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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 17:39

 

 

Rue89 - Arrêt sur images 08/03/2013 à 10h05
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

 

On sait qu’elle s’appelait Pauline. Elle avait 21 ans. Elle était factrice en CDD en Haute-Loire, à Monistrol-sur-Loire. Et le 15 février, on l’a retrouvée pendue chez ses parents. Voilà ce que l’on sait. Est-elle « une suicidée de La Poste », inaugurant un feuilleton qui pourrait prendre le relais des suicides à France Télécom ?

Libé n’en dit pas beaucoup plus :

« La veille de sa mort, la Poste venait de lui signer un nouveau CDD. Sa première journée avait été difficile. Le matin du drame, elle prend son poste à 6 h 30. Un cadre, voyant son état de fatigue, la renvoie chez elle. A 8 h 30, ses parents la découvrent à son domicile, pendue. »

Etrange. Pourquoi se suicider, alors qu’on vient de décrocher un nouveau CDD ?

On en apprend davantage à la lecture de L’Huma. On venait de confier à Pauline une tournée difficile, dans une région montagneuse et enneigée. La veille de son suicide, elle n’a pas pu achever sa tournée, en dépit de onze heures de travail. Elle arrive tôt le matin. Elle a du courrier en retard. Elle n’a pas dormi de la nuit. Son chef, la voyant épuisée, lui « propose » de rentrer chez elle. Elle se pend quelques heures plus tard.

Aucune enquête

Quelques détails supplémentaires encore dans le quotidien régional, Le Progrès (édition locale). On y apprend qu’elle a dû écouler le retard de courrier laissé par son prédécesseur, un autre CDD, parti en arrêt maladie. La direction assure que « la salariée avait accepté les heures supplémentaires pour écouler un surcroît de volume. Des heures qui ont été prises en compte financièrement. »

Voilà ce que disent les articles, pas davantage. Evidemment, il y a tout le cadre, qu’on reconstitue mentalement. La tournée maudite, sur des départementales enneigées, que la direction refile à de jeunes CDD, sur fond de suppressions de postes.

Mais pour en savoir davantage, il faudrait aller sur place, enquêter. Il faudrait la parcourir, cette tournée du secteur de Saint-Just-Malmont, que la direction, si l’on comprend bien, suppose qu’un facteur sachant facter peut effectuer en cinq heures. Près d’un mois après le suicide, aucun journaliste n’a encore vraiment enquêté sur ses circonstances précises. L’article du Progrès, daté du 7 mars, semble être le premier consacré à l’affaire, trois semaines après le suicide.

« Drames personnels et familiaux »

On a beaucoup moins enquêté sur le suicide de Pauline, par exemple, que sur les circonstances dans lesquelles Nicolas Sarkozy a dit à Valeurs Actuelles qu’il était prêt à se dévouer pour le bien de la patrie. L’a-t-il dit en demandant qu’on le répète ? En demandant qu’on ne le répète pas, mais en espérant qu’on le répète ? Ou l’inverse ? Voilà un vrai sujet d’enquête, garanti sans routes enneigées de Haute-Loire.

« Il n’y a pas d’éléments permettant d’établir la responsabilité de l’entreprise. Ce sont des drames personnels et familiaux, où la dimension du travail est inexistante ou marginale », a déclaré au cours d’un conseil d’administration le président de La Poste, Jean-Paul Bailly, le 28 février, à propos du suicide de Pauline et de trois autres suicides récents.

Disons plutôt : « aurait » déclaré. Ces phrases, si elles ont été entendues par des syndicalistes, ont ensuite été adoucies, à coups de « souvent », dans le compte-rendu écrit du CA, comme le précise Libé, qui conclut : « la direction contestait hier ce récit » (des syndicalistes). On la comprend.

 


Boître aux lettres (Zigazou76/Flickr/CC)

 

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 17:33

 

Rue89 - Mikaël Cabon - Journaliste

 Publié le 01/02/2013 à 12h26

 

 

Le 23 juin 2011 naissait un beau bébé. Son nom ? Le registre européen de la transparence, qui recense les lobbies en lien avec l’Union européenne ainsi que les personnes les représentant. Ses parents ? Le parlement et l’Union européenne. Depuis, dix-neuf mois ont passé, le bébé fait parti du décor avec 7 000 visiteurs uniques chaque mois, selon les statistiques de l’Union européenne.

Mais est-il vraiment complet aujourd’hui ? Qu’en est-il par exemple des entreprises du numérique, de plus en plus puissantes ? Nous les avons cherchées.

5 527 organisations recensées par Bruxelles

Rendez-vous sur le site Internet qui héberge le registre européen de la transparence. L’interface n’est pas des plus joyeuses mais on n’est pas là pour rigoler. Pénétrons à l’intérieur de la matrice.

Les amateurs de linguistique informatique se régaleront à la page « Pourquoi consulter ce registre » (consultée le 21 janvier 2013 par 1 832 visiteurs). Les autres peuvent aller directement à la consultation par ordre alphabétique.

Au total, 5 527 organisations sont enregistrées en ce mois de janvier 2013.

Lobbying de Google : 600 000 euros par an

Les entreprises du CAC 40 dépensent entre 7 et 9 millions d’euros par an dans leurs activités de lobbying. Qu’en est-il des entreprises du numérique, secteur transversal dont Bruxelles se saisit avec férocité ?

De multiples entreprises composent le secteur disparate du numérique :

  • les fournisseurs d’accès par exemple, l
  • es producteurs de contenus ou de matériaux,
  • ou encore les géants du web, tels Google et Yahoo ! .

Ces deux entreprises américaines ne manquent pas à l’appel du registre. On apprend que Google dépense entre 600 et 700 000 euros par an en lobbying. La seconde, représentée en tant que Yahoo ! SARL, une entreprise immatriculée en Suisse – vous avez bien lu SARL pour un groupe au chiffre d’affaires de 4,99 milliards de dollars sur l’année 2012 –, dépense entre 150 et 200.000 par an.

Des absents célèbres

Amazon et Apple ne figurent en revanche toujours pas sur le registre. Une

Vous pouvez participer
Il est possible de se plaindre en ligne. Un être manque au registre ? Tout est dépeuplé ? Proposez votre propre correction ou portez l’attention des administrateurs du registre sur la situation de tel ou tel. Huit plaintes ont été déposées au total depuis la mise en place du registre européen.

remarque que se faisait déjà l’équipe de feu Owni en septembre dernier. Pas plus que les opérateurs français Bouygues Telecom, SFR et Free, du moins en tant que tels.

Le registre n’est que facultatif et rien n’oblige une entreprise à s’y inscrire.

SFR ou Apple avancent masquées

Mais ce n’est pas tout : le principe du lobbying est qu’il avance parfois masqué en empruntant des faux-nez qui porteront la bonne parole sous le couvert d’une association fédérative de rassemblement unioniste de tel ou tel secteur d’activité bien au chaud derrière son acronyme. Dès lors que l’on recherche les liens entre les différentes entreprises et leurs représentants patentés, la quête devient plus ardue.

Pour les Français, Bouygues Télécom et SFR par exemple, il faut chercher du côté de l’European Association of Internet Services Providers (EurolSPA), dont sont membres la Fédération Française des Télécoms (FFT), et l’Association des Fournisseurs d’Accès (AFA) dont sont membres Bouygues Télécom et SFR, ainsi que plusieurs opérateurs de téléphonie mobile (et également Orange, également représentée en tant qu’entité propre). Un véritable jeu de poupée russe.

Apple ne manque pas non plus de pousser ses pions. L’entreprise confie ses intérêts à G+ Europe. Rien à voir avec Google Plus, mais le parallèle est amusant. Ce cabinet de lobbying qui lui facture entre 200 et 250.000 euros par an selon le registre. G+ dispose d’une armada de lobbyistes qui ouvrent également les portes pour la Française des Jeux, Gazprom ou encore Rio Tinto, entre autres.

