Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 19:50

 

 

                                                                                                                                                                                                                              Lire aussi

 

 

« Dans le hangar, on se fait discret. On distribue les tracts et on donne rendez-vous aux sous-traitants sur le parking au moment du chargement des colis où il y a moins de surveillance car ils auront peur de parler en présence des chefs. OK ? » Six heures du matin. Porte de Pantin dans le XIXe arrondissement de Paris. Thierry Lagoutte, militant SUD à Coliposte, briefe Stéphanie et Olivier, les deux camarades postiers qu'il vient de récupérer à la sortie du métro. Direction : une « ACP » de la banlieue parisienne comme ils désignent dans leur jargon postal une agence Coliposte, cette division de La Poste qui livre les “colissimos”.

 


 

 
© Rachida El Azzouzi

 

 

Depuis l'avènement du e-commerce et au nom d'une ultra-rentabilité appliquée aux services publics, la sous-traitance s'y développe à outrance (lire nos enquêtes ici et là). Avec elle, une concurrence féroce entre prestataires et, pour rester dans la course, des abus bafouant les règles les plus élémentaires du droit du travail, de l'absence totale de jours de repos au travail dissimulé. En Île-de-France, où le phénomène est le plus criant, Thierry Lagoutte a fait de la traque de ces dérives son combat, sillonnant la région au volant de sa voiture personnelle, multipliant « les descentes » dans les centres. Ce jeudi matin, il a ciblé une grosse agence au nord de Paris où 55 % des colis sont sous-traités.

Ce n'est pas la pire. Elle ne défraie pas la chronique comme l'ACP d'Issy-les-Moulineaux où un prestataire de service, sans papiers, s'est noyé en voulant récupérer un colis tombé à l'eau (lire notre article), mais elle est loin d'être exemplaire. « Comme toutes les agences, rage le syndicaliste, c'est une zone de non-droit, une jungle où tout est permis pour exploiter au maximum les employés sous-traitants de plus en plus précarisés. » Même la corruption. L'ancien directeur du centre, aujourd'hui licencié, est dans le viseur de la justice, soupçonné d'avoir proposé au patron d'une entreprise sous-traitante d'augmenter sa rémunération pour les colis livrés contre quelques centaines d'euros réglables en liquide le 1er de chaque mois.

 


 

 
© Rachida El Azzouzi

 

 

Particularité de cette « ACP » qui livre des zones industrielles et des quartiers populaires dits sensibles : les sous-traitants (une quarantaine) côtoient encore des « colipostiers » (une trentaine), une exception, La Poste saignant ses effectifs année après année pour mieux sous-traiter à bas coût. « À Pantin, par exemple, 94,60 % des colis ont été livrés en 2012 par des prestataires de service ! On est très loin du discours officiel de la direction qui prétend qu'il n'y a pas de volonté de supprimer l'emploi postier », dénonce Thierry Lagoutte en garant sa voiture devant un immense hangar en tôle blanche, l'agence Coliposte.

Le parking est bondé de fourgons jaunes estampillés La Poste, les trottoirs alentour de camionnettes blanches, l'outil de travail des « ST », comme les postiers désignent les sous-traitants. Les trois quarts sont des véhicules de location. Thierry Lagoutte distribue une pile de tracts à ses camarades où l'on peut lire “Précarité à la Poste, quand le travail tue”, “Postiers et sous-traitants, luttons ensemble”. Il rappelle qu'un livreur prestataire qui parle à un syndicaliste peut être « viré du jour au lendemain » : « Il a la double pression. Celle de son patron et celle du donneur d'ordre qui peut dire à l'employeur “celui-là tu me le vires, il va me poser problème”. »

 

« Le ghetto livré par des gens du ghetto, c'est ça la vision sociale de La Poste »

Mais ce jeudi matin, « la chance » est de leur côté. La neige abondante qui a paralysé une partie de la France et les poids lourds en début de semaine a perturbé le trafic. Il y a moins de colis à livrer, donc moins de pression sur les épaules des livreurs. À l'intérieur du hangar, l'ambiance est plutôt détendue. Elle l’est d’autant plus que les « chefs » sont absents. Le numéro un de l'agence est en rendez-vous à l’extérieur. Son bras droit est occupé par la visite d'une consœur en immersion. Quant aux employeurs sous-traitants, il n’y en a pas un à la ronde. « Un climat propice pour échanger », s’enthousiasme Thierry Lagoutte.

 

 

Thierry Lagoutte et ses camarades 
Thierry Lagoutte et ses camarades© Rachida El Azzouzi

 

 

À force de visites impromptues sur le terrain, ce trentenaire qui a découvert Sud sur les bancs de la fac, avant de postuler à La Poste « pour la tranquillité de l'emploi », est devenu un visage familier des travailleurs du colis. Qu’ils soient sous-traitants précaires ou titulaires d’un CDI à La Poste, la plupart lui réservent un accueil chaleureux. Abdel, un postier, vient discrètement le saluer et le féliciter pour la lutte qu’il mène contre les dérives de la sous-traitance. « C’est bien ce que tu fais pour ces gars », lui glisse-t-il à l'oreille en pointant du doigt un sous-traitant d’à peine 20 ans qui fait « six jours sur sept treize heures par jour ».

Usé par quinze ans de Coliposte, Abdel vient de demander sa mutation pour rejoindre une plate-forme logistique. Non-syndiqué mais solidaire, il « enrage de voir le service public encourager l’exploitation des individus » : « Ici, on donne les tournées les plus sensibles aux sous-traitants. Et comme par hasard, ils sont tous noirs ou arabes. Le ghetto livré par des gens du ghetto, c'est ça la vision sociale de La Poste. » La veille, il a refusé de livrer sous la neige. Son statut le lui permet. Les sous-traitants, eux, n’ont pas eu le choix. « Ils ont hésité vu les dangereuses conditions de circulation mais leurs patrons les ont appelés et ils ont démarré fissa. »

Ces derniers mois, un sujet le préoccupe : la réorganisation des agences Coliposte. Celle-ci est vouée à la fermeture dans quelques mois, absorbée par une gigantesque plate-forme à quelques kilomètres de là dans un souci de rentabilité mais, quel que soit leur statut, les livreurs ignorent leur sort. Abdel mise justement sur sa reconversion en interne pour échapper à « ce nouveau démantèlement ».

Éric, 26 ans, quatre ans de chômage, d’intérim et de CDD, ne se fait « pas d’illusion ». La Poste doit renouveler le contrat du sous-traitant qui l’emploie à l’automne, au moment du déménagement, explique-t-il, en empilant dans son chariot les colis. Il sait qu’il est une variable d’ajustement, « jetable demain » sans préavis. Lorsque Abdel, le postier, livre soixante colis en six heures, il en livre au minimum le double en douze heures pour 1 200 euros net par mois sans prime. « Et certains matins, alors que je me lève à 4 h 30 pour être là à 6 heures, lorsque le nombre de colis à livrer est plus faible que prévu, on me renvoie chez moi après une heure d'attente. Ce qui n'arrive jamais à un postier. »

 


 
© Rachida El Azzouzi

 

 

Devant la machine à café, un jeune postier en doudoune, jogging et baskets noires, appelle à la révolte ses collègues « ST » dans un grand éclat de rire : « Indignez-vous, esclaves ! » La trentaine, deux enfants, il a enduré leur quotidien de sous-traitant pendant trois ans. Mais c'était en 2008, avant la révolution du e-commerce, « à la belle époque, quand tu gagnais plus que les postiers, 2 000 euros net et que c’était une voie royale pour rentrer à La Poste ».

 

« Tout ça, c'est la faute des Malgaches, c'est eux qui cassent les prix »

« Les “ST” faisaient déjà le sale boulot en livrant les colis dans les quartiers chauds mais on était bien payés », se souvient Mohamed. Aujourd’hui, il est « pépère », ne livre que les sociétés et fait ses heures, pas une de plus, « un privilège de titulaire ». Son chef d’agence lui dit de donner « les tournées ingrates » aux sous-traitants. Ça le rend fou. « Tout ça, c'est la faute des Malgaches, c'est eux qui cassent les prix », peste-t-il.

