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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 15:45


 

De notre envoyé spécial à Bruxelles


C'est la principale vertu de la crise politique italienne : elle relance avec force le débat sur les bienfaits de l'austérité en Europe, qui s'était presque évanoui ces derniers mois. Depuis les résultats du scrutin, qui ont plongé Bruxelles dans un état de choc, d'autres signes d'un ras-le-bol populaire à l'encontre de l'extrême rigueur se sont multipliés, comme autant d'avertissements destinés aux dirigeants européens. 

Au Portugal, des centaines de milliers de personnes sont descendues samedi dans les rues de 40 villes du pays, pour dénoncer une énième visite de la « Troïka » (commission européenne, FMI, BCE) à Lisbonne.

En Grande-Bretagne, des électeurs ont profité jeudi d'une élection partielle organisée à Eastleigh, dans le sud de l'Angleterre, pour infliger un camouflet à David Cameron : la formation du chef du gouvernement s'est fait doubler, non seulement par les libéraux-démocrates, mais aussi par les nationalistes d'UKIP, cette formation xénophobe et euro-sceptique qui est favorite des sondages pour les élections européennes de 2014 en Grande-Bretagne.

En Autriche enfin, où deux élections régionales anticipées se déroulaient dimanche, l'homme d'affaires milliardaire Frank Stronach, 80 ans, a réussi dimanche son pari. Sa formation, jusqu'alors totalement inconnue, est entrée dans les parlements régionaux de Carinthie et Basse-Autriche, grignotant notamment sur l'électorat traditionnel de l'extrême droite grâce à un discours là encore très eurosceptique.

 

Samedi à Lisbonne, manifestation contre la visite de la «Troïka» 
Samedi à Lisbonne, manifestation contre la visite de la «Troïka»© Reuters.

 

Dans ce contexte, les indicateurs économiques des derniers jours semblent confirmer le sombre scénario d'une Europe qui, selon l'expression du prix Nobel américain Paul Krugman, « s'auto-détruit ». Dans ses prévisions de printemps, la commission anticipe désormais une récession pour la zone euro tout entière (–0,3 %) cette année. Quant au chômage, son taux a atteint, en janvier, un sommet historique, à 11,9 % dans la zone.

« Il faut s'attendre à des tensions sociales et politiques d'une rare intensité. Les peuples européens vont faire face à une situation sans précédent », avait prédit l'économiste André Orléan, directeur de recherche à l'EHESS, dans un entretien en janvier à Mediapart. Les convulsions des derniers jours pourraient bien lui donner raison.

Pourtant, au cœur de la machine bruxelloise, la musique est très différente. En tout cas au sein de la commission européenne, dont les compétences ont été accrues pour gérer la sortie de crise, et en particulier surveiller les politiques budgétaires des États membres (à travers une batterie de textes entrés en vigueur depuis moins d'un an, comme le « six pack », puis le traité dit « TSCG », et enfin le « two pack »). Le message reste toujours le même : les États doivent poursuivre leurs politiques d'« assainissement budgétaire », quels que soient les sacrifices par lesquels il faudra passer. L'austérité, combinée à des réformes structurelles, est la seule voie possible.

 

L'ombre des élections générales allemandes

José Manuel Barroso, le patron de la commission, l'a reconnu sans détour la semaine dernière : « La question à laquelle nous devons répondre est la suivante : faut-il déterminer notre politique économique en fonction de considérations électoralistes de court terme, ou en fonction de ce qu'il doit être fait, pour remettre l'Europe sur le chemin d'une croissance durable ? Pour moi, la réponse est claire. »


 

Quant à Olli Rehn, l'austère commissaire finlandais, responsable respecté des affaires économiques, il observe la même ligne intransigeante. Dans une intervention jeudi à Londres, il s'est toutefois risqué à une provocation inhabituelle de sa part, se disant... keynésien. « Je ne suis pas sûr que le propre Keynes serait keynésien aujourd'hui (...) Moi, en tout cas, j'en suis un », a-t-il lâché, en référence à l'auteur de la Théorie générale, souvent désigné comme l'instigateur du « New Deal » aux États-Unis, politique de relance de l'économie par la... dépense publique. Ce qui n'a pas empêché le commissaire, dans la foulée, d'exhorter les pays en crise à poursuivre sur le chemin de la rigueur.

Bref, le noyau dur de la commission refuse tout changement de cap, et serre les rangs. Et comment ne pas voir en Mario Monti, le président du conseil italien, applaudi à tout rompre lors d'une conférence à Bruxelles jeudi, deux jours à peine après avoir encaissé un sévère revers dans les urnes en Italie, un symbole de cet entêtement bruxellois, insensible aux aléas électoraux ?

Le refrain est à peu près identique à Francfort, où siège la Banque centrale de Mario Draghi, mais aussi à Berlin. C'est Wolfgang Schaüble, le ministre des finances allemand, qui est sans doute l'auteur de la formule la plus spectaculaire : il a évoqué le risque d'une « infection » de la crise italienne au reste de l'Europe, sans hésiter à stigmatiser une nouvelle fois les pays du Sud de l'Europe.

Pourquoi cette rigidité ? L'une des explications est liée à la tenue d'élections générales en Allemagne, à l'automne prochain. D'ici là, les chantiers européens sont suspendus, selon un consensus implicite à Bruxelles. Plus question d'évoquer au grand jour la future union bancaire (dont les travaux avancent), ou de voler au secours d'un nouvel État menacé de faillite. Encore moins de desserrer l'étau de l'austérité, clé de voûte de la politique allemande... Bref, la crise italienne tombe à un très mauvais moment.

C'est tout l'enjeu des semaines à venir : l'Europe peut-elle se permettre d'attendre la fin de l'année, et l'après-scrutin allemand, pour lâcher du lest budgétaire ? La commission va-t-elle oser opérer un virage d'ici là ? Concrètement, deux pistes sont envisageables. D'abord en jouant sur le calendrier, en allongeant la durée de remboursement de la dette : ce serait un ballon d'oxygène pour bon nombre de pays. La commission a déjà accordé à certains pays, comme la Grèce, le Portugal ou l'Espagne, au cas par cas, une année supplémentaire pour tenir les objectifs budgétaires. L'exécutif n'exclut pas de donner un délai à Paris également.

 

Les lignes bougent aux Pays-Bas

Autre piste : s'assurer que les politiques d'austérité au Sud de l'Europe soient complétées par des politiques de relance au Nord (« contracycliques », disent les économistes), pour relancer l'activité dans toute l'Europe, et contrer la récession. L'Allemagne est directement visée, car elle en aurait les moyens. Mais la campagne électorale rend le scénario impossible.

Dans son discours à Londres, le commissaire européen y a pourtant fait directement allusion : « Ceux qui ont des marges de manœuvre budgétaires peuvent poursuivre des politiques contracycliques, avec des investissements ciblés dans des projets porteurs de croissance, comme la recherche et les infrastructures : c'est ce que fait la Suède aujourd'hui. » Mais les remarques de Rehn ne devraient pas avoir beaucoup d'impact outre-Rhin...

D'autres voix, toutefois, se font entendre dans la capitale belge. Y compris des commissaires de l'équipe Barroso, qui désapprouvent l'extrême rigueur prônée par la commission. C'est le cas de l'Italien Antonio Tajani, à l'industrie (ex-proche de Silvio Berlusconi), qui a déclaré que « les Italiens ne veulent pas seulement des sacrifices et encore des sacrifices ». Autre second couteau de l'exécutif européen, le socialiste hongrois Laszlo Andor s'est ouvertement interrogé : « Les prévisions économiques continuent de se détériorer. À part conserver la foi, est-ce que nous ne devrions pas nous y prendre différemment ? »

De manière plus spectaculaire, le débat est en train de prendre dans un pays jusqu'alors modèle en Europe pour la gestion de ses comptes publics – et proche allié de Berlin lorsqu'il en va de l'austérité : les Pays-Bas. Le ministre des finances (et président de l'Eurogroupe) Jeroen Dijsselbloem, qui doit annoncer une batterie de nouvelles mesures en fin de semaine, a prévenu : « Nous ne devrions pas étudier uniquement des mesures d'économies budgétaires, mais aussi des dispositifs pour relancer l'économie et créer des emplois. »

Ces voix suffiront-elles à contraindre la chancelière Angela Merkel à bousculer son calendrier de campagne ? François Hollande avait tenté, dans la foulée de sa victoire à la présidentielle, de faire bouger les lignes à Bruxelles, obtenant un « pacte de croissance » en juin 2012. Mais son contenu s'est révélé décevant, et n'a pas suffi à sortir l'Union de l'anémie économique. Aujourd'hui, le silence du président français sur les leçons du scrutin italien est saisissant.