Amazon n’est sur aucun écran radar européen alors que l’entreprise américaine dépense 2,5 millions de dollars par an en lobbying aux Etats-Unis. Aucune trace de Free non plus.

Bruxelles peut mieux faire

Au final, la sensation donnée par ce registre laisse un goût de trop peu. L’intention est là, quelques éléments permettent de jauger la sincérité de l’Europe dans sa volonté d’appliquer la transparence aux relations que ses organisations entretiennent avec les groupes d’intérêts. C’est louable mais insuffisant.

On attend les prochaines évolutions du registre, promises pour cette année, avec impatience. En particulier, des informations sur les liens étroits entre les cabinets de lobbying et leurs clients.

L’Europe fait néanmoins d’ores et déjà mieux que le parlement français dont la liste, figée sans précision de la dernière mise à jour, laisse pantois. Ce sont les associations, comme Regards Citoyens, qui font le boulot.

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8 mars 2013 5 08 /03 /mars /2013 16:47

 

Le Monde - Blog

 
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Marc Tarabella s'étrangle d'indignation: "Buitoni a ordonné aux magasins Champion, en Belgique, de jeter ses conserves de raviolis à base de viande de cheval, plutôt que de les distribuer aux plus démunis! "

L'eurodéputé socialiste belge fait campagne pour que cette nourriture soit correctement ré-étiquetée et donnée à ceux qui  en ont besoin. 

"Puisque la nourriture est reconnue comme saine, il serait absurde de la mettre à la poubelle, alors que des tas de gens ne mangent pas à leur faim!", explique-t-il. "Il suffit  d'y apposer une petite étiquette comme cela se fait déjà pour les promotions ou les ristournes sur des produits proches de la péremption."

Comme nous l'avons raconté dans ce post, M. Tarabella n'est pas le seul à réclamer que cette nourriture soit redistribuée aux associations caritatives. En Allemagne aussi des voix se sont élevées pour qu'on ne la gaspille pas.

Ce sont des employés de Champion qui, "refusant d'être les complices de ce scandale" ont contacté M. Tarabella, pour le prévenir que les 80 magasins allaient détruire les produits de Buitoni et Iglo.

Ils l'ont fait anonymement, pour ne pas avoir d'ennuis avec leur direction: "Il est vrai qu'à la fin des mémos internes exigeant la destruction de cette nourriture tout à fait comestible, il était bien spécifié de garder le secret autour de cette honteuse décision", précise M. Tarabella.

Champion lui a précisé agir "sur ordre des marques".

 

En Italie, le service de presse de Nestlé nous indique "avoir détruit  la nourriture, dans la Péninsule, bien que des associations l'aient réclamée", car la loi italienne l'imposerait. En outre, il s'agissait de "produits frais", et l'"on n'est pas sûr que la chaîne du froid ait été respectée lors de leur retrait des points de vente".

Nestlé ignore en revanche qui a ordonné la destruction de la nourriture en Belgique. Le service de presse indique ne pas connaître la loi belge en la matière. "Il semble que même des conserves aient été jetées", proteste M. Tarabella.

Le service de presse d'Iglo nous fait savoir que la décision de détruire les surgelés a été prise car "il est impossible de garantir que la chaîne du froid ait été entièrement maintenue lors des retraits en magasins".

"Le groupe recommande de ne pas redistribuer les produits tant que  les enquêtes chez les fournisseurs ne seront pas totalement achevées, que les raisons de cette situation ne seront pas clairement établies et que  les procédures ne permettront pas de garantir à 100% leur intégrité."

En France, il est tout à fait possible de distribuer de la nourriture mal étiquetée.   

 

 

Une circulaire de janvier 2012 (voir ci-dessus) précise les conditions dans lesquelles cela doit être fait: il faut  notamment "fournir sur un document séparé et en langue française l'ensemble des mentions obligatoires requises par la réglementation, afin que celles-ci puissent être portées à la connaissance des bénéficiaires".

 M. Tarabella a écrit une lettre ouverte au directeur général de Findus France, Matthieu Lambeaux, pour lui demander de ne pas détruire ses stocks.  M. Lambeaux a répondu que "rien n'a été détruit", mais il n'a pas souhaité prendre position, sur la distribution, assurant que c'est à l'Etat de le faire.

Benoît Hamon, le ministre délégué à la consommation, lui a rappelé que c'est possible, conformément au Plan national pour l'alimentation. (Voir ci-dessous le communiqué conjoint de trois ministres)

 

 

Néanmoins, nous n'avons pas obtenu de réponse du service de presse de Findus.

AlainAffagardDR Nourriture de Monoprix jetée à la benne

 

Petit rappel: chaque Français jette en moyenne vingt kilos d'aliments par an. A l'échelle du pays, cela représente 5,6 millions de tonnes de nourriture gaspillées chaque année, soit  plus de 20 % des aliments que nous achetons.

[Mise à jour le 8/03: compte tenu de l'émoi que suscitent, en commentaire,  ces chiffres, qui sont ceux de Marie-Pierre Raimbault, auteure d'un documentaire intitulé le Scandale du gaspillage alimentaire,  voici ceux de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) : chaque année, les Français jettent 20 kilos de denrées - soit 7 kilos d'aliments périmés et 13 kilos de restes. ]

[2e mise à jour, le 8/03: Les restos du coeur organisent une collecte de dons les 8 et 9 mars: conserves de fruits et de légumes, pâtes, riz, et couches pour bébé]

Et vous, que pensez-vous des décisions de Buitoni et Iglo? Saine mesure ou gaspillage?

Lire aussi Faut-il augmenter les PV de stationnement pour financer le Nouveau Grand Paris?

ou Billets de train d'occasion: gare aux arnaques

 

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 18:01

 

La Poste se livre à la sous-traitance (1/4)

Tous les samedis, dans les bureaux de poste de nombreuses villes de France, les mêmes scènes se répètent. Des clients mécontents viennent chercher un colis qu’ils étaient censés recevoir à domicile dans la semaine, et qu’ils ont souvent sagement attendu, en vain. À la place, au mieux, un avis de passage dans la boîte aux lettres, ou un avertissement concis sur internet. Dans les queues de La Poste, le mécontentement des clients s’exprime parfois sans retenue. Mais celui qui s’énerve trop ouvertement contre les postiers risque d’être surpris. Pour peu qu’il rudoie l’employé de La Poste face à lui, il pourra se faire avouer, plus ou moins aimablement, que les conditions de livraisons sont parfois aussi décriées en interne. Et s’il pousse un peu plus les grommellements, on lui expliquera sans détour que la faute n’incombe pas à des salariés de La Poste ou de ses filiales, mais à des sous-traitants.

 

 

C’est une des réalités les moins connues des évolutions récentes de l’entreprise, au capital 100 % public, et de ses satellites : de moins en moins de colis sont livrés chez les particuliers ou dans les entreprises par des facteurs ou des employés du groupe, et de plus en plus sont laissés aux mains de prestataires de services, qui se livrent une concurrence féroce pour conserver leur marché. À coups de prix bas, et de marges très réduites. Quitte à parfois oublier en route l’intérêt du client… Chez Chronopost, la filiale qui assure « l’express », plus des trois quarts des livraisons passent par des sous-traitants. Et si on est encore loin de tels chiffres chez Coliposte, la division de La Poste qui livre les Colissimo, la part de la sous-traitance y augmente régulièrement, et vite.

Partout dans le groupe, le sujet est devenu l’un des principaux points de crispation entre syndicats et dirigeants du groupe. Coliposte ne s’en cache pas. À la suite d'un préavis de grève déposé en novembre dernier, la direction régionale a accepté de lancer des discussions sur le sujet dans toute la France. Elles viennent de démarrer. Jeudi 28 février s’est ouvert en Île-de-France un « cycle de négociations sur les principes d’utilisation de la sous-traitance », reconnaissant « la nécessité de redonner du sens » à son usage. Et la direction s’est déjà engagée sur l’ouverture prochaine d’une « cellule dédiée à l’appui, au pilotage et au contrôle de l’activité de sous-traitance », ainsi que sur le recrutement de 100 personnes en 2013.

