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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 17:18

 

 Rue89 - à lire sur rtbf.be 10/09/2012 à 12h58

 

 

 

Le bourgmestre (maire) d’Uccle a confirmé ce lundi matin sur la RTBF que la demande d’Arnault aurait été faite pour des raisons fiscales, démentant les propos de Bernard Arnault.

Bernard Arnault n’a pas caché ses motivations, il les a expliquées au bourgmestre : « Il est certain qu’il a un ressentiment par rapport à une politique de son pays qu’il considère peu accueillante par rapport à l’entreprise et à l’esprit d’entreprise. Il explique aussi que si certaines mesures fiscales étaient prises, cela aurait comme conséquence pour lui que les impôts qu’il paierait dépasseraient ses revenus “.

Bernard Arnault est domicilié à Uccle depuis plusieurs mois. Dès novembre dernier, il a souhaité s’y installer : avant la victoire électorale des socialistes en France, donc.

 

 

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Bernard Arnault aurait choisi Uccle pour échapper à la politique fiscale de la France

 

rtbf.be - MONDE | lundi 10 septembre 2012 à 8h10

 


Voici l'appartement de bernard Arnault à Uccle

 

Voici l'appartement de bernard Arnault à Uccle

 

Interview du bourgmestre d'Uccle, Armand de Decker

Bernard Arnault, la première fortune de France, souhaiterait prendre la nationalité belge, tout en gardant la nationalité française. Armand De Decker, a confirmé à la RTBF, qu'il venait s'installer à Uccle pour échapper à certaines mesures fiscales. Le monde politique français s'agite.

La Commission des naturalisations de la Chambre a la main en Belgique: le dossier suivra son chemin comme les autres. Cette Commission est composée de 17 députés qui reçoivent, selon un choix défini par l'ordinateur, les dossiers à traiter. Donc personne ne sait pour l'instant qui recevra le dossier de Bernard Arnault.

En France, les socialistes crient à la trahison, une fuite face à la taxe de 75 % sur les grosses fortunes. Bernard Arnault a très vite repris la main: dans un communiqué, il affirme qu'il garderait son domicile fiscal en France. Il paierait donc ses impôts là-bas "comme tous les Français" . Le patron de LVMH a récusé toute "interprétation politique" de sa démarche. "Je suis et je resterai fiscalement domicilié en France et, à ce titre, je remplirai, comme tous les Français, l'ensemble de mes obligations fiscales", a déclaré Bernard Arnault à l'AFP.

Il précise que sa demande de naturalisation était liée à une démarche personnelle, une démarche envers un ami de longue date : Albert Frère, lequel est d'ailleurs actionnaire du groupe Arnault. Les deux hommes pourraient avoir un projet en commun. Mais pour cela, il ne faut pas absolument être Belge.

Bernard Arnault vit depuis la fin 2011 à Uccle

Le bourgmestre (maire) d'Uccle Armand De Decker a affirmé au JT de la RTBF que Bernard Arnault est domicilié à Uccle depuis décembre dernier, "ce qui ne l'empêche pas d'être domicilié en France, aussi, bien sûr". Ce lundi matin, Armand De Decker évoquait la piste des droits de succession. "Ce n'est pas à moi à révéler les choix de la vie de mes concitoyens. Uccle compte plus de 10% de Français et pour le moment il y en a davantage qui viennent y vivre. C'est exact que M. Arnault est venu me voir à la fin de l'année dernière, souhaitant se domicilier et s'installer à Uccle".

Selon le bourgmestre (maire) d'Uccle, Bernard Arnault a "un grand intérêt pour la Belgique": vacances, famille, amis, investissements et sociétés, ... "Et il ne parle que de développer des projets industriels". Ce lundi midi, Armand De Decker refuse de croire aux diverses interprétations fiscales et estime qu'il ne s'agit-là que d'une volonté d'avoir la double nationalité.

Ce lundi matin cependant, Armand De Decker tenait un discours différent: "Il est certain qu'il a un ressentiment par rapport à une politique de son pays qu'il considère peu accueillante par rapport à l'entreprise et à l'esprit d'entreprise. Il explique aussi que si certaines mesures fiscales étaient prises, cela aurait comme conséquence pour lui que les impôts qu'il paierait dépasseraient ses revenus".

Un investissement prévu en Belgique ?

Dans une interview accordée à l'AFP, Bernard Arnault nie pourtant vouloir éluder l'impôt français, il parle plutôt d'investissement qu'il voudrait réaliser en Belgique et qui serait facilité par sa nationalité. Un projet dont n'a pas entendu parler le bourgmestre d'Uccle : "Ce qui est certain, c'est qu'il a le siège d'une de ses entreprises à Bruxelles depuis très longtemps. Il vient très régulièrement, je crois chaque semaine, depuis très longtemps, me dit-il. Et donc voilà au-delà de ça, il y a un principe de base aussi dans l'Union Européenne, c'est la libre circulation des biens et des personnes et il trouve la Belgique plus accueillante que la France, pour ses entreprises, c'est le sentiment qu'il me donne".

Quant à savoir s'il a déjà payé des impôts en Belgique : "Ah ça, je n'en sais rien ! De toute manière à partir du moment où y vivra une partie du temps, il paiera des impôts bien entendu".

Armand De Decker dit regretter les fuites

"Je suis un peu surpris oui, dans la mesure où dès que ce dossier de demande de naturalisation est arrivé à la Chambre, je constate qu'il y a peu de confidentialité à la Chambre et que le dossier est devenu très rapidement public", a déclaré le bourgmestre après lui avoir demandé s'il est surpris de ces fuites.

"Je trouve que ce n'est pas très respectueux du choix des gens mais d'un autre côté, je peux comprendre que certaines personnalités et certaines personnes et notamment la personne qui a, semble-t-il, la plus grande fortune d'Europe, s'installe en Belgique, c'est évidemment un événement. Mais je pense que ce n'est pas à des fonctionnaires ou à des membres de cette Commission à révéler ces choses-là", a-t-il ajouté.

RTBF

Ecoutez l'interview d'Armand De Decker ci contre.

 

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10 septembre 2012 1 10 /09 /septembre /2012 17:00

 

LE MONDE | 10.09.2012 à 14h19

Par Fréderic Lemaître

 
Les juges de la Cour constitutionnelle réunie le 7 septembre 2011 à Karlsruhe.

Ils sont huit. Huit juges à être en mesure de porter un coup fatal à l'euro et donc à l'Europe. Peut-être le feront-ils d'ailleurs mercredi 12 septembre à 10 heures. Hormis leurs homologues de la Cour suprême des Etats-Unis, aucun magistrat au monde n'a autant de pouvoir. Et pourtant, même aux yeux des Allemands, les juges de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe restent de parfaits inconnus. Hormis peut-être le président, Andreas Vosskuhle, qui paraît de temps à autre dans les médias, les sept autres peuvent aller boire une bière sans craindre d'être dérangés. Même leur nom n'évoque rien à leurs concitoyens.

La première explication tient au fédéralisme. En décidant en 1951 d'installer cette Cour à près de 300 kilomètres au sud de Bonn, les responsables politiques ont mis les juges à l'abri. Cette ville sans charme du Bade-Wurtemberg semble avoir été choisie pour décourager les lobbyistes et les paparazzi. La seconde est l'étonnante discrétion qui entoure leur nomination. Les seize juges - il y a en fait deux Chambres composées de huit juges chacune mais seule la seconde traite des affaires européennes - sont nommés pour moitié par les 69 membres du Bundesrat, la Chambre haute du Parlement, et pour moitié par une commission de douze députés représentant les partis siégeant au Bundestag. Pour être élu, il faut avoir au moins 40 ans, être juriste et obtenir les deux tiers des voix. Grâce à ce système, chaque nomination est consensuelle. Avantage : si certains juges sont marqués politiquement, impossible comme à Washington de les cataloguer en fonction du parti auquel ils doivent leur poste. Inconvénient : il n'y a pas de nomination sans discrètes tractations. Comme l'a remarqué Die Zeit : comparée à ce système, l'élection du pape constitue presque un modèle de transparence. Autre différence avec les Etats-Unis : nommés pour douze ans (non renouvelables), les juges doivent partir à 68 ans.

Les Allemands ne connaissent pas leurs juges mais les tiennent en haute estime. La Cour constitutionnelle inspire "très confiance" à 75 % d'entre eux. Plus que le président de la République (63 %), les parlementaires (40 %), ou le gouvernement (38 %). Sans parler de la Commission européenne (22 %).

Chaque année, les Allemands déposent en moyenne 6 500 recours devant la Cour. Grâce au mécanisme européen de stabilité et au pacte budgétaire, 2012 est d'ores et déjà un millésime exceptionnel, puisqu'une association, Plus de démocratie, a déposé 37 000 plaintes individuelles contre ces mécanismes qui doivent être jugés mercredi.

