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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 13:51
| Par Joseph Confavreux

 

Si la gauche revenue au pouvoir ne paraît pas prendre la mesure des transformations qu’elle doit mener, et des attentes qu’elle doit combler, est-ce parce que nous manquons de critique sociale ? Le sociologue Philippe Corcuff s’interroge, dans son dernier livre Où est passée la critique sociale ? Penser le global au croisement des savoirs, paru aux éditions La Découverte, sur l’éparpillement et les difficultés des pensées critiques. Un ouvrage qui est à la fois un discours de la méthode et un manuel de savoir s’engager.

Philippe Corcuff est maître de conférences à l'Institut d'Études Politiques de Lyon, chercheur au Centre de recherche sur les liens sociaux (Université Paris Descartes/CNRS), membre du comité scientifique de l'association Attac, et également bloggeur sur Mediapart.

Ce n’est encore qu’un premier sentiment, mais on a l’impression que la gauche revenue au pouvoir se contente déjà de mesures timorées, sans prendre en compte une critique sociale réelle. Cela s’explique-t-il d’abord par le comportement de cette gauche menée par un PS qui n’aurait pas profité de sa cure d’opposition pour renouveler son logiciel idéologique, ou plutôt par la faiblesse de la critique sociale aujourd’hui ?

Cela se joue dans l’écart qui s’est constitué entre les trois piliers que sont le champ politique institutionnel, les mouvements sociaux et les milieux intellectuels. Le champ politique institutionnel a des liens de plus en plus en faibles avec les mouvements sociaux critiques, parce qu’il se situe dans un esprit plutôt gestionnaire. La gauche institutionnelle s’est aussi éloignée des secteurs intellectuels critiques et est dominée par une pensée technocratique de l’expertise. Elle cherche comment réparer des bouts de tuyaux des machineries qui nous dominent sans s’interroger sur les machineries elles-mêmes.

Dans le même temps, les milieux intellectuels critiques ont été marqués par un mouvement de spécialisation des savoirs et d’enfermement universitaire qui éloigne de la cité. La pensée critique existe donc, mais elle apparaît moins connectée à la politique institutionnelle comme aux mouvements sociaux. Paradoxalement, la gauche arrive au pouvoir à un moment où elle est affaiblie sur le plan intellectuel, au sens où elle tend à circuler automatiquement sur des rails non réfléchis de manière globale.

Quels sont les contours de cette « critique sociale » dont vous vous demandez où elle est passée ? Est-ce qu’elle correspond à autre chose qu’à un moment de rencontre, autour de 1995, entre un mouvement social puissant et l’engagement de toute une partie des sciences humaines, autour notamment de la figure de Pierre Bourdieu ?

Ce mouvement exceptionnel de 1995 a souvent été vu comme un renouveau, après les années 1980. Mais il s’agissait aussi de la dernière réactivation d’une tradition de critique sociale émancipatrice qui s’est épanouie dans les Lumières du XVIIIe siècle, a été constitutive des différents courants du socialisme au XIXe siècle et était encore présente dans le marxisme au XXe siècle. Dans tous ces cas, il existait des liens entre la politique institutionnelle, les mouvements sociaux et les positions intellectuelles critiques.

Toutefois, aujourd’hui, on ne peut plus exactement envisager le rapport entre mouvements sociaux et pensée critique comme à l’époque des Lumières ou du marxisme. Ces traditions doivent être passées au tamis critique et les problèmes être reformulés en fonction des enjeux du moment.
 
Comment peut-on alors, aujourd’hui, articuler une critique de la domination, telle que l’a menée le sociologue Pierre Bourdieu, et une perspective d’émancipation, telle que la demande le philosophe Jacques Rancière ?

La tension Bourdieu/Rancière constitue, avec aussi la tension Foucault/Bourdieu, un des nœuds importants de la reformulation actuelle des pensées critiques et émancipatrices. Rancière n’a pas tort dans certaines de ses critiques de Bourdieu ou de Debord qui, en se centrant sur l’efficacité des dominations et leurs ruses symboliques, risquent de les redoubler par des analyses d’un pessimisme accablant.

Quand on met l’accent sur l’inégalité, les processus de domination ou l’aliénation, l’incapacité des opprimés tend à prendre toute la place, et il en manque pour l’émancipation, entendue comme possibilité des opprimés de construire une autonomie individuelle et collective à partir de leurs propres capacités. Il existe un risque d’enfermement dans la domination, qui repousse sans arrêt en pratique l’émancipation, même si cette émancipation est proclamée dans les discours.

Rancière est alors conduit à choisir une philosophie de l’émancipation contre une critique de la domination. Mais je ne peux pas le suivre sur ce terrain, parce que, inversement, les philosophes de l’émancipation ont tendance à sous-estimer, au nom même de la possibilité de l’émancipation, pour ne pas « désespérer Billancourt », pourrait-on dire après Sartre, les contraintes oppressives qui travaillent de manière insidieuse le réel, jusque dans les silences du corps finement observés par Bourdieu.

Mon point de vue ne vise donc pas à articuler ces deux éléments, comme tentaient de le faire les Lumières ou le marxisme. Il est plutôt de les mettre en tension, en se servant d’un outillage intellectuel emprunté au libertaire Proudhon dans sa critique de Hegel : penser par antinomie plutôt que par « dépassement » des contradictions, « synthèse », « harmonisation » ou « articulation ». Proudhon parlait judicieusement d’un espace d’« équilibration des contraires ».

Quelles seraient alors concrètement les composantes de la « critique sociale émancipatrice » que vous cherchez à déployer ?

Il existe au moins deux niveaux de réponse. Quels contenus peut-on commencer à donner à cette critique sociale ? Pour moi, cela réside d’abord dans l’élargissement de la critique du capitalisme par rapport aux formes standards de marxisme.

Karl Marx, 1875Karl Marx, 1875

Au lieu de considérer qu’il n’y aurait principalement que la contradiction entre capital et travail, il faut aussi creuser la contradiction entre capital et nature, qui soulève les questions écologiques, celle entre capital et individualité, où se logent les blessures de l’intimité contemporaine et, enfin, la contradiction entre capital et démocratie, qui intéressent les altermondialistes. Le capitalisme, comme l’a montré Marx, ne constitue pas un système homogène, mais un ensemble contradictoire, fait de contraintes structurelles qui pèsent tendanciellement sur tous mais également de potentialités émancipatrices.

C’est à la politisation au sens large (mouvements sociaux, syndicats, associations, expériences alternatives, activités culturelles et artistiques, partis, etc.) de se saisir de ces contradictions, en inventant notamment de nouveaux langages politiques (les langues de bois politiciennes auraient, par exemple, intérêt à regarder du côté du rap ou du polar), en élargissant les possibilités émancipatrices.

Il faudrait aussi penser au moins deux autres logiques d’oppression distinctes du capitalisme : la domination masculine et l’oppression post-coloniale, qui affecte les populations issues de l’immigration. Elles peuvent être en interaction avec le capitalisme, par exemple sur le marché du travail, mais n’y sont pas réductibles, puisqu’elles pourraient perdurer dans un tout autre type de société.

Le second niveau est de nature méthodologique. C’est le plan souvent délaissé de la tuyauterie conceptuelle, celui des « logiciels » de la critique sociale et de l’émancipation, touchant à la façon même dont on formule les questions et dont on définit les problèmes. La gauche de gouvernement est prise dans des rails technocratiques. Et la gauche de gauche me semble souvent fonctionner sur des schémas appauvris.

Il existe une doxa, que j’appellerai de manière polémique « la pensée Monde diplo' », mettant en scène le combat des « méchants » (le marché et l’individualisme) contre « les bons » (l’État, la nation et le collectif). Le tout serait orchestré par les « méchants » médias, qui mettraient dans la tête des « gens » – sauf « moi », celui qui diabolise les médias ! – des « mauvaises » idées. L’ensemble est saupoudré d’un ton de déploration généralisée, peu propice aux résistances créatrices.

Portrait de Michel FoucaultPortrait de Michel Foucault

Il existe donc un gros travail à faire, dans la gauche intellectuelle et les mouvements sociaux, par exemple, sur la tension entre émancipation et domination, comme on vient de le voir, ou entre connaissance de soi défendue par Bourdieu et création de soi promue à la fin de sa vie par Foucault.

Et puis il y a un autre chantier méthodologique immense : comment stabiliser un espace intellectuel qui échapperait à la tentation de saisir « le tout » – la vieille notion philosophique de « totalité » – sans se laisser aller à l’émiettement du sens qu’on regroupe souvent sous le terme de « post-modernisme » ? Il y va d’une autre façon de penser le global, ouverte à la pluralité et à l’incertitude.

