On n’avait rien compris. Le débarquement de Nicole Bricq du ministère de l’Ecologie, à l’occasion du remaniement, et sa nomination au Commerce extérieur, c’était « une promotion ».
Ce doit être vrai, puisque c’est Bricq elle-même, sans doute encore sous le coup de la joie, qui l’a confié à son amie Cécile Duflot. Ce doit être encore plus vrai, puisque Duflot, transportée d’enthousiasme, l’a répété à Aphatie sur RTL. Duflot, jeune ministre en jean et en RER, qui ne mange pas du pain du pouvoir, n’aurait tout de même pas colporté un mensonge éhonté.
Tous les mal-pensants, qui expliquaient depuis la fin de semaine que Bricq avait été débarquée pour rassurer la Shell, fort inquiète que l’on lui interdise de forer au large de la Guyane, n’avaient donc rien compris.
Absurde tentative de camouflage
Débarquée en quelques semaines sur pression de hauts intérêts, Bricq n’est donc pas le Bockel de Ayrault. Ce haut fait a été récompensé par une promotion. Ce qui laisse un goût de pétrole dans la bouche, ce n’est pas le débarquement de Nicole Bricq. C’est son absurde tentative de camouflage.
Après tout, on peut comprendre que Bricq soit débarquée parce qu’en exigeant que les permis de forer, accordés à Shell en 2001, soient « remis sur la table », elle avait adopté une position juridiquement intenable, et donc commis une erreur politique (si toutefois cette analyse juridique est fondée). On peut même comprendre que Shell, appuyée sur un code minier dont on découvre à l’occasion qu’il date de 1906, défende ses intérêts. On pourrait même – voyez jusqu’où l’on pousse la compréhension – comprendre que le gouvernement se rende aux arguments, juridiquement fondés, de Shell.
Ce que l’on ne peut pas comprendre, c’est après quelques semaines de gouvernement le retour du mensonge, du mensonge le plus insolent, le plus épais, comme fond de sauce du discours du pouvoir.
Attendre que Duflot revienne à la vie civile...
On devrait pourtant être habitués. Que NKM, ancienne porte-parole du candidat Sarkozy, explique aujourd’hui que son voisin de bureau, le conseiller Buisson, voulait « faire gagner Maurras », cela ne choque pas : ce sont les règlements de compte d’après défaite et, circonstance atténuante, c’est la droite.
On voulait croire que la gauche du normal Hollande, de l’honnête Ayrault, aurait une autre pratique de la langue du pouvoir. Mais le mensonge s’est réinstallé dans ses meubles.
Et il faudra attendre que Duflot soit, comme aujourd’hui NKM, revenue à la vie civile, pour qu’elle livre le fond de sa pensée, si toutefois ce fond est encore repérable par les bathyscaphes.
Capture d’écran du générique de « Maya l’abeille »
Les abeilles sont ces derniers temps un sujet de préoccupation pour nombre de scientifiques, d’apiculteurs et d’agriculteurs : il est question d’une mystérieuse épidémie qui provoque l’effondrement massif de colonies à travers le monde, et qui menace l’ensemble de l’écosystème car ces insectes sont les premiers pollinisateurs.
Depuis quelques années, pour des raisons encore inexpliquées, des millions d’abeilles quittent la ruche sans y revenir, on accuse les pesticides, on pointe du doigt des virus, le frelon asiatique ou encore le téléphone portable, mais l’énigme reste opaque. Et si tout simplement les abeilles avaient découvert la notion d’individualité ? Et si les nouvelles générations avaient décidé de « vivre leur vie » en dehors de la ruche, comme l’a fait « Maya l’Abeille » ?
J’ai parfaitement conscience de l’absurdité ridicule de cette hypothèse, mais je n’avais pas trouvé d’autre introduction pour mon sujet.
1 La naissance de Maya : « Pourquoi ? »
Les trentenaires comme moi se souviennent tous de ce personnage intrépide, ingénu, insolent et curieux qu’est Maya l’abeille. Dès les premières minutes, on la voit avoir un comportement inédit, voire incongru, pour une abeille : elle est en retard sur les autres larves et son œuf est le dernier à éclore parce qu’elle rêvait – chose incroyable pour une abeille, lui fait remarquer son éducatrice, mademoiselle Cassandre.
Contrairement à ses camardes bien disciplinés, elle harcèle de question et de « pourquoi ? » mademoiselle Cassandre. Pire que tout, elle a l’outrecuidance de s’interroger sur certains usages et de remettre en question leur bien fondé, frôlant parfois l’hérésie apicole.
Dans le premier épisode « La Naissance de Maya », l’abeille est présentée avec des singularités qui annoncent sa différence et l’inévitable rupture avec les siens ; sa tendance à la rêverie, assimilée à la paresse, son besoin de comprendre et sa curiosité qui la pousse à poser des questions gênantes pour l’autorité, finissent par la faire s’enfuir de la ruche suivie par son camarade Willy.
Malgré la promesse faite à son éducatrice de toujours obéir aux règles, et bravant les dangers mortels auxquels s’expose une abeille isolée, elle enfreint la loi suprême qui veut qu’une abeille ne peut vivre en dehors de la ruche et part explorer le monde pour obtenir les réponses à ses questionnements par elle-même. Ainsi commencent les passionnantes aventures de Maya l’abeille.
2 La naissance de Maya l’abeille
La société des abeilles : allégorie d’un système totalitaire ?
J’ignore si le héros imaginé en 1912 par l’autrichien Waldemar Bonsels est le même que celui né plus d’un demi siècle plus tard sous les crayons d’une équipe Franco-japonaise, mais l’idée de retranscrire la quête d’ un personnage épris de liberté dans le monde apicole relevait du génie !
