Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 04.07.2012 à 08h00 • Mis à jour le 04.07.2012 à 08h00
La crise n'a pas le même effet sur tous les Français, relève, l'Insee. Le niveau de vie moyen des plus aisés a reculé en 2009 sous l'effet de la crise, mais ce sont surtout les ménages les plus modestes qui ont été touchés. D'après l'étude sur les revenus et le patrimoine des ménages de l'Insee, les classes moyennes, sur lesquelles le nouveau gouvernement s'est engagé à ne pas faire peser le redressement des comptes publics, sont restées relativement à l'abri de la crise.
En 2009, dernière année étudiée, le niveau de vie médian d'un ménage-type – composé d'un couple avec deux enfants, dont un en bas âge – ressortait à 19 080 euros par an, soit 1 600 euros par mois, en hausse de 0,4 % en euros constants par rapport à 2008 contre une progression de 1,4 % par an de 1996 à 2008.
Par contre, les personnes les plus modestes ont vu leur niveau de vie moyen reculer de 2,1 %, note l'Insee, qui souligne que "des mesures ponctuelles et la montée en charge du revenu de solidarité active ont permis de limiter les effets de la crise".
Les 10 % les plus aisés ont vu baisser leur niveau de vie, qui dépasse 35 840 euros par an, relève l'Institut national de la statistique. Mais ce recul est loin d'effacer la hausse de 2,0 % l'an en moyenne enregistrée sur la période 1996-2009.
PAUVRETÉ MONÉTAIRE EN HAUSSE
Entre les plus aisés et les plus modestes "apparaît un ensemble de personnes relativement épargnées par la crise" que l'Insee qualifie de "vaste population intermédiaire" plutôt que de classes moyennes – une catégorie largement utilisée dans le débat public mais qui peut aussi bien recouvrir des catégories socio-professionnelles que des sous-ensembles plus ou moins homogènes de revenus. L'Insee relève la forte proportion de salariés en contrat à durée indéterminée dans cet ensemble.
La pauvreté monétaire, définie comme un niveau de vie inférieure ou égale à 60 % du niveau de vie médian, soit 945 euros par mois ou 2 200 euros (26 300 euros par an) pour un ménage type, a progressé de 0,5 point en 2009 par rapport à 2008 et touche 13,5 % de la population soit 8,2 millions de personnes.
La dégradation du taux de chômage, de 7,4% en 2008 à 9,1% en 2009, et l'allongement des durées de chômage, qui ont touché toutes les catégories socio-professsionnelles, expliquent en grande partie la progression de la pauvreté monétaire.
La pauvreté se traduit aussi en termes de conditions de vie : une personne est considérée comme pauvre si elle connaît des privations matérielles dans au moins huit domaines de la vie quotidienne sur vingt-sept suivis et répartis en quatre catégories : insuffisance de ressources ; retards de paiement ; restrictions de consommation ; difficultés de logement. En 2008, 20 % de la population française connaissait l'une ou l'autre des formes de pauvreté et 5 %, soit une personne pauvre sur quatre, les cumulaient.
Sur la période de 2004 à 2008, 36 % des plus de 16 ans ont connu au moins un épisode de pauvreté – monétaire ou en termes de conditions de vie – pendant au moins un an, selon l'Insee. Pour 41 % d'entre elles, soit 15 % de la population totale, cet épisode a été transitoire, durant une année ou réparti sur deux années non consécutives.
Pour 11 % de la population totale, la pauvreté a été récurrente pendant deux ou trois ans, consécutifs ou non. Enfin, pour 10 % de la population totale, la pauvreté a été persistante, durant quatre ou cinq ans.
1 % DES MÉNAGES CONCENTRENT 19 % DU PATRIMOINE
Parmi les facteurs les plus associés à la pauvreté se trouvent une sortie précoce du système scolaire, des événements familiaux tels qu'une séparation, l'impossibilité de puiser dans une épargne disponible ou le fait d'être locataire. Le fait d'être propriétaire diminue le risque d'être pauvre mais dans une proportion moindre que le fait de détenir une épargne liquide.
La détention d'un bien immobilier et, dans une moindre mesure, d'un capital financier ont par ailleurs joué un rôle prépondérant dans le creusement des inégalités de patrimoine intervenu entre 1998 et 2010, selon l'étude.
Sur la période, la masse de patrimoine total – immobilier, professionnel, financier, objets de valeur et biens durables – détenue par les ménages a été multipliée par 2,3.
Le patrimoine immobilier, essentiellement détenu par les ménages propriétaires, a augmenté de 156 % et la masse des actifs financiers de 67 %. En 2010, la masse de patrimoine détenue par les 10 % des ménages les mieux dotés était supérieure de 131 % à celle détenue par leurs homologues en 1998, quand celle des 10 % les moins fortunés n'a progressé que de 20 %.
Au début de 2010, la moitié des ménages français déclaraient un patrimoine brut (hors endettement) de 150 200 euros et détenaient collectivement 93 % de la masse totale de patrimoine. Les 10 % de ménages les plus fortunés détenaient chacun plus de 552 300 euros d'actifs, alors que les 10 % les moins bien dotés possédaient moins de 2 700 euros. Les 10 % les mieux dotés contrôlaient 48 % du patrimoine total contre moins de 0,1 % pour les 10 % les moins bien dotés.
