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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 16:06

 

Le Monde.fr | 28.02.2013 à 09h55 • Mis à jour le 28.02.2013 à 12h23 Par Audrey Garric


 

 
En France, 80 % de la consommation de viande bovine vient de vaches réformées, c'est-à-dire menées à l'abattoir au terme de leur production laitière ou de leur fonction de reproductrices.

Derrière la fraude sur les plats préparés, celle des carcasses de viande ? La question est posée alors qu'un agriculteur de la Manche a accusé, mardi 26 février, l'abattoir Kermené (groupe Leclerc), dans les Côtes-d'Armor, d'avoir étiqueté en juillet 2012 "race à viande" deux carcasses qu'il avait vendues comme "race laitière".

Une "fraude" qui permet, selon l'agriculteur Yves Sauvaget, porte-parole de la Confédération paysanne lait pour la Manche et producteur de viande bio, de gagner jusqu'à 1 200 euros par bête, une race à viande étant vendue plus chère au consommateur qu'une race laitière. L'éleveur, qui possède un troupeau de 55 vaches laitières et 10 vaches à viande à Saint-Ovin (Manche), a alors dénoncé le "travail de sape fait par l'agroalimentaire" : "Nous, éleveurs, la traçabilité nous tient à cœur. On est rigoureux. Ça nous coûte de l'argent, et eux, ils cassent tout."

Le président du groupe Leclerc, Michel-Edouard Leclerc, a immédiatement répliqué sur RTL : "Je démens, il n'y a absolument pas eu de tromperie, il n'y a pas eu de fraude, pas de surprofit. Sa viande a été achetée au prix du bio, a été transformée en steak bio, a été vendue comme bio, et ce n'était absolument pas marqué pour le consommateur race à viande pour de la race laitière."

Au-delà d'un contentieux pour l'instant irrésolu – tous deux assurent être en possession de "documents" prouvant leurs dires –, cette affaire interroge quant au type de viande que nous mangeons sous l'appelation de "bœuf" – quand il s'agit bien de bovins et non de cheval. Race à viande, race laitière, vache, jeune bovin, génisse : quelles sont les différences et comment sont-elles indiquées ?

  • Les mentions obligatoires d'étiquetage de la viande bovine : morceau, poids et prix
L'étiquette doit préciser le pays de naissance, le pays d'élevage et le pays d'abattage.

 

Depuis le début des années 1990, plusieurs mentions sont imposées sur l'étiquette des viandes bovines par le code de la consommation : le nom du morceau (onglet, pavé, basse côte, faux filet, etc.), son poids, son prix au kg et son prix net, sa date d'emballage et sa date limite de consommation.

En 2000 et 2002, la règlementation européenne a imposé trois indications supplémentaires :

  1. L'origine de la viande. Si une seule origine est mentionnée, l'animal est né, a été élevé et abattu dans un même pays. Dans le cas contraire, l'étiquette doit préciser le pays de naissance, le pays d'élevage et le pays d'abattage.
  2. Le numéro d'agrément de l'abattoir, ainsi que le pays et le numéro d'agrément de l'établissement de découpe de la carcasse, afin d'identifier les établissements concernés.
  3. Le numéro de lot, qui permet de caractériser une pièce dans un lot de carcasses. S'il y a un problème, ce numéro permet de remonter très vite à la source.
  • Les mentions optionnelles : race et catégorie de bovin

Les étiquettes peuvent porter deux indications supplémentaires, optionnelles depuis 2002 après avoir été obligatoires en 1997 après la crise de la vache folle : le type de race et la catégorie de l'animal.

La dénomination "viande bovine" regroupe ainsi trois types de race différentes : 

  1. Les races laitières : on compte ainsi 3,6 millions de vaches laitières en France fin 2011, principalement des Holstein, Normandes et Montbéliardes, sélectionnées pour leur importante production de lait (avec une moyenne de 7 000 litres par an).
  2. Les races à viande ou allaitantes. On en dénombre 4 millions, notamment des Charolaises, Limousines, Blondes d'Aquitaine, Aubrac ou Salers. Elles sont élevées pour donner des veaux qui seront engraissés avant de donner de la viande ou de devenir de jeunes bovins. Ce sont des bêtes à la plus faible production de lait mais au gabarit plus important.
  3. Les races mixtes. Ce sont des races laitières qui présentent de "bonnes caractéristiques bouchères", comme les Normandes et Montbéliardes.

Ces races comportent chacune plusieurs catégories d'animaux :

  1. Les génisses, des femelles n'ayant pas encore eu de veau (âgées de 12 à 30 mois).
  2. Les vaches réformées, c'est-à-dire des femelles arrivées au terme de leur production de lait ou de leur capacité de reproduction, qui vont être engraissées avant d'être menées à l'abattoir et consommées pour leur viande.
  3. Les jeunes bovins, mâles non castrés élevés jusqu'à 18 mois.
  4. Les bœufs, mâles adultes castrés.
  5. Les taureaux, mâles adultes non castrés.
  • La consommation française de viande bovine : essentiellement des vaches réformées
"Le marché français est plus demandeur de vache, dans la mesure où sa viande est plus rouge et moins claire que celle des jeunes bovins", explique Gérard You, chef du service économie des filières à l'Institut de l'élevage.

 

Sur les 1,6 million de tonnes-équivalent carcasse de viande bovine consommée en 2012 en France, 79 % venait de femelles (70 % de vaches et 9 % de génisses) et 21 % de mâles (13 % de jeunes bovins et taureaux et 8 % de bœufs), selon les chiffres de l'Institut de l'élevage. Notre steak haché ou rumsteak consiste donc essentiellement dans des vaches considérées comme "en fin de course" – puisqu'elles sont conduites à l'abattoir au terme de leur production laitière ou de leur fonction de reproductrices, c'est-à-dire au bout de 6 à 7 ans pour les premières et 7 à 10 ans pour les secondes – bien plus que des jeunes bovins ou bœufs, à la viande a priori de meilleure qualité.

Surtout, plus du tiers de cette consommation (35 %) vient de vaches laitières réformées, qui se retrouvent plutôt dans les produits de bas de gamme contrairement aux vaches allaitantes (65 %), issues de races sélectionnées pour faire de la viande.

Lire la note de blog : D'où il vient, ton steak ?

"Le marché français est plus demandeur de vache dans la mesure où sa viande est plus rouge et moins claire que celle des jeunes bovins", explique Gérard You, chef du service économie des filières à l'Institut de l'élevage. Résultat : la France importe 373 000 tonnes de vache d'Allemagne et d'Irlande chaque année pour satisfaire une demande supérieure à sa production. A l'inverse, elle exporte 268 000 tonnes de jeunes bovins, essentiellement à destination de l'Italie, qui manque de bêtes pour faire tourner ses ateliers d'engraissage.

  • Des fraudes possibles faute de contrôles suffisants
Les contrôles ne sont pas systématiques à la sortie de l'abattoir ou lors de la transformation de la viande.

 

Actuellement, la vache allaitante est vendue en moyenne 4,30 euros le kilo à l'entrée à l'abattoir, contre 3,64 €/kg pour la vache laitière. Avec des carcasses pesant entre 300 et 400 kg, un surclassement de la race – le fait de faire passer une viande standard en une autre de meilleure qualité – peut mettre de dégager une plus-value de 400 euros par bête, calcule Gérard You. L'intérêt commercial d'une telle fraude existe donc, tant pour l'abattoir que les distributeurs.

La fraude est d'autant plus aisée que les contrôles sont loin d'être systématiques à la sortie des abattoirs. "Nous contrôlons 100 % des bovins sur pied avant et juste après l'abattage. Mais ensuite, la carcasse est découpée et traitée. Seule une très petite partie des lots est contrôlée à la sortie de l'abattoir et dans les commerces, par sondage, explique Laurent Lasne, du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire. Une fraude est donc possible dès lors qu'il s'agit de bénéficier d'une mention valorisante, comme des races plus nobles, des labels ou des appelations contrôlées."

Audrey Garric

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 15:50

 

Le Monde.fr avec AFP | 28.02.2013 à 13h01 • Mis à jour le 28.02.2013 à 13h02

 

 

 
 
La Poste a revu à la hausse le nombre de recrutements prévus sur la période 2012-2014, suivant ainsi les recommandations de l'ex-secrétaire général de la CFDT Jean Kaspar, chargé d'un rapport sur les conditions de travail.

