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14 avril 2012 6 14 /04 /avril /2012 16:55

 

Marianne - Samedi 14 Avril 2012 à 05:00

Jacques Sapir - Economiste

 

Où l'on apprend que la crise de la dette rebondit avec les tensions sur les taux d'emprunt de l'Italie et de l'Espagne. Jacques Sapir nous explique pourquoi cela ne fait que commencer et comment il faudrait en sortir.

 

(JAUBERT/SIPA)
(JAUBERT/SIPA)

 

Au début de cette année, nous nagions dans l’optimisme et – s’il faut en croire notre Président – la crise était « derrière nous ». Les crédits à trois ans de la Banque centrale européenne (LTRO ou Longer Term Refinancing Operations) semblaient avoir calmé la vague de spéculation qui avait failli emporter l’euro au mois de novembre dernier. La BCE avait injecté 489 milliards d’euros en décembre et 530 à la fin du mois de février. Le Mécanisme européen de stabilité (MES), adossé à des plans de rigueur généralisés officialisés dans le Pacte budgétaire européen, était censé nous garantir contre un retour de la crise. Enfin, la question de la Grèce était apparemment réglée par la restructuration de la partie de sa dette détenue par des investisseurs privés.
 
Toutes ces illusions ont éclaté cette semaine. Les taux espagnols et italiens se sont à nouveau brutalement tendus à la suite de l’échec d’une vente de bons du trésor espagnols. Mercredi matin, les taux à dix ans sur la dette espagnole dépassaient 6%. Des rumeurs, entretenues par des membres de la BCE, les faisaient redescendre mercredi et jeudi à 5,8%. Mais, ce vendredi, ils étaient à nouveau à 5,99%. Les taux italiens à dix ans sont quant à eux à 5,50%, tandis que les taux à trois ans sont montés de plus de 1% cette semaine. Plus inquiétant encore : les primes des CDS, ces « assurances de crédits », montrent une ascension constante depuis deux semaines. L’Espagne a ainsi dépassé son précédent maximum, qui datait de décembre dernier.
 
Les LTRO n’ont pas donné les résultats escomptés. Cela se comprend si l’on prend en compte le doute croissant sur la capacité de l’Espagne et de l’Italie à rétablir tant leur solvabilité interne (la capacité à maintenir une dette stable et à en servir les intérêts) que leur solvabilité externe (la capacité du pays à rembourser les emprunts qu’il contracte pour payer son déficit de la balance commerciale).

Les banques espagnoles ont d’ailleurs dû emprunter à la BCE pour 316 milliards d’euros en mars, alors qu’elle n’avaient emprunté « que » 170 milliards en février. La perception de la qualité du crédit, qu’il soit public ou privé, se dégrade rapidement en Espagne.

En ce qui concerne l’Italie, une part croissante des investisseurs pense que ce pays devra restructurer sa dette avant la fin de l’année. Or, l’exemple de la Grèce, où les gouvernements avaient fait pression sur leurs banques pour qu’elles acceptent l’échange de titre à des conditions très défavorables, est encore frais dans toute les mémoires. Les banques sont donc de plus en plus réticentes non seulement à acheter des dettes nouvelles de l’Italie mais même à conserver les titres italiens qu’elles ont acquis dans leur portefeuille.
 
À cette situation s’ajoute une fuite des capitaux massive de l’Espagne et de l’Italie, que ce soit vers des pays considérés comme « surs » dans la zone euro (essentiellement l’Allemagne, les Pays-bas et le Luxembourg) ou vers l’extérieur de la zone (la Suisse, les États-Unis et, de plus en plus, les pays asiatiques). Depuis le 1er août 2011, ce ne sont pas moins de 155 milliards d’Euros qui ont quitté l’Espagne pour aller vers les pays « surs » de la zone Euro, dont 65 milliards rien que pour le mois de mars dernier. Cette fuite des capitaux nous indique la mesure de la défiance des investisseurs. Si l’on regarde maintenant la fuite des capitaux hors de la zone Euro, nous avons aussi la mesure de la défiance vis-à-vis de l’euro.
 
Si l’on ne tient compte que des mouvements à l’intérieur de la zone euro, on peut faire trois constatations :

- Le mouvement, qui a commencé au début de 2010 a connu un premier pic à la fin de la même année, s’est calmé par la suite, pour reprendre de manière continue et explosive depuis août 2011.

- Concentré au départ sur la Grèce, le Portugal et l’Irlande, il a vu la part de l’Espagne et de l’Italie se développer de manière spectaculaire depuis août 2011.

- Si les flux se sont toujours dirigés sur l’Allemagne, en proportion de la taille de cette économie, sa part comme receveur de ces flux tend à diminuer au profit des Pays-Bas, pays dont l’orthodoxie monétaire semble plus rassurer les investisseurs, mais aussi pays plus ouvert et d’ou on peut bien mieux – le cas échéant – faire glisser ses capitaux vers des paradis fiscaux…

 

(Source : Bloomberg, 13/04/2012 et CEMI-EHESS)
(Source : Bloomberg, 13/04/2012 et CEMI-EHESS)
Quelles sont alors les options pour la BCE ? Elle peut reprendre ses LTRO. Mais, on l’a déjà écrit, leur efficacité est désormais faible devant les inquiétudes que suscitent la solvabilité de l’Espagne et de l’Italie. Elle peut aussi reprendre ses achats de titres sur le marché secondaire. Mais, d’une part, elle a déjà acheté pour plus de 214 milliards de titres de dettes de pays en difficulté, ce qui pèse sur son bilan si l’on y ajoute les achats de dettes privés « toxiques » fait pour soulager les banques et les prêts consentis à ces dernières. D’autre part, cette politique rencontre désormais l’opposition de plus en plus nette non seulement des représentants allemands mais aussi des représentants néerlandais et finnois en son sein.
 
La démonstration est désormais faite que la politique monétaire ne peut à elle seule venir à bout de cette crise. Il faut, aussi, un volet de politique budgétaire, et non pas seulement sous la forme de politiques d’austérité mais de politiques de croissance. Il ne peut en effet y avoir de retour à la solvabilité, qui conditionne l’accès à la liquidité, pour les pays en détresse qu'à deux conditions (conjointes) : une forte croissance ou à une croissance modérée avec une forte inflation (il faut une croissance nominale du PIB de 5% à 6%) ; des transferts importants (à hauteur de 3% à 4% du PIB) de l'Allemagne vers les pays à problèmes (Grèce, Portugal, Espagne, Italie) pendant une période de 4 à 6 ans.
 