Créée après la défaite de l'Allemagne nazie pour protéger les citoyens contre un pouvoir excessif de l'Etat, la Cour joue pleinement son rôle. En soixante ans, elle a jugé inconstitutionnels (totalement ou partiellement) pas moins de 450 textes de loi. De l'ouverture des magasins le dimanche aux missions de la Bundeswehr à l'étranger comme en Allemagne, en passant par l'avortement, la présence de crucifix dans les écoles, le droit d'asile, le montant des minima sociaux et bien entendu l'aide à la Grèce, la Cour de Karlsruhe a son mot à dire sur tout et nul ne peut la contredire. C'est au point que Gerhard Casper, l'ancien président de l'université américaine de Stanford né en Allemagne, a pu dire qu'au lieu de parler de "République de Bonn" (puis de Berlin), mieux vaudrait évoquer la "République de Karlsruhe".

Evidemment, bien qu'ils s'en défendent, les responsables politiques la craignent et la détestent. L'entourage du chancelier Willy Brandt n'avait que mépris pour ces "trous du cul de Karlsruhe" qui, dans les années 1970, s'opposaient à sa politique de rapprochement avec l'Allemagne de l'Est. Ministre de l'intérieur à poigne de 2005 à 2009, Wolfgang Schäuble était tellement ulcéré par les remarques des juges sur une loi anti-terroriste qu'il leur a fait remarquer que s'ils voulaient écrire les lois, mieux valait qu'ils se fassent élire au Parlement.

Mais tout cela n'est rien à côté de l'amour que leur porte Angela Merkel. Lors du 60e anniversaire de la Cour le 28 septembre 2011 - un mercredi, ce qui a obligé le gouvernement à déplacer le conseil des ministres -, la chancelière a comparé les seize juges... à des "scorpions". Devant tout ce que l'Allemagne compte de responsables politiques, au beau milieu d'un discours vantant la démocratie et l'équilibre des pouvoirs, la chancelière n'a pu se retenir : "Les juges de la Cour suprême des Etats-Unis, pour ainsi dire la soeur américaine de notre Cour constitutionnelle, ont un jour été décrits comme neuf scorpions dans une bouteille. En tant que personne extérieure, je ne peux en fait pas juger si cette appréciation est fondée. Mais pour rester dans l'image, la piqure des scorpions atteint parfois aussi les autres organes constitutionnels." Polis, les juges ont encaissé le coup en souriant. Y compris Andreas Vosskuhle. Juge à la Cour depuis 2008, président depuis 2010 - il n'a alors que 46 ans -, ce juriste, que l'on dit proche du Parti social-démocrate, affiche une volonté de fer sous une robe de velours. Pour pouvoir nommer quelqu'un de plus conciliant, Angela Merkel, pour une fois tout sucre tout miel, est allée jusqu'à lui proposer en début d'année la présidence de la République. Un honneur qu'Andreas Vosskuhle s'est empressé de décliner. La physicienne aurait dû s'en douter : les scorpions sont peu sensibles aux sucreries.

lemaitre@lemonde.fr

Fréderic Lemaître

 

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9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 12:43

 

photo AFP

 

Pour comprendre la sourde inquiétude qui s’est abattue sur le pays , il faut mettre en parallèle un chiffre et des mots , relier la barre des 3 millions de chômeurs qui vient d’être franchie en France à ce que disait Michel Rocard en février dernier, alors que le pays était encore en pleine campagne électorale :

« à côté des chômeurs, on a vu se développer, depuis les années 1990, les travailleurs précaires et les pauvres , rappelait l’ancien premier ministre socialiste. Le résultat, c'est qu'à peu près un tiers de la population active est en situation de grave précarité dans les pays industrialisés.

Peut-on s'y résoudre ? Non, car cela devient explosif budgétairement, socialement et politiquement. Cela conduit à la désaffection civique, au ralliement à des forces politiques populistes, à un affaiblissement électoral des partis en situation de gouverner et donc à une redoutable instabilité » (interview au Monde le 27-02-2012).

Michel Rocard ajoutait autre chose qu’aucun candidat à l’élection présidentielle n’avait voulu relever  à l’époque parce que cela ne cadrait pas avec les programmes électoraux. : il annonçait que l’Europe était en train de s’enfoncer dans une longue période de faible croissance voire de récession car à la crise financière non résolue s’ajoutait le pic pétrolier, du à l’épuisement des ressources.

Un nouveau cycle économique s’ouvrait qui réclamait des adaptations lourdes et des idées nouvelles. En clair, il allait falloir  apprendre à vivre beaucoup plus chichement.

Six mois plus tard on y est : au choc des chiffres _3 millions de sans emploi ; 4,7 millions si l’on y ajoute les travailleurs à activité réduite ou dispensés de recherche- s’ajoute l’absence de perspective de croissance. Le pire des scénarios.

Le gouvernement peut bien lancer les emplois d’avenir et le contrat de génération et   François Hollande se battre sur la scène européenne pour tenter d’éviter la récession,  on sent confusément que cela ne suffira pas .

Même décalage chez les partenaires sociaux qui semblent toujours avoir un train de retard : alors que le premier diagnostic sur les délocalisations date du début des années 1990 , rien n’a vraiment bougé sur le coût du travail et le financement de la protection sociale.

Le thème de la flex sécurité destinée à favoriser les transitions professionnelles a émergé au début des années 2000 . Là encore grand immobilisme social et l’on n’est même plus sur aujourd’hui que si des négociations aboutissaient sur ces deux sujets, comme le souhaite le gouvernement, l’emploi serait sauvé tant il manque une perspective de croissance .

L’inadéquation des remèdes à la crise saute aux yeux  mais le reconnaître est proprement impensable : cela reviendrait à invalider toutes les promesse de la campagne.

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9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 12:38

 

 

M le magazine du Monde | 07.09.2012 à 12h06

Par Nicole Vulser. Photos Atul Loke

 
 
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On les appelle les ari ou les zardozi, selon qu'ils manient le crochet ou l'aiguille. Ils travaillent en silence, bercés par le bruit des ventilateurs. Ils cousent à plusieurs, sur des modèles tracés à la craie, des millions de paillettes, perles, sequins, rubans, strass avec des fils de coton ou parfois d'or. Mumbai compte 100 000 brodeurs. Des hommes exclusivement, musulmans, dans un pays dominé par l'hindouisme. On les rencontre au cœur de la ville, à deux pas de la gare centrale : le quartier de Grant Road abrite 600 ateliers – les kharkanas – sur un kilomètre carré. Là, sont réalisées des merveilles destinées à des maisons de luxe dont les brodeurs ignorent souvent l'existence. Malgré leur savoir-faire extraordinaire applaudi dans les défilés des collections de haute couture ou de prêt-à-porter haut de gamme, ces légions d'ouvriers, qui viennent surtout du Bengale ou d'Uttar Pradesh, sont considérées comme la lie de la société. Situés au plus bas de l'échelle sociale, ils rêvent, pour leurs enfants, d'un autre avenir.

Dans l'atelier d'Ali Raza, l'un des artisans les plus créatifs de Mumbai.

Leurs conditions de travail sont peu enviables. Entassés dans des ateliers parfois très bas de plafond, sans climatisation, éclairés par de violents néons, ils sont assis sur le sol quatorze heures par jour, devant des tréteaux de bois très bas, tendus de filets de pêche bleus sur lesquels sont installés leurs travaux de broderie. Dans une rue jonchée de détritus, on songe forcément au taudis des Thénardier en empruntant l'échelle raide et sale qui conduit à l'atelier Anisa Fashion Art, dirigé par Feroz Ahmed. Originaire du Bihar, ce solide gaillard, qui a très tôt quitté l'école, fait travailler une centaine d'employés. Deux petites fenêtres constituent les seules ouvertures de cette salle surchauffée et peu ventilée. La plupart des employés, présents six jours sur sept, de 8 h 30 à 23 heures (y compris les pauses déjeuner, thé, dîner ou les prières) dorment et mangent sur place.

Sous-traitant et parfois sous-traitant de sous-traitant, le patron de cette PME ne sait pas qui sont les destinataires finaux des commandes qui émanent de compagnies d'export, intermédiaires de groupes situés aux Etats-Unis ou en Italie. Feroz Ahmed nous montre toutefois un tee-shirt brodé de larges paillettes bleues sur lequel est apposée l'étiquette Blumarine. Sur Internet, cette futilité sera vendue 385 euros.

Chez Liaqat Khan, les ouvriers brodent la robe de mariée de sa deuxième fille. Cet habit de réception nécessitera 3 000 heures de travail. En Inde, le mariage représente 80 % des commandes de broderie.