La Poste a supprimé environ 4 800 postes en 2012 par le biais de départs non remplacés, un chiffre en nette baisse par rapport à 2011, a-t-on appris jeudi 28 février de sources syndicales. Selon la CGT, SUD et FO, l'entreprise, qui présente jeudi ses résultats financiers, a supprimé un peu plus de 4 800 postes à temps plein au sein de la maison mère contre 10 000 en 2011 et 11 000 en 2010.

La direction de La Poste communique de son côté sur les effectifs de l'ensemble du groupe, arguant que certains des collaborateurs de la maison mère sont amenés à aller vers les filiales. Sur ce périmètre, les effectifs sont passés de 268 822 en 2011 à 266 868 en 2012, soit une diminution de 1 954 postes. Le groupe souligne par ailleurs avoir recruté plus de 5 000 personnes en CDI en 2012 et rappelle son engagement à recruter 15 000 personnes sur la période 2012-2014.

 

 LE MALAISE SOCIAL PERSISTE

En septembre dernier, La Poste avait revu à la hausse le nombre de recrutements prévus sur cette période (de 10 000 à 15 000) suivant ainsi les recommandations de l'ex-secrétaire général de la CFDT, Jean Kaspar, chargé d'un rapport sur les conditions de travail à la suite de deux suicides. Avec ces recrutements, le taux de remplacement des départs a été de deux sur trois en 2012, contre un sur deux en 2011 et un pour cinq départs en 2010.

Selon le document financier obtenu jeudi par l'AFP, La Poste a enregistré en 2012 un bénéfice net stable à 479 millions d'euros. Dans un communiqué, la CGT note notamment que cette stabilité est en partie liée à la réduction des effectifs et à "une augmentation constante depuis trois ans des CDD".

SUD estime pour sa part que la baisse de la réduction des effectifs et la signature récente d'un accord sur la qualité de vie au travail n'empêchent pas une persistance du malaise social au sein du groupe, pointant notamment une augmentation du nombre de jours d'arrêt maladie (22,22 en 2011 et 22,46 en 2012), tandis que FO avance que les réductions d'effectifs sont à l'origine de tensions "de plus en plus fortes" dans les services.

 

 
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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 22:36

 

 

 

En janvier 2013, pour le cinquante-troisième mois consécutif (!) – en dehors de la légère baisse d’octobre 2010 –,  la courbe du nombre des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi, toutes catégories confondues (de A à E), poursuit inexorablement sa progression en France métropolitaine en portant le nombre de chômeurs à  5 294 800 (cf. graphique ci-joint) dont 4 680 200 personnes pour les catégories de A à C (et 3 169 300 pour la seule catégorie A). 

 

 

Cette nouvelle hausse du chômage ( + 1,1 % par rapport à décembre 2012 et + 8,7 % sur un an, toutes catégories confondues) souligne à nouveau, s’il en était besoin, l’impasse des politiques d’austérité drastiques décidées en Europe (lire sur le sujet [1]) et dans laquelle le gouvernement Ayrault a décidé lui aussi d’enfermer sa politique économique (lire [2] et [3]). La vague déferlante du chômage n’en est que plus effrayante si l’on rappelle d’autres indicateurs de la situation sur le marché du travail, publiés ce jour par le ministère du Travail (lire [4]) : alors que seulement 49 % des chômeurs (catégories de A à E) sont indemnisés au titre du chômage, l’ancienneté moyenne au chômage (pour les catégories de catégories A à C) est de près de 16 mois et la part des inscrits à Pôle emploi depuis un an ou plus atteint presque les 40 % ! Et nous savons bien que tous les chômeurs ne sont pas inscrits à Pôle emploi, en particulier, nombre de chômeurs de très longue durée qui, par un « effet de flexion » comme disent les économistes, se retirent découragés du marché du travail, ou des jeunes non inscrits à la recherche d’un emploi. Sans compter les travailleurs victimes du travail à temps partiel subi (1,3 million selon l’Insee, l‘Institut national de la statistique et des études économiques) se situant aux frontières de l’emploi et du chômage, et pourtant bien recensés actifs occupés à part entière. Au niveau de la zone euro, le chômage de masse connaît la même évolution préoccupante, pour atteindre le cap record des 18,71 millions de chômeurs fin 2012 (11,7 % de la population active), selon Eurostat, l’Office européen de statistiques, avec des taux de chômage pour les 15-24 ans pouvant dépasser les 55 % dans certains pays (Grèce et Espagne).

La langue de bois des dirigeants européens en la matière, et à laquelle s’est très vite résigné le gouvernement « socialiste » en France, est proprement terrifiante et consternante. Non seulement, absolument rien n’est décidé ni même discuté pour sortir, à moyen et long termes, des logiques du modèle libéral-productiviste [5] et de la dictature dévastatrice du moins-disant social propre à la mondialisation néolibérale, en prenant notamment des mesures structurelles comme la réduction du temps de travail (lire sur le sujet : [6]) ou de protection contre le dumping salarial, mais, comble de l’incohérence et/ou de l’escroquerie, les gouvernements européens mettent en place à court terme des politiques budgétaires pro-cycliques qui « tuent » la croissance économique, faisant ainsi payer les travailleurs du prix fort de la faillite d‘un modèle économique. Car, que l’économie française s’efforce ou pas de sortir à long terme de son cadre structurel néolibéral-productiviste, elle a besoin à court terme d’un minimum de croissance, qu‘on le veuille ou non. Plus précisément, selon l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, une création  nette annuelle d’emplois de 150 000 est en effet nécessaire pour absorber le flux net annuel d’arrivées sur le marché du travail et donc stabiliser le chômage, soit un seuil minimum de croissance économique de 1,7 %…..soit deux fois plus que les prévisions initiales de croissance gouvernementales retenues dans le cadre de la loi de finances pour 2013 (+0,8 %). Des projections qui viennent seulement (!), la semaine dernière, d’être reconnues comme hors de portée par un gouvernement rendu à l‘évidence, alors qu’elles étaient déjà complètement irréalistes, à l’automne 2012, au moment du vote de cette loi, eu égard aux choix budgétaires d‘austérité. Par ailleurs, même le Fonds monétaire international (FMI) a admis, il y a quelques mois, que ses modèles économétriques d’avant la crise financière ont largement sous-estimé l’importance de la valeur de l’effet multiplicateur budgétaire keynésien. Selon le FMI, ce dernier ne serait plus de 0,5 mais se situerait dans une fourchette allant de 0,9 à 1,7. Autrement dit, dans l’hypothèse haute de la fourchette, la réduction de la dépense publique (ou la hausse des impôts) de un euro se traduit par une baisse du PIB, non pas de cinquante centimes, mais de 1,7 euro (!), d’où, non seulement une dégradation sensible des recettes publiques et du déficit budgétaire initial, mais aussi un coût beaucoup plus élevé en termes de hausse du chômage associé aux politiques de consolidation des finances publiques. En conséquence, en retenant  les dernières prévisions disponibles les plus réalistes des différents instituts de conjoncture, ou celles publiées vendredi 22 février par la Commission européenne qui envisage une quasi-stagnation pour 2013 (+0,1 %) et une croissance « bien optimiste » de +1,2 % en 2014, nous avons donc toutes les raisons d’anticiper une poursuite du développement du chômage de masse en France, au moins pour les deux années à venir, si les gouvernements de la zone euro s‘obstinent sur le chemin sans fin de l’austérité.     

Le fléau du chômage de masse en France s’est amplifié dans le contexte de la crise financière qui s’est ouvert à partir de 2008, mais son histoire est ancienne. Au-delà des  fluctuations conjoncturelles, et notamment ses replis transitoires à la fin des années 80 et 90, le chômage commence en fait à progresser très timidement dès le milieu des années 60. Mais, c’est à partir du milieu des années  70 (cf. graphique ci-dessous) que le mouvement tendanciel à la hausse se précise clairement, avec un chômage (au sens du Bureau international du travail) qui passe de 3 % en 1975 à 9,9 % de la population active au troisième trimestre 2012 en France métropolitaine (10,3 % pour la France entière).

