Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 17:09

 

Marianne - Rédigé par Juan Sarkofrance le Mardi 29 Mai 2012 à 18:00

 

C'est évidemment l'urgence. Partout en France, et en matière d'hébergement notamment. A peine nommée ministre de la ville, l'écologiste Cécile Duflot, avec l'appui de sa collègue Marisol Touraine aux Affaires Sociales, avait prolongé le dispositif hivernal jusqu'au 31 mai. Ce dernier augmente les places d'accueil pour les SDF jusqu'à 19 000 places supplémentaires d’urgence, en plus des 118 000 places ouvertes toute l’année.. Et pourtant, à Lyon, des expulsions ont eu lieu.

Faudrait-il virer le préfet local ?

 

Cécile Duflot, l'hébergement d'urgence et la suite.


 
«La première décision que j’ai prise en liaison avec Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales, c’est de suspendre la fin de la trêve hivernale et de repousser au 31 mai toute décision» déclarait la jeune ministre. «Il va falloir mobiliser l’ensemble des acteurs pour faire en sorte que les places dans les foyers d’urgence soient libérées par ceux qui ont droit à un logement et accueillir les personnes qui sont en plus grande fragilité dans des lieux d’hébergement de plus grande qualité» ajoutait-elle.
 
Le 25 mai, la préfecture du Rhône expliquait bien officiellement: 

« Le mardi 22 mai, 251 personnes étaient logées à l’hôtel et conformément aux directives écrites de Cécile DUFLOT, Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement, qui a annoncé le maintien du plan hivernal jusqu’au 31 mai, elles ont été maintenues dans leur hébergement.»

 Vous avez bien lu... 251 personnes étaient encore logées à l'hôtel. Sur son blog, notre confrère Philippe Alain pointe qu'il y avait jusqu'à 650 personnes hébergées en urgence pendant l'hiver. En fait, la préfecture du Rhône elle-même mentionnait 1.200 hébergements d'urgence au plus fort de l'hiver
 
Comment passe-t-on de 1200 ou, plus récemment, 650 hébergements à 251 ? 
 
Par des expulsions ! « On a retrouvé quelques personnes, samedi 26 mai, au tribunal administratif de Lyon » explique Philippe Alain. « Une maman qui élève seule ses 4 enfants suite au décès de son mari. Aidée par des associations elle assigne le préfet au tribunal administratif pour demander que l’Etat respecte ses droits et condamne le préfet pour l’avoir jetée à la rue avec ses enfants. »
 
Le préfet du Rhône a-t-il tardivement respecté les consignes de sa ministre ? L'homme s'était déjà distingué lors de la traque aux Roms, pendant l'été 2010. Avant de régulariser, discrètement, une centaine d'entre eux au début de 2012. Jean-François Carenco se savait protégé de Jean-Louis Borloo.
 
En avril dernier, l'Etat, c'est-à-dire le préfet, avait déjà été condamné par le tribunal administratif pour la fermeture de quelque 3.000 places d'hébergement.
 
Cécile Duflot va-t-elle se saisir de l'affaire ?

 
Partager cet article
Repost0
29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 16:43

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 29.05.2012 à 16h10 • Mis à jour le 29.05.2012 à 16h10

 
Des étudiants en médecine à Nice en mai 2008.

Le conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) a présenté mardi 29 mai ses recommandations pour faciliter l'accès aux soins, visant à mieux répartir les médecins sur le territoire, y compris par des mesures contraignantes. Le conseil recommande également de limiter les dépassements excessifs d'honoraires. Les "questions relatives à l'accès aux soins posent problème depuis des années", a souligné son président, Michel Legmann, évoquant les "contrées sous-médicalisées" et "la question des honoraires avec des dérives inacceptables".

"Il faut prendre ses responsabilités", a-t-il martelé, conscient que ces propositions, issues du séminaire annuel du CNOM qui s'est tenu du 10 au 13 mai, allaient "faire des mécontents". L'Ordre constate "l'échec" des mesures incitatives prises jusqu'à présent et estime que l'augmentation du numerus clausus, qui fixe un quota de médecins à former à partir de la deuxième année des études, "n'est pas la solution".

Pour la première fois, le CNOM préconise de remédier aux déserts médicaux, ces zones souvent rurales ou périurbaines où l'on manque de médecins, par la contrainte. Il s'agirait d'obliger un jeune médecin, à la sortie de ses études, à s'installer pour cinq ans dans la région où il a été formé. Les lieux d'exercice seraient déterminés à l'intérieur de chaque région sous la conduite des agences régionales de santé, "en liaison étroite avec le conseil régional de l'ordre". "Des mesures d'accompagnement, d'incitation et de promotion de carrière" devraient nécessairement être mises en place pour les médecins contraints de s'installer en zone déficitaire, selon le CNOM.

 

 LIMITER LES DÉPASSEMENTS D'HONORAIRES

Le conseil a également décidé de s'attaquer aux dépassements d'honoraires en définissant plus clairement la mesure préconisée par le code de déontologie pour les médecins pratiquant des tarifs supérieurs à ceux de la Sécurité sociale. Le CNOM recommande désormais aux médecins en secteur 2 (honoraires libres) de réserver "au moins 30 %" de leur activité au secteur 1 (tarif de la Sécurité sociale), y compris pour l'activité libérale des praticiens hospitaliers du public. Par ailleurs, ces honoraires "ne sauraient dépasser 3 ou 4 fois le montant opposable" de la Sécurité sociale, précise également pour la première fois le conseil.

Le médecin, lorsqu'il fixe ses honoraires, doit le faire "dans le respect de certaines règles", détaille le CNOM, en tenant compte de sa notoriété, de la difficulté de l'acte, des exigences éventuelles du patient, mais également des capacités financières de celui-ci. Toutes ces recommandations ont été envoyées au gouvernement, a souligné M. Legmann, qui a sollicité un rendez-vous auprès de la ministre de la santé, Marisol Touraine.

 

 

 

Partager cet article
Repost0
29 mai 2012 2 29 /05 /mai /2012 16:35
ledauphine.com - le 29/05/2012 à 06:01
Pour l’instant, le chef du gouvernement espagnol est catégorique : l’Espagne ne fera pas appel à l’aide internationale… Une situation difficilement tenable selon les experts.

Pour l’instant, le chef du gouvernement espagnol est catégorique : l’Espagne ne fera pas appel à l’aide internationale… Une situation difficilement tenable selon les experts.

 

C’est un coup de tonnerre dans le ciel européen : après la Grèce, l’Espagne s’enfonce un peu plus dans la crise économique. Avec des banques affaiblies, un taux de chômage record, des régions surendettées et des finances exsangues, le pays doit faire face à la crise la plus sévère de son histoire. La quatrième puissance de la zone euro tente pourtant de rassurer ses partenaires. Mais les perspectives de sortie de crise restent incertaines. Et font peser de sérieuses menaces sur l’Union monétaire.

Le secteur bancaire dans un état critique

Le chef du gouvernement espagnol l’a reconnu lui-même hier : son pays rencontre d’importantes difficultés de financement. La crise bancaire s’y aggrave de jour en jour… Et le spectaculaire et coûteux sauvetage de la troisième banque du pays, Bankia (23,5 milliards d’euros, lire repères), n’a pas arrangé la situation. Signe de la suspicion qui pèse sur les banques, même les plus solides comme Santander ou BBVA étaient pénalisées hier sur les marchés tandis que la Bourse madrilène a passé presque toute la séance dans le rouge.

Mais Mariano Rajoy s’est voulu rassurant : ”Il ne va y avoir aucun sauvetage” extérieur du secteur bancaire. En clair, le conservateur prétend pouvoir recapitaliser seul ces banques… Oui, mais comment ? C’est normalement le Fonds public d’aide au secteur (Frob) qui doit injecter ces fonds. Le problème : avec moins de 5 milliards d’euros encore disponibles, il n’a pas la somme suffisante.

Des régions ultra-endettées

D’autant que Madrid doit également faire face à l’endettement de ses régions. La Catalogne, dont le déficit public a atteint 3,29 % du PIB en 2011 et qui est confrontée à d’énormes coûts de refinancement, a exhorté vendredi Madrid à autoriser les régions à recourir à des obligations régionales émises conjointement.

Le gouvernement a déjà annoncé avoir souscrit un prêt de 30 milliards d’euros, qui pourra être porté à 35 milliards si besoin pour aider les collectivités à payer les factures impayées qui s’élèvent à 19,4 milliards.

En échange, le gouvernement a imposé l’austérité aux régions et adopté un plan d’une rigueur historique de plus de 27 milliards. Objectif : ramener le déficit public du pays à 5,3 % cette année contre 8,9 % du PIB en 2011. Difficilement tenable, selon de nombreux experts.

Un taux de chômage record

En apportant son aide à Bankia, jamais l’État espagnol n’avait mené un plan de sauvetage d’une telle importance.

Dans un contexte social très difficile mêlant taux de chômage record (près de 25 %) et plans de rigueurs successifs, l’annonce a du mal à passer auprès des Espagnols.

L’Europe retient son souffle

En attendant, l’Europe retient son souffle… Et malgré les dénégations officielles de l’exécutif, l’Espagne pourrait être contrainte d’accepter in fine une aide internationale pour éviter un scénario à la grecque et un risque de contagion à toute la zone euro. Si les tensions des marchés persistent, ”le pays serait bien susceptible de demander de l’aide au Fonds européen de stabilité financière”, voire du FMI, confirme une source gouvernementale.

La crise Bankia

C’est un sauvetage historique dans le secteur bancaire espagnol : Bankia a annoncé vendredi dernier avoir besoin de 19 milliards supplémentaires, soit un total de 23,5 milliards d’euros en ajoutant l’aide publique annoncée le 9 mai, sous forme de prêt transformé en participation.

La banque a également affiché une perte pour 2011 de 2,979 milliards d’euros, contre un bénéfice de 309 millions affiché précédemment.

L’État s’est engagé à apporter tous les fonds nécessaires à Bankia qui représente 10 % du système financier espagnol, et qui est donc considérée comme une banque “systémique”, ne pouvant pas faire faillite sous peine de contaminer tout le secteur.

Partager cet article
Repost0
28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 14:17
| Par Lucie Delaporte

Les internats d'excellence constituent sans doute l'initiative la plus emblématique du quinquennat de Nicolas Sarkozy en matière scolaire. Voulus par le chef de l'État, ces établissements, qui proposent d'extraire les élèves « méritants » de leur quartier populaire pour leur permettre de bénéficier de conditions d'apprentissage optimales, n'ont cessé d'être mis en avant par la rue de Grenelle. À eux seuls, ils étaient censés marquer le retour du volontarisme républicain au service de la méritocratie. Parmi les dix-sept rapports que vient de sortir des placards Vincent Peillon, celui qui concerne les internats d'excellence (à lire en intégralité en page 2), est pourtant le plus cruel pour son prédécesseur.


Pour commencer, le rapport, daté de juin 2011, souligne le coût exorbitant du dispositif, rendu possible par « un portage politique au plus haut niveau de l’État ». En pleines restrictions budgétaires, les douze internats d'excellence obtiennent en effet 200 millions d'euros dans la loi de finances rectificative pour 2010!

 

Nicolas Sarkozy visitant l'internat de Sourdun, ouvert en 2009. 
Nicolas Sarkozy visitant l'internat de Sourdun, ouvert en 2009.© (dr)

Pour financer cette « innovation méritocratique », l'administration a aussi mobilisé tous les leviers dont elle dispose. L'Anru (l’agence nationale pour la rénovation urbaine), l’Acsé (l’agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances), le fonds d’expérimentation pour la jeunesse, ont été sollicités tout comme des fonds privés à travers des fondations ou du mécénat. « À Montpellier, la Fondation Total contribue au financement à hauteur de 1,2 M €, à quoi s’ajoutent 300 000 € de la Fondation HSBC », précise le rapport.


Au bout du compte, chaque place en internat d'excellence coûte, hors masse salariale, entre 2 000 et 10 000 euros, selon que l’internat est ou non adossé à un établissement scolaire existant. Ce qui fait écrire aux rapporteurs que « la soutenabilité financière est incertaine pour des projets qui exigent des moyens exorbitants du droit commun et qui ne peuvent être mobilisés que dans le cadre d’une opération exceptionnelle comme celle du grand emprunt ».


Pour assurer la pérennité d'un tel dispositif, « il paraît indispensable, notent les rapporteurs, que le relais soit assuré par les partenaires habituels du système éducatif que sont les collectivités territoriales. À cet égard, rien n’est joué, car la légitimité même de l’internat d’excellence, on l’a vu, est loin de faire consensus parmi ces partenaires ». 


Car, outre la question du coût, le rapport s'interroge sans détour sur le bien-fondé même du dispositif dont il décrit, les « limites intrinsèques » qui en font « une réponse partielle à un besoin plus global ».

 

50 % de boursiers à l'internat de Sourdun


Conscients de l'effet vitrine de ces internats, où l'on propose à une poignée d'élèves un soutien scolaire quotidien mais aussi quantité d'activités sportives et culturelles, les auteurs du rapport tiennent à montrer qu'ils ne sont pas dupes. « Ce que démontrent les expériences en place, c’est qu’en engageant des moyens importants et dérogatoires, utilisés par des personnels sélectionnés, motivés et compétents, une meilleure prise en charge d’un petit nombre d’élèves, issus de milieux modestes, est possible. On peut avoir l’espoir raisonnable que cette prise en charge aboutisse à des parcours scolaires réussis », semblent ironiser les rapporteurs désireux de ne pas voir leur rôle se réduire à constater les performances scolaires de ces établissements Potemkine.


Mais le plus surprenant dans ce rapport est à venir. Malgré, justement, l'ampleur des moyens mobilisés, un soutien politique du plus haut niveau de l'État, les résultats observés sur le terrain sont plus que décevants.

 

Première surprise : le public n'est pas toujours celui attendu. La part d'élèves boursiers dans les internats d'excellence n'y est ainsi que de 60 %. Dans l'établissement pilote de Sourdun, lancé un an avant les autres, il n'est que de 50 % (130 élèves sur 259). « Comment ne pas s’étonner, dans tel internat, de la présence d’un enfant de professeur des écoles, d’un enfant de notaire, de vétérinaire et même... de proviseur », interpellent les rapporteurs.


