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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 19:03

 

Rue89 - Jean Matouk - Economiste
Publié le 29/12/2012 à 16h12

 

 

Ce sont les banques américaines, et, dans une moindre mesure, britanniques et irlandaises, qui nous ont plongé dans la crise en 2008. Les banques espagnoles ont imité les américaines. Sans les « subprimes », mais en développant follement, le crédit à l’habitat, à l’instigation, il faut le souligner, du premier ministre de droite, José Maria Aznar, ce qui a provoqué l’endettement d’un Etat espagnol qui avait été plutôt bien géré par Zapattero, et a chargé la mule européenne.

La dérégulation bancaire à l’origine de la crise

Bien sûr, il faut, aller chercher en amont les motifs réels de ces dérives, pointer la « cupidité » et les objectifs absurdes de rendement que ces mêmes banques ont poussé les (plus riches) épargnants à exiger. Mais quand tous ces motifs sont doctement recensés, ce sont bien les banques qui – totalement libérées de toute régulation à l’initiative politique de Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 80, sous l’influence direct de Milton Friedmann, des participants au Club du Mont Pèlerin et de leurs héritiers intellectuels – ont été les agents déclencheurs des folies financières dont nous payons et allons encore payer les conséquences.

Deux ou trois G20 ont clairement stigmatisé les banques et se sont fixés comme objectifs de revenir à la régulation. Tous les gouvernements s’y sont engagés. Bien entendu, partout, une fois revenus de leur quasi-coma, après quelques décès parmi les banques, et des nationalisations, faisant supporter aux contribuables les pertes financières, tous les banquiers ont commencé leurs lobbies auprès de leurs gouvernements respectifs pour freiner au maximum les re-régulations, avec le secret espoir de recommencer le plus vite possible leurs diverses opérations spéculatives.

Pour une bonne et simple raison : elles sont, malgré le risque et les inévitables pertes afférentes, à long aller, bien plus rentables que la gestion d’un réseau d’agence, avec des centaines d’employés, qui collectent l’épargne et prêtent aux entreprises et aux particuliers. Surtout, elles génèrent des boni pour les traders, évidemment, sur lesquels on fait porter l’opprobre, mais surtout pour leurs dirigeants.

Le premier réflexe de nombre de gouvernements a été d’envisager de revenir à l’ancienne séparation des banques commerciales ou de dépôt (celles qui collectent les dépôts des particuliers et entreprises, et prêtent à ces mêmes entreprises) et les banques qu’on appelait d’affaires ou de marché qui opèrent en Bourse pour compte propre.

Il est vrai que la suppression de cette distinction historique a été l’une des principales dérégulations. Il y avait donc une certaine logique à ce que son retour soit immédiatement évoqué. La mesure avait, en plus, l’avantage de paraître simple et de bon sens au grand public.

Les lobbies à la manœuvre contre les régulations

Aux Etats-Unis le lobby bancaire a joué assez finement. La loi préparée par Paul Volcker, ancien Président de la Réserve fédérale, très amendée par le Sénat, autorise les banques de dépôt à spéculer avec 3% de leurs fonds propres et les Etats-Unis refusent les accords de Bâle III.

En Grande Bretagne, point de séparation, mais la réforme Vickers impose deux ratios prudentiels sévères. Les banques devront d’abord avoir 10% de leurs actifs (aussi bien de leurs encours de crédit que de leurs risques sur les marchés) en capitaux propres, alors que la règle dite de Bâle III qui devrait s’imposer à toutes les banques du monde, mais dont les Etats-Unis se fichent totalement, n’impose que 7%.

Les banques devront aussi avoir aussi en fonds rapidement mobilisables, donc des titres vendables sans risques et très vite, 17% des mêmes actifs. Mais la sévérité de la loi est atténuée par le double fait qu’elle n’est pas encore présentée au Parlement, le gouvernement britannique s’étant engagé à le faire avant 2015, et qu’elle ne s’appliquera que progressivement jusqu’en 2019. Ce qui laisse évidemment le temps aux lobbies pour la subvertir ?

Et chez nous ? François Hollande avait clairement évoqué, lui aussi, le retour à la séparation entre banques de dépôt et banques de marché ou d’affaires comme avant 1984. La réforme présentée au Conseil des ministres est moins tranchée. Plus vraiment de séparation institutionnelle ! Les banques pourront continuer à faire les deux métiers mais elles devront filialiser l’activité de dépôt et crédit. Les « banquiers visiteurs du soir » de Bercy ont réussi à convaincre le ministre de leur laisser les deux sources de profits, en expliquant que Dexia mise à part, les banques françaises avaient mieux résisté au choc américain parce qu’elles étaient universelles, ce qui est vrai.

Deux ratios de solvabilité différents

Mais on peut se poser la question de savoir pourquoi dans ces conditions ne pas avoir emprunté, en la rendant immédiatement applicable, la voie britannique. C’eût été encore plus simple !

Les banques doivent satisfaire à des normes prudentielles. Un cœfficient de solvabilité (le 10% britannique ci-dessus) qui est le rapport de leurs fonds propres (leurs capitaux propres et les bénéfices mis en réserve) à l’ensemble de leurs risques, et un ratio de liquidité (rapport entre le montant de leurs dépôts et les liquidités qu’elles détiennent et actifs à court terme qu’elles peuvent revendre pour avoir immédiatement de nouvelles liquidités).

Il serait donc plus simple de dissuader les banques de spéculer en distinguant deux ratios de solvabilité : un pour les crédits qu’elles font aux particuliers et aux entreprises et un autre pour leurs risques sur les marchés. Par exemple, au lieu de 8% pour les deux (taux actuel), 15% pour les risques sur marché, y compris les risques dits « hors bilan », et 3% voire 2% pour les risques sur crédits. Ainsi on augmenterait la rentabilité possible sur les crédits et on diminuerait la rentabilité sur les opérations de marché. On inciterait donc fortement nos banques à revenir à leur vielle activité de financement des millions de PME, dont la France a aujourd’hui particulièrement besoin.

La Commission bancaire, qui vérifie en détail chaque année les comptes des banques, est tout à fait capable de contrôler le respect de ces normes à posteriori avec de fortes sanctions à la clé.

Les obstacles aux contrôles

Il n’y a que deux obstacles à ces contrôles. D’abord les opérations dites de « trading haute fréquence », c’est-à-dire celles générés par des robots qui opèrent à la milliseconde en réaction à l’évolution instantanée d’un marché. Le gouvernement les a très justement interdites. Encore faut-il des contrôles inopinés avec lourdes sanctions à la clé !

Autre difficultés de contrôle : les opérations dites « hors bilan », c’est-à-dire les swaps (ou échanges de services de titres), les contrats dits de future, (paris sur la hausse (achat) ou la baisse (vente) d’un titre) , les caps (plafonds) et floor (planchers) par lesquels on garantit à un emprunteur que le coût de son emprunt est plafonné ou, au prêteur, un minimum de rendement de son prêt, ou, encore, les fameux CDS (assurance sur la faillite d’un emprunteur).

L’imagination des financiers étant sans limite, il y en a, sans aucun doute, beaucoup d’autres outils de spéculation de ce type. Leur écriture est obligatoire mais ils peuvent être dissimulés tant que le gain ou la perte ne sont pas actés. Ces opérations sont devenues majoritaires. Toutefois, la Commission bancaire a déjà depuis longtemps appris à les contrôler.

A ces deux ratios de solvabilité peut s’ajouter, comme en Grande Bretagne, et comme prévu dans Bâle III, un ratio de liquidité plus sévère.

L’intérêt de cette nouvelle régulation, c’eût été tout simplement qu’il n’y avait pas besoin de loi pour la décider. C’est une décision des autorités bancaires. Sans doute rentrerait-elle en litige avec le ratio unique de solvabilité de 8% fixé dans Bâle II (2006) et modifié dans Bâle III (2010), avec un ratio de 7%, auquel doit s’ajouter un « matelas » de 2,5% progressivement constitué. Il faudrait négocier au niveau européen, les Américains ayant dores et déjà refusé d’appliquer ces ratios.

Surtout, c’était une mesure particulièrement favorable au redressement des entreprises en difficulté et à la croissance.