LES TRADITIONS ONT LA VIE DURE

Toujours dans ce même quartier, Mohammed Maslehuddin règne sur une quarantaine d'artisans dans son atelier spécialisé dans les petits sacs à main brodés et les minaudières. Ses locaux sont plus vastes, plus aérés. A l'entrée, une pancarte annonce : "Interdit de fumer ou de cracher sous peine d'une amende de 200 roupies (2,9 euros)." Ce petit patron se plaint de la pression sur les prix exercée par ses donneurs d'ordre indiens. Le temps nécessaire à la broderie n'est, lui, pas compressible : il faut toujours une dizaine d'heures pour chaque article. "Mumbai est la ville indienne qui possède la plus forte concentration de brodeurs", dit-il, en se félicitant que "l'électricité y fonctionne mieux qu'à Calcutta". La ville est beaucoup plus chère aussi – notamment l'immobilier – et les salaires y sont plus élevés. Trois fois plus en moyenne qu'à New Delhi et cinq fois plus qu'à Calcutta, où les artisans travaillent peu pour le luxe, mais presque exclusivement pour le prêt-à-porter ou le marché national.

Un autre artisan de Mumbai, considéré comme l'un des plus créatifs, Ali Rasa, travaille, sous une cascade d'intermédiaires, pour Galliano et, de façon directe, pour des designers indiens comme Neeta Lulla. Il paie ses ouvriers entre 9 000 et 14 200 roupies (de 130 à 205 euros) par mois, selon leur ancienneté. "Ce n'est pas difficile de trouver de bons brodeurs sur le marché", dit-il. Le plus jeune dans son atelier vient de fêter ses 16 ans. Il a démarré voici trois ans. Tous retournent dans leur village deux fois par an, pour quelques semaines.

Fabrication de sacs à main brodés chez Hikal, l'atelier de Mohammed Maslehuddin.

Pourquoi ne voit-on pas une seule brodeuse à Bombay ? "C'est un travail très difficile, il faut se souvenir de tout", explique, sans rire, Ali Raza. Dans cette profession trustée par les musulmans, les femmes restent chez elles. En revanche, traditionnellement, elles peuvent travailler à domicile, sur commandes, dans certaines régions, comme au Bengale. C'est surtout parce que ce métier nécessite une grande concentration et une extrême précision que les apprentis ne démarrent pas ce métier avant 13 ans, ce qui explique, en creux, pourquoi il n'y a pas d'enfants dans ces ateliers.

Les traditions ont la vie dure. Même le plus capé des brodeurs de Mumbai, Liaqat Khan, qui travaille pour Ralph Lauren, Valentino, Gucci, Armani, Escada, Givenchy, Stella McCartney ou Chloé, n'a aucune relation directe avec ses clients, hormis les grands designers indiens comme Krishna Mehta. Toutes ses commandes passent par des intermédiaires, Marsil Export, Safran ou Finesse, qui rognent inéluctablement les marges de l'artisan. Dans son atelier, où est actuellement brodée la splendide robe de mariée de sa deuxième fille, ce qui nécessitera 3 000 heures de travail, cet homme fier et exigeant de 58 ans, dont le principal handicap dans les affaires est de ne pas parler anglais, sait bien que les intermédiaires empochent jusqu'à "trois fois le prix" qu'il demande. Pour autant, il n'a pas envie de s'adjoindre un directeur général chargé de démarcher des clients à l'étranger. Il préfère espérer qu'un jour son fils prendra la relève et alors "c'est lui qui fera l'intermédiaire". Le plus aguerri de ses ouvriers, Babu, qui manie l'aiguille depuis vingt-cinq ans, n'a aucune envie que ses fils s'engagent dans la même profession que lui. "Je ne veux pas qu'ils vivent cela. C'est tellement dur : je n'ai que le dimanche de libre et je ne gagne pas assez pour ouvrir mon propre atelier", regrette-t-il.

Dans les ateliers 2M de Maximiliano Modesti, des echantillons pour Oscar De La Renta.

Sans illusions non plus, Gabriella Cortese, à la tête de la marque de prêt-à-porter Antik Batik, est l'une des rares créatrices de mode à passer chaque année plusieurs mois à Delhi pour travailler directement avec les brodeurs. "En Inde de toute façon, ce qui est réalisé à la main coûte toujours moins cher que ce qui est fabriqué à la machine et, dans l'oeil d'un Indien, un Occidental représente toujours un paquet de dollars", explique-t-elle. Gabriella Cortese constate que la plupart des brodeurs "ne savent ni lire ni écrire" et que ces musulmans souffrent, de la part des hindous, d'un racisme à peine voilé. Les patrons des ateliers n'hésitent pas à se séparer d'eux si les commandes diminuent. "J'essaye de les pousser à garder leurs artisans, dit-elle. Ce n'est pas facile de faire évoluer les habitudes. Entre eux, les Indiens s'exploitent sans vergogne et les structures féodales perdurent."

EXTRAORDINAIRES ÉCONOMIES

Deux Français, Maximiliano Modesti et Jean-François Lesage, ont franchi le pas voici plus d'une vingtaine d'années et créé leur atelier. L'un à Mumbai, l'autre à Chennai. D'origine italienne, Maximiliano Modesti veut faire bouger les choses et, avec la foi des convertis, espère redonner aux Indiens une réelle confiance en leur propre artisanat. Dans les ateliers 2M – un gigantesque espace dans la banlieue de Mumbai – il a embauché de jeunes Indiens sortis des meilleures écoles de design. Son équipe de 350 brodeurs s'active sur les lignes de production destinées aux différentes marques. Les plus doués créent les prototypes et les échantillons. Les salaires sont supérieurs à la moyenne (275 euros au minimum) et les horaires de travail s'échelonnent de 10 heures à 21 heures, avec deux heures de pause. Une révolution. Il reçoit d'ailleurs cinquante CV chaque mois. Maximiliano Modesti travaille pour les grands du luxe. Hermès lui confie ses lignes d'exception, comme ces foulards baptisés Pégase ou Quadrige ou encore ces immenses châles en double crêpe Georgette qui nécessitent chacun 280 heures de travail. Voire la pose de paillettes sur des carrés plus classiques, qui seront ensuite renvoyés dans la région lyonnaise où ils seront ourlés. Il compte également comme clients fidèles Isabel Marant, Oscar de la Renta, mais aussi Pierre Balmain, Jason Wu ou Roberto Cavalli. "Des créateurs qui aiment fondamentalement l'artisanat indien", précise-t-il.

Maximiliano Modesti dirige les ateliers 2M. Il travaille pour Hermès, Oscar de la Renta, Isabel Marant... C'est lui qui propose les meilleurs salaires aux brodeurs de Mumbai.

Jean-François Lesage, lui, est né dans la broderie. Ses grands-parents puis son père, François, ont dirigé le plus bel atelier parisien, celui qui, dès le début du XXe siècle, fournissait les grands noms de la mode – Paquin ou Madeleine Vionnet – avant de créer d'éblouissants motifs au crochet de Lunéville pour Christian Dior, Valentino ou Chanel (devenu propriétaire de l'entreprise en 2002). S'il travaille surtout pour des architectes et des décorateurs chics du monde entier, Jean-François Lesage collabore exclusivement, dans la mode, avec Lesage Paris. "J'ignore alors pour quelle maison je brode. Je le découvre en regardant les défilés sur Internet. Il serait inconcevable, en raison des coûts de fabrication, de produire certains modèles à Paris", dit-il, en ayant conscience que l'on ajoute parfois, dans le 9e arrondissement "le sel et le poivre" à ce qui a été réalisé en Inde. "Certaines commandes ne peuvent être réalisées qu'ici. Une ouvrière française ne pourrait jamais par exemple broder 74 000 abeilles. En Occident, il n'y a aucun plaisir à la répétition. En Asie, il existe en revanche une certaine fierté à exécuter des travaux gigantesques, la répétition d'un motif n'est pas considérée comme une punition", veut-il croire.

Les maisons de luxe européennes soutiennent l'artisanat indien tout en réalisant d'extraordinaires économies. Du coup, les petites mains manquent dans l'Hexagone : il ne reste plus à Paris que 200 brodeuses réparties dans une poignée d'ateliers, comme Lesage, Hurel, Montex, Cécile Henri, Lanel ou Emmanuelle Vernoux. Fatalité ou cruauté de la mondialisation, la moins qualifiée des ouvrières parisiennes coûte forcément dix fois le salaire de ses collègues en Inde. Maximiliano Modesti a toutes les raisons d'être confiant sur l'évolution du volume des commandes passées en Inde par les géants du luxe. D'autant plus, affirme-t-il, que « la broderie à la main est, dans la mode, la seule chose qui ne puisse être copiée, n'étant pas reproductible à la machine".

Chez Liaqat Khan, les ouvriers brodent la robe de mariée de sa deuxième fille. Cet habit de réception nécessitera 3 000 heures de travail. En Inde, le mariage représente 80 % des commandes de broderie.

