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27 mars 2012 2 27 /03 /mars /2012 17:45

 

Rue89 - Langue de bois 26/03/2012 à 19h04
 Elsa Fayner | Journaliste

« Une baisse tendancielle de l'augmentation du nombre de chômeurs. » Ou encore : une augmentation « assez modérée » du chômage.

Invité ce lundi matin sur France Info, Nicolas Sarkozy a oscillé entre euphémisme et oxymore pour préparer les Français à la publication, dans la journée, des chiffres du chômage. 20 400 demandeurs d'emploi en plus en un mois, annoncent la Dares et Pôle emploi. Soit 4,3 millions au total.

Alors, au-delà des figures de style, à quoi ressemble le bilan du Président en matière d'emploi ?

Quand Sarkozy promettait 5% de chômeurs

Le 26 avril 2007, dans l'émission « A vous de juger », Nicolas Sarkozy promettait beaucoup :

« Je veux m'engager sur le plein emploi : 5% de chômeurs à la fin de mon quinquennat. Et on ne nous demande pas une obligation de moyens, mais une obligation de résultats. Si on s'engage sur 5% de chômeurs et qu'à l'arrivée il y en a 10, c'est qu'il y a un problème. […] C'est un échec, et c'est aux Français d'en tirer les conséquences. »

 

Nicolas Sarkozy dans « A vous de juger » Le 26 avril 2007

2008, année chaotique

L'engagement est tenu durant les deux premières années du quinquennat puisque le taux de chômage décroît, pour représenter :

  • 8% de la population en 2007, contre 8,8% l'année précédente, selon les chiffres de l'Insee ;
  • et 7,4% en 2008.

La tendance s'inverse pourant dans le courant de année-là. Le taux repart à la hausse et atteint 9,1% en 2009 pour ne plus redescendre. Alors, à nouveau, le président de la République le promet, le 25 janvier 2010 :

« Dans les semaines et les mois qui viennent, vous verrez reculer le chômage dans notre pays. »

Mais le charme est rompu, la déclaration se révèle moins efficace que la précédente. Les chômeurs sont de plus en plus nombreux, jusqu'à représenter 9,4% de la population active métropolitaine en 2010. C'est toujours le cas fin 2011.

1 million de chômeurs en plus

La France métropolitaine comptait 2,7 millions de chômeurs au quatrième trimestre 2011, contre 2 millions au deuxième trimestre 2007, en s'en tenant aux enquêtes emploi de l'Insee.

En calculant différemment, comme le fait Pôle emploi, c'est-à-dire en ajoutant les personnes qui exercent un petit boulot, le chiffre passe de 3,2 millions fin juin 2007 à 4,3 millions fin 2011.

Et, nouvelle du jour, le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi a augmenté de 0,5% par rapport à fin janvier 2012, soit 20 400 personnes supplémentaires.

Un million de demandeurs d'emploi en plus en cinq ans. Pour une durée de recherche qui s'allonge : le nombre des demandeurs inscrits depuis au moins trois ans a bondi – de plus de 22 % – en 2011.

Un meilleur indicateur que les sondages ?

La crise en cause ? L'Union européenne, l'OCDE comme le G7 ont vu eux aussi leur taux de chômage augmenter durant ces cinq années, d'après les chiffres d'Eurostat.

Et pourtant, à y regarder de plus près, trois pays ont réussi à inverser la tendance : l'Autriche, la Belgique et l'Allemagne. Partant d'un niveau sensiblement égal à la celui de l'Hexagone en 2007, l'Allemagne est même arrivée à 6% de chômeurs l'an dernier.

L'enjeu est de taille pour Nicolas Sarkozy, comme rappelle Emmanuel Lechypre, co-auteur de « 150 idées reçues sur l'économie » : aucun candidat à sa succession à l'Elysée n'a réussi à se faire réélire avec un taux chômage supérieur à 9,4%.

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27 mars 2012 2 27 /03 /mars /2012 16:13

 


LE MONDE | 27.03.2012 à 11h46 • Mis à jour le 27.03.2012 à 15h19

Par Gérard Davet et Fabrice Lhomme

 
Patrice de Maistre et son avocat, le 22 mars 2012, avant sa mise en détention à Bordeaux.

A quelques semaines seulement du terme de son mandat, Nicolas Sarkozy est, pour la première fois, directement visé par un juge d'instruction. Le juge Jean-Michel Gentil, qui instruit au tribunal de grande instance de Bordeaux les principaux volets de l'affaire Bettencourt, semble bien déterminé à enquêter sur le président de la République - protégé par l'immunité pénale que lui confère la Constitution durant son mandat.

Le juge soupçonne désormais ouvertement le président d'avoir fait financer illégalement sa campagne présidentielle victorieuse de 2007. De nombreux documents judiciaires, dont Le Monde a eu connaissance, en attestent.

Le juge Gentil dispose ainsi du témoignage, recueilli le 26 janvier, de l'artiste François-Marie Banier, mis en examen pour "abus de faiblesse, abus de confiance et escroquerie aggravés et blanchiment", et interrogé sur le contenu de son journal intime.

L'écrivain-photographe, très proche de Liliane Bettencourt, avait notamment inscrit des propos de la vieille dame, héritière de L'Oréal, sur ses carnets, à la mi-avril 2007: "De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui." Invité par le juge à s'expliquer, M. Banier, manifestement embarrassé, a tenté d'éluder.

"DES GENS DE TOUS BORDS QUI VIENNENT DEMANDER DE L'ARGENT"

"Je suis écrivain et je trouve intéressant de montrer les rapports d'une femme face à son trouble vis-à-vis des gens en qui elle doit avoir confiance", a-t-il commencé. "Pour cette demande d'argent, a-t-il poursuivi, ambigu, c'était une demande officielle car il y a toujours des demandes officielles pendant les campagnes. Il y a une somme officielle que l'on peut donner et il y a toujours des gens de tous bords qui viennent demander de l'argent à Liliane Bettencourt."

Ces explications ne semblent pas avoir convaincu le magistrat. "Dans vos annotations, il semble que la demande d'argent a été formulée mais que la remise n'a pas été effectuée. Est-ce exact?", a questionné le magistrat. "Oui. D'ailleurs elle n'a pas encore donné cet argent et on ne sait pas si elle le donnera", a indiqué l'écrivain. "Dans la conversation, a-t-elle bien mentionné le nom de Sarkozy?", a insisté le juge. "Je ne suis pas sûr qu'elle ait mentionné le nom de Sarkozy mais c'était quelqu'un d'important", a répondu M. Banier.