On le retrouve quelques minutes plus tard sur le parking. Il aide un « pote ST » que « tout le monde appelle Mamadou parce qu'il est black alors que ce n’est pas son vrai nom », à charger les colis dans sa camionnette blanche. « Pour se donner du courage », ce dernier, qui a « l'habitude de la discrimination » et ne veut pas « faire de scandale » autour de son prénom, écoute à fond le rappeur Lacrim. Il raconte la galère de livrer la cité, sans GPS, ni plan, les boîtes aux lettres sans noms, les adresses incomplètes, les allées introuvables, les usagers mécontents. Il a démarré son contrat il y a trois mois et, déjà, il est « cassé ». En moyenne, il fait douze heures par jour, six jours sur sept, pour 1 400 euros net mensuels...


Dérive constatée ce matin-là par Sud : un sous-traitant contrôlé par un agent de La Poste qui n'est pas son supérieur 
Dérive constatée ce matin-là par Sud : un sous-traitant contrôlé par un agent de La Poste qui n'est pas son supérieur© Rachida El Azzouzi

 

 

Cette cadence infernale aura raison de Mouloud. Ce jeune père de famille, qui accepte de parler pour la première fois à des syndicalistes « car le chef n'est pas là », a pris une décision. Il démissionne à la fin du mois car il ne veut pas « finir au cimetière comme le sous-traitant d'Issy-les-Moulineaux qui s'est noyé ». Son beau-frère ouvre un magasin de vente de matériel paramédical et lui propose un poste de livreur avec des conditions de travail et des horaires « normaux ». Mouloud ne connaît « rien au droit du travail » mais il a l'impression d'être devenu « un esclave ».

Les seules journées de repos qu'il a obtenues depuis le début de son contrat : les dimanches et les jours fériés. Il a pris conscience de son état de fatigue voilà quelques semaines. Il devait livrer 120 colis, sa moyenne journalière, dans un quartier difficile, mais l'épuisement l'a conduit dans un mur en béton, explosant le carter d'huile de sa camionnette de location. Plus de peur que de mal.

Pourtant, Mouloud adore ce métier, « le contact avec les habitants », « le café avec les gardiens », même s'il a rarement le temps de s'arrêter. Il a « charbonné comme un animal » dans l'espoir d'entrer par la petite porte à La Poste. Il avait même récupéré une veste de postier car il s'était rendu compte qu'on lui réservait un meilleur accueil dans les immeubles que lorsqu'il portait le gilet bleu des prestataires... C'est illégal. Il le sait. « Mais tous les sous-traitants font ça, car ça nous protège surtout dans les quartiers chauds. » Même lui « avec (son) profil maghrébin » et sa barbe teinte au henné, il se fait caillasser son véhicule...

 


Les sous-traitants ayant pris le pas sur les facteurs, les véhicules aux couleurs de La Poste n'ont plus besoin de rouler. 
Les sous-traitants ayant pris le pas sur les facteurs, les véhicules aux couleurs de La Poste n'ont plus besoin de rouler.© Rachida El Azzouzi

 

 

8 h 37. Mouloud doit y aller. Il est en train de prendre un sérieux retard sur sa tournée. Sur le parking, il ne reste plus que sa camionnette et les camions jaunes de La Poste. « Ceux-là n'ont plus besoin de sortir puisque les sous-traitants font le boulot », constate Thierry Lagoutte. Il griffonne ses coordonnées sur un bout de papier. « Je suis à ta disposition si tu veux aller plus loin et faire reconnaître tes droits. »

Mais le syndicaliste ne se fait pas d'illusion. « De nombreux précaires du colis sont issus de l'immigration, certains sans papiers. Ils travaillent pour un cousin, une connaissance qui leur a fourni du travail, quand on ne les a pas fait venir du pays. Et rien que pour ça, ils se sentent redevables auprès de leur patron et ne veulent pas aller aux Prud'hommes. » Pourtant, ils seraient assurés de faire requalifier en CDI à La Poste leur statut de sous-traitant tant les abus sont légion. Comme lorsqu'un agent de La Poste se permet de les contrôler, de leur donner des ordres ou de leur dicter leurs horaires et jours de repos alors qu'il n'est pas leur supérieur hiérarchique...


Partager cet article
Repost0
25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 19:23

 

 

Marianne - Lundi 25 Mars 2013 à 05:00

 

Arnaud Bouillin - Marianne

 

Le patron d'EDF, qui vient de confirmer son ambition de rester "l'un des grands recruteurs français", a déjà révélé un grand talent en matière d'embauches dans le cénacle politique. Revue en détail de ses utiles recrues...

Christophe Ena/AP/SIPA
Christophe Ena/AP/SIPA
Chômeurs, jeunes en galère, abonnés aux stages café- courrier et autres CDD sans avenir, réjouissez-vous : dans une interview récente accordée au Figaro, Henri Proglio, le patron d'EDF, a confirmé son ambition de rester l'«un des grands recruteurs français». Parviendra-t-il à lui seul à inverser la courbe du chômage et exaucer ainsi le vœu d'un François Hollande qui lui bat froid ? Ce serait trop lui demander. Mais, pour ce qui est de cibler certaines embauches dans l'entourage des plus hauts représentants de l'Etat, l'homme n'a pas son pareil. A Veolia - ex-Vivendi Environnement -, qu'il a redressé et dirigé de 2000 à 2009, puis à EDF, où son mandat court jusqu'en 2014, on ne compte plus les fils ou filles de ministres et députés, sœurs, frères, compagnes et ex-collaborateurs/trices auxquels cet accueillant patron a trouvé un boulot. Le pedigree des requérants importe peu : pour ce chiraquien de cœur, sarkozyste de circonstance et strauss-kahnien fidèle aux pires heures du feuilleton new-yorkais, l'asile politique a toujours transcendé les clivages.

Les majorités se succèdent, les contrats de travail restent. Du coup, quand les polémiques se font jour sur EDF, contrôlé à 85 % par l'Etat, les ténors du PS, comme ceux de l'opposition, semblent tous serrer les rangs derrière le soldat Proglio. On l'avait dit cramé après les propos de Manuel Valls, le directeur de communication du candidat Hollande, sur les deux patrons du public - lui et Bernard Squarcini, «l'espion de Sarkozy» - qui tomberaient à coup sûr après l'élection. Un an plus tard, il est toujours là.

Les interrogations sur sa stratégie ne manquent pourtant pas. L'Inspection générale des finances mène actuellement une mission commanditée par Bercy pour faire la lumière sur les transferts de technologie envisagés par l'électricien français dans le cadre d'un mystérieux partenariat nucléaire avec un allié chinois. Les négociations avec le gouvernement britannique sur la construction de deux EPR patinent. Le cours de Bourse d'EDF se traîne à son plus bas depuis l'arrivée aux commandes de ce diplômé de HEC.

La justice allemande, enfin, s'intéresse aux conditions dans lesquelles l'entreprise française a cédé en 2010 une participation industrielle au Land de Bade-Wurtemberg. L'enquête a même donné lieu, fin février, à une perquisition dans le bureau de Proglio, avenue de Wagram, à Paris ! Qui s'en est ému dans la classe politique française ? Personne. Un silence assourdissant dont on se demande s'il a quelque chose à voir avec le patronyme célèbre de certains employés, passés ou présents, de ce patron atypique, fils de maraîchers antibois, qui a construit son réseau loin des coteries parisiennes. Avec un talent certain, et pas mal de services rendus.