Quand on y pense bien, transposée à la société humaine, la système social apicole nous apparaîtrait comme une dictature totalitariste : les abeilles ont une vie sociale très organisée et ordonnée en caste où chacun a une fonction bien déterminée au cours de son existence, le pouvoir, du moins celui de la reproduction, est concentré chez une impitoyable reine fratricide qui n’a pu asseoir sa domination qu’ en massacrant à sa naissance ses sœurs les plus faibles et en castrant chimiquement les autres femelles de la ruche.
Par ailleurs, l’une des caractéristiques essentielle des systèmes totalitaires reste la négation de l’individu ; l’individu n’existe pas en tant que créature libre et autonome, mais en tant qu’élément utile à l’ensemble et interchangeable à souhait.
Vivant en colonies, la société des abeilles repose sur la cohésion du groupe, les ouvrières sont par exemple totalement dévouées à la communauté et meurent inexorablement à la tâche. Dans le monde des abeilles, tout individu improductif (y compris les larves) est automatiquement éliminé, les abeilles mettent aussi à mort la reine lorsqu’elle est malade ou qu’elle devient stérile.
Ce n’est sûrement pas un hasard si dans les quatre premiers épisodes de la série, par la bouche de plusieurs personnages, on insiste sur la notion de collectivisme et sur la primauté du groupe sur l’individu.
3 Maya, une icône anarchiste subversive ?
Par anarchiste, j’entends le sens premier du terme qui signifie littéralement : sans commandement, sans autorité. Confondue avec l’anomie qui désigne le chaos social, l’anarchie est une doctrine philosophique qui prône la disparition de toute domination coercitive au profit de la libre coopérations entre individus libres, les libertés individuelles constitueraient la base de l’organisation sociale et des relations politico-économiques.
Si dans la nature, les abeilles solitaires existent, Maya n’en est pas une, ouvrière, comme les autres, elle est normalement destinée et programmée à consacrer sa vie au travail pour le bon fonctionnement du groupe. Sous cet angle de vue, l’individualisme de Maya et ses aspirations libertaires deviennent un acte révolutionnaire qui lui fait transcender sa condition initiale. Elle est d’autant plus subversive qu’elle entraîne dans sa quête le fayot et très rangé Willy.
Le personnage de Maya est celui d’une rebelle qui vit comme elle l’entend, libre de toutes entraves liées à son groupe et se passant de la protection de la ruche.
Dans le générique on la voit se réveiller à l’heure qu’elle veut, disposer librement de son temps, n’ayant d’autres soucis que de jouir de la vie : elle tripote avec insouciance une horloge végétale, sautille allègrement de fleurs en fleurs et s’ébroue joyeusement dans le pollen.
A la fin du générique, on la voit seule sur un nénuphar, mélancolique face à une lune pleine, une larme de tristesse coule sur sa joue, comme s’il était sous-entendu que la solitude était le prix de la liberté.
Le ministre du Redressement productif salue l’installation d’Amazon en Bourgogne... oubliant que le groupe échappe en grande partie à l’impôt en France.
Arnaud Montebourg en conférence de presse à Bercy, le 13 juin 2012 (Eric Piermont/AFP)
Première victoire pour le ministre du Redressement productif : ce lundi, Arnaud Montebourg a célébré chez lui, en Saône-et-Loire, l’installation d’une plate-forme logistique d’Amazon. Au fait, Amazon, ce n’est pas ce groupe qui s’est domicilié au Luxembourg pour échapper à l’impôt en France ?
Amazon a choisi Chalon-sur-Saône pour installer sa troisième plate-forme en France, et annonce la création de 500 emplois directs. Pour l’instant, le groupe américain de commerce en ligne expédie déjà ses livres, DVD ou disques à sa clientèle française depuis ses entrepôts d’Orléans et de Montélimar.
La nouvelle a été officialisée ce lundi, en présence d’Arnaud Montebourg. Pas seulement parce que le ministre du Redressement productif est chargé de créer des emplois : il était aussi, jusqu’à son entrée en gouvernement, député et président du conseil général de Saône-et-Loire.
Des bénéfices rapatriés au Luxembourg
Jeune député, Arnaud Montebourg s’était fait connaître avec un rapport sur l’évasion fiscale, réalisé avec son collègue Vincent Peillon. Ce lundi à Chalon-sur-Saône, mieux vaudra l’oublier.
Tout en créant des emplois, Amazon rapatrie en effet l’essentiel des revenus engrangés en France... au Luxembourg, où il a installé son siège européen.
Il y bénéficie d’un impôt sur les sociétés allégé : un taux de 21,8% – sans compter des exemptions généreuses –, contre 33,3% chez nous. Ses concurrents eBay et Apple (pour la plate-forme iTunes) se sont eux aussi domiciliés au Luxembourg. Google et Facebook, eux, ont choisi l’Irlande.
Cette « optimisation fiscale », selon l’euphémisme en vigueur, a fait d’Amazon une des principales cibles d’un rapport sévère du Sénat, en 2010. En février dernier, L’Express a aussi révélé que le groupe faisait l’objet d’une enquête du fisc.
Pourtant, Amazon paie bien des impôts en France. Mais pour un montant étrangement bas... Selon le rapport du Sénat, qui citait des chiffres de 2009, le groupe déclarait ainsi un chiffre d’affaires de 25 millions d’euros en France... pour un « volume d’activité » de 930 millions.
Pourquoi un tel écart ? Tout simplement parce que les filiales françaises d’Amazon ne fournissent que des prestations de services et de manutention. Les clients qui achètent des DVD, des livres ou des CD sont facturés, eux, au Luxembourg...
2,7 millions versés au fisc en 2011
Extrait des comptes de la holding d’Amazon en France
Les derniers chiffres disponibles sont tout aussi étonnants, selon les comptes que les deux filiales françaises ont déposés au tribunal de commerce :
pour Amazon.fr : un chiffre d’affaires de 29,6 millions d’euros et un bénéfice imposable de 1,8 million ;
pour Amazon.fr logistique, qui gèrera le nouvel entrepôt en Bourgogne : 75 millions de chiffres d’affaires et un bénéfice imposable de 6,08 millions ;
au total, un bénéfice imposable de 7,9 millions d’euros, soit un peu moins de 2,7 millions à verser au fisc.
