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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 16:57

 

 

LE MONDE ECONOMIE | 16.07.2012 à 10h45 • Mis à jour le 16.07.2012 à 16h17

Par Paul Jorion, économiste et anthropologue


Une caricature de Bob Diamond, financier déchu de la Barclay's.

Quand l'affaire du Libor éclata... en avril 2008, les commentaires de la presse furent pour le moins laconiques. Quand le feu qui couvait reprit le mois dernier avec la condamnation de la Barclays pour avoir manipulé ces taux réglant les prêts en dollars que les banques se consentent entre elles, on assista au contraire à un feu d'artifices médiatique.

Pourquoi un événement qui n'avait provoqué, en 2008, qu'un froncement de sourcils fait-il aujourd'hui trembler sur ses bases non seulement la City, mais la finance tout entière ?

Pourquoi une telle indifférence de l'opinion au moment des faits, et pourquoi la secousse sismique des semaines récentes, conduisant à la démission des trois principaux dirigeants de la Barclays, jetant également la suspicion sur le candidat pressenti à la tête de la Banque d'Angleterre et, par son truchement, sur le gouvernement britannique à l'époque des faits.

 

CUPIDITÉ PAR-DESSUS TOUT

George Osborne, chancelier de l'Echiquier, déclare que les faits "révélés" "sont symptomatiques d'un système financier qui a élevé la cupidité par-dessus toute autre considération et a mis notre économie à genoux". Il ajoute : "La fraude est un crime quand il s'agit des affaires ordinaires. Pourquoi devrait-il en être autrement quand il s'agit de la banque ?"

Le paiement par la Barclays d'une amende d'un montant considérable (365 millions d'euros) n'aurait dû être qu'une façon de tourner la page sur des événements datant de plusieurs années.

D'autant qu'il est clair que, dans l'affaire du Libor, la Barclays était, parmi les seize banques (aujourd'hui dix-huit) chargées de communiquer les données qui permettent le calcul de ces taux, l'une des moins coupables, et a fait preuve de bonne volonté en coopérant avec les autorités. Ceci expliquant d'ailleurs le rabais de 30 % dont elle bénéficie en Grande-Bretagne sur le montant de l'amende.

Il serait caricatural de n'évoquer qu'un simple exercice de communication qui aurait mal tourné, puisqu'il s'agit de décisions de justice. Mais les régulateurs auraient pu espérer que le point final mis à l'affaire serait reçu avec la même indifférence que lorsqu'elle avait éclaté en avril 2008. Il n'en a rien été. Comment expliquer alors ce retard à l'allumage de quatre ans dans l'indignation publique ?

L'explication nécessite d'invoquer ce que les physiciens appellent un effet non linéaire : le passage d'un seuil faisant qu'une situation change soudain de nature. On pense au Magicien d'Oz (1900) de Frank Baum, où l'ouverture accidentelle d'un rideau fait découvrir que le monde enchanté (métaphore du système monétaire américain) n'est qu'un artifice mis en scène par un vieillard poussant des manettes.

Ce qui a brutalement levé le rideau pour les Britanniques et leur a indiqué sous quelle lumière l'affaire du Libor devait être vue, c'est bien sûr l'affaire Murdoch.

Les Britanniques ont découvert, en 2011, que 4 000 d'entre eux avaient eu leur boîte vocale piratée par News of the World, organe de la "presse de caniveau" appartenant à l'empire de presse de Rupert Murdoch, Australien d'origine devenu Américain.

Parmi les victimes, des vedettes, des membres de la famille royale, mais aussi des sans-grade - soldats de retour d'Afghanistan, rescapés des attentats londoniens de 2005.

 

TÉLÉPHONE D'UNE ADOLESCENTE ASSASSINÉE PIRATÉ

L'affaire avait publiquement éclaté quand le téléphone d'une adolescente assassinée avait été piraté et certains messages effacés par un journaliste de News of the World, faisant espérer à ses proches qu'elle soit encore en vie. Jusque-là, les plaintes des victimes n'aboutissaient jamais parce que Murdoch corrompait parallèlement les services de police qui étouffaient les affaires.

La colère a alors éclaté dans l'opinion et les projecteurs se sont portés sur les connivences et les échanges de postes entre les sbires de l'empire Murdoch et les membres du gouvernement britannique. L'étroitesse des relations entre le premier ministre, David Cameron, et Rupert Murdoch lui-même se situait sans aucun doute dans la zone d'inconfort.

Sous ce nouvel éclairage, la fraude à la petite semaine chez Barclays, révélée dans les attendus de la Financial Services Authority (FSA), le régulateur britannique, cessait d'être de la malhonnêteté ordinaire pour apparaître comme l'un des révélateurs parmi d'autres d'une classe dirigeante arrogante, ne s'embarrassant pas des règles et arrangeant les affaires selon son bon plaisir, tout en ne maintenant que le minimum d'apparences nécessaires.

L'affaire du Libor, c'est l'histoire du dévot qui a toujours accepté comme parole d'évangile les prêches de son prêtre, mais qui cesse soudainement de croire à tout ce qu'il a entendu parce qu'il découvre accidentellement que la barbe que celui-ci porte est fausse.

La question qui se pose désormais est celle-ci : si la chute de la moins coupable des banques responsables du Libor a déjà provoqué un tel effondrement, à quoi faut-il s'attendre quand sera révélé le châtiment qui est promis aux autres ?

Paul Jorion, économiste et anthropologue

 

 

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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 16:50

 

 

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 16.07.2012 à 18h45 • Mis à jour le 16.07.2012 à 18h45


 

Russell Wasendorf Sr, 64 ans, fondateur et directeur général du courtier américain Peregrine Financial Group (PFGBest), a été arrêté vendredi dernier par le FBI, cinq jours après une tentative de suicide au cours de laquelle il a avoué une vaste fraude au sein du groupe.

Le dirigeant a tenté de mettre fin à ses jours, pris de remords et de honte a-t-il dit, sur le parking du siège de PFGBest dans l'Iowa, en s'asphyxiant avec les gaz d'échappement de sa voiture. Dans une lettre d'adieu, il confiait avoir falsifié durant près de vingt ans des relevés bancaires destinés aux régulateurs.

"J'ai commis une fraude. En utilisant de faux relevés de banques, j'ai réussi à détourner des millions de dollars appartenant à des clients de Peregrine Financial Group. Ces falsifications ont commencé il y a près de vingt ans, sans avoir été détectées", écrit-il.

"J'ai réussi à dissimuler mon crime (...) en étant la seule personne ayant accès aux comptes bancaires de PFGBest", précise-t-il selon ce document mis en ligne par le tribunal. "Personne d'autre dans la société n'a jamais vraiment eu accès à un vrai relevé de banque."