Selon les syndicats, il y avait urgence. Chez Coliposte, la CGT et SUD, qui représentent plus de la moitié des salariés de La Poste, sont vent debout contre l’irruption rapide de prestataires extérieurs. Même si le procédé existe dans l’entreprise depuis une dizaine d’années, ils en situent l’explosion à trois ou quatre ans, avec le début du raz-de-marée du e-commerce. En 2012, sur les 271 millions de colis transportés par La Poste (hors filiales, dont Chronopost), plus de 80 % sont liés à la vente à distance et au e-commerce. Rien qu’en Île-de-France, Amazon représente 19 millions de colis, vente-privée.com presque 13 millions, et Yves Rocher près de 11 millions.

Pour Régis Blanchot, délégué central SUD chez Coliposte, « 70 % des colis distribués en Île-de-France le sont par des sous-traitants, alors qu’en interne, le nombre de postes diminue d’année en année » : de 2 313 salariés en 2009 les effectifs franciliens de Coliposte sont passés à 1 884 en 2011, soit une baisse de 18 % en trois ans.

Ci-dessous, le “trafic moyen journalier” (TMJ) 2012 dans les agences Coliposte (ACP), comparé à celui de 2011, et le décompte officiel des salariés de 2009 à 2011

 

 

 

Selon la CGT, 25 % des postes affectés aux colis ont été supprimés en dix ans dans la région parisienne. Et les comptes annuels 2011 de Chronopost évoquent une hausse de presque 27 % des charges de sous-traitance en quatre ans. Pourtant, chaque année, le nombre de colis distribués grimpe.

Après avoir longtemps contesté les chiffres syndicaux, la direction francilienne de Coliposte vient de les valider, en indiquant qu'en moyenne, ses agences franciliennes fonctionnaient avec une part de 71 % de sous-traitance, avec des proportions allant de 52 % à 94 %, selon les lieux. Mais le groupe souhaite souligner que la région est une exception : « On retrouve ce chiffre de 70 % dans certaines agences et à certains périodes, surtout avant les fêtes de fin d’année, indique André-Jean Magniez, le directeur de la livraison chez Coliposte. Mais selon nos décomptes, en moyenne nationale sur l’année, la sous-traitance concerne 12 % de nos colis. »

Le responsable de Coliposte dénombre 370 entreprises prestataires en activité pour son compte en 2012, partout en France. Voilà pour les Colissimo, livrés en 48 heures. Chez Chronopost, la filiale en charge de l’express (colis livrés le lendemain de l’expédition, avant 13 heures pour les particuliers, parfois avant 8 heures pour les entreprises), la situation est tout autre. La direction refuse de détailler le nombre d’entreprises travaillant pour elle, mais indique qu’elle n’emploie elle-même que 700 chauffeurs, pour 4 000 tournées de livraison organisées tous les jours ! « Les chefs d’agence doivent faire baisser les coûts, et font donc toujours plus appel à la sous-traitance. En deux ans, 20 % des emplois de chauffeurs ont été supprimés », assure Richard Giraud, le délégué central CGT chez Chronopost.

Son homologue de la CFDT, le délégué central Bruno Klein, rappelle que Chronopost, 3 250 salariés, a perdu en moyenne une centaine d’emplois par an depuis trois ans. « La sous-traitance comporte un intérêt pour les salariés en moyens propres, c’est certain, analyse le syndicaliste : elle apporte certaines garanties sur le développement de l’activité et du résultat, donc un maintien de l’emploi, une amélioration possible des salaires, un meilleur intéressement… Mais il faut équilibrer ça avec l’intérêt des sous-traitants et ce n’est plus le cas. Aujourd’hui on arrive à une situation qu’on ne peut plus accepter. »

 

« Nécessaire pour faire face à la demande »

Selon les syndicats, l’intérêt de leurs directions est clair : employer des sous-traitants permettrait avant tout de faire baisser les coûts, en jouant la carte du « dumping social ». « On ne veut plus recruter de CDI ni même de CDD, et on préfère faire appel à des petites sociétés, dont il n’est pas difficile de se débarrasser rapidement et qui permettent de gagner plus d’argent », peste Régis Blanchot, de SUD. De fait, la plupart des sociétés prestataires bénéficient de contrats signés pour un an, renouvelables deux fois. « Quand on demande la réinternalisation des sous-traitants, la direction nous répond carrément qu’on remet en cause le modèle social et économique de l’entreprise ! » déplore le syndicaliste.

Le modèle économique de la livraison de colis repose en effet en bonne partie sur la sous-traitance. À La Poste, mais aussi chez tous ses concurrents, comme TNT, DHL ou UPS. « Cela est nécessaire pour faire face aux pics de demande, avec des variations fortes, en fonction des mois, mais aussi des jours de la semaine », explique André-Jean Magniez, de Coliposte. Chez Chronopost, après une fin des années 2000 très compliquée, l’entreprise ayant frôlé la faillite, on assume sans état d’âmes le choix du (presque) tout délégué.

« Nos clients le savent parfaitement, et nous ne nous en cachons pas, indique Benoît Frette, le directeur national des opérations de Chronopost. La sous-traitance du “dernier kilomètre” de livraison est nécessaire si on veut couvrir l’ensemble du territoire, en tenant nos délais très exigeants. Mais c’est vrai aussi pour tous nos concurrents. » Le 28 novembre dernier, lors du comité de groupe Geopost (la maison-mère de Chronopost), Alexis Ruset, le directeur général du groupe, a indiqué qu’il ne voyait « pas l’intérêt » de fixer une limite et a affirmé la nécessité d’aborder « sans complexe » le sujet.

Pourquoi se priver ? En 2012, la division du groupe regroupant le colis et l'express, en France et à l'international, a engrangé 403 millions d'euros de résultat d'exploitation, en hausse de 4 %.



De 1,4 à 2 euros le colis livré

Utiliser des entreprises extérieures est donc pratique, et souple. Mais est-ce rentable ? Pour les syndicats, aucun doute, la réponse est oui. À La Poste, en fonction de la zone de livraison et des négociations, un colis livré est payé au sous-traitant (qui n’assure que le transport depuis le centre de tri jusqu’au domicile) entre 1,4 et 2 euros hors taxe. Le client paye, lui, 8,6 euros pour expédier un colis de 2 à 3 kilos (prix en hausse de 7 % entre 2009 et 2012, soit un peu plus que l’inflation). Un livreur travaillant pour un sous-traitant gagnerait, assure-t-on chez SUD, entre 800 et 900 euros par mois, pour des horaires parfois à rallonge. Un livreur estampillé La Poste gagnerait lui environ 1 300 euros net, pour 35 heures par semaine. Des chiffres contestés par l’avocat de La Poste, Dominique Minier, qui indique que les salaires « sont largement équivalents, à temps de travail égal ».

Chez Chronopost, l’écart entre les salaires évoqué par les syndicats est du même ordre. Mais selon les résultats de notre enquête, les conditions de travail y sont souvent plus dures pour les sous-traitants, et certains évoquent des relations compliquées avec le donneur d’ordre. Nous y reviendrons en détail dans un prochain volet de notre enquête, mais notons déjà que les entreprises prestataires sont payées différemment qu’à La Poste : non pas au nombre de colis livrés, mais selon le nombre de « points de livraison » visités. La différence est simple : « Pour un seul point de livraison, qui correspond par exemple à une entreprise, le livreur peut avoir à transporter cinq, dix ou quinze colis ! » souligne le gérant d’une société prestataire.