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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 15:17

 

Rue89 - Témoignage 04/03/2013 à 12h17
Eléonore V. | Chômeuse

 

 

Candidatures, rendez-vous foireux... L’agenda d’Eléonore est toujours plein à craquer mais son entourage s’inquiète : « Tu te fais des expos ? Tu vas te balader ? »

 


Du café (Kamstrup/Flickr/CC)

 

6h40. J’allume un MacBook désormais poussif et bruyant, acquis il y a cinq ans, dans une période faste. Je venais d’obtenir mon diplôme de master et d’être recrutée comme cadre dans une multinationale. Quelques mois après, le monde – en crise depuis ma naissance, au début des années 80 – basculait brutalement vers la précarité pour tous.

J’ai grandi dans la culpabilité d’être « bien née », « nantie », « privilégiée ». Du couffin au premier studio d’étudiante, j’ai vécu dans le confort. De la crèche à l’université, on m’a apporté la connaissance sur un plateau. Du départ précoce du domicile familial aux expériences de vie à l’étranger, j’ai eu mille et une opportunités d’apprendre à me débrouiller et à développer mes facultés d’adaptation. Des copains fidèles aux cercles parentaux et professionnels, j’ai toujours été entourée d’un réseau dense, parfois influent, et volontiers disposé à rendre service.

Making of

« Mais du coup, tu fais quoi de tes journées ? » : Eléonore V. (un pseudo), chômeuse et journaliste pigiste, y répond dans un long témoignage.

« Contrairement à ce qui est inscrit dans l’inconscient collectif, et dans le langage, être sans emploi n’est pas synonyme d’être sans activité, écrit-elle à Rue89. Mon agenda est toujours plein à craquer, je me réveille à une heure ou nombreux de mes amis chaudement protégés par un CDI roupillent tranquillement en rêvant à leurs prochaines vacances (le sans-emploi, lui, n’a jamais de vacances), et je me couche quand ces derniers trinquent à l’achat d’un appartement (le sans-emploi, même optimiste, a rarement des occasions pour trinquer). »

Fin janvier 2013, 3 169 300 demandeurs d’emploi étaient inscrits à Pôle emploi en catégorie A. Le chômage touche 24,2% des jeunes actifs de 15 à 24 ans. Emilie Brouze

Voilà pourtant dix-huit mois que je cherche un salaire mensuel. Loin de moi l’idée de crier à l’injustice. Je sais à quel point mon sort, parmi celui des demandeurs d’emploi, est enviable. Chacune de mes déceptions est rapidement consolée par un nouvel espoir, une mise en relation, ou la suggestion d’une piste à laquelle je n’avais pas pensé.

« Les banlieusards sont dans les gares

A la Villette on tranche le lard

Paris by night, regagne les cars

Les boulangers font des bâtards. »

Le monde, hagard, enclenche sa journée. Les salariés de la Grande couronne s’entassent d’arrêt en arrêt dans des wagons en direction des bureaux de la capitale ou des usines de province où ils prendront leurs fonctions après le prélude robotique du bip-badge-café, dans un open space clairsemé ou sur une ligne de production à demi vidée depuis le dernier plan social.

En se frottant les yeux, perclus devant le percolateur, ils ne verront pas les fantômes de l’équipe ménage, ces invisibles de l’aurore, filer vers d’autres boîtes à smic, pour déterger d’autres sanitaires.

Les annonces de jobs alimentaires

Il est 7h15. Le cheveu mouillé et la peau crémée, je prends une seconde tasse de thé et je regarde les e-mails reçus dans la nuit. La plupart sont des annonces d’emploi envoyées par alertes, et auxquelles j’ai souvent déjà répondu la veille.

Par ordre de priorité, il y a d’abord les jobs alimentaires (en CDI, à temps complet, à temps partiel, en CDD, en intérim, dans un périmètre de 50 km accessible en transports en commun) :

  • hôtesse d’accueil (postes pour lesquels il faut souvent mesurer plus d’1m75, idéalement avoir plusieurs années d’expérience et parfois parler le russe, l’arabe ou le mandarin) ;
  • conseillère de vente (une expérience dans un poste similaire et sur le même type de produits est presque systématiquement exigée) ;
  • employée dans la restauration (domaine très concurrentiel désormais difficile à intégrer sans qualification ou recommandation) ;
  • télé conseillère (pour la dernière offre en date, on m’a proposé un stage de phoning de quatre mois pouvant déboucher sur un CDD) ;
  • garde d’enfants et soutien scolaire (fonctions pour lesquelles les étudiants sont favorisés, les demandeurs d’emploi risquant de mettre fin à leur contrat en milieu d’année en cas de recrutement et pouvant être absents pour un entretien d’embauche) ;
  • manutentionnaire (annonces pour lesquelles je n’obtiens jamais de réponse, mon profil étant trop éloigné des pré-requis) ;
  • veilleur de nuit (missions rarement confiées à des femmes), etc.

Viennent ensuite les annonces de chargée de communication, attachée de presse, assistante relations médias, responsable des relations publiques, contributrice éditoriale à la communication interne, rédactrice des débats…

Evidemment, la plupart des candidatures que j’envoie ne font l’objet d’aucun retour, même négatif.

Nous avons mal anticipé la précarité

J’ai un bac +5, je parle plusieurs langues vivantes, j’ai bientôt six ans d’expérience. Mes aspirations en terme de rémunération sont proches ou égales au salaire minimum. Je suis prête à travailler dix heures par jour. Et à me former à n’importe quoi. Je me renseigne aussi sur les concours de la fonction publique.

7h30. Je parcours la presse en ligne. Une demi-heure plus tard, les premières annonces du jour commencent à paraître sur les sites spécialisés. Pendant deux à trois heures, selon les jours, je postule : j’adapte mon CV (je masque mes diplômes pour les fonctions sans lien avec ma formation, je cible, je reformule) et je rédige des lettres de motivation. Mes matinées sont consacrées à l’envoi massif de bouteilles à la mer.

La vie est dure et elle l’a évidemment été bien plus encore par le passé. De l’esclavage aux guerres en passant par les condamnations au bagne, les épidémies, la famine et les travaux harassants dans les champs, nos ancêtres ont morflés, c’est indiscutable. Nos grands-parents se sont battus pour obtenir un minimum de droits et de protections sociales, un peu moins d’inégalités et la possibilité d’accéder au confort.

Pendant des années, les conditions de vie se sont améliorées. Nos parents ont ensuite milité pour plus de libertés. Nous sommes nés dans un monde qui semblait lancé sur la voix de la justice sociale, de l’émancipation et de la paix.

Nous avons été élevés dans le grand bain des illusions du progrès. Nos parents, jeunes adultes sereins, ont sans doute naïvement pensé que leurs idéaux avaient suffit à modifier le monde de manière durable et qu’en nous éduquant avec un dosage équilibré de limites et d’autonomie, en nous poussant à faire des études solides tout en prenant en compte nos envies, nous vivrions de manière prospère. Nous y avons cru aussi. Nos grands-parents, sûrement pour réparer les frustrations matérielles des années noires, nous ont gâtés et habitués à une forme d’abondance. Alors, nous avons mal anticipé que la précarité ne serait plus seulement l’affaire des mal lotis, mais bien celle de toute une flopée de générations.

« Y’a qu’à… il faut… vous devez… »

Il est 10h30. A priori toutes les administrations sont ouvertes. C’est parti ! Téléphone, e-mails, formulaires en ligne, photocopies, scans… La valse quotidienne des sigles – béquilles sociales que nous devons aux luttes acharnées de nos aînés – peut commencer : PE (Pôle emploi), CAF (RSA, APL), CMU, etc.

A chaque coup de fil, le discours d’accueil est toujours délicieusement culpabilisant :

« Il faut vous donner les moyens de faire évoluer votre situation. Vous devez élargir vos recherches et mieux vous impliquer dans ces démarches. Il faut y mettre plus d’énergie. »

Et schizophrénique :

« Il est très important que vous ne perdiez pas confiance en vous pour réussir à vous vendre aux recruteurs. »

Quel doux refrain que celui du « y’a qu’à… il faut… vous devez… ».

Empocher 600 euros en quatre ans

11h30. Métro, RER, vingt-cinq minutes de marche. J’ai rendez-vous pour déjeuner dans les Yvelines avec un ami d’ami « qui a monté une grosse boîte qui cartonne ». Son business se développe rapidement et il lui faut absolument « quelqu’un comme moi ».

Puisque seulement un quart des contrats de travail sont conclus suite à la publication d’une annonce, je relance mon réseau en permanence pour ne pas négliger les trois quarts des pistes d’embauche. En grand seigneur, le mec me propose de rejoindre le projet comme commerciale. Wahou !

« En revanche, on ne peut pas créer de poste pour l’instant. Il faudrait que tu prennes le statut d’autoentrepreneuse pour pouvoir encaisser les commissions. »

Les commissions ? « Oui, on ne partirait pas sur une base fixe, mais sur une rémunération à la commission. » C’est-à-dire ? « Pour chaque nouveau client, nos apporteurs d’affaires reçoivent 300 euros. » Ok. Et vous avez combien de clients pour l’instant ? « Treize. » Et combien de commerciaux et apporteurs d’affaires depuis la création de la boite en 2009 ? « Sept. »

Mmmmm… Une opportunité pour empocher 600 euros en quatre ans, donc… Sourire, échange de cartes, marche, RER, métro.

