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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 19:40

 

Le ministre du budget Jérôme Cahuzac (PS), qui dit vouloir faire de la lutte contre la « fraude et l’optimisation fiscale » un axe prioritaire de son action gouvernementale, a détenu pendant de longues années un compte bancaire non déclaré à l’Union des banques suisses (UBS) de Genève, selon une enquête de Mediapart qui s’appuie sur de nombreux témoignages et des éléments documentaires probants.

Ce compte a été formellement clos par Jérôme Cahuzac début 2010, quelques jours avant qu’il ne devienne président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Les avoirs auraient été ensuite déplacés vers un autre paradis fiscal, en Asie, selon des sources informées de l’opération.

 

J. Cahuzac 
J. Cahuzac© Reuters

 

Chirurgien spécialisé dans les implants capillaires, Jérôme Cahuzac est ministre du budget du gouvernement Ayrault depuis le mois de mai dernier, après avoir été député socialiste et maire de la commune de Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne.

Membre du cabinet du ministre de la santé Claude Évin, sous le gouvernement de Michel Rocard, entre 1988 et 1991, Jérôme Cahuzac a noué à cette époque des liens étroits avec l’industrie pharmaceutique. Aujourd’hui chargé d’appliquer la rigueur budgétaire dans les ministères, il symbolise quelques-uns des aspects les plus impopulaires de la politique économique voulue par le nouveau pouvoir socialiste.  

L’existence du compte secret de M. Cahuzac avait été évoquée dès le mois de juin 2008 par un agent du fisc du Sud-Ouest, Rémy Garnier, dans un mémoire adressé à sa hiérarchie, à l’époque où le ministre du budget était Éric Woerth (UMP). L’agent était alors poursuivi par son administration pour avoir consulté, via le serveur interne baptisé Adonis, le dossier fiscal de Jérôme Cahuzac, sans raison apparente.

Dans son mémoire en défense daté du 11 juin 2008, qui dort actuellement dans les archives du tribunal administratif de Bordeaux dans un dossier portant le numéro 0 901 621-5, l’inspecteur du fisc expliquait avoir agi de la sorte après avoir obtenu des informations « de plusieurs sources extérieures à l’administration fiscale », qui « convergent vers les mêmes conclusions ». À savoir : « Alors qu’il exerce des activités au cabinet de Claude Évin, ministre de la santé, (Jérôme Cahuzac) ouvre un compte bancaire à numéro en Suisse », écrit l’enquêteur, sans citer le nom de l’établissement concerné.

L’inspecteur précise toutefois que les « constatations effectuées » sur les déclarations fiscales de Jérôme Cahuzac, alors député et maire, « ne permettent pas de valider ni d’infirmer ces renseignements » et réclame, de ce fait, l’ouverture d’un « examen approfondi de situation fiscale personnelle ». Soit une enquête en bonne et due forme. Sa requête restera lettre morte, l’administration choisissant au contraire de le sanctionner par un « avertissement ». La décision a été contestée en 2009 devant le tribunal administratif de Bordeaux par l’agent Garnier, qui a perdu en première instance ; l’affaire est désormais pendante devant la cour administrative d’appel.

Contacté, Rémy Garnier – aujourd’hui à la retraite, après d’innombrables démêlés avec son administration – ne souhaite faire aucun commentaire sur cette affaire. Mais celui que ses collègues avaient surnommé “Columbo” disait vrai. Selon les éléments recueillis par Mediapart ces dernières semaines, Jérôme Cahuzac a bien ouvert un compte en Suisse : à l’UBS de Genève, précisément.

« Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas »

« Je n’ai pas de compte en Suisse et n’en ai jamais eu. Il est clair que si vous publiez ça, j’attaquerai », a réagi M. Cahuzac, rencontré mardi 4 décembre à son bureau du ministère du budget. « Je suis un personnage public. Je crois avoir montré que je n’ai pas été en arrière de la main quand j’étais président de la commission des finances. C’est peu dire que j’ai mis l’épée dans les reins de l’administration fiscale pour qu’un certain nombre de dossiers sortent », a-t-il ajouté.

Jérôme Cahuzac est hanté depuis de nombreuses années par la révélation de ce compte et des avoirs occultes qu’il a pu abriter. Politiquement, l’affaire est explosive.

À la fin de l’année 2000, alors qu’il s’engageait dans la bataille municipale pour conquérir la commune de Villeneuve-sur-Lot, le député Cahuzac s’est ainsi inquiété de l’existence de ce compte lors d'une conversation – dont il existe une trace – avec un chargé d’affaires, affirmant notamment, d’après les éléments recueillis par Mediapart : « Ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours un compte ouvert à l'UBS. Ça me fait chier d’avoir un compte ouvert là-bas, UBS, c’est quand même pas forcément la plus planquée des banques. » L’élu se disait à cette époque embarrassé à l’idée de devoir se rendre personnellement à Genève pour faire les diligences nécessaires afin de le fermer.


Jérôme Cahuzac 
Jérôme Cahuzac© Reuters

 

Le compte à l’UBS sera formellement clos début 2010, à l’occasion d’un discret déplacement à Genève, quelques jours avant qu’il ne soit élu, le 24 février 2010, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale. En privé, Jérôme Cahuzac affirme alors avoir « fait ce qu’il fallait » pour nettoyer ses secrets helvètes. À la question que nous lui avons posée, de savoir s'il était bien allé à Genève début 2010, le ministre a éludé, affirmant : « Pas davantage qu'à Turin, Milan ou New York. » Sans en dire plus.

Les avoirs cachés auraient été alors transférés à l’UBS de Singapour par le truchement d’un complexe montage financier offshore, selon des sources informées du dossier. 

Quelle était l’origine des fonds du compte suisse et à quoi ont-ils pu servir ? Dans son mémoire de 2008, l’inspecteur Garnier affirmait tenir peut-être une piste. Selon lui, Jérôme Cahuzac avait « acquis son appartement parisien situé avenue de Breteuil pour le prix de six millions et demi de francs, financé comptant, en début de carrière, à hauteur de quatre millions dont l’origine reste douteuse ». M. Cahuzac a toujours affirmé, y compris dans la presse locale (La Gazette de la Vallée du Lot, par exemple), avoir financé cet appartement aux deux tiers grâce à un prêt bancaire. Ce qui est faux.

Une fois encore, l’agent du fisc disait juste. D’après l’acte notarié d’achat de l’appartement (deux salons, une salle à manger, quatre chambres…), daté du 28 octobre 1994, Jérôme Cahuzac a bien versé quatre millions de francs – 600 000 euros – « de ses deniers personnels », un tiers seulement du financement étant assuré par un prêt bancaire. Rien ne permet aujourd’hui de dire si l’argent provient du compte suisse, mais la question semble avoir effleuré l’esprit de l'inspecteur du fisc à qui il n’a pas été possible de vérifier ses soupçons en 2008.