Embauches de complaisance

A tout seigneur, tout honneur. Ouvrons le bal avec Jean-Louis Borloo, pressenti il y a un an pour diriger Veolia avant que le plan concocté par son vieil ami Proglio ne capote. On ne saura jamais si l'ancien maire de Valenciennes avait les épaules assez larges pour présider une multinationale. Ce qui est sûr, c'est qu'il avait le bras assez long pour y placer ses proches... Dans la famille du président de l'UDI, je demande la fille aînée, Pauline. Embauchée en 2006 par Veolia Water Asie-Pacifique comme «manager projet», elle coule une vie d'expat tranquille à Hongkong, sous l'ombrelle protectrice du copain de papa. Dans la famille de l'ex-ministre de l'Ecologie, je demande aussi l'ex-compagne, Valérie*, qu'il a connue étudiante à l'époque où elle faisait son droit à la fac de Lille et qui lui a donné deux autres enfants.

Recrutée par Veolia comme chargée de mission en 2005, cette juriste a vite grimpé les échelons au département ressources humaines. Jean-Christian le Meur, ancien conseiller technique de Jean-Louis Borloo, n'a pas eu non plus à s'échiner pour trouver un point de chute. Quelle boîte lui a offert un titre ronflant de vice-président en novembre 2010 ? La réponse coule de source : Veolia, encore et toujours. On objectera que Henri Proglio, passé un an plus tôt à EDF, n'était plus dans les murs au moment de cette nomination. Exact. Sauf que, dans les faits, c'est bien lui qui avait encore la haute main sur l'organigramme, grâce à ses casquettes de président non exécutif et d'administrateur. «Jusqu'à sa tentative avortée d'imposer Borloo en février 2012, Antoine Frérot, son dauphin désigné, n'a jamais pipé mot sur ces embauches de complaisance», glisse un bon connaisseur des deux hommes.

Arthur de Villepin, le fils de l'ancien Premier ministre, rêvait-il d'un job exotique à la sortie de ses études en relations internationales ? Il se posa chez Veolia, à Hongkong, avant de voler de ses propres ailes et de vendre du vin français aux Chinois. Son père, reconverti en avocat d'affaires après son départ de Matignon en 2007, avait bénéficié de la même mansuétude : parmi ses premiers clients figurait en bonne place le spécialiste des tuyaux et des bennes à ordures.

Rachida Dati, à laquelle on prêta une longue idylle avec le PDG ? «C'est grâce au concours de son ami Henri Proglio, le patron de Veolia, que j'ai obtenu un boulot», confessait en 2009 son frère Jamal dans un livre d'entretiens. Une technique bien rodée : au siège du groupe, on estime à «sept ou huit» le nombre de frangins et sœurettes de l'ancienne garde des Sceaux qui émargeraient encore dans les effectifs ! Genève pour Jamila, Singapour pour Noura... La fratrie de l'actuelle candidate aux primaires UMP pour la Mairie de Paris a vu du pays. Après Chicago, Baltimore et Hongkong (décidément...), Najat, la benjamine, diplômée de Dauphine, ne travaille plus pour Veolia. Elle s'est installée à Londres il y a deux ans. Pour y faire quoi ? Du trading de matières premières. Mais pas n'importe où : dans la filiale d'EDF dédiée à ce business. On ne change pas un réseau qui gagne.

La finance, Lætitia Estrosi aimerait elle aussi y faire son trou. Alors, quand la fille du député-maire UMP de Nice est sortie il y a trois ans, master en poche, de l'école supérieure de commerce de Toulouse, c'est fort naturellement qu'elle a intégré, après quelques stages, l'équipe fusions-acquisitions d'EDF. «Christian Estrosi n'est intervenu en aucune manière auprès d'Henri Proglio pour faciliter cette embauche, sa fille avait les compétences requises pour prétendre à ce poste», précise à Marianne son directeur de cabinet, Anthony Borré. Dont acte.

Rappelons seulement qu'en d'autres temps l'ancien ministre de l'Industrie ne s'était pas privé d'intervenir. C'était en 2009, au plus fort du tollé sur la double rémunération réclamée par Proglio au titre de ses fonctions cumulées à EDF et Veolia. «Cela ne me choque pas que ce débat soit ouvert», avait alors déclaré le Niçois dans les studios de France 2, appelant même l'Etat à faire preuve de «courage» pour attirer «les meilleurs». Deux mois plus tard, le «meilleur» en question renonçait aux 450 000 € annuels promis par Veolia, sous l'amicale pression de Nicolas Sarkozy. Nul doute qu'en ces circonstances pénibles le soutien d'Estrosi s'est gravé dans sa mémoire.

Etoffé à droite, le tableau des obligés de «M. Henri» ne dépare pas, et c'est là le tour de force, à gauche. Sa plus belle prise ? Antoine Cahuzac, frère de Jérôme - pièce importante de l'écurie DSK passée à celle de Hollande -, qu'il a débauché en janvier 2012 du directoire de HSBC France pour lui confier la direction générale d'EDF Energies nouvelles. Un banquier bon teint pour faire tourner des éoliennes ? Etrange. Certes, ce polytechnicien a fait l'Ecole nationale de la météo et travaillé au début de sa carrière au département études et recherches d'EDF. Mais, depuis vingt-cinq ans, il s'était surtout illustré dans la finance, pas dans l'industrie. Qu'importe : quatre mois plus tard, son frère récupérait le ministère du Budget du gouvernement Ayrault. Un canal familial utile pour transmettre des messages en haut lieu.

Moins connu que Cahuzac, l'énarque Alexandre Medvedowsky, ancien collaborateur de Laurent Fabius, brille lui aussi d'un éclat particulier dans la galaxie PS du patron d'EDF. Conseiller municipal d'Aix-en-Provence, ex-vice-président du conseil général des Bouches-du-Rhône et proche de son président, le multi-mis en examen Jean-Noël Guérini - un autre ami de Proglio -, il préside depuis 2005 le cabinet de lobbying ESL & Network. S'il dit travailler pour «la moitié des patrons du CAC 40», il refuse de confirmer ses liens avec Veolia et son ancien capitaine. Le stage de onze mois effectué par son fils Samuel dans la filiale londonienne de la firme ? «Je n'ai rien à voir avec ça, il a répondu à une offre, comme tous ses camarades de Sciences-Po Aix, c'est tout», s'agace le socialiste.

Claude Bartolone, lui, n'esquive pas. Pour parler de son fils Julien, e`n poste à Veolia Australie, le président de l'Assemblée nationale a même des trémolos dans la voix : «Il devait faire un stage de trois mois après Sup de co et ça fait dix ans qu'il est là-bas... Cette année, nous nous sommes retrouvés à mi-chemin, à Bangkok : c'était la première fois depuis son expatriation qu'on passait Noël ensemble.» Dures, ces séparations familiales... La filière Proglio, avec lequel Bartolone entretient des «liens conviviaux» ? «Non. En fait, j'avais appelé un vieux copain du PS, ancien chef de cabinet de Louis Mermaz, qui s'était recyclé aux ressources humaines de Veolia. Il a sorti l'Australie de son chapeau. Mais, attention, Julien n'a jamais eu droit à un traitement de faveur : il a même commencé par ramasser les poubelles !» Dure, la vie des fils de...

Clanique et pluraliste

«Que voulez-vous, c'est logique qu'une entreprise comme celle-ci chasse en permanence sur le terrain politique, argumente Didier Waldung, ancien directeur de cabinet du député-maire UMP de Thionville Jean-Marie Demange, puis chargé pendant dix ans de la communication de Veolia sur le gigantesque marché de l'eau d'Ile-de-France. Pour décrocher des contrats de ce type, vous êtes obligé d'avoir une connaissance fine des responsables locaux, de leur psychologie. Proglio a sauvé la vieille dame Générale des eaux avec le soutien des élus de terrain qui ne voulaient pas d'un démantèlement de cette activité cruciale pour eux. Il faut le mettre à son actif.»