Si l'Allemagne est incontestablement prête à faire un geste en direction de la croissance, il ne sera pas à la hauteur de ce qui serait nécessaire, et l’on ne doit entretenir aucune illusion à ce sujet. Dès lors le Pacte budgétaire et le MES vont s’avérer des pièges redoutables dans lesquels les pays européens se seront d’eux-mêmes enfermés. Si l’on ne veut pas que cette crise emporte avec elle tous les acquis sociaux de ces cinquante dernières années et plonge l’Europe dans la misère et le désespoir, il ne nous reste que deux solutions : soit on peut renégocier en profondeur, et non à la marge, le Pacte budgétaire mais il convient de le faire sur la base de mesures unilatérales et en assumant le risque d’une rupture au sein des pays de la zone euro ; soit il faudra déconstruire cette dernière, et le plus vite sera le mieux.
 
Ni François Hollande, ni Nicolas Sarkozy ne sont prêts à l’une ou à l’autre de ces options. L’avenir de la France s’annonce donc fort sombre.

 

Jacques Sapir est directeur d'études à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur associé au Collège d'économie de Moscou (MSE-MGU).
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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 13:09

«Prenons toutes nos responsabilités pour permettre l’émergence d’une force de transformation sociale et écologique, durable et utile contribuant au rassemblement de toute la gauche de gauche.» Par Christophe Aguiton, Clémentine Autain, Jean-Jacques Boislaroussie, Jean-Michel Drevon, Jacqueline Fraysse, Razmig Keucheyan, Stéphane Lavignotte et Myriam Martin.

 


 

Le vieux monde se meurt. Cessons de nous accrocher aux branches. Alors que le capitalisme financiarisé nous plonge dans un cycle violent de récession et de creusement des inégalités, les tenants du There Is No Alternative ont enclenché une nouvelle offensive pour détricoter plus encore les droits et protections, aggraver la misère, démanteler les services publics, menacer les libertés collectives et individuelles, mettre au régime sec les dépenses publiques, détériorer davantage le rapport entre le capital et le travail, poursuivre le pillage des ressources naturelles de la planète en ignorant les enjeux climatiques et environnementaux.

Or, contrairement à ce que l’idéologie dominante comme la droite et les socio-libéraux nous rabâchent matin, midi, et soir, il y a une vie en dehors de l'austérité et du sécuritaire. La rupture est la seule issue pour répondre aux légitimes aspirations populaires à vivre dignement. Nous devons résister et inventer. Les marchés financiers accaparent nos richesses, le consumérisme et le productivisme détruisent l’écosystème et nos désirs, les rouages démocratiques sont à bout de souffle, le racisme et la xénophobie font des ravages : cette société brise les conditions de l’émancipation humaine. En parodiant Alice, de Lewis Carroll, disons que si ce monde n’a aucun sens, qu’est-ce qui nous empêche d’en inventer un ?

Nous avons à reconstruire une espérance. Le préalable, c’est le rassemblement de toutes les forces politiques et sociales qui ne se résignent pas à l’ordre capitaliste des choses et qui défendent le parti pris d’une alternative radicale. Cette unité est l’une des conditions sine qua non pour faire émerger une force politique à la hauteur des défis contemporains. Une force qui vise à être majoritaire pour que le peuple prenne le pouvoir et que soient mise en œuvre les réformes à même d’améliorer les conditions d’existence du plus grand nombre. Une force présente au quotidien dans l’espace proprement politique, dans le débat d’idées et dans les mobilisations sociales. Une force qui articule le combat sur le champ politique, notamment celui de ses élu-e-s avec celui des indignés qui protestent en occupant les places , des salarié-e-s tenant tête aux plans de licenciements, à la remise en cause des acquis sociaux et à la détérioration des conditions de travail, des sans-papiers, des chômeurs pour le droit à l'emploi, des féministes et des mouvements LGBT pour faire vivre l’égalité des sexes et des sexualités, des habitant-e-s des quartiers populaires vent debout contre la stigmatisation, les discriminations érigées en système et le développement inégal des territoires, des « pirates » qui veulent découvrir et partager la culture contemporaine sur Internet, des écologistes de terrain qui font en masse obstacle au projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, à la poursuite du nucléaire, à l'extraction du gaz du schiste ou au développement des cultures OGM…  Une force liée à toutes les alternatives et s’en enrichissant ; reprise autogestionnaire et coopérative d’entreprises, alter-consommation, construction de solidarités, contre-pouvoir citoyens sont des terreaux d’une alternative de société. Une force qui fasse primer la mise en commun, la valorisation des savoir-faire et des savoir-vivre et la démocratie sur la recherche du profit maximal pour quelques rentiers et la confiscation des pouvoirs par une poignée d’oligarques.

Pour parvenir à cet objectif,  la dynamique engagée autour de la candidature de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle, prolongement de la campagne dynamique et militante pour le non de gauche au Traité Constitutionnel Européen, en 2005, et de la grande lutte de résistance de l'automne 2010 pour défendre les retraites, est un point d’appui substantiel. Le tranchant et l’audace de cette campagne rencontrent des attentes fortes : oui, nous avons besoin d’une gauche pour de bon, une gauche indépendante du social-libéralisme qu’incarne aujourd’hui le Parti socialiste. Dans toute l’Europe, le score du Front de gauche sera regardé et attendu car nous faisons vivre la résistance aux plans de rigueur imposés par la troïka – FMI, UE, BCE – dont la Grèce est le triste laboratoire. Dans de nombreux pays européens, des forces politiques de la gauche en rouge et vert se construisent et progressent. Elles doivent faire bloc. L’effervescence suscitée par la candidature de Jean-Luc Mélenchon tient notamment à la capacité à faire vivre l’apport de sensibilités et de cultures différentes dans un espace commun cohérent.

L'enjeu est de rassembler toutes les forces de la « gauche de gauche », de cristalliser la dynamique populaire en mouvement politique permanent. Pour construire un front large, nous avons à faire converger durablement les centaines de milliers de personnes qui ont afflué aux meetings, les organisations investies dans ou hors du Front de Gauche, les équipes du mouvement social qui se sont impliquées dans la campagne, tous les individus qui ont repris à cette occasion goût à la politique. Chacun doit pouvoir se joindre à ce combat, par adhésion directe, dans une construction politique dont les règles démocratiques seront définies par tous et toutes…

Réussir ce pari, c'est la condition pour être efficace contre la droite, faire contre poids à l'extrême droite et disputer à gauche l'hégémonie du social libéralisme. Parce que nous venons de trajectoires différentes, nous savons que nous n’y parviendrons qu’en analysant lucidement les erreurs du passé, et en inventant un large mouvement pluraliste qui fasse une place à chacune et à chacun et trouve une articulation nouvelle avec les mouvements sociaux, écologistes et associatifs, les citoyens et les intellectuels.