Une réponse qui n'a manifestement pas satisfait le juge Gentil: "Nous faisons remarquer que nous sommes à la mi-avril 2007 et qu'à cette époque, il n'y a qu'une seule campagne électorale, celle de la présidentielle de 2007; qu'à la mi-avril il s'agit de l'entre-deux tours de la présidentielle et qu'il n'y a donc plus que deux candidats en lice à ce moment-là, c'est-à-dire au moment où il inscrit cette conversation. En conséquence, si une personnalité s'est présentée pour demander de l'argent à Liliane Bettencourt, ce ne peut être que l'une des deux personnalités concernées par le second tour de l'élection présidentielle, dont M. Nicolas Sarkozy."

Et le juge de faire part de sa conviction: "Dans votre souvenir, une dernière fois, Liliane Bettencourt a-t-elle évoqué Nicolas Sarkozy - ce qui semble logique - ou l'autre candidat?" "Ce n'est pas ce qui m'intéresse", a coupé M. Banier.

 DES VISITES DE NICOLAS SARKOZY AU DOMICILE DES BETTENCOURT DURANT LA CAMPAGNE DE 2007

Par ailleurs, ces derniers mois, le juge a recueilli plusieurs témoignages de personnes situées dans l'entourage proche de Liliane et André Bettencourt - mort en novembre 2007 - qui ont certifié que M. Sarkozy se serait rendu au domicile du couple, à Neuilly-sur-Seine, lors de la campagne présidentielle de 2007.

Selon l'un de ces témoins, Dominique Gautier, chauffeur des Bettencourt de 1994 à 2004, qui a gardé des liens avec les employés de la milliardaire, le futur chef de l'Etat serait venu lui-même réclamer de l'argent pour sa campagne. Une démarche qui lui aurait été rapportée par l'ex-gouvernante du couple, Nicole Berger, décédée depuis.

Interrogé par le juge le 8 mars, M.Gautier a déclaré: "Mme Berger m'a dit que M. Sarkozy était venu pour un rendez-vous voir Monsieur et Madame très rapidement, que c'était pour demander des sous." Couchés sur procès-verbal, ces propos accusateurs font écho à ceux que M. Gautier avait tenus au site Mediapart, dès novembre 2010: "Lors d'une conversation téléphonique, avait-il dit à propos de Mme Berger, elle m'a dit que M. Sarkozy était venu chercher de l'argent chez M. et Mme Bettencourt. C'était juste en pleine campagne électorale."

UN SYSTÈME DE SORTIE DE FONDS EN ESPÈCES ORGANISÉ PAR PATRICE DE MAISTRE

Le juge paraît accorder d'autant plus de crédit à ces témoignages et aux écrits de M. Banier - plus qu'à ses déclarations - qu'ils sont confortés par les découvertes effectuées en Suisse, dévoilées par Le Journal du Dimanche du 25 mars.

Le magistrat, en s'intéressant à un compte suisse de Mme Bettencourt, a mis au jour un système de sortie de fonds en espèces organisé par Patrice de Maistre, l'ex-gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, dont une partie pourrait avoir alimenté les caisses du candidat Sarkozy il y a cinq ans.
Via un mécanisme de compensation passant par des établissements financiers français et suisses, M. de Maistre - mis en examen pour abus de faiblesse et abus de biens sociaux et placé en détention provisoire le 23 mars - aurait récupéré en toute discrétion un total de 4 millions d'euros entre 2007 et 2009.

Sept retraits auraient été effectués par un intermédiaire mandaté par M. de Maistre. Les fonds étaient remis au gestionnaire de fortune dans les locaux parisiens de la société Clymène, entité chargée de valoriser les actifs de MmeBettencourt.

Dans une ordonnance du 22 mars citée par le JDD, M. Gentil souligne le caractère éminemment suspect des deux retraits d'espèces de 400000 euros chacun effectués par l'intermédiaire du gestionnaire de fortune en 2007. Le premier est intervenu le 5 février 2007, soit "deux jours avant" un rendez-vous entre M. de Maistre et Eric Woerth, alors trésorier de la campagne de M. Sarkozy, souligne le juge.

UN SECOND RETRAIT DATÉ DU 26 AVRIL 2007, QUATRE JOURS APRÈS LE PREMIER TOUR DE LA PRÉSIDENTIELLE

Le magistrat précise que le second retrait date du 26 avril 2007 (quatre jours après le premier tour de la présidentielle), soit le jour même où M. Banier reporta dans son carnet la fameuse phrase prêtée à MmeBettencourt, sur les demandes insistantes de M.Sarkozy... Dans son ordonnance, le juge Gentil conclut: "Il convient de noter que des témoins attestent d'une visite du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, au domicile des Bettencourt pendant la campagne électorale de 2007, que des investigations sont donc nécessaires s'agissant de ces premières remises de 2007."

Ces nouveaux développements, extrêmement embarrassants pour le chef de l'Etat, donnent de plus en plus de crédit aux révélations de l'ancienne comptable des Bettencourt, Claire Thibout. Cette dernière affirmait dès le mois de juillet 2010 que M. de Maistre lui avait réclamé au début de l'année 2007 de sortir 150000 euros en liquide, somme qu'il devait remettre à M. Woerth afin de contribuer illégalement au financement de la campagne de M. Sarkozy.

Gérard Davet et Fabrice Lhomme

Une dizaine de procédures instruites au tribunal de grande instance de Bordeaux

Depuis son dépaysement au tribunal de Bordeaux, en novembre2010, l'affaire Bettencourt a été scindée en une dizaine de procédures, toutes supervisées par le juge Jean-Michel Gentil. Trois informations judiciaires concentrent toutefois les aspects les plus sensibles du dossier.

  • Trafic d'influence et financement politique illicite

 

Une procédure, ouverte suite aux révélations de l'ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, pointe les délits de "trafic d'influence actif commis par un particulier, trafic d'influence passif commis par une personne investie d'un mandat électif public, financement illicite de parti politique ou de campagne électorale". Elle a débouché sur la mise en examen d'Eric Woerth, au mois de février.

  • Abus de confiance

Une autre instruction vise des faits d'"abus de confiance, abus de biens sociaux, escroqueries, blanchiment et abus de faiblesse". Autant de délits qui auraient été commis au préjudice de Liliane Bettencourt. Sont notamment poursuivis dans ce volet l'artiste François-Marie Banier, son compagnon Martin d'Orgeval, et l'ex-gestionnaire de fortune de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre.