« Éric Woerth, que j’ai interrogé (après les questions de Mediapart - ndlr), m’a dit, lui, les yeux dans les yeux n’avoir jamais eu le moindre document me concernant et qu’à défaut il aurait évidemment laissé se dérouler la procédure », affirme aujourd’hui Jérôme Cahuzac.

Ironie de l’histoire, le ministre socialiste annonçait début novembre dans les colonnes du quotidien Libération vouloir renforcer l’arsenal français de lutte contre la fraude fiscale. « Ces mesures, expliquait-il, n'ont rien à voir avec une quelconque inquisition fiscale, il s'agit seulement d'un minimum de transparence de bon aloi. » Double ironie de l’histoire, le ministère du budget est actuellement partie civile dans l’instruction d’un juge parisien, Guillaume Daieff, qui enquête depuis le mois d’avril dernier sur les pratiques d’évasion fiscale de contribuables français, clients de… l’UBS.

 

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:52

 

Marianne - Mardi 4 Décembre 2012 à 12:00

 

Emmanuel Lévy

 

Nos cousins germains nous narguent avec leur affolante compétitivité et leurs salaires modérés. On oublie de dire que, outre-Rhin, l'immobilier est bon marché et pèse très peu sur les ménages.

 

(Un immeuble de l'architecte Hans Schorun, à Berlin - Markus Schreiber/AP/SIPA )
(Un immeuble de l'architecte Hans Schorun, à Berlin - Markus Schreiber/AP/SIPA )
Tout le monde connaît l'Allemagne pour ses particularismes : ses montagnes noires, ses bretzels et ses centaines de bières. Mais ce sont surtout son industrie manufacturière florissante et ses grosses berlines exportées dans le monde entier qui suscitent l'envie de notre côté du Rhin. Ce cocktail alliant compétitivité hors prix - la «deustche Qualität» que vante Opel à longueur de spots publicitaires - à une modération salariale qui assure des prix bas fait rêver les dirigeants européens. Pourtant, une autre spécificité distingue l'Allemagne des autres grands pays industrialisés (à l'exception du Japon et, dans une moindre mesure, de la Belgique) : son marché immobilier est libre de toute bulle.

Une démographie atone, un stock de logements important et un vaste marché locatif - contrepartie d'un faible taux de propriétaires - expliquent pour beaucoup cette situation. Résultat : alors que les Français font face à une envolée des prix de la pierre (+ 140 % en dix ans) et doivent se saigner pour se loger, nos voisins connaissent les joies d'une courbe plane épargnant leur pouvoir d'achat.

Ces dix dernières années, l'Allemagne se sera donc différenciée par deux grands phénomènes : une absence de spéculation sur l'immobilier et une hausse de sa compétitivité. Simple coïncidence, comme voudraient le croire ceux qui louent les réformes menées par Gerhard Schröder ? Rien n'est moins sûr... Evariste Lefeuvre, chef économiste à la banque Natixis, est formel : «Le consensus social en Allemagne sur la modération des salaires a été d'autant plus facile à atteindre qu'il n'y a pas eu de hausse des prix, notamment dans le secteur immobilier.»

Le facteur salarial

De fait, à la fin des années 90, les Allemands consacraient pour leur toit un effort plus important que les autres Européens de l'union monétaire : 18,3 % de plus, selon Eurostat, contre «seulement» 10,6 % de plus pour les Français. Depuis dix ans, le rapport s'est inversé. Massivement. Les chiffres de la Banque centrale européenne le confirment. Sur la période 2000-2007, les prix des logements ont reculé de 0,4 % chaque année en Allemagne, quand la hausse moyenne dans la zone euro atteignait 6,1 % - voire 10,3 % en France, et pas loin de 12 % en Espagne. De quoi faire passer la pilule amère de la modération salariale. Sur la même période, les salaires annuels moyens des deux côtés du Rhin ont suivi des chemins différents : + 12,23 % en France, contre 3,5 % en Allemagne entre 2000 et 2011.

Ordinairement, en économie, la hausse des salaires suit celle de la productivité. Rien de tel ne s'est produit en Allemagne, au contraire. L'évolution de la productivité de nos cousins germains fut constamment supérieure à celle de la France. Il faut donc aller chercher ailleurs les raisons de la hausse des salaires dans l'Hexagone. Confrontés à l'augmentation des loyers et du prix d'achat des logements, les salariés français ont déconnecté leur demande de la situation de leur entreprise. Que les affaires soient florissantes ou pas, qu'importe, eux doivent payer un loyer chaque année plus important !

Malheureusement, ce canal de perte de compétitivité par les salaires n'est pas le seul à l'œuvre. La bulle immobilière a déformé le tissu économique de la France au profit de la construction et du BTP, et au détriment des entreprises manufacturières, comme Peugeot. Peu connue, l'étude de l'OCDE «Exports And Property Prices In France : Are They Connected ?», publiée en 2010, a cherché à mesurer la perte de compétitivité de l'économie française à l'exportation à la suite de la hausse des prix immobiliers. A la question : «Les exportations et les prix immobiliers sont-ils connectés ?», les deux auteurs, Balazs Egert et Rafal Kierzenkowski, répondent par l'affirmative. Et plutôt deux fois qu'une ! Ils ont calculé que, à chaque fois que la pierre se renchérissait de 10 %, cela se traduisait in fine par une baisse de 1,4 à 1,8 % des exportations françaises. Le lien entre ces phénomènes : la compétitivité.

Entre 2000 et 2010, toujours selon nos deux économistes, la France aurait perdu 5 % de sa compétitivité à cause de la hausse des prix de l'immobilier. C'est ce qu'on appelle l'effet d'éviction. «La hausse des prix de l'immobilier a augmenté les marges des entreprises du BTP. Ce faisant, leur plus grande attractivité pour les investisseurs s'est faite au détriment des entreprises industrielles tournées, elles, vers l'exportation», explique Rafal Kierzenkowski. Cette course à l'échalote se transforme rapidement en cercle vicieux. La baisse continue des marges conduit les entreprises à rogner sur leur budget en recherche et développement, ce qui signifie qu'elles sacrifient leur compétitivité hors prix, la qualité et l'innovation. Bref, Vinci se porte comme un charme quand Peugeot est au bord du gouffre.

 

 

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:45

 

Rue89 - Bons élèves 04/12/2012 à 18h33
Elsa Ferreira | Rue89

 

A Sephora Champs-Elysées, on travaille le soir et le dimanche. Pour l’instant. Le tribunal de grande instance de Paris doit décider ce jeudi, à la suite d’une plainte de l’intersyndicale du commerce de la capitale, Clic-P, si ces horaires sont contraires à la loi.

