Ce qui était "inacceptable" pour François Hollande le 14 juillet est devenu presque normal. Même Arnaud Montebourg, qui s'était déchaîné avant l'été contre PSA Peugeot Citroën lors de son annonce de 8 000 suppressions de postes et de la fermeture de l'usine d'Aulnay en 2014, juge aujourd'hui que "des mesures de redressement sont indispensables".
C'est en ces termes que le ministre du redressement productif devait s'exprimer mardi 11 septembre à l'Assemblée nationale après avoir remis aux syndicats et à la direction de PSA le rapport d'Emmanuel Sartorius, l'expert qu'il avait mandaté fin juin pour se pencher sur le plan social du groupe.
Dimanche, lors de son intervention sur TF1, le président de la République avait indiqué que l'Etat "accompagnera" le mouvement de reconversion des salariés concernés par le plan social. "Il reste de nombreuses questions en suspens et nous entendons que ce plan soit rediscuté et limité au strict nécessaire", nuance M. Montebourg. Lundi, Pierre Moscovici assistait pour sa part aux cent ans du site de Sochaux, que le ministre de l'économie connaît bien pour être depuis des années un élu de la région.
En moins de deux mois, l'exécutif a complètement revu sa position concernant le plan de suppression de 8 000 postes de PSA Peugeot Citroën, qui inclut la fermeture de l'usine d'Aulnay, en Seine-Saint-Denis, à l'horizon 2014. "Aujourd'hui, des mesures de redressement sont indispensables", convient Arnaud Montebourg.
PAS DE SCOOP
Le gouvernement confirme ainsi que "la nécessité, dans son principe, d'un plan de réorganisation des activités industrielles et de réduction des effectifs de PSA Peugeot Citroën n'est malheureusement pas contestable". C'est ce qu'écrit Emmanuel Sartorius, dans son rapport présenté mardi 11 septembre aux syndicats et communiqué à la direction de PSA.
"Cette expertise indépendante était nécessaire, juge-t-on à Bercy. Il permet de donner tous les éléments, de manière équilibrée, pour comprendre la situation de PSA et pour contribuer au dialogue social qui désormais doit s'ouvrir. Si le rapport ne comporte aucun scoop sur la situation de PSA, il fallait en passer par là pour restaurer la confiance entre les différents acteurs."
Comme les analystes et les spécialistes du secteur automobile le pointaient déjà, M. Sartorius rappelle les difficultés conjoncturelles et structurelles du constructeur français. Huitième groupe mondial, PSA pâtit très fortement depuis 2008 de la crise du marché européen, où il produit et vend encore la majorité de ses voitures.
INTERNATIONALISATION MAL MAÎTRISÉE
Tous ses grands marchés traditionnels, la France, l'Espagne et l'Italie, ont été touchés de plein fouet par la crise, provoquant une chute des ventes. Pis, son internationalisation, même si elle a été lancée dès les années 1960, a été plutôt mal maîtrisée, juge l'expert, tandis que l'alliance stratégique, annoncée en février avec General Motors, a été très longue à se dessiner.
Dans le même temps, l'expert rappelle que PSA, un constructeur généraliste est très concurrencé sur les segments des citadines et des berlines, ses spécialités. Il lutte à la fois contre les producteurs de véhicules à bas coût et les spécialistes du haut de gamme, qui descendent sur ces segments du milieu de gamme.
Le groupe, qui visait 4 millions de véhicules vendus, a par ailleurs dimensionné ses capacités de production en conséquence. La chute des ventes du constructeur tricolore a donc mis à jour un problème de surcapacité industrielle, qui s'est traduit par une perte nette au premier semestre de 819 millions d'euros, dont 662 pour l'activité automobile. La fermeture d'un site d'assemblage de véhicules devenait donc inéluctable.
Cependant, le rapport de M. Sartorius ne fait pas que valider le plan présenté le 10 juillet par Philippe Varin, le président du directoire de PSA. M. Sartorius s'interroge en effet sur le choix de la fermeture du site d'Aulnay. Et Pourquoi pas l'usine de Madrid, également un temps sur la sellette ?
"L'HISTOIRE AURAIT PU ÊTRE ÉCRITE DE FAÇON DIFFÉRENTE"
Il s'agit, rappelle le haut fonctionnaire d'"une usine ancienne, de petite capacité, située en ville, ce qui pose des problèmes logistiques. Elle n'emploie plus que 2700 personnes, contre 3100 en 2007, et ne produit que des 207. Pourtant, PSA a décidé il y a plusieurs années d'y assembler un nouveau véhicule le E cube. Les investissements correspondants ont été entrepris dès 2009. PSA peut donc affirmer aujourd'hui qu'arrêter l'usine de Madrid induirait 250 millions d'euros de dépenses de lancement et retarderait le lancement de l'E cube de deux ans."
Or, estime M. Sartorius, "on peut regretter qu'avant d'engager ces investissements à Madrid, PSA n'ait pas mené, sur l'avenir de ses sites industriels, une réflexion d'ensemble qui laisserait davantage d'options pour faire face à sa situation actuelle de surcapacité et à un marché automobile européen très inférieur aux prévisions. Le dialogue social doit permettre d'apporter des précisions sur ces points."
Pour l'expert, et pour Bercy, "l'histoire aurait pu être écrite de façon différente si la direction de PSA avait entamé en amont un dialogue transparent avec les partenaires sociaux et les pouvoirs publics" en amont.
"MANQUE D'ANTICIPATION DU RETOURNEMENT DU MARCHÉ"
L'expert du gouvernement met en lumière la politique des actionnaires de PSA, et notamment la famille Peugeot. Alors que les principaux concurrents du groupe français, Volkswagen et Renault, se renforçaient avec le rachat respectivement de Skoda et Seat et de Dacia et Nissan, PSA multipliait les seules coopérations. Sur la période 1999 à 2011, "le groupe PSA a distribué des dividendes pour un montant total de 2,8 milliards d'euros, tout en menant simultanément un programme de rachat d'actions pour 3 milliards d'euros qui a permis aux actionnaires historiques de remonter au capital du groupe."
Pour l'expert, ce sont donc, "3 milliards d'euros qui ont été consacrés au rachat d'actions plutôt qu'au développement du groupe". Au premier semestre 2011, la distribution de 450 millions d'euros de dividendes, après une embellie du marché et des résultats de PSA, paraît aujourd'hui "inopportune".
"Elle traduit, ajoute-t-il, un manque d'anticipation du retournement du marché qui était alors en train de se produire. Ensuite, elle a privé le groupe de ressources financières commensurables aux plans d'économie qu'il a dû mettre en œuvre fin 2011 et début 2012", qui se montait à 1 milliard d'euros.
Désormais, les syndicats de PSA attendent la communication, mi-octobre, des premières conclusions du cabinet Secafi, qui doit également auditer le bien fondé du plan de PSA. En attendant, la CGT devait manifester, mardi après-midi, à Aulnay, et annonce des manifestations contre le plan PSA les 29 septembre, à la Cité des 3000 à Aulnay, et le 9 octobre devant le Salon de l'automobile de Paris.