Jean JaurèsJean Jaurès

Je livre quelques pistes dans le livre : chez Michel Foucault, encore, mais aussi chez Jean Jaurès dans son célèbre Discours à la jeunesse de juillet 1903, dans la philosophie littéraire de Claudio Magris ou dans l’insomnie éthique du personnage joué par Al Pacino dans Insomnia de Christopher Nolan (2002).

Quelles sont les raisons de cette disparition, ou de cet éparpillement, de la critique sociale ? Sont-elles d’abord liées à des effets propres à la discipline sociologique et au fonctionnement de l’Université, ou bien est-ce qu’il faut chercher ailleurs ?

La routinisation des logiciels, du côté de la gauche de gouvernement comme de la gauche de gauche, constitue un des facteurs. Il faut aussi tenir compte de l’émiettement de la pensée après l’ambiance intellectuelle dominée par le marxisme dans les années 1960-1970, dans lequel s’est engouffré le mouvement de spécialisation des savoirs, avec des critères propres aux disciplines qui permettent de développer des formes de rigueur, mais font perdre un sens du global pourtant attaché à ce qu’on appelle pensée critique. A également joué l’apparition de la figure de l’intellectuel médiatique, peu reconnu dans les milieux universitaires, mais qui a occupé tout un espace à destination du grand public.

Il existe pourtant des ressources critiques. Razmig Keucheyan en a dressé un inventaire à l’échelle internationale dans son ouvrage Hémisphère gauche (Zones, 2010). En France aussi, on a des laboratoires de recherche intéressants et des revues critiques et vivaces. Mais ces productions intellectuelles sont de plus en plus déconnectées de pratiques militantes, associatives, comme des débats globaux de la cité. Et la pensée critique globalisante recule alors même que des ressources existent.

Résister et réinventer, individuellement et collectivement, d’autres manières de vivre, comme on le voit aujourd’hui avec des organisations humaines qui ne ressemblent pas aux mouvements sociaux traditionnels, n’est-ce pas une forme de critique sociale plus radicale qu’élaborer des concepts – même si des concepts renouvelés peuvent aider ?

La critique sociale peut bien sûr se développer de manière pratique, à partir de milieux contestataires. Je fais partie de différents groupes : le syndicat Sud éducation, l’association Attac ou le Nouveau Parti Anticapitaliste. À Nîmes, je participe aussi aux discussions des indignés qui se tiennent à l’écart des organisations. Et puis il y a les échos des attentes des personnes qui participent aux activités de l’Université populaire de Lyon et de l’Université critique et citoyenne de Nîmes.

Or, dans les groupes et parmi les individus les plus à distance des organisations, je perçois une demande, non d’une théorie totalisatrice à la manière d’antan, mais de repères globaux mobiles qui se nourriraient des expériences concrètes tout en aidant à s’orienter en situation, grâce à des clarifications conceptuelles, en échangeant avec les milieux intellectuels sans pour autant passer sous les fourches caudines de l’arrogance universitaire. Avec l’idée que cela pourrait faciliter les pratiques.

Il n’est pas rare de rencontrer des individus dont les pratiques sont très en avance sur leur théorie affichée. Cela peut freiner leur inventivité pratique, mais surtout rendre difficile la mutualisation des expériences localisées, car elles sont trop vite traduites dans le langage de la théorie, inadapté quand il s’agit d’en rendre compte à l’extérieur.

À Nîmes, par exemple, l’association A.R.B.R.E.S, pour protéger tout à la fois l’environnement arboricole en centre ville et stimuler l’intervention citoyenne contre les projets autoritaires de la municipalité UMP, a associé des actions directes visant à empêcher la destruction des arbres, hors de la légalité, et des recours juridiques devant le tribunal administratif. Se pose en pratique une mise en tension entre illégalisme et légalisme, que ni les théoriciens des illégalismes, ni les théoriciens légalistes ne permettent de bien saisir. Un travail d’éclaircissement conceptuel peut dont être utile, sans que cela soit le principal dans l’action.

Ce type d’action sur plusieurs registres n’est pas très neuf : on l’avait déjà vu à l’œuvre dans la lutte contre le Sida ou les OGM. Quels pourraient être alors les lieux de cette critique sociale renouvelée ?  

Ludwig Wittgenstein en 1920Ludwig Wittgenstein en 1920
La clarification des concepts n’est pas l’essentiel des luttes sociales et des expérimentations alternatives, mais peut aider à des ajustements. Le philosophe Ludwig Wittgenstein a noté à un moment que « les concepts peuvent alléger ou empêcher le mal, le favoriser ou l’empêcher ». Mais il précisait une autre fois, dans le sens d’une primauté de la praxis, que « la solution du problème que tu vois dans la vie, c’est une manière de vivre qui fasse disparaître le problème ». Donc, oui à l’activité théorique, mais comme appui secondaire à l’action.

Or, il existe peu d’espaces de débats ou de mise en tension des théories et des pratiques. Certes, dans la renaissance des mouvements sociaux dans les années 1990, avec par exemple Act Up ou Attac, la contre-expertise a pris un rôle important. Mais il faut faire attention à ce que celle-ci ne devienne pas le simple envers de la technocratie, et ne participe à l’émiettement des savoirs, y compris militants, en se focalisant uniquement sur des bouts de tuyaux sans questionner les machineries.

Il faut garder à l’esprit que la pensée critique doit articuler une dimension globale tout en renonçant aux grands récits totalisateurs. J’ai mis en exergue une phrase de l’écrivain américain de roman noir James Sallis – l’auteur de Drive ! – « Le genre humain s’est toujours acharné à trouver un concept unique capable de tout expliquer : religion, visites d’extraterrestres, marxisme, théorie des cordes, psychologie… »

Les repères globaux qu’il y a à redéfinir exigent alors des espaces communs. Les Universités populaires restent souvent marquées principalement par d’utiles dispositifs d’appropriation de savoirs universitaires. Mais les espaces d’élaboration et de clarification interactive de concepts partagés y sont encore rares. On peut imaginer des sociétés de pensée, des revues, des clubs, qui ne seraient pas, comme aujourd’hui, trop intellectualo-centrés.

Ce qui manque, pour raviver la pensée critique, serait-ce aussi des personnes qui articulent, comme vous tentez de le faire, parcours universitaire et engagement militant ? Vous vous revendiquez comme « intellectuel-militant transfrontalier », avec un « itinéraire personnel, hybride, d’universitaire et de militant anticapitaliste, libertaire et altermondialiste ». On pourrait ajouter social-démocrate radical, écologiste, féministe… Le risque n’est-il pas alors aussi celui de la dispersion ?

Ces nouveaux espaces hybrides à créer m’apparaissent nécessaires, mais ils ne sont pas sans écueils, d’ailleurs déjà touchés du doigt dans le passé. Par exemple, que les intellectuels professionnels y prennent symboliquement le dessus sur les praticiens et les militants. Ou qu’ils s’en désintéressent très rapidement parce que la reconnaissance à l’Université est de plus en plus standardisée et que l’engagement risque de décrédibiliser leur travail de recherche. Il peut aussi y avoir une instrumentalisation de ressources intellectuelles, ou simplement de noms d’intellectuels, pour justifier la politique d’une organisation ou la carrière d’un politicien.

L’équilibre est donc forcément instable. Je fais attention, dans mon travail, à publier régulièrement dans les revues scientifiques, selon des critères universitaires, pour demeurer en dialogue avec mon milieu professionnel et pour me nourrir des rigueurs de la recherche en sciences sociales et en philosophie.

Mais, dans le même temps, mes insertions militantes me permettent de mieux me distancier des logiques bureaucratiques et mandarinales à l’œuvre à l’Université, comme des travers de l’hyperspécialisation. Je ne souhaite pas devenir un intellectuel d’organisation, à la différence de mon regretté ami Daniel Bensaïd qui en fut une des dernières belles figures dans la lignée des Rosa Luxemburg, Jaurès, etc. Mes conceptions sont d’ailleurs plutôt marginales dans les organisations dans lesquelles je milite, et ce n’est pas plus mal de ce point de vue.

Vous évoquez la figure de Bensaïd, en faisant référence à son « pari mélancolique », comme une voie possible d’existence de la critique sociale émancipatrice. En quel sens ?

La mélancolie m’apparaît inscrite dans notre expérience historique de longue durée : cela fait deux siècles qu’il existe des anti-capitalistes et qu’ils échouent à construire une société non-capitaliste démocratique et pluraliste, en débouchant même sur des formes autoritaires, voire totalitaires. On ne peut pas faire l’impasse sur ce passif, sur ce terreau mélancolique de notre action et de notre pensée aujourd’hui.

Par ailleurs, une deuxième source mélancolique renvoie à l’abandon souhaitable des idées de certitude, de théorie totalisatrice et de maîtrise toute-puissante, qui ont beaucoup accompagné la pensée critique. Car se confronter pleinement à la pluralité, à la part d’incertitude historique, aux antinomies irréductibles, aux fragilités humaines et aux limites écologiques, donc aux torsions des identités, aux tensions des logiques et aux échecs indépassables, cela risque aussi d’engendrer de la mélancolie. 