La liste de ces relais indispensables, qui ont fini par être embauchés, serait trop longue à égrener. Quelques noms, tout de même, glanés çà et là, qui montre l'étendue du spectre : Pierre Victoria, ancien suppléant du député PS Jean-Yves Le Drian, aujourd'hui ministre de la Défense ; Richard Durbiano, ex-directeur de cabinet du maire UMP d'Argenteuil Georges Mothron ; Philippe Langenieux-Villard, ancien député UMP de l'Isère ; Pierre-François Koechlin, ex-secrétaire particulier de Marie-George Buffet au Parti communiste... Tous à Veolia aujourd'hui.

Soucieux d'imprimer sa marque - et d'écarter quelques affidés de Proglio -, le PDG, Antoine Frérot, a commencé à faire le ménage. Pas une purge, un époussetage, dont Yves Cabana, le fils de l'ancien ministre chiraquien Camille Cabana, ou Samuel Fringant, l'ancien chef adjoint du cabinet élyséen de Sarkozy, ont récemment fait les frais. Mais Henri Proglio, lui, ne se lasse pas de tisser cette toile politique qui l'a si bien protégé jusqu'ici. Grégoire Verdeaux, passé par l'Elysée comme chef adjoint du cabinet, période sarkozyste, exerce désormais ses talents comme lobbyiste d'EDF à Bruxelles. Michel Roussin, le «M. Afrique» de Chirac, qui conseillait déjà l'ex-patron de Veolia, l'a suivi chez l'électricien. Comme Philippe Méchet, son directeur de la communication, dont Dominique de Villepin appréciait aussi les conseils du temps de sa splendeur matignonesque. Clanique, pluraliste, méthodique : la recette pour durer ? 

* Le prénom a été modifié.

 
L'ANCIEN PATRON DE VEOLIA et actuel PDG d'EDF a un secret pour se faire bien voir des élus de tous bords : embaucher leurs proches.

JEAN-LOUIS BORLOO

Grâce à son ami Henri, le président de l'UDI a casé sa fille aînée et son ex-compagne à Veolia : la première en Asie, l'autre à Paris.

MARIE-GEORGE BUFFET

Le secrétaire de l'ex-patronne du PCF est passé dans le privé il y a trois ans : il a rejoint les ressources humaines de la division eau de Veolia.

DOMINIQUE DE VILLEPIN

Arthur, le fils de l'ex-Premier ministre, rêvait de voyages au long cours. Sa première expatriation ? La filiale de Veolia à Hongkong.

ALEXANDRE MEDVEDOWSKY

Quand Samuel, le fils de cet élu socialiste d'Aix-en-Provence, a cherché un stage d'un an, les portes de Veolia Londres se sont ouvertes...

JÉRÔME CAHUZAC

Le frère du ministre du Budget, Antoine, a quitté le monde de la banque pour prendre la direction générale d'EDF Energies nouvelles.

CHRISTIAN ESTROSI

Lætitia, la fille du député-maire de Nice, se destinait à la finance. Elle est entrée au département fusions et acquisitions d'EDF.

RACHIDA DATI

Carton plein pour cette intime d'Henri Proglio : "sept ou huit" de ses frères et sœurs travaillent à Veolia, la plupart à l'étranger.

CLAUDE BARTOLONE

Le président de l'Assemblée nationale voulait que son fils Julien fasse l'ENA. Mais après trois mois à Veolia Australie, il a préféré y rester.

D'UNE RACHIDA L'AUTRE

C'est le site du Point qui a révélé l'info : Henri Proglio vient d'épouser en troisièmes noces Rachida Khalil, de vingt-quatre ans sa cadette. Une union célébrée en petit comité à la mairie de Saint-Cloud, loin des flashes que ce patron exècre. Fermez le ban ? Pas tout à fait... Sur son blog, cette humoriste d'origine marocaine, qui joue actuellement à Paris son quatrième one-woman show, La croisade s'amuse, revient sur les rencontres marquantes de sa vie, comme celle du metteur en scène Ahmed Madani, son pygmalion, qui lui a offert ses premiers rôles au théâtre et dont elle a suivi les tournées pendant deux ans. Un théâtre poétique et populaire que cet ancien directeur du Centre d'art dramatique de l'océan Indien promeut aujourd'hui avec sa propre compagnie. Ses mécènes ? Le ministère de la Culture, la région Ile-de-France et... la Fondation EDF, présidée par Henri Proglio. Le cœur a ses raisons...

 

 

 

Partager cet article
Repost0
24 mars 2013 7 24 /03 /mars /2013 19:20

 

Marianne - Vendredi 22 Mars 2013 à 05:00

 

Journaliste à Marianne, notamment en charge des questions de santé En savoir plus sur cet auteur

 

 

Un mois et demi après la mort in utero d’un bébé dont la naissance était programmée à la maternité de Port-Royal, un rapport interne dédouane l’établissement et insiste sur la disponibilité de lits. Le personnel n’y croit guère. Le responsable du service, Dominique Cabrol, a quitté ses fonctions. De son plein gré?

Maternité Port-Royal, février 2013 - V. WARTNER/20 MINUTES/SIPA
Maternité Port-Royal, février 2013 - V. WARTNER/20 MINUTES/SIPA
Le chef de la maternité de Port-Royal a-t-il été poussé vers la sortie ? Au lendemain de la remise du rapport interne dédouanant l’établissement de toute responsabilité dans la mort in utero d’un bébé devant y naître en janvier, le professeur Dominique Cabrol a fait savoir qu’il mettait fin à ses fonctions. Une démission prévue de longue date et qui n’a rien à voir avec le drame survenu en janvier, indique l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (APHP). « En décembre 2012, le professeur Dominique Cabrol a fait connaître sa volonté de démissionner de sa fonction de chef du service d’obstétrique au 31 mars 2013. Il continue actuellement à exercer ses autres fonctions au sein de la maternité et fera valoir ses droits à la retraite au 1er octobre 2013, à l’âge de 67 ans », peut-on lire dans un communiqué de l’APHP. 

Un discours qui ne convainc guère les personnels de Port-Royal. « Il semble que le professeur Cabrol a été poussé vers la sortie. Peut-être paie-t-il ses déclarations à l’issue du drame de début janvier, lorsqu’il indiquait que la maternité était saturée ce jour-là », avance la CGT locale. Le rapport interne, « fait par et pour l’APHP » comme souligne la CGT, et remis en début de semaine, insiste sur le fait que des lits étaient disponibles. Reste qu’aucune place n’était libre ni en salle de naissance, ni en salle de suites de couche, ni même dans la section grossesses à risque. « C’est écrit dans le rapport. Même s’il y avait des lits disponibles, ils n’étaient pas là où il y en avait besoin », explique la CGT.

Pascal, le mari d’une patiente venue accoucher le 1er février, au moment même du drame, à Port-Royal, se souvient avoir crapahuté à travers les étages et les couloirs de la maternité pour tenter de trouver une chambre pour sa compagne, restée 24 heures en salle de réveil faute de place ailleurs. « Le personnel de Port-Royal est très compétent, mais débordé. Le jour où ma femme accouchait, il n’y avait qu’une infirmière pour six patientes. Je me souviens d’ailleurs d’une soignante nous prévenant que si deux femmes se mettaient à saigner en même temps, elle ne pourrait en soigner qu’une », se remémore ce papa.

Pour tenter d’apaiser un personnel épuisé, la direction de l’hôpital a annoncé, en début de semaine, la création d’un poste d’infirmière et de sage-femme supplémentaires. Un pansement sur une jambe de bois.
Partager cet article
Repost0
23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 18:43

 

http://www.reporterre.net/spip.php?article3996

 

Frédéric Wolff
vendredi 22 mars 2013
Courage ! Il reste des zones à détruire, mais la guerre au vivant est en passe d’être victorieuse. Allons, enfants de l’industrie...