  • Atteinte à la vie privée

Une autre enquête, ouverte pour "atteinte à l'intimité de la vie privée", porte sur les conditions dans lesquelles ont été recueillis puis diffusés les enregistrements clandestins de conversations entre Liliane Bettencourt et son entourage. Les journalistes de Mediapart et du Point, à l'origine de leur publication en juin2010 - dont notre collaborateur Fabrice Lhomme - sont convoqués à Bordeaux dans les jours qui viennent aux fins de mise en examen.

 

 

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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 12:32

 

Marianne - Lundi 26 Mars 2012 à 12:00

 

« Que faisons-nous de leurs vingt ans ? » Dans son dernier ouvrage, François Kalfon décrit le mal-être de la jeunesse. Et s'étonne du peu de réaction provoquée par les difficultés de la génération Y...

 

(Manifestation d'étudiants à Paris - ALFRED/SIPA)
(Manifestation d'étudiants à Paris - ALFRED/SIPA)
« Encore un jour se lève sur la planète France, et j'ai depuis longtemps, perdu mes rêves, je connais trop la danse », chantait Damien Saez dans son titre phare Jeune et con. Paroles révélatrices d'une jeunesse à la dérive pour certains, délaissée pour d'autres. 

Traditionnellement, cet enjeu est au centre du débat politique, particulièrement dans la perspective d'une campagne présidentielle. « Le contraire serait étonnant », souligne François Kalfon, qui y fait référence dès la première page de son livre : « 95 % des Français considèrent la jeunesse comme une priorité de l'élection présidentielle (1) et pratiquement deux Français sur trois affirment qu'ils ne voteront pas pour un candidat qui n'apporterait pas d'éléments de réponse aux problèmes des jeunes en difficulté (2). »

Une attention à la hauteur des problèmes rencontrées par la jeunesse d'aujourd'hui. Kalfon démontre ainsi au fil des pages comment les disfonctionnements de la société pèsent sur l'intégration sociale des jeunes, comment l'inadaptation du système scolaire entrave leur entrée sur le marché du travail, comment les inégalités de départ se creusent au lieu d'être comblées par l'école.

Des micro-témoignages viennent appuyer les différents arguments :
Sébastien, 23 ans : « J'ai énormément de mal à me retrouver dans quelque parti que ce soit ».

Valentine, 27 ans : « Les résultats scolaires, c'étaient très important pour mes parents (...) Parfois, mes résultats baissaient parce que j'avais un petit coup de mou ; tout de suite mes parents s'inquiétaient, et c'est là que je prenais vraiment conscience de cette fameuse pression »

Sarah, 19 ans : « On est né dans ce truc où l'on nous répète qu'il n'y a pas d'argent, pas de travail. On a un peu l'impression de faire des études pour rien, ce n'est pas très motivant ».

Se révolter : à quoi bon ?

Désengagement politique. Pression du diplôme. Peur du chômage. Alors que, de tout temps, les jeunes - si tant est que cette catégorie est homogène - ont toujours été parmi les premiers à se rebeller contre le système, la génération Y — celle de l'Internet, des nouvelles technologies — offre un certain paradoxe : alors qu'elle a toutes les raisons de s'insurger (précarité de l'emploi, éducation nationale en crise, domination du monde de la finance...), elle est pourtant restée relativement silencieuse au cours du dernier quinquennat présidentiel.
Comme le souligne l'auteur dans une partie intitulée « La génération Y : une jeunesse dépolitisée » :
« Depuis au moins cinq ans, la France n'a plus connu de mouvements de jeunesse d'ampleur, ni sur le terrain scolaire ni sur le terrain social, et encore moins sur le terrain moral. »
 
Le meilleur indicateur pour souligner cette « démobilisation » est sans conteste le mouvement des indignés. Très suivi en Espagne avec Los indignados, aux Etats-Unis avec Occupy WallStreet, la France a brillé par un engagement très marginal, et ce aux antipodes d'une certaine image de « modèle » en terme de manifestations populaires. Si l'on ne peut que rejoindre François Kalfon sur le constat, il reste à trouver des explications et des remèdes, soyons fou, à cette atonie.


(1) Sondage AFEV-Audirep-Fondation BNP Paribas, 2011

(2) Sondage Vivavoice pour Apprentis d'Auteuil, mai 2011

 

Avoir 20 ans aujourd'hui : jeunesse précaire, jeunesse atone ?
François Kalfon est conseiller régional d'Ile-de-France et secrétaire national aux études d'opinion du Parti socialiste.

Il est également l'auteur (co-auteur) des œuvres suivantes :
Plaidoyer pour une gauche populaire : La gauche face à ses électeurs (collectif), éd. Le Bord de l'eau, 2011
L'équation gagnante : La gauche peut-elle remporter la présidentielle ? (avec Laurent Baumel), éd. Le Bord de l'eau, 2011
Le temps de la réconciliation : La gauche et le travail (avec Tristan Klein), Bruno Leprince, 2008.

 

 

 

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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 11:52

 

liquide 26/03/2012 à 13h11
Augustin Scalbert | Journaliste Rue89

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Patrice de Maistre à Paris, le 30 juillet 2010 (Benoît Tessier/Reuters)

 

C'est un scoop du Journal du dimanche passé presque inaperçu depuis dimanche : si l'ex-gestionnaire de fortune de la famille Bettencourt, Patrice de Maistre, dort en prison depuis le soir du 22 mars, c'est, selon nos confrères, parce que la justice soupçonne un financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007.

Certes, ce n'est pas la version officielle. Dans un communiqué diffusé le 23, le parquet de Bordeaux – la juridiction qui abrite l'instruction du juge Jean-Michel Gentil – affirme que c'est en raison d'indemnités que De Maistre aurait indûment perçues, pour un total de plus de 5 millions d'euros.

4 millions en liquide versés entre 2007 et 2009

Ce communiqué est encore cité ce matin par l'AFP, qui relaie la demande du détenu de recouvrer la liberté.

Mais si le juge Gentil a mis en examen Patrice de Maistre pour « abus de faiblesse » et « abus de biens sociaux », ce serait plutôt, d'après le JDD qui cite de large extraits d'une ordonnance du magistrat instructeur, en raison de son implication présumée dans le financement de la première campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, puis de son parti, l'UMP.