Mais « le pari mélancolique » promu par Bensaïd peut se faire joyeux, dans les plaisirs de l’expérimentation continue et dans les bonheurs de créations nécessairement inachevées. Et là on s’émancipe des effluves de rancœur propre à la déploration généralisée qui plane trop aujourd’hui sur la gauche de la gauche. Remplaçons les acidités du ressentiment par l’éthique de la curiosité chère à Foucault ! La mélancolie est alors à la fois un état du climat politico-intellectuel contemporain et un outillage pour rebondir dans ce contexte socio-affectif.

 

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1 juillet 2012 7 01 /07 /juillet /2012 13:31

Rue89 -Le Yéti - yetiblog.org

Publié le 30/06/2012 à 08h53

 

Impayable, « l’accord-surprise » annoncée par les Etats membres de l’UE le vendredi 29 juin, comme toujours « au bout de la nuit ». Vous savez ce qu’il me rappelle, leur miraculeux accord du bout de la nuit ? Les pochettes-surprises qui nous faisaient tant baver d’envie autrefois, chez l’épicier ou le boulanger du quartier...

Peu importe que les « surprises » en question s’avèrent toujours minables. C’était pas grave. On les oubliait aussitôt. Et on se remettait à saliver comme des malades sur la prochaine pochette. Ce qui nous importait, nous, ce n’était pas le cadeau, mais la pochette. Et le rêve qu’elle véhiculait.

Où il est question de cornichons

En vrai, on était aussi cornichons que les marchés d’aujourd’hui, qui flambent comme des nouilles sur du papier autour et rien dedans. Parce qu’il n’y a rien dans leur accord-surprise, vous entendez ? Rien. J’explique.

Leur grande trouvaille, c’est qu’ils vont (peut-être) confier le sauvetage des banques directement au FESF (Fonds européen de stabilité financière) et à son successeur désigné, le MES (Mécanisme européen de stabilité). Epargnant ainsi aux Etats membres le tracas d’être livrés aux tracasseries des vils spéculateurs.

Problème : qui alimentent les caisses de ces deux respectables organismes, le FESF et le MES ? Des emprunts garantis par les Etats membres ! Donc les Etats eux-mêmes déjà surendettés à mort. Comme la France lors de ce premier trimestre pré-Hollande. Faut-il vous faire un dessin ? Ou préférez-vous continuer à saliver sur leur pochette à la con ?

Conditionnel de rigolade

Vous avez sans nulle doute remarqué que j’avais prudemment précisé « (peut-être) » quant à leurs intentions. Eh bien, figurez-vous que c’était intentionnel puisque eux-mêmes abusent incontinents du conditionnel de précaution pour présenter leur « surprise ». Citation texto de leur formidable déclaration commune :

« Le MES pourrait, à la suite d’une décision ordinaire, avoir la possibilité de recapitaliser directement les banques. Cette possibilité serait soumise à une conditionnalité [sic] appropriée, y compris quant au respect des règles relatives aux aides d’Etat, qui devrait être spécifique à chaque établissement, à chaque secteur ou concerner l’ensemble de l’économie, et qui serait formalisée dans un mémorandum d’accord. »

Ça va, les gars (et les filles), vous n’êtes pas encore mort(e)s de rire ? Vous savez à quoi ça ressemble, leur FESF/MES, dans leur misérable pochette ? A une de ces toutes petites bagnoles en plastoc pièces détachées minable, façon cadeau Bonux, dont on renonce bien vite à emboiter les éléments épars.

Mais les marchés, ces grands benêts d’enfants, eux, sont contents. Du moins momentanément. Parce que ce n’est pas demain la veille que vous risquez de les voir rouler peinards dans leurs toutes petites bagnoles en plastoc pièces détachées. Et qu’ils vont vite s’en rendre compte. Ah, les cornichons !

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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 13:10

 

| Par La rédaction de Mediapart
Lire aussi

*Pour accéder aux liens, appuyer sur la touche "Ctrl" de votre clavier + cliquer gauche sur la ligne du lien

 

Ils ne se font guère d’illusion. Même si le groupe PSA reste silencieux et n’affiche pas  publiquement ses intentions : Aulnay est condamné à brève échéance. Les syndicats du site comme les élus de la Seine-Saint-Denis, mobilisés sur ce dossier emblématique pour le département depuis plus d’un an, redoutent que l’annonce officielle de la fermeture progressive du site d’ici à 2014 ne se fasse à la fin juillet, au moment du départ en congés.

 

L'entrée de l'usine. 
L'entrée de l'usine.© Mathieu Magnaudeix

Même si la crise et l’effondrement des ventes automobiles depuis plus de sept mois sont mis en avant pour justifier la fermeture de l’usine, le cas Aulnay est en fait tranché depuis le début de 2010. À l’époque, le constructeur automobile avait engagé une grande réflexion stratégique sur ses sites de production, les modèles produits, ce qu’il convenait de renforcer et ce qu’il convenait d’abandonner. Mediapart avait eu accès à ces documents en juin 2011 et avait publié une toute petite partie de ces réflexions stratégiques, utilisées par la suite par la CGT. Dans ces documents, le sort d’Aulnay était clairement arrêté. Le site fermerait avec l’extinction de la C3, un modèle de milieu de gamme, qui ne correspond plus aux débouchés du marché automobile, attiré désormais par les extrêmes : soit les modèles à très bas prix, soit les voitures à prix très élevé. Dans un contexte de surcapacité en Europe, Aulnay était le site le plus facile à fermer.

Un calendrier précis avait été élaboré par la direction de PSA pour gérer la fermeture du site. Le groupe automobile n’a jamais contesté l’authenticité du document que nous avions publié. Et depuis, tout ce qui y avait été noté  est scrupuleusement respecté, comme le soulignent les syndicats du site.

Sachant combien la fermeture d’un site automobile en France a une portée symbolique – aucune usine automobile n’a été fermée depuis celle de Renault à Boulogne Billancourt en 1992 –, la direction de PSA avait décidé que rien ne devait être officiellement annoncé avant l’élection présidentielle. Selon des membres du gouvernement, le gouvernement sortant serait intervenu pour demander au constructeur de bien différer toute annonce après la présidentielle.

Michel Sapin, ministre du travail, Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, et Matignon ont donc hérité du dossier dès leur arrivée. Les réunions tripartites s’enchaînent avec la direction et les syndicats, sans qu’il se dégage de ligne claire pour la suite. Les ministres doivent apprendre à travailler ensemble. Surtout, personne ne sait quoi faire pour la suite. Quelle reconversion envisagée pour les 3 000 salariés, pour le site ?

Certains se prennent à rêver de l’exemple de Bosch, qui a su reconvertir une de ses anciennes usines d’équipements automobiles dans la région lyonnaise en fabricant des panneaux photovoltaïques. Mais PSA, très affaibli par la récession du marché automobile, a-t-il les moyens ou la volonté de suivre cette voie ou d’aider à sa réalisation ? Parmi tous les arguments pour fermer le site d’Aulnay, y figurait celui de la valeur du terrain du site industriel, situé entre Paris et Roissy et donc très convoité. Le groupe avait estimé son prix à 306 millions d’euros.

Nous republions ici l’article sur les documents secrets de PSA sur la fermeture d’Aulnay et notre reportage après l’annonce. Malheureusement, peu de choses ont bougé depuis leur parution :

PSA : les documents qui liquident Aulnay

Fermer l'usine de PSA d'Aulnay : « une catastrophe sociale »

 

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30 juin 2012 6 30 /06 /juin /2012 11:45

 

Rue89 - Mutations 30/06/2012 à 09h37
Sabine Grandadam | JournalisteImprimer
 

Une tire-lire, un stéthoscope et des billets (401K 2012/Flickr/CC)

 

De sa vie, Hélène (certains prénoms ont été changés) n’avait jamais fait grève. Mais cette dentiste dans la cinquantaine, salariée du centre de santé de la MGEN (Mutuelle générale de l’Education nationale) à Paris depuis plus de trente ans, a elle aussi cessé le travail le 14 juin dernier.

A l’appel du syndicat majoritaire CFE-CGC, 81% de ses collègues médecins et dentistes se sont rassemblés à Montparnasse devant le siège de leur employeur, la plus grosse mutuelle santé de France avec trois millions d’adhérents, pour exprimer leur indignation.

La colère de ces blouses blanches est provoquée par le projet de la MGEN de signer une nouvelle convention collective régissant le statut des praticiens des cinq centres de santé qu’elle gère sur l’ensemble du territoire.