 

Aux composantes frictionnelle et conjoncturelle du chômage des « Trente Glorieuses » (1945-1975), vient alors s’ajouter un chômage structurel croissant qui s’installe durablement en France. Durant la période des «Trente-sept piteuses » (1975-2012), parallèlement à un ralentissement de la demande de travail induit par la décélération du rythme de croissance économique - passage d’une croissance annuelle moyenne de l’ordre de 5 % durant la période 1945-1975 à 2 % sur les trente-cinq dernières années -, les dynamiques sociodémographiques à l’œuvre pendant les « Trente Glorieuses » continuent cependant de favoriser la hausse de l’offre de travail sur le marché de l’emploi. De fait, deux forces contraires ont influé sur l’évolution de l’offre de travail. Certes, à partir de 1975, l’économie française ferme ses portes à l’immigration économique à laquelle elle a eu largement recours pendant les années 60 et, via la politique éducative de massification de l‘enseignement, l’allongement de la durée moyenne des études freine les entrées sur le marché du travail. Pour autant, celles-ci restent soutenues en raison, d’une part, des générations nombreuses du baby-boom (1945-1965) qui continuent d’arriver massivement sur le marché de l’emploi après le premier choc pétrolier de 1973 et, d’autre part, de la progression durable des taux d’activité féminins engagée depuis le milieu des années 60. C’est seulement à partir de 2005 que les premiers départs à la retraite des générations du baby-boom  freinent la croissance de la population active : 87 000 actifs supplémentaires encore en 2010 contre 200 000 actifs de plus chaque année au début de la décennie 2000. Le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans, adopté en 2010, va bien évidemment jouer à la hausse sur le nombre d’actifs, et risque fort d’aggraver le chômage des seniors, car cette réforme des retraites n’a pas prévu de mesures d’accompagnement incitatives favorisant le taux d’emploi des seniors, pour lequel la France présente un retard significatif par rapport à la moyenne de l’Union européenne.

Ainsi, jamais dans son histoire l’économie française avait aussi bien ignoré, dans la durée, l’aphorisme éclairé de Jean Bodin « Il n’est de richesses que d’hommes » (1577), en privant une partie croissante de ses ressources humaines vives actives du droit élémentaire à un emploi permettant de vivre décemment, faisant au contraire le choix de laisser se développer une véritable « armée industrielle de réserve » pour reprendre l’expression de Karl Marx (« Le Capital », 1867), métaphore plus que jamais d’actualité dans la  France d’aujourd’hui. Trop souvent présentée à tort comme un handicap sinon une cause du chômage en France, la progression de l’offre de travail durant la période des « Trente-sept Piteuses » - plus de 5 millions d’actifs supplémentaires - aurait pu être un atout et une force motrice extraordinaires pour sortir progressivement des logiques du libéral-productivisme, si la gouvernance du pays avait été éclairée par la seule lumière de l‘intérêt général. Et pour mettre ainsi sur les rails un autre mode de développement articulé autour d’une société solidaire de plein emploi de toutes les compétences d‘une population active en forte croissance où l‘homme devient la finalité de la production au lieu d‘être considéré comme un simple facteur de production au même titre que le capital (lire sur le sujet : [7]). Nos dirigeants politiques, en feignant de ne pas voir les contradictions d’une organisation productive et sociale en bout de course, au contraire, ont préféré, lâchement et cyniquement, faire le choix du chômage de masse durable et du gâchis humain sur l‘autel de la prospérité jamais démentie des intérêts d‘une petite minorité. Et ils continuent, en renonçant de porter au sein de l‘Union européenne la voix du changement radical, au plus grand mépris des travailleurs, de l‘intérêt général,…. et de la démocratie. L’économie libérale n’a jamais eu d’âme et, le marché dérégulé, en cécité absolue sur le long terme, ne « voit » guère mieux à court terme…….. que par sa cupidité assassine et aveugle ; voilà qui ne surprendra guère la caste de nos professionnels de la politique qui nous a gouvernés jusqu’à présent !  « Trente-sept piteuses » ? Non, beaucoup plus que cela : trente-sept calamiteuses d’apathie démocratique gravissime faisant aussi le nid de la « somnolence individualiste » et de l‘extrême droite !!

En guise de conclusion et d’ouverture éclairée sur l’avenir, quatre rappels à la lucidité, par l’intermédiaire de voix éveillées, ne seront certainement pas déplacés à l’attention des dirigeants politiques d’hier, d’aujourd’hui et de demain :
« Il n’y a pas de moyen plus violent de coercition des employeurs et des gouvernements contre les salariés que le chômage. Aucune répression physique, aucune troupe qui matraque, qui lance des grenades lacrymogènes, ou ce que vous voulez. Rien n'est aussi puissant comme moyen contre la volonté tout simplement d'affirmer une dignité, d'affirmer la possibilité d'être considéré comme un être humain. C'est ça la réalité des choses. » (2001), Henri Krasucki, extrait sonore du documentaire de Gilles Balbastre « Le chômage a une histoire » [8] ;
« (…)En outre, tout homme mis en chômage de cette manière ou pour toute autre raison verra s’amenuiser son pouvoir d’achat et provoquera, à son tour, un chômage accru parmi les travailleurs qui auraient produit ce qu’il n’a plus les moyens d’acheter. Et c’est ainsi que la situation ne cesse d’empirer en un cercle vicieux. », John Maynard Keynes dans « Essais sur la monnaie et l’économie » (1931) ;
« Le capitalisme porte en lui la guerre, comme la nuée porte l’orage » (1895), Jean Jaurès ;

.....SANS OUBLIER......
« Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail ainsi qu'à la protection contre le chômage. », article 23-alinéa 1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948).

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Après cette présentation des constats (I/II), suivra, à l’occasion du prochain article sur ce blog, une analyse approfondie des explications du chômage de masse en France (II/II).
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[1] Les écueils d’une cure d’austérité drastique et généralisée en Europe
[2] De Laurent Mauduit, journaliste économique à Médiapart, 26 février 2013 : La politique économique à la dérive!
[3]  L’évidente perspective d'un échec de la politique économique du pouvoir «socialiste»
[4] http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/PI-Mensuelle-LUJ149-2.pdf
[5] Alain Lipietz, « Green Deal. La crise du libéral-productivisme et la réponse écologiste », Paris, La Découverte, 2012.

[6] Plaidoyer pour la semaine des 32 heures
[7] « Les vraies lois de l'économie (13) : il n'est de richesse que d'hommes », Jacques Généreux,  Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris, Alternatives Economiques n° 197 - novembre 2001.
[8] Pour visualiser le documentaire : http://www.cgtchomeursrebelles56.blogspot.fr/2012/08/chomage-et-precarite-de-generation-en.html

 

 

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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 20:39

 

Le Monde.fr avec AFP | 27.02.2013 à 17h10

 
L'ancien président du directoire de Vivendi, Jean-Bernard Levy (à gauche) et l'ex-PDG de l'opérateur SFR (groupe Vivendi), Franck Esser.

Une indemnité de 3,9 millions d'euros. C'est la somme qu'ont touché l'ex-PDG de l'opérateur SFR (groupe Vivendi), Franck Esser, qui a quitté ses fonctions en mars 2012, ainsi que l'ancien président du directoire de Vivendi Jean-Bernard Levy, qui a quitté le groupe en juin. Cette information, qui figure dans le rapport financier du groupe qui a publié mardi ses résultats annuels, a été dévoilée mercredi 27 février par BFM Business.

L'indemnité de départ de Jean-Bernard Lévy "s'élève à 16 mois de rémunération fixe + variable (6 mois + 1 mois par année d'ancienneté à compter de 2002), soit à un montant de 3,9 millions d'euros", indique le document financier. "M. Jean-Bernard Lévy, conformément aux dispositions approuvées par l'assemblée générale du 30 avril 2009, conserve le bénéfice de l'ensemble de ses stock-options et actions de performance, sous réserve de la réalisation des conditions de performance les concernant", est-il indiqué.

Par ailleurs, le rapport indique que M. Lévy "percevra en mars 2013 la rémunération variable due au titre de l'exercice 2012 prorata temporis, telle qu'arrêtée par le conseil de surveillance du 22 février 2013".