Un montant normal compte tenu des bénéfices déclarés... mais très éloigné des performances réelles d’Amazon sur le marché français.
Cet écart n’étonne pas qu’en France. En avril, The Guardian a révélé que le fisc britannique avait lancé une enquête sur Amazon : selon le quotidien, le groupe a vendu pour 7 milliards de livres (8,6 milliards d’euros) de marchandise et de fichiers... sans avoir à payer l’impôt local sur les sociétés.
Déclaration d’Amazon à la SEC (en anglais)
Amazon est parfaitement conscient que ses mécanismes fiscaux pourraient lui causer des problèmes. Dans sa déclaration annuelle à la SEC (Securities and exchange commission, l’autorité de contrôle de la bourse aux Etats-Unis), le groupe écrit ainsi, au milieu de la liste des risques pouvant peser sur ses bénéfices :
« Un ou plusieurs Etats ou pays étrangers pourrai(en)t chercher à imposer des taxes sur les ventes ou d’autres obligations fiscales sur les entreprises de commerce en ligne installées en dehors de leur juridiction. [Cela] pourrait se traduire par des pénalités fiscales substantielles pour les ventes passées, réduire notre compétitivité par rapport aux commerces traditionnels et de manière générale nuire à nos activités. »
Sur le marché américain lui-même, Amazon a en tout cas trouvé la parade : le chantage à l’emploi. L’Etat du Texas, qui lui réclamait un arriéré d’impôts de 269 millions de dollars (214 millions d’euros), a finalement renoncé en avril dernier : en contrepartie, Amazon a renoncé, lui, à fermer la plate-forme logistique locale et a promis de nouvelles embauches.
De l’autre côté de l’Atlantique, à Chalon-sur-Saône, pas sûr qu’on ose davantage demander à Amazon de reverser plus d’argent au fisc...
La hausse promise du Smic sera annoncée mardi pour une application sur la feuille de paie de juillet, mais le gouvernement a préparé les esprits à une ampleur limitée, au risque de décevoir les attentes.
En décidant une revalorisation intermédiaire le 1er juillet, hors du calendrier légal puisque le Smic est revu chaque année le 1er janvier, François Hollande et le gouvernement entendent «rattraper ce qui n’a pas été accordé» durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Aucun «coup de pouce» au-delà de l’inflation n’a été donné au Smic depuis 2006.
Vendredi, le gouvernement répétait que la hausse serait «raisonnable» et que «les arbitrages n’avaient pas été rendus». Le même jour, les Echos avançaient l’hypothèse d’une augmentation de 2%, tandis qu’une des organisations consultées par le gouvernement évoquait auprès de l’AFP des discussions sur une hypothèse de 2,5%.
Cette hausse sera annoncée par le ministre du Travail, Michel Sapin, mardi à la Commission nationale de la négociation collective. Auparavant, le ministre aura rencontré le Comité d’experts sur le Smic, composé de cinq économistes, consulté avant chaque hausse légale.
«On recherche le chemin»
L'équation est délicate pour le gouvernement, appelé à «concilier deux logiques»: préserver la compétitivité des entreprises, surtout des PME, où la proportion de smicards est la plus élevée et répondre aux difficultés de nombreux salariés qui peinent à boucler leur budget. «Entre les deux, on recherche le chemin», résumait-on cette semaine dans l’entourage de Michel Sapin, tout en reconnaissant que la France «n’est pas dans un contexte qui va permettre de combler toutes les espérances».
Une hausse d’1% représente 11 euros nets de plus pour un plein temps. Un salarié sur dix environ est payé au salaire minimum (9,22 euros de l’heure, soit 1.398 euros bruts et 1.096 nets pour 35 heures).
Pour la CGT, 2% serait «trop modeste». «On s’attend toujours à l’annonce d’un chiffre situé entre 4 et 5%», a déclaré Paul Fourier.
Force ouvrière redoute aussi que les salariés ne soient «déçus» si ce «coup de pouce» de juillet ne devait être qu’une avance sur la hausse obligatoire du 1er janvier prochain en fonction de l’inflation : «On a le sentiment qu’on est en train de nous servir la soupe, en nous disant "la rigueur s’impose, on ne peut pas faire plus"», a indiqué Marie-Alice Medeuf-Andrieu.
Regarder aussi la question du temps partiel
Du côté du patronat, le ton est alarmiste. Un coup de pouce au Smic mettrait «en danger» des milliers de petites entreprises, affirme la CGPME, risquerait de «freiner les perspectives d’embauches», selon l’organisation des artisans UPA. Même faible, il fera peser un «risque sérieux sur l’emploi», a prévenu la présidente du Medef, Laurence Parisot.
Mais au-delà du niveau du Smic, deux autres débats sont ouverts, notamment par la CFDT et la CFTC, celui de l'évolution des salaires et du temps partiel. «Le vrai problème, outre le niveau du salaire, c’est le temps de travail», a récemment pointé le secrétaire général de la CFDT François Chérèque, estimant qu’il ne fallait pas «regarder le problème du Smic sans regarder aussi le temps partiel». Il plaide pour que les aides aux entreprises bénéficient davantage à celles qui «font un effort pour ne pas laisser, en particulier, les femmes en temps partiel».
La CFTC, elle, réclame un débat sur «une politique globale de hausse des revenus» afin de «régler le problème des travailleurs pauvres». Cette question sera abordée lors de la conférence sociale des 9 et 10 juillet. Le gouvernement réfléchit aussi à modifier les règles de revalorisation du salaire minimum pour l’indexer en partie sur la croissance.