ÉVITER LA FAILLITE
 

Depuis, Peregrine a déposé le bilan. Et l'autorité chargée de surveiller le fonctionnement des marchés des contrats à terme de matières premières aux Etats-Unis, la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), accuse à présent le courtier et son patron d'avoir détourné plus de 200 millions de dollars (163 millions d'euros) de fonds appartenant à ses clients.

D'après les autorités fédérales, Russell Wasendorf a réitéré ses aveux à l'hôpital, après l'échec de sa tentative de suicide, expliquant qu'il s'était résolu à frauder pour permettre à PFGBest d'obtenir des capitaux supplémentaires et ainsi éviter la faillite.

Cette arrestation intervient quelques jours après la demande de liquidation judiciaire de la maison de courtage, déposée auprès du tribunal des faillites de Chicago par le conseil d'administration de PFG, considérant que le PDG était "incapable d'exercer ses fonctions" depuis sa tentative de suicide.

Par ailleurs le gendarme des marchés financiers américains, la SEC, a assuré n'avoir "aucune indication, à ce stade, de la disparition de fonds de clients" de PFGBest. "Selon les informations dont nous disposons à ce stade, les actifs des clients du courtier ont été placés au sein d'une société de compensation séparée (du reste de la société) et il y a moins de 150 clients détenant environ 5 millions de dollars chez ce courtier", a précisé le porte-parole de la SEC, John Nester.

 

Lire : "L'affaire MF Global révèle les failles de la régulation américaine" (lien abonnés)


Près d'un an après MF Global

 


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16 juillet 2012 1 16 /07 /juillet /2012 16:41
Lundi 16 Juillet 2012 à 12:00

 

 

Les perquisitions, gardes à vue, et mise en examen se multiplient dans l'affaire UBS France. La filiale française de la première banque mondiale de gestion de patrimoine est soupçonnée d'aider de gros clients à échapper au fisc français en plaçant leur argent en Suisse. La semaine dernière, c'est un ancien cadre dirigeant de la succursale lilloise d'UBS qui a été placé en garde à vue avant d'être présenté devant le juge d'instruction, jeudi. La machine judiciaire est en marche.

 

(AP Photo/Sang Tan)
(AP Photo/Sang Tan)
L’étau se resserre autour d’UBS France. Les mises en examen, gardes à vue et perquisitions s’enchaînent dans le cadre de l’enquête conduite par le juge d’instruction Guillaume Daïeff, à Paris, sur des soupçons de blanchiment de fraude fiscale par UBS France, filiale de la banque Suisse, créée en 1998. L’enquête concerne une double comptabilité présumée au sein de la banque. Elle aurait permis de masquer d'importants mouvements de fonds entre la Suisse et la France, autrement dit, une vaste opération d’évasion fiscale.

D'après nos informations, un ancien cadre dirigeant de la succursale lilloise d’UBS France, Hervé d'Halluin, a été placé en garde à vue en début de semaine dernière avant son déferrement devant le juge d'instruction, jeudi 12 juillet. Deux jours plus tôt, les locaux d’UBS à Bordeaux ont été perquisitionnés par les enquêteurs du service national de douane judiciaire (SNDJ). Fin juin, se sont les antennes de Lyon et Strasbourg qui étaient la cible des enquêteurs. A Strasbourg, la perquisition a abouti à la mise en examen  d’un «cadre de la filiale française», pour complicité de «démarchage illicite». Marianne2 est en mesure d'affirmer que le cadre en question n'est autre que l'actuel directeur régional de l'antenne strasbourgeoise, Laurent Lorentz. Il est soupçonné d'avoir participé au «carnet du lait», nom donné au système destiné à reccueillir les opérations d'ouvertures de comptes non déclarées ainsi que les fonds collectés clandestinement par des commerciaux d'UBS en France.

«Le calendrier est sans équivoque»

Dans la foulée de ces événements, un communiqué, dont Marianne2 s'est procuré une copie, a été envoyé par la direction d'UBS France à «tous les collaborateurs». Il revient sur le fait «que certains collaborateurs de [leur] bureaux de Strasbourg et de Lyon ont été récemment auditionnés», précisant que ces «auditions constituent une étape classique dans ce type de procédure (insctruction judiciaire NDLR).» Ceci dit, consciente «de l'inquiétude que ces étapes judiciaires peuvent engendrer», la direction précise que la banque a mis à la disposition des salariés, une «assistance juridique et psychologique».
 
Ces diverses rebondissements judiciaires laissent penser que le juge Daïeff dispose aujourd'hui d’un certain nombre d’éléments indiquant qu’UBS France a pu pratiquer une discrète et illégale manipulation de fonds en direction de la Suisse. Elle représenterait 20% des flux illégaux, selon Antoine Peillon, journaliste à La Croix et auteur d’un livre-enquête sur le sujet, intitulé Ces 600 milliard qui manquent à la France (éditions du Seuil). Le journaliste estime que l'évasion fiscale en France concernerait 150 000 citoyens pour un total d'environ 590 milliards d'euros. «Le juge est entré dans la deuxième phase de son enquête avec plusieurs perquisitions et auditions car il détient désormais suffisamment d’éléments pour penser que c'est le bon moment», souligne-t-il.

>> Lire notre entretien avec Antoine Peillon: L'évasion fiscale, une cagnotte de 590 milliards !
 
Cette «deuxième phase» attendue par ceux qui suivent le dossier aurait été rendue possible, toujours selon Antoine Peillon, par le changement de gouvernement. «Le Parquet de Paris a retenu le dossier jusqu’à ce que tous les indicateurs indiquent que l’alternance était inéluctable. Ce n’est qu’à partir de là que le procureur à nommé Daïeff. Il voulait se refaire une virginité, en quelque sorte.» Une enquête préliminaire a été ouverte en mars 2011par le parquet de Paris après la transmission par l'autorité de contrôle prudentiel (ACP) d’une note sur les pratiques d’UBS France. Il aura fallu attendre avril 2012 pour qu'une information judicaire soit ouverte et que le juge récupère le dossier. «Le calendrier est sans équivoque», ajoute Peillon.

Les prud’hommes enfoncent UBS

Quoi qu’il en soit, les soupçons qui pèsent sur la filiale française d'UBS sont de plus en plus nombreux. Le 19 juin, un autre élément est venu les renforcer. Il s’agit d’un jugement des prud’hommes de Paris  portant sur le licenciement pour faute grave d’un contrôleur interne d’UBS France, en novembre 2009. Ce cadre eu la responsabilité d'entreprendre un audit interne de contrôle de gestion de la filiale, en 2007. Au cours de son audit, il pointe une anomalie dans les commissions versées à des commerciaux français et fait mention d'un système de compensation trouble. Suite à cela, la direction affirme que ces «accusations (…) s’inscriv[ai]ent dans le cadre d’une stratégie visant à faire pression sur la banque pour obtenir la satisfaction de [ses] revendications.» Camouflet pour UBS: «L’ensemble des éléments qui précèdent suffit à considérer que la SA UBS France ne démontre pas que les accusations réitérées dans divers écrits par M. [X] à l’égard de son employeur d’avoir organisé «un système d’aide à l’évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale » seraient infondées», peut-on lire dans le jugement prud'homal.
 