La main-d'œuvre indienne est, elle, sans limite. Ritu Sethi, la fondatrice de l'unique encyclopédie sur l'artisanat en Inde – éditée par Craft Revival Trust et qui recense 60 000 ateliers de broderie dans toutes les régions de l'Inde –, est persuadée que cette activité souffre toujours d'au moins trois maux : le manque de notoriété, l'insuffisance des salaires et de la protection juridique. Contrairement aux designers de mode, "les brodeurs n'arrivent pas à se faire un nom", dit-elle, et "ils ne gagnent toujours pas assez". Moins optimiste que Maximiliano Modesti, elle redoute que "certains motifs de broderie puissent à terme être piratés". Ritu Sethi milite, avec l'aide de l'Unesco, pour la création d'un diplôme qualifiant pour ces artisans, évalués à plus de 750 000 dans tout le souscontinent. Pour tenter de mettre fin à ce syndrome d'infériorité qui les frappe et à cette malédiction qui veut qu'aujourd'hui encore le plus brillant des brodeurs des ateliers 2M, Atul, explique sans hésiter qu'il préférerait être "chauffeur de taxi".

Nicole Vulser. Photos Atul Loke

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 18:55

 

 

 

 

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 18:31

 

 

Membre de l'exécutif d'Europe Ecologie Les Verts (EELV), Jérôme Gleizes explique dans cet argumentaire pourquoi il faut refuser le Traité européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG).


 

1. Le positionnement sur le TSCG ne doit pas relever d'un choix tactique mais être un positionnement de fond. Le résultat du vote sera structurant pour les années suivantes. Tout comme celui sur le Traité de Maastricht a été complexe et difficile, celui sur le TSCG l'est aussi. Hormis les deux positionnements extrêmes, les eurosceptiques et les libéraux, le choix va se faire entre celles et ceux qui pensent que voter contre va aggraver la crise politique en Europe et celle et ceux qui pensent que ratifier le traité va amplifier la crise plutôt que la résoudre. Le positionnement ne peut se limiter à une crainte que la France soit dans une situation singulière vis-à-vis du reste de l'Europe. Deux pays sont déjà non signataires du TSCG, le Royaume-Uni et la République Tchèque. François Hollande avait promis de le renégocier mais il n'a pas réussi à le faire.

2. Tout traité doit être replacé dans son contexte historique. Le Traité de Rome était dans sa structure d'inspiration profondément libérale mais il n'a empêché aucune politique d'intervention publique pendant 30 ans (PAC, fonds structurels,...). Mais depuis la signature de l'acte unique en 1986, l'intervention publique recule pour laisser place aux seuls marchés. C'est le tournant néo-libéral ou social-libéral européen. Le contexte politique n'est plus aujourd'hui à une action européenne concertée. Le repli nationaliste se manifeste dans de nombreux pays européens. Il faut relancer la coopération européenne, ce que le TSCG ne permet pas.

3. Le TSCG est la conséquence directe de la crise de 2007-2009. Il prétend régler le risque non prévu, par le Traité de Maastricht, de sortie d'un pays de la zone euro, en renforçant les contraintes budgétaires du Pacte de Stabilité et de Croissance, adoptées lors du traité d’Amsterdam en 1997. Or, comme nous allons le voir, le TSCG généralise les politiques d'austérité déjà en œuvre en Irlande, Grèce, Espagne, au Portugal et bientôt en Italie qui n’ont pourtant pas démontré leur efficacité.

4. Quelques rappels statistiques pour illustrer l'intensité de la crise :

Tableau 1

 

PIB 2007

base 100

PIB 2008

PIB 2009

PIB 2010

PIB 2011

PIB 2012

estimation

UE27

100

100,33

96

97,95

99,46

99,43

États-Unis

100

99,66

96,6

98,91

100,7

102,68

Zone euro

100

100,37

95,93

97,81

99,25

98,94

Japon

100

98,96

93,49

97,72

96,99

98,82

Allemagne

100

101,08

95,9

99,44

102,42

103,12

Royaume-Uni

100

99,03

95,1

96,81

97,54

98,03

France

100

99,92

96,77

98,38

100,05

100,53

Italie

100

98,84

93,41

95,1

95,51

94,17

Espagne

100

100,89

97,11

97,05

97,73

96,01

Turquie

100

100,66

95,8

104,43

113,29

116,99

Grèce

100

99,84

96,6

93,2

86;76

82,65

Irlande

100

97,03

90,24

89,85

90,49

90,97

Portugal

100

99,99

97,08

98,44

96,82

93,66

Source Eurostat (classement par ordre décroissant du PIB)

L’Europe n'arrive pas à revenir aux niveaux de richesse produite en 2007, contrairement aux États-Unis ou de pays comme la Turquie. De plus, les prévisions de 2012 sont en train d'être revues à la baisse. L’Allemagne est un peu l'exception mais pourrait être très affectée comme en 2009 du fait de sa dépendance au commerce international et notamment intra-européen. Par contre, les pays qui ont subi des cures d'austérité sont dans des situations très difficiles.

Tableau 2

 

taux de chômage déc. 2007

taux de chômage déc. 2008

taux de chômage déc. 2009

taux de chômage déc. 2010

taux de chômage déc. 2011

taux de chômage juin 2012

 

UE27

6,9

7,7

9,5

9,6

10

10,4

 

États-Unis

5

7,3

9,9

9,4

8,5

8,2

 

Zone euro

7,4

8,4

10,1

10

10,7

11,2

 

Japon

3,8

4,4

5,2

4,9

4,5

4,4 (mai)

 

Allemagne

8,2

7,3

7,6

6,6

5,6

5,4

 

Royaume-Uni

5,1

6,5

7,7

7,8

7,5

7,5

 

France

7,7

8,4

10

9,6

9,9

10,1

 

Italie

6,5

7

8,3

8,2

9,4

10,8

 

Espagne

8,8

14,9

19,2

20,5

23,2

24,8

 

Turquie

9

11,6

11,6

9,7

8,3

8 (avril)

 

Grèce

7,9

8,5

10,4

14,4

21,2

22,5 (avril)

 

Irlande

4,9

8,4

12,8

14,6

14,7

14,8

 

Portugal

8,5

8,9

11,2

12,3

14,6

15,4

Source Eurostat

L'impact sur le chômage est très important, ce qui augure mal pour les prochaines années. La France a vu une importante hausse de son niveau de chômage, bien que son PIB ait légèrement progressé. Cela est dû à une modification de sa structure d'emploi, notamment avec la non reconstitution d'emplois industriels détruits. Les pays sous austérité ont doublé ou triplé leur chômage.

Tableau 3

En % du PIB

dette publique 2007

dette publique 2008

dette publique 2009

dette publique 2010

dette publique 2011

 

UE27

59

62,5

74,8

80

82,5

 

États-Unis

67,2

76,1

89,9

98,5

102,9

 

Zone euro

66,3

70,1

79,9

85,3

87,2

 

Japon

183

191,8

210,2

215,3

229,8

 

Allemagne

65,2

66,7

74,4

83

81,2

 

Royaume-Uni

44,2

54,5

69,3

79,4

85,3

 

France

64,2

68,2

79,2

82,3

86

 

Italie

103,1

105,7

116

118,6

120,1

 

Espagne

36,3

40,2

53,9

61,2

68,5

 

Turquie

39,9

40

46,1

42,4

39,4

 

Grèce

107,4

113

129,4

145

165,3

 

Irlande

24,8

44,2

65,1

92,5

108,2

 

Portugal

68,3

71,6

83,1

93,3

107,8

Source Eurostat et FMI

La crise financière de 2007-2008 a fait exploser le niveau des dettes publiques, soit du fait d'une transformation des dettes privées des banques en dettes publiques, soit du fait de politique de soutien à l'activité économique comme aux États-Unis. Le premier critère du Traité de Maastricht de 60 % d'endettement maximum a ainsi implosé, y compris en Allemagne bien que ce pays soit le seul pays ayant réussi à réduire son déficit en 2011 (voir tableau 4). Par ailleurs, les pays ayant appliqué des politiques d'austérité n'ont pas réduit leur niveau d'endettement, en raison de la hausse des taux d'intérêt et/ou d'une réduction des déficits publics moins importante que celle du PIB.

Tableau 4

En % du PIB

déficit public 2007

déficit public 2008

déficit public 2009

déficit public 2010

déficit public 2011

 

UE27

-0,9

-2,4

-6,9

-6,5

-4,5

 

E-U

-2,7

-6,7

-13

-10,5

-9,6

 

Zone euro

-0,7

-2,1

-6,4

-6,2

-4,1

 

Japon

-2

-4,1

-10,4

-9,4

-10,1

 

Allemagne

0,2

-0,1

-3,2

-4,3

-1

 

Royaume-Uni

-2,7

-5

-11,5

-10,2

-8,3

 

France

-2,7

-3,3

-7,5

-7,1

-5,2

 

Italie

-1,6

-2,7

-5,4

-4,6

-3,9

 

Espagne

1,9

-4,5

-11,2

-9,3

-8,5

 

Turquie

-1,6

-2,4

-5,6

-2,7

-0,3

 

Grèce

-6,5

-9,8

-15,6

-10,3

-9,1

 

Irlande

0,1

-7,3

-14

-31,2

-13,1

 

Portugal

-3,1

-3,6

-10,2

-9,8

-4,2

Source Eurostat et FMI

Rappelons que le deuxième critère de Maastricht impose un déficit inférieur à 3 % du PIB. Il était relativement bien respecté en 2007. Le déficit grec a été rectifié après la découverte d'une manipulation secrète de son montant entre le gouvernement de droite et la banque Goldman Sachs. Ensuite, pour faire face à la crise de 2008-2009, les gouvernements ont augmenté leurs dépenses pour suppléer à la baisse de la demande privée et/ou renflouer les banques comme dans le cas extrême de l'Irlande. Les pays de la zone euro ont moins soutenu l'activité économique que les autres pays et sur une durée plus courte. Par ailleurs, ceux qui ont subi les politiques d'austérité ont eu une récession amplifiée et faiblement réduit la part de leur déficit dans le PIB.