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 18:46

 

Le Monde - Blog -

 

Des milliers de retraités allemands ont été relogés en Europe de l'Est, faute de pouvoir payer les maisons de retraite en Allemagne. (AFP PHOTO DDP/ VOLKER HARTMANN)

 

De plus en plus de vieux Allemands malades sont envoyés dans des maisons de retraite et des centres de rééducation à l'étranger en raison de la hausse des prix et de la dégradation de la qualité des traitements en Allemagne. En 2011, environ 7 140 Allemands vivaient dans des maisons de retraite en Hongrie, 3 000 en République tchèque, et un peu plus de 600 en Slovaquie – un flux qualifié de "déportation inhumaine" par les organisations sociales.

Et la tendance n'est pas près de diminuer, compte tenu du système de santé allemand, trop cher (entre 2 900 euros et 3 400 euros par mois pour une chambre dans une maison de retraite), et du vieillissement de la population. Pour les experts interrogés par The Guardian, c'est une "bombe à retardement". Alors que pendant des années les migrants d'Europe de l'Est ont pallié la pénurie d'infirmiers en Allemagne, le départ des retraités de Hambourg, Berlin ou Francfort vers la Pologne ou la Hongrie indique que même l'arrivée de travailleurs non qualifiés n'a pas permis de résoudre la crise du secteur.

L'Association sociale d'Allemagne (Sozialverband Deutschland – VdK) "tire la sonnette d'alarme" et réclame une intervention des pouvoirs publics. "On ne peut tout simplement pas laisser ces personnes, qui ont construit l'Allemagne telle qu'elle est aujourd'hui,  être déportées", a déclaré Ulrike Mascher, présidente du VdK.

Selon les statistiques gouvernementales, 400 000 seniors allemands seraient dans l'impossibilité de payer leur maison de retraite – une tendance qui augmente de 5 % par an. The Guardian a rencontré de nombreux retraités allemands partis en Hongrie, en Thaïlande ou en Grèce, ainsi que de nombreux entrepreneurs à l'origine de nouvelles maisons de retraite dédiées à ce marché florissant.

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 18:24

 

 

Rue89 - Et l’égalité, bordel ? 29/12/2012 à 12h18
Mathieu Deslandes | Journaliste Rue89

 


 

Gérard Depardieu, à Berlin, le 2 octobre 2012 (Walterscheid/Agency People Image/SIPA)

 

C’est la promesse grâce à laquelle François Hollande avait dragué bon nombre d’électeurs plus à gauche que lui : il voulait taxer à 75% les revenus supérieurs à un million d’euros. Parfaitement ambigu dans sa formulation, cet engagement avait fait un carton.

Vidée d’une grande partie de sa substance à force d’exceptions, et limitée dans le temps, la mesure avait tout de même été votée dans la foulée du budget 2013. C’est l’article 12 de la loi de finances.

Un article que le conseil constitutionnel, saisi par des parlementaires UMP, a décidé de retoquer.

Dans leur décision, les « Sages » ne mettent pas en cause le principe d’une taxation à 75%, mais son mode de calcul : « cette contribution était assise sur les revenus de chaque personne physique » alors que l’impôt sur le revenu est prélevé par foyer.

« L’égalité devant les charges publiques »

Cela signifie que deux ménages qui gagnent le même (très haut) revenu n’auraient pas du tout été imposés de la même manière selon que le revenu provenait des deux membres du couple ou d’un seul.

Prenons un premier couple : la femme gagne 1,3 million d’euros par an, son mari ne travaille pas. Ils auraient dû payer 75% d’impôts sur 300 000 euros.

Leurs voisins, eux, travaillent tous les deux et gagnent chacun 700 000 euros. C’est un ménage certes plus aisé, mais il n’aurait pas été taxé à 75% puisque aucun des deux membres du couple n’a, à lui seul, de revenus supérieurs à un million d’euros.

Le conseil constitutionnel a donc jugé que « le Législateur » avait piétiné un principe essentiel : « l’égalité devant les charges publiques ».

« Un dispositif nouveau »

Sitôt cette décision connue, l’UMP s’en est donnée à coeur joie sur le thème de l’amateurisme.

Au nom du PS, Harlem Désir a « dénonc[é] les manœuvres de la droite et ses déplorables tentatives d’obstruction à la justice fiscale ».

Réaction amère du député socialiste Pascal Terrasse :

« 4300 foyers fiscaux ayant de très haut revenus viennent d’échapper à la taxation à 75% au delà d’1 million d’€ ! Par la grâce des sages. »

Jean-Marc Ayrault, de son côté, a promis « un dispositif nouveau » dans la prochaine loi de finances.

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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 17:44

 

Libération
27 décembre 2012 à 22:26 (Mis à jour: 28 décembre 2012 à 15:32)
La «machine» de la papeterie M-Real, à Alizay (Eure), 114mètres de long. Après six mois de négociations, l’usine a été provisoirement reprise par le conseil général.
La «machine» de la papeterie M-Real, à Alizay (Eure), 114mètres de long. Après six mois de négociations, l’usine a été provisoirement reprise par le conseil général. (Photo Laurent Troude pour Libération)

 

 

Reportage Licenciements, guichets départs, fermetures de sites ou reprise d’activité avec ou sans intervention de l’Etat : «Libération» a sillonné la France des plans sociaux et rencontré ses acteurs en lutte.

Par FRÉDÉRIQUE ROUSSEL

La France du chômage, ce sont ces plans sociaux qui perlent dans des entreprises de tous ordres, touchant des salariés, des métiers, des territoires. Ce sont aussi des personnages, devenus hérauts sans le vouloir, des petits combats collectifs là-bas vus d’ici mais qui font remuer au plus haut. Reportage.

FOCAST
La fonderie dans l’ombre de Florange

Parqués comme du bétail sur la place de la Concorde, «avec pour seules commodités le mur du jardin des Tuileries pour les hommes, et un accompagnement sous bonne garde, deux à deux, pour les femmes». Dans leur lettre au président de la République, les Soissonnais écument de rage et d’humiliation. Venus manifester à Paris le 5 décembre, 240 élus et salariés d’entreprises en difficulté ont été immobilisés manu militari pendant quatre heures. La banderole énumérant la litanie des fermetures (Jacob Delafon, AR Carton, Wolber-Michelin, Chappée, Ottawa, Becuwe, Trailor, Berthier, BSL industries) a été ignorée. Le même jour, les syndicats de Florange négociaient à Matignon. Même si, avec 600 emplois menacés, 7 000 disparus dans leur bassin depuis trente-quatre ans, ils invoquent leur «douzième Florange». Le slogan leur paraissait vendeur.

Trois jours plus tard, la colère reste à vif. La route qui part de la gare de Soissons (Aisne) vers Villeneuve-Saint-Germain ressemble à un champ d’honneur. Cet intervalle géographique comptait 5 000 emplois dans les années 80, 500 aujourd’hui. Il y avait de tout : du verre, du pneu, de la fonte, de l’acier, de l’inox. Le plus gros employeur ici, désormais, avance-t-on en riant jaune, c’est l’hôpital et la mairie. A gauche, l’ancienne usine de pneus de vélo Wolber, filiale de Michelin, fermée en 2000. Plus loin, une cartonnerie liquidée deux fois, tombée à 50 emplois. Puis BSL Industries (chaudronnerie), liquidée en 2003. BSL Tubes et Raccords a en revanche été repris en 2010 par Genoyer. Puis les braises du moment : la fonderie Focast Picardie et l’assemblier de chaudières Baxi.

Un «C MORT» en lettres jaunes s’étale sur les briques de la fonderie. Edifiée en 1883 par Albert Piat, l’usine ne tourne plus. Le tribunal de commerce a prononcé sa liquidation le 29 novembre, à la consternation des 129 salariés. A l’entrée, des tiroirs bleu ciel avec le nom des gars pour les tenues de travail. Dans les lieux, jamais en repos sous le régime des 3x8, le bruit des pas se fait mat. La poignée d’ouvriers rassemblés autour du four à fusion éteint en parlent à l’imparfait. Son carburant, sa chaleur, le bruit. Ils ont travaillé jusqu’à la dernière pièce en fonte. Pour la plupart, c’est le triste épilogue d’un turn over local. Ballottés d’une usine à l’autre.

Cet après-midi, Franck Casola, CGT, 43 ans, vingt et un ans d’ancienneté, va tenter d’arracher en comité d’entreprise les meilleures conditions de départ. 2013 commencera à Pôle Emploi. La peine n’a pourtant pas été ménagée pour dénicher un repreneur. Le seul candidat a reculé devant un investissement voué à des pertes pour les trois ans à venir.