1h30 pour des plans sur la comète

Il est 14h15. J’ai claqué 18 euros dans un déj’ pour une entrevue foireuse. Et en plus je suis à la bourre pour mon entretien à Montparnasse.

15h. J’attends un directeur artistique pendant vingt minutes dans le local vétuste d’une boite de prod’ obscure en lisant un quotidien.

« Nous n’avons aucun poste à pourvoir en ce moment, mais votre candidature spontanée m’a intéressé. Vous êtes typiquement le genre de profil que nous sommes susceptibles de recruter à l’avenir. »

Mouais… Une heure et demie de gaspillée, en comptant le transport, pour des plans sur la comète…

16h, retour au bercail. De nouvelles offres d’emploi sont en ligne. Deuxième service. Au menu : assistante de production, étalagiste, stockiste, chargée de billetterie dans un théâtre, responsable clientèle dans une agence de voyage, communicante pour une association de jonglage, standardiste dans un laboratoire, caissière dans un supermarché…

17h30. Je n’ai pas encore eu le temps d’envoyer de propositions de sujets aujourd’hui. Ah oui, je suis journaliste pigiste aussi. Allez ! Je lis, je découpe, je surligne, je classe, je mets à jour, je veille, je réfléchis…

18h30. J’envoie des sujets à six des rédactions pour lesquelles je travaille ponctuellement, un synopsis à un média avec lequel je suis en contact depuis peu, et quelques extraits de mon press book à des rédacteurs en chef fraîchement nommés.

« Tu ne donnes plus de nouvelles ! »

20 heures : Je me pose, enfin, pour rédiger l’interview que j’ai faite hier. Du lourd. Un people intello.

22 heures. Je me colle à la maquette d’une chronique radio que l’on m’a commandée pour un test, un bol de soupe sous la main. Je termine l’écriture entamée la nuit dernière, j’enregistre, je monte… Hop, un dernier check… Et j’envoie tout cela à qui de droit.

1 heure. J’ai inévitablement loupé l’apéro de networking « professionnels de la presse » auquel je voulais passer pour serrer des pinces et faire les yeux doux. Et le vernissage de ma copine peintre, aussi. Et tout le reste…

Heureusement, mon copain sait à quel point la journée d’une sans-emploi est chargée. Et que l’expression « sans activité » est un abus de langage. Demain j’ai un entretien groupé pour un poste de standardiste, un texte à préparer pour un essai à la télévision, un dossier à constituer pour une boîte de cours particuliers, un article de 8 000 signes à écrire pour un blog, un rendez-vous de suivi avec ma conseillère à l’emploi et une réunion de militants contre la précarité dans un squat, en fin de journée.

Il est un peu tard pour répondre aux textos reçus dans la soirée :

  • « Quand est-ce qu’on te voit ? » ;
  • « Alors, tu fais quoi du coup de tes journées ? Tu te fais des expos ? Tu vas te balader ? » ;
  • « Tu ne donnes plus de nouvelles ! Qu’est-ce que ça sera quand tu auras un taff ! »

Ben, quand j’aurai un taff, j’aurai des soirées de libres, de vrais week-ends et même… des vacances pour souffler !

 

 

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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 14:13

 

Rue89 - Revue du Mauss 03/03/2013 à 16h52
Docteur Blouses | Collectif de médecins hospitaliers

 

 

Un brancardier externalisé qui ne va pas transporter le malade, une infirmière qui vient faire ses douze heures telle une intérimaire, des cadres écartelés par les demandes des gestionnaires... Des hospitaliers décrivent la réalité de la rationalisation des coûts.

 


Dans un couloir de l’Institut Gustave-Roussy, le 4 février 2013 (WITT/SIPA)

 

Médecins hospitaliers depuis de nombreuses années, nous sommes rassemblés aujourd’hui pour dire notre désarroi et notre colère face à certaines pratiques inacceptables dans nos hôpitaux.

Nous avons découvert lors de nos échanges que nos difficultés étaient comparables, que les situations parfois ubuesques que nous rencontrions n’étaient pas exceptionnelles, mais au contraire très fréquentes, bien que nos lieux et nos disciplines d’exercice soient différents. Ces phénomènes, nous avons voulu les nommer, les décrire pour mieux les comprendre.

Making of
La Revue du Mauss publie en mai 2013 un numéro intitulé « La marchandisation des soins nuit gravement à la santé », dans lequel on trouve un texte collectif rédigé par des médecins hospitaliers. Ce groupe, qui s’est dénommé « Docteur Blouses » et dont un sociologue – Nicolas Belorgey – a contribué à formaliser l’analyse, livre une vision de « l’intérieur » de l’hôpital. L’image rendue en est très inquiétante. Voici un résumé de ce texte. Sophie Caillat

Beaucoup d’analyses de « l’hôpital », singulier réducteur pour une institution plurielle, cherchent à rendre les établissements responsables des difficultés qu’ils éprouvent.

Nous avons voulu au contraire ici passer d’une démarche purement symptomatique à une analyse diagnostique, de l’émotion véhiculée par une image à un véritable raisonnement.

Nous avons souhaité rompre avec la simple exaspération face à une dérive afin d’aborder la compréhension de ses causes.

Six à neuf mois d’attente pour voir un spécialiste

Nombres de difficultés sont liées à la restriction de moyens : « maltraitance institutionnelle organisée », écrivent nos collègues de Grenoble, en raison d’un manque flagrant de lits d’aval et d’un nombre de médecins plus qu’insuffisant (un médecin urgentiste de nuit pour 40 patients présents, aux pathologies diverses et variées, parfois d’une gravité majeure) ; ailleurs services vétustes voire insalubres.

L’hôpital demande aux praticiens d’augmenter leur activité, d’ouvrir des lits à personnel constant, afin d’obtenir les moyens pour rénover des services. En service de rééducation, chaque patient n’a droit qu’à moins de quinze minutes de kinésithérapie par jour quand il en faudrait six fois plus. Le rationnement c’est aussi les files d’attente qui s’allongent.

En région parisienne ou lyonnaise, l’allongement des délais d’attente est tel qu’il faut à présent environ six mois, hors cas exceptionnels, pour avoir l’avis d’un diabétologue hospitalier, et neuf mois pour celui d’un neurologue spécialiste des mouvements anormaux. La « bonne gestion », dite en novlangue « efficiente », semble bien entraîner une baisse de la qualité et une moindre accessibilité aux soins.

L’exemple du brancardier : perte de temps et de chance

Les économies budgétaires s’appuient dans nombre d’hôpitaux sur des restructurations avec à la clef une réduction des activités et des suppressions d’emplois. Décrivons par exemple les désorganisations liées à la mutualisation des brancardages.

Désormais, tout est géré le plus souvent par une seule unité de transport intérieur, à laquelle il faut adresser une demande sur l’intranet, ce qui permet aussi sa traçabilité et donc théoriquement un plus grand contrôle sur les brancardiers.

En cas d’erreur sur l’informatique – favorisée par la présence de personnel temporaire – le brancardier arrive avec une destination de brancardage erronée et refuse de rectifier. « Il me faut un fax… Il faut prévenir mes supérieurs… », qui ne sont pas joignables.

Le docteur menace, le brancardier utilise la seule arme à sa disposition pour gérer cette situation contraire à la procédure : il s’en va. En dernier recours, le médecin transporte lui-même le patient vers le service où on l’attend, ou le chirurgien l’emmène lui-même au bloc opératoire.

La désintégration des équipes, la perte des relations humaines aggravent la désorganisation. Le brancardier n’est plus membre du service et là où les relations humaines directes permettaient de corriger ces erreurs, dorénavant le brancardier anonyme s’en tient à sa fiche de poste et le malade écopera du rendez-vous raté ou du dossier égaré.

Les recettes tayloriennes ne fonctionnent pas

Du ménage aux soins infirmiers en passant par le brancardage, la mutualisation entraîne des conséquences délétères pour les patients. Elle déstructure en profondeur le fonctionnement des services cliniques et l’efficacité au lit du malade.

Les exemples abondent : perte de compétences en matière de prévention d’escarres, de pose et de surveillance des sondes urinaires, diminution de la qualité des soins d’hygiène élémentaires (toilette), multiplication des transports en ambulance réalisés de façon coûteuse et désorganisée, manque de temps pour la formation des nouvelles infirmières, déplacements des soignants les amenant à travailler dans des services qu’ils connaissent mal, avec tous les retards ou toutes les erreurs que cela entraîne. Tout cela étant aggravé par le recours aux intérimaires.

Une autre façon de « rationaliser » budgétairement le travail soignant à l’hôpital consiste à lui appliquer les recettes tayloriennes conçues pour la grande industrie. Le travail d’équipe qui se construisait dans les services se désagrège. La démotivation croît.