 

Une agence Chronopost d'Ile-de-France en 2010 
Une agence Chronopost d'Ile-de-France en 2010© DR

Voici une illustration criante du volume que peut représenter un point de livraison : chaque pile correspond à un point (photo prise dans une agence francilienne de Chronopost courant 2010).

Benoît Frette ne nie pas cette réalité, mais tient à souligner qu’en moyenne sur la plan national, il y a « moins de deux » colis livrés pour chaque point de livraison. À Chronopost, le point de livraison est généralement payé entre 2 et, dans des cas exceptionnels, 4 euros HT. Pas de confirmation du directeur des opérations, qui rappelle que « le prix peut fortement varier en fonction du secteur : dans une zone urbaine, il peut y avoir 60 points à livrer sur 35 kilomètres, alors qu’à la campagne, il y en aura 15 sur 50 kilomètres, les tarifs ne peuvent pas être les mêmes ».

Ce prix comprend le “picking”, c’est-à-dire la récupération du colis sur un tapis roulant par le chauffeur. Une tâche qui était effectuée par des intérimaires ou des employés en moyens propres jusqu’en 2009. Aujourd’hui, elle est rétribuée, mais peu : en général pour l’Île-de-France, 7 centimes d’euros par colis “pické” ! Soit, selon les estimations de sous-traitants, environ 3,5 euros pour deux heures de travail ou plus. La collecte de colis, qui consiste à aller chercher dans leurs locaux les plis que des sociétés veulent envoyer, est généralement payée quelques dizaines de centimes de plus que la livraison.

 

La question des conditions de travail

L’ensemble des syndicalistes contactés, tant au niveau national que local, l’assurent : les sous-traitants choisis par La Poste seraient toujours les moins chers. « Il y a un concours du moins-disant pour faire baisser les coûts et réussir à proposer les prix les plus bas aux clients », témoigne Richard Giraud, de la CGT Chronopost. Ce que dément sa direction. « Le prix proposé ne correspond qu’à 40 % de la note finale attribuée aux dossiers lors des appels d’offres », explique Frette, le directeur des opérations. Il assure d’ailleurs que des dossiers proposant des prix trop bas et irréalistes ne sont pas retenus. Mêmes réponses chez Coliposte. « Le prix ne fait pas tout, et c’est logique, assure André-Jean Magniez : un prestataire qui ne tiendra pas dans la durée, ou qui fera de la mauvaise qualité, cela ne nous intéresse pas. » Me Minier, l’avocat de La Poste, assure que certains sous-traitants peuvent même renégocier leurs prix à la hausse en cas de chamboulement dans leur organisation.

 

Les vestes portées par les prestataires de La Poste 
Les vestes portées par les prestataires de La Poste© DR

 

Outre le prix, les documents internes de La Poste évoquent d’autres avantages de la sous-traitance. Le document annonçant le « cycle de négociations » en Île-de-France souligne ainsi qu’il est « difficile d’exercer durablement certains métiers » et que la sous-traitance serait « nécessaire pour répondre à la pénibilité de ces métiers ». La traduction est assurée par Régis Blanchot, de SUD Coliposte : « Il existe dans notre groupe des boulots très pénibles, qui cassent les bonshommes. Utiliser des sous-traitants permet de conserver des conditions de travail qui seraient intolérables pour un emploi à temps complet, occupé de façon fixe. » « Un chronopostier va faire son travail normalement et consciencieusement, mais pas au risque de sa santé, au contraire d’un sous-traitant… », abonde Arezki Djouadi, syndicaliste SUD au « hub » Chronopost de Roissy.

Selon le donneur d’ordre, Poste ou Chronopost, les centres et les périodes, les conditions de travail sont plus ou moins bonnes pour les salariés sous-traitants. Qu’ils soient livreurs ou non : mi-février, presque 200 salariés d’un prestataire se sont mis en grève au « hub » (gros centre de tri) Chronopost de Chilly-Mazarin. Ils réclamaient que leur entreprise les paye mieux.

 

Article du Parisien - 23/01/13 
Article du Parisien - 23/01/13

 

Fin janvier, c’est une pleine page du Parisien sur la sous-traitance qui avait fait sensation. D’abord parce qu’elle révélait qu’un sous-traitant était mort au début de l’année, après être tombé dans la Seine (nous l'évoquerons dans le second volet de notre enquête). Mais aussi parce qu’elle montrait en bonne place une photo d’une banale voiture de particulier, coffre ouvert, bourré de colis. Les prestataires ont-ils donc si peu de moyens qu’ils doivent utiliser leur propre véhicule ? Selon nos informations, leurs contrats stipulent qu’ils n’en ont pas le droit, et ce cas est extrêmement rare. La photo a été prise dans un centre de tri parisien qui gère courrier et colis, et n’illustre pas un cas récurrent. L’entreprise qui tolérait ou encourageait cette pratique a d’ailleurs été remerciée par La Poste.

 

Volumes

 

 

 

 

Mais sans insister sur des cas « limites », peut-on dire que la qualité assurée par les sous-traitants est moins bonne ? Pour Djouadi, de SUD à Roissy, « c’est clair comme de l’eau de roche, et c’est une question stratégique ». Le syndicat a soutenu récemment plusieurs légers mouvements de débrayages en Île-de-France, des salariés sous-traitants s’arrêtant quelques minutes pour protester contre leur mauvais équipement (pas de gants en hiver, par exemple)… Pour de nombreux salariés, syndicalistes et sous-traitants interrogés, les prestataires extérieurs sont obligés d’aller très vite pour être rentables. Ce qui expliquerait les mauvaises expériences rencontrées par nombre de particuliers, avec des colis non livrés à domicile, des avis de passage mal remplis ou carrément absents.

Et pour Bruno Klein, de la CFDT Chronopost, le groupe ferme les yeux sur les agissements de ses partenaires, tant qu’ils sont rentables, et qu’ils bichonnent les entreprises, gros clients qui représentent 80 % du trafic des colis en France. « Ce qui importe le plus à l’entreprise, ce sont les volumes. C’est le volume qui fait le chiffre d’affaires, rappelle le syndicaliste. Et le client particulier sera donc, dans tous les cas, moins bien traité que le professionnel. Tous ces petits clients, c’est la cinquième roue du carrosse. On les perd, alors qu’au départ, ils étaient notre cible privilégiée… »

Lors d’un comité d’entreprise Chronopost le 27 juin dernier, Benoît Frette a ainsi reconnu rencontrer des problèmes avec des prestataires qui remplissaient des avis de passage dans des conditions malhonnêtes, pour pouvoir déposer leurs colis plus rapidement dans un bureau de poste ou un point-relais. Mais aujourd’hui, il annonce de nombreuses mesures destinées justement à améliorer la livraison chez le particulier, « priorité cette année dans tout le groupe ». Depuis juin, un outil informatique permet de repérer les livreurs qui oublient trop souvent de passer réellement chez le client, et la « livraison interactive » permet de plus en plus de prévenir le destinataire final du passage du livreur, et de le reporter en cas de besoin.

Surtout, la direction brandit ses (bons) chiffres de contrôle de la « qualité de service » (QS), définie par un mélange entre bons délais de livraison, traçabilité assurée et garanties proposées en cas de perte ou de retard. À Chronopost, « la QS n’a jamais été aussi bonne depuis deux ans », et à Coliposte, la QS est en hausse, quand le « taux d’instance », qui définit le nombre de colis rapportés en bureaux de poste au lieu d’arriver chez le client, est en baisse…

Cas de corruption

Reste que l’arrivée en masse de collaborateurs extérieurs, et changeants, peut facilement déstabiliser une entreprise. Et certaines entorses suscitées par l’afflux de sous-traitants à La Poste sont préoccupantes. Thierry Lagoutte, militant SUD à Coliposte, évoque ainsi des cas troublants. « En 2010, un sous-traitant m’avait proposé 30 euros par mois pour que je lui donne mes “bons” colis, par exemple ceux qu’un gardien pouvait réceptionner, ce qui accélère la distribution, raconte le syndicaliste. Si on en est là pour un point aussi mineur, on peut imaginer qu’il peut y avoir plus de soucis lorsque les enjeux sont importants. » Lagoutte a sans doute un cas en tête, très embarrassant pour La Poste. Cet été, le patron d’une entreprise sous-traitante s’est plaint à la direction régionale francilienne qu’un directeur d’agence Coliposte lui avait proposé d’augmenter sa rémunération pour les colis livrés, de ne pas lui infliger de pénalités de retard, mais aussi de soutenir sa candidature à un prochain appel d’offres… Le tout pour 200 euros par mois, réglables en liquide le 1er de chaque mois ! Le directeur indélicat a été licencié en quelques semaines.