A côté de la fonderie, il y a sa sœur Baxi, propriété de BDR Thermea. En sursis. Sa fermeture dans deux ans a été annoncée le 15 octobre. Et, plus loin sur la zone, la plateforme Geodis Logistics stoppée depuis la mi-décembre, après la fin d’un contrat avec Carrefour. Les lettres de licenciement des 74 CDI partent le 31 décembre. Mais il y a aussi le centre d’appels Transcom France, en procédure de sauvegarde. Au total, 600 emplois sur le carreau ou sur le point de l’être, d’où le «Florange» invoqué à Paris. «Soissons affiche un taux de chômage de 20,4% et la Picardie, première région ouvrière de France, se situe en dessous du PIB moyen», alerte Jean-Marie Carré, président (PS) de la communauté d’agglomération du Soissonnais. Depuis le début des années 70, la désindustrialisation a grignoté le Grand Soissons, qui compte aujourd’hui 70 hectares de friches orphelines. Un territoire à gauche qui a voté à 27% pour l’extrême droite à la présidentielle, soit 10 points de plus que la moyenne nationale.

Focast fermée, les salariés de Baxi, en suspens jusqu’à fin 2014, n’ont pas le moral. Dans une lettre, la direction générale les a incités à reprendre la cadence, tombée à 50% depuis l’annonce de la fermeture. Sur 115 références de chaudières, 52 sont aujourd’hui en rupture. Mais comment se motiver quand une usine qui comptait 900 salariés en 1976 va mettre les 140 restants dehors ? Dans le Soissonnais, tout le monde a au moins un membre de sa famille passé par Baxi. L’argument économique est imparable : le marché du chauffage au sol affiche un recul de 15% au profit du mural. Et la réglementation européenne interdit les chaudières basse température à partir du 1er janvier 2015, 70% de la production de Baxi.

Ici, tous ont déjà vécu un plan social, en 2008, des bouts de délocalisation, en Turquie pour l’acier, en Italie pour les brûleurs. Avant, tout était fait sur place. «On peut trouver quelqu’un qui pourrait s’installer ici dans la tôlerie fine», tente de convaincre Jean-Marie Carré, le président de la communauté d’agglo. «Après les pneus, Wolbert a fait des meubles, on sait comment ça s’est terminé, oppose Manuel, un contrôleur amer. Si c’est pour rester un an et se barrer avec notre argent, je n’y crois pas.» L’agglomération tente de revivifier les zones abandonnées, d’attirer les entreprises. Mais les emplois créés ne comblent pas l’hémorragie. «On n’est pas que des pleureurs. On demande qu’une solidarité nationale s’exerce sur le territoire», insiste Jean-Marie Carré, qui réclame de l’Etat une conférence territoriale et une augmentation des fonds régionaux européens, sur lesquels une réunion se tiendra finalement le 11 janvier avec le préfet de l’Aisne.

COOP ALSACE
Une institution grignotée par la grande distribution

«On est en train de mourir en silence.» Les syndicats de la Coop Alsace, premier distributeur alimentaire indépendant de la région, sont inquiets. Au point d’avoir décidé d’alerter l’opinion, pour pousser la direction à sortir du bois. «Depuis deux ans, on crie au loup», explique Laurent Hobel, de FO. Ce chauffeur livreur à la Coop depuis quatorze ans, physique massif et regard clair perçant, incarne l’intersyndicale. On ne parle que de Florange, de Doux, mais pas d’eux. Du coup, ils ont exceptionnellement accueilli la presse dans la plateforme logistique implantée en 1976 à Reichstett, au nord de Strasbourg.

La «Coopé» en Alsace est une institution. Depuis le premier magasin en 1902 rue des Dentelles, l’entreprise s’est développée, a fait la pluie et le beau temps dans le commerce de proximité, desservant les communes de la région. Derrière l’église, disait-on, il y a la Coopé. Mais elle a été rattrapée par la grande distribution. Des pertes faramineuses, 120 millions de dettes et une prise de contrôle partielle à 34%, le 1er septembre, par Leclerc, chez qui la Coop avait décidé de s’approvisionner en 2009 après Cora.

A la veille du repas de Noël, les membres du CE décorent la cantine de Reichstett. «Regardez comme c’est calme, dit le syndicaliste Marc Bur, de la CGC, en désignant l’extérieur, seulement trois camions de liquide viennent s’approvisionner là où il y en avait 33 auparavant.» Certaines allées de l’entrepôt sont vides de produits. La direction a ramené la valeur du stock de 13 à 6 millions. Pascal Enger accroche des carillons de boules au plafond, mais le cœur n’y est pas. «Les collègues n’en peuvent plus. L’absentéisme, de 6% cet été, en est à 9% en novembre.» Les derniers volontaires du plan social (409 départs) sont partis en août. L’annonce d’un nouveau PSE de plusieurs centaines de postes se profile pour mi-janvier.

Depuis le 1er septembre, la Coop Alsace est désormais divisée en trois branches de 2 600 salariés au total : la première sur laquelle s’est positionné Leclerc, HyperCoop, regroupe six hypermarchés et 22 Leclerc Express, soit 1 508 salariés. La seconde branche, Coop Magasins de Proximité (CMP), rassemble 144 Proxi, soit 559 emplois. Des enseignes qui enregistrent une baisse d’activité de 15% en moyenne, certaines jetant plus de fruits et légumes qu’ils n’en vendent. «On pâtit de la transformation récente des magasins aux couleurs de Casino, notre partenaire, et de la proximité des Super U, moins chers», renchérit Marc Bur. Quant à la troisième branche, l’UCA (Union des coopérateurs d’Alsace), la menace de compression est tangible : la fermeture de la boulangerie du Port du Rhin (18 salariés), un quartier de Strasbourg, est programmée, la boucherie (90 personnes) serait en vente et les services administratifs et logistiques risquent d’être touchés.

Au-delà de la Coop, c’est la mission sociale (points poste, livraison à domicile) de ses épiceries du coin, présentes sur une centaine de communes, qui va souffrir, fait valoir Laurent Hobel. Sans parler des répercussions sur les industries agroalimentaires alsaciennes. Et de citer la brasserie Meteor, les pâtes Grand-Mère, les maraîchers d’Alsace… «Il faudrait que la région s’implique», conclut-t-il, prononçant même le mot de «régionalisation».

M-REAL
La papeterie sauvée par une «départementalisation»

La mairie à colombages du petit village de 1 500 habitants pavoise avec sur son fronton : «Alizay salue la victoire des M-Real.» Rendez-vous jeudi pour fêter ça à la salle polyvalente, convie le maire, Gaëtan Levitre, PCF. Le conseil général de l’Eure a mouillé sa chemise et voté à l’unanimité, le 11 décembre, la reprise de la papeterie pour 22,2 millions d’euros. Une prise de contrôle temporaire, pour revendre la plus grande partie du site, 15 millions, au papetier thaïlandais Double A, et la centrale biomasse pour 3 millions au producteur d’électricité et de chaleur français Neoen. Le troisième lot, de 28 hectares, sera remis à un établissement foncier pour un port fluvial en bord de Seine.

Ce lundi 17 décembre, une centaine de personnes sont rassemblées devant M-Real pour une assemblée générale. Même le successeur de Bernard Thibault, Thierry Le Paon, a fait le trajet depuis Paris pour donner du lustre au moment. Dans l’auditorium comble, on attend comme des héros les trois syndicalistes CGT et CGC qui n’ont jamais lâché. «On avait juré que l’usine repartirait, entame Thierry Philippot, CGT, ému aux larmes. Notre histoire restera dans le livre des luttes sociales de ce pays.» Dénouement heureux de six mois de négociations, depuis l’arrêt de la papeterie en avril - «330 salariés dehors, 550 avec les sous-traitants». Le bras de fer dure en réalité depuis six ans : depuis le premier PSE en 2006, l’arrêt de la pâte à papier en 2009, suivi du plan social de 2011. Les six derniers mois ont été intensifs pour fédérer les énergies. «Les bûcherons [le propriétaire finlandais, Metsa Board, ndlr] n’avaient pas l’intention de vendre, on l’a obtenu par la force.» Et le seul moyen de concilier le propriétaire et l’acquéreur Double A, fâchés, c’était de passer par l’Etat. «Votre lutte est exemplaire, adresse Thierry Le Paon. Il est des jours où on peut dire victoire dans l’attente de revoir la fumée des cheminées.» L’occasion aussi de marteler que de nouveaux droits doivent être donnés aux salariés.