5. Un dilemme socio-économique impossible : « Par le présent traité, les parties contractantes conviennent, en tant qu'États membres de l'Union européenne, de renforcer le pilier économique de l'Union économique et monétaire en adoptant un ensemble de règles destinées à favoriser la discipline budgétaire au moyen d'un pacte budgétaire, à renforcer la coordination de leurs politiques économiques et à améliorer la gouvernance de la zone euro, en soutenant ainsi la réalisation des objectifs de l'Union européenne en matière de croissance durable, d'emploi, de compétitivité et de cohésion sociale. » (article 1) Le TSCG a l'ambition de réussir là où les Traités de Maastricht et d'Amsterdam ont échoués, avec des critères de déficit budgétaire et d'endettement public plus stricts, dans un contexte économique beaucoup plus dégradé !

6. Un traité uniquement d'austérité budgétaire. L'article 3 réduit les objectifs de l'article 1 au seul quasi équilibre budgétaire : « La règle (...) est considérée comme respectée si le solde structurel annuel des administrations publiques correspond à l'objectif à moyen terme spécifique à chaque pays, tel que défini dans le pacte de stabilité et de croissance révisé, avec une limite inférieure de déficit structurel de 0,5 % du PIB aux prix du marché. » (article 3 alinéa 1a) Alors que le Traité de Maastricht demandait un déficit budgétaire de 3 %, le TSCG exige 0,5%. Le cœur du TSCG est de réduire l'impact des politiques budgétaires (voir point 12) sans s'attaquer à la compétition fiscale entre pays. C'est un retour de plus d'un siècle en arrière, de l'avant Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie de Keynes. Dans les phases de grande dépression, Keynes a montré que l'État doit intervenir pour suppléer la baisse de la demande privée et stopper les anticipations auto-réalisatrices de crise. Ce ne sera plus possible en Europe. Même le libéral Royaume-Uni a compris que cela n'est pas dans son intérêt et refuse le TSCG. Il y a néanmoins une légère souplesse : dans le cas où l'endettement du pays serait faible (sensiblement inférieur à 60% ), « la limite inférieure de l’objectif à moyen terme (...) peut être relevée pour atteindre un déficit structurel d'au maximum 1,0 % du PIB. » (article 3 alinéa 1d)

7. Un traité aux bases juridiques incertaines. L'article 3 introduit le concept de solde structurel annuel et de déficit structurel. Dans l'alinéa 3, il est précisé que « le solde structurel annuel des administrations publiques signifie le solde annuel corrigé des variations conjoncturelles, déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires ». Cette notion repose sur peu d'éléments scientifiques même si les modèles mathématiques utilisés sont sophistiqués. Elle est basée sur des tendances passées projetées dans le futur avec des modèles qui considèrent souvent qu'il n'y a pas d'effet keynésien, c'est-à-dire que la dépense publique ne génère pas de croissance supplémentaire sur le moyen terme car les ménages anticipent une hausse future d'impôt qui annihilera les effets initiaux de la relance (équivalence ricardienne). De plus, il n'y a aucune analyse qualitative des effets des dépenses comme financer les énergies renouvelables ou le nucléaire. La projection de tendances passées signifie qu'il n'y a aucune analyse critique de la notion de croissance. Ainsi, la conjoncture va tenir compte de l'écart de la croissance effective à la croissance potentielle, « niveau maximal de production que l’on peut obtenir ». Les méthodes et les résultats divergent sensiblement. Ainsi, avant la crise de 2007, la croissance potentielle de la France était estimée à 1,8 % par an par l’OCDE, à 2,1 % par le FMI, 2,2 % par la Commission européenne et 2,4 % par le Trésor français. L’estimation retenue de la croissance potentielle influencera donc sensiblement le calcul final du déficit structurel.

Pour illustrer le flou conceptuel de ce critère que l'on veut légaliser, la Direction Générale du Trésor écrit dans un document de travail de 2009, « Le solde structurel présente deux grandes limites : [Il] mesure imparfaitement la part conjoncturelle du solde public puisqu’il repose sur une évaluation par nature imparfaite de la position de l’économie dans le cycle. (…) Deuxième limite, le concept de solde structurel se borne à une analyse agrégée, qui (...) ne permet pas de donner des éléments suffisants aux décideurs publics pour définir (...) les marges de manœuvre de relance des différents sous-secteurs des administrations publiques (État, organismes divers d’administration centrale, administrations publiques locales, administrations de sécurité sociale). »

8. Une supranationalité budgétaire non démocratique. « Les parties contractantes veillent à assurer une convergence rapide vers leur objectif à moyen terme respectif. Le calendrier de cette convergence sera proposé par la Commission européenne, compte tenu des risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques de chaque pays. Les progrès réalisés en direction de l'objectif à moyen terme et le respect de cet objectif font l'objet d'une évaluation globale prenant pour référence le solde structurel et comprenant une analyse des dépenses, déduction faite des mesures discrétionnaires en matière de recettes, conformément au pacte de stabilité et de croissance révisé. » (article 3 alinéa 1a) La Commission européenne est investie d'un pouvoir très important. Elle est le juge et l'exécuteur de la décision. C'est elle qui détermine le niveau de déficit conjoncturel acceptable à partir de ses modèles économétriques. Ensuite, c'est elle qui exécute les sanctions. Normalement, ce pouvoir est dévolu au parlement élu démocratiquement. Jamais, un exécutif n'a été investi de tels pouvoirs sans contrôle. Au lieu de construire une supranationalité fédérale démocratique, on construit une supranationalité bureaucratique.

Les États signataires du TSCG devront respecter les avis de la Commission sauf si une majorité qualifiée des membres du Conseil européen s'y oppose, mais le vote exclut « la partie contractante concernée » (i.e. le pays accusé). (article 7) Cet article marque aussi une rupture, dite de la majorité inversée. Alors qu'auparavant une recommandation de la Commission devait, pour être adoptée, être explicitement appuyée par le Conseil, c'est la logique inverse qui prévaut désormais. La nouvelle règle signifie que les sanctions proposées par la Commission ne peuvent être contestées par le Conseil que s'il se dégage une majorité qualifiée contre. Toute décision de la Commission (désormais compétente au même titre que le Conseil) sera réputée adoptée. Au lieu de renforcer les pouvoirs du parlement, on renforce ceux de la commission.

9. Des règles automatiques sans contrôle politique.Outre les aspects non démocratiques du contrôle de la règle,l'application de celle-ci sera automatique, ce qui permet de douter de son efficacité. Le Traité de Maastricht avait déjà des mécanismes qui se sont avérés inefficaces. « Un mécanisme de correction est déclenché automatiquement si des écarts importants sont constatés par rapport à l'objectif à moyen terme ou à la trajectoire d'ajustement propre à permettre sa réalisation. Ce mécanisme comporte l'obligation pour la partie contractante concernée de mettre en œuvre des mesures visant à corriger ces écarts sur une période déterminée. » (article 3 alinéa 1e)

Ce mécanisme précisé dans l'article 4 est très brutal : « Lorsque le rapport entre la dette publique et le PIB d'une partie contractante est supérieur à la valeur de référence de 60 % (…) ladite partie contractante le réduit à un rythme moyen d'un vingtième par an. » L'exemple grec montre que malgré plusieurs plans d'austérité, un effacement partiel de la dette, le ratio a continué d'augmenter car le PIB a trop diminué et que la charge de la dette a augmenté avec la hausse des taux d'intérêts. De plus, au regard du tableau 3, la sanction est applicable dès la ratification du traité. Tous les pays dépassent les 60%, soit 23,5 milliards à réduire pour la France. Et comme cela ne suffit pas, des sanctions peuvent s'ajouter jusqu'à 0,1 % du PIB, 2 milliards d'euros pour la France. (article 8, alinéa 2).