 

 "RÉGIME DE RETRAITE ADDITIF"

Quant à Franck Esser, "conformément à son contrat de travail", son indemnité de départ "s'élève à 3,9 millions d'euros (dont 2,3 millions d'euros versés en 2012 et le solde en janvier 2013) correspondant à ses indemnités contractuelle (24 mois de salaire fixe + bonus cible) et conventionnelle". Il est par ailleurs précisé que MM. Lévy et Esser "ont perdu leurs droits à la retraite au titre du régime de retraite additif".

Frank Esser, à la tête du deuxième opérateur télécoms français depuis dix ans, avait quitté ses fonctions en mars 2012, victime du chamboulement sur le marché du mobile causé par l'arrivée de Free Mobile. Jean-Bernard Lévy, resté dix ans à la tête de Vivendi comme directeur général adjoint puis président du directoire, avait pris l'intérim avant de jeter l'éponge en juin 2012, "suite à une divergence sur l'évolution stratégique du groupe". Il a depuis pris la tête du groupe électronique de défense Thales.

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26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 19:24

 

Rue89 - Noël Mamère - Député de Gironde
Publié le 26/02/2013 à 18h06

 

 

Le Salon de l’agriculture débute au moment où la crise ouverte par l’escroquerie sur les lasagnes de cheval devenues lasagnes de bœuf met en lumière les scandales de l’industrialisation de l’agroalimentaire.

Ce n’est pas une surprise. Le marché mondial ne recherche que le profit. Le produit agricole est devenu une variable d’ajustement des cours mondiaux. Le consommateur et le paysan sont les dindons de la farce d’une chaîne alimentaire devenue folle où la multiplication des intermédiaires renforce le coût des produits et l’opacité du système.

Moins il y a de paysans et plus les dérives de cette agriculture hors-sol créent une situation que plus personne ne parvient à maîtriser.

Tradition corrézienne

Mais peut-on encore faire marche arrière dans ces conditions ? Là aussi, le renoncement en politique fait des dégâts. François Hollande, fidèle à la tradition corrézienne instituée par Jacques Chirac, peut avoir passé dix heures au rendez-vous de la Porte de Versailles à tâter le cul des vaches, que retiendra-t-on au final de son action concrète ? Qu’une semaine avant, dans les tristes conciliabules des chefs de gouvernement de l’Union européenne, il aura tout fait pour défendre la Politique agricole commune (PAC)… Mais sans la changer !

Défendre la PAC sans la changer, c’est soutenir les intérêts de la partie de la paysannerie qui mise tout sur le productivisme agricole, la financiarisation des matières premières, celle qui, avec la FNSEA et les lobbies de l’agro-alimentaire, nous mène droit dans le mur depuis plus de 50 ans.

Famine au Sud, malbouffe au Nord

Je sais bien qu’il est difficile de s’opposer au poids du syndicat majoritaire, du Crédit agricole, des chambres d’agriculture et des industriels de l’agroalimentaire, mais avec les dernières négociations de Bruxelles, la France a obtenu 9,5 milliards d’euros sur les 50 distribués par l’Europe.

En ne plafonnant pas cette aide, en ne la réorientant pas vraiment vers l’agriculture durable et bio, le gouvernement continue à soutenir toujours les mêmes depuis des décennies : les gros céréaliers et les tenants d’une agriculture intensive, polluante et qui contribue, par l’exportation, à affamer les paysanneries du Sud.

Ceux qui possèdent le plus d’hectares de blé ou de betterave sucrière bénéficieront de plus de subventions, tandis que ceux qui pratiquent le maraîchage ou le petit élevage et qui n’ont jamais été protégés par les prix, auront très peu accès à ces subventions.

La PAC, machine à paupériser

A force de céder en rase campagne à chacune des exigences du lobby agricole, on est en train de détruire les tenants de l’agriculture paysanne, déjà malade : crise de l’élevage, non renouvellement des générations… Et l’on va accentuer la crise de ce secteur par notre soutien à l’exportation plutôt qu’à l’agriculture de proximité.

Cette politique crée la famine au Sud et la malbouffe au Nord, selon le titre d’un ouvrage de l’agronome Marc Dufumier qui a succédé à René Dumont. Dès les années 70, l’un des pères de l’écologie politique française dénonçait cette politique suicidaire. Depuis rien n’a changé. Au contraire.

La délocalisation de l’industrie agro-alimentaire a entraîné celle des paysans eux-mêmes. Les industriels de l’agro-business français achètent des terres dans les pays de l’est, en Ukraine ou en Roumanie, et jouent du dumping avec les prix agricoles. La PAC est devenue une machine à paupériser les paysans, ici en Europe et là-bas dans le Sud.

Bientôt plus de paysans ?

Il reste en France 490 000 exploitations agricoles, il y en avait 2 100 000 en 1960. Au rythme actuel des disparitions, il en restera 100 000 en 2030.

Alors que la taille moyenne des exploitations grandit, la mécanisation encore plus poussée de la production induit des milliers de suppressions d’emplois. En France, entre 1980 et 2010 l’agriculture en a perdu 3 millions.

Entre 1960 et 2004 le volume de la production agricole française a doublé, sa valeur a baissé de 16%.

La pauvreté concerne 25% des agriculteurs, contre 13% en moyenne pour l’ensemble de la population.

Tandis qu’une classe de managers de l’agro-business s’est créée sur le dos des paysans-travailleurs, le monde rural n’a plus que le choix entre désert social et culturel et lieu de villégiature. Avec l’étalement urbain, c’est chaque année des dizaines de milliers d’hectares qui disparaissent. Les paysans n’ont plus que les méthodes de la jacquerie pour se faire entendre. Leur parole est souvent confuse. Pourtant c’est eux qui nourrissent le monde.

Cauchemar prôné par Monsanto

Quel type de société veut-on pour nos enfants ? Celle qui est décrite comme une utopie meurtrière dans le film de science-fiction « Soleil Vert » ? Ou celle de la relocalisation de l’agriculture, de l’agro-alimentaire, des circuits courts, du bio de proximité, de l’agriculture urbaine et de l’agro-écologie, c’est à dire des bonnes pratiques issues du savoir-faire paysan, liées à un environnement sain débarrassé des pesticides et des OGM ?

Les malfrats de l’industrie agroalimentaire et les politiques irresponsables sont en train de transformer le cauchemar prôné par Monsanto et ses comparses en réalité. L’agriculture française est une bombe à retardement.

Si nous sommes tous responsables de ce que nous mangeons, alors nous devons être solidaires des paysans qui se battent pied à pied pour sauver leur métier : celui de nourrir les hommes en étant rémunérés décemment. Au Salon de l’agriculture, derrière le cul des vaches, il y a des femmes et des hommes, ne l’oublions pas.

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26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 18:00

 

Le Monde.fr avec AFP | 26.02.2013 à 17h01 • Mis à jour le 26.02.2013 à 17h30

 

 

 

Les principales corrections financières concernent la Grande-Bretagne (138 millions d'euros), l'Italie (76,1 millions d'euros), l'Espagne (63,5 millions d'euros) et la France (41,4 millions d'euros).

La Commission européenne a annoncé mardi 26 février qu'elle réclamait à 22 Etats de l'Union européenne (UE), dont la France, un total de 414 millions d'euros correspondant à des dépenses irrégulières effectuées au titre de la politique agricole commune (PAC).

Certains montants ayant déjà été recouvrés, l'incidence financière nette sera d'environ 393 millions d'euros, a précisé la Commission dans un communiqué. Ces fonds seront reversés au budget de l'UE.

 CORRECTIONS FINANCIÈRES

Les Etats membres sont responsables du paiement et de la vérification des dépenses effectuées au titre de la PAC, mais il revient à la Commission de "s'assurer qu'ils utilisent correctement les fonds mis à leur disposition", rappelle le communiqué.

Les principales corrections financières concernent la Grande-Bretagne (138 millions d'euros), l'Italie (76,1 millions d'euros), l'Espagne (63,5 millions d'euros), la France (41,4 millions d'euros) et la Pologne (35,1 millions d'euros).