Il paraît que notre époque est au parler vrai, à la transparence, à la sincérité. D’ici peu, nous devrions donc entendre un grand discours de nos ministres de l’industrie, de l’agriculture, de la guerre et de l’écologie réunis.
Vous connaissez mon dévouement aux grandes causes nationales. J’ai préparé un brouillon de déclaration interministérielle, pour aider.
Après « Vive la crise » des années 80, « Vive la guerre » des années 2 000 !
Mes chers cons patriotes,
La guerre menée par les nations civilisées touche à sa fin. Les nouvelles du front sont excellentes : nous sommes sur le point d’anéantir notre ennemi héréditaire.
Ainsi, la plupart des sols agricoles sont biologiquement morts. Leur taux d’humus est au plus bas et toute trace de vie ne sera bientôt plus qu’un mauvais souvenir.
Les océans se vident, le climat se réchauffe beaucoup plus vite que prévu, la déforestation gagne du terrain.
Grâce au redressement productif et aux efforts sans précédent de notre industrie du cancer, nous avons réussi à empoisonner l’eau, l’air, la terre, les ours blancs, la rosée où vont boire les abeilles, les oiseaux, les poissons... La débâcle est générale, le succès quasi-total.
Le nombre de personnes souffrant de la faim a dépassé le milliard et, selon les dernières estimations, oscille entre 1,5 et 2,5 milliards d’humains. Ces chiffres sont un encouragement sans précédent à développer les bio-carburants, les élevages industriels et le bétonnage des terres agricoles.
Nous appelons chacun, chacune à intervenir en renfort auprès des autorités, pour soutenir tous les projets nuisibles : constructions d’aéroports, de zones commerciales, de routes, d’industries nationales et transnationales… en veillant à ce que soient détruites les dernières zones humides et agricoles.
L’offensive doit être menée contre toutes les formes de vie. L’arsenal de destruction massive s’est enrichi de nouvelles armes, au premier rang desquelles figurent les gadgets sans fil. Il est impératif que l’ensemble de la population en âge d’être mobilisée participe à l’effort national, en soutenant les dealers de nouvelles technologies. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons éradiquer les derniers îlots
de résistance.
Les nano-technologies gagneront à être répandues dans l’ensemble des produits de première nécessité.
Grâce aux cyborgs de la nouvelle génération, l’homme supprimé 2.0. devrait être disponible très prochainement sur le marché.
Chacun, chacune est appelé(e) à produire plus pour consommer plus, conformément à l’Evangile de la croissance infinie. Il reste des zones à détruire, la victoire est au bout de l’industrie !
Nous avons bon espoir de vendre nos avions de guerre à l’Inde et à tous pays qui voudraient en faire bon usage. Il en est de même pour nos usines atomiques que nous comptons déployer sur la planète, afin d’offrir un avenir rayonnant au monde de demain !
Si ces mesures ne suffisaient pas à porter un coup fatal à la vie, un ultimatum serait lancé par les nations civilisées : chacun(e) sera enjoint à prendre ses responsabilités en participant au suicide collectif instantané. Le libre choix des moyens sera laissé aux citoyens, conformément aux grands principes démocratiques qui sont les nôtres.
Allons enfants de l’industrie

Le jour fatal est arrivé

Contre la vie la tyrannie
Le progrès sanglant est flatté
Le progrès sanglant est flatté
Etendez-vous au fond des bagnes
Mugissez travailleurs-soldats
Consommez-vous à tour de bras
Etouffez vos villes et vos campagnes
Aux armes citoyens
Faisons couler l’béton
Coulons coulons
Qu’une eau impure
Abreuve nos sillons
Qu’un souffle impur

 

Empoisonn’ nos poumons…
Partager cet article
Repost0
22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 22:34

 

http://www.youtube.com/watch?v=ETgScX9Inrw

 

conscience48 conscience48

 

 

 

 

Mise en ligne le 5 oct. 2010

La Télévision Suisse Romande a produit une petite séquence de 3mn qui permet même au plus débile de comprendre l'affaire Woerth Bettencourt.

En plus, c'est fait avec un ton léger et plein d'humour.

On y apprend en outre, qu'André Bettencourt, le mari défunt de Liliane, était tombé amoureux de François-Marie Banier.

Ainsi tout s'explique sur l'amitié de Liliane pour le dandy photographe... Confidence entre la veuve endeuillée et l'amant éplorée, il faut bien se réconforter...

Savourez et diffusez...

Partager cet article
Repost0
22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 19:09

 

Marianne - Vendredi 22 Mars 2013 à 05:00

 

Journaliste économique à Marianne En savoir plus sur cet auteur

 

 

( Frédéric Lordon - capture d'écran Dailymotion - franceculture )
( Frédéric Lordon - capture d'écran Dailymotion - franceculture )

Marianne: Que pensez du plan de sauvetage de Chypre présenté par la troïka, Union européenne, Banque centrale européene et FMi, visant à taxer les comptes courants?

Frédéric Lordon:
L'Europe nous a certes habitué à son attraction pour le pire, mais on ne pensait tout de même pas qu'elle pourrait aller jusque là. Il y a donc à Bruxelles, Commission et Conseil confondus, un don pour la performance herculéenne – en l'occurrence : comment transformer un problème de la taille d'un confetti en potentielle déflagration nucléaire? Pour réussir pareil exploit, il faut produire une solution qui, très au delà des intéressés – les déposants des banques chypriotes –, soit de nature à frapper, mais catastrophiquement, les esprits dans toute la zone européenne.

C'est précisément ce que réussit l'extravagante idée de renflouer les banques en taxant les dépôts, c'est-à-dire en envoyant urbi et orbi le signal tout à fait explicite qu'aucun déposant européen n'est plus en principe à l'abri de voir ses encaisses mises à contribution pour rattraper les petits déboires des banques. Aurait-on voulu provoquer une panique bancaire et un run sur les dépôts dans tous les pays où la situation des banques, loin d'être réglée, appellera probablement de nouvelles opérations de sauvetage – on pense en particulier à l'Espagne –, qu'on ne s'y serait pas pris autrement.

Ajoutons, par extension, que  l'inquiétude serait alors susceptible de gagner les déposants des banques (réputées) saines par le simple jeu des interconnexions bancaires européennes. Il faut prendre vraiment les déposants pour des crétins pour s'imaginer qu'ils resteraient bras ballants sans se rendre compte de rien si une banque tierce, dans laquelle leur banque propre se trouve notoirement engagée, venait à être victime d'un run – spectacle dont on ne peut douter qu'il soit absolument frappant, et dont la probabilité a maintenant été singulièrement relevée quand les clients des  banques à problème sont susceptibles de passer au tourniquet en cas de bail out.

Le scandale des renflouements bancaires avait pourtant fini par faire émerger la notion de « bail-in », c'est-à-dire l'idée que l'addition devraient être réglée par qui de droit, ou plutôt de devoir, en l'occurrence non pas par « l'extérieur » (out) des contribuables (qui n'y sont pour rien), mais par « l'intérieur » (in) des créanciers, qui ont sciemment pris des risques en prêtant aux banques, dûment touché les taux d'intérêt quand tout allait bien, mais qui ont été soigneusement exonérés (par les gouvernements) de tout effort quand les choses ont mal tourné. Il y avait là au moins le commencement d'un progrès intellectuel... que le plan « Chypre » réussit à inverser en scandale redoublé en donnant au bail-in le sens du sauvetage non par les créanciers mais par les déposants ! - en effet, eux aussi, pour leur malheur, sont « à l'intérieur »...

 

Marianne: Mais en sauvant les banques chypriotes, sans mettre à contribution les déposants, on aurait aussi sauvé les mafieux «gratuitement». Cet argument a-t-il du sens?

Frédéric Lordon: Même « l'objection » des déposants à moralité douteuse, dont les banques chypriotes se sont fait une spécialité, ne peut justifier d'avoir envisagé une mesure aussi dangereuse. Il est bien certain que l'idée de devoir sauver les dépôts d'un bataillon d'oligarques aux fortunes pestilentielles, de mafieux, trafiquants d'armes ou d'êtres humains, a tout pour rester en travers du gosier. Mais au lieu d'une décision qui ne produit aucune discrimination, on pouvait commencer par garantir absolument les dépôts des résidents pour envisager de ne s'en prendre qu'aux dépôts des non-résidents (au sens de l'UE).