Quelques heures après la clôture du sommet de la Terre, il faut rendre hommage aux chefs des délégations qui ont pris la parole jeudi et vendredi en séance plénière dans une parfaite indifférence, tandis que le public officiel clairsemé vaquait à ses occupations sans les écouter, téléphonant ou engloutissant des cafés et de (mauvais) sandwiches. La médaille du courage doit être décernée aux orateurs qui s’exprimaient encore dans la séance nocturne de jeudi devant quelques délégués présents pour une seule et unique raison : ils devaient encore attendre pour délivrer leur message national. Le tout ponctué par le « délégué inconnu » qui s’est exprimé en dernier vers minuit devant les seuls membres de sa délégation accablés d’ennui et de fatigue d’avoir fait un si long voyage inutile depuis leur île-Etat.
Cette litanie de déclarations inutiles qui ne pouvaient plus changer le fade contenu de la déclaration finale de 60 pages, adoptée sans enthousiasme après avoir été « fermée » depuis plusieurs jours à tout amendement par le gouvernement brésilien, résume parfaitement la tonalité d’une conférence qui n’a rien résolu des malheurs écologiques de la planète parce qu’il ne fallait braquer personne. Vendredi soir, de nombreux délégués avouaient leurs déceptions et leurs frustrations en traînant leurs valises à roulettes dans les couloirs du Rio Centro. En oubliant que beaucoup d’entre eux sont responsables, à des degrés divers et au nom de leurs pays, de cet échec.
Certes, l’économie verte a été remise in extremis à sa juste place, certes le Programme des Nations unies pour l’environnement sera renforcé (un jour...) ; et évidemment, l’écrire ne coûte rien, le rapport final affirmant vouloir lutter contre la pauvreté, pour l’eau et l’assainissement accessible à tout le monde ; bien sûr, la question sociale est évoquée et les objectifs de développement durable ont été précisés et... confiés à un groupe de travail. Mais le bilan des avancées ou des reculs par rapport à la première conférence de Rio de 1992 n’a pas été fait, parce qu’il pouvait fâcher.
Notamment sur la question de la biodiversité, passée à la trappe. Et les « financements innovants », donc les moyens financiers pour aider au développement et à la défense de l’environnement, sont remis à plus tard, à une autre conférence peut-être. La montagne onusienne a accouché d’une souris qui n’est même pas verte ; aboutissant à ce que la députée européenne des Verts, Sandrine Bélier, a appelé un « sommet de la déception ». Un sommet pendant lequel les négociateurs, évidemment mandatés pour un service minimum, se sont payés de mots comme, par exemple, dans le paragraphe dix du document final qui mérite le détour tant il exprime et symbolise la vacuité du texte adopté.
« Nous reconnaissons que la démocratie, la bonne gouvernance et l’Etat de droit, au niveau national et au niveau international, ainsi qu’un environnement favorable, sont des conditions sine qua non du développement durable, notamment d’une croissance économique durable et profitant à tous, du développement social, de la protection de l’environnement et de l’élimination de la faim et de la pauvreté. Nous réaffirmons que pour atteindre nos objectifs en matière de développement durable, nous devons nous donner, à tous les échelons, des institutions efficaces, transparentes, responsables et démocratiques. »
Le « développement durable », un « mot miraculeux »
L’expression « développement durable » le mot-valise dont les délégués et diplomates usent et abusent, repris tel quel par les négociateurs, masque un triste déni de la réalité. Même si tous peinent malgré tout à en expliquer le sens et la portée. Cela n’empêche pas ce « mot miraculeux » de ponctuer la déclaration adoptée de façon incantatoire, comme un refrain que l’on reprend machinalement. Il apparaît à peu près une dizaine de fois par page, accommodé à tous les sens et situations possibles ou imaginables.
Une sorte de gimmick diplomatique masquant plus ou moins habilement les mots nature, pollution, biodiversité ou ressources naturelles. Car si la question climatique est rapidement abordée, elle l’est aussi sous le déguisement du développement durable et les négociateurs, dont le travail aurait pu aboutir à faire l’économie du déplacement d’une cinquantaine de milliers de personnes, n’ont même pas réussi à donner un statut aux réfugiés climatiques qui, dans le fond, n’existent toujours pas pour la communauté internationale.
Il faut être aveugle, sourd ou définitivement persuadé que les égoïsmes nationaux doivent triompher pour trouver un quelconque intérêt au texte adopté dans la résignation par de nombreux pays et la jubilation pour certaines autres nations, comme les Etats-Unis, le Canada, la Chine ou la Russie. Ces pays, en instrumentalisant les pays les plus pauvres, ont finalement obtenu que les questions environnementales, du climat à la préservation de la biodiversité au sens le plus large du terme, passent à la trappe. Ce qui ne peut que conforter les opinions publiques et le monde industriel dans la croyance rassurante qu’il n’y a pas vraiment péril et que le sauvetage collectif de la planète peut attendre.
Le sommet de Rio marque une victoire de la diplomatie prudente et éloignée des réalités humaines et écologistes sur les environnementalistes. Ce n’est pas un échec puisque les nations occidentales, avec la complicité active du Brésil, n’ont jamais essayé, ni probablement jamais eu l’intention, de réussir la quatrième conférence mondiale sur l’environnement organisée depuis le début des années 1970.
Après des mois d'immobilisme en Europe, les négociations sur une taxe pour les transactions financières viennent d'être relancées. De manière assez acrobatique, puisque c'est en prenant acte de leurs désaccords sur cette question que les ministres des finances de l'Union européenne (UE), réunis vendredi à Luxembourg, ont permis de débloquer le dossier.
La présidence danoise de l'UE a en effet constaté l'impossibilité d'un accord à 27 sur cette mesure hautement symbolique, en raison de l'opposition de Londres et d'une poignée d'autres capitales. Ce qui ouvre la voie à une procédure qui se limiterait à un groupe restreint d'Etats membres – une « coopération renforcée », dans le jargon bruxellois. Cette solution, qui permet de contourner le veto britannique, était défendue par la France et l'Allemagne.