À l'inverse, certains établissements ont manifestement utilisé ce dispositif pour « se débarrasser des perturbateurs » à tout prix, « quitte à présenter des dossiers insincères ». « La moitié des 50 élèves de Cachan aurait des problèmes de nature médicale, psychologique, affective ou comportementale. » Ainsi « la principale dit avoir été "flouée". Le proviseur de l’internat d’excellence de Langres parle de son côté de "mensonges éhontés" et cite le cas d’un élève que son dossier qualifiait de "timide mais brillant" alors qu’il s’est révélé très faible et présentant des problèmes de comportement ».


Autre réserve de taille, un taux de départ très important : entre 10 et 30 % de l'effectif des internats d'excellence ne termine pas l'année. Les raisons ? Des règles de vie pour le moins strictes : « surveillance constante, sorties individuelles interdites ou restreintes, privation ou utilisation très contrôlée de la télévision comme du téléphone portable, temps libre réduit au strict minimum »mais aussi des journées surchargées d'activité (kayak, linogravure, ateliers théâtre…), là encore semble-t-il plus pour l'effet d'affichage que pour le bien-être des élèves.


Alors que le candidat Sarkozy s'apprêtait à proposer l'extension du dispositif par le doublement des places d'accueil de 10 000 à 20 000, on comprend mieux pourquoi la rue de Grenelle a choisi d'enfouir ce rapport, décidément explosif.

Partager cet article
Repost0
28 mai 2012 1 28 /05 /mai /2012 12:57

 

 

LE MONDE | 28.05.2012 à 12h03 • Mis à jour le 28.05.2012 à 12h03

Par Bertrand Bissuel


Un magasin Leader Price à Saint-Denis.

 

Le débat sur le contrôle judiciaire des plans sociaux est relancé depuis que, le 22 mai, le tribunal de grande instance (TGI) de Créteil a annulé la procédure de licenciement engagée dans dix magasins Leader Price, l'enseigne "discount" du groupe Casino, car elle ne reposait sur aucun "motif économique". Cette décision va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de cassation.

Le comité d'entreprise de l'unité économique et sociale (UES) Leader Price avait saisi la justice pour s'opposer à des projets prévoyant la fermeture de neuf établissements, la cession d'un dixième "sans poursuite d'activité" et près de 90 suppressions de postes, d'après la CGT. Les représentants du personnel s'étaient appuyés notamment sur un rapport d'expertise comptable, réalisé à leur demande, qui ne permettait pas de "caractériser une situation de difficultés économiques" dans le réseau Leader Price.

 

"FRAUDE À LA LOI"

Le TGI leur a donné gain de cause. Après avoir rappelé que le "motif économique" d'un plan social s'apprécie "au niveau du groupe", il a relevé que les directions de magasins ne produisaient "aucune étude ni donnée permettant de connaître les résultats de l'UES Leader Price ni ceux du groupe Casino". La procédure de licenciement étant "dépourvue de cause", il convient de l'annuler, aux yeux du TGI, car une "fraude à la loi" a été commise.

Leader Price a indiqué qu'il va faire appel de ce jugement. Celui-ci contredit l'arrêt récemment rendu par la Cour de cassation dans "l'affaire Viveo". La haute juridiction avait réaffirmé sa jurisprudence constante, selon laquelle l'absence de motif économique ne peut pas être pas un motif d'annulation d'un plan social avant sa mise en œuvre. 

Lire aussi : Les emplois menacés au cœur de la rencontre entre Ayrault et les partenaires sociaux et Les syndicats de Technicolor reçus par Fleur Pellerin et L'usine Technicolor d'Angers en cessation de paiement

Bertrand Bissuel

 

 

 

Partager cet article
Repost0
27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 21:06

 

27 mai 2012

Par Okeanos

 

 

L’article du Guardian de vendredi dernier fait jaser en Grèce (et ailleurs), et pour cause : Christine Lagarde (ce n’est pas nouveau), fait encore une de ces sorties emplies d’une « délicatesse » certaine.

Je reprends donc le billet de mon ami Olivier Berruyer pour partager les propos de celle qui dirige une organisation sensée « protéger les faibles des forts ». Cet article de plus, casse le mythe de ces grecs « qui ne paieraient pas d’impôts« .

Sur twitter, un hashtag est utilisé pour commenter ces évènements : #lagarde_guardian. Et ce hashtag est très actif ! Etonnant ?


Lagarde aux Grecs : « C’est l’heure de rembourser : n’attendez aucune sympathie de notre part »+ Légende fiscale

 

Signalé par Okéanos, traduit par Christophe pour le blog www.les-crises.fr, cet édifiant article du Guardian de vendredi dernier.

 

Prologue

Avant de vous proposer l’article, je vous rappelle ces quelques fortes visions de Christine Lagarde {alias “Madâme 400 Md€ de dette française”, qui sait ici vraiment parler aux peuples…}, tirées de ce billet (oui, je sais, je suis cruel, mais comme on espère être sortis de l’abîme par les irresponsables nous y ayant conduit…) :

 

17 août 2007, dans « Le Parisien »
« Ce n’est pas un krach [...] Nous assistons aujourd’hui à un ajustement [...] une correction financière, certes brutale mais prévisible. »

 

5 novembre 2007 sur « Europe 1 »
« La crise de l’immobilier et la crise financière ne semblent pas avoir d’effet sur l’économie réelle américaine. Il n’y a pas de raisons de penser qu’on aura un effet sur l’économie réelle française. »

 

10 février 2008, au G7 au Japon
« Nous ne prévoyons pas de récession dans le cas de l’Europe. »

 

15 mai 2008 sur « Europe 1 »
« Vous accueillez ce matin un ministre de l’Economie qui se réjouit et qui jubile, pour tout dire. Je suis surtout très contente pour notre pays {en raison de la révision à la hausse de la croissance pour 2007} [...] En revanche, les prévisions européennes des déficits de la France sont outrageusement pessimistes.»

 

16 septembre 2008, conférence de presse
« [La crise aura] des effets sur l’emploi et sur le chômage [pour l’heure] ni avérés ni chiffrables. »

 

10 mai 2010 sur « Europe 1 »
« Nous avons décidé d’envoyer un signal extrêmement fort aux marchés pour protéger l’euro. Je suis convaincue que le mécanisme va fonctionner. »

 

25 juin 2010
« La notation de la France est triple A stable, il y a d’autres triples A qui sont moins stables, je regarde de l’autre côté de la Manche par exemple. Elle n’est pas menaçée. »

 

8 juillet 2010, rencontres économiques d’Aix-en-Provence
« À la question « Est-ce qu’on est ou non sorti de la crise ? », j’ai répondu en anglais au Forum de Saint-Pétersbourg « We are in the middle of the beginning of the end » ; et je pense qu’on en est probablement là.

 

9 juillet 2010
« Je suis convaincue que la France va conserver sa note AAA. »

 

19 décembre 2010, dans « De Tijd »
« Une restructuration de dette n’est pas à l’ordre du jour au sein de la zone euro »

 

25 janvier 2011, au Forum de Davos
« L’euro a franchi le cap, et la zone euro a désormais le pire de la crise de la dette derrière elle. »

 

13 février 2011, dans « Der Spiegle »
«Vous faites fausse route. Tant que je serai dans ce poste, la France n’abandonnera pas ce statut. [le triple A] »

 

13 mai 2011
« Tous les clignotants sont au vert. »

 

4 juin 2011, dans « Télérama 
« Protéger les faibles contre les forts, c’est l’essence du libéralisme. »

 

L’article du Guardian, « C’est l’heure de rembourser : n’attendez aucune sympathie de notre part »

« Prenez vos responsabilités et n’essayez plus d’éviter de payer vos impôts » a averti la patronne du FMI

 

dessin humour cartoon

(sous la photo : « le FMI n’a aucune intention d’adoucir les termes du programme d’austérité imposé à la Grèce », dit Christine Lagarde).

 

Le Fonds Monétaire International a fait monter la pression sur la Grèce frappée par la crise après que son Directeur général, Christine Lagarde, a déclaré avoir plus de sympathie pour les enfants privés d’une scolarisation décente en Afrique sub-saharienne que pour la majorité de ceux confrontés à la pauvreté à Athènes.

 

Dans une interview sans compromis accordée au Guardian, Lagarde insiste sur le fait que le moment du remboursement est arrivé pour la Grèce et fait clairement comprendre que le FMI n’a aucune intention d’adoucir les termes du programme d’austérité imposé à la Grèce.

 

Faisant montre de la plus grande franchise depuis le début de la crise il y a deux ans et demi, elle déclare que c’est aux parents grecs à prendre leurs responsabilités si leurs enfants sont affectés par les coupes budgétaires. « Les parents doivent payer leurs impôts », rappelle-t-elle.

 

La Grèce, qui a vu son économie se contracter d’un cinquième depuis le début de la récession, a dû tailler dans les salaires, les pensions et les dépenses publiques en échange d’une aide financière du FMI, de l’Union Européenne et de la Banque Centrale Européenne.

 

Interrogée sur le fait de savoir si elle était à même d’imaginer ces mères incapables d’obtenir l’accès aux sages-femmes ou ces patients incapables d’obtenir des médicaments indispensables à leur survie, Lagarde a répondu qu’elle « pensait plus aux petits enfants d’un village au Niger qui reçoivent deux heures de cours par jour, qui se partagent une chaise à trois et qui sont heureux d’aller à école. Je pense à eux tout le temps. Parce que je pense qu’ils ont plus besoin d’aide que les gens d’Athènes. »


Lagarde, qui prédit que la crise de la dette doit encore suivre son cours, ajoute : «  Vous savez quoi ? Puisqu’il s’agit d’Athènes, je pense aussi à tous ces gens qui essaient d’échapper à l’impôt tout le temps. A tous ces gens en Grèce qui essaient d’échapper aux taxes. » Elle dit qu’elle pense « à égalité » aux Grecs privés de services publics et à ceux qui ne paient pas leurs impôts.

 

« Je pense qu’ils devraient se venir en aide mutuellement. » Quand on lui demande comment, elle répond : « en payant tous leurs impôts ».


Quand on lui demande si elle dit, en substance, aux Grecs et à d’autres en Europe qu’ils ont passé du bon temps et que désormais, c’est le moment de payer la facture, elle répond : « oui, c’est cela. »


L’intervention de Lagarde a lieu après que le gouvernement grec provisoire s’est réuni pour discuter d’une chute drastique des recettes fiscales – en baisse d’un tiers sur un an. D’après les termes du bailout, Athènes s’était engagée à améliorer le faible niveau de perception des impôts dans le but de réduire son déficit budgétaire, et la remarque de Lagarde témoigne de l’impatience grandissante de la communauté internationale. Il est ainsi fait état de rapports en Allemagne et en France concernant la préparation à une possible sortie de la Grèce de la monnaie unique après ses élections du 17 juin.

 

Le vice premier ministre belge, Didier Reynders, a déclaré que ce serait une “grave erreur professionnelle” si les banques centrales et les sociétés ne se préparaient pas une sortie.

 

L’Euro a fait l’objet d’une attaque en règle sur le marché des changes, chutant même sous la barre des 1,25 € pour 1 $ à un moment vendredi, alors que le gouvernement espagnol était en pourparlers à propos de l’injection de 19 milliards € dans Bankia, l’une des plus grandes banques du pays, et que le gouvernement de la région autonome de Catalogne a officiellement demandé l’aide de Madrid pour faire face à ses dettes.

 

Des signes de divergences sont apparus entre l’Allemagne et la France quant à l’émission ou non d’Eurobonds pour aider les pays en difficulté, comme la Grèce et l’Espagne, qui souffrent des taux d’intérêt élevés frappant leurs dettes.

Jens Weidmann, président de la Bundesbank, a douché les attentes à propos des Eurobonds – qui sont fermement soutenus par le président français, François Hollande – et a réaffirmé que l’aide financière devrait s’arrêter si la Grèce ne parvenait pas à respecter les termes du bailout.

 

Jürgen Fitschen, co-dirigeant d’une des plus grandes banques allemandes, a décrit la Grèce comme « un pays failli… un Etat corrompu ». Toutefois, à côté de cela, il y a des rumeurs indiquant que la chancelière, Angela Merkel, est en train de déterrer d’anciens plans de modernisation économique utilisés en Allemagne de l’Est après la chute du communisme dans l’espoir que des mesures similaires pourraient être appliquées à la Grèce et à d’autres pays de l’eurozone. Aujourd’hui, le magazine Der Spiegel a mentionné l’existence d’un plan stratégique pour la croissance en six points de la chancelière Merkel, lequel plan est lui-même basé sur le plan est-allemand précité. Il inclut des mesures de type privatisation, flexibilisation du droit du travail et diminution d’impôts.

 

Les sondages d’opinion en Grèce font état d’une lutte serrée entre les partisans et les opposants aux termes du plan de renflouement de 130 Md€ mais ni l’Allemagne, ni le FMI n’ont démontré aucune volonté de mettre de l’eau dans leur vin.

Dans son interview, Lagarde a affirmé que la Grèce ne bénéficierait pas de plus de faveurs qu’un pays en voie développement et que le FMI n’estime pas dur d’imposer des conditions difficiles à un pays riche.

 

“Non, ce n’est pas plus difficile. Non. Parce que c’est la mission du Fonds et que c’est mon travail de dire la vérité, peu importe qui est autour de la table. Et je vais vous dire une chose : c’est parfois plus dur de dire à un gouvernement d’un pays à faible niveau de revenu, où les gens vivent avec 3 000 $, 4 000 $ ou 5 000 par habitant par an, d’améliorer vraiment le budget et de réduire le déficit. Parce que je sais ce que çà signifie en termes de programme de sécurité sociale et d’aide aux pauvres. Cela à de bien plus grandes conséquences. »


Épilogue

Pour la monomanie sur les impôts grecs, un mot.

Oui, il y a plus de fraude en Grèce que dans d’autres pays au système fiscal plus fort. Cela signifie que le rendement unitaire est plus faible ; bref, en terme d’image, quand on met la TVA à 20 % en France, on a 100, quand on le met en Grèce, on n’a que 90 (chiffres fictifs). Si c’était juste comme cela, cela serait scandaleux.

 

MAIS cela ne s’arrête pas là. Car si presque tout le monde” fraude un peu, ce n’est presque plus de la fraude… Je veux dire que bien évidemment, l’État a compensé ! Et dans autre exemple, il met la TVA à 22 % en facial, et il lui rentre bien 100. Bref, la fraude est annulée !

 

Peu importe le taux facial et le taux de fraude (c’est le problème d’une discussion au sein de la population grecque, les plus honnêtes payant plus), ce qui compte est in fine quel est le rapport de recettes fiscales rapporté au PIB !