 


Publicité de Sephora sur l’emploi, début décembre 2012 

 

Mais l’enseigne n’a pas attendu le jugement pour répliquer : « L’emploi menacé aux Champs-Elysées… », peut-on lire dans les pages publicité du Figaro, du JDD et du Parisien depuis samedi dernier.

Acheter de l’espace pub pour prendre le lecteur à parti, ce n’est pas une première. Il y a deux semaines, Nutella prenait déjà d’assaut les quotidiens dans une double page pour dire que non, l’huile de palme, ce n’est pas si mauvais que l’on croit.

McDonald’s avait ouvert la tendance deux semaines plus tôt en expliquant au député PS Thomas Thévenoud que la baisse de la TVA ne lui avait pas permis d’engranger 19 millions d’euros comme il l’avait affirmé, mais avait au contraire grevé son budget de 33 millions d’euros.

Les bons élèves de la citoyenneté

Pour Caroline de Montety, enseignante et chercheuse au Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées (CELSA), spécialisée dans la publicité et le marketing, la méthode n’est pas nouvelle. Elle fait appel à la notion de « responsabilité sociale de l’entreprise ».

Ainsi, lorsque Sephora explique par voie de publicité-communiqué que « l’obligation de fermer à 21 heures […] menacerait plus de 45 emplois », l’entreprise joue sur la fibre citoyenne des lecteurs-consommateurs. Pour Caroline de Montety :

« Sephora cherche à allumer un contre-feu sur le fait que, contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est une bonne citoyenne, puisqu’elle agit pour préserver des emplois. »

Pour McDonalds et Nutella, c’est le même principe. L’un utilise les abaissements de TVA pour embaucher et investir (et baisser le prix du Big Mac de 5%), l’autre utilise de l’huile de palme qui ne participe pas à la déforestation en Indonésie et dont le profil nutritionnel est proche de celui du beurre (et donc, n’est pas dangereux pour la santé).

« On est sur un terrain extrêmement prisé en ce moment : le bien-fondé de la marque sur de grands sujets. L’écologie notamment, la non discrimination, l’emploi, la bonne conduite. »


Publicité de Nutella sur l’huile de palme, en novembre 2012 

 

Pression sur les pouvoirs publics

Mais si nos entreprises sont citoyennes, elles n’en restent pas moins intéressées. Et comme le rappelle la spécialiste en publicité et en marketing, « la parole d’une marque n’a jamais vocation à la neutralité ».

Sephora a la conjoncture économique de son côté, et elle le sait. On peut lire à la fin du texte, en blanc sur fond noir :

« A un moment où notre pays est violemment frappé par la crise et le chômage qui en résulte, la liberté du travail ne saurait être mise en cause pour des raisons idéologiques ou administratives. »

Caroline de Montety explique :

« Sephora cherche à toucher un public consommateurs d’informations, des leaders d’opinion, des leaders économiques, sensibles à cette argumentation. […] On est sur une cible périphérique : des fournisseurs, des banquiers, d’autres chefs d’entreprises ou d’autres dirigeants qui peuvent se retrouver dans ces questions-là et faire du lobbying pour l’ouverture des magasins le dimanche ou le soir. »

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:33

 

Rue89 - A Lille 03/12/2012 à 19h23

 Camille Polloni | Journaliste Rue89

 

 


Des sans-papiers, dans le temple lillois, le 30 novembre 2012 (Alexandre D.)

 

Alors que Cécile Duflot en appelle à l’Eglise pour héberger des sans-abri, 120 sans-papiers occupent le temple protestant de Lille-Fives, depuis le 25 novembre. Ils sont tous en grève de la faim, depuis 32 jours pour les plus anciens, plus de 25 pour les autres.

Pour les responsables de l’Eglise réformée, la situation est compliquée. Les fidèles ne peuvent plus assister au culte dans le bâtiment occupé.

D’après La Voix du Nord, les responsables du temple ont finalement sollicité l’évacuation des lieux ce lundi. Le conseil presbytéral s’était jusque-là refusé à faire intervenir les forces de l’ordre, par principe.

Du sucre, du thé et du café

 


Dans le temple lillois (Alexandre D.)

 

Tenant à éviter que d’autres sans-papiers se joignent aux occupants, les responsables du temple filtrent les entrées. Pas de journalistes, pas de curieux et pas trop de militants. Ils restent devant la porte.

Le Comité de soutien aux sans-papiers (CSP59) peut toutefois faire passer à l’intérieur de l’eau, du sucre, du thé et du café (seule alimentation possible pour des grévistes de la faim). Le temple est situé à quelques mètres du local du collectif, qui sert de base logistique.

Alexandre, l’un des soutiens, a réussi à entrer dans le temple vendredi, à l’occasion d’un ravitaillement en boissons. Il se dit « dégoûté et révolté » par l’attitude du préfet du Nord, qui « fait mine d’ignorer l’occupation et la grève de la faim » :

« Après des manifestations chaque mercredi soir, de multiples rassemblements devant la préfecture, des marches, des cérémonies de parrainages, des rendez-vous avec des élus ou des maires ainsi que des occupations (qui se soldent par des gaz, des coups de matraques et des arrestations), les sans-papiers ont décidé de mettre leur vie en danger. »

Le militant a pris des photos et tourné une vidéo, « à la demande des sans-papiers », pour essayer de médiatiser leur situation au-delà de la presse locale. On y voit des dizaines de personnes, allongées dans des lits de fortune à l’intérieur du temple, parfois un gobelet à la main.

 

 

Grève de la faim des sans-papiers à Lille, vendredi 30 novembre.

Une cinquantaine de passages à l’hôpital

Kamel, du CSP59, s’inquiète. « On est pas en train de jouer. » Il rapporte « une cinquantaine d’évacuations » par les pompiers et le Samu depuis une semaine, après des malaises.

 


Un camion de pompiers devant le temple lillois (Alexandre D.)

 

Selon le Centre hospitalier régional universitaire de Lille, ce sont au total « 100 personnes » qui « ont été prises en charge par le SAMU 59 et transférées sur tous les services d’urgence de la métropole lilloise. »

Refusant malgré tout de s’alimenter, les sans-papiers finissent par revenir au temple, contre l’avis des médecins. Kamel décrit la situation :

« A l’intérieur, il y a des hommes et des femmes de toutes les nationalités : des Maghrébins, des gens d’Afrique noire, des Asiatiques. Il y a aussi quelques enfants, qui ne font pas la grève de la faim bien sûr.