Les syndicats nous ont fait part de deux autres cas plus anciens, où des chefs d’agence s’étaient mis d’accord avec un prestataire pour déclarer plus de colis livrés que la réalité des prestations effectuées, et pour se partager les bénéfices. Cela était possible lorsque les Coliéco, la gamme la moins chère de La Poste, n’étaient pas « flashés » pour être suivis électroniquement ; ils le sont désormais. SUD s’est aussi plaint officiellement en 2011 d’un directeur d’agence qui se serait vanté auprès de ses troupes d’employer « de l’Africain pas cher » et « du Tunisien à un euro ». Ambiance… Magniez, le directeur de la livraison de Coliposte, reconnaît que « des dérives peuvent exister », mais assure ne déplorer que deux graves « cas de probité », comme il appelle ces faits de corruption. « Dans ces cas-là, nous agissons vite, et je crois que personne n’a à s’en plaindre », indique-t-il. L’avocat de l’entreprise, du haut de ses plus de vingt ans de poste, tient lui à souligner qu’il « n’y a pas plus de spoliations, de vols ou de disparitions de colis commis par les sous-traitants que par le personnel de La Poste ».

 

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 17:48

 

Marianne - Jeudi 7 Mars 2013 à 12:25

 

Laurent Neumann - Marianne

 

Petite question qui fâche : c’est la crise - partout, en France, en Europe, aux Etats-Unis… - et pourtant la Bourse se porte comme un charme. Comment est-ce possible ?

 

BEHAR ANTHONY/SIPAUSA/SIPA
BEHAR ANTHONY/SIPAUSA/SIPA

Petite question qui fâche : c’est la crise - partout, en France, en Europe, aux Etats-Unis… - et pourtant la Bourse se porte comme un charme. Comment est-ce possible ? Partout, on taille dans les dépenses publiques ; partout, on augmente les impôts pour désendetter les Etats, mais les cours de la bourse, eux, ont pratiquement retrouvé leur niveau d’avant le déclenchement de la Grande Crise de 2007-2008. A New York, le Dow Jones s’envole ; à Paris, la bourse a refait son retard. Partout, les dividendes coulent à flot. C’est quoi le truc ?
 

Jeff Madrick, analyste au Roosevelt Intitute et auteur du livre « Le triomphe de la finance et le déclin de l’Amérique », offre ce matin dans les colonnes de « Libération », une explication iconoclaste, mais qui mérite qu’on s’y attarde. Résumons sa pensée : les marchés financiers ont le sourire parce que les profits des grandes entreprises sont très élevés – jusque-là, on comprend tout. Et si les multinationales dégagent des bénéfices aussi élevés malgré la crise, c’est qu’elles ont réussi à maintenir des niveaux de salaires très bas. Et ce, alors que tous les experts de la pensée économique dominante nous expliquent matin, midi et soir, que le problème, c’est la compétitivité, le coût trop élevé du travail. Bref que les salariés sont trop payés !
 

Jeff Madrick va même plus loin : il ne se contente pas de déplorer ce faible niveau de rémunération des salariés – quand les managers des mêmes multinationales, eux, continuent à se goinfrer dans des proportions qui confinent à l’impudeur. Il ne se contente pas de constater les dégâts récessionnistes que cette politique salariale provoque sur la consommation, principal moteur de la croissance. Il fustige aussi ces Etats, notamment en Europe, qui ont fait de la limite à 3% du déficit public, un dogme indépassable. « Une erreur tragique », dit-il. « L’austérité représente une terrible faillite intellectuelle, comme on a pu le voir en Grande-Bretagne, en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Grèce ou en Irlande ». Et d’ajouter : « Dans vingt-cinq ou cinquante ans, ces politiques d’austérité apparaitront comme un âge noir de la pensée économique ». Tout simplement parce que ces politiques à courte vue ne font qu’ajouter de la crise à la crise, de la récession à la récession, du malheur au malheur.
 

D’autant que les marchés financiers, malgré toutes les promesses, malgré toutes les lois, continuent à fonctionner comme si la crise n’avait pas eu lieu, comme si personne n’avait tiré les leçons des dérives de la finance folle. Ainsi, apprend-on, que la crise des subprimes n’a pas servi d’exemple, que les emprunts des étudiants américains, surendettés comme jamais, ont été titrisés par les établissements financiers comme le furent, hier, les emprunts immobiliers pourris. Avec les conséquences que l’on sait.
 

Plus d’un Italien sur deux a voté pour Silvio Berlusconi et Pepe Grillo ; 500.000 personnes manifestaient le week-end dernier au Portugal ; les Grecs sont étranglés, les Espagnols, au bord de l’explosion ; les Chypriotes, à bout de souffle. Et les Français…
 

On attend quoi au juste ?

 

 

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 15:56

 

 

LE MONDE | 07.03.2013 à 14h14 • Mis à jour le 07.03.2013 à 15h43 Par Michel Debout, professeur de médecine, président de l'association Bien-être et société

 

 

La mondialisation de la finance et de l'économie s'est construite sur le modèle libéral et s'est ainsi soumise à l'idéologie individuelle et concurrentielle. Ces pratiques ont amené chaque instance économique à défendre ses propres intérêts de façon isolée, la finance contre les Etats et les entreprises, ceux-ci contre les salariés, et pour ces derniers le chacun pour soi ! Ce que l'on appelle "crise", c'est l'impasse de cette pyramide "concurrentialiste", dont le sommet financier s'est emballé pour finir par s'effondrer, entraînant les autres acteurs dans sa chute.

La finance internationale, malgré ses faillites, veut rester maître du jeu, et par un effet domino, c'est la population qui paye la facture. Tous les salariés sont concernés par la dégradation de leurs conditions de travail, par la chute de leurs revenus, par le chômage, qui peuvent constituer une grave atteinte à leur santé dont on ne prend pas assez la mesure.

La crise n'a fait qu'accentuer les dérives managériales développées depuis les années 1980 qui ont exposé les salariés (cadres, employés, ouvriers) à ce que l'on nomme aujourd'hui les "risques psychosociaux". Ils doivent s'adapter en permanence à de nouvelles exigences, entraînant le stress au travail et des effets d'usure professionnelle. Isolés face à des objectifs individuels imposés par la hiérarchie, sans que le sens de leur travail ne leur soit toujours explicité, ils sont confrontés à l'obligation de concilier les contraires : faire vite et bien.

Les produits ayant une action sur le cerveau (dits "psychoactifs" : alcool, drogues, médicaments psychotropes, etc.) permettent souvent de supporter cette contradiction pendant un temps, mais en masquant la réalité. Il faut repérer le glissement qui s'opère à travers l'usage de ces substances : c'est la performance qui est recherchée, la capacité de faire face, la drogue est devenue la dope !...

Cet usage addictif aggrave le risque suicidaire en facilitant le passage à l'acte. Le contexte relationnel devient plus dur ; l'égoïsme gagne. Cette implication personnelle toujours plus intense provoque ou facilite des relations perverties au coeur du collectif de travail, avec sa forme la plus menaçante, celle du harcèlement.