La fin du travail en équipe, les infirmières démotivées

Dans tel service très spécialisé, les infirmières, qui avaient avant entre cinq et dix ans d’ancienneté, ont toutes été remplacées par de nouvelles collègues, plus jeunes et moins expérimentées. Elles ne maîtrisent pas suffisamment certains actes techniques, pour lesquels l’expérience acquise par compagnonnage est essentielle, comme gérer des appareils spécialisés.

Ces infirmières ne sont plus intégrées dans des équipes, puisque celles-ci n’existent plus. Un praticien précise :

« Avant, elles venaient parce qu’elles étaient motivées. Aujourd’hui, elles ne le sont plus. Elles choisissent de travailler en douze heures plutôt que huit heures, pour être débarrassées.

Ce rythme de travail en douze heures les a totalement désengagées de tout ce qui fait la vie d’un service, du fait de leur grand nombre de jours de congés. Il est désormais très difficile dans un service en douze heures de faire des projets ou de la formation théorique avec le personnel, qui vient comme s’il était intérimaire. »

Des cadres de santé écartelés

La mutation du travail et la baisse du nombre des cadres de soin (les surveillantes) jouent également un rôle dans la déstructuration des services hospitaliers. Eloignés des médecins par les réformes managériales, les cadres de santé le sont aussi des processus de soins.

La fonction même de cadre, qui représente quasiment la seule possibilité de progression dans la hiérarchie infirmière, consiste de plus en plus en une rupture avec le métier de soignant, ce qui est très mal vécu par les intéressés, nombre d’entre eux ayant justement embrassé cette profession pour son caractère humain plutôt que paperassier. Les cadres « de proximité » éprouvent de plus en plus de difficultés à jouer ce rôle. Force est de reconnaître que les cadres sont de plus en plus écartelés entre ce que leur demandent les gestionnaires et ce que requièrent les soins.

L’écart croissant entre la responsabilité du bon déroulement des soins et la disparition des moyens qui permettent de les mener à bien rend la situation ingérable pour les médecins. La logique de rationalisation managériale sous trop forte contrainte budgétaire, qui nous a écartés des décisions relatives à l’organisation des soins, nous empêche de soigner comme il le faudrait.

Nous demandons une organisation à taille humaine

De même que les procédures, les indicateurs fleurissent, on en perd les priorités. Pourtant, nous sommes censés soigner les malades et non les indicateurs. Lors des réunions, les cadres nous montrent des indicateurs censés représenter ce que fait le service, mais ils ne portent que sur les quantités, jamais sur la qualité réelle du travail accompli.

Le manque de financement et les techniques managériales utilisées pour imposer et gérer cette pénurie sont responsables de ces dysfonctionnements. Nous réclamons la reconstitution d’équipes à taille humaine, permettant la transmission des compétences, avec, au centre, les cadres de soins.

Le sentiment d’appartenance renforce la motivation au travail de l’ensemble des professionnels. Nous demandons que l’évaluation des services ne soit plus réduite à une enfilade de tableaux de bord, de chiffres d’activité et de recettes, qui reflètent très mal ce qui est réellement fait, d’autant plus que certains préfèrent soigner ces artefacts plutôt que se consacrer aux malades.

L’organisation des soins ne doit plus être conçue par des technostructures mais par les soignants eux-mêmes également, quitte à parfaire leur formation en la matière. Il faudrait enfin que les moyens financiers soient alloués à l’hôpital en fonction des besoins sanitaires, dans une logique de santé publique.

Il y a urgence. Nous considérons qu’il est de notre responsabilité d’alerter et que c’est celle des citoyens et des gouvernants de prendre des mesures permettant aux médecins d’exercer normalement leur métier : soigner la population. Avant que les patients ne perdent confiance, avant que les soignants ne renoncent, avant que l’hôpital ne sombre, il faut que son fonctionnement soit revu, que l’industrialisation des procédures, dans une volonté aveugle d’imiter le secteur marchand, cède la place à de véritables soins ayant pour objectif la santé des patients, de chaque patient.

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato
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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 13:37

 

 

LE MONDE | 27.02.2013 à 14h45 • Mis à jour le 27.02.2013 à 20h03 Par Arnaud Leparmentier

 

Ils sont beaux, jeunes et brillants. Ils sont les nouveaux immigrants en Allemagne. "Die neuen Gastarbeiter", titre en "une" le Spiegel. Ces "nouveaux travailleurs invités" ne sont plus les paysans turcs d'Anatolie des années 1960, venus faire tourner les usines automobiles de RFA. Ils sont italiens, espagnols, grecs ou d'Europe de l'Est. Diplômés des meilleures universités de leur pays, ils forment "la jeune élite de l'Europe pour l'économie allemande". Cette semaine, l'hebdomadaire allemand affiche une insolence digne de son confrère britannique The Economist. Il se moque du monde, comme l'Allemagne se fiche de l'Europe.

"Deutschland AG" refuse de délocaliser ses usines, même lorsqu'elle perd la bataille industrielle. Son néoprotectionnisme l'a conduite à bloquer la fusion entre Airbus et British Aerospace pour protéger ses usines bavaroises. Et la voilà qui pille les talents latins, lesquels affluent pour échapper à un chômage endémique. Le "rêve allemand" célébré sans pudeur par le Spiegel, c'est le cauchemar de l'Europe.

Dans ce contexte, pourquoi pousser des cris d'orfraie en découvrant le résultat des élections italiennes le 25 février ? Après les technos aux ordres d'Angela Merkel, les populistes ; après "il Professore" Mario Monti, les tristes amuseurs Silvio Berlusconi et Beppe Grillo. Le choix des Italiens est un non cinglant aux recettes européennes, un rejet de la potion de Merkel-Monti.

La couverture du Spiegel le confirme : cette affaire ressemble à un jeu de dupes. Ainsi s'accentue la crise de légitimité politique dans une Europe prisonnière de l'euro. Le Vieux Continent est incapable de remettre à zéro les compteurs de la compétitivité par une bonne dévaluation. Tout débat sur la parité de l'euro vis-à-vis du dollar ou du yuan est proscrit par l'Allemagne. L'ajustement se fait sur l'emploi et provoque un chômage de masse, en Europe du Sud mais aussi en France, où il a retrouvé ses niveaux de 1997. Inexorablement, les talents s'exilent.

C'est l'échec de l'Europe. L'échec de l'euro. Fallait-il signer ce traité de Maastricht (1992), qui tourne au désastre ? Après l'avoir tant défendu, on finirait par en douter. Curieusement, le sujet reste tabou. Dans les années 1990, on vendit la monnaie unique en assurant qu'elle permettrait de lutter contre les prétendues dévaluations compétitives des pays du Sud. Contresens total : la lecture inverse devrait prévaloir. Les dévaluations n'étaient que des bouffées d'oxygène pour compenser ex post le rouleau compresseur de l'industrie allemande. Sans doute aurait-il fallu écouter à l'époque les mises en garde précoces de Gerhard Schröder.

"Que se passera-t-il lorsque l'outil de la dévaluation ne sera plus disponible en Espagne et en Europe et que l'économie allemande s'imposera partout grâce à ses énormes gains de productivité avec la monnaie unique ?", s'était interrogé, dès 1997, le candidat social-démocrate à la chancellerie. Mais le "camarade des patrons" et membre du conseil de surveillance de Volkswagen passait alors pour un horrible néo-bismarckien face au grand européen Helmut Kohl, qui avait su faire l'Allemagne sans défaire l'Europe. Gerhard Schröder était inaudible. En réalité, son mépris pour l'Europe du Sud, incapable de résister selon lui à l'euro, aurait sans doute plus protégé les Latins que la volonté d'inclusion française, apparemment généreuse mais qui se révèle après coup si ravageuse.

L'euro était un projet politique, serinaient les Français. Politique, ce mot magique devait effacer toutes les contraintes. L'économie s'est vengée, et l'Europe du Sud menace de sombrer dans la crise politique et sociale.

Mauvais joueur, nous avions grogné contre les électeurs français et néerlandais qui n'avaient rien compris en votant non à la Constitution européenne de 2005. Aujourd'hui, la menace est plus grande encore. Mais fustiger les Italiens pour leur vote semble aussi dérisoire que le roi de Perse Xerxes qui fit fouetter la mer pour avoir rompu un pont de bateaux sur l'Hellespont. Ils sont le deuxième peuple à se rebiffer après les Grecs et ne seront pas les derniers. Bien malin qui peut prédire le résultat des prochains scrutins en France, entre une droite parlementaire en ruine et une gauche mélenchonisée.

L'alerte des Grecs fut sérieuse, eux qui faillirent se donner aux extrêmes au printemps 2012. Les élections de mai ont consacré l'irruption des néonazis d'Aube dorée, tandis que le Pasok (Parti socialiste grec) était laminé par la gauche populiste de Syriza. Seules de nouvelles élections, organisées un mois plus tard, sous la menace d'une expulsion de la zone euro, permirent de former une sorte de grande coalition préservée des extrêmes.