La filiale française d’UBS, première banque mondiale de gestion de patrimoine, risque gros. D’autres perquisitions pourraient encore être menées dans les jours ou semaines à venir. A terme, UBS, en tant que personne morale pourrait être mise en examen. Dans le cas où la fraude serait avérée, la Banque de France pourrait aller jusqu’à suspendre sa licence. En d’autres termes, «il n’est pas inenvisageable, selon Antoine Peillon, qu’UBS soit obligée de fermer sa filiale française».

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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 21:09

| Par Iris Deroeux


 

Kelli a 25 ans et 200 000 dollars (164 000 euros) de dettes, qu’elle tente de rembourser depuis l’obtention de son diplôme, en 2009. Originaire de l’État du New Jersey, elle est partie étudier à la Northeastern University de Boston, l’un des établissements privés ou « colleges » qui délivrent des diplômes de premier cycle universitaire en quatre ans. Entre les frais d’inscription et les frais de logement sur le campus, chaque année lui coûte alors 40 000 dollars. Issue d’une famille modeste, elle a recours à l’emprunt. « Les conseillers scolaires m’y ont encouragée et ça ne me paraissait pas choquant. J’avais l’impression que tout le monde faisait ça ! Mais j’avais 18 ans, j’étais très mal informée. J’étais la première à aller à fac dans ma famille et mes parents se voulaient rassurants, me disaient qu’ils allaient m’aider à rembourser. J’ai donc fait deux prêts auprès de l’organisme privé Sallie Mae, le premier à 18 ans et le second à 21 ans. Pour le second, ils ne m’ont même pas demandé de cosignataire. »

Kelli y étudia la sociologie, « pas tant pour faire carrière que pour être éduquée ». Diplômée en 2009, malgré la crise, elle a immédiatement commencé à travailler et donc à rembourser son prêt, avec la flexibilité de paiement propre à Sallie Mae et un taux d’intérêt changeant. Entre 800 et 1 600 dollars par mois, « entre un tiers et plus de la moitié de mon salaire ». « Dire que la pression sur mes épaules est énorme est un euphémisme. » Elle conclut, amère, « j’ai l’impression de m’être faite berner par l’université et la banque ». Et son histoire est loin d’être un cas extrême, puisqu’à force d’efforts et surtout de privations, elle réussit à rembourser un peu chaque mois. D’autres en sont incapables, conséquence d’une crise économique qui a fait exploser le taux de chômage des jeunes diplômés. 9 % des étudiants endettés étaient en défaut de paiement en 2010, contre 7 % l’année précédente, selon les derniers chiffres disponibles du Département de l’éducation.

« Cette situation d’endettement n’est pas nouvelle, mais cela n’inquiétait pas outre mesure, car une bonne partie des étudiants réussissait et réussit toujours à payer. Sauf que la crise économique a aggravé les choses. Puis, le mouvement Occupy est né et il a permis de mettre des visages sur le problème de l’endettement étudiant, on a commencé à entendre leurs histoires », explique Jenna Robinson, du Pope Center for High Education Policy, une ONG dont la tâche est de réfléchir et d’informer sur le système de l’enseignement supérieur aux États-Unis. Kelli fait partie des jeunes très sensibles aux discours du mouvement Occupy, qui tente en effet de dénoncer le problème de la dette étudiante, la pression économique et psychologique qui pèse sur les jeunes, et de manière générale, les dysfonctionnements de ce système éducatif.

 


 

Ci-dessus, la bande annonce de Default : The student loan documentary, un documentaire sur la dette étudiante réalisé par Serge Bakalian et Aurora Meneghello, à voir en entier en cliquant ici.


En mai dernier, un nouveau chiffre est venu alerter l’opinion : la dette étudiante a atteint 1 000 milliards de dollars, plus que la dette des ménages sur les cartes de crédit ou celle pour les achats de voiture. Un seuil franchi pour plusieurs raisons : l’augmentation du nombre d’étudiants en premier et deuxième cycle universitaire (“undergraduate” en 4 ans puis “graduate” en 1 à 3 ans, l’équivalent d’un Master), le fait que les emprunts sont remboursés sur des décennies et donc s’accumulent, et les effets de la crise rendant le remboursement parfois difficile voire impossible. Sans compter le retour à l’université – et à l’endettement – d’adultes qui cherchent à acquérir de nouvelles compétences pour sortir du chômage. Ce sont ainsi plus de 65 % des étudiants de premier cycle qui ont aujourd’hui recours à l’emprunt.

L’ampleur de cette dette commence à inquiéter certains analystes, qui comparent cette situation à la formation et à l’éclatement de la bulle immobilière qui a donné lieu à la crise des subprimes. « Nous n’y sommes pas encore », temporise Mark Kantrowitz, fondateur, dès 1994, de Finaid et Fastweb, sites web qui aident les étudiants à s’y retrouver dans les systèmes des prêts. « Pour le moment, seuls 10 % des étudiants sont diplômés avec un niveau de dette excessif. » Pour autant, il ne minimise pas le problème, « cette dette, qui représente actuellement 0,4 % du PIB, est devenue un facteur macro-économique. Elle pèse sur la vie de nombreux Américains. Sans parler de l’impossibilité pour ceux qui sont en défaut de paiement de se déclarer en faillite personnelle. C’est impossible avec les prêts étudiants. Ils se retrouvent bloqués », résume le spécialiste. Il conclut, comme tant d’autres qui se penchent sur le sujet, en rappelant la raison simple pour laquelle un tel niveau d’endettement est atteint : parce qu’il est facile, bien trop facile, d’emprunter.

Si l’emprunt est disponible, les étudiants s’endettent et les facs se frottent les mains

Les étudiants américains peuvent s’endetter de deux manières. La première et la principale consiste à s’endetter auprès de l’État fédéral qui subventionne des prêts. Il existe une ribambelle de plans proposés à l’étudiant ou à sa famille, avec un taux d’intérêt fluctuant en fonction de facteurs économiques et l’historique de l’endettement de chacun. Parmi les plus populaires, le prêt Stafford, à un taux d’intérêt garanti à 3,4 %. Ce taux bas devait doubler, mais il vient d’être prolongé d’un an suite au vote du Congrès, fin juin. Républicains et démocrates ont pour une fois réussi à se mettre d’accord, preuve qu’ils veulent soigner l’électorat étudiant, à quelques mois de l'élection présidentielle. Les étudiants peuvent aussi emprunter directement auprès des banques et organismes tels que Sallie Mae, dont un simple coup d’œil sur le site internet nous apprend qu’il propose plus de 500 plans différents.