Médecins payés au rendement

Selon ce projet, le statut de salarié des bons docteurs serait réduit à peau de chagrin, « pour ainsi dire à celui de VRP », ironise un gynécologue, car ils seraient désormais payés uniquement au pourcentage du chiffre d’affaires. En clair, au rendement.

De surcroît, ils perdraient les RTT tout comme la notion d’ancienneté qui ouvre droit à une indemnité, ainsi que d’autres avantages liés à la condition de salarié, comme la prévoyance, qui serait réduite.

Louis-Albert Steyaert, délégué syndical CFE-CGC et principal interlocuteur de la direction dans la négociation, explique :

« Nous avons déjà une part variable dans notre salaire aujourd’hui. Mais ce système totalement basé sur le pourcentage du chiffre d’affaires entraînerait une baisse des rémunérations de 10 à 40%. Pour être honnête, certains peuvent y gagner jusqu’à 10% de plus, mais cela resterait marginal. »

Car en fonction de la spécialité exercée, le chiffre d’affaires généré varie. Ainsi, un médecin spécialiste ou un dentiste qui effectue des « actes techniques“ tels que l’échographie, le laser, une prothèse dentaire, la pose d’un stérilet, rapporte davantage à son employeur. Un médecin généraliste en revanche n’a ‘que sa consultation :

Nous estimons qu’un tiers à la moitié des médecins ou dentistes partiraient si ce projet aboutissait. Et dans ce cas, nous ne manquerions pas de voir un plan social arriver qui toucherait les personnels administratifs jugés en surnombre.’

Un idéal mis à rude épreuve

Au-delà de leur cas personnel, les praticiens reçoivent ces visées de la direction comme un affront à une certaine idée de l’exercice de la médecine qu’ils ont embrassée en épousant un employeur pas comme les autres.

Une mutuelle historique née juste après 1945 et fondée sur le principe de la solidarité et de l’accès à des soins de qualité pour tous. Hélène raconte :

‘Nous ne sommes pas dans n’importe quelle entreprise. J’ai fait ce choix voici des années d’être salariée plutôt que de m’installer en libéral, et je ne l’ai jamais regretté. C’était un choix par conviction personnelle, un choix de société. Ce lien de salaire nous unit à un projet mutualiste, donc à un ensemble de valeurs. Le salaire fixe, c’est un garde-fou qui nous permet de garder une éthique et de soigner nos patients dans un souci de santé et non de rentabilité.’

Cardiologue, Sylvie ajoute qu’elle travaille dans ce centre ‘ pour permettre à des gens de se faire soigner sans avoir à payer 120 euros la consultation de cardiologie comme dans le privé ’.


Manif des médecins de la MGEN, à Paris, en juin 2012 

 

Un modèle rentable sorti des cartons

Avec un déficit de sept millions d’euros en 2011, les centres de santé de la MGEN ont besoin d’être renfloués. Personne ne conteste cette donnée de base, sauf sur les moyens d’y parvenir.

‘ Le nouveau mode de rémunération ne réduirait que de 20% le déficit à activité égale, sans aucun départ de praticien ’ a calculé la CFE-CGC.

Mais pour Eric Chenut, le patron de la branche action sanitaire et sociale de la MGEN, il n’y a pas trente-six solutions. Pas de porte de sortie possible du côté d’une hausse de cotisations qui serait insupportable pour les assurés, ni du côté de la Sécurité sociale qui fait la sourde oreille aux demandes de réévaluation du tarif de la consultation de base (23€), des charges financières importantes pour gérer le tiers payant dans les établissements : il ne reste qu’à ‘ introduire de nouveaux modes d’organisation ’, explique-t-il.

‘ C’est une question de responsabilité si nous voulons rester fidèles à nos principes mutualistes ’.

Aussi son service a-t-il sorti des cartons un ‘ modèle économique élaboré par une commission de la Mutualité [la grande maison mère des mutuelles]’.

‘Une méthode qui pousse à la consommation’

Selon la CFE-CGC, ce ‘ modèle ’ qui explique comment rendre un établissement de santé rentable aurait été créé par des experts du secteur privé de la santé.

Le document présenté aux salariés du centre de Vaugirard a, en tout cas, fait perdre leurs dernières illusions aux praticiens. Pour gagner davantage et rentabiliser l’activité, est-il suggéré chiffres à l’appui aux praticiens, il faut voir plus de patients par heure (quatre) et recourir à des actes techniques bien plus importants que ceux facturés aujourd’hui par les centres de la MGEN.

‘ C’est une méthode qui pousse à la consommation et à faire de l’abattage ’ s’énerve Sylvie, cardiologue :

‘ Aujourd’hui, j’ai vingt minutes par patient, en 1995 c’était une demi-heure, et maintenant on m’en demande quinze ! Mais le pire, c’est de nous inciter à faire consommer plus d’actes techniques. C’est douteux sur le plan éthique. Est-ce que ça ne signifie pas creuser le trou de la Sécurité sociale ?’

Le 5 juillet, une nouvelle séance de négociation doit s’ouvrir entre la direction et le syndicat. Le docteur Steyaert de la CFE-CGC ne désespère pas d’arriver à un accord sur ‘ des bases saines plutôt qu’irréalistes basées sur un modèle qui n’existe nulle part ailleurs ’.

 

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 18:39
| Par Laurent Mauduit


À quelques jours du second tour de l’élection présidentielle, François Hollande a fait un geste qui a sans doute été mal décrypté. Au lieu d’aller à la rencontre des syndicats qui manifestaient dans toute la France et leur exprimer sa solidarité face à Nicolas Sarkozy qui les défiait en organisant au Trocadéro une fête du travail aux funestes relents, il a préféré, le 1er mai dernier, aller à Nevers sur la tombe de Pierre Bérégovoy, le premier ministre socialiste qui s’était suicidé dix-neuf ans plus tôt, au lendemain d’une sinistre défaite électorale de la gauche, celle de 1993. Sur le moment, beaucoup n’y ont vu qu’un geste de recueillement et de rassemblement de la famille socialiste.

Sans doute y avait-il plus que cela. C’est en tout cas ce que l’on est fondé à penser, à l'examen des premières annonces faites par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault et des contours de la politique économique et sociale qui se mettent en place. Car la similitude est frappante : même si, en son temps, François Hollande a très vivement – et courageusement – combattu les orientations du « Pinay de gauche », le voici aujourd’hui qui semble s’appliquer à marcher sur ses brisées et à placer les premières grandes mesures qu’il prend sous des auspices communes, celles de l’austérité.

Ce choix-là, s’il est socialement et politiquement contestable, pose de surcroît une question majeure : alors que le pays est de nouveau au bord de la récession, le gouvernement a-t-il raison de faire le choix d’une politique qui s’annonce très restrictive ? En somme, ne réédite-t-il pas l’erreur de Pierre Bérégovoy qui, par sa politique ultraorthodoxe, avait précipité la récession de 1993 au lieu de la conjurer ?

C’est, de fait, un bien étrange début de quinquennat auquel on assiste. François Hollande aurait pu avoir à cœur de faire vibrer le « peuple de gauche » en mettant en chantier, sitôt élu, quelques grandes réformes symboliques : une grande réforme démocratique – l’une de celles qui ne coûte pas un sou aux finances publiques mais qui permettrait de sortir la France du système perverti de la monarchie républicaine ; ou alors une grande réforme sociale. Eh bien non ! Les flonflons de la victoire de la gauche viennent à peine de se taire que déjà l’austérité pointe son nez.

Oui, l’austérité ! Dans le vocabulaire socialiste, ce mot-là est certes tabou, et dans une curieuse sémantique en vigueur depuis le tournant politique des années 1982-1983, les hiérarques du PS lui préfèrent le qualificatif aseptisé de « rigueur ». Mais à la lecture des premières instructions budgétaires adressées par Jean-Marc Ayrault aux membres du gouvernement, il faut dire les choses telles qu’elles sont : c’est une politique économique clairement restrictive qui se met en place.