L'issue de la crise italienne n'est pas claire. Elle sonne en tout cas la fin de l'ère des gouvernements techniques, ouverte au G20 de Cannes, en novembre 2011. La crise de l'euro est alors à son paroxysme, les traders parient sur la fin de la monnaie unique. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy précipitent la chute du premier ministre grec Georges Papandreou, coupable d'avoir voulu organiser un référendum sur le plan de sauvetage-rigueur concocté à Bruxelles quelques jours plus tôt, ainsi que celle de Silvio Berlusconi.

Ils sont remplacés par Lukas Papadémos (novembre 2011-mai 2012), ancien vice-président de la Banque centale européenne, et Mario Monti, "le plus allemand des économistes italiens". Un rêve de Bruxellois ! Ces gouvernements technocratiques sont par définition éphémères, censés pallier la démission des politiques, incapables de prendre les décisions jugées nécessaires. "Les gouvernements technocratiques sont la forme libérale de la crise démocratique, au sens où les technos restent amis de la liberté", commente le spécialiste des populismes Dominique Reynié.

Ils chutent une fois leur mission accomplie - les premiers ministres technocratiques Lamberto Dini et Romano Prodi avaient pour feuille de route la qualification de l'Italie pour la monnaie unique. Mais Mario Monti n'a pas su tirer son pays du mauvais pas de l'euro ni gagner ses galons politiques en descendant dans l'arène. Les élections devaient marquer un retour à la normale. Elles ouvrent au contraire la voie vers l'inconnu. Il s'agit d'un nouvel échec, italien et européen.

Arnaud Leparmentier

 

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 18:43

 

Médiapart - Blog

 

 

Volkswagen s'apprête à verser quelque 7300 € à chacun de ses 100 000 salariés au titre des bénéfices que cette entreprise a réalisés en 2012. Belle somme pour n'importe quel salarié payé aux alentours du smic... Mais cette générosité digne de l'Abbé Pierre cache, en fait, les méthodes abjectes de la politique allemande qui, pour s'imposer à toute l'Europe, se doit d'afficher des résultats économiques et commerciaux toujours plus alléchants destinés à nous faire croire que c'est bien le modèle allemand qui est le meilleur. Or, ce seul exemple nous permet de comprendre que cette prétendue réussite du modèle allemand n'est qu'une escroquerie qui plonge des millions de Grecs, d'Espagnols, d'Italiens et de Portugais, sans compter nous-mêmes, dans la précarité et la misère.

En droit commercial, la prétendue générosité de Volkswagen à l'égard de ses propres salariés porte un nom : concurrence déloyale. Une concurrence déloyale, soit dit entre parenthèses, pour laquelle Airbus a bien souvent eu à répondre devant les tribunaux aux Etats-Unis et à la demande de Boeing, au prétexte que les appareils d'Airbus ayant été subventionnés par l'Etat, s'avéraient artificiellement moins cher à la fabrication que les appareils de Boeing en dépit d'un coût horaire de la main d'oeuvre équivalent chez les deux constructeurs. Cette parenthèse, une fois refermée, montre que, selon qu'il s'agisse de promouvoir une politique à l'échelle de toute l'Europe, la politique ultra-libérale en l'occurrence, ou selon qu'il s'agisse de défendre ses propres intérêts nationaux sans porter atteinte aux intérêts de l'ensemble des autres pays, les gouvernements et notamment ceux de notre pays, ont tendance à fermer les yeux sur les méthodes commerciales ouvertement déloyales de nos voisins allemands. Un comportement politique d'autant plus suspect que ces méthodes ont déjà été maintes fois dénoncées par nombre d'économistes.

Dans le cas d'Airbus, il est sans doute vrai que les subventions accordées par l'Etat pouvaient fausser la concurrence. Mais cela est tout aussi vrai dans la cas de l'entreprise privée Volkswagen qui a fait en sorte de diminuer le coût horaire de sa main d'oeuvre dans le seul but de remporter les marchés à l'export, quitte à dévaster la concurrence dans toute la zone euro, et du même coup, l'économie de tous les pays du sud de l'Europe. Avec les conséquences que l'on voit.

Dans le cas d'Airbus, on condamne alors même que les conséquences auraient été mineures pour l'économie américaine. Dans le cas de Volkswagen, on laisse faire sans rien dire alors que les conséquences sont incommensurables et dramatiques pour tant de pays européens. Mais le pire, c'est que l'affaire ne s'arrête pas là. Le pire, c'est qu'en plus de conduire une politique délibérément dévastatrice pour l'économie des pays du sud de l'Europe, l'exemple hautement médiatisé de la prétendue générosité de l'entreprise allemande à l'égard de ses ouvriers vise à nous faire croire, à nous tous Français, Italiens, Grecs, etc. que c'est en acceptant des sacrifices, tels ceux que les Allemands seraient "génétiquement" portés à faire, que nous pourrons, nous aussi, toucher des primes de 7300€. Et si elle visait aussi à nous faire croire qu'au fond, les patrons sont encore plus généreux et plus sensibles à la misère que l'Abbé Pierre ?...

 

 

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2 mars 2013 6 02 /03 /mars /2013 18:33

 

  le 1 Mars 2013

 

Le bilan est lourd chez IBM. La CGT du géant de l'informatique dénonce 5 suicides en 2 ans parmi les salariés dont deux concernent le site La Gaude dans les Alpes-Maritimes. Peut-on parler du "syndrome France télécom" qui frappe IBM ?


En janvier, deux salariés d’IBM la Gaude, un à Lyon Ecully, un autre à Paris se suicident. Les points communs entre ces personnes c’est le nom de leur employeur et leur tranche d’âge.  Elles ont toutes le même profil de carrière : seniors et salariés soucieux de leur travail.

Syndrome France télécom. Cette vague de suicides n’est pas sans nous rappeler celle survenue chez l’opérateur France télécom entre 2008 et 2009. Chez ce dernier, le nombre de suicides s’était établi à 35 selon directions et syndicats.  Engagée dans des restructurations (le plan NEXT) lancées par Didier Lombard l’ancien PDG, l'entreprise avait supprimé 22 000 postes entre 2006 et 2008 et procédé à 10000 changements de métier. Une politique managériale jugée harcelante. Et voilà qu'IBM se lance dans un projet similaire sans crier gare. Selon le syndicat, la pression professionnelle et les délocalisations programmées des 70 postes vers la Pologne et la République Tchèque seraient la cause de ces gestes désespérés. Un grand nombre d’employés se plaignent de leurs charges de travail et de la pression quotidienne. Les managers exercent une pression quasi constante en fixant des objectifs de plus en plus élevés. Ce qui entraine une dégradation de leurs conditions de travail et de leurs santés.

Faire du chiffre par n’importe quel moyen. La CGT dénonce des conditions de travail oppressantes. « La direction demande aux salariés de s’engager par écrit pour fixer leurs objectifs annuels qu’ils sont obligés d’atteindre sinon reste en proie à un licenciement. Cette technique n’est toutefois pas obligatoire. A cela s’ajoute un système de notation qui est également à l’origine du stress et du burn out (syndrome d'épuisement professionnel). Les salariés sont notés de 1 à 4 sachant qu’à 4, ils peuvent être licenciés. » Non seulement les employés se sentent fliqués mais également pris dans une mécanique où tout le monde les surveille. Pour sa défense la direction IBM propose un « accord de prévention du stress ».

Des enquêtes sont donc demandées via les comités d'hygiène et de sécurité de plusieurs sites nationaux, dont celui de la Gaude. La question n’a pas été réellement prise au sérieux. Olivier Cheminant, DRH IBM la Gaude préfère plutôt appeler à « la retenue et la mesure» dans une lettre adressée au représentant du personnel.  

D’autre part, la direction rejette tout lien entre les conditions de travail et ces actes qui ne se sont jamais passés sur les lieux de travail « Elle cherche à minimiser, voire étouffer sa part d’éventuelle responsabilité dans cette affaire» soutient la CGT IBM France.
Comme à la guerre. Le 28 janvier dernier, une première motion demande l’expertise d’un cabinet extérieur pour déterminer si les causes professionnelles ont une influence sur la tentative de suicide d’un employé d’IBM à la Gaude. Celle-ci a été rejetée par la direction, jugée contraire aux prérogatives légales du CHSCT. Cependant la deuxième a été acceptée ouvrant par la même occasion sur une enquête lundi dernier pour déterminer s’il y a un rapport entre les suicides et la politique managériale d’IBM. « Je me sens comme à la guerre, une guerre économique où de temps en temps on m’annonce qu’un camarade est mort. » déplore un membre de la CGT la Gaude.