 

 

Autrement dit, l’emprunt est tellement disponible qu’il est quasiment impossible de ne pas trouver un plan qui convienne à sa situation. « C’est la raison majeure au problème de l’endettement étudiant », analyse Andrew Hacker, politologue au Queens College de New York et auteur en 2010 de High Education ?, ouvrage de référence sur les dérives du système universitaire. « Les universités savent que les étudiants pourront emprunter sans problème, donc elles augmentent les frais de scolarité sans aucune retenue ! » explique le chercheur.  « Et c’est pour cette raison que cette gentille attention à l’égard des étudiants, qui a été de maintenir des taux d’intérêt bas pendant encore un an, est en fait un cadeau empoisonné. »

Car les étudiants empruntent des sommes de plus en plus importantes pour payer des frais d’inscription de plus en plus élevés et ce, autant dans les universités d’État que les universités privées. « Au cours des quarante dernières années, le coût d’une année universitaire a au minimum triplé, même corrigé de l’inflation », explique Richard Vedder, historien à l’Université d’Ohio et spécialiste des questions d’éducation. Les universités dites « publiques » sont celles où ces coûts ont augmenté le plus vite dernièrement, conséquence de la crise et des coupes budgétaires à travers le pays. Elles ont dû trouver d’autres moyens de se financer, donc augmenter les frais d’inscription. « La distinction entre le privé et le public de moins en moins pertinente », estime l’historien.

« Le résultat, c’est que nous avons de beaux campus, de jolies chambres étudiantes, des restaurants universitaires pour gourmets… Une partie de ces transformations est normale, puisque notre nation s’enrichit et que nous souhaitons le meilleur pour nos enfants. Mais actuellement, nous ne sommes plus dans de modestes améliorations, ça dépasse l’entendement ! Et ces abus sont financés en grande partie par l’État fédéral, qui accorde des prêts étudiants à tour de bras », analyse-t-il. L’ouvrage d’Andrew Hacker regorge ainsi d’exemples qui illustrent les dérives luxueuses des universités, du coût des équipes de football et des stades aux dimensions olympiques au mur d’escalade à l’Université publique de Washington… « Au Williams College, dans le Massachusetts, un conseiller pour les problèmes d’alimentation a été embauché à plein temps, avec un salaire approchant les 100 000 dollars par an », note le politologue.

« Cet enrichissement permet avant tout aux universités d’augmenter les équipes administratives plutôt que les équipes pédagogiques », ajoute Richard Vedder, pour qui cette situation est une tragédie. « Le système de l’aide fédérale, mise en place dès 1965, devait permettre de gommer les inégalités et faciliter l'accès à l’université, mais ces prêts ont aujourd’hui l’effet inverse », explique-t-il. Les facs augmentent leurs droits d’inscription et les moins bien lotis fuient. « Le fardeau de la dette les effraie, c’est trop dangereux. » 

 

Est-il possible d’inverser la tendance ?

Si un tel système, si peu favorable aux étudiants, se maintient, c’est que les universités savent défendre leurs intérêts. Les lobbies des universités sont bien implantés à Washington, par exemple le puissant American Council of Education. « Ce ne sont pas les mieux dotés, mais ils sont puissants, car ils ont des liens étroits avec les élus, la grande majorité ont étudié sur leurs bancs », note Richard Vedder. Ainsi, en pleine campagne électorale, les propositions des candidats Obama et Romney ressemblent plus à de petits pansements à poser sur un système mal en point qu'à de véritables réformes. Barack Obama rappelait dès avril, face aux étudiants de l’Université de Caroline du Nord, qu’il avait été « à leur place, (...) avec une montagne de dettes », et qu’il fallait donc aider les étudiants. De son côté, Mitt Romney accuse le président de favoriser au contraire l’endettement tout en marchant sur les platebandes des organismes de crédit ; il penche donc à la fois en faveur d’un désengagement de l’État et d’un meilleur contrôle des coûts dans les collèges (en ayant recours par exemple à l’éducation en ligne). Sans beaucoup plus de précision.

Et face à eux, il n’y a aucune organisation étudiante assez forte. D’où les tentatives de mobilisation des militants Occupy, qui peinent encore à sensibiliser le grand public sur le sujet. Ravi fait partie des militants Occupy new yorkais de la première heure. Elle se sent d’autant plus concernée qu’elle est aujourd’hui employée de l’Université de Columbia à New York, où elle dit constater une certaine opacité dans la gestion des dépenses et une absence totale de contrôle extérieur. « La culture de grande entreprise appliquée à l’enseignement…, juge-t-elle. J’ai l’impression que le rêve américain a été privatisé, tout se fait à crédit, via l’endettement. Et le prix de la participation à notre société est devenu si élevé qu’il en exclut la plupart : le prix de l’université, le prix de l’assurance santé, et même le prix de la chose politique puisque sans argent, pas de lobby, et sans lobby, pas de pouvoir », résume-t-elle, sur un banc de Zuccotti Park, lors d’un meeting hebdomadaire Occupy en ce mois de juillet.

 

Le 11 juillet, à Zuccotti Park 
Le 11 juillet, à Zuccotti Park© ID

Elle espère, sans trop y croire, qu’un véritable mouvement de contestation des étudiants naisse aux États-Unis, sur le modèle québécois par exemple, dont le mouvement Occupy se dit très solidaire. « Mais nous ne sommes pas syndiqués ici. C’est cela qui a fonctionné là-bas : une bonne vieille organisation syndicale, présente dans chaque faculté et capable de mobiliser », explique-t-elle. Une campagne Occupy a en tout cas été lancée sur le sujet, nourrie par les écrits de David Graeber, anthropologue et militant, auteur de Debt. The first 5.000 years. La campagne Occupy student debt prend ainsi la forme d’un site où chacun est libre de venir raconter son histoire d’étudiant endetté.

C’est aussi une pétition pour l’annulation pure et simple de la dette étudiante, aujourd’hui signée par quelque 5 600 personnes. Annulation que certains militants jugent improbable. Sous le slogan “ Won’t pay ” (Ne paiera pas), ils tentent donc de lancer une action de « refus collectif de payer », encore timide. Les militants Occupy ont par ailleurs établi une liste de propositions pour revoir le système. « Nous souhaitons que l’université soit publique, au moins les quatre premières années. Nous souhaitons ensuite des taux d’intérêt à 0 %. Et enfin, plus de transparence. Nous voulons que les facs ouvrent leurs livres de comptes pour comprendre où va notre argent », explique Chris, militant Occupy new yorkais fraîchement diplômé en communication et qui va devoir commencer à rembourser ses 97 000 dollars de dette auprès de Sallie Mae, « avec un taux d’intérêt qui est monté à 14 %, du délire ». « C’est un travail de titan que de mobiliser les étudiants, nous ne savons même pas comment trouver ceux qui sont en défaut de paiement afin de mieux comprendre leur situation », ajoute-t-il. Il évoque du bout des lèvres la possibilité d’une grève étudiante à la rentrée prochaine, un projet encore lointain et flou.