L'Insee relève aussi de très grandes disparités parmi les plus riches : 1 % des ménages concentrent à eux seuls 19 % du patrimoine net, après prise en compte de l'endettement.
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En 2009, la crise a touché davantage les plus pauvres et les plus riches
Le Monde - Blog - 04 juillet 2012
crédits www.TheEnvironmentalBlog.org
La crise économique et financière de 2009 a principalement affecté les ménages français les plus pauvres et les plus riches. Moins les classes moyennes.
Tel est le principal enseignement de l’étude réalisée par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur «Les revenus et le patrimoine des ménages», publiée mercredi 4juillet.
En 2009, 50% de la population française vivaient avec moins de 19080 euros par an, soit près de 1600 euros par mois. Un chiffre en hausse de 0,4% sur un an. «L’année 2009 marque la fin d’une période de progression plus soutenue. Le précédent épisode de stagnation remontait à 2002-2004, où l’on avait observé une baisse de 0,4% en moyenne par an du niveau de vie médian», explique Cédric Houdré, coauteur de l’étude «Inégalités de niveau de vie et pauvreté». En moyenne, entre 1996 et 2008, le niveau de vie médian a progressé de 1,4%.
Pour cette étude, l’Insee a analysé les revenus disponibles par unité de consommation. Pour mémoire, au sein d’un foyer de plusieurs personnes, chacune d’entre elles n’est pas comptée comme une unité de consommation à part entière, en raison des économies d’échelle: besoin d’un seul canapé, d’un seul réfrigérateur…
Premier constat: les personnes pauvres ont été les plus touchées par la crise. Les 10% de la population les plus modestes ont vu leur niveau de vie moyen reculer de 2,1% entre 2008 et 2009, contre une baisse de 0,7% par an entre 2002 et 2004. Et ce, «malgré la mise en œuvre de nouvelles mesures en leur faveur, et la mise en application du RSA [revenu de solidarité active] en 2009», précise M.Houdré.
Quant aux 10% de la population la plus aisée, leur niveau de vie a baissé de 1,2%. Ce qui n’efface toutefois pas le dynamisme de celui-ci sur la période de 1996-2009.
L’Insee relève, par ailleurs, que la pauvreté monétaire a progressé. Elle concernait 13,5% de la population en 2009, soit 0,5 point de plus qu’en 2008. Ainsi, 8,2 millions de personnes sont considérées comme pauvres, c’est-à-dire qu’elles vivaient, en 2009, avec moins de 954 euros par mois.
Un couple, avec un adolescent et un enfant de moins de 14 ans, était ainsi appréhendé comme pauvre s’il disposait d’un revenu disponible de 2200 euros (salaires, plus revenus du patrimoine et d’activité, plus retraite et indemnités, plus prestations sociales et prime pour l’emploi, déduction faite des impôts directs).
Cette détérioration du niveau de vie des plus pauvres s’explique notamment par la dégradation du marché du travail: montée du chômage (passé de 7,4% en 2008 à 9,1% en 2009), allongement des durées d’inactivité, et extension de ces difficultés sur le marché de l’emploi à toutes les catégories socioprofessionnelles.
L’Insee a également analysé les phénomènes de pauvreté transitoire et pauvreté persistante, en appréhendant sur une période de cinq ans des critères plus proches de la vie quotidienne.
«Car la pauvreté peut être monétaire, mais elle peut aussi s’analyser en termes de conditions de vie», précise Nathalie Missègue, coauteur de l’étude «Pauvreté transitoire, pauvreté persistante».
Dès lors que les personnes ont présenté 8 privations matérielles sur une liste de 27 (ne pas pouvoir manger de la viande au moins tous les deux jours, ne pas pouvoir payer ses factures d’électricité ou de gaz, recourir à ses économies pour vivre…), elles ont été considérées comme pauvres en termes de conditions de vie.
Conclusion : en cinq ans, 36% des plus de 16 ans (soit 16millions d’individus) ont connu au moins un épisode de pauvreté. Et un pauvre sur trois a rencontré dans le même temps un faible niveau de vie et des privations matérielles.
En cinq ans, une personne pauvre sur quatre l’est durablement, c’est-à-dire durant quatre ou cinq années. L’Insee constate que, plus la pauvreté dure, plus le risque de cumuler les deux formes de pauvreté (monétaire et matérielle) est grand, et plus la pauvreté est grande.
Elle note aussi que, souvent, les facteurs associés à un risque de pauvreté élevée sont une sortie précoce du système scolaire, un événement familial comme une séparation. Ainsi que la mise en couple, qui peut avoir un effet de pauvreté transitoire (un an de pauvreté ou deux ans non consécutifs), «car fonder un foyer nécessite des frais d’installation ponctuels, qui peuvent entraîner des privations au niveau des vacances, ou la nécessité de faire des économies pour financer l’achat d’un bien, ce qui va présenter des privations dans la vie quotidienne», précise MmeMissègue.
Et qu’à l’inverse, le fait d’être propriétaire ou la possibilité de puiser dans une épargne liquide seront associés à un risque plus faible de pauvreté.
Cécile Prudhomme