C'est bien ce qu'ont fait les Islandais qui n'ont pas hésité à refuser d'indemniser les clients britanniques et hollandais de leurs banques quand celles-ci étaient sur le point de s'écrouler. On ne sache pas d'ailleurs que ces pauvres clients non-résidents des banques islandaises aient eu quoi que ce soit à se reprocher, sinon d'avoir été victimes des promesses de la mondialisation financière et de s'être laisser tourner la tête par des promesses de rémunération accrue... mais sans se préoccuper de la sécurité de leurs avoirs dans des institutions situées hors de leur propre espace juridique – mais il n'est probablement pas d'autre moyen que ces déconvenues cuisantes pour venir à bout de l'esprit de cupidité; on peut d'ailleurs parier que tous ces infortunés déposants resteront maintenant tranquillement chez eux plutôt que d'aller courir la banque en ligne mondialisée pour gratter quelques points de taux d'intérêt en plus.
 

Quant aux oligarques et autres mafieux qui ont, ou se sont arrangés pour avoir des passeports chypriotes (ou intra UE), eh bien tant pis – pour nous ! Dans une situation pourrie, la rationalité est de choisir entre deux maux le moindre. Rien ne surpassant le risque de la panique bancaire, la seule ligne de conduite raisonnable consistait à l'éviter à tout prix – quitte à devoir sauver au passage quelques crapules.


Marianne: Selon vous, comment aurait-il fallu agir?

Frédéric Lordon: La constitution même du problème chypriote en dilemme suggère de sortir de l'affrontement sans issue des deux arguments opposés :
1) taxer les dépôts envoie un signal potentiellement désastreux;
2) ne pas les taxer exonère des déposants auxquels on aurait volontiers fait la peau et dont l'idée qu'ils vont bénéficier du sauvetage choque la moralité élémentaire.

Mais voilà, le dilemme est constitué et il faut faire avec. La ligne de conduite aurait donc dû être la suivante :
1)  dans une situation aussi défavorable, choisir ce qui sauve, et tant pis pour les coûts (de moralité) qui doivent s'en suivre, il est trop tard pour se préoccuper de ce à quoi on n'a prêté aucune attention dans le passé ; mais
2) se poser aussitôt la question de savoir comment cette situation de dilemme en est venue à  se constituer, et taper aussi fort que nécessaire pour qu'elle ne se reproduise plus !

En l'occurrence, une fois de plus, la réponse est très simple : l'UE a laissé ses banques faire n'importe quoi. Dans le cas chypriote, le « n'importe quoi » créateur du dilemme est d'une nature un peu particulière puisqu'il a à voir avec la tolérance coupable aux activités de blanchiment d'argent sale à une échelle extravagante relativement à la taille du secteur bancaire. Si l'UE avait eu tant soit peu de jugeote, elle aurait annoncé, sitôt un plan de sauvetage (non suicidaire !) décidé, de mettre les banques chypriotes sous tutelle et de passer au Karcher leurs livres pour en exclure tous les clients douteux, avant de prendre des mesures draconiennes et générales afin d'en finir avec cette invraisemblable négligence qui a conduit à ce que l'un des secteurs bancaires de l'Union se fasse quasiment un business model du recyclage d'argent sale.
 

Le plus extravagant dans cette affaire est que le cas chypriote n'est formellement pas autre chose qu'un dérivé particulier de la situation tout à fait générale où se sont trouvés les gouvernements quand il a fallu sauver les banques en 2008-2009, à savoir:
1) on a laissé les banques faire n'importe quoi – le n'importe quoi en l'espèce n'ayant pas de caractère proprement crapuleux mais « seulement » celui de prises de risques invraisemblables;
2) la capacité du secteur bancaire à tenir otage toute l'économie a crée une situation de dilemme où ne restaient que des mauvais choix: sauver les banques mais au prix d'un scandale moral sans précédent, ou ne pas les sauver mais tous y passer derrière !

Là encore la solution consistait à choisir, dans l'urgence, ce qui sauve, pour aussitôt après fracasser les structures bancaires et financières qui ont produit le dilemme. Comme on sait les banques ont été sauvées sans la moindre contrepartie, les rodomontades de régulations financières sont restées à l'état de... rodomontades, comme l'atteste l'indigente loi Moscovici de « séparation » bancaire (qui ne sépare rien), et rien des dilemmes de la finance en folie n'a été attaqué si peu que ce soit. Pendant ce temps, interloqués, ajoutant les erreurs techniques au scandale politique et moral de la « gestion » de la crise financière, eurocrates et responsables nationaux s'étonnent d'avoir « un problème » avec les populations...

 

 

                                                                               **********************************

 

 

Frédéric Lordon : « la crise n’est pas ce que l’on croit » (2)

 

Rue89

Publié le 22/03/2013 à 18h08

 

 

Un nouvel extrait de la conférence performance de l’économiste atterré et pugnace, Frédéric Lordon au Théâtre du Rond-Point, dans le cadre du programme « Trousses de secours » en partenariat avec Rue89.

L’économiste continue son exploration de la crise financière :

« Car la crise n’est pas ce que l’on croit. Et si elle n’était qu’une grande méprise, un splendide malentendu fait d’arrangements langagiers et de non-dits surprenants ? »

Plusieurs riverains avaient pu assister à certaines des représentations du cycle au Théâtre du Rond-Point ; pour tous, un deuxième extrait vidéo :

 

Extrait de la conférence de Frédéric Lordon link

Podcast link

 

*Pour accéder aux liens, maintenir appuyée la touche " Ctrl" de votre clavier + cliquer gauche sur l'un des "link"

 

Partager cet article
Repost0
22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 19:08

 

 

Rue89 - Le Yéti
voyageur à domicile
Publié le 22/03/2013 à 16h28

 

 

Eh bien, nous y voilà ! Comme au dénouement du film-catastrophe qui vit la fin d’un des deux blocs issus de la Seconde guerre mondiale, nous arrivons à l’apothéose finale qui accompagne la chute du bloc survivant. A chacun ses évènements symboliques : la chute du mur de Berlin pour le premier, le blocus de Chypre par l’Union européenne de MM. Draghi et consorts pour le survivant moribond.

Ou, comme le dit joliment Frédéric Lordon :

« Comment transformer un problème de la taille d’un confetti en potentielle déflagration nucléaire. »

Voilà un moment que ça leur pendait au nez. Depuis janvier 2008, en fait. Rien, absolument rien qui ne se soit arrangé depuis cette date fatidique. Le plus surprenant fut juste leur capacité de retarder l’échéance fatale – ah, cette épidémie d’« aides illimitées » des banques centrales, 85 milliards pondus CHAQUE MOIS par la Banque fédérale américaine, rien que pour donner une illusion de reprise US !

Les cornichonneries de la bête blessée

C’est le désarroi et l’impuissance qui ont poussé Draghi à commettre son acte imbécile de taxation sauvage des dépôts bancaires. Le pas de trop. En fait, ils n’ont plus les moyens de leurs ambitions. Qui peut dire quand et comment rouvriront les banques chypriotes ? Qui aurait pu anticiper la réaction des Russes dont les avoirs sont gelés ?

Et de fait, c’est la guerre ! Oui, oui, une vraie guerre, provoquée comme toutes les vraies guerres par les réactions suicidaires des bêtes blessées à mort. Une guerre déclarée par un empire aux abois à ses propres populations.

Pas plus que la Fed US de M. Bernanke ou la BoJ nipponne de M. Shirakawa, la BCE de M. Draghi ne peut plus sauver la chaloupe européenne en perdition. Alors le cornichon ferme ses propres banques ! Ce qui, pour un banquier, est proprement se tirer une balle dans les pieds, le comble de la cornichonnerie !