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26 février 2013 2 26 /02 /février /2013 17:53

 

Le Monde - emploi.blog

Sans surprise, le chômage a de nouveau augmenté en janvier, pour le 21e mois consécutif. Selon les chiffres publiés mardi 26 février par le ministère du travail et de l'emploi, le nombre de demandeurs d'emploi n'ayant eu aucune activité au cours du mois (catégorie A) s'est établi à 3 421 800, Dom compris. La hausse a atteint 41 900 personnes en un mois.

Cette forte hausse est due en partie à des changements de pratiques des radiations administratives début janvier. Celles-ci ont désormais lieu au moment de la notification, et plus au moment du manquement qui les motive. Selon le ministère, la hausse aurait été limitée à 22 800 personnes en catégorie A en métropole sans cette modification. "Cette progression est inférieure à l’évolution moyenne constatée au second semestre 2012", a calculé le ministère. Certes, mais elle montre que la hausse du chômage n'est pas près de ralentir, après des chiffres de décembre qui avaient été un peu plus optimistes.

Un niveau jamais atteint depuis juillet 1997

En France métropolitaine, le nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A s'établit à 3 169 300, un chiffre jamais atteint depuis juillet 1997. A ce rythme, le record de janvier 1997 (3 195 500 inscrits) pourrait être dépassé dans deux mois. En comptant les chômeurs en activité réduite (catégories B et C), la hausse atteint 60 000 personnes. Elle aurait été de 36 800 personnes sans la modification sur les radiations, ce qui reste là aussi très élevé.

Le nombre de chômeurs dans les catégories A, B et C s'établit à 4 967 500 personnes Dom compris, tout proche du terrible seuil symbolique des 5 millions de chômeurs.

Lire : "Chiffres du chômage : mode d'emploi"

Dans le détail, les chômeurs de longue durée, inscrits depuis plus d'un an, sont à nouveau fortement touchés, avec une hausse de près de 2 % en un mois, et près de 14 % en un an. La catégorie des chômeurs inscrits depuis plus de trois ans bondit même de 18,5 % en un an. Conséquence de cette dramatique explosion du chômage de longue durée, le nombre de demandeurs d'emploi au RSA a grimpé de 45 000 personnes en un mois, en hausse de 14 % sur un an. Pour l'allocation de solidarité spécifique (ASS), la hausse est de 12,3 % en un an.

L'objectif d'inverser la courbe d'ici fin 2013 officiellement maintenu

En janvier, cette nouvelle hausse du chômage est surtout due à la chute des sorties des listes d'inscrits de Pôle emploi : en effet, en plus de la baisse des radiations, les reprises d'emploi déclarées ont reculé de plus de 5 % en un mois et les entrées en stage de plus de 11 %. Les offres d'emploi collectées reculent de plus de 10 % en janvier.

De leur côté, les nouvelles inscriptions ont baissé légèrement (-2,7 %), car les fins de CDD, de missions d'intérim ou les licenciements économiques ont affiché une relative stabilité en janvier. Dans son communiqué, Michel Sapin, le ministre du travail et de l'emploi, renouvelle "l’objectif du gouvernement d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année". Les chiffres de janvier montrent qu'on en est encore très loin.

Lire : "Chômage : la promesse intenable de François Hollande"


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25 février 2013 1 25 /02 /février /2013 16:43

 

 

 

 

 

Un abîme est devant nous, où nous entraîne une politique sans hauteur qui, depuis mai 2012, n’a cessé de plier devant les obstacles – européens, financiers, institutionnels. Cet étrange renoncement ne sauvera rien, pas même la gauche au pouvoir dont l’impuissance face au désastre social de 2013 appellera une sanction électorale en 2014. Contre cette triste pédagogie de la fatalité et de la résignation, personne ne nous sauvera, sauf nous-mêmes : il nous revient à tous, entre audaces individuelles et défis collectifs, d’ouvrir l’avenir en inventant l’inconnu.

« Ils gouvernaient comme ils avaient vécu, par adaptations successives » : cette ancienne citation m’est revenue comme une évidence depuis que François Hollande est devenu président de la République et que se succèdent, sur les fronts essentiels, reculs et faiblesses, concessions et conformismes, présidentialisme continué, Europe inchangée et finance confortée, urgences prises pour l’essentiel tandis que l’urgence ne va pas à l’essentiel, et tout ce temps perdu qui ne se regagnera jamais…

Ma mémoire l’ayant quelque peu transformée, la voici, rendue à son exactitude : « Dans l’impossibilité d’asseoir leur autorité sur la force d’un symbole (…), ils gouvernèrent comme ils avaient vécu, à coup d’imperceptibles adaptations. » C’est de François Mitterrand, aux premières pages du Coup d’État permanent (1964), ce réquisitoire contre cette Cinquième République bonapartiste dont il sera le premier président socialiste, inaugurant une conversion institutionnelle fatale à l’altérité démocratique et sociale de la gauche française.

Mitterrand y décrit son propre monde, la classe politique dont il fut avec zèle et dont il s’efforce alors de réchapper, celle de l’après-guerre qui, échouant à sauver la République du désastre colonial, finira dans les bras d’un militaire sauveur, comme trop souvent en France depuis Napoléon. « Parvenus au premier rang, écrit-il d’une plume acérée, mais incapables de trouver en eux-mêmes la force de créer un ordre nouveau, tournés vers le passé, ses usages et ses rites, ils se dépêchèrent d’imiter l’ordre ancien… » Et de conclure que « ce n’est pas par excès de démocratie que la Quatrième République a dépéri mais par peur de la démocratie, par timidité à l’égard du peuple ».

Si je convoque cette référence, c’est pour tenter de cerner cette énigme : ce fait que la présidence Hollande a réussi, en une moitié d’année, cette prouesse de décevoir même ceux qui, avertis des limites du Parti socialiste, ne se faisaient aucune illusion. Mais qui pariaient, au moins, sur la dynamique d’un vote dont les exigences ne seraient pas aussitôt remisées ou dévaluées. Loin d’un chèque en blanc, se débarrasser du sarkozysme, de son hystérie politicienne et de sa droitisation extrême, c’était en effet, par la force du suffrage, mettre à l’ordre du jour tout ce que la présidence sortante avait incarné et qu’il fallait absolument défaire. Non pas le style, mais la ligne. Non pas l’apparence, mais la consistance.

Le candidat le savait pertinemment qui, une fois sorti vainqueur des primaires socialistes par habile prudence plutôt que par forte conviction, finit par accélérer sa campagne, la positionner et la construire sur les trois questions centrales de l’heure. Celles du bilan de Nicolas Sarkozy tout autant que celles de la crise de civilisation qui nous saisit : les questions de l’Europe, de la finance et de la démocratie. Car que promettait François Hollande ? De réorienter l’Europe, de combattre la finance, d’instaurer une présidence normale. Or que reste-t-il de ces trois engagements ? Presque rien ou l’exact contraire, dans tous les cas pas grand-chose.

Les derniers rendez-vous européens ont montré une France isolée face à un tandem germano-britannique donnant le la d’une Europe plus indifférente que jamais à ses peuples, utilisant la récession pour forcer l’austérité tandis que le pacte de croissance dont se targuait François Hollande est déjà oublié. L’avorton de réforme bancaire obtenu par les lobbys financiers marque le deuil de la grande mise en ordre promise afin d’enrayer les ravages de la spéculation, repartie de plus belle malgré sa responsabilité avérée dans la crise actuelle. Quant à la démocratisation de la vie publique dont le seul coût est de volonté politique, elle est en panne, la réforme constitutionnelle bel et bien encalminée, le cumul des mandats reporté aux calendes, la refondation de la liberté de l’information pas à l’ordre du jour.

 

Cet étrange renoncement

Voici donc la gauche socialiste au pouvoir repartie pour cette dissociation des engagements électoraux et des choix gestionnaires qui, dans le passé, lui fut toujours fatale. Témoin ou acteur des sévères défaites législatives de 1986 et de 1993 ainsi que du stupéfiant échec présidentiel de 2002 et de l’inattendu « non » au référendum de 2005, la génération aujourd’hui au pouvoir sait pourtant d’expérience combien est douloureux, entre désolation et division, le prix à payer pour ces renoncements essentiels, sur les terrains européen, économique et démocratique. Sans parler de celles et ceux qui, parmi les actuels ministres, se sont affirmés et construits dans le bilan critique de ces échecs.