Alors, les Grecs “ne paieraient pas d’impôt” ? Regardons :

 

NB. Comme je l’ai indiqué, le fait que la Sécurité sociale, publique, soit comptée dans les “impôts” doit inciter à la prudence dans l’interprétation. On a bien ici les impôts, et c’est à cause de cela que al France est en tête, et que la Suisse est basse. Mais les Suisses doivent cotiser à des mutuelles privées, et ce prélèvement quasi-obligatoire, fait que l’écart “à service rendu égal” est bien plus faible. Mais cela ne change rien au sujet étudié ici, puisqu’on parle bien de fraude aux impôts…

 

Il est bien évident que ce genre de déclaration FMIesque est de nature à affoler la population grecque, ce qui a quelques effets :

 

 

 

Pour mémoire, une grosse prime en nombre de députés (+ 17 %) est accordé au parti qui arrive premier aux élections.

A contrario, ces tensions ont un effet clair sur la population allemande, de très mauvais augure pour l’avenir (“pays unique qu’y disaient”):

 

 

Partager cet article
Repost0
27 mai 2012 7 27 /05 /mai /2012 12:29
revuedeslivres.fr - Numéro 3 > Numéros parus|2/01/12

 

Frédéric Lordon est économiste. Il est directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE). Ses derniers ouvrages parus sont D’un retournement l’autre. Comédie sérieuse sur la crise financière. En quatre actes, et en alexandrins (Seuil, 2011), Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza (La Fabrique, 2010) et L’Intérêt souverain. Essai d’anthropologie économique (La Découverte, 2011)

 

Dans ce grand entretien, Frédéric Lordon nous livre ses commentaires et analyses de la crise économique actuelle et de ses origines. Avec un ton incisif et un regard acerbe, il revient sur les causes et effets de la crise elle-même, mais commente également le traitement de l’économie par les médias, la place de l’économie au sein de l’institution universitaire, et l’éventuelle sortie de l’euro. Sonnant le glas du projet néolibéral, l’actualité est, nous dit-il, une occasion unique de changements profonds : un monde s’écroule sous nos yeux. (Version en castillan disponible sur www.rebelion.org)

 

RdL : Que se passe-t-il ? Qu’est-ce qui est en train d’arriver sous nos yeux, depuis au moins une trentaine d’années, depuis 2008, depuis quelques mois, ces dernières semaines ?


Frédéric Lordon : C’est une leçon de choses historiques. Ouvrons bien les yeux, on n’a pas souvent l’occasion d’en voir de pareilles. Nous assistons à l’écroulement d’un monde et ça va faire du gravât. L’histoire économique, en tout cas celle qui a fait le choix de ne pas être totalement bornée – je veux parler d’auteurs comme Kindleberger, Minsky ou Galbraith – a depuis longtemps médité l’effrayant pouvoir de destruction de la finance libéralisée. Il fallait de puissants intérêts – très évidemment constitués – à la cécité historique pour remettre sur les rails ce train de la finance qui a déjà causé tant de désastres ; en France, comme on sait, c’est la gauche de gouvernement qui s’en est chargée. De sorte que, à la lumière de ces leçons de l’histoire, on pouvait dès le premier moment de la dérégulation financière annoncer la perspective d’une immense catastrophe, et ce sans pourtant savoir ni où, ni quand, ni comment exactement elle allait se produire. La catastrophe en question aura pris vingt ans pour survenir, mais voilà, nous y sommes. Notons tout de même qu’un scénario que certains avaient envisagé d’assez longue date considérait l’hypothèse de la succession de crises financières sérieuses, rattrapées mais, aucune des contradictions fondamentales de la finance de marché n’étant résolues, enchaînées selon un ordre de gravité croissante, jusqu’à la big one. Sous ce rapport, la première crise de la série n’aura pas pris un an pour se manifester puisque le grand krach boursier se produit en 1987… après le big bang de 1986. Puis elles se sont succédé à intervalle moyen de trois ans. Et nous voilà en 2007. 2007, n’est-ce pas, et pas 2010. Car le discours libéral n’a rien de plus pressé que de nous faire avaler l’idée d’une crise des dettes publiques tout à fait autonome, européenne dans son principe, et imputable à une fatalité d’essence de l’État impécunieux. Or le fait générateur est bien la crise de la finance privée, déclenchée aux États-Unis, expression d’ailleurs typique des contradictions de ce qu’on pourrait appeler, pour faire simple, le capitalisme de basse pression salariale, dans lequel la double contrainte de la rentabilité actionnariale et de la concurrence libre-échangiste voue la rémunération du travail à une compression continue et ne laisse d’autre solution à la solvabilisation de la demande finale que le surendettement des ménages. C’est cette configuration qui explose dans le segment particulier des crédits hypothécaires [plus connus sous le nom de subprimes] et qui va, en un an, déstabiliser tout le système financier étasunien, puis, interconnexions bancaires obligent, européen, jusqu’au moment Lehman. Là, on est au bord de l’effondrement total et il faut sauver les banques. Je dis « il faut sauver les banques », car la ruine complète du système bancaire nous ramène en cinq jours à l’équivalent économique de l’état de nature. Mais il ne s’agit pas de le sauver et puis rien ! Or c’est ce que font tous les gouvernements, en se contentant à partir de 2009 d’annoncer des projets de re-régulation où le ton martial le dispute à l’innocuité. Trois ans plus tard, la re-régulation financière n’a pas quitté le stade velléitaire – ce qui est tout à fait regrettable car le système bancaire est encore plus vulnérable qu’en 2007, alors que point une crise d’un format très supérieur… Entre-temps, les banquiers remis à flot jurent ne plus rien devoir à la société sous prétexte que la plupart d’entre eux ont remboursé les aides d’urgence reçues à l’automne 2008. Évidemment, pour rétablir leur bonne conscience en même temps que leurs bilans financiers, il leur faut feindre d’ignorer l’ampleur de la récession que le choc financier a laissée derrière lui. C’est de ce choc même que viennent dans un premier temps l’effondrement des recettes fiscales, l’envol mécanique des dépenses sociales, le creusement des déficits, l’explosion des dettes puis, dans un deuxième temps, les plans d’austérité… réclamés par la même finance qui vient d’être sauvée aux frais de l’État ! Donc, depuis 2010 et l’éclatement de la crise grecque, la finance rescapée massacre les titres souverains sur les marchés obligataires alors qu’elle aurait trépassé si les États ne s’étaient pas saignés pour la rattraper du néant. C’est tellement énorme que c’en est presque beau… Pour couronner le tout, les marchés exigent – et bien sûr obtiennent – des États des politiques de restriction coordonnées qui ont le bon goût de conduire au résultat exactement inverse de celui supposément recherché : la restriction généralisée est telle que les recettes fiscales s’effondrent aussi vite que les dépenses sont coupées, si bien qu’in fine les dettes croissent. Mais l’austérité n’est pas perdue pour tout le monde : son parfait prétexte, « le problème des dettes publiques », aura permis à l’agenda néolibéral d’engranger de spectaculaires progrès, inenvisageables en toute autre circonstance.

On l’a déjà compris, la leçon de choses est bien moins économique que politique. Elle est d’ailleurs tellement riche qu’on ne sait plus par quel bout l’attraper. Il y a, d’un côté, l’extraordinaire position de pouvoir conquise par l’industrie financière qui peut forcer les puissances publiques à son secours, puis aussitôt se retourner contre elles dans la spéculation sur les dettes souveraines, et pour finir refuser toute re-régulation sérieuse. Il y a, d’un autre, la force de l’agenda néolibéral qui, inflexible, poursuit sa route au milieu des ruines qu’il a luimême créées : jamais le néolibéralisme n’a connu si prodigieuse avancée qu’à la faveur de… sa crise historique, l’explosion des endettements publics ayant créé une formidable opportunité pour une entreprise de démantèlement de l’État social sans précédent, par plans d’austérité et « pacte pour l’euro » interposés. Où que le regard se tourne, il ne trouve que régressions phénoménales. Il y a enfin, et peut-être surtout, la crise historique de l’idée de souveraineté, attaquée de deux côtés. Du côté des marchés financiers, puisqu’il est maintenant évident que les politiques publiques ne sont pas conduites d’après les intérêts (seuls) légitimes du corps social, mais selon les injonctions des créanciers internationaux, devenus « corps social concurrent », tiers intrus au contrat social, ayant spectaculairement évincé l’une de ses parties. Et du côté de la construction européenne, puisque, en « bonne logique », il faut reconduire et approfondir ce qui s’est déjà montré toxique à souhait : en l’occurrence le modèle européen tel qu’il soumet les politiques économiques nationales, d’une part à la tutelle des marchés de capitaux, d’autre part à un appareil de règles dont le durcissement est en train de conduire à la dépossession complète des souverainetés au profit d’un corps de contrôleurs (la Commission) ou de contraintes constitutionnelles (« règles d’or »), et dont il faut simplement imaginer la dépression où elles nous auraient plongés, eussent-elles été appliquées dès 2008 – cellelà même en fait vers laquelle nous nous dirigeons gaillardement…

Mais peut-être la vraie leçon de choses commence- t-elle maintenant seulement car des forces énormes sont sur le point d’être déchaînées. Si, comme on pouvait le pressentir en fait dès 2010 au moment du lancement des plans d’austérité coordonnés, l’échec macroéconomique annoncé conduit à une vague de défauts souverains, l’effondrement bancaire qui s’ensuivra immédiatement (ou qui le précédera par un effet d’anticipation des investisseurs) sera, à l’inverse de celui de 2008, irrattrapable, en tout cas par les États puisque les voilà financièrement sur le flanc ; il ne restera plus que l’alternative de l’émission monétaire massive, ou de l’éclatement de la zone euro si la Banque centrale européenne (et l’Allemagne) se refuse à cette première solution. En un week-end, nous changerons littéralement de monde et des choses inouïes pourraient se produire : réinstauration de contrôles des capitaux, nationalisations flash, voire réquisition des banques, réarmement des banques centrales nationales – cette dernière mesure signant d’elle-même la disparition de la monnaie unique, le départ de l’Allemagne (suivie de quelques satellites), la constitution d’un éventuel bloc euro-sud, ou bien le retour à des monnaies nationales. Quand cette conflagration surviendra-t-elle ? Nul ne peut le dire avec certitude. On ne peut exclure qu’un sommet européen parvienne enfin à taper suffisamment fort pour calmer un moment la spéculation. Mais ce temps gagné n’empêchera pas la macroéconomie de faire son oeuvre : lorsque s’imposera, d’ici six à douze mois, le constat de la récession généralisée, ellemême résultat de l’austérité généralisée, et que les investisseurs verront monter irrésistiblement le flot des dettes publiques supposées devoir être arrêtées par les politiques restrictives, la conscience de l’impasse totale qui se fera à ce moment entraînera les opérateurs à nommer eux-mêmes une « capitulation », c’est-à-dire une ruée massive hors des compartiments obligataires et, par le jeu des mécanismes de propagation dont la finance libéralisée a le secret, une dislocation totale des marchés de capitaux tous segments confondus.

Et pendant ce temps les tensions politiques s’accumulent – jusqu’au point de rupture ? Comme tous les seuils critiques du monde social-historique, on ne sait pas ex ante où il se trouve ni ce qui détermine son franchissement. La seule chose qui soit certaine est que la dépossession généralisée de la souveraineté (par la finance, par l’Europe néolibérale) travaille en profondeur les corps sociaux et qu’il s’en suivra nécessairement quelque chose – et là encore on ne sait pas quoi. Le meilleur ou le pire. On sent bien qu’il y aurait matière à réécrire une version actualisée de La Grande Transformation de Polanyi, en reprenant cette idée que les corps sociaux agressés par les libéralismes finissent toujours par réagir, et parfois brutalement – à proportion, en fait, de ce qu’ils ont préalablement enduré et « accumulé ». Dans le cas présent, ce n’est pas tant la décomposition individualiste corrélative de la marchandisation de la terre, du travail et de la monnaie qui pourrait susciter cette violence réactionnelle, mais l’insulte répétée faite au principe de souveraineté comme élément fondamental de la grammaire politique moderne. On ne peut pas laisser les peuples durablement sans solution de souveraineté, nationale ou autre, peu importe, faute de quoi ils la récupéreront à toute force et sous une forme qui éventuellement ne sera pas belle à voir.

RdL : La « crise de la dette » est d’abord une crise de la zone euro, où les déséquilibres s’accumulaient et que la crise financière a déstabilisée. Il s’agit donc d’une crise monétaire, de façon encore latente (car l’euro n’a pas encore dévissé ni explosé) mais évidente. Le probable effondrement de l’euro pourrait prendre plusieurs formes : une forme atténuée, avec la création de deux zones monétaires – selon un partage entre le Nord et le Sud (dont la France) ou entre le centre (dont la France) et la périphérie –, ou une forme plus dramatique, avec la pulvérisation générale de l’euro et le retour à dixsept monnaies nationales. La monnaie étant une construction politique, la question qui se pose est d’ordre politique : à quelles conditions (politiques) cet effondrement pourrait ne pas provoquer le triomphe des affects nationalistes et xénophobes, mais au contraire favoriser un rapprochement de(s) (certains) peuples pour de nouvelles constructions (monétaires, financières, budgétaires, politiques…) solidaires ? Si la sortie de l’euro est aujourd’hui probable, comment (bien) en sortir ?