Jean-Marc Ayrault l’a laissé une première fois transparaître le 25 juin, lors du séminaire du gouvernement, en annonçant à son issue, par un communiqué (on peut le télécharger ici), le cadrage des budgets de l’État pour les années allant de 2013 à 2015. Ce communiqué fixait d’abord les objectifs généraux : « Réduire le déficit public à 3 % de la richesse nationale en 2013, atteindre l’équilibre en 2017. » Et il donnait quelques détails plus précis sur la politique budgétaire envisagée. On apprenait en particulier ceci : « Pour l’État, ces orientations reposent sur une stabilité en valeur des dépenses, hors charge de la dette et de pensions, permettant de financer les engagements du Président de la République. Conformément aux engagements pris, les effectifs de l’État connaîtront une stabilité globale. Les créations d’emplois seront réservées à l’enseignement, à la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts seront nécessaires pour les autres ministères afin de respecter cet objectif de stabilité. Ces efforts seront définis, sur la base des propositions des ministres, dans un objectif d’équité et de qualité des services publics. »

Des instructions plus draconiennes que Fillon

Les instructions apparaissent alors très rigoureuses et tout particulièrement celles évoquant un gel pour trois ans des dépenses en valeur. Mais pouvait-on en déduire que la politique suivie était celle de l’austérité ? Sur le moment, on pouvait déjà le supposer car « une stabilité en valeur des dépenses » de l’État correspond à une baisse en volume (du montant de l’inflation). D’autant que ce gel en valeur est exactement la norme qu’a défendue sous le précédent quinquennat François Fillon. En 2010, ce dernier a ainsi annoncé que les dépenses de l’Etat seraient gelées en valeur sur la période 2011-2013 (lire Et maintenant, l’austérité !). On pouvait donc déjà penser que le cadrage de la politique budgétaire de Jean-Marc Ayrault serait exactement le même que celui de François Fillon. Mais comme on ne disposait pas encore du détail du plan, il était encore difficile d’y voir clair.

Les traditionnelles « lettres de cadrage » que Jean-Marc Ayrault vient d’adresser aux membres du gouvernement pour préparer le projet de loi de finances pour 2013 et le projet budgétaire pluriannuel couvrant la période 2013-2015 lève toute équivoque, comme en témoigne le nouveau communiqué publié le 28 juin par les services du premier ministre, que l’on peut consulter ci-dessous :

*A voir sur le site de Médiapart 

 

Lisons en effet les instructions, beaucoup plus détaillées, qui figurent dans ces lettres. Après avoir rappelé la norme de gel en valeur des dépenses de l’État, le communiqué lève une petite partie du voile sur les coupes claires que cela induira.

D’abord, il donne cette indication : « Le budget en préparation respecte des priorités, conformes aux engagements du Président de la République : l’enseignement, la sécurité et la justice. Il est partagé car l’ensemble des ministères, y compris ceux qui interviennent dans un domaine prioritaire, engagera des économies, fondées sur des propositions de réformes qu’ils élaboreront eux-mêmes. Les opérateurs de l’État devront également participer à l’effort de redressement des comptes publics. » Puis, il se fait plus précis : « S’agissant des dépenses de fonctionnement, chaque ministre proposera également des réformes, permettant, dans un souci d’équité et d’efficacité des services publics, d’en réduire globalement le montant de 7 % en 2013 par rapport à 2012, 4 % en 2014 par rapport à 2013 et 4 % en 2015 par rapport à 2014. Un effort de même ampleur sera appliqué, dans cet esprit d’équité et d’efficacité, aux dépenses d’intervention. Dans un souci de répartition équitable de l’effort, l’ensemble de ces principes sera décliné également aux dépenses de personnel, de fonctionnement et d’intervention des opérateurs de l’État. Chaque ministre aura la responsabilité de répartir cet effort au plus juste entre son administration et les opérateurs qui lui sont rattachés. »

Il n’est pas très difficile de percer ce que signifie ce jargon technocratique. En clair, les dépenses de fonctionnement de l’État seront réduites de 7 % en 2013, puis 4 % en 2014, et enfin encore 4 % en 2015, soit au total 15 % sur les trois ans. Comme leur nom l’indique, ces dépenses de fonctionnement servent à financer le fonctionnement de l’État et de toutes ses administrations : achats de matériel, entretien des locaux, achats et entretien des véhicules, carburants, etc. Ces dépenses de fonctionnement (y compris pour le ministère de la défense) étaient évaluées à 19,3 milliards d’euros dans le projets de loi de finances pour 2012. Elles font partie des dépenses sur lesquelles des ajustements peuvent être opérés, par opposition aux dépenses incompressibles que sont les charges de la dette et les pensions (86,5 milliards d’euros) ou les dépenses de personnel (80,6 milliards d’euros).

Cette norme de réduction de 15 % est donc considérable. Elle est même plus sévère que celle retenue lors du précédent quinquennat. En 2010, François Fillon avait ainsi annoncé une baisse des dépenses de fonctionnement de 10 % pour la période 2011-2013 (hors ministère de la défense) dont 5 % en 2011. Cette norme était d’ailleurs si sévère que le gouvernement n’est pas même parvenu à la respecter, les dépenses de fonctionnement n'ayant finalement reculé, en exécution, que de 2 % en 2011.

Et on aurait tort de se fier à la vision populiste des choses, qui prétend que l’État est obèse et vit dans l’opulence. La réalité est souvent à l’inverse et l’opinion publique se rend souvent mal compte des conséquences des coupes claires dans certaines dépenses de fonctionnement. Dans le passé, des rapports de l’Inspection des finances ont établi par exemple que des zones franches fiscales existaient de facto parce que l’administration fiscale n’était pas assez riche pour contrôler les contribuables – entreprises ou ménages – dans les coins les plus reculés de chaque département.

Annexé au projet de loi de finances pour 2012, un Rapport sur la dépense publique et son évolution, que l’on peut consulter ci-dessous notamment à partir de la page 45, permet de comprendre l’importance de ces dépenses de l’État :

* A voir sur le site de Médiapart
Coupes claires dans les dépenses sociales de l'État

Le communiqué révèle par ailleurs que les dépenses d’intervention feront l’objet d’un « effort de même ampleur ». En clair, elles baisseront, elles aussi, de 15 % sur les trois années 2013, 2014 et 2015. Or, ces dépenses d’intervention sont politiquement encore plus sensibles. Portant sur un montant global de 57 milliards d’euros, elles recouvrent des subventions diverses, mais aussi une bonne partie des interventions sociales de l’État : aide au logement, allocation adulte handicapé, contrat aidé…

Quand il avait annoncé sa purge en 2010, pour sa programmation pluriannuelle 2011-2013, François Fillon avait aussi pris des mesures d’austérité sur ces dépenses d’intervention que la gauche avait, à juste titre, très vivement critiquées. Ce qui n’empêche donc pas le gouvernement socialiste d’explorer aujourd’hui exactement les mêmes pistes.

Extrait du même rapport sur la dépense publique, le tableau ci-dessous détaille le contenu de certaines de ces dépenses d’intervention, celles baptisées « interventions de guichet », portant sur 38 milliards d’euros. À lire cette liste, on comprend vite que ces dépenses sont socialement très importantes. 

 

 

Enfin, ces « lettres de cadrage » donnent des détails sur le régime sec auquel sera soumise, à quelques exceptions près, la fonction publique. On apprend que les 65 000 créations de postes annoncés sur la durée du quinquennat (60 000 dans l’éducation nationale et le reste dans la police, la gendarmerie et la justice) seront compensés par autant de diminutions. Voici ce que dit le communiqué : « Les effectifs de l’État connaîtront une stabilité globale. Les créations d’emplois seront réservées à l’enseignement, la police, la gendarmerie et la justice. Des efforts de -2,5 % par an sur les autres secteurs seront donc nécessaires afin de respecter cet objectif de stabilité» Et dans une formule courtelinesque, le communiqué ajoute : « Ces efforts porteront sur l’ensemble des ministères, y compris sur les ministères qui interviennent dans un domaine prioritaire pour leurs emplois situés en dehors de ce champ. » En clair, mis à part les secteurs prioritaires – et encore pas totalement –, ce sera le régime sec.

Voici donc les premières instructions. Elles ne font pour l’heure apparaître qu’une petite partie de la politique très restrictive qui en découlera, ou des sacrifices symboliques qui seront annoncés. Avec un pareil cadrage, que restera-t-il par exemple des crédits en faveur de la culture ou de l’aide au développement ? On ne le saura que dans les prochaines semaines, quand les crédits par ministères seront connus, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que l’avenir s’annonce sombre, et que la politique budgétaire socialiste risque de susciter beaucoup de déception, quand on commencera à en mesurer les conséquences concrètes. Autre exemple : quelle sera la politique salariale de la fonction publique ? Il y a fort à parier qu’au-delà de la déception, il y aura peut-être même, dans les mois qui viennent, de la grogne sinon de la colère.

Et pourquoi François Hollande s’engage-t-il sur cette voie ? Il faut au moins lui donner ce crédit : même si l’opinion durant la campagne présidentielle pouvait difficilement percevoir les retombées concrètes de ce débat ardu sur les finances publiques et sur la réduction des déficits et de la dette, François Hollande a toujours joué cartes sur tables et annoncé qu’il mettrait en œuvre, s’il était élu, une politique budgétaire beaucoup plus austère que celle préconisée par son propre parti.