Le 22 avril, premier tour, il faut assurer le plein des voix pour Jean-Luc Mélenchon et au second, le 6 mai, il ne doit manquer aucune voix pour licencier Nicolas Sarkozy. Partant de ces victoires, prenons toutes nos responsabilités pour permettre l’émergence d’une force de transformation sociale et écologique, durable et utile contribuant au rassemblement de toute la gauche de gauche.

Christophe Aguiton, militant syndical et associatif
Clémentine Autain
, Fase (Fédération pour une alternative sociale et écologique)
Jean-Jacques Boislaroussie
, Les alternatifs
Jean-Michel Drevon
, militant syndical et associatif
Jacqueline Fraysse
, députée
Razmig Keucheyan
, sociologue
Stéphane Lavignotte
, militant écologiste
Myriam Martin, militante de la Gauche anticapitaliste, courant unitaire pour l'écosocialisme, ancienne porte-parole du NPA.

Pour en discuter nous organisons une réunion le mercredi 9 mai à 19h00 à la Bourse du Travail de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).

 


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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 12:20

 

Ecole: les moyens attribués renforcent les inégalités

LE MONDE | 12.04.2012 à 11h33 • Mis à jour le 12.04.2012 à 14h11

Par Maryline Baumard

 

Exclusif. Un document de la Cour des comptes sur les inégalités à l'école montre que l'éducation nationale dépense 47 % de plus pour un lycéen parisien que pour un élève de Créteil

 
Dans son rapport provisoire, la Cour des comptes souligne les inégalités de répartition des moyens d'enseignement sur le territoire.

L'éducation n'est plus nationale. Un rapport d'observations provisoires de la Cour des comptes que Le Monde s'est procuré montre pour la première fois l'injustice de la répartition des moyens d'enseignement sur le territoire. Quelque 93 pages d'un travail inédit dévoilent ligne après ligne comment l'Etat donne plus à ceux qui ont déjà plus et moins à ceux qui cumulent tous les risques de réussir moins bien. Un favoritisme qui s'est aggravé ces dernières années.

L'académie de Créteil, qui était en 2006 dans la moyenne nationale pour la dépense par élève dans le primaire, est tombée au 22e rang sur 26. Et c'est la même injustice dans les lycées et collèges. Pour la rentrée 2011, Créteil, qui gagnait 3 836 élèves dans le second degré, a perdu 426 postes, quand l'académie de Paris, qui gagnait, elle, 1 000 élèves, a obtenu 20 emplois de plus.

L'académie de Paris est la mieux dotée.

Ce travail est entre les mains du ministère et de quelques recteurs invités à faire part de leurs remarques à la Cour. La procédure classique prévoit que leurs réponses soient annexées au rapport définitif. Selon la chronologie évoquée dans ces pages, il a fallu une année aux rapporteurs de la Cour des comptes pour obtenir les données nécessaires à leur travail. Les magistrats racontent avoirbatailler ferme pour obtenir certaines informations du ministère de l'éducation, et précisent que leurs demandes "n'ont pas toujours abouti".

 SITUATION ANCIENNE

Même si la situation est ancienne, le gouvernement n'a aucun intérêt à laisser sortir ces comparaisons, qui montrent qu'en 2010 l'Etat a dépensé 47 % de plus pour former un élève parisien que pour former un banlieusard de Créteil ou de Versailles. 51 % de plus pour former un Parisien qu'un Niçois... Il est décrit, noir sur blanc, comment sous couvert d'une éducation censée offrir à tous la même chose, voire donner plus à ceux qui ont moins, l'école française entérine des situations acquises qui sont profondément injustes. Paris a des enseignants expérimentés, une offre de formation bien plus large que d'autres académies et, même si son taux d'encadrement n'est pas plus élevé, cela privilégie le Parisien.

En France, on sait où sont les élèves défavorisés, mais on ferme les yeux sur cette donnée lors de l'allocation des moyens. Le ministère octroie les postes d'enseignants aux académies ni vraiment en fonction du nombre d'élèves, ni en fonction de leur milieu social, ni en fonction des résultats aux évaluations, s'étonnent les magistrats. "Il est impossible à partir des données fournies par le ministère de mettre en regard l'évolution des moyens financiers alloués par l'Etat, celle du nombre d'élèves et celle de leurs résultats", jugent-ils.

Preuve que les situations de fait sont entérinées, les calculs se font toujours par rapport aux moyens dont dispose déjà une académie. S'y ajoutent deux principes, selon la Cour : plus une académie est grande, plus elle est ponctionnée en période de récupération de postes. Et plus son tour arrive tard dans le dialogue de gestion entre le ministère et les académies, moins il reste de postes de profs à distribuer. Dommage pour Créteil et Versailles qui couvrent la banlieue parisienne et ses quartiers difficiles mais répondent à ces deux critères ! Interrogé sur ce rapport, l'actuel directeur de l'enseignement scolaire, Jean-Michel Blanquer, répond que "son affectation des moyens tient compte des nécessités de compensation". Et que son mode d'attribution est "complexe mais pas opaque".

L'Etat finance plus de la moitié des dépenses d'éducation.

Pourtant, la différence de traitement commence dès qu'un enfant met un pied dans l'école. Pour un élève de primaire de l'académie la plus défavorisée de France métropolitaine, le pays dépense 2861euros par an. Pour un Parisien, il en dépense 3 134. De la maternelle au CM2, cela fait un différentiel d'une année d'enseignement... Et la scolarité des enfants de 2 ans, qui doit être un accélérateur de réussite pour ceux qui sont les plus éloignés des apprentissages? Les "pauvres" sont les premiers à en être écartés. Le rapport révèle qu'en Seine-Saint-Denis, seuls 0,9 % des moins de 3 ans ont une place à l'école contre un peu plus de 4 % dans l'académie de Créteil tout entière et 13,4 % en moyenne nationale (jusqu'à 49 % en Lozère).