10. Une coordination des politiques économiques et convergence de façade. Plusieurs articles (de 9 à 11) concernent ce point mais tous rappellent les dispositifs déjà à l’œuvre dans le Traité sur le Fonctionnement de l'Union Européenne et le Traité sur l'Union Européenne. L'article 10 est là pour la façade : « Conformément aux exigences établies par les traités sur lesquels l'Union européenne est fondée, les parties contractantes sont prêtes à recourir activement, chaque fois que cela est indiqué et nécessaire, à des mesures concernant les États membres dont la monnaie est l'euro (...) ainsi qu'à la coopération renforcée (...) pour les questions essentielles au bon fonctionnement de la zone euro, » mais toujours dans un cadre libéral « sans porter atteinte au marché intérieur. »

11. Une gouvernance de la zone euro inter-gouvernementale. Le TSCG institutionnalise l'échec de la politique inter-gouvernementale de ces 5 dernières années au lieu d'initier un fédéralisme budgétaire. « Les chefs d'État ou de gouvernement des parties contractantes dont la monnaie est l'euro se réunissent de manière informelle lors de sommets de la zone euro auxquels participe également le président de la Commission européenne. » (article 12 alinéa 1)Il faut rédiger des traités pour dire que les chefs d’État se réunissent informellement ! Cet article est symptomatique du bâclage juridique. Ce traité a pour seul objectif son titre I, à savoir l'imposition d'une règle budgétaire contraignante. Il confirme également l'absence de respect du parlement européen. Ainsi, au lieu que le président soit invité de droit, « le président du Parlement européen peut être invité à être entendu. » (article 12 alinéa 5)

12. Une idéologie ultra-libérale. Le principe de la constitutionnalisation d'une règle budgétaire est une idée ancienne de l'école de Chicago de Milton Friedman et de l'école du Public Choice. L’école de Chicago, dans la continuité de la Société du Mont Pèlerin fondée par Hayek s’est toujours opposée au paradigme keynésien de l'efficacité de l’intervention de l’État. Les mécanismes de prix de marché sont pour eux plus efficaces et l'intervention publique toujours nuisible. En 1977, Kydland et Prescott ont théorisé que les politiques discrétionnaires ne maximisent pas le bien être social et qu'il faut encadrer l’action gouvernementale par des règles budgétaires contraignantes. Le passage de l'économie au droit est logique. Constitutionnaliser une règle budgétaire permet de contraindre et de lier les mains des politiques. La boucle est bouclée : toute politique keynésienne devient impossible, laissant les marchés s'équilibrer naturellement. C'est l'institution de la primauté de l'économique sur le politique. Cette stratégie de choc classique (1) a déjà été imposée sans succès dans les pays du Sud à travers les plans d'ajustement structurel, dégradant les systèmes de santé et éducatifs comme au Mali et aujourd'hui en Grèce.

13. Une zone euro en danger. Le TSCG a pour objectif théorique de répondre à la crise en cours et d'éviter l'éclatement de la zone euro. Le principal signe de crise de la zone euro est le différentiel de taux d'intérêt. Dans une même zone monétaire, on échange la même monnaie. Un euro grec n'est pas différent d'un euro allemand. Il s'échange de la même manière contre les mêmes biens, donc le coût de sa création devrait être sensiblement le même, d'autant plus qu'il y a liberté de circulation des capitaux. La convergence des taux d'intérêt était d'ailleurs l'un des critères pour entrer dans la zone euro. Leur divergence actuelle mesure le degré de risque d'éclatement de la zone d'euro, ce que les économistes appellent la prime de risque.

Tableau 5

 

taux obligation à 10 ans

2007

taux obligation à 10 ans 

2008

taux obligation à 10 ans

 2009

taux obligation à 10 ans

 2010

taux obligation à 10 ans 

2011

Taux obligation à 10 ans

juin 2012

 

UE27

4,56

4,54

4,13

3,82

4,3

3,94

 

Zone euro

4,32

4,31

3,82

3,61

4,41

4,3

 

Allemagne

4,22

3,98

3,22

2,74

2,61

1,3

 

Royaume-Uni

5,06

4,5

3,36

3,36

2,87

1,6

 

France

4,3

4,23

3,65

3,12

3,32

2,57

 

Italie

4,49

4,68

4,31

4,04

5,42

5,9

 

Espagne

4,31

4,37

3,98

4,25

5,44

6,59

 

Grèce

4,5

4,8

5,17

9,09

15,75

27,82

 

Irlande

4,31

4,53

5,23

5,74

9,6

7,09

 

Portugal

4,42

4,52

4,21

5,4

10,24

10,56

Source Eurostat

En 2007, les écarts de taux étaient faibles. Le Royaume-Uni avait même une prime de risque d'être en dehors de la zone euro. En 2009, les écarts étaient encore raisonnables avant de s'élargir, notamment en Grèce où les taux d'intérêts sont devenus usuriers. Plus ce pays réduit ses dépenses, plus les intérêts augmentent ! La spéculation qui avait disparu avec la création de l'euro vient de réapparaître en Europe. La spéculation sur les taux d'intérêt remplace celle sur les taux de change. Loin d'améliorer la situation actuelle, le TSCG va amplifier la crise et les comportements spéculatifs en généralisant le cercle récessif grec : récession-hausse des taux d'intérêt-alourdissement coût de la dette-aggravation de la récession. Le risque d'éclatement de la zone euro va augmenter. Le coût de l'inaction augmente avec les taux d'intérêts. Le TSCG ne règle pas la question du coût de la dette. La force des États-Unis et du Royaume-Uni est de maîtriser les taux d'intérêts à travers l'action de leur banque centrale.

14. Une politique écologiste impossible. Le TSCG repose sur une analyse erronée de la crise. Celle-ci serait de nature financière. Il suffirait d'assainir les comptes publics à travers les politiques d'austérité.  Pour autant, la crise n'est pas non plus uniquement de nature économique. Penser qu'il suffirait d'une politique de relance pour sortir de la crise comme le propose une partie des opposants au TSCG, est erroné. Une simple politique budgétaire évite seulement une dégradation de la crise sociale. Pour les écologistes, c'est la crise du libéral-productivisme (2) avec à la base une crise climatique, de la biodiversité, des ressources non renouvelables, alimentaire ... des crises écologiques. Lors des élections européennes, Europe Écologie proposait un emprunt européen de 1 000 milliards d'euros pour faire les investissements nécessaires à la résolution des crises écologiques, ce que le TSCG ne propose pas, ni le pacte de croissance.

Pour conclure, le TSCG n'apportera rien sauf perdre du temps. C'est pour cela que pour la première fois de son histoire, la Conférence Européenne des Syndicats s'oppose à un traité européen. Il amplifiera la crise avec une inévitable implosion de la zone euro. Il y a des décisions plus importantes que d'autres. Loin faciliter une Europe fédérale, le TSCG en renforçant les pouvoirs de la Commission et de l'inter-gouvernemental va engager l'Europe dans une impasse. Il faut avoir le courage de s'opposer à un traité inefficace économiquement, dangereux socialement et antidémocratique.

–––––––

Notes:

(1) Voir le livre de Naomi Klein, La stratégie du Choc et le documentaire tiré de celui-ci.

(2) Pour aller plus loin, Jérôme Gleizes et Yann Moulier-Boutang, "Une lecture écologiste de la crise, la première crise
socio-écologique du capitalisme" in EcoRev’ n°32, printemps 2009

 

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8 septembre 2012 6 08 /09 /septembre /2012 18:00

 

 

 Partira ou pas ? 08/09/2012 à 18h28

   Pascal Riché | Redchef Rue89

 

Selon un communiqué, le patron de l’empire du luxe LVMH, qui demande la nationalité belge, n’a aucune arrière pensée fiscale. On n’est pas obligé de le croire.

 


Bernard Arnault, lors d’une présentation de LVMH, le 2 février 2012 à Paris (Eric Piermont/AFP)

A priori ces quatre informations s’emboîtaient parfaitement :

  • François Hollande, qui a annoncé une taxe de 75% sur les revenus de plus de un million d’euros par an, est élu président de la République ;
  • reçu mercredi par le Premier ministre, Bernard Arnault, président du groupe de luxe LVMH, l’a mis en garde contre cette taxe ;
  • première fortune de France, il a déposé une demande pour obtenir la nationalité belge ;
  • en 1981, Bernard Arnault avait déjà fui la gauche : il s’est exilé trois ans aux Etats-Unis.

Certes, ce n’est pas la nationalité qui détermine le pays où l’on paye les impôts : c’est le lieu de résidence. Mais l’initiative de Bernard Arnault a été interprétée comme un premier pas vers un possible déménagement.

« De nombreux liens avec la Belgique »

Les réactions

François Fillon  : « Quand on prend des décisions stupides [la taxe à 75%, ndlr], on obtient des résultats effrayants. »

Le PCF : c’est une « lâche trahison »... « Il faut mettre hors d’état de nuire les dirigeants irresponsables et cupides. »

Un communiqué du groupe Arnault a démenti toute arrière pensée fiscale : le milliardaire compte continuer à payer ses impôts en France. S’il a demandé la nationalité belge, c’est pour d’autres raisons.

On n’est pas obligé de le croire sur parole. Quelles seraient en effet ces autres raisons ?