  • Lire aussi :

IBM maltraite son réseau niçois
IBM condamnée pour l'utilisation abusive de CDD
Suicide à La Poste : précarité accusée

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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 17:43

 

Rue89 - Tribune 27/02/2013 à 11h41
caro | délinquante avérée

 

 

Le Caucase vit paisiblement sous la poigne des divers « présidents » élus, les printemps arabes sont toujours en cours, les troupes françaises quittent un Afghanistan pacifié, la France-Afrique, c’est du passé, tout va très bien ou presque en Afrique francophone et anglophone, les Roms de l’ex-Yougoslavie vivent dans leurs camps, etc.

M’enfin ! Pourquoi les étrangers continuent à s’enfuir de chez eux et à venir demander asile dans nos contrées « accueillantes » ?

Le nombre de demandeurs d’asile est en constante augmentation, mais le chiffre d’admissions au statut de réfugié est, lui, en constante diminution … Si la France est le pays où il y a le plus de demandes (56 250 en 2011) en Europe, proportionnellement à sa population, elle en reçoit moins que la Belgique ou le Luxembourg, par exemple, et elle donne à peine 10% de décisions positives pour ces premières demandes.

Nier leur existence

Comment faire disparaître ces gêneurs ? ils n’ont pas le droit de travailler, mais une fois leur dossier déposé à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), ils perçoivent une allocation temporaire d’attente et doivent être logés dans un Centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA).

La première mesure est donc de nier leur existence. C’est ce qui se passe à Grenoble. Le service des étrangers de la Préfecture de l’Isère reçoit chaque matin (sauf le mercredi) de un à cinq personnes iséroises, parfois n’en reçoit pas… Les demandeurs d’asile font la queue toute la nuit devant le panneau pour essayer d’être parmi les heureux élus et recommencent la nuit suivante s’ils n’ont pas pu entrer. Quel que soit le temps, et en ce moment la température est négative, ils reviennent la nuit suivante. Ça peut prendre une semaine, deux semaines ou plus… Les bénévoles de l’association d’accueil des demandeurs d’asile (ADA) ont mené une enquête quatre mois de suite et ont tenu une conférence de presse pour en donner les résultats.

Mais, d’après Monsieur le préfet de l’Isère, cette enquête est très partiale, il n’y a pas de queue la nuit devant la préfecture et ces personnes sont de faux demandeurs d’asile. Il est vrai qu’environ 70% des demandes d’asile sont rejetées par l’OFPRA et la cours d’appel CNDA.

Ceci appelle plusieurs remarques :

  • Une préfecture doit seulement vérifier l’identité du demandeur, lui donner un dossier, seule l’OFPRA ou la CNDA en appel peut décider de l’authenticité de la demande. Quant aux demandeurs de l’Isère qui, après avoir été déboutés, voudraient réouvrir leur dossier, suivant les termes de la loi, ils n’entrent jamais ou quasiment.

Interdit de publier des photos de policiers, pour le préfet

Il deviendrait donc urgent, pour le préfet, de faire taire ces associations, empêcheuses d’envoyer paître les demandeurs d’asile. Une méthode vient d’être tentée : faire peur…

Un témoignage avait été publié il y a un an sur le site d’une association, illustré de photos prises le même matin.

Le préfet est intervenu en personne il y a une quinzaine de jours pour dire qu’il est interdit de publier des photos de policiers en tenue et demander de les retirer. Erreur, monsieur le préfet, le droit de publier des photos de policiers en tenue pendant leur travail sur la voie publique est reconnu du moment que les photos ne sont pas dégradantes, ni pour les policiers, ni pour leur fonction.

Mais pour éviter les problèmes, l’association a décidé de coller de grosses taches blanches, genre tartes à la crème, sur les visages pour rendre les policiers méconnaissables.

Ça n’a pas été suffisant. L’auteure de l’article a été appelée par un officier de police judiciaire (OPJ) suite à une plainte de la chef du service des étrangers. Celle-ci n’a pas apprécié, mais alors pas du tout, de lire qu’elle avait VOLONTAIREMENT refusé l’entrée à une famille en lui disant qu’elle n’avait qu’à revenir, malgré la présence d’un enfant handicapé... Finalement, quelques jours après, l’OPJ dit qu’il n’a pas besoin d’entendre l’auteure. L’avocat consulté attend le classement de la plainte par le procureur et demandera sa consultation.

Si le préfet voulait faire peur, c’est raté,. De nombreuses personnes sont même prêtes à témoigner si l’affaire devait aller devant le tribunal…

Un droit fondamental

Grenoble est emblématique sur le traitement des demandeurs d’asile. Déjà, il ne devrait pas y avoir une queue spécifique : ils ont le droit au secret de leur présence devant la préfecture en étant mêlés aux autres usagers. Ensuite, la demande d’asile est un droit fondamental.

Cela figure dans le préambule de la Constitution de 1946, repris dans celle de 1958 :

« Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République. »

Et cela a été reconnu par le conseil constitutionnel, dans sa décision des 12-13 août 1993 :

« Considérant que le respect du droit d’asile, principe de valeur constitutionnelle, implique d’une manière générale que l’étranger qui se réclame de ce droit soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu’à ce qu’il ait été statué sur sa demande. »

Il n’y a que 21 689 places de CADA réparties sur toute la France et l’Etat a l’obligation d’héberger les demandeurs d’asile. Or, tant que le dossier n’est pas déposé, un étranger n’est pas demandeur d’asile et n’a donc aucun droit. A Grenoble, il n’entre pas ou très difficilement. Un demandeur de Savoie, de Haute-Savoie ou de la Drôme qui dépend de la préfecture de l’Isère obtient un rendez-vous à six mois.

Avec le plan hivernal, ils sont parfois logés dans des gymnases… Ou restent dehors… Que va-t-il se passer au 31 mars, à la fin de la trêve d’hiver ? Ils seront tous mis dehors et rejoindront les très nombreux sans abris français et étrangers quand les locaux seront fermés. Le 115 est saturé, les Conseils généraux ne veulent plus payer pour un hébergement qu’ils jugent de la responsabilité de l’Etat.

Alors, il faut bien essayer de se débarrasser de quelques indésirables qui n’ont qu’à retourner se faire descendre chez eux.

 

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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 17:31

 

 

Rue89 Question posée le 01/03/2013 à 10h33 par

La taxe sur les transactions financières devait rapporter 1,6 milliard d’euros en année pleine. Finalement, ce sera moins, beaucoup moins. Un milliard de moins.

Soufflée par la gauche altermondialiste, adoptée finalement par le gouvernement UMP de Nicolas Sarkozy, la version « light » de la taxe Tobin a vu le jour le 1er août 2012, après des mois de débats et d’incertitudes.

Elle faisait partie des quelques nouvelles mesures qui devaient renflouer – un peu – les caisses de l’Etat. Finalement, elle se dégonfle. Pourquoi ? N’était-il pas possible d’en évaluer le rendement avec plus d’exactitude ?

« Des informations héritées » de Sarkozy

Le gouvernement de François Fillon avait prévu une taxe sur les transactions financières (TTF de son petit nom) de 0,1% sur les échanges d’actions des sociétés. Elle devait rapporter 1,1 milliard d’euros en année pleine (et 460 millions d’euros sur les quelques mois concernés en 2012).

En mai 2012, les socialistes héritent de la taxe, et de sa mise en route. Ils héritent aussi des informations fournies par le gouvernement précédent pour effectuer ses estimations pour 2012 et 2013. Ce qui permet à Bercy de se dédouaner : les chiffres trop optimistes venaient des prédécesseurs !

 

Hollande promet moins mais beaucoup

A Bercy, on explique cependant avoir eu conscience de ce risque et cherché, dès juillet 2012, à rectifier le tir pour mieux évaluer le rendement de la taxe. Le ministère de l’Economie double alors son taux – qui passe à 0,2% sur les échanges d’actions des sociétés – et élargit son assiette, ce qui devait conduire à des recettes plus élevées.

Mais le doublement du taux ne se traduit pas mécaniquement par un doublement des recettes, prévient-on dans le projet de loi de finances rectificative. Car l’introduction de la taxe freine, en elle-même, le volume des transactions : c’était d’ailleurs le but de l’économiste Tobin, qui parlait de jeter du « sable dans les rouages de la finances ». Quelle est l’ampleur de la diminution induite des transactions ? Difficile à dire, la taxe étant nouvelle, répond notre interlocuteur à Bercy.

Au moment de la préparation de la loi de finances, le gouvernement estime finalement que la taxe rapportera 1,6 milliard d’euros à l’Etat en année pleine, et 530 millions d’euros en 2012, où seuls quatre mois sont concernés.

 

Quelques évaluations « au doigt mouillé »

 


Jérôme Cahuzac et Pierre Moscovici, à Bercy le 22 février 2013 (WITT/SIPA)

 

Finalement, le rendement de la taxe ne devrait pas être à la hauteur de ce qui a été prévu. Jérôme Cahuzac a expliqué lundi 25 février à quelques journalistes qu’elle rapporterait un milliard d’euros de moins que le montant de 1,6 milliard attendu.