BONNE CONSCIENCE

Le ministère se donne bonne conscience en calculant l'argent qu'il distribue, en primes et autres crédits pédagogiques, aux zones d'éducation prioritaires (ZEP). Il estime que ces zones bénéficient d'une manne annuelle de 922 millions d'euros. Mais il oublie de prendre en compte le fait qu'on affecte dans les zones défavorisées les profs qui coûtent le moins chers. A Créteil, 21,6 % des enseignants ont moins de 30 ans (pour une moyenne nationale à 9,2 %) et 8,6 % sont non titulaires (contre 4,9% en moyenne). A contrario, à Paris, 24,2 % des profs sont agrégés pour une moyenne nationale deux fois moins élevée. Un établissement de ZEP de Créteil coûte moins cher à l'Etat qu'un établissement classique à Paris! Par ailleurs, selon l'académie où il se trouve, un établissement de ZEP sera différemment doté. Dans l'académie de Marseille, en 2010, l'éducation prioritaire comptait des taux d'encadrement de 4,3 % inférieur à la moyenne d'encadrement de l'académie quand les écoles non ZEP étaient 1,6 % au-dessus, a observé la Cour.

A ces écarts de dotation de l'Etat s'ajoute le différentiel important d'une collectivité territoriale à une autre. En lycée, la participation des régions varie du simple au double, et celle des mairies, pour le primaire, de 1 à 10. Mais le comble est que le ministère ne dispose pas de ces éléments. C'est ce qu'il a répondu à la Cour dans un courrier du 13 octobre 2011! Difficile dans ces conditions d'en tenir compte.

CONSTAT ACCABLANT

Tout cela pose la question du pilotage politique du système éducatif. S'il est une prérogative que la Rue de Grenelle est la seule à pouvoir exercer, c'est bien la correction des inégalités. Or, elle les entérine, selon le constat accablant de la rue Cambon: "Au vu de ces chiffres et de leur évolution récente, aucun élément attestant d'une politique particulière en matière de réduction des inégalités n'apparaît donc de manière flagrante. (...) Alors même que les outils sont disponibles, le ministère ne se met pas en position d'analyser précisément les inégalités territoriales, leurs causes et leurs moyens de les limiter." La Cour ne fait pas de recommandations.

Elle conclut que, "si le ministère souhaite réellement lutter contre les inégalités géographiques de résultats des élèves, une profonde inflexion de ses politiques et une réforme de son mode d'allocation des moyens apparaissent indispensables". En revanche, elle interroge le ministère: "Envisage-t-il une évolution dans sa répartition nationale des moyens ? Si oui, quels en seraient les principes et modalités ?" La réponse apportée à cette question sera un bon indicateur du courage politique du prochain ministre.

> Lire aussi A Berlin, l'école s'adapte dans la transparence.

et l'éditorial du Monde : Notre éducation n'est pas nationale

Maryline Baumard

 

 

 

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 12:09

 

Le Monde.fr avec AFP | 12.04.2012 à 08h14 • Mis à jour le 12.04.2012 à 12h34

 
 
L'inflation en mars provient en partie de fortes augmentations de prix des produits pétroliers et alimentaires, selon l'Insee.

Les prix à la consommation en France ont progressé de 0,8 % en mars après avoir déjà augmenté de 0,4 % en février, grimpant de 2,3 % sur un an, a annoncé jeudi 12 avril l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

L'inflation en mars provient en grande partie de la forte augmentation des prix des produits manufacturés - notamment pour l'habillement et les chaussures, mais aussi pour les équipements de sport, de camping et de loisirs de plein air, ou encore des meubles - liée à la fin des soldes d'hiver dans la plupart des départements, précise l'Institut.

Mais elle résulte aussi d'augmentations importantes des prix des produits pétroliers, avec un coût de l'énergie en hausse de 1,2 % sur un mois - qui suit une hausse de 1 % en février-, et de 6,5 % sur un an, dans le sillage de la hausse des prix du pétrole brut. Le renchérissement des prix de l'énergie résulte de celui des prix des carburants, qui augmentent de 2,3 %, tandis qu'avec l'arrivée de températures plus clémentes, les prix des combustibles liquides s'accroissent plus modérément, de 0,6 %.

BOND DES PRODUITS FRAIS

Les prix alimentaires subissent également une hausse sensible de 0,7 % en mars sur un mois, et de 3,7 % sur un an. Les prix des produits frais font notamment un bond de 5,5 % en mars. Les difficultés de production en février affectent encore les prix des légumes frais, qui augmentent de 4,8 %. De manière saisonnière, les prix des fruits frais sont en hausse de 8,2 %. Hors produits frais, les prix de l'alimentation sont stables, mais ont tout de même augmenté de 3,8 % sur un an. Les prix des services sont quant à eux en légère hausse, de 0,2 % en mars, donnant une hausse de 1,5 % sur un an, note encore l'Insee.

A contrario, les produits pharmaceutiques diminuent à nouveau de 0,7 % sur un mois et de 2,4 % sur un an. Les prix des matériels de traitement de l'information baissent aussi légèrement, tout comme ceux des équipements photo et cinéma et des équipements audiovisuels, de téléphonie et de télécopie.

L'indicateur d'inflation sous-jacente, c'est-à-dire hors prix volatils (produits pétroliers, produits frais...) et prix administrés (électricité, gaz, tabac...), s'est finalement affiché en hausse de 0,5 % en mars, et de 1,6 % sur un an. L'indice des prix harmonisé IPCH, qui permet des comparaisons avec les autres membres de la zone euro, augmente pour sa part de 0,9 % sur un mois en mars, et de 2,6 % sur un an.

 

 

 

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11 avril 2012 3 11 /04 /avril /2012 09:35

 

Le Monde.fr | 11.04.2012 à 11h05 • Mis à jour le 11.04.2012 à 11h08

Par Propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières

 
 
Philippe Poutou, le 9 avril à Paris.

En cas de victoire de François Hollande, Philippe Poutou, candidat du Nouveau Parti anticapitaliste, souhaite construire avec les autres partis à la gauche du PS une opposition à ce gouvernement-là.

 

Le NPA a eu du mal à réunir ses 500 parrainages. Pourquoi était-ce si important d'avoir un candidat à la présidentielle ?

Parce qu'on veut faire entendre une voix anticapitaliste. Et dire aussi qu'il y en a ras-le-bol du discours sur l'austérité et la rigueur, qu'autre chose est possible. Il faut aller prendre l'argent là où il est, dans la poche des capitalistes. En 25 ans, c'est 10 % du PIB qui est passé des poches des salariés vers celles des capitalistes. Cela représente environ 200 milliards d'euros par an qu'il faut récupérer. Cela passe par l'expropriation des banques et l'annulation de la dette.

Le travail reste une préoccupation majeure des Français. Que leur proposez-vous ?