Pour François Hollande, c'est donc une bonne nouvelle, à une semaine d'un Conseil européen très attendu. Le président français avait fait de cette « taxe Tobin », aux contours encore très vagues, l'une de ses promesses phare de campagne, pour dégager des fonds et relancer l'économie européenne. A Bruxelles, toutefois, personne ne croit vraiment au calendrier avancé par le chef de l'Etat, qui continue d'espérer une mise en œuvre dès 2013, commeil l'a répétéen marge du G-20 mexicain.
Il faut un minimum de neuf Etats pour enclencher une « coopération renforcée ».« Notre objectif est de convaincre le plus d'Etats possible, plus que neuf en tout cas », prévenait, jeudi, un diplomate français. Dans une lettre publiée en février dernier, neuf pays, dont la France et l'Allemagne, mais aussi l'Espagne, l'Italie et l'Autriche, plaidaient pour une « accélération des travaux ». Ils défendaient déjà, entre les lignes, le recours à une coopération renforcée. Reste à savoir si d'autres capitales suivront.
D'ici au Conseil européen des 28 et 29 juin, les Etats concernés vont envoyer une ou plusieurs lettres à la Commission pour demander l'ouverture de cette procédure. L'exécutif de José Manuel Barroso avait déjà prévenu, mercredi, qu'il examinerait cette éventuelle demande« avec un esprit très ouvert ». Il reviendra à la Commission de formuler une nouvelle proposition de directive dans la foulée.
Selon une premièreproposition de directive, publiée en septembre 2011 par la Commission, une taxe sur les actions, obligations et produits dérivés, au sein des 27, aurait permis de dégager 57 milliards d'euros par an. Avec une « coopération renforcée », les recettes pourraient s'effriter, puisque moins de pays y participeront. D'après les calculs de l'ONG Oxfam-France, toutefois, une taxe identique, mais appliquée aux seuls neuf pays signataires de la lettre de février, dégagerait quelque 40 milliards d'euros.
Une procédure encore longue
Cette taxe constitue l'un des rares dossiers sur la table des négociations où Paris et Berlin semblent en phase. Pour François Hollande, c'est une promesse de campagne. Angela Merkel, elle, est contrainte de donner des gages à son opposition (les sociaux-démocrates du SPD et les Verts), pour qu'ils acceptent de voter le fameux « pacte budgétaire », qu'elle n'a toujours pas réussi à faire ratifier. Ce serait aussi un succès politique pour la chancelière, dans l'optique des élections allemandes de septembre 2013.
La route, pour autant, est encore très longue. D'abord, le recours à une « coopération renforcée » a le mérite de débloquer le dossier, mais la procédure reste lourde. Des allers-retours entre Parlement, Conseil et Commission, sont encore à prévoir. Dans la pratique, ce mécanisme, autorisé depuis le traité d'Amsterdam en 1997, n'a servi qu'à de très rares occasions. Le premier du genre, qui portait sur laloi sur les divorces, avait été formellement enclenché en 2010, et avait abouti plus de deux ans plus tard...
Surtout, rien ne dit que les Etats membres volontaires pour appliquer cette taxe parlent tous de la même chose. L'assiette du prélèvement (faut-il taxer les produits dérivés? Quid des obligations, alors que la pression des marchés sur la dette de certains Etats reste intense ?) risque de faire débat. Pendant la campagne, François Hollandes'était prononcéen faveur d'une taxation intégrant les dérivés, mais les Allemands semblent réticents.
Quant à l'affectation des recettes de la taxe, c'est encore plus flou. Quelle part irait au budget européen ? Aux budgets nationaux ? Au fonds européen de développement ? Les ONG, qui plaident pour une large affectation aux politiques de développement, ont accueilli avec soulagement la sortie de François Hollande,lors du sommet de Rio mercredi, qui s'est engagé à ce qu'« une partie » des recettes aille au développement et au climat. Les services de Bercy militent, eux, pour que cet argent soit d'abord utilisé pour éponger les dettes. Ces désaccords pourraient encore ralentir la procédure.
En février dernier, Nicolas Sarkozy avait fait voter l'entrée en vigueur, à partir du 1er août en France, d'une taxe qui ne porte que sur les actions d'entreprises dont le siège social est en France, et dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d'euros. Censée rapporter un milliard d'euros en année pleine, elle avait étécritiquéepar les ONG comme une« taxe au rabais ». SelonLes Echosde mardi, Bercypourrait déciderd'augmenter cette taxe.
Cette fois, l'ONG Oxfam-France se félicite de l'« avancée concrète » de ce vendredi. « Mais nous aurions préféré que les discussions sur l'affectation des recettes ne soient pas reportées à plus tard », précise Alexandre Naulot, d'Oxfam-France.
Chaque pays organisateur d'un G20 essaie de mettre sa marque de fabrique sur les thèmes qu'il veut voir être discuté. Quelquefois, le programme est « respecté » comme à à Londres, où le siège de la première place financière, paradis fiscal bien connu, en avait déclaré la fin. Dont acte.
D'autres fois, ça marche moins bien comme en France où la crise européenne et l'annonce d'un référendum grec avait complètement occulté les thèmes mis en avant par la présidence française au grand dam de Nicolas Sarkozy qui voulait redorer son blason international à cette occasion.
Pour le G20 présidé par le Mexique (Los Cabos, du 18 au 20 juin), Felipe Calderon voulait promouvoir le développement durable, la croissance verte et la lutte contre le changement climatique mettant ainsi en avant des thèmes qui seraient discutés lors du Sommet de Rio+20 (Rio, 20-22 juin). Là encore, ça ne s'est pas passé exactement ainsi.
