Une ambiguïté semble persister à propos des élections législatives : est-ce une élection locale ou nationale ? Le fait que l'on parle essentiellement de telle ou telle circonscription, qu'individuellement on soit amené à élire « son » député, que, de plus, les candidats, pour avoir des voix, se présentent souvent comme futurs défenseurs des particularités locales... Tout concoure à nous faire voir ces élections comme une élection de terrain, venant compléter l'élection nationale qui la précède, la présidentielle.
Or c'est faux. Un député participe à l'élaboration des lois, et les vote. Et les lois ont une application nationale. Donc il s'agit d'une élection nationale.
Et cette élection va permettre d'influer la politique dans le sens que l'on souhaite. Ou pas.
Il n'a pas échappé à tout le monde que le Front de Gauche n'a pas été souvent cité, dans cette campagne, si ce n'est pour monter en épingle le combat que mène son leader, ou pour souligner une hypothétique dissociation entre PC et Parti de Gauche. Je pense, comme d'autres, que ce parti gène, non pas parce que les communistes auraient le couteau entre les dents et menaceraient la République en entendant revenir au collectivisme, non pas parce que Jean-Luc Mélenchon ne pratique pas la langue de bois et sait se mettre en colère, en particulier quand il se sent harcelé par des journalistes, mais parce que le programme de ce parti contient le projet de s'opposer à la finance, et en particulier d'enlever aux banques le privilège de la création monétaire. C'est cela, le crime du Front de Gauche, vouloir enlever aux banques la possibilité de la politique d'usure qu'elles ont auprès des États, c'est-à-dire celle de s'enrichir sur la faillite de ceux-ci.
Or, nous voyons bien que les plans divers censés sauver les pays ayant beaucoup de dettes, sont des plans qui augmentent leurs dettes et enrichissent leurs créanciers. Et nous nous savons que le MES et le Traité de Stabilité entendent mutualiser ce système qui va appauvrir tous les pays d'Europe au prétexte de les sauver (soi-disant) les uns après les autres.
Observons les séquences successives : menace d'un pays par une agence de notation, austérité votée démocratiquement, début de récession, dégradation de la note par les agences de notation, augmentation du taux d'emprunt, mesures encore plus grandes, et autoritaires, d’austérité, aggravation de la récession, demande d'aide internationale et perte de souveraineté.... Constatons que ces séquences touchent pays après pays. D'abord la Grèce, laboratoire de cette expérience néolibérale, puis l'Italie, l'Espagne ? L'Irlande, le Portugal, la France ?
On peut faire l'hypothèse qu'ils (qui, ils ? Disons l'oligarchie financière, le pouvoir financier, les banques. On peut dire, aussi, le Capital...) n'auraient pas pu s'attaquer à tous les pays en même temps, parce que les peuples auraient risqué pousser leurs gouvernants à trouver une réponse collective (ce n'est pas très difficile à inventer, et cela commence par ne pas rembourser tous les intérêts indus, et reprendre le contrôle de la création monétaire). L’Europe aurait, enfin, trouvé une légitimité politique si cette résistance s'était mise en place.
Mais ils sont plus malins que cela nos financiers, et nous trop naïfs. Ils vont donc attaquer chaque pays individuellement, le pointant comme fautif ( toujours le bon vieux truc manipulateur de la culpabilité, qui marche donc même au niveau de la politique internationale!), ou stigmatisant un groupe de pays (au surnom bien trouvé :les PIGS ) contre les vertueux... Et nous sommes conviés à espérer rester du côté de ceux qui ne sont pas passés à la moulinette.
Tout cela a pour but de casser la solidarité européenne, qui seule, pourrait diminuer le pouvoir exorbitant que s’octroie la finance.
Mais la finance a ses pièces avancées dans le monde politique et dans celui des médias, même dans le monde universitaire (cf le film « Inside job », très éclairant sur cette question). Une propagande généralisée nous conduit à penser que notre bien-être dépend de celui de nos banquiers. Retrouvant en cela ce qui a pu maintenir si longtemps le pouvoir absolu des monarques, nous sommes conviés à penser dépendre de la richesse que d'autres se font sur notre dos.
Et encore, si cette situation était stable, comme elle a pu l'être au temps de la royauté, elle aurait au moins le mérite d'apporter un peu de sécurité. Mais ce n'est pas du tout le cas.
Le pouvoir de la finance n'est pas actuellement équivalent à celui de l'ancienne monarchie héréditaire, mais à celui des dictatures : il contient en lui-même la volonté d'expansion qui va détruire peu à peu la démocratie sur laquelle il se développe. Mais, du coup, il implique aussi dans son mouvement sa perte inéluctable, car toutes les dictatures finissent par s'effondrer.
Cet effondrement a plusieurs raisons, la première d'entre elles c'est que la volonté d'une dictature n'est pas celle d'un équilibre mais celle d'une prise de pouvoir. Le pouvoir obtenu n’arrêtant pas la volonté de prise de pouvoir, le désir hégémonique ne peut s'éteindre de lui-même. La réalité qui vient avertir que le pouvoir va trop loin (par exemple par des manifestations des peuples, ou des votes contraires) ne peut pas être interprétée objectivement par celui-ci : il n'y voit qu'une résistance de plus à combattre pour obtenir son but.
La fin du système, c'est quand les résistances sont assez fortes et organisées pour arrêter la marche en avant mortifère du pouvoir dictatorial.
Il y a d'abord des voix démocratiques, notamment par le vote. Puis les soulèvements populaires.
En ce qui concerne le pouvoir de la finance et ses exigences extrêmes d'austérité et de casse du service public, les peuples touchés commencent à se soulever.
Et pour ce qu'il en est de nous, un moratoire semble avoir été posé sur notre pays en attendant la fin de la période électorale. Ensuite, nous allons prendre notre tour dans la file des pays qui vont à l’abattoir. D'autant plus que le parti socialiste n'a apparemment pas davantage pour projet de mettre en place une fronde européenne contre les banques qu'il ne l'a eu jusque-là (cf les votes du MES et du Traité de Stabilité auxquels il ne s'est pas opposé).
Allons-nous attendre que le peuple se soulève contre le pouvoir des banques à force de trop de malheurs, ou allons-nous voter pour stopper la marche en avant du pouvoir financier avant qu'il ne soit trop tard ?
Alors, on vote, dimanche ?
Le HuffPost | Par Grégory Raymond Publication: 05/06/2012 14:13 Mis à jour: 05/06/2012 15:04