Dans ce document daté du 22 mars, Gentil écrit ceci :

« Il existe désormais à l'encontre du mis en examen Patrice de Maistre des charges importantes d'avoir participé à un système de “mise à disposition d'espèces par compensation” du 5 février 2007 au 7 décembre 2009 pour des montants considérables de 4 millions d'euros. »

Plus particulièrement, avant l'élection de Nicolas Sarkozy le 6 mai 2007, surviennent deux versements de 400 000 euros chacun.

  • L'un, le 5 février, deux jours avant un rendez-vous entre Patrice de Maistre et Eric Woerth dans un café.
  • L'autre, le 26 avril, le jour-même où le photographe François-Marie Banier, alors proche de la milliardaire Liliane Bettencourt, note dans son journal intime que cette dernière lui a confié ceci : « De Maistre m'a dit que Sarkozy avait encore demandé de l'argent. J'ai dit oui. »

Le juge demande des investigations sur la campagne

Ces versements d'argent liquide en provenance de Suisse sont détaillés dans la réponse à une commission rogatoire internationale que le juge a reçue début mars, et que Marianne évoquait alors.

Les éléments sont si détaillés que le juge soupçonne très explicitement un financement illégal de la campagne de 2007 :

« Il convient de noter que des témoins attestent d'une visite du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy au domicile des Bettencourt pendant la campagne électorale de 2007, que des investigations sont donc nécessaires s'agissant de ces premières remises de 2007. »

Malheureusement, Nicolas Sarkozy n'a pas été interrogé sur ce dossier ce matin sur France Info.

 

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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 11:48
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images
Tiens, revoilà Patrice de Maistre. Vous vous souvenez de l'ancien gestionnaire de fortune des Bettencourt ? Eh bien il dort en prison depuis la fin de la semaine dernière. Le juge d'instruction bordelais Patrick Gentil l'a placé en détention provisoire. Si vous avez bien tendu l'oreille, vendredi, vous en avez peut-être entendu parler, dans le brouhaha des djihadistes et des salafistes.

France Inter, ce lundi matin, nous en disait plus. Vous savez pourquoi de Maistre est en prison ? Parce que le juge a découvert une nouvelle filière de rapatriement par les Bettencourt d'argent liquide de Suisse, et établi que les dates de rapatriement coïncidaient, pendant la campagne de 2007, avec une visite de Sarkozy en personne au domicile des Bettencourt. Oui oui, Sarkozy lui-même, le candidat, même pas Woerth.

Vous conviendrez que l'information est intéressante. Rien n'est prouvé évidemment. Il n'est pas prouvé que André Bettencourt, au cours de cette visite d'un quart d'heure, a remis une enveloppe à Sarkozy. Mais ce qui semble certain, c'est que le juge le soupçonne assez fort, pour avoir envoyé de Maistre derrière les barreaux.

Sur les radios, plus de Merah que de de Maistre

Quelle place cette nouvelle a-t-elle reçu, aux radios du matin ? Heureuse coïncidence, France Info recevait justement un certain Sarkozy Nicolas. Et alors ? Alors, pas la moindre question (l'ami Hees n'a pas été nommé président de Radio France pour rien). Sur France Inter, calculons large : une bonne minute.

Pour le reste, les intervieweurs matinaux préfèrent tartiner sur la queue de comète Merah. Pascale Clark bombardait de questions vaseuses sur le Waziristan une journaliste de L'Obs, tandis qu'Aphatie, au garde-à-vous, en fourragère et gants blancs, recevait le directeur de la police Péchenard.

Je vous entends déjà : oui, mais l'info sur de Maistre est-elle fiable ? C'est encore un coup de ces trotskistes feuilletonneurs de Mediapart ! Eh non. Pas de chance. Le scoop des vraies raisons de l'incarcération de de Maistre était...dans Le JDD, sous la plume de l'investigateur maison Laurent Valdiguié.

Quoi ? Le JDD ? Le cher JDD de Lagardère ferait des révélations sur les enveloppes remises à Sarkozy ? Mais c'est impossible, Le JDD consacrait comme tout le monde sa une aux suites de l'affaire Merah.

Et même dans les titres secondaires, pas trace du scoop sur de Maistre.

Eh oui. A regarder la une de l'hebdo du week-end, la bombe de l'intérieur était bien camouflée. Le JDD est un journal vertueux, que voulez-vous, qu'on ne saurait accuser de survendre ses scoops, ni de survaloriser le travail de ses investigateurs.

 

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26 mars 2012 1 26 /03 /mars /2012 11:41

LE MONDE | 26.03.2012 à 10h50 • Mis à jour le 26.03.2012 à 10h56

Par Marc Roche

 

Les coups durs s'accumulent sur le Royal Mail, la poste britannique, dont le redressement promis ne vient pas, malgré les milliards investis dans la modernisation des équipements. Dernier en date, la grève nationale, décrétée jeudi 22 et vendredi 23 octobre, portant sur les salaires, l'emploi et les conditions de travail.

Les syndicats contestent la vaste restructuration lancée par la direction de la poste visant à réduire les coûts. A l'appui de cette stratégie, les dirigeants du service public soulignent la forte concurrence de la part d'opérateurs privés, conséquence de la libéralisation, en 2006, de la distribution du courrier. Dans un climat morose de récession et sur fond de baisse du volume du courrier, ces rivaux, en particulier l'allemand DHL et le néerlandais TNT, sont parvenus à lui prendre des parts du marché sur le créneau le plus porteur, le courrier des entreprises.

Comme ailleurs, le recours aux e-mails a fait chuter le nombre de lettres ou de factures envoyées par la poste. Enfin, le climat social délétère régnant dans l'une des dernières citadelles du pouvoir syndical a creusé le déficit du fonds de pension, qui s'élève aujourd'hui à 6,8 milliards de livres (7,5 milliards d'euros), ce qui rend l'entreprise techniquement insolvable.

Suppressions d'emplois

Après vingt années successives de déficit, le groupe a dégagé un petit profit de 321 millions de livres en 2008-2009. La suppression de dizaines de milliers d'emplois, les changements importants en matière de gestion et de personnel, et une réorganisation du réseau de transport et du tri postal expliquent cette embellie. Mais cela ne suffit pas pour augmenter ses recettes ni pour accroître une productivité inférieure de 40 % à celle des compagnies privées, selon le régulateur Postcomm.

Excédés par les perturbations de la distribution du courrier au cours des dernières semaines, bon nombre de grands groupes et de petites et moyennes entreprises (PME) se sont détournés du Royal Mail. Le géant du commerce en ligne Amazon et les grands magasins John Lewis sont les derniers exemples de cette désaffection.