FL : Je serais d’abord assez tenté de reprendre les termes mêmes de la question pour souligner ce paradoxe que ce qu’on nomme la « crise de l’euro », précisément, n’est pas en première instance une crise monétaire. L’une des particularités des événements actuels tient au fait que la monnaie européenne ne fait l’objet d’aucun rejet, ni de la part des résidents de la zone ni des investisseurs internationaux, comme en témoigne le fait que la parité euro-dollar se maintient à quelques fluctuations près. En tout cas voilà le fait : il n’y a pas (pour l’heure) de fuite devant l’euro, ni interne ni externe. Y en aurait-il une qu’elle ne serait que le développement terminal d’une crise dont la nature en fait est autre. Mais alors que peut-elle être si elle n’est pas stricto sensu monétaire ? La réponse est qu’il s’agit d’une crise institutionnelle. C’est le cadre institutionnel de la monnaie unique, comme communauté de politiques économiques, qui est menacé de voler en éclats consécutivement à des crises financières ayant pour épicentres les dettes publiques et les banques. Si l’euro explose, ce sera à la suite de défauts souverains tels qu’ils entraîneront immédiatement un effondrement bancaire – à moins que celui-ci ne se produise tout seul, par pure et simple anticipation des premiers. Dans tous les cas, le coeur de l’affaire sera une fois de plus le système bancaire et l’impossibilité de le laisser aller à la ruine sans autre forme de procès – proposition dont il faut sans cesse redire qu’elle n’est pas équivalente à « le remettre sur les rails et le faire repartir pour un tour » ; j’en profite donc pour ajouter qu’après m’avoir fait longtemps très peur, la perspective de cet effondrement m’est presque devenue agréable, car l’occasion serait enfin créée d’abord de nationaliser intégralement le secteur bancaire par saisie pure et simple, puis de le faire muter sous l’espèce d’un « système socialisé du crédit 1 ». Si donc nous nous plaçons dans l’hypothèse de l’effondrement bancaire, la question est de savoir quelle est, en l’absence des États, euxmêmes ruinés, l’institution capable d’organiser le redressement financier des banques pour leur faire reprendre leur activité de fourniture de crédit. Dans cette configuration, il n’en reste plus qu’une : la banque centrale européenne. Elle ne devrait pas seulement leur assurer un soutien de liquidité (ce qui est déjà le cas) mais les débarrasser de leurs actifs dévalorisés et les recapitaliser, et enfin garantir les dépôts et les épargnes. Inutile de dire qu’à l’échelle du secteur bancaire entier, c’est une opération de création monétaire massive à laquelle il faudra consentir. La BCE y est-elle prête ? Sous influence allemande, il est à craindre que non. Or l’urgence extrême de restaurer dans leur intégrité les encaisses monétaires du public et de rétablir le fonctionnement du système des paiements appellera une action dans la journée ! C’est dire que les longues tergiversations pour « parler à nos amis allemands » ou renégocier un traité auront depuis belle lurette disparu de la liste des solutions pertinentes. Face à ce qu’il faut bien identifier comme des enjeux vitaux pour le corps social, un État, confronté au non-vouloir de la BCE, prendrait immédiatement la décision de réarmer sa propre banque centrale nationale pour lui faire émettre de la monnaie en quantité suffisante et reconstituer au plus vite un bout de système bancaire en situation d’opérer. Observant alors au coeur de la zone une ou des source(s) de création monétaire hors de contrôle, c’est-à-dire une génération d’euros impurs, susceptible de corrompre les euros purs dont la BCE a seule le privilège d’émission, l’Allemagne, cour constitutionnelle de Karlsruhe en tête, décréterait immédiatement l’impossibilité de rester dans une telle « union » monétaire devenue anarchique et la quitterait sur le champ, probablement pour refaire un bloc avec quelques suiveurs triés sur le volet (Autriche, Pays- Bas, Finlande, Luxembourg). Quant aux autres nations, elles auront alors à choisir entre reconstituer un bloc alternatif ou bien retourner chacune à son propre destin monétaire, la France quant à elle tâchant de faire des pieds et des mains pour embarquer avec l’Allemagne sans être le moins du monde assurée d’être acceptée à bord.

Cet éclatement serait-il voué à libérer des résurgences nationalistes ? C’est l’éternel argument des amis de l’Europe libérale et de la mondialisation réunies : l’état présent des choses ou bien la guerre On pourrait commencer en leur faisant observer que l’état du continent tel qu’on l’a observé entre 1945 et 1985, et qu’un blind test leur ferait sans hésiter considérer comme l’enfer économique sur terre (protectionnisme, monnaies nationales, plan, souverainetés séparées, nationalisations, notamment des banques), a été des plus calmes sous le rapport des inquiétudes qu’ils feignent d’éprouver. Poursuivant dans cette pente, on pourrait également leur faire remarquer, par un argument a contrario, que les nationalismes, les séparatismes et les extrémismes de droite ne se sont jamais si bien portés que depuis que les pays ont été soumis à la férule de la mondialisation libérale. Ce que je veux dire par là est en fait fort simple : il y a des formes d’internationalisme qui sont les pires ennemis de l’internationalisme. Car il est bien certain que, sous couleur de grande intégration économique mondiale, malmener les corps sociaux comme l’aura fait la mondialisation présente, avec en prime le discours de « l’évidence » cosmopolite de la nouvelle oligarchie, naturellement doublé de son mépris moralisateur pour les « frileux » et les « repliés sur soi », est le plus sûr moyen de faire enrager les gens. Quand les salariats nationaux sont objectivement placés en situation d’antagonisme, par exemple par la férocité des formes variées de la concurrence (concurrence commerciale ou bien concurrence des territoires par les standards sociaux), il faut vraiment la candeur universaliste (pour ne pas dire la bêtise scolastique) des intellectuels pour aller leur faire la leçon sur le thème des horizons radieux du cosmopolitisme. Et il est inutile d’en appeler à leur sens des solidarités internationales quand les conditions institutionnelles concrètes de l’« internationalisme » présent ont méthodiquement détruit ces solidarités. Comme toutes choses, l’internationalisme et le dépassement des nationalismes ont leurs conditions de possibilité, et ce sont avant tout des conditions matérielles. À tout le moins votre question pose le problème dans ses termes pertinents : les termes de la constitution et de la composition (positive ou négative) des affects communs. Il y a des affects communs d’appartenance nationale – et à leur propos il vaut mieux se tenir à la leçon de Spinoza : ni déplorer ni détester, mais comprendre. Et il y a aussi de possibles affects communs de classe. C’est toujours la même question, celle des découpages, compartimentaux ou transversaux, selon lesquels se constituent les rassemblements. Quand ces derniers prévalent sur les premiers, ça peut en effet donner la première Internationale. Mais quelles sont les conditions de cette prévalence ? Je ne crois pas qu’il y ait de réponse générale à cette question. Parle seule la clinique affective de la conjoncture considérée. Si l’on envisage par exemple la question à l’échelle globale de la mondialisation, on pourrait dire que la dynamique ascendante du salariat chinois lui crée trop d’intérêt à la continuation d’un régime de croissance pour l’heure tirée par les exportations et donc, plus largement, à un régime non coopératif du commerce international. Pour que l’affect commun transverse l’emporte sur les affects communs nationaux et que se fasse jour le sentiment d’une solidarité de classe qui puisse réunir les salariats de pays différents, il faut préalablement les sortir du rapport d’antagonisme objectivement configuré par les structures économiques présentes, tel qu’il les rive à leurs intérêts respectifs sans la moindre perspective de leur dépassement spontané. D’abord parce que les agents ne suivent jamais que leurs lignes d’intérêt et que leur demander de s’en écarter est un songe creux s’il ne leur est pas proposé des intérêts de substitution. Solidarité n’est que l’autre nom d’un alignement ou d’une compatibilité d’intérêts – où la notion élargie d’intérêt ne renvoie pas exclusivement à des intérêts matériels (mais les comprend assurément). J’aurais ainsi tendance à penser qu’un régime de protectionnisme modéré qui créerait pour l’économie chinoise les incitations à cheminer plus vite vers un régime de croissance autocentrée, tirée par la constitution d’un marché intérieur, ferait bien davantage et pour les salariés chinois et pour la possibilité de solidarités salariales internationales que tous les appels moralistes aux vertus de l’internationalisme abstrait. Car voilà le drame de cette idée « internationaliste » : je me demande si on ne peut pas en dire ce que Deleuze disait des Droits de l’Homme : c’est un gros concept (« gros comme une dent creuse » !). Son abstraction le voue à entrer dans la catégorie de ce que Spinoza nomme les « idées générales », un être d’imagination qui flotte en l’air sans aucun ancrage dans des situations historiques concrètes. Et de plus en plus, la discussion internationaliste séparée de ses cliniques affectives particulières m’apparaît comme un parfait non-sens.

Que dit alors la présente clinique européenne ? Que rien n’interdisait a priori de penser la constitution d’une union monétaireà moins qu’on ne lui donne la pire configuration possible – celle de Maastricht-Lisbonne ! Pour toutes les convulsions qui s’ensuivraient, l’éclatement de l’euro aurait au moins le mérite de nous débarrasser de ce fléau institutionnel et de recréer les conditions d’une construction alternative. L’opportunité sera-t-elle saisie ? Et si oui, par qui ? La seule chose que l’on puisse dire est que le départ de l’Allemagne ôte la difficulté principale, celle qui venait d’avoir soumis toute la construction aux obsessions idiosyncratiques d’un seul – encore une question d’affects collectifs et de leur compatibilité –, d’où avaient suivi : l’indépendance de la banque centrale, l’exposition par principe des politiques économiques aux marchés de capitaux, leur encadrement par des règles automatiques anti-démocratiques. C’est le jeu de cet agencement institutionnel, dont nous voyons aujourd’hui les résultats tragiques, qui a fini par rendre cette monnaie européenne, et non l’idée d’une monnaie européenne en soi, odieuse aux peuples – à raison ! Pour peu qu’on leur propose un agencement institutionnel qui les soustraie à la maltraitance économique et politique de l’euro, une nouvelle monnaie européenne pourrait en principe voir de nouveau le jour, dans la foulée même de la précédente. Quand on y pense, le cahier des charges est assez simple – il se déduit par inversion radicale des caractéristiques de l’euro actuel – et a en fait pour unique ligne directrice le respect scrupuleux du principe de souveraineté. En clair : 1) exclusion des marchés financiers du financement des déficits publics, c’est-à-dire de leur effraction comme tiers intrus au contrat social ; 2) soustraction des politiques économiques à des règles automatiques et restitution à des institutions politiques unifiées entièrement souveraines ; 3) annulation du statut d’indépendance de la banque centrale, remise dans le périmètre de la souveraineté démocratique. Et s’il ne se trouve ni volontés politiques d’une telle reconstruction ni dynamiques affectives communes pour les soutenir ? Alors ce sera évidemment le retour aux monnaies nationales qu’il faut justement qualifier : non comme catastrophe nationaliste certaine, mais comme occasion manquée. On peut, et c’est mon cas, trouver préférables les projets de dépassement des actuelles nations puisque, sous les bons agencements institutionnels, ils augmentent les puissances individuelles et étendent les chances de paix. Mais s’il n’y a à choisir qu’entre, d’une part, des agencements générateurs de violence économique et négateurs de la souveraineté politique, et, d’autre part, les solutions nationales, alors pour ma part je n’hésite pas un seul instant. Et tout ceci à la condition de voir au moins que les entreprises de « dépassement » ne sont finalement jamais que des projets de reconstruction de nation mais à une échelle étendue. Pour peu qu’on se soit donné comme boussole absolue le principe de souveraineté, c’est-à-dire avoir admis sa clôture intrinsèque, on peut nommer nation tout ensemble se proposant de le déployer et, partant, mieux se faire à l’idée que la « nation » ainsi redéfinie est un principe plastique mais indépassable, même s’il est toujours possible à ceux qui en ont le loisir d’en penser le point asymptotique : la nation-monde – mais alors à la condition de ne plus prétendre faire de la politique dans la conjoncture présente.

RdL : Comment le champ des (rares) économistes français de gauche a-t-il été reconfiguré par la crise ?

FL : Pour la première fois il s’est organisé, et c’est un événement ! Il s’est organisé sur deux plans. D’abord dans le registre de l’intervention dans le débat public de politique économique : ce sont les « Économistes Atterrés ». Sans doute y avait-il des économistes critiques prenant part au débat public, isolément ou dans des organisations comme Attac ou la Fondation Copernic, mais c’est la première fois qu’un groupe se constitue ès qualités d’économistes, et c’est aussi pour nous une manière de dire que la profession, très justement mise en cause pour ses incroyables carences, quand ce ne sont pas ses compromissions de toutes sortes, n’est pas entièrement vérolée. Ensuite, les économistes de gauche se sont aussi organisés académiquement en créant l’AFEP (Association française d’économie politique), très délibérément démarquée de l’officielle AFSE (Association française de science économique) – où l’on retrouve au passage que les différentes manières de nommer une discipline sont rien moins que neutres. Plus encore que les Atterrés, l’AFEP signale, dans le registre le plus légitimateur, celui de la théorie économique, que la « communauté » des économistes n’est pas une. Elle indique également qu’il y a un lien entre les options intellectuelles dominantes dans le champ des économistes et la catastrophe générale qui se déroule sous nos yeux. Elle dénonce l’effarant manque de pluralisme d’un univers « scientifique », pourtant en tant que tel réputé ouvert au débat intercritique. Je sais bien que ces choses peuvent sembler des considérations de boutique, bien faites pour n’intéresser que les insiders du champ, et en même temps il faut bien voir quelles en sont les conséquences très concrètes – et très dévastatrices – à l’extérieur : la science économique dominante a considérablement contribué à faire la finance contemporaine et les marchés financiers, c’est elle encore qui informe les politiques économiques d’austérité ; son rôle dans le désastre historique est accablant. L’acharnement avec lequel les économistes orthodoxes ont entrepris d’éradiquer, car c’est vraiment en ces termes qu’il faut dire les choses, toute différence hétérodoxe et toute pensée critique est très impressionnant. Ce sont des affaires tout à fait concrètes, très mesquines vues du dehors, de sombres petites histoires de postes, de bourses de thèse, de colloques et de revues. Mais il faut savoir par exemple qu’il ne « passe » plus un seul hétérodoxe à l’agrégation de science économique, qu’il n’y a plus une seule promotion au grade de directeur de recherche pour les hétérodoxes au CNRS, et que, même après la crise, cette politique d’éradication continue de plus belle. Évidemment, ces seuls faits suffisent à organiser la disparition de l’hétérodoxie par pure et simple attrition démographique : plus personne habilité à encadrer des thésards égale disparition des thésards ! Les conditions d’entrée dans les institutions académiques sont si atrocement adverses pour de jeunes docteurs hétérodoxes qu’il faut des saints – ou bien des fous – pour envisager de s’y lancer. Or il faut rapporter tout ceci à ce verdict intellectuel qui va paraître invraisemblable de prétention et que je n’hésiterai pourtant pas un instant à prononcer : la pensée hétérodoxe a eu tout juste et les économistes orthodoxes tout faux ! Et bon courage à ceux qui continuent de croire que la science (économique en tout cas) est un univers de purs esprits.

C’est là qu’on voit l’autonomie relative et la clôture sur soi du champ, normalement à compter parmi ses bonnes propriétés, se retourner contre lui : le choc énorme de la crise n’y a produit presque aucun effet. Et nous n’avons même pas la reine d’Angleterre ! Elle, au moins, s’est majestueusement étonnée que, parmi tout ce que le Royaume compte de distingués économistes, il ne s’en soit pas trouvé un ayant pignon sur rue (leurs hétérodoxes à eux, comme les nôtres, vivent dans des caves) pour voir venir le coup et avertir du séisme. Et les économistes de la Royal Academy ont bien été forcés de répondre. On ne peut pas dire qu’il en soit sorti grand-chose, mais, au moins, ils ont dû s’expliquer un peu. En France, rien, nada ! Les mêmes continuent de tenir colloque, de ne rien changer à leurs petits modèles, et la chasse à courre à l’hétérodoxe continue d’aller bon train.