Le local syndical, situé près du portail qui mène aux deux chaudières culminant à plus de 70 mètres au-dessus de la vallée de l’Andelle, a connu des journées homériques. Une fourmilière où circule Jean-Yves Le Mahieu, l’autre délégué CGT, avec sa grande barbe blanche, ses bagues et ses tatouages. «On n’est pas tout à fait au bout du tunnel», préfère-t-il énoncer, dans l’attente de la signature définitive, vers le 15 janvier, et des conditions d’embauche. Le Mahieu bossait sur l’extrémité de «la machine», à la bobineuse. A M-Real, un des repères chronologiques, c’est la construction en 1991 de cet immense engin de 114 mètres de long, un des plus grands en Europe. Il y a ceux qui ont connu le chantier, et ceux qui sont venus après. A un bout arrivait la pâte à papier, de l’autre sortaient les feuilles sur les mandrins. «Elle n’est pas obsolète, lâche Le Mahieu, c’est une des raisons pour lesquelles on s’est battus.» Avant, le site partait du copeau de bois jusqu’à la ramette de A4, 800 tonnes de papier par jour. «Quand ils ont fermé la partie pâte en 2009, relate un ouvrier, c’était comme couper la branche morte pour sauver l’arbre, mais on sentait que cela sonnait la mort annoncée du site.» Tout l’arsenal possible a été dégainé à M-Real. Les conseils général et régional ont financé une étude d’un spécialiste du papier, le Pr Lachenal, qui proposait des solutions alternatives, comme la production de bioéthanol ou de pâte à papier textile. En vain. Un vœu d’expropriation, suggéré par le PC et le NPA, a même été voté et une procédure a été menée jusqu’à la Commission européenne.

«Cinquante ans qu’on vit à côté de ce fleuron industriel», défend Gaëtan Levitre, 63 ans, conseiller général, ancien chaudronnier «licencié», qui a connu les grèves de 1980 à la papeterie, où les chars avaient été envoyés de crainte que les ouvriers n’ouvrent les vannes de chlore. «En 2009, nous avons créé un collectif de syndicats, d’élus, de représentants de partis politiques qui se réunissait toutes les semaines en mairie d’Alizay», raconte l’élu qui liste 35 entreprises sur le territoire (800 à 1 000 emplois). C’est aussi un collectif d’une quinzaine de salariés et directeurs qui veille à l’entretien de l’usine depuis avril. «On est arrivés à un accord : on acceptait les licenciements en arrêtant de se battre, mais on gardait une équipe pour maintenir l’équipement en état, avec une deadline au 31 décembre 2012», explique Eric Lardeur, CGC, ingénieur. L’équipe de «réindus» officie toujours, fait tourner «la machine» régulièrement, propulse de l’air comprimé dans les tuyaux, entretient la station d’épuration. En parallèle, l’équipe fait le suivi des collègues licenciés, dont 120 (sur 330) ont trouvé un emploi et, parmi eux, 60 en CDI. «La valeur ajoutée ici, renchérit Eric Lardeur, c’est le personnel encore disponible qu’on contacte pour savoir s’il est prêt à revenir.» Car Double A s’est engagé à prendre entre 200 et 250 personnes.

Mais attention, prévient Jean-Louis Destans, le président du conseil général de l’Eure, «ce n’est ni une nationalisation ni une départementalisation. Nous avons joué le rôle de facilitateur avec le soutien de l’Etat pour un portage d’une nanoseconde». Le nom de M-Real reste aussi gravé symboliquement sur la proposition de loi sur la cession obligatoire de sites rentables, «débattue lors d’une nuit mémorable, que quatre ministres du gouvernement ont obstinément refusée», a rappelé à l’assemblée générale François Loncle, député (PS) de l’Eure. «Une loi qu’il faut continuer à pousser.» Destans traduit la philosophie politique de l’affaire M-Real : «La main invisible du marché ne fait pas tout. La puissance publique peut jouer un rôle intelligent.» A M-Real, on espère redémarrer au printemps. L’histoire ne s’arrête donc pas là. Alors que la Coop Alsace reste suspendue à une restructuration et qu’à Focast, dans l’Aisne, le four restera froid.


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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 16:56

 

Rue89 -Coup de gueule 28/12/2012 à 13h11

  Eric Beynel | syndicaliste, porte parole de l'Union syndicale Solidaires

 

Tribune

Vendredi 21 décembre, sur Europe 1, le président Hollande a de nouveau appelé les « partenaires sociaux » à un compromis historique sur la « sécurisation de l’emploi » pour conclure leurs négociations :

« Je l’appelle, ce compromis, plus que jamais ce matin. »

Mais la succession de l’affaire des Pigeons, du pacte national pour la compétitivité, du renoncement à une nationalisation transitoire de Florange et du refus d’un coup de pouce au smic renforce symboliquement la position du patronat dans ces négociations. Du coup, malgré le report d’une conclusion de la négociation au mois de janvier, il est aisé de constater de quel côté penche la balance et de prédire l’issue de ces négociations.

L’interview de Francis Kramarz sur Rue89 participe elle aussi au rapport de force. L’économiste était membre du groupe d’experts sur le smic, lequel groupe a rendu il y a quelques jours ses dernières recommandations, qui ont réjouit le patronat – tellement bruyamment que le gouvernement a du prendre ses distances.

Les quelques pistes que propose l’économiste dans cet article reprennent d’ailleurs les mêmes recettes et ne sont pas pour déplaire au Medef.

On adapte déjà les effectifs à la conjoncture

 


Tommy Lee-Jones dans « The Company Men » (Capture d’&eacute ; cran)

 

Commençons par les licenciements économiques. Pour rappel, il s’agit, selon le Code du travail, des licenciements qui résultent d’une suppression ou d’une transformation d’emploi, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Il faut, dit Francis Kramarz, faciliter ces licenciements-là et essayer d’éviter au maximum les contraintes aux entreprises dans ce cadre. Selon l’économiste :

« Les licenciements économiques, induits par les aléas de l’activité d’une entreprise, ne se résolvent pas en empêchant l’entreprise de se réorganiser. »

Le Centre d’études de l’emploi (CEE) réfute pourtant l’argument depuis un moment, dans une note de septembre 2010 :

« Les règles en œuvre sur le marché du travail n’empêchent pas les employeurs d’adapter leurs effectifs à la conjoncture. »

Les nombreux licenciements opérés depuis le début de la crise économique actuelle en sont la preuve, poursuivent les chercheurs du CEE. Le droit du travail n’empêche pas les entreprises de licencier et de s’adapter à la conjoncture. La demande de faciliter les licenciements économiques n’est là en fait que pour permettre de faciliter l’ensemble des licenciements.

Il n’est pas interdit de réorganiser

Une autre critique est régulièrement faite au licenciement économique : puisqu’il faut une cause réelle et sérieuse pour justifier le licenciement économique, l’employeur se retrouve pieds et poings liés s’il veut réorganiser son entreprise alors qu’il ne traverse pas une crise.

Là encore, le CEE réfute l’argument :

« Le principe selon lequel seule la “sauvegarde de la compétitivité” et non son “amélioration”, constituerait une cause économique réelle et sérieuse de licenciement ne doit pas être entendu comme interdisant les réorganisations.

Un employeur peut légitimement anticiper des difficultés économiques prévisibles et “mettre à profit une situation financière saine pour adapter ses structures à l’évolution de son marché dans les meilleures conditions” (arrêt Pages Jaunes de 2006 de la Cour de Cassation). »

Rupture conventionnelle : l’effet pervers ?

Francis Kramarz, sur sa lancée, retient surtout de la rupture conventionnelle qu’elle donne droit à l’assurance chômage, ce qui constitue, selon lui, un effet pervers !

Il ne s’intéresse pas, en revanche, au fait que les entreprises l’utilisent pour se débarrasser de salariés en faisant pression sur eux.

Le reste des propositions de Francis Kramarz est à l’avenant. Il se permet même de terminer par une ode à la libéralisation des transports pour faciliter la mobilité des salariés : nos amis londoniens apprécieront la pertinence de l’analyse.