 

LES LIMITES PERSONNELLES ET RELATIONNELLES

Certaines méthodes nouvelles, en particulier le privilège accordé aux gestions par objectifs, à l'évaluation individualisée des performances, confrontent chaque salarié à ses limites personnelles et relationnelles : il ne fait plus son travail, il est à son travail. Ces pratiques déstructurent les valeurs de référence au travail bien fait, à la compétence professionnelle.

Trop longtemps la souffrance psychique au travail a été considérée comme résultant exclusivement de la personnalité du salarié, de son histoire, de son état psychique ; et les dirigeants ont cherché à médicaliser ce mal-être pour en extirper toute dimension collective et tout lien avec l'organisation de l'entreprise : ils parlent toujours de "personnes fragiles" et bien trop rarement de "personnes fragilisées" !

Comment ne pas rappeler que le moment du licenciement constitue un véritable choc psychologique, parfois aggravé par certaines pratiques patronales, qui font comprendre aux salariés qu'ils ne sont qu'une variable d'ajustement dans le budget de l'entreprise, et qu'on peut les jeter sans aucune considération pour leur personne ?

Mais qui aujourd'hui se préoccupe de ce traumatisme psychique, alors que l'on déploie les cellules psychologiques au moindre événement présentant une dimension émotionnelle particulière, et donc surmédiatisée ?

Après le licenciement économique ou les plans sociaux, c'est le chômage qui s'installe. Le travail est un organisateur de vie et de rencontres. Le chômage provoque l'isolement et la désocialisation du travailleur, qui se trouve dépourvu des liens interpersonnels noués au travail. Sans repère social, en difficulté dans sa sphère familiale, le chômeur va être exposé au repli, et à la dérive dépressive et mortifère ; le risque suicidaire s'aggrave.

Le chômage, la précarité, la pauvreté, le surendettement fragilisent l'ensemble de la société qui présente, selon un sondage récent réalisé par Ipsos pour Le Monde, "un goût de désespérance prononcée" ; les jeunes dont le chômage constitue le premier travail sont fragilisés par cette difficulté à s'insérer dans la vie économique, et à trouver ainsi leur place, facteur d'identité personnelle.

Malgré cela, le lien entre chômage et mal-être n'a toujours pas suscité une mobilisation des responsables de la santé publique ; depuis le début de la crise financière fin 2008, la Direction générale de la santé n'a préconisé aucune mesure spécifique !

 

 L'AVENIR PERSONNEL ET MÉDICAL

Le salarié victime d'un plan social ou d'un licenciement économique perd tous ses liens avec le service médical de l'entreprise qu'il est obligé de quitter, et aucune instance sanitaire n'est chargée de s'occuper de son avenir personnel et médical ; c'est au moment même de sa carrière où il a souvent besoin d'être soutenu et accompagné, que la médecine du travail l'abandonne !

Il faut mettre en place une médecine pour les chômeurs, comme il en existe une pour les travailleurs, chargée, au moins pendant les deux années suivant la rupture du contrat de travail, de suivre le devenir de ces salariés sans emploi, et de conseiller les interventions (médicales, psychologiques...) éventuellement nécessaires.

Il faut parler du mal-être des femmes et des hommes, de leur souffrance, voire même de leur suicide, ce qui n'est pas aggraver le sentiment de désespérance, mais au contraire affirmer le refus de leur fatalité par un choix solidaire.

C'est un message de vie !

Michel Debout, professeur de médecine, président de l'association Bien-être et société

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 15:43

 

LE MONDE | 07.03.2013 à 15h32 • Mis à jour le 07.03.2013 à 15h37 Par Danièle Linhart, sociologue du travail ; directrice de recherche émérite au CNRS

 

 

 
 

En France, la perte d'emploi comme le mal-être au travail peuvent conduire à un même désespoir. Si les immolations par le feu choquent particulièrement, les suicides de chômeurs et de salariés font désormais partie de notre quotidien.

A ce désespoir prend sa part un discours selon lequel les Français auraient un rapport malsain au travail. Peu enclins à travailler, ceux-ci auraient tendance à se laisser assister et, lorsqu'ils travaillent, ils seraient surtout occupés à défendre leurs acquis.

Ce discours s'est imposé en 1984 autour d'une émission d'Antenne 2 intitulée "Vive la crise" avec Yves Montand et reprise dans un numéro spécial de Libération. Il s'est renforcé avec la mise en place des 35 heures. On a ainsi pu entendre le président Sarkozy exhorter les Français à réhabiliter la "valeur travail".

Ce climat de discrédit jeté sur les salariés français est déconnecté de la réalité : on sait que de nombreuses catégories ne bénéficient pas des 35 heures, et surtout que la productivité horaire en France est une des plus élevées au monde. Mais il fait régner une suspicion généralisée. Ceux qui sont au chômage font-ils tout ce qui est possible pour retrouver du travail ? Ceux qui sont au travail font-ils ce qu'il faut pour être compétents et performants ?

La lettre envoyée récemment par Maurice Taylor, le PDG américain de Titan, au ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg, dans laquelle il se moque des salariés français ("Ils ont une heure pour leurs pauses et leur déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures"), aurait-elle été imaginable hors d'un tel contexte ?

 

UN CHÔMAGE DEVENU MASSIF

On aurait tort de sous-estimer l'effet délétère de cette situation sur ceux qui perdent pied dans le marché du travail ou dans les entreprises. Loin de se déculpabiliser d'un chômage devenu massif, de pressions souvent démesurées au travail, ils se sentent stigmatisés.

Ils ne trouvent aucune compréhension et encore moins de compassion chez leurs concitoyens. Ils sont désespérément seuls dans l'épreuve qu'ils traversent, seuls et honteux.

Mais nombre de recherches mettent en évidence que cette suspicion, cette défiance (qui aggravent ainsi le désespoir des exclus de l'emploi et des naufragés du travail) sont le socle du modèle managérial français, celui qui le rend néfaste tant du point de vue des conditions de vie au travail que de l'efficacité globale des entreprises.

Les travailleurs sont ainsi doublement victimes tandis que le management qui les précarise objectivement et subjectivement est dédouané.

En effet, le management français, convaincu que les salariés dont il a "hérité" ne sont pas les "bons" et galvanisé par ce discours de discrédit ambiant, s'est lancé dans une bataille identitaire sans pitié pour les faire plier et les contraindre d'adhérer à son idéologie et sa rationalité.

Sur la base d'une politique systématique d'individualisation, la modernisation managériale s'affirme ainsi par une politique de précarisation des salariés, une précarisation objective comme subjective. Aux côtés d'offensives idéologiques et éthiques destinées à modeler les esprits, à séduire, à persuader, le management cherche à instaurer les conditions obligeant hic et nunc les salariés à devenir les alliés inconditionnels de leur entreprise, les relais dociles de ses choix et objectifs dans le cadre d'un capitalisme de plus en plus financier.

 

ASSEOIR UNE EMPRISE SANS FAILLE

 Pour remporter cette victoire, le management mise sur l'emploi précaire (CDD, intérim, travail à temps partiel et saisonnier) comme modalité disciplinaire, pour les jeunes surtout qui veulent trouver leur place sur le marché du travail. Et il s'évertue à précariser, subjectivement cette fois, les salariés bénéficiant d'un emploi stable, pour asseoir sur eux aussi une emprise sans faille.

A cette fin, il est parti en guerre contre les ressources dont disposent ces salariés stables, c'est-à-dire leur métier et leur expérience qui leur permettent de maîtriser leur fonction, d'alléger les difficultés et de se doter d'un point de vue argumenté sur leur travail opposable aux directives, aux critères et méthodologies de la hiérarchie.

Les multiples restructurations, changements qui balaient les entreprises françaises de façon frénétique ont ainsi souvent pour objectif de fragiliser des salariés qui ont sans cesse tout à réapprendre pour conserver leur poste, et qui se sentent en permanence sur le fil du rasoir face à des objectifs démesurés et des évaluations indifférentes au travail réel.