La préfecture n’est pas venue, ils ne nous ont même pas appelés. Ils n’ont parlé qu’avec la Ligue des droits de l’homme (LDH), pour leur dire que les sans-papiers doivent cesser la grève de la faim et quitter les lieux, avant toute négociation. »

« Après dix ans de sarkozysme, le désespoir »

Annick Batallan fait partie des membres de la LDH qui ont rencontré le directeur de cabinet du préfet, mercredi dernier. Elle déplore une situation « extrêmement bloquée » :

« L’un des sans-papiers nous a dit qu’il avait déjà fait la grève de la faim à Roubaix, il y a quelques années. Il a arrêté quand la préfecture a promis de réexaminer les dossiers, mais n’a pas été régularisé. Cette fois-ci, il est donc hors de question qu’il bouge.

A la LDH, nous ne sommes pas très partisans de la grève de la faim, un mode d’action violent pour les grévistes, mais ce sont des adultes responsables. Nous n’avons pas à leur dire quoi faire.

Ils sont dans un triste état. Certains ont dit que c’était bidon, vu l’état dans lequel ils sont je peux témoigner qu’ils ne mangent pas. Tous ces sans-papiers sont amenés à la grève de la faim par l’attitude du gouvernement et de la préfecture.

Il y a eu un immense espoir après les élections présidentielles et législatives, et depuis six mois on attend. Après dix ans de sarkozysme, c’est le désespoir. »

Hollande élu, « on avait fait la fête »

Dans le temple lillois (Alexandre D.)

Sans illusion, la LDH a écrit à nouveau à la préfecture du Nord ce lundi matin. Kamel, lui, répète qu’ils n’ont « pas demandé la Lune » :

« Ce sont des gens avec des dossiers béton, des emplois. La politique menée est dans la continuité de ce que faisait l’UMP. Nous n’avons ressenti aucun changement, pourtant on avait fait la fête... »

Ce lundi matin, un huissier est passé au temple, évoquant une expulsion prochaine pour raisons sanitaires. Mais, selon Kamel, il n’a précisé « ni le jour ni l’heure ». La préfecture du Nord n’a pas donné suite à notre appel.

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:21

 

Rue89 - Sauvetages 04/12/2012 à 12h52
Elsa Fayner | Journaliste Rue89

 

La France a volé au secours de ses banques, mais peut-elle éviter la disparition d’un site industriel ? Retour sur les décisions qui ont réussi et celles qui ont échoué.

 


Les hauts fourneaux de Florange, le 29 septembre 2012 (POL EMILE/SIPA)

La nationalisation du site sidérurgique de Florange, en Moselle, est-elle toujours envisagée ? Partielle ? Temporaire ? Possible ? Surtout, serait-ce vraiment une première ?

L’Etat peut effectivement sauver des banques – il l’a prouvé aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, et en France. Mais a-t-il déjà réussi à maintenir des usines en vie ? Oui, souvent même, mais à certaines conditions. Nous avons passé en revue les techniques qui marchent, et celles qui mènent dans le mur.

                                                                                                                                                                                                                                 1 Mettre un coup de pression sur les dirigeants : trop aléatoire

 

La technique du coup de pression peut marcher. Mais cela reste rare, et impossible à généraliser. Les deux derniers gouvernements ont, par exemple, réussi à :

  • exiger, entre les deux tours de la présidentielle, que la SNCF abandonne d’importantes créances à l’égard de SeaFrance, pour permettre à Eurotunnel d’acheter les navires de la société et à la Scop d’anciens salariés de les exploiter ;
  • intervenir auprès des principaux clients publics de Neo Security pour qu’ils maintiennent leur confiance à leur prestataire en dépôt de bilan et permettre au repreneur, Fiducial, de conserver plus de salariés que prévu ;
  • négocier avec Sanofi pour que le laboratoire réduise la voilure de son plan social. 900 postes sont malgré tout supprimés en France ;

La victoire risque d’être de courte durée, voire en trompe-l’œil. Chez Lejaby, par exemple, seules les 93 salariées d’Yssingeaux ont été repêchées. Lésées de leurs différentes indemnités et primes de licenciement, celles de Bellegarde sont toujours une trentaine à se mobiliser pour obtenir gain de cause et faire respecter des engagements de l’Etat.

                                                                                                                                                                                                                             2 Conseiller, accompagner, écouter : ça ne suffit pas

 

L’échec est assuré quand l’Etat se contente de conseiller, accompagner, écouter, sans débourser un euro. Les deux derniers gouvernements ont par exemple voulu :

  • « faciliter les offres de reprise et lever les obstacles administratifs » pour Pétroplus, se félicitait Arnaud Montebourg dans un communiqué de presse ;
  • « examiner les modalités d’une entrée au capital » pour Technicolor, expliquait Eric Besson, alors ministre de l’Industrie ;
  • missionner un conseiller chez Freescale à Toulouse.

Les trois entreprises ont fermé. Et Pétrolus voit défiler les repreneurs plus ou moins crédibles.

Pour Jean-Louis Levet, économiste, c’est l’une des conditions nécessaires à la réussite d’une intervention de l’Etat : il faut y mettre le prix.

                                                                                                                                                                                                                             3 Apporter une aide financière massive : ça marche

 

Le spécialiste des questions industrielles cite trois cas de figure en France, trois dossiers symboliques d’une intervention de l’Etat réussie.

Renault, tout d’abord, qui se trouvait au bord du dépôt de bilan au début des années 80 :

« Deux possibilités s’offraient à l’Etat : laisser couler en cédant la place à l’industrie automobile japonaise, ou relancer l’industrie automobile française. L’Etat a choisi la seconde option.

Une mission a été montée pour comprendre ce qui n’allait pas. Et, là, on a découvert que l’entreprise mettait huit ans à faire une voiture que les Japonais fabriquaient en quatre ans, qu’il y avait beaucoup de problèmes de qualité, à cause – entre autres – d’une multitude d’échelons hiérarchiques.

L’Etat a réinjecté de l’argent en demandant au nouveau patron, Georges Besse, de remédier à ces problèmes. Tandis que le Fonds national pour l’emploi (FNE) a permis à des salariés de partir en préretraite. »

Même schéma chez Air France, au bord du dépôt de bilan dans les années 90. L’intervention se joue cette fois aussi au niveau européen. Jacques Delors parvient à convaincre la Commission européenne qu’il faut laisser l’Etat sauver la compagnie aérienne française.

En 2004, enfin, l’Etat français prend 21,36% du capital d’Alstom, dans le cadre d’une aide de 2,8 milliards d’euros (à peine plus que pour Renault et Air France). Bruxelles dicte ses conditions : Alstom doit céder des actifs. Le groupe vend ses chantiers navals, son activité turbines industrielles et sa division transmission et distribution d’énergie, rappelle L’Usine Nouvelle. Dès 2006, l’Etat cède ses parts à Bouygues, pour une plus-value de 1,26 milliard d’euros.