« C’est quand même légèrement décevant », confie-t-on à Bercy, « même si l’incertitude était grande sur le rendement » de la taxe. Le ministère a trois explications à apporter, qui pèsent chacune pour un tiers de l’écart :

  • la « morosité des marchés financiers » : les transactions financières ont été moins nombreuses que prévu ;
  • le rendement de la taxe pour les transactions de gré à gré a été décevant : ces transactions conclues directement entre vendeur et acheteur ne sont pas enregistrées, il est donc difficile de savoir si leur volume avait été mal évalué au départ – ça se fait « au doigt mouillé », selon des « dires d’experts », parfois fort divergents les uns des autres – ou si les protagonistes ont moins bien payé la taxe que les autres, précise Bercy ;
  • dans le dernier tiers, plusieurs facteurs  : plusieurs banques étrangères (allemandes et américaines, notamment) n’ont pas payé la taxe : elles contestent l’existence même du nouveau prélèvement, alors que « les Anglais paraissent avoir payé rubis sur l’ongle » ; Bercy note également que les exonérations de prélèvement coûtent un peu plus cher que prévu.

Une « importante volatilité » prévisible

Les Etats-Unis se sont opposés à cette taxe dès l’été 2012. Le 27 juillet, l’association des « brokers » (courtiers), banques et gérants d’actifs américains (SIFMA), envoyait au ministre de l’Economie un courrier, que s’était procuré le blog Margincall.fr, pour faire pression sur les autorités françaises, ce qu’a reconnu Pierre Moscovici. Résultat : dans le texte de loi final, certains titres négociables sont exonérés pendant cinq mois. Ensuite, logiquement, les recettes augmenteront.

Quant aux banques allemandes, elles devraient se montrer plus coopératives maintenant que l’Allemagne a accepté d’être soumise à la taxe européenne sur les transactions financières, veut croire Bercy.

Soit. Mais ces réactions n’étaient-elles pas prévisibles, tout comme la morosité des marchés financiers ? De même, connaissant les difficultés à évaluer le volume des transactions de gré à gré, n’aurait-il pas fallu se montrer plus prudent ? La commission des Finances de l’Assemblée, dans le projet de loi de finances rectificative, prévenait :

« Il convient de prendre en compte le fait que le rendement budgétaire de la taxe française sera probablement soumis à une importante volatilité, en fonction du volume annuel de transactions et de la part, au sein de ces transactions, de celles soumises à la taxe. »

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1 mars 2013 5 01 /03 /mars /2013 16:15

 

Le Monde.fr | 01.03.2013 à 16h23 • Mis à jour le 01.03.2013 à 17h27 Par Audrey Garric


 

 

 
La Cour des comptes pointe "la perte de recettes fiscales" liée aux exonérations dont bénéficient les véhicules diesel.

C'est un nouveau coup de canif à l'image déjà bien abimée du diesel. La Cour des comptes, dans un rapport dévoilé par Libération vendredi 1er mars, critiquee "la perte de recettes fiscales", de près de 7 milliards d'euros en 2011, liée aux exonérations dont bénéficient les véhicules diesel. Alors que le principe de la réduction progressive de l'écart de taxation entre l'essence (0,60 euro par litre) et le gazole (0,42 euro par litre) a été entériné en 1999, le différentiel reste ainsi supérieur à l'écart moyen communautaire.

Et les magistrats de la rue Cambon d'épingler une politique fiscale française sur l'énergie qui "répond davantage au souci de préserver certains secteurs d'activité qu'à des objectifs environnementaux".

Lire : La Cour des comptes épingle le régime fiscal dérogatoire du diesel

En France, les moteurs diesel équipent aujourd'hui près de 60 % du parc automobile (contre 4,8 % en 1980) et pèsent pour 73 % dans les nouvelles immatriculations (contre 55 % pour la moyenne européenne).

Pourtant, les études scientifiques se sont multipliées depuis vingt ans pour dénoncer la nocivité de ce carburant, notamment responsable d'importantes émissions de particules fines - des particules de 2,5 µm ou 10 µm de diamètre qui, inhalées, s'avèrent dangereuses dans la mesure où elles peuvent se fixer sur les poumons et provoquer des maladies respiratoires.

 

 NOVICITÉ DÉNONCÉE

Dès 1988, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'agence pour le cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), classe les émissions des moteurs diesel parmi les cancérogènes probables pour l'homme. En 1997, le Comité de prévention et de précaution, mis en place par Corinne Lepage ministre de l'environnement du gouvernement Juppé, attribue aux particules émises par le gazole "une vaste gamme d'effets sanitaires", notamment des crises d'athme, des pathologies respiratoires et surtout une surmortalité par affections cardio-vasculaires ou cancer du poumon.

Des alertes qui prennent tout leur poids en 2006, quand l'OMS chiffre pour la première fois l'impact sanitaire de la pollution atmosphérique : les dépassements de particules entraînent 350 000 morts prématurées par an en Europe, dont environ 42 000 en France. Dans un avis en 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire, de l'environnement et du travail (Afsset) évoque à son tour "l'impact sanitaire des particules dans l'air (...) dès des niveaux moyens de pollution". L'agence ajoute que si "un bénéfice sanitaire peut être attendu de la mise en œuvre de dispositifs de dépollution incluant un filtre à particules sur les véhicules diesel", celle-ci s'accompagnait "d'une surproduction de dixoyde d'azote (NO2)", avec des "effets toxiques sur le système respiratoire".

Mais ce n'est qu'en juin dernier que la dangerosité du gazole est définitivement entérinée : les gaz d'échappement des moteurs diesel sont alors classés parmi les "cancérogènes certains" pour les humains par le CIRC. "Les preuves scientifiques sont irréfutables et les conclusions du groupe de travail ont été unanimes : les émanations des moteurs diesel causent des cancers du poumon, déclare alors le Dr Christopher Portier, qui le présidait. Etant donnés les impacts additionnels pour la santé des particules diesel, l'exposition à ce mélange chimique doit être réduite dans le monde entier."


Lire : Les gaz d'échappement diesel classés cancérogènes par l'OMS

 

 INCITATION FISCALE

Pourquoi alors, en dépit de ces nombreuses alertes, le parc automobile français n'a-t-il cessé de se diéséliser ? La raison réside dans un choix politique, influencé par des lobbies économiques. Dans les années 50, lorsque l'Etat crée la TIPP (taxe intérieure sur les produits pétroliers) puis, plus tardivement, la TVA (taxe sur la valeur ajoutée), les professionnels de la route (routiers, taxis, commerçants ou VRP) s'organisent pour obtenir une modulation de ces taxes. Ils obtiennent ainsi des avantages fiscaux sur le gazole, principale source d'énergie de leur outil de travail. Plus cher à produire que l'essence, le diesel se voit alors vendu moins cher grâce à une fiscalité préférentielle.

Autre lobby incontournable pour l'Etat français : l'industrie automobile nationale. Au milieu des années 1990, Peugeot et Renault se lancent à plein régime dans les moteurs alimentés au gazole, synonymes de réduction des consommations, d'augmentation de la puissance et d'autonomie record. Des filtres à particules sont installés sur les pots d'échappement pour faire taire les critiques.

"L'Etat a fait le choix de soutenir ses constructeurs, et donc les emplois, contre la santé. Et ce, en dépit du coût de la pollution atmosphérique pour la société française", regrette Patrice Halimi, chirurgien-pédiatre et secrétaire général de l'Association santé environnement France.

Le diesel connait alors une ascension fulgurante, encore renforcée par un dernier mécanisme : le "bonus-malus écologique". Fondé sur le seul CO2, ce mécanisme, mis en place par le Grenelle de l'environnement dès le 1er janvier 2008, procure au diesel un avantage décisif par rapport au sans-plomb en raison de ses moindre émissions de gaz à effet de serre. En revanche, les émissions d'oxyde d'azote, pour lequel le bilan du diesel est autrement plus dégradé, sont ignorées.

 

Lire : Diesel, l'effet boomerang

 

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Avec le rapport de la cour des comptes, cette hégémonie pourrait donc cesser. Jeudi, la ministre de l'écologie, Delphine Batho, a jugé "incontournable" l'alignement "progressif" de la fiscalité du diesel sur celle de l'essence, estimant que c'était une question "de santé publique" avant d'être une question fiscale.

Sans compter que la nouvelle norme européenne d'émissions maximales, Euro6, qui entrera en vigueur en septembre 2014, va renchérir le coût de fabrication des moteurs diesel, incitant les constructeurs à réinvestir dans les mécaniques essence.

"Nous n'avons plus le temps pour d'autres rapports : il est urgent de sortir de la niche du diesel et d'aller vers des transports plus propres, avertit Patrice Halimi. Cette transition énergétique doit être accompagnée par le gouvernement : le consommateur ne doit pas être le seul à pâtir d'un choix dont il n'est pas responsable."