La rumeur annonçait que le G20 « uni » arriverait à Rio+20, avec une déclaration commune sur l'économie verte, thème central de la conférence des Nations Unies sur le développement durable. Ainsi, cela aurait répondu à un objectif de la présidence mexicaine. Mais finalement, le Brésil est arrivé à Los Cabos avec le projet de déclaration finale du Sommet de Rio+20 sous le bras annonçant à ses partenaires que c'était à prendre ou à laisser. Ainsi, il s'imposait comme une nouvelle puissance incontournable dans les relations et la géopolitique internationales.
Non seulement incontournable mais également prêt à rappeler à l'ordre la vieille Europe, ligué avec les autres émergents. Ainsi, dès le sixième point de la déclaration finale du G20, il est écrit : « Les pays membres de l'euro s'engagent à prendre toutes les mesures pour sauvegarder l'intégrité et la stabilité de la zone ».
Comme plusieurspostprécédents l'ont souligné, nous assistons à Rio à une bascule géopolitique au profit des BRICS au premier rang desquelsleBrésil.Fort desabanque de développement disposant d'un budget quatre fois plus important que celui de la Banque mondiale,d'une croissance économique de 10,5% et très actif pourimposer ses choix productivistes,le Brésila donc, comme il est dit dans unpostprécédent, produit untexte« hors sol, hors contexte, hors crises » ouvrant laporteàl'économie verte,aux vieilles solutions qui ont elle-mêmes provoquées la crise.« Les marchés attendent de nous que nous coopérions plus étroitement »a dit Angela Merckel. Lessubprimesne sont plus rentables. Les dettes souverainesmarchent encore.L'économie verte a l'avantage de pouvoir être présentée commela solution aux multiples dimensions de la crise et à la mise en œuvre des objectifs de développement durable. Maismettre la nature entre les mains du marché est-il vraiment l'avenir que nous voulons?
Marianne - Rédigé par Juan Sarkofrance le Vendredi 22 Juin 2012 à 10:30
Jeudi soir, le second gouvernement Ayrault était formé, sans réelle surprise. Certains cherchaient la critique facile, sans issue ni intérêt. L'important était ailleurs. Les cadeaux de la précédente législature se découvrent semaine après semaine. Et ils étaient nombreux.
Ce jeudi, il y avait le prix du gaz, un trou imprévu de 10 milliards et un faux-scoop du Figaro.
Nous pouvions désigner les coupables: un gros mensonge d'Eric Besson en novembre dernier; un bidonnage des prévisions de croissance par Valérie Pécresse, et, avant tout, Nicolas Sarkozy lui-même.
Il fallait redresser, corriger, rappeler.
Le prix du gaz Mercredi 20 juin, le rapporteur public du Conseil d'Etat a préconisé l'annulation de l'arrêté du 29 septembre 2011 qui gelait les prix du gaz. En d'autres termes, il préconise une augmentation rétro-active pour les ménages.
On se souvient d'Eric Besson faussement triomphant nous vendant ce gel comme la preuve de l'efficacité gouvernementale: « Il y a plusieurs scénarii sur la table. Il y a un ou plusieurs scénarios où ça augmente, faiblement ou modérément. (...) A titre personnel, le seul scénario que j'écarte c'est l'hypothèse d'une augmentation forte du prix du gaz » déclarait-il encore fin novembre.... en violation d'une règlementation que le gouvernement Fillon avait installée! Sans surprise, GDF-Suez avait porté plainte et eu gain de cause. Au 1er janvier, Fillon avait concédé une hausse de 4%, contre 10% théoriquement dû. A l'époque, l'équipe Sarkozy pensait déjà la campagne présidentielle.
Six mois plus tard, le réajustement risque d'être brutal. L'avis du rapporteur public précède généralement le jugement définitif du Conseil d'Etat, qui a été saisi par GDF-Suez. Cette nouvelle tombe au plus mal. Elle oblige le gouvernement à accélérer la mise en oeuvre de l'une des promesses du candidat Hollande, l'adoption d'une tarification progressive en fonction des revenus pour lutter contre la précarité énergétique.
Les 10 milliards Second cadeau empoisonné, plus grave encore: l'exécution du dernier budget de l'Etat voté sous la mandature Sarkozy connaît des ratés. Il manquerait quelque 10 milliards d'euros de recettes. Le collectif budgétaire de juillet inclura donc des mesures d'urgence. Le ministre chargé des relations avec le parlement, Alain Vidalies, l'a confirmé mercredi : « On constate qu'il manque 10 milliards sur l'exécution du budget, « ce n'est quand même pas nous qui allons assumer cette responsabilité ».
Et oui... c'est une évidence... Mme Pécresse s'indignait sur Twitter du report de publication du rapport de la Cour des Comptes de quelques jours. L'ancienne ministre du Budget était moins diserte sur le dérapage des finances publiques: sa dernière loi de finances était-elle bidonnée ?
« On voudra bien constaterque le fait qu'il manque 10 milliards d'euros à la fin du mois de juin n'est pas de la responsabilité d'un gouvernement ou d'une majorité qui est en place depuis le 16 mai » Alain Vidalies
Parmi les pistes évoquées par le dit ministre, certaines sont de bon sens: l'exonération partielle d'impôt et de cotisations sociales des heures supplémentaires, outre qu'elle est anachronique et heurte l'emploi, coûte 4,6 milliards d'euros par an (dont 3,2 milliards à la Sécu, une charge compensée par l'Etat). L'AFP mentionnait également une réforme de l'impôt sur la fortune (ISF), le plafonnement des niches fiscales, la taxation des dividendes, et l'alourdissement de la fiscalité sur les successions et les donations.
La fausse polémique Rappelez vous cette étrange campagne présidentielle: François Hollande promettait notamment 60.000 recrutements dans l'Education nationale sur 5 ans mais une stabilité générale du nombre de fonctionnaires. Il fallait donc bien que certains ministères subissent des coupes. Mais le clan Sarkozy criait que le candidat socialiste allait augmenter le nombre de fonctionnaires.