Aucun d’entre eux n’attend grand chose des élections de novembre prochain, sûrement à juste titre parce que la réforme du système universitaire ne fait pas l’objet d’un grand débat politique. « L’idéologie selon laquelle il faut prendre soin de soi seul – et payer pour ses études – a toujours le vent en poupe dans ce pays, donc ce système peut durer un certain temps… Mais je suis optimiste, ça ne peut pas continuer comme ça, ça n’a pas de sens », lâche Chris. Pragmatique, le politologue Andrew Hacker souligne qu’il serait tout à fait possible de réformer en commençant par rendre les procédures d’obtention de prêts plus compliquées, « que les établissements supérieurs cessent d’encaisser de l’argent aussi facilement et ainsi cessent leurs dépenses extravagantes ». Mais encore faudrait-il une véritable volonté politique, et des lobbies moins influents.


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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 20:42
Rue89 - Le Yéti
yetiblog.org
Publié le 14/07/2012 à 17h16

 

Alors, vous avez vu, Peugeot ? Ça secoue grave, n’est-ce pas ? N’ont même pas pu attendre la rentrée sociale de septembre pour annoncer le massacre. 8 000 clampins sacrifiés. Sans compter les sous-traitants. Le lion de Sochaux-Montbéliard qui s’emplafonne à son tour dans le platane de la « Grande perdition ».

Les réactions ont été à la hauteur de ce qu’on pouvait attendre : vaines, lénifiantes, à côté de la plaque, convenues, sans la moindre surprise à se mettre sous la dent. Déjà vaincues.

Fumées

Les syndicats, qui « s’y attendaient », déclarent à qui veut les entendre que « la guerre est déclarée ». Sans préciser bien sûr quelle forme prendra ce vigoureux conflit. Parions que ceux-là ne feront au mieux qu’accompagner la casse en essayant de limiter les dégâts sociaux. Comme d’habitude.

La direction de PSA promet tout ce qu’on veut sans rien promettre. Qu’elle ne laissera tomber personne. Qu’elle va « revitaliser » le site d’Aulnay-sous-Bois en y recréant un bassin de 1 500 emplois. Rendez-vous à la fin de l’année pour rigoler ?

La presse s’interroge doctement pour savoir si l’on peut encore « produire français ». Mais omet de se demander qui, parmi les milliers de consommateurs français mis au chômage, sera en mesure d’absorber une production automobile délocalisée ailleurs.

La palme de la confusion à notre ministre du « Redressement productif » [rires] qui annonce un prochain plan d’actions pour l’avenir de notre filière automobile [soupirs], en vantant ses incontestables potentialités [sonnez, violons], avant de reconnaître, devant la fulgurance de la déflagration médiatique, que l’Etat français ne saurait accepter ce bazar [un clairon, quelque part ? ].

De toute cette agitation convenue, il ne ressortira évidemment rien d’autre qu’écrans de fumée momentanés, illustrés de quelques mouvements sporadiques, de quelques faits d’armes héroïques diffusés en boucle sur nos journaux télévisées pour faire genre, de quelques ultimes discours sirupeux en guise d’antalgiques.

Dur réveil

La vérité est que ce qui arrive à PSA, après General Motors et Saab, avant Renault et bien d’autres, était non seulement prévisible, mais inéluctable, logique, sinon même salutaire.

Dans un monde limité (et pollué) comme le nôtre, songez que nous en sommes arrivés dans notre pays à un total de 495 voitures particulières pour 1 000 habitants, une auto pour deux, enfants compris ! Qui peut croire que nous allions encore pouvoir continuer longtemps à ce rythme ?

Euh, encore beaucoup de monde en vérité, à en croire les réactions interloquées des salariés de Peugeot, sous le choc de ce coup de grisou estival : « Mais comment tout cela peut-il nous arriver à nous ? »

Réponse fastoche, mais encore faut-il se débarrasser des vieux carcans mentaux poussiéreux. C’est un ensemble de concours de circonstances (crise financière, dérégulation sociale, assèchement des ressources naturelles, avidités patronales et actionnariales...) qui conduit à la même douloureuse conclusion : la « Grande perdition » est en train de remettre de l’ordre dans nos folies.

Une révolution à l’insu de notre plein gré

Ah, que n’a-t-on pas dit sur cette fameuse bagnole, ce symbole de liberté, d’émancipation individuelle, de mâle et conquérante puissance ! (On oubliera par bonté d’âme les rictus de colère et les imprécations haineuses, derrière les pare-brises teintés, à la moindre contrariété réelle ou supposée.)

Eh bien, c’est fini et il va falloir nous y faire ! La filière automobile du passé – « une voiture pour tous » (Pompidou) – ne se redressera pas. Le rêve individualiste est en train de se briser. Place au retour du collectif, contraint et forcé. Une révolution est en cours, à l’insu de notre plein gré, que nous ne savons pas ou feignons d’ignorer.

Les 8 000 sacrifiés de PSA, comme les autres à venir, feraient bien de s’en aviser et s’organiser autrement s’ils ne veulent pas voir leurs vies se flétrir. Car ils ne pourront compter sur aucun des intervenants officiels patentés et leurs fumées.

Ma mioche de 18 ans et ses copains, eux, laissés sur les bas-côtés d’une insertion sociale défaillante, ne nourrissent déjà plus guère de rêves cylindrés. La voiture triomphante de leurs parents est devenue une vulgaire « caisse ». Ce qui ne les empêche pas de parcourir du pays au gré de leur volonté. Leur point de ralliement ? Le site Covoiturage.fr.

 

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15 juillet 2012 7 15 /07 /juillet /2012 11:27

 

 

 

Le Monde.fr avec Reuters | 15.07.2012 à 07h59

L'ancien patron de Barclays, Bob Diamond, s'explique devant une commission du Trésor britannique, le 4 juillet.

 

Selon des informations publiées samedi 14 juillet par le New York Times, le département américain de la justice est en train de rassembler des éléments en vue de poursuites pénales contre plusieurs institutions financières et membres de leurs personnels dans l'affaire de la manipulation du Libor.

Sont notamment visés des traders de la banque britannique Barclays, précise le quotidien, qui cite des sources officielles. Au moins une plainte contre l'un des établissements concernés devrait être déposée avant la fin de l'année, dit-il.

Barclays a admis en juin avoir manipulé le Libor durant la crise financière, dévoilant au grand jour un scandale qui pourrait impliquer des dizaines d'établissements. La direction de la banque, qui a dû démissionner depuis, a affirmé que les régulateurs étaient au courant de ses activités mais qu'ils ne les avaient pas empêchées. L'établissement a accepté de payer une amende de 453 millions de dollars (362 millions d'euros) mais l'accord ne le met pas à l'abri des poursuites.