Que l’on se souvienne des débats socialo-socialistes de la mi-2011. Au printemps 2011, le Parti socialiste adoptait un projet pour 2012 qui refusait clairement la politique d’austérité du gouvernement Fillon et la réduction à marche forcée des déficits publics. Ratifié par les militants, ce projet préconisait un retour des déficits publics français sous la barre des 3 % du produit intérieur brut (PIB) seulement à l’horizon de 2014, et non en 2013 comme s’y était engagé Nicolas Sarkozy. Seriné à longueur d’émissions, l’argument du PS était frappé au coin du bon sens : réduire les déficits trop vite risquerait de plonger le pays dans la récession et de rendre hors de portée cette… réduction des déficits. À cette époque, Martine Aubry, comme la plupart des dirigeants socialistes, disait même qu’il fallait étaler les efforts sur plusieurs années pour ne pas asphyxier l’économie et que le retour aux 3 % de déficits pourrait attendre… 2015.

 

Les dangers d'une politique restrictive

Mais, à l’époque, François Hollande crée la surprise (lire L’énigme François Hollande) en annonçant, en violation du projet du PS, qu’il est partisan, lui, de respecter les engagements pris par Nicolas Sarkozy. Sous le titre « François Hollande : la dette est l’ennemie de la gauche et de la France », c’est à la faveur d’un entretien au Monde (daté du 16 juillet 2011) qu’il se livre à cet exercice.

« Dans le projet socialiste, il est question de ramener les déficits à 3 % du PIB en 2014. N’est-ce pas trop tard ?, interroge le quotidien.

Il faut rééquilibrer nos comptes publics dès 2013, répond François Hollande.

Dès 2013 ?, insiste le journal.

Oui. Je ne le dis pas pour céder à je ne sais quelle pression des marchés ou des agences de notation mais parce que c’est la condition pour que notre pays retrouve confiance en lui. »

On connaît la suite : dans une étonnante compétition libérale, sa rivale dans la primaire socialiste, Martine Aubry, fait aussitôt comprendre que, elle aussi, si elle était élue, n’aurait de cesse que de bafouer les engagements pris par le Parti socialiste et de mettre en œuvre une politique d’austérité.

La politique budgétaire qui prend forme en ce début d’année 2012 est donc strictement conforme à ce qui avait été suggéré – mais que le « peuple de gauche » n’avait pas forcément bien appréhendé. Il reste qu’elle soulève deux fortes interpellations. La première est d’ordre politique : pourquoi donc François Hollande a-t-il choisi de commencer son quinquennat de la sorte, d’abord en décidant une hausse aussi modeste du Smic (lire La triple faute de François Hollande), ensuite en annonçant ces coupes claires dans les crédits publics ? Etait-il plus urgent pour François Hollande de rassurer les marchés financiers – dont il s’était pourtant dit l’ennemi – que de prendre des mesures sociales fortes ? 

Et la seconde interpellation est de nature économique : même si on laisse de côté ces considérations sociales, est-on certain que ce cap est pertinent ? La dernière note de conjoncture publié par l’Insee (nous en présentions tous les indicateurs alarmants dans ce même article sur La triple faute de François Hollande) atteste qu’une nouvelle récession menace, que la consommation décroche, et que le pouvoir d’achat des ménages est en chute dans des proportions sans précédent depuis 1984.

Tous les grands instituts de conjoncture vont faire tourner leur modèle pour savoir quels seront les effets de ces mesures Hollande. Mais il n’est pas besoin d’être grand clerc pour le deviner : cette politique va naturellement creuser la récession au lieu de la conjurer.

Il y a donc, dans cette fuite en avant, une myopie qui fait peur. Se souvient-on, par exemple, que jusqu’en 1997, un seul homme politique français, l’ulralibéral (et ex-d’extrême droite) Alain Madelin, préconisait le retour à l’équilibre des finances publiques ? Désormais, c’est l’alpha et l’oméga de la politique budgétaire que veut conduire François Hollande.

Si le pays est longtemps en récession ou en croissance zéro, combien de nouveaux sacrifices faudra-t-il qu'il consente pour y parvenir ? Et la gauche sera-t-elle, à la fin du quinquennat, dans une meilleure forme que celle où l’avait laissé Pierre Bérégovoy en 1993 ? C’est l’inquiétude légitime que suscitent les premiers pas de ce gouvernement.

 

 

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 17:34

 

| Par Mathieu Magnaudeix

 

Le chiffre est affolant. En se penchant sur les derniers chiffres du chômage publiés par Pôle emploi, plusieurs experts du gouvernement se sont aperçus que le nombre de chômeurs sans activité depuis plus d'un an en France – près d'1,7 million en mai 2012, soit près de quatre chômeurs sur 10 – n'a jamais été aussi élevé dans notre pays.

De fait, le nombre de demandeurs d'emploi au chômage depuis plus d'un an n'a jamais été aussi haut depuis 1996, date de création des séries statistiques actuelles disponibles sur le site de l'Insee. Et même s'il est difficile d'évaluer le nombre de demandeurs de longue durée avant cette date, il y a fort à parier qu'il s'agisse tout simplement d'un « record historique », s'inquiète l'exécutif, qui ne voit pas par quel miracle la tendance pourrait s'inverser dans l'immédiat.

En mai 2012, la France comptait très exactement 1 681 800 chômeurs n'exerçant aucune activité ou une activité très réduite (les catégories A, B et C). Depuis le début de la crise, ce chiffre a explosé : ils étaient moins d'un million en septembre 2008, mois de la faillite de la banque Lehman Brothers.

 

 
© Pôle emploi

Plus alarmant encore, le nombre de chômeurs au chômage depuis plus de trois ans, dont la très grande majorité ne sont plus indemnisés par l'assurance-chômage, a gonflé de 22 % en une seule année. Et les demandeurs d'emploi de longue durée ont une ancienneté moyenne de 468 jours au chômage. Là encore, il s'agit d'un record.

Lundi 2 juillet, le ministre du travail Michel Sapin doit annoncer le déblocage de moyens d'urgence pour Pôle emploi, dont on ne connaît pas encore l'ampleur. Le service public de l'emploi ne sera par ailleurs pas concerné par les restrictions budgétaires confirmées, jeudi, par la lettre de cadrage transmise aux ministères par Jean-Marc Ayrault – baisse des dépenses de 7 % en 2013, de 4 % en 2014 et en 2015 sans compter la réduction des effectifs des ministères hors justice, police et éducation nationale de 2,5 % par an.

L'emploi est par ailleurs un des thèmes centraux de la conférence sociale des 9 et 10 juillet, qui réunira les partenaires sociaux au Conseil économique et social, à Paris, afin de déterminer le calendrier des mesures sociales. Début mai, François Hollande s’est donné « un an pour inverser la courbe du chômage ».

Le gouvernement compte bien invoquer quelques mois encore l'héritage de l'équipe Sarkozy, surtout que la hausse actuelle du chômage est en partie due à des plans sociaux retardés ou à l'arrêt des emplois aidés, le gouvernement Fillon ayant consommé en quatre mois 70% des crédits disponibles afin de contenir la hausse du chômage. Mais il sait aussi que l'argument ne sera pas efficace bien longtemps.

 

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 17:20

 

 

Etudiant
Publié le 29/06/2012 à 17h38

Un graffiti au Sommet des Peuples, à Flamengo

 

Après quelques jours passés à Teresopolis, perché dans les forêts primaires Atlantique de la Serra dos Orgaos, le temps est venu de faire le bilan de Rio+20. Le résultat politique de la conférence est encore plus décevant que ce que nous attendions. Certes, la plupart des observateurs et acteurs, y compris bien des jeunes sur place, avaient anticipé cet échec. Beaucoup se projettent déjà dans l’avenir. Toutefois, si Rio+20 nous a appris quelque chose, c’est qu’il ne faut plus compter sur les grands messes de l’ONU.

Pour notre génération, la déconvenue de Cop-15 en 2009 sur le climat, avait été un avertissement. Rio+20 est une confirmation. Les leçons de l’expérience doivent être retenues : il va falloir s’organiser autrement.

Les jeunes se font la malle

Dès le jeudi 21 juin, à 15h30, les jeunes du Major group for children and youth (MGCY) se sont regroupés au Rio Centro. Assis par terre durant toute l’après-midi, les jeunes ont crié leur frustration. Edouard, mon collègue de L’Observ’alter, a publié un compte-rendu à chaud de cette journée. Tandis que dans les salles surclimatisées du Rio Centro la plénière battait son plein à coup de satisfecit mutuels, les jeunes quittaient en groupe le centre de conférence. Plus de cent jeunes réunis sur place rendaient leur badge et décidaient de se rendre en masse au Sommet des peuples, à Flamengo, au nord de la ville.

Pourquoi un tel ras-le-bol ? Le lendemain, Edouard m’explique les motivations de ce mouvement :

« On savait que Rio+20 déboucherait seulement sur une déclaration politique, mais là, c’est excessif... Qu’est-ce qu’il nous reste ? »

Il est vrai que le constat, à la fin du Sommet, n’est pas reluisant. Les décisions climatiques ? Repoussées à Doha, en fin d’année. Le renforcement du Programme des Nations Unies pour le développement (UNEP) ? Renvoyé à dans deux ans. Le Haut-Commissariat aux générations futures ? Réduit à simple rapport annuel du secrétariat général de l’ONU. « Le futur que nous voulons », le slogan de la Conférence, semble cruellement ironique. On a tous compris que le futur désiré ne serait pas pour maintenant.