Sous un couvert technique et scientifique, c’est bien une prise de position politique de soutien aux patronats dont il s’agit. Une de plus.

Taxons les CDD, limitons la sous-traitance

Pourtant, d’autres pistes existent pour répondre aux questions posées :

L’encadrement strict du recours aux CDD, avec notamment :

  • une taxation forte et dissuasive des embauches en CDD ;
  • la limitation des emplois précaires à 5% maximum.

Le CDD doit concerner exclusivement des situations particulières, comme les remplacements pour absences légales (maladies, formations, etc.). La limitation de la sous-traitance à deux niveaux au maximum – un seul dans le BTP – et son interdiction totale pour les travaux dangereux ou insalubres doivent aussi être envisagées.

Il faut également instaurer une obligation de résultat du reclassement pour éviter qu’il ne débouche sur des déclassements professionnels et des emplois précaires.

L’urgence est à la construction d’un nouveau statut des salariés qui permette une continuité des droits pour tous, avec le maintien du salaire, des droits acquis à la formation, de l’ancienneté, garantis par un fond patronal mutualisé (comme pour les accidents du travail). Et ce quelle que soit leur entreprise : grande, petite, entreprise donneuse d’ordre ou sous-traitante.

L’économie n’est pas une science, mais bel et bien un outil à ne pas mettre entre de mauvaises mains.

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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 15:10

 

LE MONDE | 28.12.2012 à 12h51 • Mis à jour le 28.12.2012 à 13h57 Par François Béguin et Catherine Rollot


 

 
Jean-Baptiste Eyraud, fondateur de Droit au logement, a offert un pied-de-biche à la ministre du logement, Cécile Duflot, le 25 décembre.

"Aucun responsable politique n'ouvre un bâtiment au pied-de-biche." La ministre du logement, Cécile Duflot, a répondu, jeudi 27 décembre, sur Europe 1 à l'impatience du collectif Droit au logement (DAL) qui lui avait offert, mardi, un pied-de-biche doré pour lui demander d'accélérer les réquisitions de logements vacants. Une procédure symboliquement très forte qu'elle s'était dite prête, fin octobre, à utiliser.

Lire : Cécile Duflot annonce des réquisitions de logements vides d'ici fin 2012

Son ministère avait demandé aux préfets des régions les plus tendues en matière de logements (Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur) de "se mettre en situation de procéder à des réquisitions d'ici à la fin de l'année".

A Paris, 44 bâtiments appartenant à 30 personnes morales ont été identifiés. "Dix-neuf propriétaires, correspondant à vingt-huit adresses, se sont manifestés. Cinq visites ont déjà eu lieu, six sont programmées", a annoncé le 20 décembre l'ex-préfet de Paris et d'Ile-de-France, Daniel Canepa, remercié depuis. Mais la procédure étant  "longue et complexe" les premières réquisitions ne pourront avoir lieu qu'en mars 2013, a reconnu, jeudi, le ministère du logement.

  • Le difficile recensement de la vacance

Le nombre de locaux vacants est estimé à environ 500 000 par l'Insee dans les sept plus grandes villes de France (Paris, Lyon, Marseille, Nice, Toulouse, Lille, Montpellier) et approcherait les 2,5 millions sur l'ensemble du territoire. Pour deux tiers, ces habitations appartiendraient à des personnes morales et pour un tiers à des particuliers.

Ces chiffres sont à prendre avec précaution car le recensement des logements effectivement vides est très difficile. Il peut se faire par l'examen des fichiers fiscaux (taxe d'habitation, taxe des logements vacants...), ou à partir des compteurs EDF fermés. Résultat : personne n'est à même de donner rapidement et avec précision le nombre de logements inoccupés.

"Il est certain qu'il existe aujourd'hui du patrimoine, des anciens logements d'instituteurs, anciens bâtiments d'habitation de ministères ou de grandes entreprises, qui sont inoccupés et peuvent être mis à disposition" pour une convention entre l'Etat et un bailleur social, une association, a déclaré Mme Duflot, lors d'un déplacement à Bordeaux, jeudi 27 décembre.

Ce patrimoine caché "est très difficile à identifier", a-t-elle reconnu, donc "il faut sensibiliser à cette question l'ensemble des services publics". "Administrations, professionnels... tous ceux et celles qui ont connaissance de ces bâtiments ou logements vacants sont invités à en faire part aux services de l'Etat, aux préfets", a-t-elle ajouté.

Un appel qui a suscité un tweet virulent du député UMP des Alpes-Maritimes, Lionnel Luca : "C. Duflot appelle à la délation sur les logements vacants. Finalement, on est content de la connaître en temps de paix..."

  • Deux cadres légaux

Deux procédures permettent de réquisitionner des logements vides pour y installer des mal-logés ou des sans-abri. Une ordonnance de 1945 stipule que tout local vide depuis plus de huit mois peut être réquisitionné. Sont concernés tout d'abord les locaux d'habitation, puis, à partir de 1956, ceux à caractère commercial ou professionnel. Une indemnité est prévue pour les propriétaires.

En 1998, un article de la loi de lutte contre les exclusions introduit un nouveau cadre législatif. Ne peuvent être réquisitionnés que des bâtiments appartenant à des personnes morales (banques, sociétés d'assurances, mutuelles, etc.), et vacants depuis plus de dix-huit mois. L'attributaire du local réquisitionné (Etat, organisme HLM, collectivité locale, association...) doit assurer les travaux nécessaires, la gestion locative, et verser une indemnité aux propriétaires.

Au terme de la réquisition, dont la durée est de un à six ans – pouvant être portée à douze ans dans le cas de gros travaux de remise en état –, les locaux sont restitués vides au propriétaire. C'est cette procédure que veut réactiver Mme Duflot.

  • Une possibilité utilisée avec parcimonie

En décembre 1994, alors qu'il était maire de Paris, Jacques Chirac avait réclamé l'application de l'ordonnance de 1945, sous la pression du DAL. Une cinquantaine d'habitations avaient alors été réquisitionnées.

Quelques mois après son élection à la présidence, en 2002, M. Chirac ordonne la réquisition d'un peu plus de 1 000 logements vacants en Ile-de-France, situés dans les arrondissements du centre et de l'ouest de Paris. Ces logements, qui appartenaient à des institutionnels (banques et assurances), ont été réquisitionnés pendant cinq ans puis, pour la plupart, rachetés par des bailleurs sociaux pour en faire des HLM.

En 2001, Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement du gouvernement de Lionel Jospin, annonçait la réquisition de 308 logements et de 120 équivalent chambres à Paris et en Ile-de-France. Une deuxième vague de réquisitions était prévue dans d'autres départements d'Ile-de-France et dans les grandes agglomérations de province, qui devait porter sur quelque 300 logements. Ce programme sera finalement revu à la baisse.

Faute de temps et de moyens, Mme Lienemann, aujourd'hui sénatrice PS de Paris, admet que les résultats n'ont pas été à la hauteur de ses espérances. "Sur les 4 000 logements repérés par mes services, 1 200 ont été visités, et seulement 147 ont finalement été réquisitionnés à Paris, et entre 70 et 80 en province", se rappelle-t-elle.

  • Des résultats aléatoires

La réquisition d'un logement est un processus lent. Il faut d'abord repérer les logements, puis contacter les propriétaires, et ensuite les visiter pour évaluer si le lieu est transformable en logement habitable. Surtout, le volume d'habitations susceptibles d'être réquisitionnées peut se réduire comme peau de chagrin pour de multiples raisons.

La résidence visée peut menacer ruine ou nécessiter des travaux trop coûteux pour être remise en état. Le propriétaire peut interrompre la procédure en prouvant qu'il va remettre son bien sur le marché. "Pour avoir une chance que ça marche, il faut disposer d'un service consacré au suivi du parc de logements vacants, et qui puisse mettre la pression sur les propriétaires récalcitrants, considère Mme Lienemann. Beaucoup de biens peuvent être récupérés par la persuasion. La réquisition doit d'abord être utilisée comme une arme de dissuasion massive", poursuit la sénatrice.

A la Fondation Abbé-Pierre, Christophe Robert, délégué général adjoint, met en garde : "Il ne faut surtout pas laisser croire que la réquisition est la solution miracle à la crise du logement, alors que l'on sait très bien que sa portée est limitée. Ce ne doit être qu'un outil parmi d'autres." Benoist Apparu, député UMP et ancien ministre du logement, a estimé, jeudi sur RTL, que "les réquisitions, c'est du vent, ça n'a jamais fonctionné.(...) C'est contre-productif".