On me dira que j’exagère un peu en soutenant qu’il ne se passe « rien », et ce ne sera pas complètement inexact : j’ai auparavant dans vos colonnes mêmes envisagé le renversement de l’hégémonie de la théorie néoclassique et son remplacement par le paradigme de la neuro-économie comportementale2. On aurait pourtant tort de croire qu’on gagnerait au change, intellectuellement ou politiquement… Et comme il m’est impossible d’expliquer en détail ici pourquoi, je me contente d’une super ellipse en invitant les gens à découvrir le Allianz Global Investors Center for Behavioural Finance : ils y verront les plus fameux neuro-économistes déjà maqués avec l’un des plus importants investisseurs institutionnels de la planète, et ils devraient donc par anticipation savoir à quoi s’en tenir : oui, les anciens orthodoxes ont collaboré avec la finance qui a fini par s’en écrouler, mais les nouveaux n’ont rien de plus pressé que de prendre leur place !

RdL : Est-ce que le terme « néolibéralisme » est utile et approprié pour désigner ce qui fait la singularité de tout ou partie des transformations contemporaines du capitalisme ? Qu’est-ce qui caractérise le néolibéralisme, et quel rôle jouent la finance et la dette dans la logique qui est la sienne ? Curieusement, comme l’a souligné Maurizio Lazzarato3, Michel Foucault, dans sa généalogie de la pensée néolibérale qui a contribué à mieux saisir la nouveauté du néolibéralisme, à ne plus voir en lui qu’un retour au laisser-faire du xixe siècle, n’accorde pas le moindre rôle à la question de la finance et de la dette…

FL : Il ne m’a jamais semblé très pertinent de juger un propos à travers ce qu’il laisse de côté sauf évidemment à ce que le manque ait visiblement valeur de symptôme ou bien à ce qu’il nuise décisivement à l’intention démonstrative de l’auteur. On aura donc du mal à reprocher à Foucault de ne pas avoir fait le tour complet du néolibéralisme, à plus forte raison à l’époque où le cours Naissance de la biopolitique est prononcé, alors qu’on en est encore au tout début du processus et qu’il aurait fallu une redoutable prescience pour en anticiper tous les développements à venir – je rappelle par exemple que l’effondrement du taux d’épargne des ménages étasuniens et l’envol de leur taux d’endettement, fait caractéristique par excellence du capitalisme néolibéral, ne se produisent qu’à partir de 1984-1985 ; en France il faudra attendre le milieu des années 1990, moment de l’installation dans un régime de mondialisation « franche ». Pour autant, Maurizio Lazzarato a incontestablement raison sur une chose : si l’on comprend le néolibéralisme non pas comme simple configuration de licences étendues mais comme régime de normalisation positive, alors, évidemment, il faut y inclure tous les effets de la dette. Je vais avoir l’air de faire dans l’oecuménisme facile (et pourtant je le pense vraiment !) : il faut moins reprocher à Foucault d’avoir oublié l’endettement et la finance – qu’il pouvait difficilement voir – que savoir gré à Lazzarato de les avoir ajoutés au tableau d’ensemble. Reste la question de savoir si la période actuelle tombe entièrement et exclusivement sous le concept du néolibéralisme tel qu’il nous est livré par la pensée foucaldienne. Sur ce point, je serais un peu plus réservé. Il est bien certain que l’insistance de Foucault à défaire une vue des institutions ne les connaissant que sous l’espèce de la négativité, pour les faire enfin apparaître dans la positivité de leur production normative, permet de saisir une caractéristique très profonde de la période actuelle – les secteurs de la société soumis au fléau du pouvoir normalisateur de l’évaluation en savent quelque chose. Et il était sans doute utile d’apercevoir cette productivité des institutions, notamment étatiques, pour ne pas commettre l’erreur consistant à assimiler le néolibéralisme à un libéralisme classique simplement intensifié – « ultra » comme on l’a beaucoup dit. Qu’il y ait du nouveau dans ce « libéralisme »-là, justifiant pleinement son préfixe, n’est donc pas douteux, et s’il était probablement nécessaire au début de « tordre le bâton dans l’autre sens », il ne faudrait pas non plus oublier tout ce que le régime actuel a conservé du libéralisme classique entendu comme abattement des dispositifs de contention permettant de retenir l’élan des puissances privées. Je ne partage donc pas l’idée que la lecture « libéraliste » du néolibéralisme était un contresens total. À l’évidence, elle manque la positivité normalisatrice du « néo » et l’instauration d’un régime très particulier de disciplinarisation, mais elle saisit néanmoins le prolongement et l’approfondissement des traits du libéralisme le plus classique : défaire les cadres institutionnels, réglementaires, et légaux qui contraignaient les actions des agents et les retenaient – pour les plus puissants en tout cas – de pousser leur avantage au-delà d’un certain seuil affecte décisivement la distribution des ressources de pouvoir dans la société et notamment le rapport de force capital-travail. Il est très clair que ce rapport change du tout au tout selon que l’on passe d’une économie où des droits de douane font régner un protectionnisme modéré, où le régime des investissements directs est sous contrôle strict, la finance rigoureusement encadrée et compartimentée dans des espaces réglementaires nationaux, les banques surveillées et (souvent) nationalisées, la Bourse et le pouvoir actionnarial quasi inexistants, à une économie où le libre-échange fait jouer le plus violemment possible la concurrence entre espaces à standards socio-productifs abyssalement différents, où le régime des investissements directs totalement libéralisé déchaîne le chantage aux délocalisations, où la finance est déréglementée (là, est-il besoin de s’appesantir ?), et où le pouvoir actionnarial règne en maître sur les entreprises. Or les dynamiques économico-politiques qui se mettent en place du fait de ces transformations structurelles procèdent d’abord très classiquement de la libération des élans de puissance privés, du fait de l’abaissement des retenues institutionnelles ; soit pour le dire plus simplement : d’une extension du laisser-faire, et ceci même si cette extension ne s’opère pas sponta sua mais suppose l’intervention déréglementatrice, exogène, des politiques publiques, nationalement ou par traités européens, accords et organismes internationaux (OMC, AGCS, etc.) interposés. Il reste en tout cas que bon nombre des phénomènes de la période actuelle relèvent en premier lieu de cet effet d’élargissement de l’ensemble stratégique des agents – quelle est la latitude des actions licites qui s’offrent à eux ? – de telle sorte, évidemment, qu’il ne profite qu’aux plus puissants. Dès lors que ces derniers peuvent faire des choses qui leur étaient interdites, ils les feront s’ils peuvent en tirer avantage. Si délocaliser (ou menacer de le faire) aide à gagner sur le niveau des salaires et les conditions de travail, ils délocaliseront ; si l’injonction d’extraire toujours plus de rentabilité des capitaux propres permet d’intensifier la productivité, ils enjoindront, et ainsi de suite. Pour autant, il y a moins à opposer les effets du « néo » et du « vétéro » qu’à les articuler : c’est l’effet « laisser-faire » qui soutient l’effet « normalisation ». Il faut avoir d’abord entamé la négativité des cadres institutionnels pré-existants, et que les dominants aient étendu leur ensemble stratégique, pour pouvoir instaurer de nouvelles positivités normalisatrices. Les normes de l’évaluation qui ravagent tant de secteurs de la société trouvent sans doute pour partie leur origine dans la révolution financière qui a imposé et diffusé un peu partout ses propres schèmes normatifs – rating, reporting, benchmarking… Le paradigme de l’évaluation permanente, c’est la finance libéralisée – qui, comme son nom l’indique, a été… libéralisée ! Pour que ces schèmes apparaissent, il a d’abord fallu abattre des barrières qui restreignaient la latitude stratégique des investisseurs. Décompartimenter, déréglementer, désintermédier, dénationaliser ont été les prérequis de la nouvelle positivité normalisatrice de la finance, et toutes ces actions ont à voir avec la question – négative – des limites. Si bien qu’il faudrait peut-être se donner un nouveau concept de la configuration présente du capitalisme : il s’agit non pas simplement de néolibéralisme au sens foucaldien que le terme a désormais pris, mais, le bâton tordu et puis détordu, de quelque chose qui ferait les parts égales du « néo » et de l’« ultra ».

RdL : Il y a quelque chose d’assez « fou », d’assez ahurissant dans tout cela, dans notre incapacité collective à arrêter la catastrophe en cours. Est-ce que le qualificatif de « suicidaires », appliqué aux « élites » politiques et économiques, est approprié ? Comment une telle hybris est-elle sociologiquement possible ? Comment se fabriquent des élites aussi « folles » ?

FL : En général, il est de bonne méthode de ne recourir que le plus tard possible, et même préférablement pas du tout, aux catégories de la psychopathologie pour rendre compte d’un phénomène social, mais il faut bien reconnaître que dans le cas présent on ne peut pas s’empêcher d’y songer… Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, Marx, mi-consterné, mi-sarcastique, soulignait déjà l’incapacité de la bourgeoisie à dépasser ses intérêts les plus « bornés et malpropres ». Un siècle et demi plus tard on ne peut toujours pas dire que la rationalité, fût-elle celle des intérêts particuliers des dominants, soit le moteur de l’histoire. D’une certaine manière, il faut en prendre la meilleure part : après tout, la catastrophe étant sans doute le mode historique le plus efficace de destruction des systèmes de domination, l’accumulation des erreurs des « élites » actuelles, incapables de voir que leurs « rationalités » de court terme soutiennent une gigantesque irrationalité de long terme, est cela même qui nous permet d’espérer voir ce système s’écrouler dans son ensemble.

Il est vrai que l’hypothèse de l’hybris, comprise comme principe d’illimitation, n’est pas dénuée de valeur explicative. C’est d’ailleurs une façon d’en revenir à la discussion précédente sur le néolibéralisme, ou plutôt sur ce qui subsiste en lui de « vétéro », et même d’« ultra ». Car c’est bien l’abattement des dispositifs institutionnels de contention des puissances qui pousse irrésistiblement les puissances à propulser leur élan et reprendre leur marche pour pousser l’avantage aussi loin que possible. Et il y a bien quelque chose comme une ivresse de l’avancée pour faire perdre toute mesure et réinstaurer le primat du « malpropre » et du « borné » dans la « rationalité » des dominants. Ainsi, un capitaliste ayant une vue sur le long terme n’aurait pas eu de mal à identifier l’État-providence comme le coût finalement relativement modéré de la stabilisation sociale et de la consolidation de l’adhésion au capitalisme, soit un élément institutionnel utile à la préservation de la domination capitaliste – à ne surtout pas bazarder ! Évidemment, sitôt qu’ils ont senti faiblir le rapport de force historique, qui au lendemain de la seconde guerre mondiale leur avait imposé la Sécurité sociale – ce qui pouvait pourtant leur arriver de mieux et contribuer à leur garantir trente années de croissance ininterrompue –, les capitalistes se sont empressés de reprendre tout ce qu’ils avaient dû concéder. Aux États-Unis, les conservateurs, qui n’ont pas peur de se montrer pour ce qu’ils sont, ont donné à cette perspective de reconquête son nom le plus clair : « a roll back agenda… »

Il faudrait pourtant s’interroger sur les mécanismes qui, dans l’esprit des dominants, convertissent des énoncés d’abord grossièrement taillés d’après leurs intérêts particuliers en objets d’adhésion sincère, endossés sur le mode la parfaite généralité. Et peut-être faudrait-il à cette fin relire la proposition 12 de la partie III de l’Éthique de Spinoza selon laquelle « l’esprit s’efforce d’imaginer ce qui augmente la puissance d’agir de son corps », qu’on retraduirait plus explicitement en « nous aimons à penser ce qui nous réjouit (ce qui nous convient, ce qui est adéquat à notre position dans le monde, etc.) ». Nul doute qu’il y a une joie intellectuelle particulière du capitaliste à penser d’après la théorie néoclassique que la réduction du chômage passe par la flexibilisation du marché du travail. Comme il y en a une du financier à croire à la même théorie néoclassique, selon laquelle le libre développement de l’innovation financière est favorable à la croissance. Le durcissement en énoncés à validité tout à fait générale d’idées d’abord manifestement formées au voisinage immédiat des intérêts particuliers les plus grossiers trouve sans doute dans cette tendance de l’esprit son plus puissant renfort. C’est pourquoi la distinction des cyniques et des imbéciles est de plus en plus difficile à faire, les premiers mutant presque fatalement pour prendre la forme des seconds. À bien y regarder, on ne trouve guère d’individus aussi « nets » – il faudrait dire aussi intègres – que le Patrick Le Lay de TF1 qui, peu décidé à s’embarrasser des doctrines ineptes et faussement démocratiques de la « télévision populaire », déclarait sans ambages n’avoir d’autre objectif que de vendre aux annonceurs du temps de cerveau disponible ; rude franchise dont je me demande s’il ne faut pas lui en savoir gré : au moins, on sait qui on a en face de soi, et c’est une forme de clarté loin d’être sans mérite.

Pour le reste, il y a des résistances doctrinales faciles à comprendre : la finance, par exemple, ne désarmera jamais. Elle dira et fera tout ce qu’elle peut pour faire dérailler les moindres tentatives de re-réglementation. Elle y arrive fort bien d’ailleurs ! Il n’est que de voir l’effrayante indigence des velléités régulatrices pour s’en convaincre, comme l’atteste le fait que, depuis 2009, si peu a été fait que la crise des dettes souveraines menace à nouveau de s’achever en un effondrement total de la finance internationale. Pour le coup, rien n’est plus simple à comprendre : un système de domination ne rendra jamais les armes de lui-même et cherchera tous les moyens de sa perpétuation. On conçoit aisément que les hommes de la finance n’aient pas d’autre objectif que de relancer pour un tour supplémentaire le système qui leur permet d’empocher les faramineux profits de la bulle et d’abandonner les coûts de la crise au corps social tout entier, forcé, par puissance publique interposée, de venir au secours des institutions financières, sauf à périr lui-même de l’écroulement bancaire. Il faut simplement se mettre à leur place ! Qui, en leur position, consentirait à renoncer ? Il faudrait même dire davantage : c’est une forme de vie que ces hommes défendent, une forme de vie où entrent aussi bien la perspective de gains monétaires hors norme que l’ivresse d’opérer à l’échelle de la planète, de mouvementer des masses colossales de capitaux, pour ne rien dire des à-côtés les plus caricaturaux, mais bien réels, du mode de vie de l’« homme des marchés » : filles, bagnoles, dope. Tous ces gens n’abandonneront pas comme ça ce monde merveilleux qui est le leur, il faudra activement le leur faire lâcher.