Les fragiles mécanismes de résistance

Il ne faut pas se voiler la face, les mécanismes de résistance pour enrayer cette force tellurique mauvaise sont bien faibles. Comme dans le Japon du tsunami, il y a fort à parier que la reconstruction ne sera possible qu’une fois le gros de la vague passée.

Oh bien sûr, on pourra toujours s’accrocher à quelques îlots de résistance. Le chavisme en fut un pour la population vénézuélienne. L’équipe de Morales en Bolivie. Peut-être un jour des Fronts de gauche, des Syriza ou des mouvements 5 étoiles en Europe. Pour peu qu’on ne cède pas non plus à de nouvelles idolâtries précipitées.

Mais finalement, notre principale préoccupation devra être de ne pas nous laisser à notre tour happer par cette pathologie déferlante et garder les pieds sur terre. Tiens, il m’en reste une petite dernière que ces dingues du bloc survivant n’auront pas. Trinquons, ça réchauffe.

Partager cet article
Repost0
22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 19:03

 

Le Monde - Blog

A Bonn, le 5 mars. Wolfgang Rattay/Reuters

 

A l'heure où les pays latins critiquent volontiers l'égoïsme de la riche Allemagne, la Bundesbank a publié ce jeudi une très intéressante étude (disponible en allemand et en anglais) sur le patrimoine des ménages allemands qui pourrait jouer un rôle non négligeable dans la campagne électorale.

 

A Berlin, le 10 mars. Wolfgang Rattay/AFP

 

A la surprise des commentateurs, les Allemands possèdent en moyenne un patrimoine de 195 000 euros. Moins que les Espagnols (286 000 euros) et les Français (229 000 euros). De plus, ce patrimoine est plus inégalement réparti, car si on ne considère plus la moyenne mais la médiane (50% des ménages ont plus, 50% des ménages ont moins), le patrimoine médian est de 51 000 euros en Allemagne, contre 178 000 euros en Espagne et 114 000 euros en France.

C'est l'immobilier qui explique la raison essentielle de cette relative pauvreté allemande.  Seuls 44% des Allemands sont propriétaires, contre 57,9% des Français et 82% des Espagnols. Précisons que l'étude prend en compte la valeur des biens possédés et retranche les dettes des ménages.

Cette étude confirme que l'écart entre l'est et l'ouest reste important : à l'ouest, le patrimoine moyen s'élève à 230 000 euros (légèrement plus qu'en France) et le patrimoine médian à 79 000 euros alors qu'à l'est, ces chiffres sont respectivement de 68 000 euros et de 21 000 euros. Vingt ans n'ont donc pas suffit à véritablement unifier le pays, sur le plan patrimonial en tout cas. Par ailleurs, la richesse allemande est très concentrée : les 10% des ménages les plus riches (ceux qui possèdent plus de 440 000 euros) détiennent 60% de la richesse privée. Si l'on prend le coefficient de Gini qui mesure les inégalités (le zéro étant l'égalité absolue et le un l'inégalité maximale), l'Allemagne affiche un taux de 0,78, moins que les Etats-Unis (0,85) mais davantage que la France (0,76).

 

 

 
Partager cet article
Repost0
21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 20:57

 

 

 

Lire aussi

Yves Clot est professeur titulaire de la chaire de psychologie du travail du CNAM (conservatoire national des arts et métiers). En regard du documentaire sonore des Pieds sur terre “Pôle Emploi : un conseiller pour 500 chômeurs” et des récentes immolations de chômeurs, il explique que « les procédures déconnectées du réel proposées par Pôle Emploi », alors que le chômage augmente, conduisent à « une situation catastrophique ». Pour y remédier, il faut selon lui « bâtir du collectif » et mutualiser les savoir-faire.

 

Yves ClotYves Clot
Comment jugez-vous les réactions aux immolations de chômeurs qui se sont produites, ces dernières semaines, dans ou devant des agences Pôle Emploi ? 

Les suicides de chômeurs nous en disent plus sur l'état de nos institutions que sur le malheur des chômeurs. La réaction à ces immolations me semble donc insuffisante et déplacée. On ne peut pas réduire cela à des drames personnels qui appelleraient seulement la compassion de l’État.

En disant que tout avait été fait, le ministre du travail, Michel Sapin, a voulu protéger le personnel de Pôle Emploi, à juste titre, car les agents sont un amortisseur social majeur. Mais c’est une protection factice, parce qu’en réalité tout n’est pas fait pour que le personnel puisse traiter les chômeurs avec toute la justice qu’ils méritent, loin de là. Il ne faut pas tricher avec le réel. En plus des suicides médiatisés, certaines tentatives ont été contenues par le personnel des agences de Pôle Emploi. Ce sont des suicides que je qualifie de vindicatifs parce qu’ils sont directement adressés à l’institution dans laquelle ils se produisent. Ils manifestent une révolte.

Que voulez-vous dire par « ne pas tricher avec le réel » ?

Dans la situation de crise économique que nous connaissons, il me semble urgent de reconnaître au personnel de Pôle Emploi la fonction sociale essentielle qui est la sienne et de lui donner à la fois le temps, les moyens, et l’organisation du travail adéquate pour exercer ce rôle fondamental.

 

L’accroissement concomitant du nombre de chômeurs et des procédures déconnectées du réel proposées par Pôle Emploi entraîne une situation catastrophique. Devant la difficulté du réel, on cherche à le « pasteuriser ». On fabrique de la procédure sur de la procédure en congelant la relation entre les conseillers de Pôle Emploi et les chômeurs. On a même installé des bornes informatiques pour que les gens en recherche d’emploi effectuent leurs démarches de manière automatisée. Dans une gare, cela peut éventuellement fonctionner – et encore – mais pas dans une agence Pôle Emploi. On croit ainsi faire des économies, mais cela va s’avérer très coûteux, à tous les sens du terme. Comme l’ont dit les associations de chômeurs à Michel Sapin, on s’occupe du chômage mais pas des chômeurs…

Quelles pistes d’améliorations du service de Pôle Emploi vous paraissent envisageables ?

Il me semble possible d’agir sur l’organisation du travail dans les agences. Il devient très compliqué de faire la jonction entre la réglementation de Pôle Emploi, les circuits de recherche d’un travail, les institutions d’aides au-delà de l’agence, les situations individuelles chaque fois uniques et l’angoisse qu’elles peuvent engendrer. Il faut donc cultiver les ressources que les conseillers inventent pour faire face, les faire circuler et discuter en développant le travail collectif, afin de ne pas fonctionner seulement sur des procédures standardisées. Or, c’est coûteux en temps.

Alors que le chômage est chronique et que les situations des chômeurs montent en complexité, il faut oser fabriquer du métier ensemble, à la fois avec l’intelligence et le savoir vivre des conseillers, mais aussi avec la grande expérience des associations de chômeurs qu’il ne faut pas mépriser. C’est un sursaut pour refaire ensemble Pôle Emploi qui s’impose. Sinon, vu l’ampleur de la crise dans laquelle nous sommes, nous allons additionner les injustices qui déboucheront sur la multiplication des drames.

 

« Cesser de standardiser la relation de service »

2 000 recrutements ont été effectués en 2012 dans les agences Pôle Emploi. Cela va-t-il dans le bon sens ?

Oui, mais cela reste une goutte d’eau dans la mer. Le problème n’est pas seulement une question de moyens, mais aussi d’organisation du travail et de dispersion des énergies. Il faut développer un professionnalisme qui ne soit pas le seul produit d’une expertise abstraite. Si vous êtes du côté du réel, vous ne pouvez vous contenter de scripts formalisés, parce que les individus et les situations ne sont pas réductibles à des procédures désincarnées. Ces artefacts ne concernent pas seulement Pôle Emploi, mais ils s’y avèrent particulièrement dangereux car les situations sont souvent de grande détresse et il y a de la colère.