La politique menée depuis trente ans n'a fait que se traduire par l'augmentation du chômage, de la précarité et de la pauvreté. Il y a urgence à stopper les licenciements et à répartir le travail entre tous, non seulement avec les 35 heures mais aussi en allant vers les 32 heures hebdomadaires. C'est aussi le retour à la retraite à 60 ans, avec 37,5 annuités, et à 55 ans pour les travaux pénibles. On souhaite enfin un plan massif d'embauche dans les services publics, dans la santé et l'Education nationale et en faveur d'un service public de l'énergie rendue nécessaire par la sortie du nucléaire.

Vous dénoncez la professionnalisation de la politique. Pourquoi ?

On nous parle de démocratie, de représentation du peuple et on se retrouve avec une caste politique déconnectée de la population. Nous sommes pour limiter les revenus des élus : ce n'est pas normal de gagner 6 000 ou 10 000 euros par mois quand on est élu. Nous sommes contre la spécialisation d'une caste. Qu'il y ait une représentation, c'est normal, mais il faut limiter à un ou deux le nombre de mandats qu'un élu peut faire. Et il n'en faut qu'un en même temps : c'est complètement anormal de cumuler deux, trois, quatre mandats comme la plupart le font.

Pour vous, cela alimente l'abstentionnisme...

Oui, d'autant plus qu'on assiste à un vrai cirque électoral où les préoccupations de la vie quotidienne de la population ne sont pas prises en compte. Le plus caricatural, c'est Sarkozy, le président des riches qui devient le candidat du peuple. Il y en a qui se font avoir et après, c'est de la désillusion, de l'écœurement. Dans les milieux populaires, personne ne pense que les élections peuvent changer les choses. Aujourd'hui, il va y avoir un vote pour se débarrasser de Sarkozy, mais il n'y aura pas un vote pro-Hollande qui ne suscite aucun espoir.

Comment vous jugez la campagne de Jean-Luc Mélenchon ?

Il y a un succès qui est positif dans le sens où ça peut donner la pêche aux militants du PCF et du PG, mais si c'est pour en faire un gros coup électoral ou pour nous refaire le coup de la gauche plurielle, ça pose un problème. Derrière, c'est forcément des désillusions. Avec le Front de gauche, il y a des revendications communes, mais il y a aussi une solution qui n'est pas la nôtre. C'est celle de fonctionner avec le PS. On est pas d'accord avec cette perspective de soutien même critique à la gauche.

Le Front de gauche n'est-il pas en train de réussir ce que le NPA ambitionnait de faire ?

Non ! Construire un PS bis, un peu plus radical que celui d'aujourd'hui, c'est moins compliqué que de construire un parti anticapitaliste. Hollande est sur une ligne très à droite et il y a un espace à gauche qu'occupe le Front de gauche. Nous, nous discutons d'un outil politique qui permette demain de se battre contre le capitalisme. On discute d'expriopriation des banques, d'une véritable démocratie, d'une remise en cause du pouvoir des capitalistes sur l'économie. On ne construit pas la même chose même s'il y a toujours possibilité de discuter entre nous, de résister ensemble.

Quel regard portez-vous sur les cadres de votre parti qui ont appelé à voter pour M. Mélenchon ?

Depuis le début, ils ne soutiennent pas ma candidature. Avec Bové [en 2007], on avait vécu exactement la même chose. Il y a des désaccords mais on n'est pas des adversaires, on se retrouvera plus tard dans les luttes.

Mais quand on en vient à se déchirer sur des questions d'argent, c'est que ça ne va pas bien...

Ce qui ne va pas bien, c'est la crise du monde capitaliste, ce n'est pas le NPA. Tout le monde a ses histoires. C'est de bon ton de parler du NPA. Dès qu'il y a une petite histoire croustillante, on la ressort. C'est intéressant, ça passionne du monde sauf les électeurs. Ce sont nos affaires, on essaie de les gérer au mieux mais on ira jusqu'au bout malgré ces difficultés.

Comment voyez-vous l'avenir du parti ?

Il faut qu'on tienne parce qu'il faut une force anticapitaliste. On verra comment on reconstruira. Dans nos meetings, des gens reviennent, adhèrent. Ce n'est pas massif mais il y a quelque chose qui se passe, qu'on n'avait pas connu depuis trois ans.

Un rapprochement avec LO est-il possible ?

On verra bien. Pour l'instant, ils jouent la carte solitaire. Nous, on pense qu'il n'y a pas le choix, qu'il faut discuter avec l'ensemble de la gauche de la gauche pour organiser une riposte. Si la gauche gagne, il faudra construire une opposition à ce gouvernement-là. Aujourd'hui, dans le programme de Hollande, sur la précarité, le chômage, il n'y a rien. C'est dramatique. Et cette opposition là, le NPA ne peut pas la construire à lui tout seul.

Appelerez-vous à voter Hollande au deuxième tour ?

Il faudra qu'on en discute collectivement à l'issue du premier tour pour savoir comment on formule la position du NPA. Aujourd'hui, ce qu'on dit, c'est qu'il faut dégager Sarkozy et toute sa bande. Ça redonnerait la pêche à des millions de gens.

Vous avez dit que vous ne vous représenterez pas. C'est difficile une présidentielle ?

Il faut se rendre compte qu'on est pas des politiciens professionnels. Je suis ouvrier dans une usine. Etre dans la lumière, c'est compliqué. Il y a une pression parce qu'on a envie de bien faire le boulot. Demain, je vais retrouver ma vie et mes potes. Ça me fait très plaisir de retrouver cette vie-là. Et ce n'est pas parce que je dis ça que je regrette tout le reste. La vie, ce n'est pas la présidentielle.

Propos recueillis par Raphaëlle Besse Desmoulières

 

 

 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 20:14

Parce que le droit à la santé, à l’éducation, au travail, à l’alimentation ou au logement sont des droits universels à part entière, nos organisations −associatives et syndicales− réunies au sein de la plateforme pour les droits économiques, sociaux et culturels (plateforme DESC), sont déterminées à les défendre et à les faire respecter. Mis à mal par les politiques économiques qui s’appuient sur la crise, les DESC ont bien souvent fait figure de parent pauvre dans l’histoire des droits de l’Homme, au profit des droits civils et politiques, malgré la Conférence mondiale de Vienne de 1993 qui réaffirmait sans équivoque l’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité de tous les droits. Selon nous, les DESC déterminent la capacité d’une société démocratique à se consolider durablement et devraient donc être renforcés en période de crise. À l’aube d’un nouveau quinquennat, notre constat est qu’à l’inverse, ils ne cessent d’être affaiblis.