On avait beau leur répéter l'exact verbatim de la promesse hollandaise, rien n'y faisait.
Engagement numéro 10 : « Un coup d’arrêt sera porté à la procédure de révision générale des politiques publiques et à l’application mécanique du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. » Engagement numéro 36 : « Je créerai en cinq ans 60 000 postes supplémentaires dans l’éducation.» «Ces créations se feront dans le cadre de la stabilité des effectifs de la fonction publique» (François Hollande, le 25 janvier dernier ).
Il fallut attendre le débat d'entre-deux tours pour que Hollande mouche définitivement Sarkozy en public sur le sujet.
Puis vint la campagne législative. L'argument UMPiste évolua à peine: Copé et quelques autres dénoncèrent le « matraquage fiscal » pour financer cette augmentation fantasmée du nombre de fonctionnaires.
Sept semaines plus tard le Figaro et quelques autres médias paresseux nous la fait à l'envers: le gouvernement Ayrault s'apprêterait à faire des « coupes drastiques ». C'était le scoop du Figaro, jeudi matin. Fichtre ! Quel revirement ! Du candidat laxiste, nous étions passés au père-la-rigueur ! Et la journaliste Cécile Crouzel, du Figaro, n'y allait pas par quatre chemins: « Pendant cinq ans, la gauche a accusé Nicolas Sarkozy de casser le service public, à coup de suppressions de postes, de fermetures de petits tribunaux et autres services locaux. Mais pour tenir ses objectifs de baisse de déficits publics, le gouvernement Ayrault s'apprête à mener une politique tout aussi sévère. » La formule semblait tout droit sortie d'un bureau de riposte de l'UMP.
C'était normal... Le Figaro, pour la première fois depuis 10 ans, était enfin un journal d'opposition. Et la jeune journaliste continuait l'indignation: « les ministères, à l’exception de ceux 'prioritaires' (éducation, justice et intérieur), verront ainsi leurs effectifs diminuer en moyenne de 2,5 % par an de 2013 à 2015 inclus ».
Ce jeudi soir, un nouveau gouvernement était formé, conséquence logique de la démission du premier au lendemain des élections législatives. Il y eut peu de surprises, seulement 4 ministres supplémentaires et des changements mineurs. Evidemment, certains allaient railler sur l'effectif global. Les mêmes oubliaient que le second gouvernement Fillon, il y a 5 ans tout juste, comptait 32 ministres et secrétaires d'Etat, payés 30% plus cher. Ils masquaient surtout l'essentiel: nonobstant un déficit budgétaire de 4,5% cette année, les comptes publics manquaient de 10 milliards d'euros supplémentaires aux prévisions du gouvernement Sarkozy.
Une véritable catastrophe.
Ami sarkozyste, reviens ! Il faut que tu nous expliques.
Nicole Bricq à Luxembourg, le 11 juin 2012 (GEORGES GOBET/AFP)
Sale temps pour l’écologie. Dans le gouvernement Ayrault 2, la ministre de l’Ecologie est passée de la huitième à la dixième place dans l’ordre protocolaire, derrière les ministres du Redressement productif et du Commerce extérieur.
En outre, Nicole Bricq passe de l’Ecologie au Commerce extérieur et est remplacée Delphine Batho. Ce remaniement n’est pas seulement une promotion pour cette dernière, c’est aussi une sanction de la première, qui n’a pas obtenu gain de cause face à Shell et à Victorin Lurel (le ministre des Outre-mer). Sur le dossier des forages pétroliers en Guyane, le gouvernement a fait le choix de l’emploi, pas celui de l’environnement.
Impact
L’exploitation pétrolières se ferait par 6 000 m de fond, 2 000 m d’océan et 4 000 m de plancher océanique. La recherche d’hydrocarbure pourrait perturber les mammifères marins au large. La Guyane abrite par ailleurs 95% de la biodiversité terrestre française.
Rappelons les faits : le pétrolier Shell était titulaire de permis d’exploration ouvrant sur une surface de 24 000 km2 à quelque 150 km des côtes de la Guyane. Permis que Nicole Bricq entendait suspendre dans l’attente d’une rénovation du code minier. Main dans la main avec Arnaud Montebourg, la ministre disait le 14 juin vouloir « obtenir des garanties économiques et écologiques qui n’existent pas aujourd’hui ».
Une semaine plus tard, virage à 180° : l’Etat accorde ces permis de recherche à Shell. Les ONG de défense de l’environnement demandent des éclaircissements sur ce revirement, sans succès.
Des emplois à la clé
Entre-temps, le dossier a été repris en main par Matignon. Le président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky, a confié au Monde :
« Shell disposait d’un permis en bonne et due forme et avait déjà engagé 250 millions de dollars dans cette opération... La décision du ministère de l’Ecologie était un signal négatif donné aux investisseurs étrangers. »
La présidente du Medef, Laurence Parisot, très remontée sur ce sujet, avait été reçue par le directeur de cabinet du Premier ministre. Et Victorin Lurel, le ministre des Outre-mer, avait rappelé dans un communiqué « son attachement à ce projet qui doit notamment profiter à la Guyane, tant en termes de retombées financières et de développement économique que d’emplois créés localement ».
« Un lobby efficace mené par l’industrie pétrolière »
Jeudi, alors qu’elle est au sommet de Rio+20 où elle représente la France aux côtés de François Hollande, Nicole Bricq apprend à la fois qu’elle perd son arbitrage sur le dossier guyanais et qu’elle doit abandonner le ministère de l’Ecologie.
Les ONG, avec qui elle préparait la conférence environnementale prévue à l’été, sont tombées des nues. Pour le porte-parole de FNE, Benoît Hartmann :
« Il est difficile de ne pas voir l’éviction de Nicole Bricq comme la conséquence possible d’un lobby efficace mené par l’industrie pétrolière. Il est vrai qu’en période de crise, le chantage à l’emploi est d’une redoutable efficacité. »
Interrogé sur Europe 1, le sénateur EELV Jean-Vincent Placé, qui la jugeait compétente, se dit « surpris » et « inquiet ».