 

 ACCORDS À L'AMIABLE

Dans la perspective de procédures judiciaires, plusieurs institutions financières, dont deux au moins sont européennes, s'efforcent de conclure au plus vite des accords à l'amiable avec les pouvoirs publics, poursuit le Times, citant des juristes au fait de l'affaire.

Le Libor (London Interbank Offered Rate) est calculé sur la base des estimations des intérêts dus par de grandes banques internationales sur les prêts qu'elles s'accordent les unes aux autres, mais ces estimations sont fournies par ces banques elles-mêmes, sans possibilité de vérification indépendante. Ce taux sert de référence pour quelque 550 000 milliards de dollars d'encours à travers le monde.

 

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14 juillet 2012 6 14 /07 /juillet /2012 14:49

 

L’édito 14/07/2012 à 16h27

 Pascal Riché | Redchef Rue89


François Hollande au défilé militaire du 14 Juillet (BERTRAND LANGLOIS/AFP)

 

François Hollande avait promis de ne pas recevoir, façon monarque, de journalistes déférents à l’Elysée : il trouvait cela ridicule et il avait bien raison. Il a donc choisi, ce samedi 14 juillet, de recevoir deux journalistes polis à l’hôtel de la Marine.

Le téléspectateur n’a pas été trop bousculé : même decorum qu’au « château » (des ors, des lustres, des parquets bien cirés) ; même ambiance de solennité ; même urbanité des interviewers (Chazal et Delahousse)... Autant dire que la rupture d’image n’a pas eu lieu.

Sur le fond, sur la politique économique, a-t-elle eu lieu davantage ? Cela reste à prouver. On est passé de la glorification du « travail » à la célébration de « l’effort ». L’inflexion, s’il y en a une, est encore très marginale, quoi qu’en dise le Président.

Prenez la fiscalité : l’instauration d’une TVA sociale par Nicolas Sarkozy représentait une hausse de l’impôt de 11 milliards d’euros. François Hollande revient sur cette décision qu’il condamne sans appel, car elle frappe le pouvoir d’achat des Français, ce qui n’est pas, selon lui, acceptable.

Mais, dans le même temps, il admet que l’augmentation de la CSG (contribution sociale généralisée) est à l’étude « parmi d’autres pistes » à l’occasion de la Grande conférence sociale. Certes, comme les ministres du gouvernement le répètent, la CGS ne frappe pas seulement les salaires : elle porte également sur les revenus de l’épargne. Mais la présenter comme un impôt « juste » est fort de café.

Pas de leçons à donner

La CSG est en réalité la première tranche de l’impôt sur le revenu : elle porte sur tous les salaires et toutes les retraites, même modestes. C’est l’inverse d’un impôt progressif (qui porte plus sur les riches que sur les pauvres). Quand aux revenus du patrimoine, ils représentent une toute petite part de son assiette, environ 11% des 89 milliards récoltés ! En matière de justice sociale, on fait mieux : la CSG n’a pas beaucoup de leçons à donner à la TVA.

« Je ne viens pas annoncer aujourd’hui de prélèvement supplémentaire pour une grande majorité de Français », a déclaré Hollande. Pourtant, si comme on le suppose, c’est une hausse de deux à quatre points de CSG qui se profile, la grande majorité des Français seront touchés, pas seulement la petite minorité des plus riches.

La vérité, c’est que le gouvernement s’apprête à troquer une hausse de 11 milliards de la TVA pour une hausse de la CSG de plus du double.

Pendant la campagne présidentielle de François Hollande, il n’était pas plus question de suivre une telle politique que de se faire interviewer poliment le 14 juillet sous les moulures d’un palais. Le Président s’adapte à une situation financière plus difficile que prévu, mais sans l’assumer : faire aujourd’hui croire aux Français qu’une hausse de la CSG sera indolore, c’est les infantiliser inutilement
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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 21:31

 

Vendredi 13 Juillet 2012 à 12:00

 

Xavier Harel - Marianne

 

En avril, Baudouin Prot, le président de BNP Paribas a été entendu par la commission d’enquête sénatoriale sur les paradis fiscaux qui rendra son rapport le 17 juillet. Ses réponses, sous serment, sont en contradiction des documents dont disposent les sénateurs et que Marianne a pu consulter…

 

(Une agence BNP Paribas à La Défense - SOLAL/SIPA)
(Une agence BNP Paribas à La Défense - SOLAL/SIPA)
Entendu sous serment le 16 avril dernier par la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des actifs et ses incidences fiscales – commission que préside le sénateur UMP Philippe Dominati -, Baudouin Prot, le président de BNP Paribas, a répondu à toutes les questions mais, bizarrement, il n'a pas convaincu.

Créée début 2012 pour comprendre pourquoi les entreprises du CAC 40 sont deux à trois fois moins imposées que les PME et comment les riches contribuables français dissimulent leur fortune à l'ombre des paradis fiscaux, la commission sénatoriale a auditionné une bonne centaine de personnalités qualifiées, mais la prestation de Baudouin Prot, elle, a suscité davantage de suspicion que d'enthousiasme. En effet, les sénateurs ont mis la main sur un certain nombre de documents internes de BNP Paribas qui semblent contredire le témoignage du premier banquier français. Au point que le rapporteur de la commission, Eric Bocquet (groupe communiste), et les sénateurs Marie Noëlle Lienemann (groupe socialiste) et Corinne Bouchoux (groupe écologiste) ont souhaité obtenir des précisions.

La commission du Sénat a même adressé un courrier à BNP Paribas pour qu'elle s'explique à nouveau. Et la réponse de la banque, signée Jean Clamon, délégué général et responsable de la coordination du contrôle interne de BNP Paribas, ne s’est pas fait attendre : « nous ne pouvons avoir l’assurance que nos clients remplissent leurs obligations de déclarations concernant les avoirs que nous détenons pour eux vis-à-vis des autorités françaises et étrangères ».
Comme les sénateurs, Marianne a comparé les déclarations de Baudoin Prot avec les documents internes de BNP Paribas… 


Le «parapluie luxembourgeois» est refermé

Comme l'avait révélé Marianne dès le 6 novembre 2010, BNP Paribas commercialisait depuis le milieu des années 2000, en Suisse et à Monaco, une Sicav magique, baptisée Luxumbrella (le parapluie luxembourgeois), forte de 980 millions d’euros de dépôts. Son principal intérêt était de contourner la retenue fiscale à la source de 35%, appliquée dans les pays pratiquant le secret bancaire. Pour y parvenir, la banque avait interposé un mandat de gestion, « le Mandat First », entre le client et la sicav. Baudouin Prot affirme que cette sicav a été « présentée à tort en avril 2010 par un responsable de Monaco comme un produit majeur et essentiel du groupe ». A l’entendre,  Luxumbrella n'avait « pas d'autre objet que de mutualiser les coûts ».