En dépit de ces difficultés, la direction de la poste garde un flegme tout britannique. En effet, la marge de manoeuvre des syndicats est limitée par l'approche des élections législatives, au plus tard en juin 2010, dont l'opposition conservatrice est favorite. Fidèles, sur ce dossier, à la vulgate thatchérienne, les tories devraient reprendre à leur compte le projet de privatisation partielle, abandonné en février par le gouvernement travailliste. Le plan du ministre des entreprises, Lord Mandelson, visant à céder jusqu'à 30 % du capital de l'institution, avait été torpillé par la menace de la pire fronde parlementaire travailliste depuis l'arrivée de Gordon Brown au 10 Downing Street, en juin 2007.

Pour ses détracteurs, une privatisation, même partielle, ne peut que pénaliser l'image forte de la poste qui, malgré ces aléas sociaux, continue de bénéficier de la confiance du public.

Marc Roche

 

 

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25 mars 2012 7 25 /03 /mars /2012 11:35

 

Journaliste au chômage, «France Denbas» a décidé de raconter le quotidien des « smicards » et partager le ressenti des salariés avant et après les élections présidentielles. Publié sur Marianne2, son blog regorge d'anecdotes qui, au fil des billets, reflètent notre société actuelle.

 

(Agence Intérim - BEBERT BRUNO [/S)
(Agence Intérim - BEBERT BRUNO [/S)
« Vous n'êtes pas un ancien syndiqué j'espère ? »
Le rituel est rodé : la carte d'identité, la carte vitale, le traditionnel CV, le relevé d'identité bancaire et les agences d'interim vous ouvrent leurs portes. Enfin, celles qui prennent les inscriptions au guichet et non sur Internet. «Qu'est-ce qu'il sait faire le monsieur?» me demande Sophie, la trentaine enjouée. Je recycle mes compétences de job d'été acquises il y a déjà douze ans : «téléopérateur, caissier, vendeur, manutentionnaire, serveur», tous les petits boulots qui me passent par la tête. Elle note scrupuleusement, vérifie mon permis de conduire, puis conclue, déjà, par un «on vous rappellera.» Je sors, l'entretien a duré à peine cinq minutes.

Froide comme l'enfer, ma première journée
Soldelogistique, 140 salariés,  une quarantaine de permanents et une centaine d'intérimaires, se cache au fond d'une zone industrielle de province. Le bâtiment n'a rien de surprenant : quatre murs, un toit en tôle, et de grandes ouvertures pour charger les camions. Je prends mon service dans dix minutes, à 13 heures. Sur le parking, une majorité de voitures banales et quelques exceptions qui attirent le regard : BMW, Audi, un gros 4X4. Je gare ma vieille Corsa sous  les yeux d'un couple de fumeurs.

Testons ma flexibilité
« On ne t'a rien dit ? La personne que tu remplaces revient demain. Désolée.» Valérie ferme l'entrepôt ce lundi soir, et douche en même temps mon enthousiasme. « Ce n'est pas mon travail qui est en question ? » Elle fuit mon regard «Non non. C'est juste qu'on n'a plus besoin de toi. Mais on te rappellera peut-être un autre jour, ça tourne vite ici. » Devant la pointeuse, chacun attend son tour dans une ambiance de cours d'école.

La peau de vache, l'accident et le baume apaisant
La France d'en bas qui se lève tôt. Deux poncifs réunis en une matinée de travail. Hier, je reprenais le chemin de Soldelogistique. Mêmes horaires: 6 heures-13 heures. Sur place, les bonjours sont timides, encore endormis. Deux nouvelles chefs m’accueillent : Corinne et Martine.  Corinne est souriante, Martine s'annonce comme « une peau de vache. » Elle lâche un sourire qui me rassure à moitié. Pas plus de temps pour les présentations. Au boulot.

CDD ou intérim, le dilemme des précaires
Martine est angoissée. Il est bientôt 13 heures et elle scrute l'entrée dès que la porte s'ouvre. On sent qu'elle guette quelqu'un. Alexia arrive. C'est elle que Martine attendait. Elle lui fonce dessus et annonce, l'air embarrassé : « T'es en fin de mission en fin de semaine. Quelqu'un viendra te le signifier aujourd'hui.» Les deux femmes se mettent à l'écart.  Maria entre à son tour. Martine l'appelle. Elle aussi ne sera pas reprise. Je demande ce qu'il se passe à Corinne l'autre chef, qui explique : «Elles ont refusé de signer un CDD... Du coup, elle ne sont pas reprises et mises sur la liste noire.»

Ma première semaine à 9,22 euros l'heure
J'ai cette première semaine dans les jambes, des coupures aux mains, et je grince un peu.
En six jours, j'ai été en fin de mission une fois, engueulé trois fois, puis félicité, une fois.  J'ai failli assister à une bagarre. J'ai fait la connaissance d'une douzaine de personnes, des jeunes, des vieux ; des noirs, des blancs. Plus de femmes que d'hommes.

L’avenir de l’entreprise, c’est moi (mais pas la semaine prochaine)
Une grosse commande, mais une seule : 64 présentoirs à monter, remplir et emballer. L’équipe s’en réjouit. C’est du travail mais au moins «on reste sur la même référence toute la journée.» Martine, et surtout Corinne, semblent plus apaisées. «C’est normal, on a mis le turbo les autres jours. Là, c’est la dernière commande de la semaine. Les objectifs sont atteints», explique mon collègue Boris. «Et puis c’est vendredi. Ce soir, c’est le week-end.» Il éclate de rire pour ponctuer sa phrase. L’angoisse qui m’accompagnait s’envole. Tout le monde est souriant. Dans l’entrepôt, on chante des génériques de dessins animés. Corinne lance même des blagues. La journée s’annonce bien.

Passe ton permis d'abord
Céline a 20 ans. Depuis quinze jours, nous travaillons dans la même équipe chez Soldelogistique*. J'assemble les présentoirs, elle les remplit. Jeudi dernier, elle m'a demandé de la déposer en ville. J'ai accepté cette occasion de mieux la connaître.

Petit exercice de productivité appliquée
Mon premier jour dans cette nouvelle équipe m'avait mis en confiance. Une gestion plus humaine semblait-il, et une ambiance joyeuse. Vendredi, nous avons rapidement déchanté.

Ma journée type à Soldelogistique
Vendredi soir, j'ai «joué avec le feu» comme dit ma collègue Nicole. J'ai refusé la mission que me proposait Soldelogistique pour ce lundi. J'avais mon mot d'excuse : un entretien pour du travail. L'argument a pesé. Via mon agence d'intérim, ils ont redemandé hier, à ce que je revienne travailler aujourd'hui. J'entame ma dernière semaine chez Soldelogistique ce matin, de 6 à 13 heures. A peu de choses prés, voila le programme.