Tel fut le cas, par exemple, de Christiane Taubira, de Vincent Peillon et d’Arnaud Montebourg. Or les trois noms qui, spontanément, viennent à l’esprit pour incarner un rapport critique de la gauche à sa propre histoire sont aussi les trois ministres les plus remarquablement atypiques du gouvernement Ayrault – et qui, par leur bilan personnel, font déjà entendre une différence. Mais que pèsent, à la vérité, la hauteur poétique de la ministre de la justice, le volontarisme social du ministre du redressement productif et l’exigence intellectuelle du ministre de l’éducation face à des choix économiques, sociaux, sécuritaires, voire internationaux, qui ne marquent pas de différence évidente avec une politique de droite modérée et, encore moins, avec celle qu’aurait incarnée Dominique Strauss-Kahn ?

Tandis que les écologistes sont devenus inaudibles, piégés par leur participation gouvernementale qui, en les neutralisant, confirme l’allergie foncière de la Cinquième République au pluralisme, et que le Front de gauche est, à l’inverse, légitimement conforté dans sa contestation radicale, il nous reste à comprendre la rapidité de ce retournement. Car ce triple renoncement, commencé dès l’été 2012 (lire ici, , aussi et encore, les articles où nous prenions date), s’est produit sans événement extérieur, sans conjoncture nouvelle, sans contrainte imprévue. Sans combat ni débat, comme une sorte d’affaissement naturel. Comme si lassitude et fatigue avaient d’emblée saisi ce nouveau pouvoir devant l’ampleur des obstacles que ses promesses de changement avaient forcément placés devant sa route.

C’est ici que l’évocation par François Mitterrand de ces politiques qui glissent sans forcément l’avoir choisi ou voulu, par habitudes, conforts et pesanteurs, s’adaptant toujours sans jamais rompre, n’est pas inutile. Car, loin d’un déterminisme simpliste, cette image laisse place à l’autonomie des individus, selon qu’ils se conforment aux milieux et aux intérêts qui les entourent ou qu’ils savent s’en échapper, leur résister et les distancier. Point d’équilibre d’un pouvoir constitué à la façon d’une direction socialiste, dans une homogénéité de circonstance plutôt que de cohérence politique, le tandem Hollande-Ayrault a pris la première voie, autant par conformité à sa nature foncière que par conviction solide.

Sans doute se pensent-ils sincèrement raisonnables et responsables, équilibrés et attentifs, patients et précautionneux – et, de ce point de vue, on ne saurait regretter un heureux contraste avec la brutalité et la virulence sarkozystes. Mais, en persévérant ainsi dans leur être, par adaptations successives, ils ne se montrent guère à la hauteur de l’histoire qui les emporte et les bouscule. Conjugaison d’une révolution industrielle – la troisième de notre modernité, avec le numérique pour moteur, succédant à la machine à vapeur et à l’électricité des deux premières –, d’une durable crise du capitalisme – la troisième de cette ampleur après celles de 1857 et de 1929 –, et d’une fin de la domination de l’Europe sur le monde – clôturant le cycle ouvert, il y a plus de cinq siècles, par le « Nouveau Monde » de Christophe Colomb –, notre époque incertaine et obscure appelle des audaces, des inventions, des créations – et non plus seulement des prudences, des répétitions et des continuations.

Dans son désastre européen, enfantant guerres mondiales et guerres coloniales, le siècle passé nous a enseigné que l’histoire n’est jamais écrite – et qu’elle peut aussi bien tourner en catastrophe par la faute d’une humanité imprévoyante ou inconsciente, aveuglée ou dépossédée. L’avertissement vaut pour nos temps inquiets où l’incertitude nourrit la peur qui, elle-même, produit la haine. Aussi le triple renoncement socialiste fait-il irrésistiblement penser au constat désolé de l’historien – et futur résistant – Marc Bloch devant L’Étrange défaite de 1940. Celle-ci, comme souvent les désastres, n’est pas survenue à la façon d’une surprise inattendue, mais en résultant d’une addition de conformismes et de suivismes, de résignations et de soumissions.

« Cette faiblesse collective n’a peut-être été, souvent, que la somme de beaucoup de faiblesses individuelles », écrivait-il, visant ces « classes dirigeantes » à qui « quelque chose a manqué de l’implacable héroïsme de la patrie en danger ». Sans vision ni ambition, endormies par « toute une littérature du renoncement », ne pensant qu’au court terme et qu’à leur intérêt égoïste, elles étaient saisies d’un « funeste rétrécissement d’horizon », foncièrement incapables de « voir plus loin, plus haut et plus large ». Et Marc Bloch de recommander que le peuple « se remette à l’école de la vraie liberté d’esprit », résumée, selon lui, par « cette maxime de sagesse » : « Il est bon qu’il y ait des hérétiques. »

 

Le piège de la Cinquième République

Aussi dissemblables soient-elles, de François Mitterrand à Marc Bloch, du coup d’État de 1958 à la capitulation de 1940, ces résonances dessinent une histoire toujours ouverte et parfois tragique, qui nous requiert et nous oblige, bref qui devrait nous élever alors même que nos actuels gouvernants privilégient une pédagogie de contrainte et de fatalité, où la comptabilité tient lieu de politique. Comme le furent leurs prédécesseurs de gauche, ils sont présomptueux, pensant dominer des usages et des rites, ceux de la Cinquième République, qui, en vérité, s’imposent à eux pour réduire ce qui leur restait d’altérité, les isoler de la société et les confondre avec l’État.

Or, loin d’être neutre, au-dessus des classes et des partis, cet État, en ses sommets, est plus que jamais sous la pression ou sous la dépendance d’intérêts oligarchiques, au croisement de l’avoir et du pouvoir, de l’argent et de la politique, de la finance et de l’administration. Survivant aux alternances et s’accommodant d’allers et retours du public au privé, une élite gestionnaire impose ses vues hors de toute publicité et de tout contrôle, avec la conviction de savoir mieux que le peuple ce qui est bon pour lui. Spécificité française, le poids maintenu des cabinets ministériels et élyséen, dont la composition n’obéit qu’au bon vouloir des Princes du moment, illustre cette secrète mainmise au détriment d’une responsabilisation transparente des administrations et de leurs directions.

Pensée pour affirmer la prééminence de l’État sur les coteries, la Cinquième République a réussi cette prouesse de transformer l’État en relais partisan ou complaisant, dans un entre-soi confortable où le renouvellement des cercles dirigeants ne laisse guère entrer la contradiction, la dissonance et la différence. À cette aune, la plupart des nominations faites par le nouveau pouvoir, notamment celles dévolues au large périmètre présidentiel, ont confirmé ces pesanteurs. Ainsi, plutôt que de précipiter une véritable refondation démocratique de l’audiovisuel public (et, au-delà, de la liberté de l’information), on se contentera de choisir – en vérité, d’imposer, selon des règles inchangées – à la tête de l’autorité qui le contrôle une figure déjà éprouvée des cabinets de la gauche gouvernante. Autrement dit, de faire confiance à la fidélité plutôt qu’à la réforme.

Et que dire, dans des domaines, ceux de la relation au monde et aux autres, à la diversité et aux ailleurs, où l’audace était à peu de prix, des choix faits pour l’Institut du monde arabe ou pour la Cité nationale de l’immigration, nomination d’un vieux cacique socialiste dans un cas, renouvellement d’un aussi vieux cacique chiraquien dans l’autre ? Exemples sans doute secondaires au regard des choix, plus lourds de conséquences, faits dans le domaine économique, par exemple pour la Caisse des dépôts et la Banque publique d’investissement, confiées à un ancien haut fonctionnaire ami, hier compatible avec Nicolas Sarkozy et, donc, témoin d’une sorte d’interchangeabilité des politiques sous la droite et sous la gauche.

Mais, le diable se nichant toujours dans les détails, l’anecdotique dit souvent l’essentiel, tout comme les efforts pathétiques d’une journaliste pour jouer un rôle politique qui n’existe pas, celui d’une supposée « Première Dame », illustrent l’anormalité maintenue d’un présidentialisme délétère. Chronique à répétition de conflits d’intérêts manifestes, l’affaire soulevée par Mediapart à propos du ministre délégué au budget, patron de l’administration fiscale tout en étant soupçonné de fraude fiscale, montre de même que les principes invoqués hier contre la droite peuvent être soudain mis en veilleuse, dans un sorte d’asthénie morale liée à l’exercice du pouvoir.