Loin de miser sur l'intelligence collective pour innover et gagner des parts de marché, le management français a opté pour une attaque en règle de la professionnalité et de l'engagement de ses salariés, compromettant leur santé physique et psychique, tout autant que notre avenir.

Danièle Linhart, sociologue du travail ; directrice de recherche émérite au CNRS

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 15:38

 

 

LE MONDE | 07.03.2013 à 15h03 Par Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail du Conservatoire national des arts et métiers

  
 

On pourra dire que les suicides par le feu de chômeurs en fin de droits sont des drames personnels ou, au contraire, qu'ils sont le signe d'une crise sociale du travail portée par la mondialisation, comme on l'entend aussi. On pourra encore dire qu'on ne les comprend pas bien et qu'un "Observatoire" de plus serait utile pour préserver les plus vulnérables d'entre nous par une action éclairée. Un "volet humain" compléterait ainsi les politiques économiques en cours.

Mais soyons concret : ces immolations cherchent à rendre visible cette révolte en public. Ce sont des suicides de protestation. La Chine est le seul pays au monde où les femmes se suicident plus que les hommes : le suicide demeure une des armes de protestation dont elles disposent pour lutter contre le mépris traditionnel attaché à leur sexe.

Les suicides de chômeurs nous en disent plus sur l'état de nos institutions que sur le malheur des chômeurs. Les sociologues Christian Baudelot et Roger Establet ont proposé d'aller au-delà de Durkheim et de Freud pour expliquer les suicides dont l'intention vindicative est avérée. Quand les destinataires sont explicitement désignés par le choix des lieux, l'institution où prend ce feu est clairement visée.

Le 13 février, ce fut Pôle emploi. Son personnel, en mission impossible, est sans doute l'amortisseur principal de la crise de l'emploi. Mais après la fusion ratée de l'ANPE et de l'Assedic et au-delà de l'augmentation réelle des effectifs en 2012, si les agents amortissent le choc, c'est malgré l'organisation officielle du travail. Ils répètent, à tort ou à raison, que dans la course aux chiffres, ils passent plus de temps à prouver qu'ils travaillent qu'à aider les usagers.

LE MÉTIER S'EST ABÎMÉ

Cette tyrannie du chiffre est symbolisée par les radiations automatiques. Elles ont bondi de près de 25 % en décembre 2012. Beaucoup d'agents soutiennent que leur métier s'est abîmé et que la diminution des spécialistes, dans le maquis d'une réglementation proliférante, dégrade la performance : par des traitements de masse qui impliquent de segmenter les publics selon des standards rappelant la production industrielle. Pourtant ici c'est la relation de service qui définit la qualité du travail.

Dans son dernier rapport, le médiateur de Pôle emploi, Jean-Louis Walter, tire la sonnette d'alarme. Il préconise de mettre fin aux radiations automatiques pour un rendez-vous manqué. Il note aussi la bienveillance des agents. Mais il voit que la mansuétude à l'égard des usagers n'est plus partagée par tous.

En fait, les postures de métier plient sous la pression du réel, et le professionnalisme risque de se fendre. De leur côté, les associations de chômeurs veulent donner leur avis sans avoir l'accueil qu'il faudrait. Quant à la direction de Pôle emploi, elle expérimente dans son coin une organisation du travail pour faire gagner du temps aux conseillers.

Elle repère en petit comité les "irritants", qui provoqueraient les grincements dans les agences. Les énergies sont dissipées.

On ne peut faire face aux drames du chômage – au-delà des choix politiques et économiques qui seuls peuvent permettre de le faire reculer – sans permettre à ceux qui sont en première ligne à Pôle emploi de refaire un travail soigné.

 LA BOULE AU VENTRE

Pour y parvenir, c'est l'institution qu'il faut soigner en levant un déni : la direction de Pôle emploi, les syndicats du personnel, les associations de chômeurs et le gouvernement lui-même n'ont pas les mêmes critères pour évaluer la qualité du travail dans les agences.

Les chômeurs s'y rendent avec la boule au ventre. Ils y retrouvent toutes ces contradictions réunies au même endroit. La responsabilité de ceux qui dirigent le service public de l'emploi comme de ceux qui font la convention d'assurance-chômage – le patronat avec une partie des syndicats – est d'instruire ces conflits sans tricher avec le réel.

Même dans l'urgence, il faut refaire l'institution ensemble. En acceptant de parler des différends sur la qualité du travail pour trouver les compromis auxquels nul n'a encore complètement songé.

Yves Clot, titulaire de la chaire de psychologie du travail du Conservatoire national des arts et métiers

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7 mars 2013 4 07 /03 /mars /2013 15:26

 

 

Le Monde.fr | 06.03.2013 à 16h01 • Mis à jour le 06.03.2013 à 18h42 Par Jean-Baptiste Chastand et François Béguin

 
 

Un chômeur a tenté de s'immoler par le feu mercredi 6 mars en fin de matinée dans l'agence Pôle emploi de Bois-Colombes (Hauts-de-Seine). L'homme, un cadre de 59 ans, s'est aspergé d'essence avant d'être maîtrisé par les conseillers, selon la préfecture de police. Ne souffrant d'aucune séquelle physique, il a ensuite été transféré à l'hôpital Louis-Mourier de Colombes pour rencontrer un médecin et un psychiatre, avant de rentrer chez lui. L'homme habiterait Neuilly, précise la mairie.

"L'entretien s'est très mal passé avec les conseillers. Il a quitté l'agence avant de revenir vers 12 h 30 un bidon d'essence à la main", explique-t-on de même source. Selon les informations recueillies par Le Monde, le chômeur était insatisfait de la réglementation du chômage. 

Après avoir travaillé pendant une brève période, le chômeur se serait en effet vu expliquer que ses droits au chômage seraient raccourcis. Les agents n'ont fait qu'appliquer la réglementation de l'Unedic, qui prévoit que seules certaines périodes de travail sont prises en compte dans le calcul de la durée de l'indemnisation. L'accord sur l'emploi, signé le 11 janvier par les partenaires sociaux, prévoit de mettre fin à cette règle via l'instauration de "droits rechargables" à l'assurance-chômage.

Le 13 février, un chômeur en fin de droits s'était immolé par le feu devant l'agence Pôle emploi de Nantes. Un drame qui avait causé une grande émotion au sein de l'organisme et de la classe politique. Depuis cette date, les menaces d'immolation se multiplient dans les agences, rapportent plusieurs sources au sein de Pôle emploi.

Lire : Suicide d'un chômeur à Pôle emploi : 'un drame personnel', juge Hollande

Jean-Baptiste Chastand et François Béguin

 

 

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6 mars 2013 3 06 /03 /mars /2013 14:36

 

Le Monde.fr avec AFP | 06.03.2013 à 14h32 • Mis à jour le 06.03.2013 à 15h29

 

 

 
L'accord trouvé à Bruxelles sur le plafonnement des bonus dans les banques est une nouvelle encourageante. Ce texte prévoit que les bonus devront au maximum égaler le montant de leur salaire annuel fixe.

Le vote suisse favorable à l'interdiction des parachutes dorés – ces primes de départ exorbitantes accordées aux grands patrons de certaines entreprises – a été accueilli avec enthousiasme en Europe. Depuis plusieurs années, de nombreux pays se sont également penchés sur cette question des rémunérations abusives, interrogeant la place des actionnaires pour déterminer le plafond de la paie de leurs patrons. Si la réglementation se fait pour l'instant en ordre dispersé, l'Union européenne a pour ambition d'unifier ces pratiques, afin de résorber l'écart qui se creuse entre employeurs et employés.