C’est en fait à propos de l’État que le mystère s’épaissit vraiment. Préposé à la socialisation des pertes bancaires et au serpillage des coûts de la récession, littéralement pris en otage par la finance dont il est condamné à rattraper les risques systémiques, n’est-il pas celui qui aurait le plus immédiatement intérêt à fermer pour de bon le foutoir des marchés ? Il semble que poser la question ainsi soit y répondre, mais logiquement seulement, c’est-à-dire en méconnaissant sociologiquement la forme d’État colonisé qui est le propre du bloc hégémonique néolibéral : les représentants de la finance y sont comme chez eux. L’interpénétration, jusqu’à la confusion complète, des élites politiques, administratives, financières, parfois médiatiques, a atteint un degré tel que la circulation de tous ces gens d’une sphère à l’autre, d’une position à l’autre, homogénéise complètement, à quelques différences secondes près, la vision du monde partagée par ce bloc indistinct. La fusion oligarchique – et il faudrait presque comprendre le mot en son sens russe – a conduit à la dé-différenciation des compartiments du champ du pouvoir et à la disparition des effets de régulation qui venaient de la rencontre, parfois de la confrontation, de grammaires hétérogènes ou antagonistes. Ainsi par exemple a-t-on vu, aidé sans doute par un mécanisme d’attrition démographique, la disparition de l’habitus de l’homme d’État tel qu’il a pris sa forme accomplie au lendemain de la seconde guerre mondiale, l’expression « homme d’État » n’étant pas à comprendre au sens usuel du « grand homme » mais de ces individus porteurs des logiques propres de la puissance publique, de sa grammaire d’action et de ses intérêts spécifiques. Hauts fonctionnaires ou grands commis, jadis hommes d’État parce que dévoués aux logiques de l’État, et déterminés à les faire valoir contre les logiques hétérogènes – celles par exemple du capital ou de la finance –, ils sont une espèce en voie de disparition, et ceux qui aujourd’hui « entrent dans la carrière » n’ont pas d’autre horizon intellectuel que la réplication servile (et absurde) des méthodes du privé (d’où par exemple les monstruosités du type « RGPP », la Révision générale des politiques publiques), ni d’autre horizon personnel que le pantouflage qui leur permettra de s’intégrer avec délice à la caste des élites indifférenciées de la mondialisation. Les dirigeants nommés à la tête de ce qui reste d’entreprises publiques n’ont ainsi rien de plus pressé que de faire sauter le statut de ces entreprises, conduire la privatisation, pour aller enfin rejoindre leurs petits camarades et s’ébattre à leur tour dans le grand bain des marchés mondiaux, de la finance, des fusions-acquisitions – et « accessoirement » des bonus et des stock-options.

Voilà le drame de l’époque : c’est qu’au niveau de ces gens qu’on continue à appeler – on se demande pourquoi tant leur bilan historique est accablant – des « élites », il n’y a plus nulle part aucune force de rappel intellectuelle susceptible de monter un contre-discours. Et le désastre est complet quand les médias eux-mêmes ont été, et depuis si longtemps, emportés par le glissement de terrain néolibéral ; le plus extravagant tenant à la reconduction des éditorialistes, chroniqueurs, experts à demi vendus et toute cette clique qui se présente comme les précepteurs éclairés d’un peuple nativement obtus et « éclairable » par vocation. On aurait pu imaginer que le cataclysme de l’automne 2008 et l’effondrement à grand spectacle de la finance conduirait à une non moins grande lessive de tous ces locuteurs émergeant en guenilles des ruines fumantes, mais rien du tout ! Pas un n’a bougé ! Alain Duhamel continue de pontifier dans Libération ; le même journal, luttant désespérément pour faire oublier ses décennies libérales, n’en continue pas moins de confier l’une de ses plus décisives rubriques, la rubrique européenne, à Jean Quatremer qui a méthodiquement conchié tous ceux qui dénonçaient les tares, maintenant visibles de tous, de la construction néolibérale de l’Europe. Sur France Inter, Bernard Guetta franchit matinée après matinée tous les records de l’incohérence – il faudrait le reconduire à ses dires d’il y a cinq ans à peine, je ne parle même pas de ceux de 2005, fameuse année du traité constitutionnel européen… L’émission hebdomadaire d’économie de France Culture oscille entre l’hilarant et l’affligeant en persistant à tendre le micro à des gens qui ont été les plus fervents soutiens doctrinaux du monde en train de s’écrouler, parmi lesquels Nicolas Baverez par exemple, sans doute le plus drôle de tous, qui s’est empressé de sermonner les gouvernements européens et de les enjoindre à la plus extrême rigueur avant de s’apercevoir que c’était une ânerie de plus. Et tous ces gens plastronnent dans la plus parfaite impunité, sans jamais que leurs employeurs ne leur retirent ni une chronique ni un micro, ni même ne leur demandent de s’expliquer ou de rendre compte de leurs discours passés. Voilà le monde dans lequel nous vivons, monde de l’auto-blanchiment collectif des faillis.

RdL : Comment comprendre aussi que ce qui arrive ne produise pas une indignation ou une colère plus importante encore, plus déterminée, plus organisée ? Il y a à l’oeuvre comme une « fabrique de l’impuissance », dont l’efficacité surpasse, jusqu’à maintenant, notre capacité à transformer notre indignation en puissance d’agir collective. Quels sont les ressorts de cette fabrique de l’impuissance ?

FL : Il y a là en effet un mystère qu’il appartiendrait à la sociologie ou à la science politique d’éclairer… Mais s’il m’est permis de risquer quelques intuitions, je me demande, pour commencer, s’il ne faudrait pas poser le problème exactement à l’envers : ce qu’il y a à comprendre, ce n’est pas qu’il n’y ait pas de mouvement d’indignation mais que parfois il s’en produise ! Je crains que déplorer l’inertie ou l’apathie des masses ne procède d’un sociocentrisme typique de la skholè intellectuelle ou militante, c’est-à-dire de gens qui ont le loisir, pour les uns de prendre la vue de Sirius et, pour les autres, d’envisager systématiquement le passage à l’action puisque le passage à l’action est par définition l’essence même de leur activité. On pourra trouver que c’est un argument qui ne vole pas haut, mais il a les robustes propriétés d’un matérialisme rustique : à quoi les gens ontils la possibilité d’occuper leur temps ? À part les minorités intellectuelles et militantes, le monde se sépare entre les gouvernants dont c’est l’activité à plein temps de régir la vie des autres, et les gouvernés qui consacrent l’essentiel de leur temps éveillé à leur reproduction matérielle, se trouvant de fait renvoyés en toutes autres matières à la passivité de ceux que l’on régit. Cette élémentaire asymétrie temporelle entre organisateurs, délégués et payés à plein temps pour organiser, et les « organisés », « opportunément » accaparés par les nécessités de leur survie privée, est le plus sûr garant de la stabilité du pouvoir par un simple effet de saturation temporelle. Les militants, en tout cas ceux d’entre eux qui ne sont pas des activistes professionnels, rémunérés comme tels par une organisation, savent assez ce qu’il en coûte de fatigues supplémentaires, ou de mise sous tension de leur vie personnelle, de s’extraire de la passivité à laquelle les vouerait normalement leur condition matérielle : après huit heures de travail quotidien, les « organisés » n’ont plus que les interstices (les soirées, parfois les nuits, les week-ends) pour trouver à redire aux organisateurs – qui, eux, après avoir « organisé », rentrent dormir. La force de pesanteur qui résulte de cette division du travail est l’arrière-plan à avoir en tête pour réaliser d’emblée combien le surgissement d’un mouvement social d’ampleur relève d’une sorte de miracle – en tout cas pour réaliser tous les obstacles, temporels, c’est-à-dire matériels, qu’il lui a fallu vaincre.

Comme si ce n’était pas suffisant, il faut compter avec bien d’autres difficultés. Et notamment avec toutes celles qu’on pourrait faire entrer sous la catégorie générale de la trahison des médiateurs. Celle des médiateurs médiatiques pour commencer – il vient d’en être question – qui travaillent à faire passer pour normales (conformes à l’ordre des choses ou aux instructions de la « raison ») les situations les plus anormales. Mais il faudrait prendre le temps d’une analyse complète des mécanismes qui conduisent les médiateurs médiatiques à ne plus rien médiatiser, c’està- dire à maintenir dans l’invisibilité les situations sociales et leurs déterminants véritables – dont la seule exhibition suffirait à nourrir de légitimes fureurs –, et laisser inaudibles les analyses critiques – à quelques exceptions près systématiquement sous-représentées quand elles ne sont pas par principe déclarées carrément tricardes, à moins qu’on ne leur offre des formats si pauvres qu’elles sont bien certaines de n’avoir aucune chance de « porter ». Les médias sont de fait gestionnaires du bien collectif en quoi consiste l’accès nécessairement raréfié à l’arène publique, et par là tenus à une obligation de diversité, il faudrait même dire à une obligation d’asymétrie dont devrait bénéficier la critique puisque l’ordre social bénéficie déjà de toute l’asymétrie contraire des forces de la domination. Mais ils ont en quelque sorte privatisé ce bien collectif au profit d’une infime minorité de précepteurs qui, à quelques différences négligeables près, tiennent tous le même langage et, par leur homogénéité, viennent ajouter la domination symbolique à la domination matérielle. De sorte que, à travers les médias supposément médiateurs mais définitivement oublieux de leur vocation, plus rien ne passe sinon ce qui seul célèbre, encourage, ou bien excuse et réhabilite sans cesse l’ordre néolibéral et ceci, très spectaculairement aujourd’hui, à l’encontre même des crises les plus retentissantes de ce dernier. Je dois confesser qu’il m’arrive de penser qu’un renvoi massif de la clique éditorialiste et experte présente pourrait avoir instantanément des conséquen

ces politiques considérables : qu’on imagine les effets possibles de la dénonciation répétée du caractère odieux du pouvoir actionnarial, de sa responsabilité directe dans les souffrances des salariés – jusqu’au suicide –, la démonstration insistante de l’inanité des politiques d’austérité, ou encore la mise à la question systématique de certains partis (de « gauche ») qui refusent obstinément de mettre sérieusement à leur agenda des problèmes comme l’Europe libérale ou la mondialisation. Mais je confesse également que c’est probablement là une expérience de pensée oiseuse, et à de multiples titres. Dans l’ordre des trahisons médiatiques (lato sensu), la pire cependant est sans doute celle des médiateurs politiques : partis d’opposition qui ne s’opposent plus à rien ou bureaucraties syndicales devenues expertes à perdre dans les sables les colères populaires. Est-il utile de consacrer un quart d’heure de plus à l’anatomie pathologique du Parti socialiste ? On peut difficilement l’éviter ne serait-ce que dans la perspective de l’élection présidentielle, et pour faire le constat que, pour cette édition, le candidat Hollande s’y prend non pas, comme le commandait jusqu’ici un léger réflexe de vergogne, huit jours avant le deuxième tour, mais huit mois avant le premier pour faire offre d’alliance avec les centristes, péripétie anecdotique au premier abord, mais en fait raccourci fulgurant qui dit tout ou presque de ce qu’il est permis d’attendre d’une hypothétique présidence socialiste en matière de transformation économique et sociale – à savoir rien. Tout a déjà été dit sur la compromission historique de la social-démocratie, spécialement française, avec le néolibéralisme mais, pour fermer au plus vite ce lamentable chapitre, on peut tout de même mesurer le degré de faillite historique d’un parti qui ose encore s’appeler « socialiste » à son incapacité à mettre en cause le capitalisme néolibéral au moment où sa crise apoplectique ouvre une fenêtre d’opportunité historique sans équivalent – et l’on finit par se demander quelle sorte d’événement, quel degré de dévastation serait maintenant requis pour qu’en cette matière l’électro-encéphalogramme socialiste émette de nouveau un bip.

Le drame actuel de la période tient donc à l’absence de toute force politique autour de laquelle faire précipiter les affects communs de colère et d’indignation. Car voilà le problème : il ne faut pas surestimer la capacité des multitudes à s’autoorganiser à grande échelle. La période actuelle le démontre a contrario puisqu’aucun des corps sociaux maltraités par les politiques d’austérité n’a encore dépassé le stade des manifestations sporadiques et sans suite pour entrer dans un mouvement de sédition généralisée. Les amis de la multitude libre sujet de l’histoire m’en voudront certainement, mais je me demande si pour manifester sa propre puissance politique, elle n’a pas besoin d’un « pôle » qui fasse focalisation et condensation, et qui la rende – ou par lequel elle se rende – « cohérente ». Sauf à rester diffuse, il faut à la multitude des points focaux où « ça précipite », par lesquels elle prend consistance et conscience d’elle-même – même si je ne méconnais nullement tout ce qui peut se passer ensuite de captation et de dépossession à partir de ces points focaux… mais enfin ce n’est pas ici qu’on va régler le problème de l’horizontalité démocratique, même si l’on peut au moins dire que, précisément, elle est un problème, et pas une donnée d’évidence. Pour l’heure, faute d’auto-organisation constatée et de force politique susceptible de faire pôle constituant ou agrégateur, ne restent que des colères diffuses, non coordonnées, incapables de se rejoindre faute de lieu.

Et ce n’est pas sur les directions syndicales qu’il faut compter. Ou si l’on doit compter sur elles, c’est plutôt pour produire les résultats exactement inverses, à savoir ramener à la poussière les germes de colère en voie de fusion. Car, et l’on appréciera la performance, il faut un certain talent dans l’ordre de la négativité pour avoir si artistement volatilisé l’énergie des mobilisations massives de janvier-mars 2009 et des retraites à l’automne 2010. On ne sait pas s’il faut invoquer le dogme (absurde) de la séparation du « syndical » et du « politique » (comme si l’action sur les questions sociales n’avait pas un caractère profondément politique) ou bien (surtout) la compromission des institutions syndicales, comme telles organiquement intégrées dans le jeu institutionnel général et devenues inaptes à s’en extraire pour le remettre fondamentalement en cause. Mais le fait est là : le formidable bouillonnement de colères qui avait fait descendre les gens par millions dans la rue en 2009 et 2010 et qui, au-delà de l’occasion formelle des retraites par exemple, avait pour mobile manifeste le rejet de tout un modèle de société, n’a non seulement trouvé aucun leader syndical (ou politique) pour verbaliser sa vérité, mais a été consciencieusement dilapidé par les voies habituelles de la déambulation aussi rituelle qu’inoffensive, dans des quartiers soigneusement choisis pour ne recéler aucun point chaud symbolique – qui a vu sur le trajet République- Nation le moindre ministère, un siège de banque ou de grand média ? Je me dis que bientôt, sur cette belle lancée, on n’aura plus qu’à pousser jusqu’au Bois de Vincennes : on aura dérangé quelques écureuils et on rentrera en disant qu’on a bien pris l’air…

RdL : Qu’est-ce qui permettrait d’enrayer cette fabrique de l’impuissance ? Comment reconstituer une capacité d’agir collective, transformatrice et émancipatrice, dans la situation actuelle ?