Là, le communiqué est plus mystérieux :

« M. Arnault, originaire du nord de la France, a de nombreux liens avec la Belgique tant sur le plan personnel et familial que sur le plan professionnel. Son groupe privé (Groupe Arnault) a de nombreux investissements en Belgique, et entend les développer. C’est dans cette perspective que monsieur Bernard Arnault a sollicité la double nationalité franco-belge. »

Né à Roubaix, ami de Albert Frère

L’explication sur ses origines (il est né à Roubaix) est un peu oiseuse : en quoi cela accroîtrait-il sa belgité ? Les Briançonnais sont-ils plus italiens que les Dijonnais ?

L’explication des liens « sur le plan familial » est également difficile à comprendre (sa femme est canadienne).

Dans les liens « sur le plan personnel », on ne peut pas ne pas mentionner Albert Frère. Les deux hommes sont liés : ils ont même investi ensemble dans le Château Cheval Blanc, un vignoble bordelais.

Le fiasco Carrefour est passé par la Belgique

Le passage sur les « nombreux investissements » est plus intéressant. Bernard Arnault a levé des fonds à la Bourse de Bruxelles, et l’une de ses holdings de tête, la Financière Agache, est désormais passée de la surveillance du gendarme boursier français (AMF) à celle du gendarme boursier belge. La levée d’argent de la Financière Agache a visiblement été organisée pour financer les mauvais investissements de Bernard Arnault dans Carrefour.

Pour investir dans le groupe français de grande distribution à partir de 2007, Bernard Arnault s’est associé avec le groupe Colony Capital au sein d’une holding luxembourgeoise, Blue Capital. L’investissement d’Arnault dans cette holding à 50-50, financé par endettement, est passé par une société belge : Cervinia.

Cette société belge de Bernard Arnault est aussi l’un de ses plus gros soucis, car l’action de Carrefour s’est entretemps effondrée. Comme nous l’avions indiqué, la perte de Cervinia, en 2008, était déjà de 634 millions d’euros. Ça n’a pas dû s’arranger depuis : Cervinia avait acheté des titres Carrefour à 45 euros, mais ils ne valent plus que 16 euros.

Retour à la case fiscale

Tout cela n’explique pas bien pourquoi Bernard Arnault aurait besoin de la nationalité belge. Finalement, l’hypothèse fiscale reste la meilleure.

Les commentateurs, en évoquant la taxe à 75% ou l’ISF se trompent pourtant peut-être de cible. La taxe Hollande n’embête pas trop Bernard Arnault, surtout si comme cela se dessine, elle ne touche que les rémunérations du travail, à l’exclusion des revenus du capital.

L’ISF frappe également peu ce milliardaire. Sa fortune étant investie presque toute entière dans son entreprise, elle échappe à cet impôt : il ne paye l’ISF que sur ses hôtels particuliers, qui représentent un pourcentage minime de sa richesse.

Là où la Belgique pourrait devenir pour lui très intéressante, c’est sur l’impôt sur les successions. Comme l’expliquent les experts en patrimoine, « la comparaison avec la fiscalité française est sans appel surtout pour des particuliers bénéficiant d’un patrimoine important à transmettre ».

La menace de Nicolas Sarkozy

La Libre Belgique a interrogé des fiscalistes qui se perdent en conjectures. L’un d’entre eux évoque ainsi deux scénarios :

« Soit il projette de s’installer à Monaco dans quelques années ou il anticipe le fait que dans cinq à dix ans, la nationalité puisse devenir un critère de taxation. »

Le premier scénario est un peu tordu. Sur quoi s’appuie-t-il ? ll existe une convention entre Monaco et la France qui stipule que toute personne de nationalité française, mais résidant à Monaco, demeure soumise aux impôts français. Un milliardaire français pourrait, dès lors, être intéressé par le fait de devenir belge, ou australien, ou syldave, avant de s’installer à Monte Carlo. Mais il faudrait alors qu’il renonce à la double nationalité, ce qui ne semble pas être le cas de Bernard Arnault.

Dans le second scénario, ce ne serait pas François Hollande qui aurait fait peur à Bernard Arnault, mais Nicolas Sarkozy. Ce dernier n’avait-il pas promis pendant sa campagne de « taxer les exilés fiscaux » ? Pour Bernard Arnault, devenir belge, ce serait alors évacuer, s’il venait un jour à s’exiler de nouveau, le risque d’être quand même pourchassé par le fisc français.

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7 septembre 2012 5 07 /09 /septembre /2012 21:31

 

 Explicateur 07/09/2012 à 12h54

   Pascal Riché | Redchef Rue89

 


Mario Draghi à Francfort, Allemagne, le 6 septembre 2012 (Johannes Eisele/AFP)

Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a annoncé jeudi que celle-ci allait désormais « intervenir sur le marché secondaire de la dette publique ». Elle s’autorise à acheter « sans limite » des titres représentant des dettes d’Etat (bons, obligations...).

La décision est présentée comme très importante : la BCE envoie ainsi au marché le message selon lequel il ne sert à rien de spéculer sur la sortie de l’euro de telle ou telle monnaie : l’euro est « irréversible ». Mais pourquoi ?

1 Pourquoi ces achats de titres feront-ils baisser les taux ?

 

Actuellement, les marchés (c’est-à-dire les hommes et les femmes qui gèrent des fonds, dans les banques, les compagnies d’assurances, etc.) spéculent sur le risque de voir la Grèce, l’Italie, l’Espagne le Portugal ou d’autres pays sortir de l’euro.

Ces derniers ne parviennent pas à financer leurs déficits à des conditions normales : personne ne veut prêter des fonds à des pays qui risquent d’être en cessation de paiement et contraints de retrouver leur ancienne monnaie, qui sera dévaluée, et d’entrer dans un chaos financier.

Lorsqu’ils émettent des titres de dettes (c’est-à-dire lorsqu’ils empruntent de l’argent), une « prime de risque » très élevée leur est donc demandée par les créanciers. C’est cette prime qui gonfle les taux d’intérêts.

Pour casser cette spéculation, et permettre aux pays fragilisés de retrouver des financements auprès des marchés, il faut casser la crainte de voir les titres de dettes s’effondrer.

Accrochez-vous un peu...

Pour cela, on peut acheter des titres de dettes : obligation, bons. Ce sont des titres négociables, qui ont un prix. Or leur prix évolue de façon inverse des taux d’intérêts : quand les prix des obligations chutent, les taux grimpent, et vice versa. La raison est simple, mais accrochez-vous un peu, vous verrez, vous serez contents d’avoir compris :

Prenez une obligation de 1 000 euros, émise par la Sydalvie, assortie d’un taux d’intérêt de 6% par an, soit 60 euros versés chaque année. Si un investisseur l’achète lors de l’émission, la garde jusqu’à l’échéance, son rendement sera de 6%.

Mais s’il la revend, et que l’investisseur B l’achète a prix cassé (750 euros par exemple), le coupon versé sera le même (60 euros par an) et donc le rendement de cette obligation sera de 8,5% (60/750).

Si maintenant la Sydalvie veut émettre un nouveau programme obligataire, elle devra s’aligner sur ces 8,5% pour rester compétitive.

On comprend donc que si un investisseur achète en masse, sur le marché secondaire, des obligations d’un pays, les prix de ces obligations vont augmenter et les taux d’intérêt vont baisser : il facilite le financement du déficit de ce dernier.

2Pourquoi la BCE a-t-elle si longtemps hésité à agir ?

 

Dans la crise actuelle, les dirigeants européens ont intérêt à soutenir les cours des titres grecs, italiens ou espagnols. Mais qui peut agir ?

  • Cela peut être les Etats du nord de la zone (et donc leurs contribuables), mais ils ont eux-mêmes des budgets dégradés ;
  • cela peut aussi être la Banque centrale européenne, qui a le privilège de contrôler la création monétaire.
Un pas vers le gouffre de l’inflation, estime Weidmann

La BCE, certes, n’a pas été fondée pour acheter des titres de dette publique. Et les plus orthodoxes banquiers centraux européens (ceux de la Bundesbank, notamment, qui se sont posés en vestales du dogme) n’aiment pas du tout l’idée que la BCE vole au secours des pays endettés.

Il a fallu attendre le départ de Jean-Claude Trichet et de quelques autres banquiers du conseil de la BCE pour voir les esprits évoluer.

Reste à ce conseil un « faucon » : le président de la Banque centrale allemande, Jens Weidmann. Pour lui, tout achat par une banque centrale de titre de dette publique est un pas vers le gouffre de l’inflation. Une analyse qui, compte tenu du contexte actuel (quasi-récession et crédit grippé), est contestée par la plupart des économistes.

Weidmann freine des quatre fers. Au conseil de la BCE, une seule voix a manqué pour soutenir le programme annoncé par Mario Draghi jeudi. Tout le monde subodore qu’il s’agit de la sienne.