C’est la plus évidente surprise de ce début de présidence : sa tiédeur sur le terrain des réformes et des exigences démocratiques quand, dans le même temps, rigueur économique et austérité sociale sont imposées à grands pas. L’heureuse audace du mariage pour tous reste une exception solitaire, tandis qu’au quotidien, les classes populaires se sentent toujours dépossédées de toute emprise sur leur avenir, subissant les conséquences de décisions économiques et de choix financiers qui ne leur appartiennent pas. L’éventuelle bonne volonté des protagonistes, ministres et entourages, n’est pas en cause mais, plutôt, leur croyance qu’elle suffit alors même qu’il leur faudrait bousculer et mobiliser, susciter l’adhésion et entraîner la confiance.

Suffisante, sinon prétentieuse, cette croyance est insupportable pour tous ceux qui subissent les conséquences des renoncements qu’elle est supposée absoudre. Car une politique se juge toujours dans cette relation à la vérité que dessine l’écart entre ses paroles et ses actes. Un an après la visite symbolique, le 24 février 2012, du candidat Hollande aux ouvriers sidérurgistes d’Arcelor-Mittal à Florange, la contradiction est flagrante entre le volontarisme électoral et la passivité gouvernementale. Qu’il faille la crise du Mali, l’un des pays les plus pauvres du monde – 175e à l’indice du développement humain qui recense 177 nations –, et cette nouvelle guerre au terrorisme, aux accents trop facilement dominateurs, pour redonner un semblant d’ardeur politique au nouveau pouvoir ne fait que souligner ce décalage, et l’impuissance dont il témoigne

 

Le pouvoir des sans pouvoirs

Manquant de vision et d’audace, cette politique à pas et à temps comptés accompagne une générale perte de hauteur du débat public. Sans que l’on sache ce qu’annonce ce climat délétère, nous vivons un semblant de décadence typique d’un ancien régime épuisé. Tandis que l’édition marchande impose la confession intime et le voyeurisme salace, au détriment d’une littérature de la découverte et du dépassement, l’inépuisable feuilleton strauss-kahnien met en scène l’accouplement de la prédation sexuelle et de la domination sociale.

Tandis que l’ancienne droite républicaine se vautre dans le racisme antimusulman et dans l’essentialisme identitaire, le ministre de l’intérieur en place désigne un ennemi intérieur qui accouple les mots fascisme et islam, tout en assimilant la colère ouvrière aux casseurs délinquants. Tandis qu’un affairiste notoire, repris de justice avéré, fait main basse sur des journaux avec la complicité des banques, l’information ne cesse d’être malmenée par le divertissement, le rire ayant détrôné la conscience et le doute désabusé tenant lieu de conviction enracinée.

Qui donc nous redonnera de l’air et de la hauteur ? Une envie d’horizon, d’ailleurs et de lendemains ? Un goût d’élévation qui ne soit pas de domination ? Un souci des autres et du monde où se réinvente un chemin d’espérance ? Qui d’autre sinon nous-mêmes ? Car, sauf à déchanter rapidement, il n’est pas, en cette matière par essence démocratique, de César, de tribun ou de sauveur suprême qui vaille, selon l’ancienne lucidité du premier chant international du monde ouvrier. Nous-mêmes, c’est-à-dire cette radicalité pragmatique, réaliste et concrète, qui s’invente au plus près des expériences et des résistances, des luttes et des refus.

Dans un livre trop peu commenté, paru une année avant qu’il ne devienne ministre du gouvernement Ayrault, Vincent Peillon défendait « le pouvoir des sans pouvoirs ». Philosophe de profession, il s’efforçait d’y renouer les liens du politique à l’action et à la vérité dans le moment même où ils semblent les plus distendus, voire, trop souvent, rompus. Imbriquant solidairement la démocratie politique à la démocratie économique et sociale, cet Éloge du politique (Éditions du Seuil) peut être lu, aujourd’hui, comme le propos absent du nouveau pouvoir. Comme son silence en quelque sorte.

Mais un silence logique, à en croire le philosophe-ministre qui, congédiant soudain une classe épuisée de professionnels de la politique, nous renvoie à tous l’exigence d’audace et de vision et, par conséquent, d’engagement. « Dans les grandes mutations historiques et politiques, dans les grands bouleversements et les grandes tragédies, les politiques sont absents, ou faibles, écrit-il. D’autres hommes surgissent. Ce n’est pas un hasard, et ce n’est pas circonstanciel. Cela se reproduit toujours. L’idée d’une politique “antipolitique” signifie cela, que le politique n’est pas la politique, n’est pas la question du pouvoir mais celle de la vie dans la vérité. Un syndicaliste, un militaire, un homme de théâtre, un journaliste, un philosophe ébranlent alors le monde, beaucoup plus que ne le feront jamais les politiciens. »

Et de conclure par cette injonction : « Ne laissons pas les hommes du pouvoir, de l’argent et de la flatterie juger une seconde fois Socrate. Ne les laissons pas une seconde fois le condamner à mort. » Nous voici donc requis, sommés d’agir et de découvrir. De ne plus seulement commenter ou contempler, en spectateurs passifs, mais de chercher à tâtons, là où nous sommes, où nous vivons et travaillons, les lueurs qui perceront le brouillard où l’on nous égare. Peut-être alors croiserons-nous en chemin ces grands voyants que sont les poètes qui, à l’instar du Rimbaud communard et de tant d’autres, devinent l’inconnu où s’invente l’humanité.

Dans des notes posthumes, publiées en 1901 sous l’intitulé Post-scriptum de ma vie, on trouve cette fulgurance de Victor Hugo où s’exprime notre attente, et, peut-être, notre destin, entre risque et pari : « Un abîme est là tout près de nous. Nous poètes, nous rêvons au bord. Vous, hommes d’État, vous y dormez. »


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25 février 2013 1 25 /02 /février /2013 16:29

 

Rue89 - Vie de bureau 25/02/2013 à 11h45
Rozenn Le Saint | Journaliste

 

 

Cheminots, intermittents, enseignants… Souvent attaqués et enviés pour leurs privilèges professionnels, ils ont développé une défense rodée.

Les grandes vacances des enseignants que Vincent Peillon envisage de raccourcir, les agents EDF qui ne payent pas l’électricité, ceux de la SNCF qui voyagent gratis et les intermittents qui glandent aux frais de Pôle emploi… Entre clichés et véritables avantages professionnels, ces travailleurs sont souvent pris à partie, dans la sphère privée.

A commencer par les professeurs des écoles, notamment quand ils clament leur refus de passer d’une semaine de 4 à 4,5 jours. François Dubet, sociologue à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), s’est étonné de ce mouvement de contestation. « Comment se débrouillent les autres ? » nous demande-t-il quand nous l’appelons pour avoir des explications :

« Les enseignants sont loin d’être des nantis, et je ne crois pas en la légende auto-entretenue par les professeurs qu’ils auraient une image de fainéants. Les Français reconnaissent la difficulté de leur métier. En revanche, les enseignants ne se rendent pas compte des contraintes professionnelles des autres, qui ont des horaires fixes et un chef sur le dos tous les jours. »

Chez les profs : « Si c’est si facile... »

Entre deux « Peillon, démission », criés devant le ministère le 12 janvier, Jacques Borensztejn, directeur d’une école primaire parisienne, regrette les reproches perpétuels liés au prétendu temps libre des enseignants, bien souvent occupés à préparer les cours ou à corriger les copies. A chaque attaque, il dégaine une invitation :

« Quand on m’interpelle, je réponds : “Tente ta chance, on recrute beaucoup cette année !” Si c’est si facile et avantageux d’être enseignant, pourquoi en manque-t-on ?