FL : Strictement dépourvu de toute expérience et de tout talent d’entrepreneur politique, je n’ai pas la moindre idée des voies par lesquelles se reconstituent des capacités d’agir collective, à défaut de quoi je n’ai guère d’autre solution que de faire retour à ma position scolastique et à son point de vue extérieur. Les multitudes se mettent en mouvement quand elles passent certains seuils affectifs. Mais ces seuils sont-ils les mêmes pour tout le monde ? Non ! Et où se trouvent-ils exactement ? On ne le sait pas ex ante. Les conditions matérielles, telles qu’elles déterminent l’impact différentiel de la crise au travers de la stratification sociale, l’inégale distribution des dispositions à l’acceptation ou à la mobilisation, sont autant de données qui « hétérogénéisent » la « multitude », catégorie dont l’homogénéité trompeuse est un pur effet de nominalisme. Pourquoi le mouvement des Indignés a-t-il si bien pris en Espagne, aux États- Unis même, et si peu en France où nous sommes pourtant portés à nous gargariser de notre « tradition » manifestante et revendicative ? Dans le cas de l’Espagne, on se demande si la réponse ne tient pas entièrement dans un chiffre : 40 % de taux de chômage des jeunes, c’est-à-dire en particulier une production massive de diplômés qui voient leurs « naturelles » espérances professionnelles brutalement niées par l’exclusion de l’emploi dont ils sont les victimes. Ce sont les enfants de la bourgeoisie, bien dotés en capital culturel et scolaire, mais se découvrant frustrés de ce qu’ils tenaient pour de légitimes aspirations – n’avaient-elles pas jusqu’ici été validées par le système ? – qui se retournent et basculent. Du côté des étudiants étasuniens, c’est peut-être le poids de la dette, au moment où les rapports avec les institutions financières sont profondément détériorés, qui joue un rôle équivalent et fait passer les seuils de l’« intolérable ». Mais peu importe, dira-t-on, d’où part le mouvement et pour quelles raisons particulières : après tout, il n’est pas d’action désintéressée (au moins en un sens du concept d’intérêt un peu… intéressant). Ce qui compte, indépendamment de ses origines (pudenda origo, pourrait-on dire à la manière de Nietzsche : les origines sont rarement belles à voir), c’est ce que ça produit : est-ce que ça a du levier, est-ce que ça entraîne à sa suite ? Voilà les questions pertinentes. À cette aune, le jugement demeure contrasté. Les Indignés espagnols ont visiblement mis du monde dans la rue… mais avec quelles suites électorales ? Pour le coup, on devrait vraiment relire le « Élections, piège à cons » de Sartre qui semble avoir été écrit la semaine dernière et tout exprès pour la situation présente : il y déplorait le gouffre qui sépare les mouvements sociaux comme dynamiques créatrices profondément collectives et l’artificialité sérielle du scrutin électoral qui isole (dans les bien nommés isoloirs) et dissout radicalement toute la force propre, authentiquement politique, du « en commun ». Alors voilà : les Indignés espagnols descendent dans la rue… et ils se retrouvent avec le Parti populaire de Rajoy. C’est à pleurer.

Avec ou sans Indignés en France, ce sera le même tarif… En l’occurrence, d’ailleurs, c’est plutôt « sans », et là aussi, il y a un mystère. La différence tient en partie, une fois encore, au taux de chômage des jeunes, considérablement moins haut, tout comme le taux de chômage global, qu’en Espagne. À 10 % de taux de chômage global, les enfants de la bourgeoisie française ne souffrent pas encore, leurs positions sont suffisamment robustes, leurs accès suffisamment maintenus pour que la crise ne les malmène pas trop. Je me souviens de la brève mais violente récession de 1993, le taux de chômage était monté à plus de 12 % et l’on avait, chose inouïe, entendu des représentants notoires du capital commencer à s’inquiéter des ravages dont souffrait la société française ! Ma conjecture à l’époque était que dans l’entourage de Claude Bébéar, puisque c’est de lui qu’il s’agissait, un fils de famille bien diplômé avait dû rester sur le carreau et que ça avait été comme un traumatisme de découvrir ainsi l’injustice du monde. Mais 12 %, ce n’est pas si loin, cela pourrait même venir très vite compte tenu de ce qui s’annonce. C’était une rude leçon de réalisme politique que Bourdieu, ici très spinoziste, avait donné en rappelant que dans l’Amsterdam du xviie siècle, les bourgeois s’étaient décidés à financer des infrastructures de tout-àl’égout lorsque le choléra, tout à fait oublieux des barrières de classe, avait commencé à emporter leurs enfants. Il en va donc probablement des eaux du chômage comme de celles chargées de miasmes : il faut que le niveau ait suffisamment monté pour venir importuner les dominants et les décider à remettre en cause leur propre système, dès lors que celui-ci devient trop directement attentatoire à leurs propres intérêts… Et puis, pour leur malheur, les Indignés français ont contre eux deux autres idiosyncrasies bien de chez nous. La première, visible par contraste avec le cas étasunien, tient à l’antipathie spontanée des confédérations syndicales pour toute forme de mouvement dotée des deux haïssables propriétés d’être spontané et de leur échapper en grande partie. À l’inverse, les Occupy ont reçu le soutien discret mais réel, logistique et politique, de syndicats étasuniens peu habitués aux mouvements d’ampleur et plutôt contents de trouver ici une opportunité au moins de « participer » à une démonstration d’échelle (quasi) nationale. On peut compter sur les confédérations françaises pour ne pas apporter le moindre soutien aux Indignés de La Défense… Le feraient-elles d’ailleurs que ces derniers s’en méfieraient comme de la peste, pressentant, non sans raison, la récupération de bas étage. La seconde tare française bien sûr, c’est l’élection présidentielle et son inoxydable mythologie qui continue de faire croire à beaucoup qu’elle est le moment politique par excellence, que c’est là que les choses se décident vraiment et, justement, ça tombe bien, c’est dans huit mois seulement, donc rendez-vous en mai… On daube actuellement sur l’hybride Merkozy, mais on rira peut-être moins au moment de découvrir le Sarkollande… Dans ce paysage où tout est verrouillé, où la capture « élitaire » a annihilé toute force de rappel, je finis par me dire qu’il n’y a plus que deux solutions de remise en mouvement : une détérioration continue de la situation sociale, qui conduirait au franchissement des « seuils » pour une partie majoritaire du corps social, c’est-à-dire à une fusion des colères sectorielles et à un mouvement collectif incontrôlable, potentiellement insurrectionnel ; ou bien un effondrement « critique » du système sous le faix de ses propres contradictions – évidemment à partir de la question des dettes publiques – et d’un enchaînement menant d’une série de défauts souverains à un collapsus bancaire – mais cette fois autre chose que la bluette « Lehman »… Disons clairement que la deuxième hypothèse est infiniment plus probable que la première… quoiqu’elle aurait peut-être, en retour, la propriété de la déclencher dans la foulée. Dans tous les cas, il faudra sacrément attacher sa ceinture. Et surtout continuer de réfléchir aux formes politiques d’un mouvement social capables de lui éviter toutes les dérives fascistoïdes. À constater le degré de verrouillage d’institutions politiques devenues absolument autistes et interdisant maintenant tout processus de transformation sociale à froid, je me dis aussi parfois que la question ultra taboue de la violence en politique va peut-être bien devoir de nouveau être pensée, fût-ce pour rappeler aux gouvernants cette évidence connue de tous les stratèges militaires qu’un ennemi n’est jamais si prêt à tout que lorsqu’il a été réduit dans une impasse et privé de toute issue. Or il apparaît d’une part que les gouvernements, entièrement asservis à la notation financière et dévoués à la satisfaction des investisseurs, sont en train de devenir tendanciellement les ennemis de leurs peuples, et d’autre part que si, à force d’avoir méthodiquement fermé toutes les solutions de délibération démocratique, il ne reste plus que la solution insurrectionnelle, il ne faudra pas s’étonner que la population, un jour portée au-delà de ses points d’exaspération, décide de l’emprunter – précisément parce que ce sera la seule. ■

NOTES

■ 1. Frédéric Lordon, La Crise de trop, Paris, Fayard, 2009. ■ 2. Yves Citton et Frédéric Lordon, « La Crise, Keynes et les esprits animaux », Revue internationale des livres et des idées, n° 12, juillet- août 2009. ■ 3. Maurizio Lazzarato, La Fabrique de l’homme endetté, Paris, Éditions Amsterdam, 2011.

Une version en castillan de cet entretien peut être lue sur le site www.rebelion.org :
Entrevista a Fréderic Lordon, director de investigación del CNRS e investigador del Centro de Sociología Europeo (CSE)
«Estamos asistiendo al hundimiento de un mundo, están a punto de desatarse fuerzas inmensas»

 


Partager cet article
Repost0
26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 18:08

 

| Par Ludovic Lamant

 

Les Irlandais s'apprêtent à voter, jeudi 31 mai, à l'ombre de la crise grecque. Ils sont les seuls, au sein de l'Union, à avoir l'occasion de se prononcer, par référendum, sur le « pacte budgétaire », ce nouveau traité européen défendu bec et ongles par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy du temps de leur splendeur. En Grèce, au Portugal et en Slovénie, les députés ont déjà ratifié ce texte, qui muscle encore la discipline budgétaire, et que François Hollande a promis de « renégocier ».

Officiellement, l'issue du vote irlandais n'aura aucune conséquence sur l'avenir du « pacte ». Lors de l'écriture du texte, les délégations européennes, prudentes, ont pris soin de préciser qu'il suffisait que douze pays (sur les dix-sept de la zone euro) l'adoptent, pour une entrée en vigueur dès 2013. Rien à voir avec de précédentes consultations sur l'île, dont le résultat avait paralysé l'Europe – les Irlandais avaient rejeté le traité de Nice en 2001 (avant de le ratifier l'année suivante), puis voté contre celui de Lisbonne en 2008 (avant, là encore, de changer d'avis en 2009).

Mais ce référendum enverra un signal politique fort au reste de l'Europe, à un moment critique pour l'avenir de la zone euro. Une victoire du « non » renforcerait le camp des adversaires de l'austérité, déjà requinqués par la victoire de François Hollande en France, et plus encore par la percée du parti de gauche Syriza en Grèce, le 6 mai. « Des millions d'Européens qui se battent contre l'austérité se réjouiront d'un "Non" irlandais », a pronostiqué Despina Charalampidou, une députée grecque de Syriza, qui s'est rendue à Dublin pour une conférence de presse jeudi.

« Une victoire du "non" en Irlande, et l'avancée de Syriza en Grèce, c'est le même combat », veut croire Paul Murphy, un eurodéputé irlandais du parti socialiste, une formation d'extrême gauche, joint par Mediapart. « Dans les deux cas, c'est un grand pas vers une autre Europe, pour en finir avec l'austérité, pour un changement radical. » Ce scénario faciliterait sans doute aussi la démarche du président français, dans son face-à-face avec la chancelière Angela Merkel, pour renégocier le traité.

 

Le premier ministre irlandais Enda Kenny, le 24 février, à Rome. 
Le premier ministre irlandais Enda Kenny, le 24 février, à Rome.© Reuters.


A l'inverse, si le « oui » l'emporte, l'Irlande va consolider son statut, aux yeux de Bruxelles, de bon élève, qui prouve que les politiques d'austérité marchent, à condition d'y mettre du sien. Des trois membres de la zone euro qui font l'objet d'un plan de sauvetage (avec le Portugal et la Grèce), l'Irlande est en effet le seul à avoir renoué avec une (très maigre) croissance (+0,7 % en 2011, +0,5 % attendu cette année), grâce à la reprise de ses exportations. Mais le taux de chômage, à 6,3 % en 2008, a explosé, et reste à des niveaux préoccupants (14,4 % en 2011). Le déblocage d'un deuxième plan d'aide, dans les mois à venir, est probable.

A Dublin, l'immense majorité des partis politiques fait campagne pour le « oui ». Le gouvernement en place depuis février 2011 – une coalition de partis de centre droit (Fine Gael) et de centre gauche (Labour) –, mais aussi le Fianna Fail (le grand parti historique de droite) et la majorité des Verts, veulent l'adoption du texte au plus vite. Ils avancent un argument massue : si l'Irlande rejette le traité, elle perdra l'accès aux prêts du Mécanisme européen de stabilité (MES), ce futur « FMI à l'européenne ». Ce serait alors la faillite, menacent-ils.

 

Repousser la date du référendum ?

 

 

Plusieurs ministres assurent également qu'en cas de rejet du traité, Dublin sera contraint de renégocier avec Bruxelles sa fiscalité particulièrement avantageuse pour les entreprises étrangères. Un sacrilège, pour bon nombre d'Irlandais. « Le gouvernement a choisi de faire peur aux Irlandais », dénonce Paul Murphy. « On va nous expliquer qu'en cas de "non", le ciel va nous tomber sur la tête, que nous n'aurons plus d'argent, que nous serons exclus d'Europe », avait prévenu, dès mars dernier, Andy Storey, un économiste de la University College of Dublin, partisan du « non », dans un entretien à Mediapart.

Deux principales formations appellent à bloquer le « pacte budgétaire » : le Sinn Féin de Gerry Adams, dont la cote de popularité est en forte progression, et qui pourrait devenir le grand gagnant du scrutin, et la United Left Alliance – une coalition de partis d'extrême gauche aux scores plutôt confidentiels. D'après les derniers sondages, le camp du « oui » reste largement en tête (37 %, contre 24 % pour le « non »). Mais la masse d'indécis (encore 35 % à une semaine du vote) rend le scrutin très ouvert.