  • Un durcissement législatif

Pour lutter contre les bâtiments inoccupés, le gouvernement a fait adopter dans la loi de finances pour 2013 un durcissement et une augmentation de la taxe sur les logements vacants. Désormais, toutes les villes de plus de 50 000 habitants (contre 200 000 auparavant) seront concernées. Le taux de la taxe, basé sur la valeur foncière du bien, sera de 12,5 % la première année et de 25 % la deuxième, contre 10 % et 12,5 % précédemment.

Pour rendre les procédures de réquisition "plus efficaces et en faciliter la mise en œuvre", Mme Duflot a également intégré dans sa loi sur "la mobilisation du foncier en faveur du logement" deux dispositions pour encadrer plus strictement les obligations des propriétaires et réduire à douze mois, contre dix-huit actuellement, le délai au terme duquel un logement est déclaré vacant.

Censuré une première fois par le Conseil constitutionnel le 24 octobre, le projet de loi a été revoté par le Parlement en décembre et attend aujourd'hui d'être promulgué par le président de la République pour entrer en vigueur.

Lire le compte rendu du chat avec Julien Damon, auteur de La Question SDF : Aide aux sans-abri : L'Etat ferait mieux de réquisitionner ses propres bâtiments

Lire : Imbroglio autour de la fermeture d'hôtels sociaux en Ile-de-France

François Béguin et Catherine Rollot

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28 décembre 2012 5 28 /12 /décembre /2012 15:01

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 28.12.2012 à 12h09 • Mis à jour le 28.12.2012 à 13h49

 
 
La moindre hausse du PIB résulte de l'intégration de nouvelles informations comme la baisse dans la production de services de transport, l'investissement et la consommation de services.

La croissance de l'économie française au troisième trimestre a été révisée à la baisse à 0,1 % contre une précédente estimation de 0,2 %, a annoncé vendredi 28 décembre l'Insee, éloignant plus encore la possibilité d'atteindre l'objectif de croissance de 0,3 % du gouvernement pour 2012.

Le produit intérieur brut (PIB) de la France s'est contracté de 0,1 % au deuxième trimestre par rapport aux trois mois précédents, a précisé l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), maintenant le chiffre publié en novembre.

La moindre hausse du PIB au troisième trimestre par rapport à l'estimation publiée en novembre "résulte de l'intégration d'informations connues depuis lors", justifie l'Insee, "en particulier, la production de [services de] transport est désormais évaluée en recul" et l'investissement et la consommation de services sont "globalement un peu moins dynamiques".

 

L'OBJECTIF OFFICIEL DIFFICILEMENT ATTEIGNABLE

L'acquis de croissance du PIB pour l'ensemble de l'année, c'est-à-dire le résultat qui serait finalement constaté si la croissance était nulle au quatrième trimestre, a, lui aussi, été révisé en baisse par rapport à l'estimation donnée le mois dernier, à 0,1 % au lieu de 0,2 %.

Ce faible acquis rend difficilement accessible l'objectif officiel de 0,3 % de croissance en 2012 car il faudrait 0,7 % de croissance au quatrième trimestre pour y parvenir. Or, l'Insee a prévu dans sa dernière note de conjoncture publiée le 20 décembre un PIB des trois derniers mois de l'année de 0,2 % inférieur à celui des trois mois précédents.

La France échappe néanmoins à la récession, techniquement définie comme au moins deux trimestres consécutifs de contraction de l'activité, une situation qui devrait se maintenir au moins jusque fin juin, l'Insee prévoyant une croissance de 0,1 % pour chaque trimestre au premier semestre 2013.

 

 BAISSE DU POUVOIR D'ACHAT INDIVIDUEL

Par ailleurs, les chiffres détaillés diffusés vendredi montrent que le pouvoir d'achat individuel, mesuré par unité de consommation, un calcul qui tient compte de la composition des ménages et des évolutions démographiques, a reculé de 0,2 % au troisième trimestre après avoir augmenté de 0,2 % au cours des trois mois précédents.

Cela s'explique notamment par une forte accélération de la progression des impôts sur le revenu et le patrimoine (+ 3,8 % après + 0,9 %), due aux "mesures de renforcement des recettes fiscales votées pour redresser les finances publiques en 2012", explique l'Insee.

La masse salariale perçue par les ménages a vu sa hausse accélérer légèrement (+ 0,5 % après + 0,4 %) et "le dynamisme des prestations sociales ne faiblit pas (+ 0,9 % après + 0,9 %)", a précisé l'Insee.

Mais en tenant compte de la progression des impôts, le revenu disponible brut des ménages a ralenti en termes nominaux (inflation comprise) au troisième trimestre (+ 0,2 % après + 0,5 %). Les prix à la consommation ont progressé de 0,2 %, au même rythme qu'au trimestre précédent. Les ménages ont réduit leur épargne, très élevée en France. Son taux est passé de 16,4 % au deuxième trimestre à 16,2 % au troisième.

 

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 19:13

 

Lire aussi

C’est décidément un séisme social que connaît la France. Avec chaque mois, une nouvelle vague, de plus en plus formidable, de demandeurs d’emplois, nourrie par des plans sociaux à n'en plus finir, des charrettes interminables de licenciements ou de ruptures conventionnelles. Un séisme social, qui va porter le chômage dans le courant de l’année 2013 à un niveau historique et que François Hollande s’applique à minimiser, en promettant que la tendance va s’inverser dans le courant de l’année prochaine. Et pourtant, plus les mois passent et plus l’engagement apparaît fragile. Et surtout, moins le chef de l’Etat peut alléguer de l’héritage pour expliquer cette hausse dramatique. Car la politique d’austérité qu’il conduit commence à peser sur l’activité. Et la politique sociale, en outre, est notoirement sous-calibrée pour répondre à l’état d’urgence. En bref, cette vague sans précédent de chômage, François Hollande commence à en être lui-même partiellement responsable.

De fait, les chiffres sont catastrophiques. Pour le 19ème mois consécutif, le nombre des demandeurs d’emplois a en effet de nouveau progressé en novembre dernier. La hausse a touché précisément 29.300 personnes (+0,9%), ce qui porte le nombre des demandeurs d’emplois de la catégorie A, c’est-à-dire la catégorie la plus restreinte, à 3.132.600 en France métropolitaine. Sur an, la hausse est gigantesque : le nombre des demandeurs d’emplois a progressée de 304.600, soit une hausse de 10,8%.

Mais si on prend en compte le décompte le plus large, c’est-à-dire les catégories A, B, C, D et E, on parvient à un décompte encore plus vertigineux. Le nombre des demandeurs d’emplois est dans ce cas passé de 4.819.300 en novembre 2011 à 5.241.900 en novembre 2012, ce qui correspond à une hausse annuelle de 422.600 personnes. Ce qui laisse sous-entendre que la pauvreté doit, elle-même, gagner actuellement beaucoup de terrain et pourrait franchir la barre des 10 millions de personnes dans le courant de l’année 2013.

La version intégrale du bilan de Pôle emploi à fin novembre peut être téléchargée ici. Voici ci-dessous le tableau qui présente les chiffres principaux:

 

« La débâcle de l’austérité »

Le plus préoccupant, c’est que, selon toute vraisemblance, les prochains mois seront aussi sombres. C’est ce que suggère la dernière « Note de conjoncture » publiée le 20 décembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) (Lire L’alarmante radiographie de l’échec économique). L’Insee fait en effet valoir que la France devrait rester enlisée dans une situation de croissance zéro. Et, de ce fait, la France est en passe de battre le record historique du taux chômage de 11,2 % de la population active qu’elle avait atteint dans le courant de l’année 1997, comme le met en évidence le graphique ci-dessous. Après avoir atteint un point bas à 7,7 % au deuxième trimestre de 2008, ce taux de chômage (y compris Dom-Tom) est reparti vertigineusement à la hausse. Et selon l’Insee, il pourrait culminer à 10,5 % fin décembre 2012 avant d’atteindre 10,9 % à fin juin 2013. 

 

 

Toujours selon l’Insee, le nombre des chômeurs (au sens du BIT), après avoir augmenté de 226.000 en 2012, devrait continuer de progresser à une vitesse presque aussi rapide au premier semestre de 2013, soit sans doute +109.000 personnes.