Or, cette sicav a fait l'objet de dizaines de présentations depuis son lancement en 2005, comme en attestent de nombreux documents. Une présentation datée de juin 2008, intitulée Short Term Invest, indique même ainsi que le mandat First est « ecofin compliant, donc pas de retenue à la source ». Un document interne sur les mandats de gestion et conventions de conseil en Suisse, daté de mai 2010, précise par ailleurs que, « si vous êtes résident de l'Union européenne, votre mandat n'est pas concerné par l'impôt communautaire prélevé sur les revenus de l'épargne ». La banque a retiré cette sicav du marché en mai dernier, juste après l’audition de Baudouin Prot au Sénat« Le produit n'est plus commercialisé, il n'y a donc plus de débat », explique-t-on chez BNP Paribas.

Le paradis fiscal, ce n'est pas pour les Français

Selon la revue Alternatives Economiques, avec 189 antennes locales, BNP Paribas est la banque française qui dispose du plus grand nombre d'établissements dans les paradis fiscaux. Des chiffres contestés par Baudouin Prot, qui a profité de son audition au Sénat pour apporter « des données précises » : il y aurait quatre entités à Singapour, huit en Suisse et douze à Hong Kong. Dans un rapport à paraître, le Comité catholique contre la Faim dans le monde (CCFD) a épluché le  « document de référence et rapport financier annuel 2011 » et en a décompté respectivement huit, dix et vingt-deux aux mêmes endroits.

Lors de la même audition, le président de BNP s'est vigoureusement défendu de faire la promotion des trusts, ces structures juridiques particulièrement opaques, souvent situées dans les pays anglo-saxons et dont l'identité des bénéficiaires est soigneusement tenue secrète. « Le produit n'est pas promu par le groupe auprès de ses clients français », affirme Baudoin Prot. Or, plusieurs documents internes, faisant l’éloge « d’une confidentialité et une discrétion renforcée » attestent du contraire. Pour les banques, le trust est l’assurance de garder le client. Le patron de l'ingénierie patrimoniale de la banque, Eric Aubin, parle même de « glue effect » ou « effet colle ». Une fois le trust créé, le client devient captif. Un document de BNP Paribas Wealth Management rédigé par Miles Lecornu, directeur de Jersey Trust, et par Lay Bee Loh, directeur du département trust à Singapour, souligne que le trust est le meilleur moyen de gérer toutes les étapes de la fortune.

Comme le rappel un document maison, à Jersey, « une fondation n'est pas autorisée à fournir des informations sur la fondation à qui que ce soit (y compris ses bénéficiaires)». Bon courage au fisc qui voudrait y voir clair. En 2010, BNP Paribas gérait 4207 trusts pour le compte de clients fortunés à Hong Kong et Singapour. Interrogée par Marianne, BNP Paribas répond : « les contribuables français n'ont pas accès à ce type d'instrument. Un Français qui se rendrait à Jersey ou à Singapour pour créer un trust verrait son dossier rejeté par BNP Paribas ». Dont acte : les Français sont exclus, mais le reste du monde peut en revanche s'offrir les services de BNP.

De bons conseils... gratuits

« Le conseil fiscal ne fait pas partie des prestations » offertes par la banque, a indiqué Baudouin Prot aux sénateurs. Un document interne du 23 janvier 2009, intitulé « international tax & estate planning », présente néanmoins sur une cinquantaine de pages une panoplie impressionnante de montages fiscaux passant par les Iles vierges britanniques, le Liechtenstein, les Bahamas, la Suisse ou encore Panama, dont la seule raison d'être est de réduire au strict minimum taxes et impôts. Ce document rappelle que la banque n'a pas le droit d'effectuer ce genre prestation ; « en conséquences, les experts chargés de faire de l'optimisation fiscale ne facturent pas de commission à leurs clients, il s'agit de services de grande valeur offerts gratuitement. Comme les services gratuits sont une denrée rare, utilisez nos spécialistes de l'optimisation fiscale efficacement ! ».

La plaquette, que Marianne s’est procurée, détaille également, schémas à l'appui, comment un investisseur étranger peut contourner la fiscalité française sur l'immobilier en créant une cascade de sociétés au Luxembourg. Elle propose même des solutions clés en main pour les activités d'import-export. La banque recommande ainsi de faire appel à un intermédiaire britannique (UK agent) et de constituer une société dans les îles vierges britanniques (BVI). La commission de 5% de l'agent commercial britannique est certes taxée à 30% mais « 95% du profit généré par l'agent est transféré au principal (la société BVI) sans être taxé au Royaume-Uni ». Pour BNP Paribas, « cette présentation est obsolète. Il ne s'agit pas de conseil, mais d'une information à titre préparatoire et légal ». 

Le mot de la fin revient à Baudouin Prot. Le banquier a reconnu devant la commission d'enquête : « en termes d'évasion fiscale, nous n'avons pas d'activité forte ». Lapsus ? La phrase a certes été supprimée des compte-rendus écrits, mais demeure dans les enregistrements vidéo.
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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 21:14

 

Ce qu'il a dit :

"Nous avons le coût du travail le plus cher en Europe et nous produisons 44 % de notre production en France, donc il faut baisser les charges qui pèsent sur le travail de manière massive."

Pourquoi c'est plutôt faux ? 

La France se classe certes dans le peloton de tête en matière de coût horaire du travail, mais elle reste moins chère que d'autres pays. Dans l'industrie automobile, le coût horaire est plus élevé en Allemagne qu'en France, selon l'Insee. 

Alors que le groupe PSA annonce un plan de 8000 licenciements et la fermeture de son usine d'Aulnay-sous-Bois, son patron, Philippe Varin, justifie ces suppressions de postes en invoquant le coût du travail, selon lui "le plus cher en Europe".

Or, si son argument n'est pas dénué de sens et si la question de la compétitivité française se pose, même pour la majorité, il est en revanche exagéré de dire que le coût du travail en France est le plus cher en Europe.

1/ Le coût horaire moyen du travail en France n'est pas le plus élevé d'Europe

Comment calcule-t-on le coût du travail ? Plusieurs méthodes existent. Le plus souvent, on utilise le coût horaire du travail. Cet indicateur additionne le salaire (y compris primes, épargne salariale etc) et les cotisations sociales acquittées par l'employeur, et les divise ensuite par le nombre d'heures travaillées.

Dans l'Union européenne, le coût moyen du travail était, en 2011, pour les entreprises de plus de 10 salariés, de 23,1 euros de l'heure, selon l'institut Eurostat, qui note de fortes disparités entre pays : de 3,5 euros de l'heure en Bulgarie, ou 7,1 euros en Pologne, à 44,2 en Norvège, par exemple. Avec 34,2 euros de l'heure en moyenne, la France est dans le groupe de pays au coût élevé, mais elle n'est pas la plus chère. Le Danemark est à 38,6 €, la Suède à 39,1, la Belgique à 39,3 €. L'Allemagne, avec 30,1 euros de l'heure, se situe au-dessous, mais reste dans le peloton de tête.


