Les allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) ne sont pas tous logés à la même enseigne. C’est ce qu’a découvert Veronika Giesecke-Bernat, qui bénéficie de la part « activité » de cette allocation, en recevant une lettre de refus d’Orange :
« Votre dossier n’est pas éligible car l’offre sociale Internet n’est pas souscriptible par les clients allocataires du RSA activité. »
Elle pensait pouvoir bénéficier du tarif social Internet que l’opérateur a mis en place en février. Pour 23 euros par mois (dont 3 euros de location de box), il propose :
- un accès illimité à Internet ;
- un accès illimité à la téléphonie fixe.
La Livebox classique d’Orange (Internet, TV, appels illimités) est, elle, à 28,90 euros par mois.
Pas de RSA « socle », pas de tarif social
Pourtant, aucune erreur à l’horizon : il est bien précisé sur le site internet d’Orange que le tarif social Internet n’est accessible qu’aux bénéficiaires du RSA « socle » et non du RSA « activité ».
Quelle différence existe-t-il entre les deux ?
- le RSA « activité », créé par Martin Hirsch, est destiné aux personnes exerçant ou reprenant une activité professionnelle, qui peuvent ainsi cumuler, en partie, revenus du travail et revenus issus de la solidarité ;
- le RSA « socle » est le minimum social que touchent des personnes sans activité. Il a remplacé le RMI (revenu minimum d’insertion) et l’API (allocation de parent isolé).
Parce que son mari occupe désormais un emploi à raison de quatre jours par mois, Veronika Giesecke-Bernat touche le RSA activité et ne peut donc plus prétendre au tarif social Internet.
Le tarif « normal » le moins cher est proposé par Numericable, disponible seulement dans certaines villes, et s’élève à 24,90 euros, c’est-à-dire seulement 1,90 euro de plus que le tarif social Internet que propose Orange.
Une décision ministérielle
Contacté par téléphone, Orange explique qu’ils s’en sont tenus au cahier des charges formulé par le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, à l’origine de la mesure.
Premier échec : le tarif social mobile
En mai 2011, le ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie lance le tarif social mobile : 40 minutes de communication et 40 SMS pour 10 euros par mois.
Mais en janvier dernier, Free débarque sur le marché de la téléphonie et propose un forfait téléphonique à 2 euros par mois pour une heure de communication et 60 SMS, sans engagement. Les prix des tarif sociaux mobiles paraissent excessifs, et les offres plus avantageuses se multiplient. SFR propose un forfait à 9,90 euros par mois sans engagement pour 2 heures d’appels et SMS illimités.
Pour l’opérateur, la distinction établie entre les bénéficiaires des RSA activité et socle concernant le tarif social internet n’est pas surprenante compte tenu du fait que « ceux qui ont le RSA activité ont une source de revenus ».
Orange souligne qu’ils ont « au moins le mérite de proposer cette offre ».
Pourquoi le ministère a-t-il choisi d’écarter certains bénéficiaires du RSA de son cahier des charges ? Le cabinet d’Eric Besson, ministre de l’Industrie, de l’Energie, et de l’Economie numérique, en charge du dossier, répond :
« Le RSA socle est une référence définie à titre minimale car considéré comme le minimum social de notre pays, mais ce n’est pas exclusif. Rien n’empêche, donc, que les offres soient plus généreuses. »
Mais le tarif social Internet d’Orange – seule offre de ce type – ne va pas plus loin que les conditions minimales fixées par le ministère.
Tous les allocataires du RSA ont besoin d’Internet
Pour Alain Lenoir, conseiller à l’Association française des utilisateurs de télécommunications (Afutt), le ministère a laissé trop de libertés aux opérateurs, qui n’étaient pas contraints de mettre en place le tarif social Internet. Résultat : seul Orange l’a fait.
Selon lui, aucune distinction ne devrait être effectuée entre les allocataires du RSA activité et ceux du RSA socle, qui ont tous autant besoin d’Internet :
« Ils ne peuvent pas rester dans cette situation précaire toute leur vie. Ils doivent donc trouver un emploi plus stable... ce qui passe par Internet. »
Il ajoute :
« Le ministère a trop limité le nombre de bénéficiaires. Ce sont tous les minima sociaux qui devraient être concernés, mais aussi les jeunes en situation de précarité. C’est-à-dire environ cinq millions de personnes et non les deux millions du RSA socle ! »
Alain Lenoir est convaincu que les opérateurs téléphoniques, désireux de ne « toucher que deux millions de personnes avec leur offre » par souci d’économie, ont « mis la pression » sur Bercy, qui a cédé.
Il ne s’arrête pas là, et pointe d’autres failles du tarif social Internet :
- le manque de communication du gouvernement : « Les personnes qui pourraient être intéressées par l’offre n’en ont souvent jamais entendu parler », déplore-t-il ;
- la disponibilité de l’offre uniquement dans les agences d’Orange : il souhaiterait qu’elle soit également distribuée par les acteurs sociaux.
L’offre a un prix trop élevé
En septembre dernier, l’UFC-Que choisir dénonçait dans un communiqué le prix maximal retenu pour ce tarif social, à savoir un abonnement mensuel à 20 euros, auquel s’ajoutent 3 euros de location de box.
« Pour être vraiment accessible, il serait nécessaire que le prix du tarif social Internet n’excède pas 10 euros », déclarait l’association de consommateurs, qui expliquait comment atteindre cet objectif :
« Les opérateurs calibrent des offres d’accès à 20 euros qui contiendraient, au minimum, un Internet haut débit complet, des appels illimités sur tous les fixes de France. Pour les plus démunis, ces offres seraient associées à une subvention du service universel, comme celle disponible pour les lignes fixes, afin d’aboutir à un prix final de 10 euros. »
Le service universel fixe est à 6,50 euros par mois pour les allocataires de minima sociaux.