Compte tenu de ces tendances très défavorables, la plupart des experts estiment très improbable que François Hollande puisse honorer son engagement d’une inversion de la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année.

Certes, il ne ménage pas sa peine pour tenter de convaincre l’opinion du contraire. Ce jeudi matin, il était ainsi au marché de Rungis (Val-de-Marne), de bonne heure, pour rappeler son credo : « «A la fin de l’année 2013, nous devons inverser la courbe du chômage (…) Je devais dans cette période de fêtes dire aux Français que nous devons être tous sur le pont pour le travail et la lutte contre le chômage. (...) L’année c’est 365 jours, donc ceux qui ont la responsabilité à la tête du pays se doivent d'être présents 365 jours (…) Ca ne veut pas dire qu’il n’y a pas de droit aux vacances et aux congés, mais le président doit être là pour faire comprendre aux Français que le pays est dirigé». On peut l’écouter ci-dessous, au micro de France Info:

 

 

 

Et voici une semaine, vendredi 21 décembre, sur Europe 1, le président avait déjà dit à peu près la même chose. «Le chômage ne va cesser d’augmenter pendant un an», mais «la volonté qui est la mienne, c’est qu'à la fin de l’année 2013, et ça va être long, il y ait une inversion» de la courbe, c’est-à-dire que le chômage «à ce moment-là régressera».

Pourtant, le message présidentiel relève de la méthode Coué. Et dans tous les cas de figure, par-delà l’aspect aléatoire d’une telle prévision, la seule question qui compte est de savoir si la politique économique et sociale du gouvernement contribue, peu ou prou, à la réalisation de l’objectif. Or, plusieurs raisons permettent malheureusement d’en douter.

D’abord, il y a la politique économique d’ensemble du gouvernement qui est marquée par une forte austérité. Afin de ramener les déficits publics à 3% du produit intérieur brut (PIB) dès 2013, le gouvernement a décidé de couper de manière énergique dans les dépenses publiques. Et la décision de mettre en chantier un « choc de compétitivité » en faveur des entreprises, pour un montant de 20 milliards d’euros, a renforcé encore davantage le caractère restrictif de la politique économique française puisqu’il faut, de ce fait, que le gouvernement trouve au total, près de 12 milliards d’euros d’économies par an pour atteindre son objectif d’équilibre des finances publiques d’ici la fin du quinquennat.

Or, chacun comprend bien les conséquences d’une telle politique : appliquer de l’austérité à une économie au bord de la récession ne peut que la fragiliser encore plus. Sous le titre « La débâcle de l’austérité », c’est ce qu’explique de manière remarquable une récente étude de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), que l’on peut consulter ci-dessous :

OFCE: la debacle de l'austérite (*Visible sur le site de Médiapart)

 

Le stupide théorème de Schmidt

Du même coup, on comprend la fragilité des prévisions économiques du gouvernement. Le scénario de l’Insee aboutit à ce que « l’acquis de croissance » (ici la définition) ne dépasse pas 0,1 % à la fin du mois de juin 2013. Or, le gouvernement a construit tout son budget de 2013 sur une hypothèse de croissance de 0,8 %. Pour que cet objectif soit tenu, il faudrait donc que la croissance accélère brutalement et atteigne des chiffres de l’ordre de 0,8 % au troisième trimestre et de 1,2 % au quatrième trimestre. Ce qui est proprement impensable. Conséquence implacable : sur le front du chômage, la prévision présidentielle pêche, elle aussi, par optimisme. En bref, la politique d’austérité va forcément conduire à plus de chômage que prévu.

Mais à cela s’ajoutent encore d’autres raisons. En particulier, il est apparu de plus en plus nettement au fil de ces derniers mois que le gouvernement a fait le choix de conduire une politique néo-libérale, dite de l’offre. En clair, tout a été fait pour favoriser les entreprises, avec l’arrière-pensée que ces aides conduiraient à une amélioration sur le front de l’emploi et du chômage. C’est la logique supposée du « choc de compétitivité » voulu par le gouvernement au terme duquel les entreprises vont percevoir 20 milliards d’euros sous forme de crédit d’impôt.

Or, ce choix-là risque de rater sa cible pour deux raisons. La première, c’est qu’aucune étude économique n’atteste que l’amélioration de la situation économique des entreprises conduise à une baisse du chômage. C’est la faille bien connue du fameux « théorème de Schmidt ». On se souvient que le chancelier allemand Helmut Schmidt avait pris en son temps pour cap ce principe : « Les profits d’aujourd’hui, font les investissements de demain et les emplois d’après-demain ». A l'époque, son allié et ami français, Valéry Giscard d'Estaing, avait repris cette maxime à son compte, ce dont se moquaient les socialistes français, non sans raison. Car dans le capitalisme d’actionnaires auquel la France s’est convertie, cela ne fonctionne jamais comme cela : les profits d’aujourd’hui font simplement d'abord... les dividendes de demain.

Et c’est donc le très grand risque pris par le gouvernement : en accordant 20 milliards d’euros de crédits d’impôt aux entreprises, sans leur demander en contrepartie le moindre engagement, il va alimenter le plus souvent des comportements d’aubaine. Cela va tout bonnement venir gonfler les dividendes d’entreprises qui sont déjà très généreuses avec leurs actionnaires, et d’abord les entreprises du CAC 40.

Ce choix d’une politique économique néo-libérale est confirmée par un autre chantier ouvert par le gouvernement, celui de la réforme du marché du travail. Encore une fois, l’arrière-pensée est transparente : l’Elysée veut faire croire qu’une plus grande flexibilité peut conduire à davantage de créations d’emplois. Mais en vérité, beaucoup d’études attestent que l’effet est n’est pas exactement celui-là : une plus grande flexibilité peut accroître la rapidité des embauche en période de croissance et accroître celle des licenciements en période de stagnation, mais sans que le stock total d’emplois n’en soit modifié sur longue période. En clair, la flexibilité crée d'abord... de la flexibilité! Mais elle ne créée pas plus d’emploi. Ou si elle en crée, ce sont seulement des emplois… précaires !

Mais ces choix sont révélateurs aussi d’une autre arrière-pensée : si le gouvernement considère que le pays est en situation d’urgence économique, il n’a jamais semblé penser qu’il était aussi en situation d’urgence sociale. Car après tout, il aurait tout aussi bien pu considérer que l’envolée dramatique du chômage exigeait une mobilisation exceptionnelle de tout le pays. Et des moyens financiers tout aussi exceptionnels. En somme, il aurait pu considérer que la baisse du chômage ne serait pas la résultante ultime de la politique économique, mais sa première priorité. Et qu’il convenait, à cette fin, de lancer une sorte de New Deal à la Française. Ou une sorte de réunification à l’Allemande. Avec un objectif majeur : faire tomber le Mur… du chômage !

Mais cette volonté-là, le gouvernement ne l’a visiblement pas. Car si le retour à l’équilibre des finances publiques et le « choc de compétitivité » mobilisent toutes ses marges de manœuvre, il n’en a, par ricochet, plus aucune pour la politique sociale. Pas de « choc anti-chômage » : François Hollande a, de toute évidence, fait le choix de mettre en œuvre des moyens très limités pour faire refluer le chômage.

Les risques de l'effet d'aubaine

Parmi ces moyens, il y a d’abord les emplois d’avenir – nouvelle variante de ce qu’étaient autrefois les « emplois jeunes ». Dans la panoplie infinie des mesures relevant du traitement social du chômage, ces mesures-là sont assurément utiles, puisqu’elles offrent une première expérience professionnelle pour les jeunes de 16 à 25 ans, même si elles sont financièrement coûteuses, l’Etat assurant le financement du dispositif à hauteur de 75% du salaire brut pour une rémunération à hauteur du Smic. Encore faut-il que l’Etat décide de mettre de gros moyens pour que l’effet sur les chiffres du chômage soient sensibles.