                                                                                                                                                                                                                                    4 Soutenir un secteur entier : oui

 

La France n’est pas la seule à soutenir aussi massivement ses industries, prévient Jean-Louis Levet :

« Aux Etats-Unis, on fait ça en permanence pour des secteurs entiers, à coup de subventions et de protectionnisme. Ça a été l’acier dans les années 80, l’automobile durant cette même période, et plus récemment depuis la crise, ou encore les ports et les produits agricoles. »

Quand des Länder n’hésitent pas à entrer dans le capital de grosses entreprises de taille intermédiaire en Allemagne.

                                                                                                                                                                                                                             5 Prévoir un plan de développement de long terme : efficace

 

En France, Renault, Air France et Alstom sont devenus, à la suite de leur sauvetage par l’Etat, des géants de leur secteur. Pour l’expert, ces trois situations démontrent la nécessité de réunir trois conditions pour que l’intervention porte ses fruits. Il faut :

  • prévoir un plan de développement de l’entreprise sur cinq ou dix ans, et ne pas se contenter de mesures ponctuelles ;
  • changer le patron à la tête de l’entreprise, ou s’appuyer sur un nouvel arrivant ;
  • exiger le remboursement de la somme investie.

                                                                                                                                                                                                                                    6 Licencier ? Pas forcément

 

Faut-il que l’entreprise licencie massivement, comme l’a fait Georges Besse chez Renault par exemple ? Ce n’est pas automatique pour l’économiste :

« Le sureffectif est la conséquence, pas la cause, du manque d’innovation, d’adaptation, d’évolution de l’entreprise : elle innove peu, elle a de moins en moins de clients, de moins en moins de chiffre d’affaires, et elle se retrouve à compter trop de salariés. »

Les licenciements peuvent cependant être nécessités par le plan de développement, reconnaît Jean-Louis Levet :

« Ce ne sont pas des licenciements secs, il y a des cellules de reconversion. Le problème, c’est que ces entreprises, qui ont peu innové, ont aussi, du coup, peu formé leurs salariés, et qu’il est souvent difficile pour eux de trouver du travail. En moyenne, un sur deux en retrouve. »

                                                                                                                                                                                                                                     7 Anticiper les transitions technologiques : encore mieux

 

Mieux vaut que l’Etat anticipe, donc, pour soutenir les entreprises en difficulté. Des entreprises à ne pas confondre avec les « canards boiteux », qui existent finalement peu, constate Jean-Louis Levet :

« Un canard boiteux, c’est une entreprise qui n’a ni compétences, ni marché, ce n’est pas une entreprise en difficulté. Et on parle souvent de vieilles industries à laisser mourir, et de nouvelles industries à soutenir.

Mais on peut être vieux dans les nanotechnologies s’il n’y a pas de marché... Et il n’y a pas de vieilles industries, au sens d’industries dépassées. Il y a des ruptures technologiques, et il faut accompagner les entreprises pour qu’elles les dépassent.

C’est le cas de Florange. Le marché existe toujours, même si, conjoncturellement, il va mal : on aura besoin d’acier après la crise comme avant. Simplement, Florange vit une rupture technologique. Elle peut se convertir, par exemple, avec le projet Ulcos, qui prévoit de réduire d’au moins 50% les émissions de gaz carbonique lors de la fabrication d’acier, de devenir le pilote industriel de la sidérurgie de demain. L’entreprise fait un pari, et il est normal que l’Etat s’intéresse à elle. »

Pour l’économiste, finalement, il relève du rôle de l’Etat :

  • de stimuler l’innovation dans les industries dites matures : « Dans l’industrie automobile, par exemple, on réfléchit maintenant en termes de mobilité, de ville de demain, d’architecture. Les comportements évoluent aussi : notre souci ne sera bientôt plus d’acheter une voiture mais de savoir quelle voiture utiliser à quel moment. On n’achètera plus un bien, mais un usage. » Les entreprises vont devoir prendre des risques pour envisager cette rupture technologique et sociale, et l’Etat doit les y aider ;
  • d’accompagner les entreprises quand elles rencontrent des ruptures dans leur trésorerie : « car toute entreprise, dans sa vie, a des difficultés ».

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:15

 

Rue89 - « Avant fin 2012 » 04/12/2012 à 11h48

 Zineb Dryef | Journaliste Rue89

 


 

« On est chaud bouillant », s’enthousiasme Julien Bayou, l’un des fondateurs de Jeudi noir, collectif de lutte pour le logement, et conseiller régional Europe Ecologie-Les Verts (EELV) d’Ile-de-France.

Favorable depuis des années à la réquisition des bâtiments vides, il prend acte de la promesse de Cécile Duflot. La ministre écologiste du Logement s’est engagée fin octobre à utiliser l’arme des réquisitions de logements vacants pour offrir un toit aux sans-abri et aux mal-logés.

Parmi ces bâtiments vides (d’entreprises, de banques etc.), il y aurait également ceux appartenant à l’Eglise. Une proposition qui suscite un tollé depuis deux jours, ses opposants y voyant un règlement de compte sur fond de mariage pour tous.

« Il y a une liste »


SDF : Duflot en appelle à l’Eglise (Baudry)

Du côté des associations de soutien aux mal-logés, les déclarations de la ministre sont plutôt bien accueillies à condition qu’elles soient appliquées cet hiver.

Le Droit au logement (DAL) estime que c’est un « espoir » même s’il arrive un peu tard. Pour Julien Bayou :

« On est évidemment pour. Ça a été souvent promis à l’approche de l’hiver mais cette fois, ça semble plus proche d’aboutir : il y a une liste de bâtiments à réquisitionner.

Ce serait un énorme symbole de considérer que le logement est un bien commun, qu’il doit retourner à sa fonction première et que les pouvoirs publics ont les moyens d’agir. »

De nombreuses réquisitions après la guerre

S’il reconnaît que « ce n’est pas avec les réquisitions uniquement qu’on réglera le problème du logement », il attend que l’engagement soit tenu avant la fin de l’année :

« S’il n’y a pas de réquisitions avant fin 2012, ce sera un désaveu de Duflot. »


Cécile Duflot, le 25 novembre 2012 à Paris (ALFRED/SIPA)

 

Les réquisitions ont été extrêmement rares depuis la promulgation de l’ordonnance du 11 octobre 1945 donnant la possibilité aux pouvoirs publics de réquisitionner des logements à titre « exceptionnel », ou en cas de « crise grave du logement ».

Dans les cinq années qui ont suivi la la Seconde Guerre mondiale, les réquisitions ont été nombreuses avant d’être progressivement abandonnées.