Des inégalités sociales aggravées

Soulignons ce paradoxe : la mise en cause de tous les éléments de la politique sociale au moment où leur existence aurait le plus de sens. Au nom de la réduction des dépenses publiques, au nom du dogme de la baisse indifférenciée des prélèvements obligatoires, les inégalités en période de crise galopent ! Assurément, le vent de l’iniquité souffle sur les droits sociaux et emporte avec lui les principes fondamentaux qui sont ceux de la République. Nos organisations s’opposent à cette politique de déconstruction de la protection sociale, où la rigueur budgétaire sème sur son passage injustice et inégalité. Nos organisations dénoncent la concentration des richesses au profit d’une catégorie restreinte de personnes et la pauvreté du plus grand nombre, sans oublier la stigmatisation dont ils sont en général l’objet. Aujourd’hui, les 10 % les plus riches de la population reçoivent 24% de la masse des revenus et ont un patrimoine plus de 2 000 fois supérieur à celui des 10 % les moins fortunés ! Une telle situation ne laisse qu'un seul choix : celui du retour à la solidarité et aux droits.

Les services publics et la protection sociale : des droits pour tous

Les services publics sont une dimension incontournable du paysage social, économique, voire culturel français. Pourtant, ils sont depuis longtemps remis en cause par une politique qui vise à les réduire à un simple filet de sécurité, offrant un service de plus en plus insuffisant à ceux qui ne peuvent se payer une sécurité sociale optimale. Cette politique oublie que les services publics ont pour rôle d’assurer à tous et partout l’égalité de l’accès à l’éducation, la santé, la justice mais aussi l’information, la mobilité, la culture… Concernant la protection sociale, les enjeux de financement ne sont pas systématiquement confrontés aux responsabilités liées aux droits sociaux fondamentaux. Alors que l’individualisation est favorisée dans le système de retraites, le système de soins est marqué par la suppression des dépenses non rentables considérées comme « inutiles », quand bien même les besoins fondamentaux exigent qu’elles soient effectives.

Notre solution : la politique des droits

Les politiques publiques mises en place ces dernières années reposent sur une diminution des niveaux de protection des droits sociaux au motif  «qu’on ne peut pas faire autrement », « que tout le monde le fait ». Mais ce discours prétendument rationnel masque un parti pris politique et idéologique. Comment y croire lorsque la concentration des richesses, des privilèges et des positions sociales par une minorité de nantis constitue une réalité flagrante ? À cette logique de prédation, nous voulons opposer la logique des droits.

Les droits économiques, sociaux et culturels sont aussi fondamentaux que les droits civils et politiques, et c'est leur indivisibilité qui fonde notre combat. Le social n'est pas un sous-produit de l'économique et encore moins des marchés financiers. Se battre pour le social, c'est vouloir la plénitude de la citoyenneté politique économique et sociale. Le refus du social, c'est le maintien des inégalités à travers une conception théorique et politique visant à minimiser le caractère fondamental des droits sociaux. Pour notre part, nous considérons que les droits de l’Homme ne sont pas une des possibilités de la politique, mais constituent un ensemble indivisible d’obligations à mettre en œuvre dans leur globalité. Il n’est plus viable d’avoir une vision partiale et partielle de l’économie en oubliant que la mise en œuvre des droits fondamentaux contribue à la promotion générale et durable d’une société.

Les associations et organisations de la Plateforme DESC défendent et promeuvent l’universalité et l’indivisibilité des droits, car c’est dans la mise en œuvre dialectique des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels qu’une société démocratique puise les ressources de sa puissance économique effective. L’approche par les droits fondamentaux, dans leur globalité, génère une éthique économique et sociale favorable à la justice et aux libertés.

 

Annick Coupé, Secrétaire générale de l’Union Syndicale Solidaires  (USS)
Bernadette Groison
, Secrétaire générale de la Fédération Syndicale Unitaire (FSU)
Pierre-Yves Madignier
, Président d’ATD Quart Monde
Didier Prince-Agbodjan
, Président de Terre des Hommes France
Bernard Salamand
, Président du CRID  (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement)
Pierre Tartakowsky
, Président de la Ligue des droits de l’Homme

 

 

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 19:17

LE MONDE ECONOMIE | 10.04.2012 à 15h52 • Mis à jour le 10.04.2012 à 15h52

Par Thibault Gajdos , CNRS

 

On ne les entend pas, on n'en parle pas ; ce sont les grands absents de cette campagne électorale. Et pourtant ! On pourrait reprendre, au mot près, la vigoureuse interpellation de Victor Hugo à l'Assemblée nationale, le 9 juillet 1849 : "La misère, Messieurs, j'aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu'où elle peut aller, jusqu'où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au Moyen Age, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons. Voulez-vous des faits ?"

En voici. En 2010 (derniers chiffres connus), 8 ,2 millions personnes vivaient en France en dessous du seuil de pauvreté - qui est fixé à 60 % du revenu médian, soit 954 euros (données de l'Insee, 2009). Parmi elles, figuraient 2,153 millions d' enfants de moins de 16 ans, soit un enfant sur cinq.

330 000 PAUVRES DE PLUS QU'EN 2007

La pauvreté devait baisser - Nicolas Sarkozy s'y était solennellement engagé - d'un tiers au cours de ce quinquennat. Or, il y avait, en 2010, 330 000 pauvres de plus qu'en 2007. Le nombre d'enfants pauvres de moins de 6 ans a augmenté d'un tiers, et frôle le million.

Le rapport que vient de publier l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (Onpes) est accablant. Entre 2002 et 2009, l'intensité de la pauvreté, qui mesure l'écart relatif du revenu médian des pauvres par rapport au seuil de pauvreté, est passé de 16 % à 19 %, tandis que la proportion de personnes en situation de pauvreté extrême (moins de 40 % du revenu médian) a augmenté de 43 %, passant de 2,3 % à 3,3 %.

Comment expliquer que ces questions soient absentes du débat électoral ? Est-ce que l'aggravation de la pauvreté, mesurée par les statistiques, serait imperceptible pour les citoyens ? Non.

ACTION URGENTE

Selon l'Eurobaromètre "Pauvreté et exclusion sociale" (décembre 2010), 93 % des Français estiment que la pauvreté a augmenté entre 2007 et 2010. On ne peut pas davantage dire qu'ils s'en désintéressent : 91 % d'entre eux estiment qu'il s'agit d'un problème qui requiert une action urgente du gouvernement. Il est vrai que leur confiance dans l'action gouvernementale contre la pauvreté a fortement chuté, passant de 35 % en 2009 à 23 % en 2010.

Et c'est peut-être là qu'est l'explication.

