Sans déclencher le tollé provoqué en janvier par l'agence de notation Standard & Poor's, la décision de Moody's d'abaisser le triple A français a toutefois exclu la France du petit cercle des investisseurs considérés sans risque – à deux voix contre une, la troisième agence, Fitch, devant se prononcer en 2013. Et pose la question d'une remontée des taux d'emprunt français à terme.
Pourtant, les marchés sont restés calmes. Mardi matin, le taux d'emprunt à 10 ans remontait légèrement de quelques points de base, passant de 2,073 % la veille à la clôture à 2,094 %. En fin d'après-midi, il s'inscrivait à 2,151 %.
Parallèlement, les CDS ("Credit Default Swaps") à 5 ans sur la dette française – un produit financier permettant à un investisseur de se garantir contre un risque de défaut à un horizon de cinq ans – augmentaient de quatre points de base à 93 points, alors qu'ils atteignaient 250 points il y a un an. Signe de l'impact limité de la décision de Moody's, la Bourse de Paris clôturait mardi en hausse de 0,65 % à 3 462,06 points. Comment expliquer cette quasi-indifférence des marchés ?
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- La décision de Moody's était attendue, voire anticipée par les investisseurs
Moody's avait averti Paris en plaçant le triple A français sous "perspective négative" dès le 13 février.
Dans un entretien au Monde, Stéphane Deo, chef économiste Europe chez UBS à Londres, expliquait mardi que cette dégradation est donc loin d'être une surprise : "Cette décision arrive tard, pour ne pas dire trop tard, et les marchés ont largement anticipé la dégradation, attendue." Celle-ci apparaît donc comme une confirmation de celle de Standard & Poor's.
- Les taux français ont enregistré plusieurs mois de baisse
Fin 2011, la conservation du triple A, "trésor national" selon l'un des conseillers de l'ancien président Nicolas Sarkozy, devient un enjeu politique majeur : la France risque de voir ses taux s'envoler. En mai, la perte du triple A apparaît déjà comme un lointain souvenir d'une communication politique alarmiste, partie intégrante de la campagne électorale présidentielle.
Car pendant ce temps, les taux français continuent à baisser. Début juillet, la France rejoint pour la première fois le club très fermé des pays européens qui bénéficient de rendements négatifs sur les taux à court terme, aux côtés de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Finlande, de l'Autriche ou du Danemark et de la Suisse. Une dynamique qui ne s'est pas grippée depuis.
- La France conserve un peu de marge par rapport à son projet de budget 2013
Le projet de budget 2013 du gouvernement s'appuie sur une prévision de bons du Trésor français à 10 ans – échéance de référence – à 2,9 %. Mercredi en milieu de journée, ces derniers évoluaient à 2,15 %, encore bien en dessous des projections de Bercy.
A titre de comparaison, les taux à 10 ans allemands évoluaient à 1,41 %, loin derrière ceux de l'Italie (4,87 %), de l'Espagne (5,73 %) ou encore de la Grèce (16,37 %). Hors zone euro, les Etats-Unis empruntaient sur la même échéance à 1,66 %.
- Les investisseurs ont peu de choix
Rares sont désormais les pays à être encore notés triple A. Ils ne sont plus que 20 % aujourd'hui dans l'OCDE, quand ils étaient encore 85 % dans les années 1990. Ceci laisse donc peu de choix aux investisseurs pour faire leurs arbitrages.
Ainsi, dans le contexte économique actuel, "les investisseurs ont le choix entre deux extrêmes : des taux très bas, voire négatifs, comme en Allemagne, ou des taux très élevés, comme en Italie ou en Espagne", résume Stéphane Deo. Sauf que le niveau de risque n'est pas le même dans les deux cas.
Dans cette distribution des cartes, la France conserve un atout : elle conjugue "un faible risque à un niveau de rendement plus élevé que les taux allemands".
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