Quand je suis entré dans l’Education nationale en 1975, je gagnais deux fois le smic. A présent, un jeune prof touche 1,3 fois le salaire minimum. »

Les professeurs utiliseraient aussi leur connaissance du système éducatif pour placer leurs enfants dans les meilleures classes. François Dubet se souvient que lors d’un entretien, une enseignante lui avait répondu qu’après tout, les agents EDF ne payaient pas leur électricité. Pour le sociologue :

« Ces comparaisons d’avantages professionnels, qui ne sont pas mirobolants, sont révélateurs d’un climat qui se noircit. Les pauvres finissent par se détester.

Cela me rappelle l’atmosphère de mon enfance, juste après la Seconde Guerre mondiale. La croissance des Trente Glorieuses avait effacé tout cela mais les ressentiments reviennent d’une manière pas très sympathique. »

Chez les cheminots : « Des problèmes de santé »

Crise ou pas, entre le fromage et le dessert, à chaque repas de famille, ce contrôleur SNCF y a droit depuis plus de 30 ans. Toujours les mêmes griefs à l’encontre des congés des cheminots que les proches de Serge Bellamy lui servent sur un plateau.

Si le joyeux quinquagénaire admet que ses 116 jours de repos annuels, auxquels s’ajoutent 28 jours de congés et 10 RTT constituent un véritable avantage, il regrette que les inconvénients, eux, soient si peu remarqués des envieux, généralement « des vieux de [son] âge travaillant dans le privé ». Alors pour les faire taire, sa technique à lui, c’est de rappeler les difficultés du métier :

« Mon quotidien, c’est des problèmes avec la clientèle, des nuits découchées et des kilomètres avalés. Rien à voir avec une vie pépère derrière un bureau. Les horaires décalés m’ont aussi valu des problèmes de santé, j’ai dû me faire opérer des intestins. »

Après les interminables anecdotes de chacun sur les retards de train, il entend toujours la même rengaine : les trajets gratuits pour toute la famille (huit voyages par an tous frais payés puis, maximum, 20% du prix d’un billet). Un avantage que certains utilisent peu finalement, comme Bruno Volier, conducteur de TGV :

« Quand je prends des vacances en famille, ce qui m’arrive un été sur trois seulement, compte tenu de la forte activité estivale, j’évite de prendre le train histoire de me sortir le travail de la tête. »

Chez les intermittents : « Travailler au pied levé »



La une du Point : « La France des enfants gâtés », le 25 octobre 2012 

 

Les intermittents aussi occupent une place de choix dans les rapports de la Cour des comptes et pour nourrir les unes sur « La France des enfants gâtés »… qui bien souvent, font l’impasse sur la précarité engendrée par le statut, selon Marie Kaiser, chef maquilleuse :

« Pendant un an, je n’ai pas trouvé de logement. Comment voulez-vous que je constitue un dossier avec des contrats irréguliers, à la journée ? Une fois, une employée d’une agence immobilière parisienne me l’a même jeté à la figure. Pourtant, j’avais deux garants…

Je suis allée chez mon ami de l’époque, mais c’était trop tôt, cela a cassé notre relation. J’ai passé un an avec mes deux valises dans ma voiture, c’est tout ce que j’avais ! »

De quoi clouer le bec des mauvaises langues en ces temps de « chasse aux sorcières », assure la quadragénaire.

« J’ai annulé assez de soirées pour travailler au pied levé pour que mes proches aient compris que mon univers est hyperconcurrentiel et que je ne peut pas me permettre de refuser une journée de travail ou de planifier des vacances... Je ne reste pas chez moi à attendre de toucher les Assedic ! En revanche, j’en suis tributaire. A la place, je préfèrerais avoir un salaire qui me permette de vivre. »

Agent EDF : « Ils ne paieraient pas un centime de moins »

Autre statut épinglé par la Cour des comptes, le 12 février, celui des salariés d’EDF aux revenus « trop généreux », au riche CE et au tarif agent avantageux (ils paient 10% de la facture). Un tiercé gagnant que Vincent Rodier, 26 ans au compteur, doit perpétuellement justifier :

« Le jour où les collègues de ma femme reçoivent leur facture d’électricité, elle a droit à des remarques. Je leur explique que le tarif agent fait partie du “package” salarial proposé à l’embauche et qu’il ne coûte pas tant que cela : 222 millions d’euros par an à l’échelle d’EDF, ce n’est pas grand-chose.

S’il disparaissait, ils ne paieraient pas un centime de moins l’électricité : l’augmentation est due à la hausse du coût de l’énergie et des frais de maintenance des centrales post-Fukushima. »

Pour se déculpabiliser, il y a deux ans, Vincent Rodier a équipé sa maison lyonnaise d’un poêle à bois, qu’il allume en période de pic de froid, pour soulager les lignes. Soucieux d’enseigner l’économie d’énergie, ce père de deux filles affirme :

« Psychologiquement, je suis content de m’effacer quand les réseaux sont très tendus. »

Un sentiment de culpabilité loin d’être généralisé, selon Jean-Paul Guillot, économiste :

« Plus les Français voient leur budget se restreindre, plus ils s’accrochent à leurs avantages spécifiques. Mais le vrai problème, c’est que depuis quinze ans, 1% de la population confisque la totalité des gains de la croissance dans le monde. Ce petit groupe a intérêt à ce qu’on se focalise sur les petits “privilèges” des électriciens ou des cheminots, plutôt que sur son enrichissement excessif à l’instar du jeune ingénieur qui gagne 100 000 euros par mois dans une banque ! »

Le sociologue François Dubet l’assure, « le système de jalousie est infini ».

 

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25 février 2013 1 25 /02 /février /2013 15:25

 

Libération

  25 février 2013 à 13:01 (Mis à jour: 14:47)
Olivier Besancenot le 31 août 2012 à Paris.
Olivier Besancenot le 31 août 2012 à Paris. (Photo Bertrand Guay. AFP)

 

 

Article + vidéo L'ex-candidat trotskiste à la présidentielle proteste contre la menace de fermeture d'une usine de la marque dans la Sarthe. Candia dénonce une sortie «irresponsable».

Par AFP

Olivier Besancenot (Nouveau Parti anticapitaliste) a appelé lundi à boycotter le lait Candia dont des salariés luttent contre une menace de fermeture d’usine dans la Sarthe. Sur France 2, l’ex-candidat trotskiste à l’Elysée a brandi une brique de lait de cette marque, en évoquant les employés de l’usine du Lude, près du Mans, «qui m’ont demandé d’appeler au boycott».


 


 

«Ceux qui s’apprêtent à boire du lait, vous pouvez faire un geste tout simple, militant à sa façon, arrêter de boire du Candia en ce moment parce qu’ils sont 190 à voir leur usine fermer, à lutter contre leur plan social», a fait valoir le responsable d’extrême gauche. «Chacun peut le faire, et chacun peut être un peu plus efficace que le gouvernement en la matière», selon Olivier Besancenot.

Jean-Baptiste Froville, porte-parole de Candia, a jugé «irresponsable» cet appel au boycott. «Candia est une entreprise française. 100% de ses produits sont fabriqués grâce à du lait français», a-t-il affirmé, précisant que 12 400 producteurs de lait français environ travaillaient pour Candia.

Selon lui, «la restructuration de l’entreprise est liée à des difficultés et le groupe joue sa survie, ce qui nécessite un plan de restructuration». Dans ces conditions, «l’appel au boycott d'Olivier Besancenot est irresponsable», a-t-il affirmé.

Olivier Besancenot avait auparavant estimé que le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg, «s’il croit à ce qu’il raconte, il faut qu’il assume qu’il n’a pas les moyens d’agir dans ce gouvernement et qu’il parte».

Interrogé sur l'échange épistolaire entre Arnaud Montebourg et le PDG américain de Titan, il a jugé la lettre de ce dernier «grotesque, ordurière, mais la réponse de Montebourg c’est "on joue à savoir qui pisse le plus loin", qui est le plus compétitif».

«Sauf que la possibilité d’un repreneur Titan» pour l’usine Goodyear d’Amiens, «c’est le gouvernement qui l’a mise sur la table, les travailleurs n’y ont jamais cru», a fait valoir Olivier Besancenot.

L’usine du Lude est, avec celles de Villefranche-sur-Saône (Rhône) et Saint-Yorre (Allier), l’un des trois sites que le groupe coopératif Sodiaal - maison-mère de Candia - compte fermer dans le cadre de sa restructuration.

 

 

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