3 En quoi l’annonce de Mario Draghi est-elle importante ?

 

Peu à peu, au nom de la stabilité financière de l’Europe, la BCE a pris quelques initiatives « non conventionnelles » (traduisez = hétérodoxes), emboîtant le pas de ses consœurs les banques centrales américaine et britannique. En 2010 puis en 2011, elle a déjà acheté des titres grecs, irlandais, portugais, italiens et espagnols.

L’annonce de jeudi va plus loin : c’est un dispositif plus perenne qui a été présenté, un filet de sécurité. Pour rassurer les orthodoxes, l’intervention de la BCE est assortie de conditions (par exemple, la BCE ne pourra aquérir que des titres de maturité courte, un à trois ans ; les pays qui en bénéficieront devront avoir fait une demande d’aide au Fonds européen de stabilité financière, etc). Mais elle ne prévoit aucune « limite quantitative fixée préalablement » à ses achats : « No ex-ante quantitative limit. »

C’est dans ces quatre mots que réside l’idée que Mario Draghi entend faire passer aux marchés. Il s’agit de les convaincre que ce n’est pas un simple bluff, et que la BCE sera là, sans limite, en cas de crise spéculative.

4 Sera-t-elle suffisante pour calmer la situation ?

 

L’annonce de la BCE est importante, mais ne suffira pas à résoudre la crise, loin de là.

Les conditions posées (la limitation à des obligations à maturité courte, par exemple, qui n’a guère de sens) ne vont pas faciliter la tâche de la Banque centrale dans son action, et elles risquent même d’accroître la pression « austéritaire » sur les pays visés.

Pour que l’Europe s’en sorte, il faudra trouver les moyens de restructurer les dettes des pays les plus affectés par la crise, c’est-à-dire d’en réduire le poids. Le prochain défi est donc de bousculer les créanciers de ces Etats sans mettre le système bancaire européen en péril.

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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 23:27

 

 

La dernière enquête de l'Insee sur les niveaux de vie, rendue publique vendredi 7 septembre, est explosive. Que constate-t-elle en effet ? Qu'en 2010, le niveau de vie médian (19 270 euros annuels) a diminué de 0,5% par rapport à 2009, que seuls les plus riches s'en sont sortis et que la pauvreté, en hausse, frappe désormais 8,6 millions de personnes, soit 440.000 de plus qu'un an plus tôt.

Avec la fin du plan de relance, les effets de la crise se sont fait sentir massivement. En 2009, la récession n'avait que ralenti la progression en euros constants du niveau de vie médian (+ 0,4%, contre + 1,7% par an en moyenne de 2004 à 2008). Il faut remonter à 2004, précise l'Insee, pour trouver un recul semblable  à celui de 2010 (0,5%).

La timide reprise économique de 2010 n'a pas eu d'effets miracle, puisque pratiquement toutes les catégories de la population, y compris les classes moyennes ou moyennes supérieures, ont vu leur niveau de vie baisser. N'a augmenté que celui des 5% des Français les plus aisés.

Dans un pays qui a la passion de l'égalité, la plupart des indicateurs d'inégalités sont à la hausse. L'indice de Gini, qui mesure le degré d'inégalité d'une distribution  (en l'espèce, celle des niveaux de vie), a augmenté de 0,290 à 0,299 (0 correspondant à  l'égalité parfaite et 1 à l'inégalité la plus forte). Le rapport entre la masse des niveaux de vie détenue par les 20% les plus riches et celle détenue par les 20% les plus modestes est passé de 4,3 à 4,5.

Les inégalités ont continué de se creuser par le haut. Ainsi, entre 1996 et 2010, le niveau de vie moyen des 10% les plus aisés a augmenté d'environ 2,1% par an en moyenne contre 1,4% dans l'ensemble de la population. En 2010, c'est l'évolution des salaires, limitée dans le bas de la distribution des revenus, qui explique en partie l'accentuation des inégalités, les 10% les plus aisés ayant bénéficié à la fois de salaires plus dynamiques et des rendements élevés de leurs placements.

Déjà en hausse de 0,5 point en 2009, le taux de pauvreté monétaire a augmenté en 2010 de 0,6 point pour atteindre 14,1%, soit son plus haut niveau depuis 1997. 8,6 millions de personnes vivaient en 2010 en-dessous du seuil de pauvreté monétaire (964 euros par mois). Elles n'étaient que 8,1 millions en 2009. Mais il y a pire : une personne pauvre sur deux vit avec moins de 781 euros par mois.

En 2010, le chômage a peu contribué à l'augmentation de la pauvreté (les chômeurs représentent à peine 4% de l'accroissement du nombre des personnes pauvres). C'est du côté des inactifs qu'il faut plutôt se tourner : les retraités (11%), les adultes inactifs autres que les étudiants et les retraités (16%) - souvent les titulaires de minima sociaux - et les enfants.

Les moins de 18 ans contribuent pour près des deux tiers (63%) à l'augmentation du nombre de personnes pauvres. L'Insee fait observer qu'en 2009, l'accroissement du nombre d'enfants pauvres (ils vivent fréquemment dans des familles monoparentales) avait été contenue par le versement de deux primes exceptionnelles aux ménages dans le cadre du plan de relance (150 euros aux bénéficiaires de l'allocation de rentrée scolaire, et 200 euros de prime de solidarité active). L'institut rappelle aussi que les prestations familiales n'ont pas été revalorisées en 2010, après avoir bénéficié d'une revalorisation plus forte que prévu en 2009.

Claire Guélaud

PS. Je reprends ce blog après trois mois d'absence. Qu'Anne Eveno, qui a formidablement animé Contes Publics pendant tout ce temps, trouve ici l'expression de ma reconnaissance et de mon amitié.

 


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6 septembre 2012 4 06 /09 /septembre /2012 22:15

 

 Pâtes au beurre 07/09/2012 à 00h00

 Elsa Fayner | Journaliste Rue89

 

 

La crise aura eu raison du pouvoir d’achat. Selon l’Insee, après cinq ans de hausse, le niveau de vie baisse ou stagne pour pratiquement toutes les catégories de population, sauf pour les plus aisées : c’est ce que l’institut constate dans une étude, « Les niveaux de vie en 2010 », publiée ce vendredi.

Seules les 5% des personnes les plus aisées en France ne voient pas leur niveau de vie diminuer. Pour la quasi-totalité de la population, donc, c’est l’érosion.

Depuis 2004, la tendance allait pourtant crescendo. Jusqu’à 2009, l’année qui a suivi le début de la crise financière. Cette année-là, la moitié la moins aisée de la population a vu son niveau de vie décroître.

Nouveauté en 2010 : même dans la moitié la plus fortunée de la population, le niveau de vie diminue.


L’évolution du niveau de vie (D1 = les 10% les plus modestes, D2 : les 10% suivants, C95= les 5% les plus riches) (Insee)

Les inégalités progressent

Cette tendance générale ne doit toutefois pas masquer une distinction : la baisse est plus forte dans le bas de la distribution que dans le haut, où il fausrait plutôt parler de stagnation.

En cause :

  • la proportion de personnes ayant un emploi recule de 23% à 21% ;
  • la revalorisation du smic horaire brut a été limitée en 2010 du fait de la faible inflation en 2009 ;
  • en 2010, le salaire moyen des cadres augmente, en particulier dans le secteur financier, tandis qu’il diminue pour les ouvriers.

Ceci ne fait que confirmer une évolution plus globale. Entre 1996 et 2010, le niveau de vie moyen des 10% de personnes les plus aisées a augmenté d’environ 2,1% par an en moyenne, contre 1,4% pour le niveau de vie moyen de l’ensemble de la population.

Taux de pauvreté : nouveau record

Conséquence de cette baisse généralisée du niveau de vie : le taux de pauvreté augmente pour passer à 14%. Il atteint son plus haut niveau depuis 1997.

Toutefois – faut-il s’en réjouir ? –, comme le niveau baisse pour tout le monde chez les moins aisés, les inégalités au sein des plus modestes restent les mêmes.

Si on entre dans le détail, les plus fortes contributions à la hausse de la pauvreté sont celles des inactifs :

  • les retraités ;
  • les adultes inactifs autres que les étudiants et retraités ;
  • et, surtout, les inactifs de moins de 18 ans, c’est-à-dire les enfants.

La pauvreté des enfants bondit

Ceux-ci contribuent pour près des deux tiers à l’augmentation du nombre de personnes pauvres. Leur taux de pauvreté atteint 19,6%, en hausse de 1,9 point en une année.

Pour les auteurs de l’étude :

« La non-reconduction de mesures d’aides ponctuelles, mises en œuvre en 2009 afin de limiter les effets de la crise sur les ménages modestes, et le gel du barème des prestations familiales en 2010, expliquent pour partie que cette population soit plus affectée. »

Si l’augmentation de la pauvreté des enfants a pu être contenue en 2009, reste à savoir quelles sont les causes profondes de celle-ci.

De manière générale, la baisse des niveaux de vie va-t-elle durer plus longtemps que la précédente, celle qui avait été constatée entre 2002 à 2004 ?

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