Ce qu’il restera de Rio+20

Et du coup, qu’est-ce qu’on fait ? Il y a du positif à garder de Rio+20. Certes, l’opinion mondiale ne s’est pas passionnée pour les débats. Certes en 1992, les débats avaient duré deux semaines, contre trois jours à Rio+20. Pire encore, durant le Sommet officiel, rien n’a été discuté, négocié. Pierre Bonneau, un des jeunes délégués français, rappelle comment s’est déroulé Rio+20 :

« Le texte adopté est celui de mardi 19 juin. Tout s’est joué lorsque les ministres sont arrivés. C’était la journée des derniers arbitrages. Pendant trois jours, ils se sont réunis pour faire des discours. »

Alors, qu’est-ce qu’il nous reste ? Il reste que les jeunes français sur place se sont organisés au sein d’un Collectif, et qu’ils comptent continuer de peser. Pour la première fois, nous avons eu des Jeunes délégués présents dans la Délégation française.

Il reste surtout toute la force des revendications exprimées lors de la Marche des peuples, et de l’ensemble des évènements parallèles de la Conférence. Il reste des rencontres, des énergies, des gens mobilisés et conscients que le monde dans lequel nous vivons n’est ni soutenable, ni acceptable. Il reste une société civile qui, lorsqu’elle sera organisée convenablement, pourra enfin influer pleinement les décisions du monde.

 


Banderole affichée sur un balcon d’appartement, à Lagoa, un quartier de Rio

Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

Puisque ce mode d’organisation ne fonctionne pas, c’est qu’il faut en changer. Philippe Desbrosses, agriculteur et Docteur en sciences de l’environnement, rencontré à la fin du Sommet, nous expliquait ainsi les raisons qui nécessitent ce changement :

« Dans un système pyramidal, la transformation vient du bas vers le haut. Mais c’est une transformation tronquée, car elle a été modifiée à différents échelons. De plus, lorsque le sommet impulse une réponse, la base a déjà changé.

Aujourd’hui, ce système n’est plus adapté. La rapidité de circulation des informations, des transformations, fait que ce système ne peut plus fonctionner. L’avenir est aux petits groupes actifs, aux grappes interconnectées. »

Voilà donc ce qu’il faut : changer les paradigmes d’un monde crépusculaire. Ça paraît ambitieux, voire prétentieux, mais c’est en fait un tout petit effort. Une révolution qui tient en une équation simple, limpide même : le monde dans lequel nous vivons est limité, le système de développement qui est le notre épuise ses ressources et de surcroît produit partout dans le monde, fut-ce dans les pays les plus riches, des inégalités entre les hommes insupportables. Et les organisations politiques internationales ne sont pas à même de résoudre ces contradictions. Alors, qu’est-ce qu’on fait ?

L’échec retentissant de Rio+20 aura donc prouvé l’inutilité de ces grandes rencontres onusiennes. Il sera d’autant plus difficiles de justifier à l’avenir la tenue de ces Sommet, annoncés comme décisifs à grands coups de com’. Rio+20 est donc l’occasion, pour l’avenir – celui que nous voulons vraiment – de créer quelque chose de nouveau. La société civile, et donc aussi les jeunes, se doivent de participer franchement à cette révolution. Une révolution qui découle d’un simple constat, une lame de fond de l’Histoire. Une révolution normale.

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29 juin 2012 5 29 /06 /juin /2012 16:43

 

presseurop.eu/fr - 29 juin 2012

 

Peut-on avoir raison tout le temps contre tout le monde ? Manifestement non, comme Angela Merkel en a fait l’amère expérience dans la nuit du 28 au 29 juin. Confrontée à la rébellion surprise de Mario Monti et Mariano Rajoy, elle a dû céder sur deux points :  le Mécanisme de stabilité (MES), c’est-à-dire le fonds de secours européen permanent bientôt mis en place, va pouvoir verser directement de l’argent aux banques espagnoles et racheter de la dette italienne sans exiger un programme de rigueur.

Pour Madrid (et peut-être pour Dublin si la décision fait jurisprudence), cela veut dire que le sauvetage des banques ne pèsera plus sur les comptes de l’Etat. Pour Rome (et peut-être pour Paris qui est souvent considéré comme le domino suivant de la crise), cela veut dire que l’Etat pourra se financer sans être soumis à la pression des marchés qui imposent des taux d’intérêts exorbitants. Question de bon sens, disent la plupart des dirigeants européens et des observateurs.

Mais pour la chancelière allemande, cette décision nocturne du Conseil européen est un double échec. D’une part, pour la première fois depuis le début de la crise, ce n’est plus Angela Merkel qui mène les débats. Même s’il lui est arrivé de dire oui après avoir dit non, elle le faisait à son propre rythme, soutenue par Nicolas Sarkozy. Aujourd’hui, elle semble avoir perdu le soutien de tous les grands pays européens. 

Alors qu’elle comptait accepter – concession tactique - le pacte de croissance réclamé par François Hollande, la voilà obligée de céder sur deux questions stratégiques. La conséquence est qu’une brèche est désormais ouverte dans sa ligne de défense contre les euro-obligations. En déclarant qu’elle refusera cette option aussi longtemps qu’elle vivra, elle a donné des gages à son parti et à ses électeurs, mais elle s’est placée dos au mur, contrainte d’essayer d’avoir encore raison contre tous, ou de se déjuger.

L’histoire dira si, après des années de négligence dans les dépenses publiques et de manque de contrôle de la finance, la rigueur et la surveillance par l’UE prônées par Berlin constituent la meilleure réponse à la crise. Le fait est que depuis la nuit du 28 au 29 juin, le rapport de force a changé en Europe.

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 19:14

 

Gros sous 28/06/2012 à 20h37
François Krug | Journaliste Rue89
La banque UBS a-t-elle organisé un système d’évasion fiscale entre sa filiale française et sa maison-mère suisse ? L’enquête judiciaire semble s’accélérer, avec plusieurs gardes à vue. Et le tribunal des prud’hommes vient de donner raison à un cadre licencié, dans un jugement sévère dénonçant une « recherche de l’opacité ».

Comme l’avait raconté Rue89 en mars 2011, UBS est suspecté d’avoir mis en place une double comptabilité, destinée à masquer certains mouvements de capitaux entre la France et la Suisse, et d’avoir permis à ses commerciaux suisses de démarcher des clients sur le territoire français. En totale violation de la loi.

Une cliente nommée Liliane Bettencourt

Le dossier est d’autant plus sensible qu’UBS comptait dans sa clientèle de nombreux VIP, dont une certaine Liliane Bettencourt. L’enquête sur l’éventuel financement illicite de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007 a justement fait apparaître d’étranges mouvements sur les comptes suisses de la milliardaire.

L’affaire n’a d’abord intéressé que les prud’hommes et l’inspection du travail, saisis par des cadres licenciés pour avoir, selon eux, été trop curieux. Elle a été relancée au printemps avec la parution de « Ces 600 milliards qui manquent à la France », une enquête très fouillée d’Antoine Peillon, journaliste à La Croix.

La justice, elle, a décidé d’accélérer. Selon nos informations, au moins un ancien cadre et trois salariés actuels d’UBS France ont été placés en garde à vue et entendus par la douane cette semaine, à Strasbourg et à Lyon. L’enquête préliminaire avait été ouverte en 2010, et un juge d’instruction avait été nommé ce printemps.

Le dossier intéresse aussi de près les sénateurs de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale. Ceux-ci avaient attiré les caméras la semaine dernière en convoquant Yannick Noah et Guy Forget. Plus discrètement, selon nos informations, le rapporteur de la commission, le communiste Eric Bocquet, a entendu trois anciens cadres d’UBS France.

Double comptabilité

Mais c’est le tribunal des prud’hommes de Paris qui a été le premier, le 19 juin, à dénoncer ouvertement des pratiques de dissimulation pouvant confirmer les soupçons. Il avait été saisi par un ancien contrôleur interne d’UBS France, licencié pour faute grave. Son jugement, que Rue89 s’est procuré, est sévère pour la banque.

C’est la comptabilité d’UBS qui a valu à ce contrôleur interne d’être licencié. Sa faute ? S’être montré trop curieux sur ce qu’on appelait, à l’intérieur de la banque, le « carnet du lait ». Une référence au carnet utilisé par les producteurs de lait suisses pour tenir leurs comptes.