Ce premier indicateur donne donc plutôt tort à M. Varin : la France est le 5e pays en Europe en matière de coût du travail, l'Allemagne étant 8e.

2/ Dans l'industrie non plus, il n'est pas le plus élevé

Il faut néanmoins être plus précis : le coût du travail peut en effet varier fortement en fonction de l'activité économique, il faut donc le calculer par secteur. L'Insee a publié au printemps 2012 une enquête sur la question, en distinguant notamment le coût du travail en 2008 dans l'industrie manufacturière (dont l'automobile fait partie) et les services marchands.

Il en ressort que la France, avec 33,16 euros de l'heure, était légèrement moins chère de l'Allemagne (33,37 euros de l'heure) dans l'industrie. Elle se classait cinquième, derrière Belgique, Danemark ou Suède. Dans les services marchands, l'Allemagne retrouvait un avantage avec 26,81 euros de l'heure, contre 32,08 euros de l'heure en France. Mais Danemark, Belgique, Suède et Luxembourg se classaient devant la France en terme de coût horaire.

Encore une fois, impossible de donner raison à M. Varin, y compris dans le secteur précis de l'industrie manufacturière.

2/ Dans l'automobile non plus, on ne peut pas dire que le coût du travail français est "le plus élevé d'Europe"

Zoomons encore pour aller chercher le coût du travail dans l'industrie automobile. L'Insee l'évoque dans la même enquête... et explique une chose qui vient contredire totalement M. Varin : "Dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29 % à celui observé en France : 43,14 euros contre 33,38 euros. L’écart se montait à 49 % en 1996 et a donc diminué depuis. Néanmoins, il reste fort important, alors même que le secteur automobile  contribué dans une large mesure à la dégradation du solde commercial de la France."

En clair, un ouvrier automobile allemand coûte 30 % plus cher de l'heure que son concurrent français, selon l'Insee. Pourtant, alors que l'industrie automobile française périclite, son homologue allemande, elle, se porte bien mieux. Un "paradoxe" qui donne des arguments à ceux qui estiment que le problème principal n'est pas celui du coût du travail mais celui de la stratégie industrielle.

3/ L'Allemagne est l'exception en Europe, et la comparaison est donc biaisée

D'autres indicateurs viennent toutefois appuyer la thèse de M. Varin et d'une partie du patronat français, et notamment la comparaison avec l'Allemagne. L'institut COE-Rexecode, proche du patronat, a ainsi établi son propre indice de coût du travail, à partir de ceux d'Eurostat, qu'il pondère en intégrant jours de congés et RTT.

Selon cet indice, la France "décrocherait" en matière de coût du travail dans l'industrie, après avoir été au même niveau que l'Allemagne.

La thèse est souvent rappelée à d'autres égards. L'Allemagne a réduit ses coûts et mis en place depuis le début des années 2000 une politique de modération salariale très volontariste, qui lui a permis de se rendre très concurrentielle en Europe. Un exemple souvent repris en France.

Pourtant, il est à relativiser. Comme le rappelait l'économiste Olivier Bouba-Olga dans une note de blog fin avril, la comparaison masque d'autres phénomènes. Il prenait pour référence une étude de l'institut Carnegie, évoquant le "décrochage" de la France face à l'Allemagne au niveau cette fois du "coût unitaire du travail" : combien coûte un salarié par rapport à ce qu'il produit. Un indicateur qu'on calcule en fonction d'un point d'indice de référence.

L'institut Carnegie produit un graphique montrant le "décrochage" franco-allemand, résultat en grande partie de la modération salariale allemande, qui a conduit à une diminution du coût unitaire du travail entre 2005 et 2008 :

Mais, comme il le rappelle ensuite, ce comparatif n'est valable que pour l'Allemagne seule. Il suffit d'élargir la comparaison à d'autres pays pour le constater :

On le voit, la France reste dans la moyenne à la fois de l'OCDE et de l'Europe. C'est l'Allemagne qui fait figure d'exception.

Comme le rappelait Le Monde, d'autres économistes pourtant proches du patronat, notamment issus de l'Institut de l'entreprise, font le même constat : "Il convient de souligner les limites de la comparaison avec l'Allemagne (...) c'est l'Allemagne, et non la France, qui fait figure d'exception en Europe, puisque l'évolution du coût unitaire du travail est restée en France en ligne avec la moyenne européenne."

Samuel Laurent


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13 juillet 2012 5 13 /07 /juillet /2012 21:05

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 13.07.2012 à 16h50 • Mis à jour le 13.07.2012 à 18h39

 
 
Les révélations concernant Barclays ont entraîné la démission du président et du directeur général de l'établissement.

Les suites de l'affaire des manipulations du Libor, l'un des principaux taux de référence pour les prêts entre banques, pourraient coûter à onze banques - dont Barclays - environ 12 milliards d'euros, selon une étude publiée vendredi 13 juillet par la banque américaine Morgan Stanley. L'étude ne retient que 11 des 18 établissements qui participent à l'élaboration du Libor en dollars, sans en expliquer la raison.

 

Lire : "Tentative de manipulation du Libor : que s'est-il passé ?"


Pour ces banques, Morgan Stanley part du postulat que toutes seront mises à l'amende par les autorités, à des montants équivalents, à l'exception de Barclays, qui aurait bénéficié d'une prime pour avoir trouvé un accord amiable avant les autres.

Le total des amendes atteindrait 5,67 milliards d'euros environ, y compris l'amende de Barclays. A cela s'ajoute le coût estimé lié à des contentieux, que Morgan Stanley chiffre, au total, à 6,38 milliards d'euros.

 

 DÉMISSIONS, ENQUÊTES ET AUDITIONS


Le Libor fait aujourd'hui l'objet d'un scandale retentissant au Royaume-Uni, après la mise au jour de manipulations effectuées par la banque britannique Barclays entre 2005 et 2009. Les révélations concernant Barclays ont entraîné la démission du président et du directeur général de l'établissement.

 

Lire : "Les démissions se succèdent à la tête de Barclays"


La Chambre des communes (l'une des deux assemblées, avec le Sénat, du Parlement britannique) va constituer une commission d'enquête parlementaire sur le sujet et l'Office britannique de lutte contre la délinquance financière s'apprête à ouvrir une enquête pénale. La Commission européenne a également lancé une enquête sur l'ensemble des principaux taux du marché interbancaire.

Aux Etats-Unis, le Congrès a convoqué le secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, et le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, pour leur demander des explications sur ce scandale.

 

Lire : "Geithner s'est alarmé de risques de manipulation du Libor dès 2008"


 

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