De l'art de conditionner dans les temps
Hier rien, enfin si, de 6 à 13 heures, nous avons terminé 24 palettes. Nos chefs n'étaient pas plus impressionnés que ça. En début de ligne, ma collègue déballe les produits de base, des tubes de 500ml qu'elle pose ensuite sur le tapis roulant. Une autre collègue manchonne, c'est à dire qu'elle réunit, avec un plastique promotionnel, deux tubes ensemble. Le lot passe dans le four, le plastique se rectracte et assemble les deux produits. Nicole, en bout de ligne, récupère les lots sortis du four et colle le nouveau code-barre. Charge à moi, ensuite, de ranger les lots par 6 dans un carton, de passer le carton dans la scotcheuse, puis de le disposer harmonieusement sur la palette.

La bande des chefs
J'ai croisé une quinzaine de responsables chez Soldelogistique. Une majorité de femmes, jeunes, moins jeunes. D'anciens intérimaires devenus cadres pour la plupart.

La chaîne aspire les heures
Quand on travaille à la chaîne, arrive un moment où l'esprit s'engourdit. D'abord on pense au rythme, à se caller sur son collègue. Chacun à son espace. À mon poste je gère la palette, l'arrivé des produits et l'engorgement de ma table au mieux. Ça occupe l'esprit. Et le temps passe. La concentration laisse vite place à la répétition et la répétition à l'abandon. Je me suis souvent forcé à chanter pour relancer mon cerveau. Nos 6h30 quotidiennes peuvent passer très vite, plus vite, si on arrive à se débrancher. Il y a des heures entières sans s'adresser un mot. La chaîne aspire les heures.
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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 23:07

 

Agoravox - par Erca samedi 24 mars 2012


L'émission "Le débat" de Mediapart a réuni ce 23 mars les chercheurs Loïc Blondiaux et Héloïse Nez pour discuter du thème de la démocratie, très peu présent dans la campagne présidentielle. Sont évoqués successivement pendant 45 minutes : les sondages ; le mouvement des Indignés ; la crise de la représentation politique ; le référendum et l'élection ; l'exercice de la citoyenneté dans le cadre des sociétés modernes ; le tirage au sort ; la culture des contre-pouvoirs en France ; le gouvernement représentatif face au long terme ; les problèmes de la délibération ; l'inachèvement de la démocratie dite participative ; les dernières élections législatives espagnoles ; le processus constituant islandais ; les Indignés vs. la politique partisane.

 

 

 

De ce débat décousu mais très dense et intéressant, on peut s’atarder sur la définition de Loïc Blondiaux de la démocratie (à 16:00), qu’il dit lui-même très simple et très minimale : "la chance égale pour tout citoyen d’influencer le procession de décision". Elle n’a peut-être l’air de rien, mais elle peut donner en fait beaucoup de grain à moudre. C’est en tout cas une telle définition qui permet à Blondiaux, comme à beaucoup de chercheurs, de maintenir le mot de démocratie pour désigner le régime dans lequel nous vivons, alors qu’on sait que ses théoriciens et ses promoteurs, lors des révolutions américaine et française, s’opposaient vivement à la démocratie et le nommaient "gouvernement représentatif" ; expression que Blondiaux connaît fort bien et réutilise d’ailleurs au moment d’évoquer les autorités qui se sont assises sur le non de 2005.

 

Bruno Bernardi, dans un excellent article, résume bien à ce sujet la thèse de Bernard Manin développée dans les Principes du Gouvernement représentatif  :

L’expression démocratie représentative s’est imposée, et on ne peut rien contre la force de l’usage*. Mais on peut interroger ses implications. Dans un ouvrage incontournable, Principes du gouvernement représentatif, Bernard Manin a montré que l’établissement du régime représentatif dans la modernité (au travers des trois révolutions, anglaise, américaine et française) ne s’était pas fait au nom de la démocratie, pour cette simple raison que la représentation lui est originellement étrangère. Je rappellerai brièvement son propos. Ce livre montre, pour commencer, que le principe de l’élection de représentants, implique, sous une quelconque modalité, un choix et donc l’établissement de distinctions entre les citoyens, une idée d’origine aristocratique qui s’oppose à celle, démocratique, selon laquelle tous ont égale compétence à prendre les décisions collectives. Une conception qui réclame soit la participation de chacun aux décisions du peuple assemblé, soit le tirage au sort comme mode de désignation de ceux qui auront à décider au nom de tous. Cette dernière procédure n’a jamais disparu – c’est le système des jurys – et Yves Sintomer vient de plaider pour sa nouvelle pertinence.
 
En tout cas, l’idée de démocratie représentative n’a pu s’imposer qu’à la faveur d’une requalification de l’idée de démocratie. Chez les anciens, celle-ci désignait une forme de gouvernement : est démocratique le gouvernement auquel tous participent. C’est encore ainsi que Rousseau la définit, dans la troisième partie du Contrat social du moins. Mais pour ceux qui se sont eux-mêmes proclamés « les modernes » (c’est-à-dire le courant central des trois grandes révolutions), la démocratie désigne le principe de la société politique, un principe corollaire de celui de l’autonomie morale : nul ne peut être obligé d’obéir qu’aux lois dont il peut être tenu pour un des auteurs. Dans cette nouvelle définition, l’égale liberté de vouloir se substitue à l’égale capacité de faire. La représentation se présente alors comme la forme sous laquelle l’autonomie politique s’exerce, tous participant également au choix de ceux qui seront amenés, comme leurs représentants, à prendre les décisions et à les mettre en oeuvre. Le gouvernement représentatif est donc une sorte de constitution mixte, observe Manin, entre démocratie et aristocratie ou, si l’on veut, entre égalitarisme et élitisme. On pourrait encore préciser que, dans l’idée de démocratie représentative, démocratie désigne le principe, et représentation la forme du gouvernement politique.