 

 

Il faut de la procédure et de la règle, mais il faut s’assurer qu’elle puisse rester vivante, ce qui suppose du métier et de la coopération. Cela suppose de recruter, mais pas seulement. Cela impose un vrai travail institutionnel.

Les 2 000 postes qui ont été créés sont loin de faire reculer autant que nécessaire la précarité des statuts des agents. Or la précarisation empêche l’accumulation de l’expérience. En outre, le statut du chômeur et de celui qui le reçoit sont alors trop proches. Contrairement à ce qu’on croit parfois, cela crée plus souvent de la peur que de la solidarité ; et le conseiller peut alors avoir tendance à se protéger du chômeur par les procédures formalisées.

Le récent rapport du médiateur de Pôle Emploi montre qu’il y a du respect pour les chômeurs de la part des conseillers, mais qu’il est très difficile pour eux de supporter cette vague de misère et de défiance qu’ils reçoivent en première ligne. Une telle exposition à la misère est mieux supportée si on travaille en équipe et si le statut des conseillers n’est pas précaire, car sinon, la porosité est inquiétante pour ceux qui sont les premiers à affronter les conséquences de la crise.

Peut-on faire la part de ce qui, dans ces dysfonctionnements, est lié à la fusion entre les Assedic et l’ANPE ?

Cela a joué un rôle négatif. Mais il faut désormais prendre acte de la fusion. On constate aujourd’hui qu’on a sous-estimé, dans cette fusion, la nécessité de marier des professionnalités différentes, autour desquelles il aurait été nécessaire de construire un vrai métier, en développant le travail en commun et non les explications de textes. Alors que la fusion aurait pu être l’occasion d’augmenter l’expertise, elle l’a diminuée, faute de coopération, de temps et d’intelligence. Le défaut de fabrication de départ est flagrant, mais on peut encore agir car les agents n’ont pas baissé les bras. Et donc cesser de standardiser la relation de service au guichet, en segmentant les publics et en essayant de faire des sous-catégories, comme si les chômeurs étaient des produits.

Les radiations automatiques, à propos desquelles le médiateur de Pôle Emploi, Jean-Louis Walter, a récemment tiré la sonnette d’alarme, sont-elles à proscrire ?

C’est évidemment une mesure urgente. Le fait que les radiations automatiques aient augmenté de 25 % au mois de décembre 2012 montre qu’il s’agit avant tout de faire baisser le chiffre du chômage sur l’année, et, encore une fois, de s’occuper du chômage et non des chômeurs. Les radiations automatiques de ceux qui ont raté les rendez-vous téléphoniques donnés par Pôle Emploi sont à proscrire.

 

Existe-t-il des pays où le traitement du chômage se passe mieux ?

Si on pense à l’Allemagne ou à la Suisse, on peut avoir l’impression que cela se passe mieux. Mais cela n’est sans doute pas seulement lié à une meilleure organisation du travail dans les agences. Le sentiment d’injustice face au chômage n’est pas identique dans tous les pays. En France, l’histoire sociale accentue le fait que se retrouver au chômage est vécu davantage comme une injustice que comme une incompétence personnelle.

Retrouvez aussi le reportage audio : Pôle Emploi, un conseiller pour 500 chômeurs.

 


Partager cet article
Repost0
21 mars 2013 4 21 /03 /mars /2013 20:32

 

 

Marianne - Jeudi 21 Mars 2013 à 11:52

 

Par ARNAUD BOUILLIN

 

Voulant ménager les dirigeants du CAC 40, le gouvernement finit par ne prendre aucune décision sur les hauts salaires.

Henri Proglio, PDG d'EDF lors d'une conférence de presse - WITT/SIPA
Henri Proglio, PDG d'EDF lors d'une conférence de presse - WITT/SIPA
«Les Suisses montrent la voie et, personnellement, je pense qu'il faut s'en inspirer», s'est exclamé Jean-Marc Ayrault au lendemain du référendum par lequel 68 % de nos voisins suisses ont décidé de mettre fin aux «rémunérations abusives» de leurs chefs d'entreprise. Puisque le Premier ministre semble en mal d'inspiration, nous ne saurions trop lui recommander la lecture de l'excellent rapport déposé le 20 février dernier à l'Assemblée nationale par la mission parlementaire sur la gouvernance des grandes entreprises. Les 20 propositions qu'il contient n'ont pas pu être défendues par sa rapporteure, Corinne Narassiguin, députée socialiste des Français de l'étranger dont l'élection a été invalidée par le Conseil constitutionnel une semaine avant la remise de ce travail. Dommage, car ce rapport qui s'appuie sur près d'une centaine d'auditions de personnalités qualifiées mérite mieux que l'indifférence quasi générale dont il a fait jusqu'ici l'objet.

Les pistes des députés

A trop vouloir encadrer les rémunérations de leurs dirigeants, les entreprises françaises risqueraient de ne plus pouvoir recruter de talents à l'étranger. L'argument, usé, tourne en boucle depuis des années dans les instances patronales. Daniel Bernard, le président de Kingfisher (Castorama) et ex-PDG de Carrefour, l'a repris à son compte devant les députés. Sauf que... D'après une enquête toute fraîche du High Pay Center, l'observatoire britannique des hautes rémunérations, dont la mission parlementaire a pu prendre connaissance, seulement 3,5 % des directeurs généraux nommés au cours des cinq dernières années dans les 500 premières entreprises mondiales ont été débauchés à l'étranger.

L'écrasante majorité d'entre eux travaillaient au sein de l'entreprise qui les avait promus. Le fameux «marché mondial des top managers», dans lequel la France se devrait d'aligner les millions de dollars - ou d'euros - pour attirer les meilleurs, est une gentille farce. Pour corriger les excès de certains patrons, le rapport préconise donc de soumettre au vote de l'assemblée générale des actionnaires le montant de leurs rémunérations (fixe et variable). Corinne Narassiguin milite pour un vote contraignant, susceptible de se transformer en veto si les deux tiers des actionnaires s'opposent au package. Philippe Houillon, le corapporteur UMP, plaide seulement pour un vote consultatif. Qu'importe, estime la première : «Il faut transcrire dans la loi ce principe du say on pay. Une quinzaine de pays de l'Union européenne l'ont fait ou sont en passe de le faire. Les Suisses sont même allés plus loin puisque, en sus de ce droit de veto, ils ont décidé d'interdire les parachutes dorés.»

Les hésitations du gouvernement

Alors, qu'attend Bercy pour se saisir du sujet ? Aux dernières nouvelles, aucun projet de loi n'est dans les tuyaux. Ce qui n'étonne guère Pierre-Henri Leroy, le président du cabinet Proxinvest, qui milite activement pour le renforcement des pouvoirs des actionnaires. «Pierre Moscovici a besoin de faire copain-copain avec les patrons pour qu'ils adoubent le dispositif de crédit d'impôt aux entreprises qu'il a mis en place et dont les effets sur les embauches ou les investissements dépendront en grande partie d'eux», rappelle-t-il. Le gouvernement pensait contourner l'obstacle - et s'éviter la fronde du CAC 40 - en instaurant la taxe à 75 % sur la part des revenus supérieure à 1 million d'euros. Une manière de ne pas stigmatiser les dirigeants cousus d'or, tout en invitant les conseils d'administration à revoir à la baisse leurs émoluments.

Pas de chance : cette ficelle fiscale a été tranchée net par le Conseil constitutionnel. Les seuls à avoir vu leurs salaires plafonnés par décret (450 000 € par an) sont les patrons d'entreprise publique. Et certains d'entre eux condamnent déjà, mezza voce, la portée réelle de cette mesure. «Henri Proglio, le PDG d'EDF, que nous avons auditionné hors micro, se demande pourquoi le plafonnement porte seulement sur les dirigeants, raconte Corinne Narassiguin. Quand on sait qu'un trader peut gagner davantage à EDF que le responsable du parc de centrales nucléaires, il y a en effet de quoi s'interroger.»

 

 

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22