Les dernières remontent à l’hiver 1994 lorsque Jacques Chirac, alors maire de Paris, avait demandé la réquisition de plus de 100 logements pour des familles en difficulté, logées dans un immeuble de la rue du Dragon (VIe arrondissement de Paris) par le DAL. D’autres réquisitions seront ordonnées au courant des années 1995 et 1996.

 

MERCI RIVERAINS ! Pas tripette.

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 18:13

 

Rue89 - « Pression constante » 04/12/2012 à 10h15

 Rozenn Le Carboulec | Journaliste pigiste


 


A la CAF de Lille (Nord), le 22 octobre 2012 (M.LIBERT/20 MINUTES/SIPA)

 

« Ils pètent un câble là-dedans, ils ne vont pas bien ! » Mickaël, la trentaine, un usager, vient de s’entretenir avec un agent de la Caisse d’allocations familiales d’Argenteuil, dans le Val-d’Oise. En allumant sa cigarette, il dit s’être énervé au guichet. Ce jour-là, il ne s’était pas muni de son numéro d’allocataire : il est rentré bredouille.

Des situations comme celle-là, les techniciens conseil, qui travaillent à l’accueil, en voient régulièrement. Mais ils ne peuvent pas s’y attarder. Ils n’ont plus le temps.

Plus de 50 000 dossiers en souffrance dans le Val-d’Oise

Ils croulent tellement sous les dossiers que, depuis deux ans, les CAF d’Argenteuil et de Sarcelles ferment quinze jours par mois, pour résorber les retards : 52 000 dossiers sont en souffrance dans le seul département du Val-d’Oise. En vingt ans, le département enregistre 56 000 allocataires supplémentaires et les CAF ont perdu près de 120 emplois.

Sur les trois dernières années, au niveau national, les effectifs des CAF ont baissé de 1 147 en trois ans (selon FO et la CGT). Les réformes s’enchaînent, et le nombre de prestations ne cesse d’augmenter avec des situations familiales de plus en plus complexes à traiter. Les salariés des CAF sont débordés.

Le 22 novembre dernier, ils étaient 40% à faire grève dans le 95 pour dénoncer un système « au bord de l’explosion » et demander des créations de postes en CDI. Sur l’ensemble du territoire, le taux moyen de grévistes était de 30,6%, d’après les derniers relevés de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

« Il y a eu quelques embauches quand le RSA est apparu, mais tout autant de départs non remplacés », regrette Brigitte Poli, secrétaire syndicale de la CGT pour le Val-d’Oise. Christian Le Petitcorps, directeur de la CAF de Cergy, fait lui-même état d’une « augmentation tendancielle des flux d’activité de 7% par an ». Une augmentation qui devient ingérable pour les salariés.

Pas plus de trois minutes avec un allocataire

« C’est vraiment le jour et la nuit entre le moment où j’ai commencé et aujourd’hui », observe Emma, technicienne conseil à Marseille depuis dix ans.

« Dans mon service, on doit traiter 40 dossiers par jour. On mise soi-disant sur la qualité, mais on nous demande de faire du chiffre en contrepartie. On est soumis à une pression constante, c’est terrible ! »

Au guichet, les agents ont pour consigne de ne pas rester plus de trois minutes avec chaque allocataire.

« On nous a mis sous le nez un système qui nous chronomètre. Au bout de trois minutes, une flèche rouge s’allume et clignote pour indiquer qu’on a dépassé le temps conseillé. Comment voulez-vous que les salariés ne soient pas stressés ? » s’exclame Brigitte, qui a travaillé à l’accueil pendant seize ans, avant de rejoindre le service médiation. Encore aujourd’hui, elle descend parfois en renfort, quand les files d’attente sont bondées.

« On est le confesseur, l’assistant social... »

« Il y a un gros malaise, c’est sûr, il y a quand même une surcharge de travail », reconnaît une employée de la plate-forme téléphonique de la CAF du 95, qui n’a toutefois pas fait grève : « Je relativise. Au moins, j’ai la santé. »

Mais tous ses confrères n’ont pas sa force de caractère. A Marseille, Emma voit ses collègues enchaîner les arrêts maladie.

« Il y a beaucoup d’agressivité de la part des allocataires, ce qu’on comprend, vu leur situation. Mais quand vous rentrez chez vous après une telle journée et que vous entendez vos enfants crier, vous pétez un câble ! »

Plus que de simples relais, les employés de la CAF incarnent la dernière lueur d’espoir. « On est le confesseur, l’assistant social... Un jour, une personne m’a remerciée en me disant que c’était grâce à moi si elle n’avait pas fini sous un train... Ça, ça vous prend aux tripes ! », raconte Brigitte Poli, encore émue.

L’accueil sacrifié au profit des téléprocédures

Lionel Dell’Angelo, responsable de la section FO de la CAF 95 et chargé de la gestion électronique des courriers, fait état de dossiers de plus en plus complexes, dus aux situations de plus en plus fragiles des allocataires. Il dénonce :

« Au lieu de consacrer la totalité des fonds disponibles à embaucher en CDI, l’employeur préfère recourir aux contrats précaires, aux heures supplémentaires. »

La rencontre annuelle entre les présidents de CAF et le directeur de la Cnaf, qui avait lieu les 22 et 23 novembre à Marseille pour préparer la nouvelle Convention d’objectif et de gestion (COG), n’a pas satisfait les syndicats. Christian Le Petitcorps, directeur de la CAF 95, s’est prononcé pour « la préservation des effectifs, au moins pendant quatre ans, jusqu’à la prochaine COG ». Ce qui est loin d’être suffisant aux yeux de Lionel Dell’Angelo, qui craint, à terme, une « déshumanisation des relations ».

Sur ce point, l’engrenage semble s’être déjà enclenché, comme l’explique Brigitte Poli :

« Au niveau national, la direction sacrifie peu à peu l’accueil, au profit des télé-procédures. »

Pour elle, le but est clair :

« C’est pour habituer les gens à venir de moins en moins. »

Croisée à la sortie de l’antenne d’Argenteuil, Salia explique d’ailleurs qu’elle ne se déplace quasiment plus : « Je fais tout par Internet. » L’avenir des CAF est-il tout tracé ? Dans le Val-d’Oise, comme dans les autres départements, externalisations et mutualisations deviennent monnaie courante, quand il ne s’agit pas de fusions ou restructurations. L’année dernière, la direction envisageait de regrouper toutes les antennes du 95 dans un seul bâtiment, à Cergy.

Suite à un mouvement de grève, le projet a été abandonné. « Mais pas l’idée », assure Lionel Dell’Angelo. Le combat des salariés de la CAF semble donc loin d’être terminé.

