UFIP.

Face à la montée du prix de l'essence, les particuliers changent leurs usages : des internautes du Monde.fr expliquaient en mai 2011 déjà comment ils réduisaient leurs déplacements, leur vitesse ou privilégiaient d'autres modes de transport.

Flora Genoux

 


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