Or, dans le cas présent, la politique d’austérité choisie par le gouvernement fait peser sur ces contrats d’avenir une très forte contrainte. D’abord, leur nombre sera limité : violant les engagements de son propre parti qui, dans son projet élaboré au printemps 2011, prévoyait 300.000 contrats d’avenir, François Hollande n’en a promis que 150.000 lors de sa campagne présidentielle, soit moitié moins, dont 100.000 dès 2013 et 50.000 en 2014. Il s’en était expliqué par exemple dans une émission de la radio Le Mouv’, le 23 janvier dernier (à écouter à partir de 3’45’’) :

 

 

L’explication avancée pour justifier ce choix retient l’attention. François Hollande faisait en effet valoir que la conjoncture ne permettait pas d'aller au-delà de ces 150.000 contrats: « Dans un premier temps, c’est ce que la croissance nous autorise à financer ». Et quand on y pense, l’argument est terrible. Il peut s’énoncer d’une manière plus directe : plus la croissance est faible, plus le chômage s’emballe mais plus les moyens financiers dédiés à le faire refluer seront faibles. Le principe énoncé alors par le candidat entérinait donc une sorte de fatalisme ou de résignation : en vérité, on ne peut pas faire grand chose contre le chômage.

Il ponctuait, certes, son propos d’une formule à peine plus optimiste : « Si la croissance nous offre des libertés nouvelles, nous en ferons davantage. Mais moi, mon devoir, c’est de dire la vérité ». Mais, avec le recul, en cette fin d'année 2012, dans la conjoncture présente, on en mesure bien les limites : puisque la politique d’austérité conduit durablement à une situation de croissance zéro, il n’y aura pas de « libertés nouvelles » pour créer davantage de contrat d’avenir. C’est l’histoire du chat qui se mort la queue….

Accessoirement, le gouvernement a prévu des crédits budgétaires très limités pour financer le dispositif. Le coût de la mesure ne sera en effet que de 2,3 milliards d'euros pour les trois ans à venir, à savoir 500.000 millions d'euros pour 2013, puis 1,5 milliard par an lorsque les emplois d'avenir seront installés. Et le financement sera assuré par le simple redéploiement des exonérations sur les heures supplémentaires. Or que vaut une politique sociale qui ne coûte rien ? La réponse est induite par la réponse : pas grand-chose !

Et puis, selon le gouvernement, il existe un second grand levier dans le traitement social du chômage, ce sont les contrats de génération, qui constituaient l’engagement phare de François Hollande et qui font l’objet d’un projet de loi qui sera examiné par le Parlement dans le courant du mois de janvier.

A la différence des emplois d’avenir, qui est ouvert en priorité aux jeunes sans qualification, ces contrats de génération bénéficieront à tous les jeunes, quelle que soit leur qualification, et les entreprises privées pourront aussi en profiter. Le gouvernement prévoit ainsi un peu plus de 100.000 contrats signés dès 2013, puis environ 130.000 en 2014 et les années suivantes. Soit 500.000 jeunes sur la durée quinquennat.

Mais les critiques dont ce contrat de génération peut faire l’objet sont encore plus sévères que pour le contrat d’avenir. D’abord, parce que le gouvernement a choisi d’y affecter des moyens financiers encore plus limités : pas plus de 180 millions d’euros en 2013, somme qui sera portée à 540 millions en 2014, puis 790 millions en 2015 et près de 1 milliard en 2016.

Mais surtout, ce contrat de génération risque de susciter un « effet d’aubaine » massif. Lors des primaires socialistes, c’est Martine Aubry qui, la première, avait usé de cette formule cinglante. Et tout le monde y avait vu la manifestation d’une aigreur socialo-socialiste. Pourtant, beaucoup d’experts, même de sensibilité de gauche, donnent raison à l’ex-première secrétaire socialiste. C’est le cas par exemple de l’économiste Philippe Askenazy (ici sa biographie), qui est chercheur à l’Ecole d’économie de Paris et qui est l’un des meilleurs spécialistes français de l’emploi. « Dans leur grande majorité, même sans exonérations de charges, ces jeunes seraient embauchés par les entreprises. L'effet d'aubaine sera majeur », répète-t-il à longueur d’entretien. C’est ce qu’il disait avant même l’élection présidentielle, par exemple ici dans L’Express; et c’est ce qu’il ne cesse de répéter depuis, et notamment ce jeudi dans un reportage (non mis en ligne) sur France Info.

Alors, paraphrasant la formule malheureuse mais révélatrice de François Mitterrand, François Hollande pourra dire qu’il aura « tout essayé contre le chômage ». Tout… ce qu’autorise la doxa néo-libérale. Et on sait qu'elle autorise peu de choses. Un peu de traitement social du chômage, et pour le reste, il faut laisser faire la main invisible du marché. Car, c'est cela, au fond la politique de François Hollande: la dangereuse politique du laisser-faire...


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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 18:22

 

Le Monde.fr avec AFP | 27.12.2012 à 19h06

 

 
 
ANA gère la dizaine d'aéroports que compte le Portugal, avec un trafic de 286 000 vols et 29,57 millions de passagers en 2011.

Le groupe français de BTP et de concessions Vinci a remporté la course à la privatisation du gestionnaire des aéroports portugais ANA, a annoncé jeudi 27 décembre le gouvernement portugais. ANA gère la dizaine d'aéroports que compte le Portugal, avec un trafic de 286 000 vols et 29,57 millions de passagers en 2011.

Les détails de l'opération devaient être précisés lors d'une conférence de presse qui avait lieu après la réunion du gouvernement, mais la presse portugaise rapporte depuis plusieurs jours que Vinci a fait l'offre la plus élevée, de l'ordre de 3 milliards d'euros. Les trois autres concurrents encore en lice étaient le consortium emmené par le groupe allemand Fraport, celui de l'argentin Corporacion América et celui du gestionnaire de l'aéroport de Zurich.

En échange d'une aide financière de l'Union européenne et du Fonds monétaire international, Lisbonne s'est engagé en mai 2011 à mettre en œuvre un vaste plan de rigueur et de réformes sur trois ans, qui prévoit la cession de quelque 5,5 milliards d'euros d'actifs publics. La vente de participations importantes dans les groupes électriciens EDP et REN à des investisseurs chinois et omanais a déjà rapporté 3,3 milliards d'euros aux caisses de l'Etat portugais.

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27 décembre 2012 4 27 /12 /décembre /2012 18:13

 

Le Monde.fr avec AFP | 27.12.2012 à 16h37

 

 
 
Si la hausse s'atténue un peu par rapport à octobre, elle n'empêche pas le nombre de chômeurs d'approcher son record historique.

A partir du 1er janvier, les chômeurs radiés des listes de Pôle emploi ne pourront plus l'être de manière rétroactive et se voir réclamer, en conséquence, le remboursement des allocations indûment perçues.

Jusqu'alors les demandeurs d'emploi rayés des listes pour absence à convocation, non-recherche d'emploi active ou encore refus de plus de deux offres "raisonnables" étaient suspendus à partir de la date du "manquement". Ils l'apprenaient plusieurs semaines plus tard, en même temps que leur était réclamé le remboursement des allocations indûment perçues pendant cette période, une "double peine" dénoncée depuis plusieurs années par les associations de chômeurs.

 

A lire : Radiations du Pôle emploi, mode d'emploi


Ces associations, Recours-radiation en tête, avaient fait condamner plusieurs fois cette pratique par les tribunaux administratifs. Le médiateur de Pôle emploi avait également soulevé ce problème dans son dernier rapport. A partir du 1er janvier, comme indiqué dans le bulletin officiel de Pôle emploi, la radiation sera effective à date de notification, par courrier, au demandeur d'emploi. Dans le même temps, les délais de traitement seront réduits de quinze à dix jours.

 

 LES CHIFFRES DU CHÔMAGE SUBIRONT UN "EFFET STATISTIQUE"

"On ne boude pas notre plaisir, sachant que ça fait cinq ans qu'on le réclamait, et que tous les demandeurs d'emploi indemnisés radiés pâtissaient de cette rétroactivité, d'une durée de quinze jours à un mois et demi en moyenne", s'est félicitée Rose-Marie Péchallat, ex-conseillère Pôle emploi à la tête de l'association Recours-radiation.

Sur 40 000 personnes radiées en moyenne chaque mois – soit près de 500 000 par an – environ 8 000 sont réinscrits dès le mois suivant. En conséquence, Pôle emploi prévient déjà que les très sensibles chiffres des demandeurs d'emploi inscrits en janvier 2013, publiés fin février, subiront un "effet statistique" du fait de l'abolition de cette rétroactivité. "Selon les projections, il devrait y avoir entre 10 000 et 30 000 radiations en moins sur les chiffres de janvier, soit mécaniquement autant d'inscrits de plus en stock", prévient-on à Pôle emploi.

 

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