 

 

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4 décembre 2012 2 04 /12 /décembre /2012 17:01

 

 

Le docteur Joël Dutertre tient depuis six années à la Mission locale de Sénart (Seine-et-Marne) une consultation de généraliste gratuite et très fréquentée. Ce Point santé jeunes représente souvent le seul accès possible au soin pour une population de 16-25 ans en recherche, de plus en plus malaisée, d’emploi, et menacée par la précarité. Le médecin est ainsi aux premières loges pour mesurer la dégradation de l’état de santé de cette jeunesse non-insérée.

 

Le Dr Joël Dutertre, médecin à la Mission locale de Sénart. (Photo : Capucine Granier-Deferre pour Le Monde)

 

L’accès au soin

 "Les jeunes que je reçois, les plus en difficulté sur un territoire, ne fréquentent pas les cabinets libéraux. Ils se 'débrouillent', se rendent à l’hôpital en urgence ou de façon inappropriée. Dans 60 % des cas, il y a un frein financier qui les empêche de consulter. Même quand ils ont une mutuelle, ils ne peuvent pas avancer les honoraires. Ils ont aussi l’impression de ne pas savoir s’y prendre, d’être mal accueillis, d’entendre un langage incompréhensible. Il y a une appréhension du rapport au monde médical qui leur semble très éloigné d’eux. Tout cela témoigne d’une fracture entre ces jeunes et la société. Du coup, le gamin qui se tord la cheville ou le genou au foot et ne consulte pas, donc n’immobilise pas son articulation, devra se faire opérer. Les ulcères non-soignés donnent des hémorragies digestives, etc." 

Les maux dentaires

"Aucun jeune n’arrive à décrocher de rendez-vous chez le dentiste. La petite carie se transforme en abcès. Au bout de trois semaines de douleur, le mal disparaît, la dent est mortifiée. Certains patientent en avalant des boîtes entières de Doliprane, d’autres se mettent la tête entre deux baffles, la musique poussée à fond. Pour combler le creux dans la dent, les jeunes mettent du chewing-gum, du coton et même de la colle !"

Les plaintes fonctionnelles

"Maux de tête, de ventre, de dos… C’est le cas des trois quarts des jeunes femmes que je reçois. Parfois, la douleur au ventre dissimule autre chose. Dans 15 % des cas, les jeunes femmes finissent par signaler des sévices sexuels. Les premiers rapports sexuels sont souvent une catastrophe, ils se déroulent 'à l’arrache', avec des pratiques de sodomie imposées."

La souffrance psychique

"40 % des jeunes reçus au Point santé présentent une souffrance explicite ou implicite qui nécessiterait un suivi psychologique ou psychiatrique – dont en fait seulement un sur dix bénéficie. Qu’ils aient des psychoses, dont beaucoup sont dépistées ici pour la première fois, ou des troubles de la personnalité qui vont compromettre l’insertion. Ou qu’ils soient en vraie dépression. Beaucoup de ces jeunes plus vulnérables que d’autres s’amélioreraient grâce à la seule insertion professionnelle, facteur d’autonomie et de séparation du milieu familial. Mais aujourd’hui, ils sont les premiers à rester sur la touche. La mise en échec socio-professionnelle alimente leur perte d’estime d’eux-mêmes."


(Photo : Capucine Granier-Deferre pour Le Monde)

L’obésité

"15 % de mes patients souffrent d’obésité sévère. C’est terrible, parce que si l’on n’agit pas à cet âge là, on sait que cela va s’aggraver. Cette obésité veut dire des choses. Elle fait écran, elle attire l’attention sur un mal-être, elle cache souvent chez les filles des violences sexuelles… Mes patients qui en sont atteints sont passifs, ils ne se sentent pas exister. Et depuis six ans, je n’ai jamais trouvé personne alentour chez qui les orienter ! Les diététiciens hospitaliers sont débordés, les médecins nutritionnistes libéraux pratiquent tous le dépassement d’honoraires."

 Les maladies chroniques

"Elles sont mal suivies, mal stabilisées. Je n’ai jamais vu ici aucun diabétique convenablement soigné. Je suis également stupéfait du nombre de maladies auto-immunes. Ces maladies dans lesquelles on développe des anticorps contre soi. Je ne me l’explique pas, je constate."

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A lire également : Pauvre jeunesse (1) : "Le monde qu'on leur propose n'est pas terrible" 

 

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 19:45

 

Libération - 3 décembre 2012 à 18:02 (Mis à jour: 18:29)


Lakshmi Mittal, PDG du groupe éponyme, le 8 février 2012 à Luxembourg
Lakshmi Mittal, PDG du groupe éponyme, le 8 février 2012 à Luxembourg (Photo Jean-Christophe Verhaegen. AFP)

Récit Il n'y a pas qu'en France que le groupe du milliardaire indien Lakshmi Mittal réduit ses effectifs. Partout en Europe, le géant de l'acier baisse les feux et irrite gouvernements et salariés.

 

Par DOMINIQUE ALBERTINI

 

Florange, Gandrange : ces noms sonnent désormais familiers pour le public français, qui les associe aux aciéries lorraines en partie fermées par le groupe ArcelorMittal. Un scénario auquel renvoient aussi les toponymes de Liège, Schifflange ou encore Valleverde, autant de sites européens du même groupe ayant eux aussi connus des suppressions de postes, parfois précédées de longs conflits sociaux. Loin d'être une problématique francofrançaise, les turpitudes du géant de l'acier ont des conséquences au quatre coins du continent. Retour sur une déconfiture européenne. 

 
Comment le groupe s’est-il implanté en Europe ?

Bien que numéro 1 mondial de l’acier, le groupe Mittal Steel est peu présent sur le vieux continent au début des années 2000. Surtout implantée en Europe de l’Est, la société du milliardaire indien Lakshmi Mittal est spécialisée dans le rachat d'usine en difficultés dans les pays émergents, qu'il restructure et relance en profitant des bas coûts de la main d'oeuvre.

En janvier 2006, Mittal Steel franchit un palier dans sa politique de rachats tous azimuts, en lançant une OPA hostile sur le groupe européen Arcelor, numéro 2 mondial du secteur. Combattue par celui-ci, critiquée par les gouvernements et les syndicats européens, l’opération finit par aboutir. Mittal Steel, devenu ArcelorMittal, récupère plusieurs dizaines de sites de production en Europe, notamment en France, en Espagne et dans le Bénélux. En 2006, le groupe emploie 111 000 personnes dans l’Union européenne, soit 35% de ses effectifs mondiaux, et le continent assure près de la moitié de sa production d’acier.

Pourquoi la fusion avec Arcelor ?

La frénésie de rachats de Lakshmi Mittal répond à un objectif d'«intégration verticale». Alors que le cours de l'acier est au beau fixe, le groupe entend maîtriser toute la chaîne de production, de l’extraction du minerai de fer à la découpe de l’acier, en passant par la fonte. Ainsi compte-t-il réaliser des économies d'échelles et augmenter ses marges.