 

De quand date exactement cette confusion du gouvernement représentatif et de la démocratie, deux régimes clairement opposés dans les esprits de tous pendant la Révolution française ? Comme Pierre Rosanvallon l’explique très bien dans son article "L’histoire du mot démocratie à l’époque moderne" dans l’ouvrage collectif La Pensée Politique. Situations de la démocratie (Seuil-Gallimard, mai 1993), ce sont les libéraux du mouvement doctrinaire qui se sont, pendant la Restauration, subtilement réapproprié le mot démocratie. En effet, c’est à cette époque que le mot "démocratie" va commencer à entrer dans la langue politique ordinaire, mais :

... c’est pour y désigner la "société" égalitaire moderne et non plus le régime politique associé aux républiques grecque et romaine, ou l’idée d’intervention directe du peuple dans les affaires publiques. Le mouvement sémantique est accompli en 1835 quand Tocqueville publie la première partie de sa Démocratie en Amérique.

 

Lors d’un débat parlementaire sur la liberté de la presse en 1822, Royer-Collard, chef de file des doctrinaires, s’exprime et commence à poser les jalons du nouvel usage du mot démocratie : pour lui,

... la démocratie est le fait social qui dérive à ses yeux de l’élévation des classes moyennes et de la réduction de l’écart qui les sépare des classes supérieures. La démocratie ne désigne donc pas un régime politique mais un type de société. Le fait démocratique se confond dans cette mesure pour lui avec l’essence du processus révolutionnaire - son "esprit", dit Royer-Collard - qui a été de réduire l’aristocratie. [...]

[Le mot démocratie] triomphe significativement au moment où le terme de république acquiert une connotation d’extrême gauche dans la langue politique. Pour les libéraux doctrinaires, parler de démocratie consistait à revendiquer l’oeuvre sociologique et juridique de la Révolution, tout en repoussant radicalement l’héritage républicain.

 

La récupération du terme est donc singulière, et produit d’ailleurs une confusion certaine, poussant Tocqueville à en donner pas moins de 11 définitions dans la Démocratie en Amérique. Certains auteurs se sentiront obligés de faire une distinction nette entre la démocratie antique (qu’ils détestent) et ce qu’ils appellent la démocratie moderne, qui peut d’ailleurs, selon bon nombre d’entre eux, parfaitement se passer du suffrage universel... Le comble. Albert Laponneraye, farouche républicain, sera l’un des rares à tonner contre cette confusion qui finira, petit à petit, par pousser tout le monde à se dire démocrate. Un basculement se fera avec l’arrivée du suffrage universel masculin en 1848, comme l’écrit Bernard Manin dans le quatrième chapitre des Principes du Gouvernement représentatif ("Une aristocratie démocratique") :

Aux XIXème et XXème siècles, le droit de suffrage fut progressivement étendu dans les régimes représentatifs et le cens d’éligibilité disparut, même dans les pays où il avait existé à l’origine, comme l’Angleterre et la France. Ces deux transformations et, en particulier, l’avènement spectaculaire du suffrage universel, au terme de longs conflits, donnèrent une puissante impulsion à la croyance que le gouvernement représentatif se muait peu à peu en démocratie. Dans ces conditions, l’hypothèse que la procédure élective comportait peut-être en elle-même une dimension inégalitaire et aristocratique ne paraissait guère digne d’être explorée plus loin. Le droit pour tous de choisir librement les gouvernants, sans être contraints par la loi à les prendre dans certaines catégories de la population, constituait si manifestement un progrès de l’égalité politique et de la démocratie que l’éventuelle persistance d’effets inégalitaires et aristocratiques ne semblait pas justifier l’investigation.

 

On retrouve dans cette dernière phrase la substance de la définition donnée par Blondiaux : "la chance égale pour tout citoyen d’influencer le procession de décision". Bernard Manin en discute la pertinence au cours de ce chapitre, en s’attardant respectivement sur les aspects aristocratiques et démocratiques de l’élection, qui en font selon lui une procédure fondamentalement ambiguë. Si les premiers sont indiscutables (par exemple : la nécessité de financement d’une campagne, qui distille les candidats sur le plan social), les seconds le sont beaucoup moins : d’après Manin, "l’élection est démocratique en ce qu’elle accorde à tout citoyen une voix égale dans le processus de choix et de rejet" ; et avec l’élection, ce sont les citoyens qui sont libres de choisir les critères de l’aristocratie qu’ils vont dégager par leurs suffrages.

 

Mais si l’on raisonne par l’absurde, et si l’on admet que le caractère essentiel de la démocratie réside dans la simple égalité de pouvoir, ne peut-on pas dire qu’une dictature est démocratique en ce qu’elle accorde un pouvoir égal aux citoyens, aucun ne pouvant avoir d’influence sur la prise de décision ? On voit bien là que la simple égalité de pouvoir ne peut suffire à caractériser la démocratie : il faut encore s’attarder sur la qualité de ce pouvoir, et que celui-ci soit substantiel. Or, l’élection présente bien davantage de caractères aristocratiques que démocratiques, et confie au citoyen un pouvoir bien plus hétéronome qu’autonome. Tous les pouvoirs de décision ne peuvent être raisonnablement mis sur le même plan suivant l’objet de celle-ci.

 

La "chance égale" qu’évoque Blondiaux est donc parfaitement virtuelle et formelle : non seulement l’élection distingue deux classes de citoyens, les électeurs et les élus, fondamentalement inégaux dans la prise de décision ; mais même en isolant le moment de l’élection, il est bien évident que celle-ci donne des chances égales de jure, mais extrêmement inégales de facto. Selon la définition même "minimale" donnée par Blondiaux, sommes-nous donc vraiment en démocratie ?

_______

* Note personnelle : la tâche d’un intellectuel n’est-elle pas précisément d’aller contre la force de l’usage quand la rigueur l’exige ?

 

 

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24 mars 2012 6 24 /03 /mars /2012 19:23

 

LE MONDE SCIENCE ET TECHNO | 23.03.2012 à 20h55 • Mis à jour le 24.03.2012 à 16h08

Par Pierre Barthélémy, chronique Improbablologie


 

IMPROBABLOLOGIE - En cette année d'élections présidentielle et législative, les Français vont pour la plupart glisser quatre fois un bulletin dans l'urne. A voté, a voté, a voté, a voté ! Ce choix des responsables politiques par l'électorat améliorera-t-il la situation de la société pour autant ? C'est la question iconoclaste qu'a posée en 2011 un quintette de chercheurs italiens (deux physiciens, un politologue et deux statisticiens) dans un article paru sur le site de prépublications scientifiques arXiv. Leur idée n'était pas de jeter la démocratie aux orties, mais de rappeler que le gouvernement du peuple pour le peuple et par le peuple ne passait pas forcément par le bureau de vote : on peut très bien tirer au sort celles et ceux qui auront la responsabilité de diriger le pays et d'en faire les lois, tout comme le hasard désigne les jurés des tribunaux populaires.