En juin 2007, ce cadre se lance dans un audit du contrôle de gestion d’UBS France. Il s’étonne vite du montant des commissions reversées aux commerciaux, et calculées à partir de leur chiffres d’affaires : les chiffres ne collent pas.


Extrait du jugement des prud’hommes contre UBS

 

Selon lui, une double comptabilité a été mise en place pour calculer les commissions. Une « affectation directe », correspondant au chiffre d’affaires enregistré officiellement par UBS France, et « un système de compensation », prenant en compte les sommes transférées en Suisse et devant rester masquées – le fameux « carnet du lait ».

Le contrôleur interne rédige donc un rapport détaillant ses découvertes. Le jugement du tribunal des prud’hommes explique :

« [Il] ne manquait pas de s’étonner, à juste titre, de cette double pratique et des motifs du recours à un système de compensation.

[...] Dans la version finalement diffusée du rapport d’audit, n’apparaît plus de façon précise la phrase les pourcentages de fonds placés dévolus respectivement à l’affectation directe et au système de compensation. [Il] indique que cette suppression avait été exigée par sa hiérarchie [...]. »

Consigne : « être imprévisible »

L’insistance du contrôleur de gestion conduira à son licenciement pour faute grave, en novembre 2009. Dans un courrier cité dans le jugement, la direction d’UBS l’accuse d’arrières-pensées financières :

« Vos accusations injustifiées et réitérées ne sont pas tolérables de la part d’un collaborateur de votre niveau de responsabilités. Il est clairement établi aujourd’hui qu’elles s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie visant à faire pression sur la banque pour obtenir la satisfaction de vos revendications. »


Extrait du jugement des prud’hommes contre UBS

 

Sauf que, comme le note le tribunal des prud’hommes, de nombreux documents internes semblent confirmer ses accusations. Comme des échanges d’e-mails, évoquant les activités de commerciaux suisses en France, en théorie interdites.

Ou comme les conseils de prudence prodigués lors d’une formation en Suisse, que Rue89 avait déjà évoqués. Les commerciaux y avaient appris comment protéger les « données sensibles » et déjouer la surveillance, en se montrant « aussi imprévisible que possible » : « Changez de restaurants, de compagnies de taxi, de lieux de rendez-vous avec les clients... »

Surtout, ce contrôleur interne n’était pas le seul à lancer ces accusations. Le directeur de l’agence d’UBS à Cannes a renoncé à poursuivre la banque, après une transaction financière. Son collègue de Strasbourg, lui, l’a emporté aux prud’hommes. Et selon nos informations, au moins trois autres dossiers d’anciens salariés sont en cours d’examen.

Ce jugement est pourtant le premier à souligner des « pratiques peu transparentes » et une « recherche de l’opacité » chez UBS. Et à suggérer ouvertement, au-delà d’un licenciement injustifié, l’existence d’un système d’évasion fiscale. Il conclut :

« L’ensemble des éléments qui précèdent suffit à considérer que la SA UBS France ne démontre pas que les accusations réitérées dans divers écrits par M. [X] à l’égard de son employeur d’avoir organisé “un système d’aide à l’évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale” seraient infondées. »

Lorsqu’ils ont rendu ce jugement, les prud’hommes ignoraient encore qu’une information judiciaire visant UBS France serait ouverte. Ni que le Sénat lui-même en viendrait à s’intéresser à ce qui n’était en apparence, au départ, qu’une série de conflits banals entre un employeur et ses anciens salariés.

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28 juin 2012 4 28 /06 /juin /2012 13:32

 

 

Le Monde.fr | 28.06.2012 à 12h53 • Mis à jour le 28.06.2012 à 12h53

Par Isabel Jonet, présidente de la Fédération européenne des banques alimentaires

 
 

L'Europe est confrontée aujourd'hui à des défis que l'on croyait avoir fini de relever : pauvreté, taux de chômage élevé et malnutrition. La Fédération européenne des banques alimentaires (FEBA), qui coordonne 245 centres de collecte et de distribution de denrées alimentaires dans 21 pays d'Europe, contribue à nourrir 5 millions d'Européens dans le besoin – un chiffre qui a considérablement augmenté depuis la crise financière.

Or le Programme européen d'aide alimentaire aux plus démunis (PEAD) risque d'être fortement réduit, voire supprimé par les chefs d'Etats européens au moment où il est le plus nécessaire. A l'occasion du sommet européen des 28 et 29 juin, la FEBA appelle les chefs d'Etats à préserver ce programme vital.

L'hiver de 1947, en Europe, fut l'un des plus rudes du XXe siècle. Et l'été de cette même année fut l'un des plus secs. A travers le continent d'après-guerre, les récoltes étaient insuffisantes et la pénurie alimentaire aiguë. Dans des régions où même pendant la guerre, le montant quotidien des calories reçu par les adultes était supérieur à 2 000, ce nombre a été divisé par deux. Dans certains pays, il a été divisé par trois.

Il est difficile d'imaginer une telle rudesse de nos jours. L'Union européenne semble avoir résolu les problèmes de malnutrition du continent. Dans la plupart des pays européens, la consommation moyenne par personne est supérieure à 3 500 calories par jour – presque le double de ce que la FAO considère comme le minimum quotidien nécessaire (1 900 calories).

Et pourtant, il ne faut pas se laisser aveugler par ces chiffres apparemment confortables qui masquent des disparités importantes qui s'accentuent avec la crise économique affectant de nombreux pays européens.

L'apparente abondance dans cette partie du monde, comme aux Etats-Unis et au Canada, cache des besoins en nourriture cruciaux pour les personnes les plus démunies. La récente augmentation des demandes d'aide alimentaire que connaissent les banques alimentaires et les autres associations montrent que le problème est réel et ne peut pas être ignoré.

Jusqu'à l'année dernière, l'Union européenne gérait un programme d'aide alimentaire dans le cadre de la Politique agricole commune (PAC). Le programme réservait une partie des excédents de production générés par la PAC pour les distribuer aux personnes démunies.

Mais la diminution des stocks, cumulée au refus de certains Etats membres de compléter le manque par des achats sur le marché, a mené le programme à un point de rupture. Au point où nous en sommes, il paraît condamné.

Pour faire face, l'Union européenne a mis sur la table une proposition – qui doit être discutée au prochain sommet européen – d'élaborer "un nouveau mécanisme d'aide alimentaire pour les plus démunis" dans le cadre du budget 2014-2020.

Dans un effort de contrecarrer l'opposition de quelques Etats membres, ce fonds ne ferait pas partie de la PAC, ni du Fonds social européen, mais serait un programme sui generis destiné à soutenir les politiques de cohésion sociale et stratégie territoriale de l'Union européenne 2020.

Le montant proposé pour ce programme n'est que de 335 millions d'euros, comparés aux 500 millions de celui qui est sur le point de se terminer. Cette somme est une goutte d'eau dans l'océan, à l'échelle des fonds européens, et dérisoire au regard de l'aide financière accordée aux banques.

Mais même avec ce montant, le programme ne doit pas être rejeté, surtout dans un contexte où l'aide alimentaire est la réponse à des situations que ne savent pas gérer certains systèmes nationaux d'aide sociale.

Le travail effectué par les organisations comme les Banques alimentaires n'est pas qu'une question de distribution de nourriture. Il s'agit d'atteindre des personnes en marge de la société et de les réinsérer. Nous ne donnons pas simplement quelque chose à manger aux gens. Nous apportons aussi l'espérance à ceux qui, dans beaucoup de cas, ont tout perdu. Et en partenariat avec d'autres associations, nous contribuons à créer de la cohésion sociale dans les moments où elle est indispensable, comme la période que nous sommes en train de traverser.

L'Union européenne est confrontée à de gigantesques défis qui vont mettre à l'épreuve son sens de l'unité et montrer si notre société est encore une référence internationale en matière d'intégration sociale et de citoyenneté.

L'Union européenne ne peut pas se débarrasser d'un programme tel que l'aide alimentaire qui permet d'entrer en contact avec les personnes en situation de pauvreté et exclues de la société.

Les conséquences d'un arrêt du programme seraient dramatiques. A certains endroits, l'aide alimentaire disparaîtrait complètement. Dans d'autres, elle serait réduite de moitié. Parmi les associations avec lesquelles nous travaillons, beaucoup seraient contraintes de fermer, rompant ainsi le tissu de liens sociaux qu'elles aident à créer.

L'arrêt accentuerait aussi le sentiment que les institutions européennes sont aveugles et loin des besoins concrets des personnes.

L'une des raisons de la création de l'Union européenne et de la PAC était d'éviter la répétition de ce qui s'est passé en 1947. Ce n'est pas si loin et nous ne devrions pas l'oublier. Nous croyons que les chefs d'Etats européens ne l'oublieront pas lorsqu'ils se réuniront à Bruxelles les 28 et 29 juin.

Isabel Jonet, présidente de la Fédération européenne des banques alimentaires

 

 

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