Il se pourrait que, les citoyens n'attendant plus rien d'eux en ce domaine, les candidats aient renoncé à combattre la pauvreté.

Il se peut, aussi, qu'ils manquent d'imagination. Auquel cas ils pourront lire avec profit les dernières recommandations du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE), organisme dirigé par Etienne Pinte, député UMP de Versailles : revalorisation de 25 % du revenu de solidarité active (RSA) socle (qui devra être indexé sur les revenus d'activité, et non plus sur les prix), abrogation des restrictions concernant l'aide médicale d'Etat contenues dans la loi de finances 2011, revalorisation du seuil d'accès à la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) à hauteur de 60 % du revenu médian.

"Détruire la misère, oui, cela est possible ; les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse, car, en pareille matière, tant que le possible n'est pas fait, le devoir n'est pas rempli." Victor Hugo, encore.

Une du "Monde Economie" du mercredi 11 avril 2012.

Thibault Gajdos , CNRS

 

 

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 21:47

Ainsi notre Europe dite démocratique, celle que l’on croyait animée par les idéaux de progrès et d’humanisme, de liberté et de solidarité, est-elle en train de fabriquer, par les flagrantes injustices sociales que sa désastreuse et contreproductive politique économique engendre, un nouveau type de citoyens : les suicidés, plus encore que les pauvres !

         C’est là ce que vient de démontrer de manière particulièrement criante, en ce matin du mercredi 4 avril 2012, ce geste terriblement tragique par lequel un retraité grec, Dimitris Christoulas, vient de se donner la mort, en se tirant une balle dans la tête sur la très centrale place Syntagma d’Athènes (en face de laquelle se trouve le Parlement grec), pour ne pas crouler davantage sous un poids de dettes qu’il ne pouvait plus honorer suite à la très drastique cure d’austérité imposée par l’encore plus impitoyable diktat des différentes instances financières de la planète.

         Une nouvelle preuve, cet acte dramatique sur le plan humain, de ce que je stigmatisais, il n’y a guère si longtemps, dans une de mes tribunes lorsque j’y dénonçais une Europe dont la faillite politique la menait insensiblement, mais à présent de manière toujours plus visible, vers la dictature économique.

         Carla Grècen’est pas le seul pays de l’Union Européenne, hélas, à devoir subir la très technique et mécanique loi, au détriment de ses citoyens les plus faibles ou démunis, de la haute finance et autres spéculateurs véreux (au premier desquels on placera ces honteux profiteurs de l’inégalité sociale que sont les grands patrons d’industrie lorsqu’ils ne craignent pas de s’auto-délivrer de faramineuses sommes d’argent, en plus de leur salaire déjà mirobolant, en guise de « bonus » et autres « parachutes dorés »). Ainsi, par exemple, l’Italie, pour ce seul trimestre (les trois premiers mois de cette année 2012), a-t-elle déjà pu compter, parmi sa population la plus fragilisée à cause de ces mêmes coupes budgétaires, quinze suicides, que ce soit par immolation ou par pendaison, dus à la pauvreté galopante.

         D’où, cette observation qui, pour cruelle qu’elle soit humainement, n’en demeure pas moins réaliste socialement : cette saisissante mais juste formule par laquelle Antonin Artaud qualifia jadis Vincent Van Gogh de « suicidé de la société », en raison de sa douloureuse existence de peintre mal aimé et sans le sou, ne s’applique plus seulement, désormais, aux artistes maudits ; elle s’applique aussi à présent, et peut-être surtout, à cette nouvelle catégorie de pauvres, toutes professions confondues, que génèrent effectivement, sans le moindre état d’âme, les technocrates en col blanc et complet veston de l’Union Européenne, à Bruxelles, ou du Fonds Monétaire International, à Washington.

         Attention, cependant. Car, plus profondément encore, le tout récent suicide de ce retraité grec, le 4 avril dernier donc, ne s’avère pas, à y regarder de plus près, que le geste définitivement tragique d’un simple désespéré ne sachant plus comment survivre, ou même manger à sa faim, demain. Non : il est d’abord, quand l’impuissance sociale confine à la lucidité morale, un immense et héroïque acte de résistance politique !

Preuve en est le très visionnaire billet, écrit de sa propre main, que ce nouveau martyr des temps modernes qu’est Dimitris Christoulas, pharmacien de longue date, laissa expressément dans sa poche, tel un véritable manifeste idéologique plus encore qu’un testament spirituel, avant de quitter cette ingrate terre : « Je pense que les jeunes sans avenir, dans ce pays, prendront un jour les armes et pendront les traîtres. »

         Certes ne souhaitons pas à l’actuel chef du Gouvernement grec, Lucas Papadémos (un de ces oligarques jadis gouverneur, de 1994 à 2002, dela BanqueCentralede son pays), de finir, lynché par une foule en furie avant que d’être pendu par les pieds en place publique, comme, autrefois, un tyran nommé Benito Mussolini. Mais il n’empêche : ce que cet acte éminemment révolutionnaire de Dimitris Christoulas signifie également – geste, qui plus est, d’une infinie noblesse d’âme, tout autant que de générosité de sentiment, puisque ce malheureux se refusa ainsi, en se donnant la mort au pied d’un très majestueux cèdre, de léguer trop de dettes à ses enfants – c’est peut-être d’abord, à l’instar du sacrifice de l’étudiant Jan Palach lors du « Printemps de Prague » en 1968,  le début de la fin de cet odieux totalitarisme économique que notre Europe pourtant tant aimée est en train, nantie certes des meilleures intentions sociales mais surtout de ses hypocrites alibis financiers, de nous faire vivre quotidiennement.

         Davantage : la portée symbolique, alliée au sens réel, de ce suicide de Dimitris Christoulas, témoin bouleversant de la souffrance de tout un peuple, ressemble étrangement, par-delà l’émotion qu’il aura suscité aux quatre coins du globe, à celui-là même qu’accomplit, en un geste tout aussi emblématiquement fatidique, Mohamed Bouazizi, ce jeune tunisien qui, le 17 décembre 2010, s’immola par le feu, allumant ainsi, grâce lui aussi à ce suicide, l’inextinguible mèche de ce qui allait devenir quelques mois plus tard, à cette même époque de l’année précisément, l’historique « printemps arabe ».  

         D’où, en toute logique, ce sage conseil, comme pour un certain Ben Ali hier, en forme de cri d’alarme : peut-être faudrait-il que nos divers maîtres es libéralisme sauvage « dégagent » eux aussi, pour reprendre un fameux slogan, avant que ces peuples qu’ils auront ainsi contribué à mettre à bout, jusqu’à les faire ployer sous une indigne misère humaine et parfois même les affamer, ne leur fassent vraiment la peau.