L’ancienne ministre de l’Environnement du gouvernement Juppé, ralliée depuis à François Hollande, Corinne Lepage, juge cette affaire « abracadabrantesque ». Jointe par Rue89, elle explique :
« La ministre avait pris une position raisonnable, elle avait conditionné les permis aux études d’impact. Et puis quelques jours plus tard, on apprend que ces permis sont confirmés et une nouvelle répartition des royalties entre Shell, l’Etat et les collectivités locales est décidée. Mais en trois jours, la situation environnementale n’a pas changé. »
« L’écologie, la variable d’ajustement »
L’éviction de Nicole Bricq a permis de trouver un poste à Delphine Batho, qui ne s’entendait pas avec Christiane Taubira et qu’il fallait féliciter pour sa brillante réélection au premier tour – d’autant que ce fut la protégée de Ségolène Royal en Charente.
« Peut-être que c’est à la fois pour faire cet arrangement technique et parce que les lobbies ont gagné, mais dans dans les deux cas, c’est une très mauvaise nouvelle pour l’environnement », estime Corinne Lepage. Dans tous les cas :
« C’est un manque de considération flagrante pour ce ministère dont je rappelle quand même qu’en 2007, c’était un ministère d’Etat, numéro deux du gouvernement. Là, il est la variable d’ajustement de considérations qui lui sont totalement extérieures. »
Autre ancienne ministre de l’Ecologie, Chantal Jouanno a, elle, qualifié cette décision de « trahison par rapport aux principes de l’écologie ».
Reste que Delphine Batho n’avait pas de prédisposition particulière pour l’écologie. A part quelques prises de position pour la défense du marais poitevin et contre le pesticide Cruiser, la députée des Deux-Sèvres et porte-parole de François Hollande était plutôt intéressée par les questions de sécurité.
Le Monde.fr | 21.06.2012 à 16h06 • Mis à jour le 21.06.2012 à 16h06
Par Jean-Baptiste Chastand
Le conseil d'administration de Pôle emploi a entériné jeudi 21 juin plusieurs importants changements pour l'organisme. Le plan stratégique 2015, rédigé par Jean Bassères, son directeur, prévoit en effet des profondes modifications des méthodes de fonctionnement, notamment dans le suivi des chômeurs.
Le but est de corriger les défauts qui sont apparus à la suite de la fusion de l'ANPE et des Assedic, et surtout de profiter d'Internet pour faire des économies. Si les changements doivent encore être précisés dans les prochains mois, le document détaille déjà quelques pistes.
D'ici 2013, le plan prévoit que les demandeurs d'emplois seront classés en trois catégories en fonction de leur profil. Le but est que les chômeurs considérés comme les plus éloignés de l'emploi puissent bénéficier dès leur inscription d'un suivi renforcé, avec un conseiller qui n'aura pas plus de 70 demandeurs d'emploi dans son "portefeuille".
Les chômeurs les plus proches de l'emploi pourront de leur côté, s'ils le veulent, être suivis uniquement sur Internet.
La création d'un corps de contrôleurs
Jusqu'à présent, ce sont surtout les conseillers de Pôle emploi qui sont chargés de vérifier que les demandeurs d'emploi recherchent bien un travail. Bien souvent, et faute de moyens, le contrôle se résumait à sanctionner le chômeur qui ne venait pas à un rendez-vous de Pôle emploi.
Le plan stratégique promet une "expérimentation" sur "la mise en place d'équipes dédiées au contrôle de la recherche d'emploi". Demain, des contrôleurs de Pôle emploi iront-ils au domicile des chômeurs vérifier qu'ils recherchent bien un emploi ? "Rien n'est exclu", affirme-t-on à la direction. Pour contrôler les demandeurs d'emploi qui sont suivis uniquement sur Internet, des outils de traçage des connexions sur le site de Pôle emploi pourraient être mis en place.
L'abandon de la course aux annonces
Les agents de Pôle emploi ne chercheront pas comme par le passé à multiplier les offres d'emploi en sollicitant les entreprises. La direction de l'organisme souhaite inciter les entreprises à passer avant tout par le site de Pôle emploi pour déposer leurs annonces. De même, elle veut que les contacts directs entre chômeurs et entreprise, sans intervention de conseiller, soient développées.
"Toutefois, les entreprises qui n'utilisent pas Internet (et plus particulièrement les TPE) pourront contacter un conseiller afin qu'il leur propose le service adapté à leur besoin", prévient le document. Certaines entreprises, par exemple celles qui ont du mal à recruter, pourront bénéficier d'une offre de services renforcés.
L'ouverture aux sites d'annonces privés
La direction compte réaliser des "nouveaux partenariats avec les sites Internet emploi. Les offres publiées par ces sites pourraient être référencées dans le cadre des recherches effectuées sur pole-emploi.fr", et inversement. Le but est de fairecirculer plus largement toutes les offres d'emploi.
Un pilotage par les résultats
Trop longtemps, "les agents ont été uniquement évalués sur leur capacité à réaliser des actes, sans que l'efficacité de ceux-ci ne soit évaluée", estime un très bon connaisseur de Pôle emploi.
Désormais, le taux de retour à l'emploi devrait devenir l'indicteur phare de l'organisme. "Les managers bénéficieront d'analyses des résultats déclinées par bassin d'emploi", promet le plan stratégique. Ce taux de retour à l'emploi permettrait de comparer entre elles les performances des différentes agences.
La simplification administrative
Pour libérer du temps pour l'accompagnement, le plan stratégique permet de simplifier les courriers et les démarches administratives. Il en appelle aussi aux partenaires sociaux pour rendre moins compliqué les règles d'indemnisation des chômeurs.