  • France

Le premier ministre français, Jean-Marc Ayrault, s'est enthousiasmé lundi 4 mars pour cette "excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie", ajoutant "qu'il faut s'en inspirer". En France, l'attribution de stock-options, d'actions gratuites, de retraites chapeaux, c'est-à-dire les sommes supplémentaires payées par l'entreprise, ou d'indemnités d'arrivée ou de départ sont déjà soumises à l'avis des actionnaires. En votant la loi de finances rectificative 2012, promulguée le 16 août, le Parlement a alourdi la taxation des parachutes dorés et retraites chapeaux en diminuant le seuil à partir duquel les parachutes dorés sont soumis aux cotisations sociales et en relevant les taux des contributions des employeurs sur les retraites chapeaux. En juillet 2012, le gouvernement a par ailleurs approuvé un décret plafonnant la rémunération des chefs d'entreprises publiques. Le plafond y représente vingt fois la moyenne des plus bas salaires.

Selon une source gouvernementale, des "discussions" sont actuellement en cours au sein du gouvernement pour limiter les rémunérations abusives. La réforme phare consisterait à soumettre à l'assemblée générale des actionnaires l'ensemble de la rémunération du ou des dirigeants d'une grande entreprise cotée. A la différence de la Suisse, le gouvernement pourrait décider que cet avis de l'assemblée générale ne soit que consultatif. Autres pistes à l'étude : la nomination d'un administrateur indépendant à la tête du comité des rémunérations de l'entreprise, ainsi que le plafonnement des retraites chapeaux.

Lire :  Le long chemin des actionnaires français pour voter la rémunération des patrons (lien abonnés)

  • Grande-Bretagne

Il n'existe pas de loi spécifique concernant les parachutes dorés en Grande-Bretagne. Depuis 2003, les entreprises cotées en Bourse doivent seulement soumettre leur rapport de rémunération à un vote consultatif des actionnaires. En revanche, le gouvernement souhaite limiter la dérive des salaires des patrons des grandes entreprises, dont les résultats ne sont pas toujours à la hauteur, mais sans intervenir directement. Il a annoncé l'an dernier son intention de donner plus de pouvoir aux actionnaires pour pouvoir contester les paies des dirigeants et veut contraindre les entreprises à plus de transparence sur la manière dont elles les rémunèrent. Le pays craint cependant qu'une taxation des bonus convainque des sociétés de ne pas s'installer à la City, poumon économique du pays.

Lire (édition abonnés) : Encadrement des bonus : la City s'inquiète, Londres espère contrer le projet européen

  • Allemagne

Berlin a jugé "intéressant" le résultat du référendum suisse et rappelle que le gouvernement fédéral a mis en place en 2009 "une loi concernant le contrôle des rémunérations des conseils d'administration". La question de la rémunération des grands patrons était en effet au cœur de la campagne législative de septembre 2009. Réformé pour la dernière fois à cette époque, le code de bonne conduite des patrons allemands n'est pas contraignant. Il recommande de limiter à deux ans de salaire le montant de l'indemnité de départ. C'est le conseil de surveillance qui fixe les salaires, mais l'assemblée des actionnaires peut avoir un avis consultatif.

  • Pays-Bas

Dès 2009, le pays a mis en place un ensemble de lois visant à limiter les rémunérations excessives. Les primes, comme les parachutes dorés, sont taxées à hauteur de 30 %, lorsqu'elles dépassent un salaire de 500 000 euros annuels net. Les entreprises augmentant le salaire de leurs dirigeants à l'approche de la retraite sont également taxées de 15 % supplémentaires. Depuis janvier 2010, une loi limite à un an de salaire les bonus des membres des conseils d'administration et prévoit une rétrocession des bonus en cas de mauvais résultats financiers. Le gouvernement néerlandais planche actuellement sur un projet de loi visant à limiter les parachutes dorés à 75 000 euros. La Haye espère que cette loi pourra entrer en vigueur le 1er juillet 2014, a indiqué un porte-parole du ministère néerlandais des affaires sociales et du travail.

  • Autriche

Les parachutes dorés ont été interdits dans toutes les banques bénéficiant de capitaux publics. Par ailleurs, dans toutes les autres entreprises, ces indemnités de départ sont imposées à plein lorsqu'elles excèdent 500 000 euros. En dessous de ce plafond, les bénéficiaires jouissent d'une décote fiscale de 6 %.

  • Espagne

Depuis le 1er janvier 2013, Madrid a pénalisé les indemnités de départ des grands patrons d'entreprise. Jusqu'alors, les premiers 300 000 euros bénéficiaient d'une remise de 40 % de l'impôt sur le revenu, le reste étant imposé au taux applicable selon le contribuable. Désormais, les bénéficiaires d'indemnités de plus d'un million d'euros ne peuvent plus appliquer ce rabais et ceux qui reçoivent une indemnité entre 700 000 euros et un million peuvent appliquer les 40 % sur une tranche variable. Les entreprises versant une indemnité de plus d'un million ne peuvent plus la déduire de l'impôt sur les sociétés.

Lire aussi l'édito du MondeLes bonus des traders européens à la toise

Le sénateur Thomas Minder, à l'origine du référendum, le 3 mars à Genève.
  • Union européenne

Bruxelles a souligné le "vote important" qui a eu lieu en Suisse, jugeant "positif" qu'un mouvement s'esquisse pour "plus de transparence" en la matière. Les ministres des finances des vingt-sept Etats membres doivent justement se réunir mardi pour examiner Bâle III, l'accord de principe trouvé entre l'Union européenne et la présidence irlandaise après quelque dix mois de négociations. Cet accord vise à réguler le secteur bancaire et devrait aller plus loin que prévu initialement, limitant notamment la rémunération des banquiers. Selon ce compromis, leur rémunération variable ne pourra pas excéder leur rémunération fixe, mais le bonus pourra atteindre le double de la rémunération fixe à condition qu'une majorité qualifiée d'actionnaires soit d'accord.

Parmi les Vingt-Sept, seul le Royaume-Uni présente des réticences face à ce texte, craignant qu'il ne pénalise l'économie de la City, le centre d'affaires situé au cœur de Londres. Si les partenaires européens souhaitent pouvoir rallier Londres au texte, celui-ci ne requiert toutefois pas l'unanimité des Etats de l'UE, et pourrait passer avec la seule majorité qualifiée.

Lire : L'Europe peut-elle lutter contre les bonus des banquiers ?

  • Suisse

Cela fait déjà plusieurs années que l'idée de limiter les salaires des patrons fait son chemin en Suisse. En août 2006, le patron de l'union patronale suisse, Rudolf Stämpfli, s'inquiétait déjà que "les salaires élevés de quelques dirigeants d'entreprise" n'engendrent une "méfiance accrue" entre travailleurs et employeurs. En 2009, un sondage annonçait déjà que trois-quarts des Suisses étaient favorables à la mesure proposée par Thomas Minder. Par rapport à ses voisins européens, la Suisse offre les salaires les plus élevés. Selon le cabinet de conseil HKP, la rémunération moyenne des patrons des principales sociétés suisses était en effet supérieure à 8 millions d'euros en 2011, contre 6,73 millions en Grande-Bretagne et 6,66 millions en Allemagne.

Depuis 2010, l'autorité de surveillance des marchés financiers, la Finma, a durci la réglementation en matière de bonus, qui sont aujourd'hui directement liés aux résultats financiers des entreprises. La fondation Ethos a également obtenu la tenue d'un vote consultatif sur les rémunérations des patrons chez Zurich Financial Services, Swiss Re, Holcim et Novartis.

Selon le texte proposé par le sénateur Thomas Minder, la durée de mandat des membres des conseils d'administration devra être limitée à un an, et les parachutes dorés et les retraites chapeaux seront interdits. De plus, les rémunérations de la direction et du conseil d'administration devront être approuvées tous les ans par l'assemblée générale des actionnaires. Les sanctions en cas d'infraction vont d'une amende correspondant à six ans de revenu à trois années de prison.

 

 

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