Après tout, la démocratie athénienne ne procédait pas autrement pour choisir bouleutes et archontes. L'élection complexe du doge de Venise faisait elle aussi intervenir une bonne part de hasard. Le procédé, poursuivent ces chercheurs un brin utopistes, permettrait de réguler le régime des partis et serait plus égalitaire en menant au Parlement des citoyens de tous horizons politiques, de toutes origines sociales ou ethniques et, surtout, des deux sexes à parts égales. Fini ces Chambres bicolores où une oligarchie politique essentiellement masculine se préoccupe moins de l'intérêt général que de sa réélection. Fini aussi les campagnes électorales avec frénésie médiatique et sondages quotidiens contradictoires...

Encore faut-il s'assurer que le hasard fera vraiment bien les choses. Une Assemblée nationale complètement tirée au sort sera-t-elle plus efficace que celle élue ou bien faut-il concocter un cocktail des deux ? C'est là que la science improbable intervient avec une magnifique modélisation parlementaire basée sur les dernières avancées de la physique statistique. La Chambre aléatoire à 100 % est un échec retentissant. Certes, les projets de loi adoptés profitent tous au plus grand nombre, mais les 500 députés virtuels décrits par ce modèle sont tellement indépendants les uns des autres que la plupart des textes n'obtiennent pas la majorité suffisante pour être votés ! Efficacité presque nulle.

Les partis politiques ont donc un peu de bon. Encore faut-il se débrouiller pour qu'aucun d'entre eux - ou qu'aucune coalition - ne détienne la majorité absolue, car si c'est le cas les textes de loi ne viseront plus à régler les problèmes collectifs mais plutôt à satisfaire des intérêts clientélistes ou corporatistes. Toute l'astuce consiste à réserver aux députés tirés au sort, censés avoir une vision plus altruiste de la politique, une part suffisante des sièges pour que les politiciens de métier soient contraints de déplacer le curseur de leur action législative vers l'intérêt général.

Cette étude sur les mérites de la "lotocratie" est une récidive. En 2010, la même équipe avait montré qu'en raison du principe de Peter - lequel dit que, dans une entreprise ou une administration, tout employé finit, grâce au jeu des promotions, par atteindre son niveau d'incompétence - il était plus efficace, lorsqu'un poste à responsabilités devenait vacant, de désigner son titulaire par tirage au sort. Suggérons donc à la Française des jeux de créer de nouveaux tickets : PDG au grattage, député au tirage...


Journaliste et blogueur

(Passeurdesciences.blog.lemonde.fr)


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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 14:30
Médiapart - | Par Mathieu Magnaudeix

 

Lire aussi

Les syndicats du ministère du travail ont appelé les agents à un rassemblement devant l'administration centrale du ministère, quai André-Citroën à Paris, dans le 15e arrondissement, ce jeudi à 14 heures.

Ils souhaitent que le ministre Xavier Bertrand reconnaisse en accident de service – l'équivalent d'un accident du travail dans la fonction publique – le suicide de Luc Béal-Rainaldy (photo), un inspecteur du travail qui s'était donné la mort en mai 2011 dans les locaux mêmes du ministère, en se jetant dans une cage d'escalier.

 

 
© DR

« En se tuant de cette façon, il avait évidemment signé son geste », raconte une de ses collègues. Mercredi, la commission “de réforme” de la fonction publique chargée d'examiner de tels cas a pourtant donné un avis défavorable à cette reconnaissance. Présidées par un représentant de la préfecture, ces commissions départementales où siégent aussi des médecins, des représentants de l'administration et des représentants du personnel, sont régulièrement critiquées pour leur façon de gérer les dossiers de souffrance au travail dans la fonction publique.

« Cette décision est déplorable, alors que le dispositif mental qui a abouti à ce geste est complètement lié à l'exercice de son activité professionnelle et à l'exercice de ses responsabilités syndicales », s'insurge Dominique Maréchau, responsable national du Snutefe-FSU, le syndicat dont Luc Béal-Rainaldy était le secrétaire national.

Les syndicats espèrent désormais que le ministre du travail Xavier Bertrand va passer outre la décision de la commission, dont l'avis n'est pas contraignant. Lors de contacts informels, les collaborateurs du ministres se seraient engagés à reconsidérer le dossier en cas de refus de la commission. « S'il refuse la reconnaissance en accident de service, il y aura une mobilisation massive », prédit un agent.

Le ministère du travail est particulièrement embarrassé par ce dossier, d'autant qu'il doit faire face à une autre affaire douloureuse : le suicide de Romain Lecoustre (photo), un inspecteur du travail de 32 ans qui s'est pendu le 18 janvier à son domicile, un geste incontestablement lié à ses conditions de travail, comme Mediapart l'avait raconté.

 

 
© DR

Ce jeudi matin, la commission de réforme du Nord a refusé de se prononcer sur la reconnaissance de ce suicide en accident de service, et demandé une expertise psychiatrique. Elle devrait se réunir à nouveau le 19 avril, à trois jours du premier tour.

Cette décision révolte le frère du défunt, Pierre Lecoustre, présent jeudi matin lors des débats : « La commission a demandé une nouvelle expertise et gagne donc à nouveau du temps ! Ils auraient pu la demander avant ! Le ministre doit désormais prendre ses responsabilités et reconnaître le suicide en accident de service. » Pierre Lecoustre compte écrire en ce sens à Xavier Bertrand dans les prochains jours.

Sollicité pour savoir s'il allait reconnaître les deux suicides en accidents de service, le ministère du travail nous avait renvoyé jeudi après-midi sur la direction des ressources humaines (DAGEMO) du ministère. Dans la soirée, la secrétaire générale des différents ministères chargés des affaires sociales, Emmanuelle Wargon, a envoyé un courrier aux syndicats dans lequel elle annonce la réunion d'une nouvelle commission de réforme, le 12 avril, pour examiner le cas de Luc Béal-Rainaldy, sans toutefois se prononcer sur le fond. « Ils cherchent à gagner du temps. Le ministre n'ose-t-il donc pas prendre une décision politique honorable ? », s'interroge un syndicaliste.

D'après le ministère, sept agents (dont trois inspecteurs du travail) ont mis fin à leurs jours depuis 2007, alors que les réorganisations se succèdent. Deux d'entre eux se sont tués sur leur lieu de travail.

Jusqu'à présent, aucun de ces suicides n'a été reconnu comme accident de service par l'administration.

 

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