« Ce référendum se résume à une entreprise de peur d'un côté, et à l'expression d'une colère de l'autre », résume David Farrell, de la University College of Dublin, au Financial Times. Peur de la banqueroute de l'île, colère contre les plans de rigueur à répétition. L'alternative n'est pas sans rappeler le discours définitif tenu par certains dirigeants européens, à l'approche des législatives du 17 juin prochain, aux Grecs : c'est l'austérité ou la sortie de l'euro.

 

Pour Fintan O'Toole, un éditorialiste réputé de l'Irish Times, qui avait prophétisé la crise irlandaise dans un très bon livre devenu un best-seller sur l'île, il faut voter « non » jeudi prochain, en raison de l'« absurdité » de la situation. A quoi bon se prononcer sur un texte que le président français veut renégocier, s'interroge-t-il ? « Cela n'a aucun sens, tant que l'on ne connaît pas l'accord qui sera passé. Nous demander de signer ce texte, avant même de connaître quelle sera l'autre partie du contrat (sur la croissance - ndlr) est une marque de profond mépris. »

Fintan O'Toole propose donc de voter « non, pour un oui plus tard ». Un « No but yeah » qui rappelle les changements d'avis des Irlandais lors des précédentes consultations sur les traités... D'autres personnalités ont exhorté le gouvernement, ces derniers jours, à repousser le vote du texte, et d'attendre les conclusions du Conseil européen de fin juin, afin d'y voir plus clair.

Mais le chef du gouvernement, Enda Kenny (du Fine Gael), s'y est systématiquement opposé. « Il est important de conserver cette date du 31 mai, parce que notre peuple doit envoyer un signal de fermeté, à l'Europe, concernant l'avenir de notre pays », s'est-il justifié. De là à penser que l'exécutif veut se dépêcher de voter, pendant que les sondages prédisent une victoire du « oui »...


Partager cet article
Repost0
26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 16:22
25 mai 2012
Par Okeanos

 

Nous entendons beaucoup parler d’Alexis Tsipras ces derniers temps, après son voyage en France et en Allemagne, après le fameux « Hollandréou » qui a fait grogner A. Samaras et E. Venizelos.

Normal, il est le leader de la formation politique qui fait trembler l’Europe et qui poursuit sa conquête en Grèce (voir l’historique des sondages) : le Syriza.

Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur le programme du Syriza : le terme populisme revient en tête de gondole, ce programme est pour certains équivalent à la sortie de la Grèce de la zone euro.

Une seule crainte est palpable : que Tsipras, en cas de victoire, fasse une Papandréouane. Car le populisme critiqué par le PASOK et la Nouvelle Démocratie a d’abord été … entériné par Papandréou, quand il a basé sa campagne sur « L’argent il y en a », pour retourner sa veste et appeler le FMI car « l’argent, baaah, n’en a plus » (sous entendu, merci la Nouvelle Démocratie).

Mais la situation de la Grèce a bien changé. L’austérité tue, c’est un fait. Le laboratoire grec se rebiffe et vote contre le mordorandum. Et le Syriza propose un programme centré sur la démocratie, les droits de l’humain et l’égalité entre tous.

Petit tour d’horizon du programme en 10 points.


(Ce programme est la traduction du résumé présent sur le site left.gr )

1. Créer un bouclier pour protéger la société contre la crise

  • Pas un seul citoyen, sans un revenu minimum garanti ou des prestations de chômage, des soins médicaux, une protection sociale, un logement et un accès à tous les services d’utilités publiques ;
  • Des mesures de protection et de secours pour les ménages endettés ;
  • Le contrôle et la réduction des prix, la réduction de la TVA, la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité.

2. Éliminer le fardeau de la dette

La dette est d’abord et avant tout un produit des rapports de classe et est dans son essence même inhumaine. Elle est produite par l’évasion fiscale des riches, le pillage des fonds publics et l’achat exorbitant d’armes et d’équipements militaires.

  • Un moratoire sur le service de la dette  ;
  • Une négociation pour l’annulation de la dette, avec une provision pour les fonds d’assurance sociale et la protection des petits épargnants. Cela doit être suivi en exploitant tous les moyens disponibles tels qu’un audit de contrôle et la suspension des paiements ;
  • Le règlement de la dette restante avec des dispositions pour le développement économique et l’emploi ;
  • Une réglementation européenne de la dette des Etats européens ;
  • Un changement radical du rôle de la Banque centrale européenne ;
  • L’interdiction de produits bancaires spéculatifs ;
  • Une taxe européenne sur l’impôt sur la fortune, les transactions financières et les profits.

3. Redistribution des revenus, fiscalité sur la richesse et abolition des frais inutiles

  • Réorganisation et consolidation des mécanismes de recouvrement fiscal ;
  • Imposition des fortunes de plus de 1 millions d’euros et des hauts revenus ;
  • Augmentation progressive, jusqu’à 45%, de l’impôt sur la redistribution de bénéfices ;
  • Taxation des transactions financières. Taxe spéciale sur les produits de luxe ;
  • Suppression des exonérations fiscales des armateurs et de l’Eglise orthodoxe grecque ;
  • Suppression de la confidentialité des banques et des marchands, traque à  la fraude fiscale et aux cotisations sociales ;
  • Interdiction des transactions effectuées par le biais de sociétés off-shore ;
  • Quête de nouvelles ressources via :
  • l’exploitation efficace des fonds européens ;
  • la demande remboursement des créances issus de l’occupation allemande et dee réparations allemandes de la Seconde Guerre mondiale ;
  • une forte réduction des dépenses militaires.

4.  Productivité, reconstruction sociale et environnementale

  • Nationalisation / socialisation des banques et intégration d celles-ci dans un système bancaire public sous le contrôle du social et des travailleurs dans le but de servir le développement. Le scandale de la recapitalisation des banques doit cesser immédiatement.
  • Nationalisation de toutes les entreprises publiques, d’importance stratégique, qui ont été privatisées à ce jour. Administration de ces entreprises publiques basée sur la transparence, le contrôle social et de la planification démocratique. Aide pour la fourniture de biens publics.
  • Protection et la consolidation des PME du secteur social et des coopératives.
  • Transformation écologique du modèle de développement. Cela inclut une transformation dans les secteurs de la production d’énergie, la fabrication, le tourisme et l’agriculture. Tous ces secteurs doivent être réformées selon les critères de l’abondance alimentaire et de la satisfaction des besoins sociaux.
  • Développement de la recherche scientifique et de la spécialisation productive.

5. Un emploi stable avec des salaires décents et une assurance sociale

La dégradation constante de la main-d’œuvre, couplée avec des niveaux de salaires embarrassantes n’attire pas les investissements dans le développement ni dans l’emploi.

  • Un emploi bien payé, bien réglementé et bien assuré ;
  • Un etour immédiat du salaire minimum et un retour des salaires réels dans les trois ans ;
  • Un retour immédiat des conventions collectives de travail ;
  • L’instauration de mécanismes de contrôle puissants qui protègent l’emploi ;
  • La confrontation systématique des relations de déréglementation des licenciements et du travail.

6. Plus de démocratie. Les mêmes droits démocratique et sociaux pour tous

Il y a un déficit démocratique dans le pays. La Grèce s’est progressivement transformée en un Etat policier autoritaire.

  • Une refondation de la souveraineté populaire et une mise à niveau du pouvoir parlementaire au sein du système politique ;
  • Une incitation à un système électoral proportionnel ;
  • La séparation des pouvoirs ;
  • La révocation de la loi pour la responsabilité ministérielle et l’abolition des privilèges économiques du parlementaire ;
  • Une réelle décentralisation et un gouvernement local avec des ressources et des compétences élargies ;
  • L’introduction de la démocratie directe et d’institutions d’auto-gestion sous le contrôle du social et des travailleurs à tous les niveaux ;
  • Des mesures contre la corruption politique et économique ;
  • La fondation de droits syndicaux démocratiques, politiques et commerciaux ;
  • L’amélioration des droits des femmes et  des jeunes dans la famille, au travail et dans l’administration publique ;
  • L’accélération du processus d’asile ;
  • L’abolition du règlement de Dublin II et l’octroi de papiers aux immigrants ;
  • L’inclusion sociale des immigrants et de l’égalité des droits ;
  • La réforme démocratique de l’administration publique avec la participation active des fonctionnaires ;
  • La démilitarisation et la démocratisation de la police et des garde-côtes ;
  • Le démantèlement des forces spéciales.

7. Un État-providence puissant

Les lois anti-assurance ont fait baisser les services sociaux et la chute abrupte des dépenses sociales a rendu la Grèce un pays où règne l’injustice sociale.

  • Programme immédiat de sauvetage du système de retraite qui comprend le financement tripartite et le retour progressif des portefeuilles des fonds de pension  dans un système public et universel d’assurance sociale ;
  • Hausse des allocations de chômage jusqu’à ce que le taux de substitution atteigne les 80% du salaire. Aucun chômeur ne doit être laissé sans indemnité de chômage ;
  • Introduction d’un revenu minimum garanti ;
  • Système unifié de protection sociale complet couvrant les strates sociales vulnérables.

8.  La santé : un bien public et un droit social

La santé doit être fournie gratuitement et sera financée par un système de santé publique via les mesures  suivantes (immédiates) :

  • Soutien et mise à niveau des hôpitaux ;
  • Mise à jour des infrastructures de santé de l’Assurance Sociale (IKA) ;
  • Développement d’un système intégré de soins de premier niveau médical ;
  • Arrêt des licenciements ;
  • Couverture des besoins en traitement médical (personnel et équipements) ;
  • Accès gratuit et sans coût d’un traitement médical pour tous les résidents dans le pays ;
  • Traitement pharmaceutiques et examens médicaux gratuits pour les retraités à faible revenu, les chômeurs, les étudiants et ceux qui souffrent de maladies chroniques.

9. Protection de l’éducation, de la recherche publique, de la culture et des sports des politiques du Mémorandum.

  • Consolidation de l’enseignement universel, public et gratuit ;
  • Couverture des besoins les plus urgents en infrastructure et en personnel aux trois niveaux ;
  • Ecole obligatoire jusqu’à 14 ans ;
  • Révocation de la loi Diamantopoulou (ndlr : Anna Diamantopoulou avait demandé l’abolition de la loi sur  »l’asile académique », qui interdit l’accès des campus à la police. Cette abolition a été votée le 24 août 2011. On reparlait de « junte » à cette époque, puisque cette loi avait été mise en place suite à la révolte des étudiants qui avait été le point de départ de la fin de la junte militaire);
  • Consolidation de l’autonomie des universités ;
  • Préservation du caractère académique et publique des universités ;

10. Politique étrangère indépendante et engagée dans la promotion de la paix.

L’adaptation de la politique étrangère aux exigences des États-Unis et des Etats puissants de l’UE met en danger l’indépendance du pays, la paix et la sécurité.

  • Une politique étrangère multidimensionnelle et qui prône la paix ;
  • Le désengagement de l’OTAN et la fermeture des bases militaires étrangères ;
  • La fin de la coopération militaire avec Israël ;
  • L’aide aux tentatives des chypriotes de réunifier l’île ;
  • En outre, sur la base du droit international et sur le principe de résolution pacifique des conflits, poursuite d’une solution aux relations gréco-turques, d’une solution au problème de la dénomination officielle de l’ARYM et de l’identification de la zone économique exclusive de la Grèce
Partager cet article
Repost0
26 mai 2012 6 26 /05 /mai /2012 16:13

 

Peu de temps après le déclenchement de la crise des subprimes, un des économistes espagnols les plus méconnus produit une analyse qui s’avèrera précieuse sur le déroulement du krach que nous connaissons. Dans « El Crash de 2010 », Nino Becerra décrit la chute de l’Euro, le trouble jeu de l’Allemagne, des eurosceptiques. Il parle surtout de son pays qui commence à vaciller. Il concentre son analyse sur les 20% de chômage devenant un poids pour l’économie. Il annonce un Euro dans sa traversée du désert.

 Aujourd’hui, les financiers sont tous en train de réaliser que la zone euro est dans une question de survie. Non pas que l’éviction de la Grèce soit un cataclysme économique parce que des « pare-feux » ont été mis en place pour endiguer des effets d’une dette perdue. Mais certains économistes voient surtout la portée symbolique de cette Grèce priée d’être exclue.

L’idée est catastrophique car elle montre le chemin de l’éclatement de la zone euro. La Grèce exclue c’est la fin de l’idée de l’Europe. C’est le retour à des égoïsmes nationaux. Aussi quand on voit Merkel ou Hollande ergoter sur l’avenir incertain des Athéniens, du berceau in fine de la civilisation européenne, on peut se poser la question de la capacité de ces politiques à pouvoir analyser la portée de leurs actes.

 Car, oui, qui va tuer l’Europe ? Les financiers ne sont pas idiots, ils savent qu’aujourd’hui le départ grec, c’est le retour à un monde bipolaire, avec la Chine et les USA en centre de gravité politique. Voilà, ce qui aujourd’hui se prépare… un monde à l’ancienne ou la zone euro ne saurait avoir sa place.

Oui, c’est ainsi, à qui profite ce petit meurtre entre amis… à deux puissances, Chine et USA. Le reste importe peu. Le village Monde n’étant qu’une petite série de pions, il suffit d’oublier la Grèce, de considérer que ces morts sociales induites valent moins que des engagements économiques à Wall Street ou Pékin… Le fait est là. Il y a aujourd’hui une volonté de détruire l’Europe pour permettre des divisions utiles dans une zone riche, éduquée et développée, voire gênante, par ses refrains sur les droits de l’homme.

La question aujourd’hui pour les pro-Européens, fédéralistes et autres idéalistes, c’est de savoir quels sont les leviers de pression pour ramener les politiques à la raison. Là, il s’agit d’engagement lourd, de stratégies fines d’influence. Car, il ne s’agit pas seulement de l’idée européenne à défendre, mais essentiellement de Paix. Ma mère a vu sur un chemin de terre une colonne d’Allemands qui allaient joyeusement incendier un village à proximité de chez nous. Elle se souvient de vitre des véhicules qui luisaient au soleil. Elle se rappelle le visage de son père lui demandant de partir « à la maison », sachant qu’ils étaient lui et son cousin à portée de fusil, sachant que ce cousin n’était pas un ouvrier agricole, mais un membre du réseau local… voilà, ce que l’Europe peut éviter…

Mais le cynisme est là. Quelques financiers ont décidé de jouer un retour vers le passé… la symbolique, les valeurs fraternelles et humanistes peuvent encore être sauvées… Nous sommes tous des Grecs. Nous sommes peut-être demain ces pères qui diront à leur gamin de rentrer « à la maison » parce que l’Europe aura été « exclue » de la pensée politique moderne.

J’ai dit

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22