         Car, comme le clame aujourd’hui haut et fort la population grecque elle-même, ce suicide de son nouveau, courageux et émouvant martyr, c’est aussi un meurtre politique, fût-il à l’insu des responsables de la nation, qui, comme tel, ne restera pas impuni ainsi qu’en décideront très certainement, lors des prochaines élections législatives, les urnes.

         Hommage et respect, donc, à Dimitris Christoulas, et nos plus sincères condoléances à ses chers enfants pour lesquels, comme il s’est lui-même écrié avant de mourir, il s’est aussi tué !

 

DANIEL SALVATORE SCHIFFER*

 

*Philosophe, auteur de « Critique de la déraison pure – La faillite intellectuelle des ‘nouveaux philosophes’ et de leurs épigones » (François Bourin Editeur).

 

 

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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 21:24

 

Publié le 08/04/2012 à 07h01

Réunion du « Réseau de solidarité des privés d’emplois » de New Fabris, le 30 mars 2012. (Stephane Puccini)

 

Le 31 juillet 2009, épuisés par plus d’un mois de lutte et face à l’intransigeance de Renault et PSA, les salariés de New Fabris jettent l’éponge. Munis d’une maigre prime de 12 000 euros et d’un contrat de transition professionnelle (CTP) leur accordant un an d’indemnités chômage à 95% de leur salaire, ils partent s’inscrire en masse à Pôle emploi.

Christian Estrosi, alors ministre de l’Industrie, se félicite dans les colonnes du Journal du dimanche daté du 2 août :

« Contrairement à ce que disent ceux qui veulent toujours plus, les salariés de New Fabris auront tous les atouts en main pour envisager au mieux l’avenir. […] Je vais tout mettre en œuvre pour contribuer à y créer 400 emplois dans les six à huit mois. »

Las, les 400 emplois n’ont jamais vus le jour. Et trois ans plus tard, seulement 60 des 366 salariés (16%) de New Fabris ont été embauchés en CDI.


Les New Fabris pendant leur mouvement à l’été 2009 (DR)

Felipe Diaz, chef de ligne pendant douze ans chez New Fabris, n’a pas travaillé depuis son licenciement. « Je suis inscrit dans toutes les agences d’intérim de Châtellerault, j’ai encore un rendez-vous demain à Pôle Emploi, je suis prêt à prendre ce qu’on me propose », explique-t-il :

« Je fais plus jeune que mon âge, alors quand j’arrive dans une agence d’intérim ils m’accueillent en souriant. Mais dès qu’ils découvrent que j’ai 58 ans, ils mettent mon dossier sous la pile. »

Depuis trois ans, sa femme et lui se serrent la ceinture. Il a troqué son ancienne voiture contre un modèle plus économique. Mais cet ancien antiquaire ne veut pas baisser les bras :

« J’ai travaillé pendant vingt-sept ans à mon compte. Eugène Fabris, le fondateur de l’entreprise, était un de mes clients. J’avais 45 ans quand il m’a embauché. Ma retraite, je ne la toucherai pas avant 70 ans. Je dois trouver du boulot. »

L’âge, principal handicap des ex-Fabris

En 2009, un tiers des 366 salariés avait plus de 50 ans. Aujourd’hui, ils sont les plus durement frappés par le chômage.

Martine Challumeau, ouvrière licenciée, a décidé de se reconvertir. « A Pôle Emploi, ils me proposait les services à la personne. Mais à mon âge, après 36 ans d’usine, je ne peux pas soulever des personnes âgées » soupire-t-elle. Martine a donc choisi de devenir assistante maternelle. Mais les enfants à garder se font rares… Elle vit donc de petits boulots.

Dominique Laroche, ancien cadre de 58 ans, espère trouver un emploi avant mai 2013. A cette date, ses allocations chômage prendront fin. Ensuite, c’est l’inconnu. Il n’est même pas sûr de pouvoir toucher le RSA.

Trois ans après la fermeture de leur usine, les anciens Fabris au chômage font aujourd’hui face à une nouvelle épreuve : la perte des allocations versées par les Assedic. La plupart arriveront en fin de droits en juillet. S’ils ne trouvent pas d’emploi, beaucoup ne savent pas comment ils pourront joindre les deux bouts.

Ceux dont le mari ou la femme travaillent ne toucheront pas ou peu de RSA. Et tous voient reculer leur âge de départ en retraite suite à la réforme adoptée par le gouvernement en 2010.

Pourtant, Christian Estrosi l’avait promis : les salariés de New Fabris avaient « tous les atouts en main pour envisager au mieux l’avenir »…

Amélie Cano/Youpress


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8 avril 2012 7 08 /04 /avril /2012 20:56

 

Le Monde - 08 avril 2012

 

Si l'opérateur Free mobile a eu l'habitude de faire les gros titres ces derniers mois, il ne s'attendait peut-être pas à une telle publicité. Sur Internet, les témoignages d'anciens salariés semultiplient pour dénoncer des pratiques de management "humiliantes" et une "pression constante" au sein du nouvel acteur de la téléphonie mobile.

Sur Europe 1, Sandra raconte comment elle a été licenciée en public, après avoir eu un désaccord avec son supérieur au sujet d'un client. "Je suis repartie à mon poste de travail suivie de mon responsable dans le dos, qui m'a dit qu'il fallait à tout prix que je lui rende publiquement tous mes effets : mon badge, mon casque... Et il m'a reconduit jusqu'à la porte, devant tout le monde", a-t-elle confié à Europe 1, choquée. "On a honte, on a même de la colère et on a mal. Mais on y peut rien, et il y a le gardien qui vous presse de faire vite" raconte-t-elle.

Au micro de RTL, Aurélia explique également pourquoi elle a décidé de démissionner au bout de deux mois de travail au sein de Free mobile. La jeune femme décrit un quotidien où "des collègues sont renvoyés pour un oui pour un non, jamais dans un bureau, toujours devant nous".

Les syndicats relaient également d'autres cas similaires, et dénoncent "un turn-over très important dans l'entreprise de Xavier Niel, de l'ordre de trois fois supérieur à celui de ses concurrents". Sur Europe 1, un délégué CFDT évoque même «un terrorisme managérial. […] Des périodes d'essai terminées à tort et à travers parce que vous avez un jean troué… On n'a jamais vu ça dans l'histoire du groupe. C'est un manque de respect permanent».

Free a démenti les chiffres évoqués par les syndicats, mais n'a cependant pas contesté la méthode de licenciement en public parfois utilisée.

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