Audrey Garric

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28 février 2013 4 28 /02 /février /2013 17:05

 

 

Rue89 - Règlement de comptes à OK Corbeil 28/02/2013 à 16h35
Camille Polloni | Journaliste Rue89

 

 

A Corbeil-Essonnes, on l’appelle « le Vieux ». A 88 ans, Serge Dassault, l’ancien maire (de 1995 à 2009), toujours sénateur et patron du Figaro, peut s’amuser à féliciter son plus proche adversaire politique : Manuel Valls, ancien maire de la ville mitoyenne d’Evry et ministre des policiers qui enquêtent sur deux tentatives d’homicides commises dans l’entourage du « Vieux ».

Il l’assure même du soutien de son journal, Le Figaro. C’était le 10 septembre dans son fief de Corbeil.

 

 

Les félicitations de Serge Dassault à Manuel Valls

Manuel Valls ne sait plus où se mettre. Deux ans auparavant, le pas-encore-ministre tapait sur « le système mafieux » des cités de Corbeil :

« J’ai déjà dit combien une forme de complicité avec des individus connus des services de police de la part de la municipalité de Corbeil avait donné à certains un sentiment d’impunité. Quand vous employez des gens qui ensuite s’en prennent aux forces de l’ordre, c’est bien qu’il y a quelque chose qui ne va pas. »

Qu’est-ce qui « ne va pas » à Corbeil-Essonnes ?


Serge Dassault à Paris, le 11 décembre 2012 (Philippe Wojazer/AP/SIPA)

                                                                                                                                                                                                                             1 Deux blessés par balles

 

Règlement de comptes au calibre 38

Le 19 février, un type tire sur un autre en pleine rue, dans le centre-ville de Corbeil. Le blessé s’appelle Fatha O. Il prend trois balles de calibre 38, dont une une dans le poumon, et échappe de peu à la mort. Une enquête est ouverte pour tentative d’homicide et les policiers suivent la « piste politique ».

Le tireur présumé, en fuite, s’appelle Younès B. Son nom a fuité très vite. L’homme serait un proche de Serge Dassault d’après Le Point et le Canard enchaîné, qui déroule son CV :

  • chauffeur du colistier de Serge Dassault, qu’il a rencontré en 1995 ;
  • emploi-jeune à la mairie de Corbeil ;
  • créateur d’une entreprise en affaires avec la ville ;
  • homme de main de l’ancien maire, dans les déplacements, les soirées électorales et pour les missions plus discrètes :

« Younès a aussi distribué beaucoup d’argent aux citoyens de Corbeil. Le tarif fluctuait selon les scrutins et les individus : de 50 à 500 euros le bulletin de vote estampillé Dassault. »

La victime, elle, fait partie (toujours selon le Canard), des jeunes de cités qui ont dénoncé en 2010 l’achat de votes par Serge Dassault, avant de se rétracter.

« L’argent de Dassault a tout pourri »

En janvier, c’est Rachid Toumi qui se faisait tirer dessus. Là aussi, une enquête est ouverte. Interrogé mercredi par Le Parisien, l’homme de 33 ans dit avoir participé à l’entretien du « système Dassault », et assure avoir « toujours vu des gens toucher de l’argent » en échange de leur vote.

Il met dans le même panier le nouveau maire, Jean-Pierre Bechter. Rachid Toumi affirme avoir fait campagne pour lui, en échange d’une aide financière qu’il n’a jamais reçue :

« Bechter a fait des promesses. Il ne les a pas tenues. Et, aujourd’hui, on est en train de s’entretuer. Qui sera le prochain ? Est-ce qu’on doit se taire ? Je les ai aidés à avoir un siège de maire.

Si je parle, aujourd’hui, c’est parce que je n’ai plus rien à perdre. Corbeil, c’est devenu un système mafieux. L’argent de Dassault a tout pourri. Le jour où Dassault partira, les problèmes cesseront. »

Jean-Pierre Bechter n’a pas apprécié. Il traite les blessés de « mythomanes » qu’il ne connaît pas, ou alors de très loin.

 

                                                                                                                                                                                                                               2 Une vidéo qui met vraiment le bazar

 

Délégation de caïds

Les histoires de dons d’argent à Corbeil ne datent pas d’hier. Mais à l’automne 2012, l’affaire prend une nouvelle dimension quand des trentenaires déçus s’estimant « victimes » de ce système décident de passer à la caméra cachée.

Dans une enquête diffusée dimanche, Canal Plus montre un extrait de cette vidéo, tournée avec un téléphone portable. On entrevoit Serge Dassault avant d’entendre des voix :

« - Je veux vous remercier tous de ce que vous avez fait, car c’est vrai que c’est en grande partie grâce à vous et je le sais. Les collages la nuit, etc.
- De toute façon, pour nous monsieur le maire c’était clair et net, nous on voulait que ça soit Serge Dassault. Parce que nous on est une génération de personnes qui avons grandi avec vous. [...] Lui il souhaite monter quelque chose en restauration, moi c’est ma licence de taxi, on souhaite savoir si vous pouvez nous aider. [...]
- D’accord. Pratiquement pour vous aider c’est 30 000 euros ? Et vous aussi ?
- Franchement l’idéal, moi je vous le dis, j’ai pas osé tout à l’heure, mais maintenant j’ose vous le dire, mais franchement la somme idéale c’est de commencer avec 80 000 euros.
- Et moi mon frère, il a l’ambition de créer une société de transport international. Et ça représente une somme de 100 000 euros. [...]
- Mais si vous disparaissez tous, moi après j’ai plus personne !
- Devant vous vous avez sept jeunes qui sont prêts à relever leurs manches. Ils seront toujours actifs sur Corbeil parce qu’on a tous grandi à Corbeil. On ne va pas vous abandonner comme vous avez vu monsieur. »

 

 

Le reportage de Canal Plus

Fatha O., le blessé par balles de février, faisait partie de cette délégation de caïds. Le Point raconte l’épisode :

« Les corbeaux auraient cherché à monnayer l’enregistrement sous la menace d’en divulguer le contenu au Canard enchaîné. Serge Dassault aurait refusé le chantage.

L’hebdomadaire satirique a publié ensuite une partie du contenu de cet enregistrement, comprenant selon lui des propos de Serge Dassault ainsi que ceux de deux autres élus de la majorité municipale, Sylvain Dantu (UDI) et Cristela de Oliveira (UMP), challengers de Valls aux législatives. »

« Des stylos Mont-Blanc »

En 2010 déjà, Les Inrocks publiaient une enquête riche en témoignages de « loulous » qui se vantent d’avoir « racketté » Serge Dassault. L’un deux explique :

« Quand Dassault s’est présenté pour la première fois aux élections municipales en 1995, je l’ai vu ouvrir le coffre de sa voiture et distribuer à des gamins des cités des stylos Mont-Blanc et des vêtements de marque, raconte un autre ancien loulou, Pierre, devenu éducateur aux Tarterêts. Mais en faisant cela, Dassault a mis le doigt dans un sale engrenage. »

Il est question de « Mamadou », qui aurait soutiré 100 000 euros au « Vieux ». De « Luigi ». De « Vincent, un beau blond de 21 ans », qui a vu passer des chèques. Les témoignages convergent vers Jacques Lebigre, bras droit de Dassault et ancien adjoint. Lui parle d’aide financière aux jeunes passant le permis de conduire.

L’article raconte surtout comment Dassault se serait fait déborder par des « jeunes » qui passent aux menaces, aux agressions physiques, à l’intimidation sur plusieurs de ses proches collaborateurs, parce qu’ils veulent plus d’argent. Avant et après, d’autres multiplient les confessions sur le « système Dassault ».

                                                                                                                                                                                                                             3 Deux élections municipales annulées

 

En 2010, le Conseil d’Etat annule l’élection municipale de Corbeil-Essonnes, celle où Jean-Pierre Bechter succédait à Serge Dassault. Motif : les bulletins de vote précisaient que le candidat était « secrétaire général de la fondation Serge Dassault ».

« Voter Bechter, c’est voter Dassault », disait même son slogan officiel. Un documentaire, « La cause et l’usage », a raconté cette campagne.

 

 

Bande-annonce de « La cause et l’usage »

L’ancien maire n’était pas candidat, et au surplus inéligible depuis l’élection précédente, en 2008, en raison des « dons d’argent » qu’il aurait fait à ses administrés.

                                                                                                                                                                                                                             4 Cinq enquêtes ouvertes

 

Au total, cinq enquêtes judiciaire sont en cours sur les affaires de Corbeil :

  • deux à Evry pour les tentatives de meurtre contre Fatha O. et Rachid Toumi ;
  • une à Paris sur le financement des campagnes de 2008, 2009 et 2010 ;
  • une sur plainte des enfants Dassault, pour « appels malveillants » et « tentatives d’extorsion de fonds » ;
  • une dernière, ouverte par Tracfin, sur des prêts accordés par Serge Dassault à plusieurs personnes.

Sans oublier la toile de fond de ce riant dossier : la querelle de succession qui, comme dans toutes les bonnes histoires, agite la famille.

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