Par ailleurs, Mittal souhaite positionner son groupe sur le secteur de l'acier «haut de gamme», dans lequel se distingue Arcelor. De quoi satisfaire la demande des économies développées, et, à terme, celle des pays émergents, dont il anticipe l'immense appétit d'acier. Enfin, la fusion permet à la nouvelle entité de peser suffisamment à elle seule pour orienter les cours de l’acier et tenir tête à ses clients. Le contexte s’y prête : l’acier est au plus haut.

Comment ont évolué les effectifs ?

S'il fait aujourd'hui figure de «prédateur», selon les mots des syndicats, Lakshmi Mittal tentait plutôt, en 2006, de se poser en Père Noël. En effet, dans un plan «Apollo» présenté en 2003, avant la fusion, Arcelor prévoyait lui-même la fermeture progressive de six hauts-fourneaux en Europe pour gagner en compétitivité : deux en Belgique, deux en Allemagne, et deux en France, à Florange. Le groupe entendait également réduire ses effectifs, notamment par des départs en retraite anticipés. 

Pour rassurer gouvernement et syndicats, critiques vis-à-vis de sa tentative d'OPA, Lakshmi Mittal promet alors d’examiner favorablement le destin de ces unités, qui seront effectivement préservées une fois l’OPA réussie. Jusqu’en 2008, le groupe voit même ses effectifs augmenter dans l’Union européenne : cette année-là, ils atteignent 130 000 salariés, et représentent 41% des effectifs totaux d’ArcelorMittal. Avant de tomber à quelque 96 000 en 2011, sous l'effet des nombreux plans de réduction d'activité décidés par ArcelorMittal. 

Pourquoi Mittal réduit-il ses effectifs ? 

Le groupe pointe les surcapacités de ses installations européennes, alors que la crise a fait chuter la demande d'acier, notamment dans les secteurs de l'automobile et du bâtiment. Mais, profitant de sa position dominante sur le marché de l'acier, le groupe a également joué de ses hauts fourneaux européens comme d'une variable d'ajustement, pour maintenir le cours de l'acier. 

De leur côté, les syndicats accusent Mittal d'avoir mal préparé ses sites européens à affronter la crise, en n'investissant pas suffisamment. Une accusation qu'appuie un rapport remis en juillet à Arnaud Montebourg, selon lequel «les priorités stratégiques définies par le groupe font peu de place à la sidérurgie européenne», et qui note un surinvestissement du groupe dans sa division «Mines», tandis que la part allouée à la production européenne d'acier est à la baisse. «La stratégie du groupe est davantage marquée par des contraintes de court terme qu’inspirée par des considérations industrielles de long terme», conclut le rapport, pointant notamment le niveau d'endettement considérable d'ArcelorMittal.

«il y a d'une part la situation de surcapacité, d'où le retour aux choix stratégiques d'Arcelor, où l'on ne garde que les hauts-fourneaux en littoral de Dunkerque et Fos-sur-Mer, explique Philippe Chalmin, professeur à l’université de Paris Dauphine, spécialiste des marchés mondiaux. D'autre part, il est vrai que, face à la montée des prix du fer, Mittal a beaucoup investi dans les mines, et probablement pas assez dans la sidérurgie».

Que se passe-t-il hors de France ?

Si le destin de Gandrange et Florange a focalisé l'attention en France, des scénarios similaires se sont produits partout en Europe. Ainsi, en Belgique, un accord vient d'être trouvé avec les syndicats pour la fermeture de la phase «à chaud» du site de Liège, qui entraînera la suppression de 795 emplois, dont 314 départs en retraite anticipée et 481 reclassements. Un dénouement précédé d'un long conflit social autour de cette usine dont Arcelor prévoyait déjà de fermer les hauts fourneaux en 2003. 

Au Luxembourg, 282 salariés sont en arrêt de travail depuis la fin 2011 sur les sites de Schifflange et Rodange, dont 150 anciens de Gandrange reclassés au Luxembourg après la fermeture de l’aciérie en 2009. Le luxueux siège du groupe à Luxembourg-ville, trop coûteux, va lui-même être fermé en 2013. En Espagne, une partie de l’activité du site de Valleverde, près de Madrid, a été arrêtée «pour une durée indéfinie», entraînant le reclassement de plus de 300 salariés. Début 2012, le groupe a annoncé la supression de 1000 postes en Pologne, 1100 en Roumanie, 630 en République Tchèque.

«Le groupe a toujours un avenir en Europe, où il conserve beaucoup d'activités et la clientèle de l'industrie automobile, estime Philippe Chalmin. Mais c'est un groupe très endetté, qui n'est pas en bonne santé. Donc il coupe là où ça coût cher, et où il estime qu'il n'y a pas beaucoup d'avenir».

 

 

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3 décembre 2012 1 03 /12 /décembre /2012 19:36

 

Vendredi soir, le premier ministre Jean-Marc Ayrault assurait sur le plateau de TF1 que la France avait mis tout son poids dans la balance pour obtenir le meilleur plan possible pour le site de Florange. Mais l’intervention gouvernementale a-t-elle vraiment permis de faire plier la direction d’ArcelorMittal et d’obtenir des concessions supplémentaires ?

Les yeux fixés sur la Lorraine, personne n’a vu ce qui se passait au même moment à Liège, site où les hauts-fourneaux sont aussi condamnés à fermer. Au moment où le premier ministre français annonçait un accord avec le groupe sidérurgique, les syndicats de Liège, la région wallonne et la direction d’ArcelorMittal aboutissaient eux aussi à un accord, après de longues semaines de négociations, comme le rapporte La Libre Belgique.

Le moins que l’on puisse dire est que l’accord obtenu par les syndicats belges ressemble étonnamment à ce qui a été « arraché » par le gouvernement français. 795 salariés sont touchés par la fermeture des hauts-fourneaux de Liège. La direction s’est engagée à ce qu’il n’y ait « aucun licenciement sec ». Une partie des salariés pourront partir en préretraite. Un plan de départs volontaires sera ouvert. Quant aux autres, ils seront intégrés dans une cellule de reconversion, avec un engagement d’embauche prioritaire par une structure financée par ArcelorMittal et la région wallonne, destinée à la réhabilitation et la dépollution des sites à chaud fermés.

Un volet industriel doit venir accompagner le volet social. Les syndicats belges préfèrent consolider l’acquis industriel existant plutôt que de parier sur un hypothétique plan européen. ArcelorMittal devrait investir 138 millions d’euros sur le site afin d’assurer la modernisation et la pérennité de cinq lignes à froid. La région wallonne, elle, serait prête à apporter entre 80 et 90 millions d’euros afin d’investir sur sept lignes « considérées comme non prioritaires ». 

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