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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 17:03

 

LE MONDE ARGENT | 05.03.2013 à 10h42 • Mis à jour le 01.04.2013 à 09h07 Par Frédéric Cazenave

 

 
 
Ces nouveaux chiffres ont été annoncés après la réunion de la Commission économique de la Nation, qui a établi une nouvelle prévision pour l'inflation en 2013.

Près d'un million, c'est le nombre de régularisations de carrière réalisées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) en 2011. Derrière ce terme, se cachent des erreurs, oublis d'un employeur... qui peuvent vous coûter un trimestre. Or comme pour obtenir sa pension de retraite complète, une personne née après 1956 doit en cotiser 166 (42 ans et demi), autant ne pas en perdre. Seule solution : vérifier régulièrement son relevé de situation individuelle.

C'est particulièrement vrai si votre entreprise a fait faillite ou si vous avez eu plusieurs employeurs pendant une même année. D'autres cas sont propices aux oublis, à commencer par les jobs d'été qui peuvent compter pour votre retraite. Pour rappel, il suffit d'avoir cotisé deux cents fois le smic horaire pour valider un trimestre. Si dans votre jeunesse vous avez travaillé l'été et gagné l'équivalent de 1 886 euros brut, vous avez engrangé au moins un trimestre. "Le chômage indemnisé (un trimestre pour 50 jours d'indemnisation) fait aussi partie des périodes régulièrement mal renseignées dans les relevés de carrière de nos clients", explique Marc Darnault, associé gérant d'Optimaretraite. Vérifiez enfin votre service national : une année sous les drapeaux permet de valider jusqu'à cinq trimestres.

A l'approche de la retraite, il est tentant de chercher à optimiser son départ, mais cela peut être contre-productif. Un bon exemple est le rachat de trimestres. Sur le papier il a tout pour plaire : il permet d'obtenir plus rapidement le taux plein et donc de partir à la retraite sans décote. Mieux, les sommes déboursées sont déductibles de votre impôt sur le revenu. Sauf qu'en pratique, c'est beaucoup plus compliqué. Première étape : calculer si le rachat sera rentable, ce qui n'est pas forcément le cas. Le gain de pension doit permettre de récupérer le montant de son investissement dans un délai raisonnable. Ensuite, il faut le faire au plus près de son départ à la retraite, afin de pas subir de changement législatif. Lors de la dernière réforme de 2010 et du report de l'âge de la retraite, certaines personnes se sont ainsi retrouvées à avoir racheté des trimestres pour rien, puisqu'elles ont dû travailler plus longtemps. D'ailleurs, ces dernières ont jusqu'à fin novembre 2013 pour se les faire rembourser.

Liquider ses droits n'est pas non plus à prendre à la légère. Mieux vaut s'y prendre quatre à six mois à l'avance. Le traitement des dossiers peut être long et vous risquez de vous trouver aux premiers jours de votre retraite sans ressources. Ensuite, sachez que les règles de la retraite changent l'année de la liquidation. Tout d'abord, cette année-là n'entre pas dans les vingt-cinq années qui servent à calculer votre salaire annuel moyen, sur lequel sera évaluée votre pension. Dommage, car elle a toutes les chances d'être un bon cru. L'idéal : prendre sa retraite le 1er janvier pour que la dernière année de travail compte. Autre subtilité : l'année de la liquidation, le nombre de trimestres validés est limité au nombre de trimestres civils travaillés. Il ne faut donc pas s'arrêter en cours de trimestre, sous peine qu'il ne soit pas pris en compte.

Même après le départ en retraite, des erreurs sont possibles. La plus fréquente concerne le cumul emploi-retraite. Un dispositif prisé : 500 000 Français l'utilisent. Sauf que là encore, mieux vaut bien calculer son coup. "Avec le cumul emploi-retraite, vous allez payer davantage d'impôt. Pour que ce dispositif soit intéressant, il faut travailler au moins plus d'un an. L'option de la surcote peut donc être plus avantageuse", explique M. Darnault.

Cumul emploi-retraite ou surcote ?

Enfin, sachez que lors du décès de votre conjoint, c'est à vous de faire la demande du versement de la pension de réversion. Sinon vous ne recevrez rien. Si la CNAV vous informe que vous ne pouvez pas y prétendre (il faut avoir au moins 55 ans et ne pas dépasser un plafond de ressources), ne faites pas l'erreur de vous arrêter là, car vous pourrez tout de même toucher la réversion des régimes complémentaires.

Frédéric Cazenave

Traquez les erreurs

 

Dès vos 35 ans, et tous les cinq ans, vous recevez un relevé de situation individuelle retraçant votre carrière, avec vos différents employeurs, et les droits acquis auprès du régime de base et des complémentaires. En cas d'erreurs, il suffit de contacter la caisse concernée, dont le numéro figure sur le relevé. Evidemment, vous pouvez vérifier vos droits avant. Pour cela, il suffit de se créer un compte sur le site www.lassuranceretraite.fr. A partir de 44 ans, il est possible de demander en ligne la régularisation d'anomalies. Un outil vous alertera même sur des périodes douteuses (chute de revenus, multiemployeurs). A 45 ans, tout salarié peut bénéficier gratuitement d'un entretien personnalisé avec un conseiller de la CNAV. Celui-ci vous conseillera, mais il n'est pas habilité à réaliser des simulations d'optimisation ou de stratégie patrimoniale.

 

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1 avril 2013 1 01 /04 /avril /2013 16:53

 

 

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 01.04.2013 à 10h43 • Mis à jour le 01.04.2013 à 12h12


 

 
Une aide à domicile en milieu rural dans le Calvados.

Les retraites, le minimum vieillesse et les prestations familiales sont revalorisées, le prix du gaz baisse légèrement. La pilule devient gratuite pour les mineures, l'IVG est remboursée à 100 %.

  • L'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)

Le minimum vieillesse augmente de 1,3 % au 1er avril, soit une revalorisation identique aux pensions de retraite. C'est la première fois depuis cinq ans que le minimum vieillesse ne bénéficie pas d'un coup de pouce avec une revalorisation supérieure à celle des pensions de retraite de base. En 2012, l'allocation de solidarité aux personnes âgée (ASPA) avait progressé de 4,7 %, contre 2,1 % pour les retraites.

Sous le précédent quinquennat un effort particulier avait été fait pour cette allocation, qui avait augmenté au total de 25,1 %. Mais auparavant le minimum vieillesse était également revalorisé comme les retraites. L'ASPA est versée en complément des revenus de personnes démunies qui n'ont pas suffisamment cotisé pour toucher une pension de retraite, afin de leur assurer un revenu de subsistance. L'an dernier le montant maximum mensuel de cette allocation pour une personne seule était de 777,16 euros, un revenu toutefois inférieur au seuil de pauvreté (954 euros).

  • Prestations familiales

Les prestations familiales sont elles revalorisées de 1,2 %.

  • Contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie

Une taxe pour financer la dépendance est institutée avec la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (CASA), qui sera prélevée à hauteur de 0,3 % sur les pensions de retraite, de préretraite (pour les salariés et non-salariés) et sur les pensions d'invalidité.

Prévision d'inflation pour 2013 servant de base à la revalorisation des pensions des régimes de sécurité sociale et des prestations familiales

  • Contraception et IVG

Les pilules contraceptives de première et deuxième générations deviennent gratuites pour les jeunes filles âgées de 15 à 18 ans, qui pourront l'obtenir auprès des pharmacies sur ordonnance et en présentant la carte vitale de leurs parents. Cette mesure, promise par la ministre de la santé, Marisol Touraine, vise à faciliter l'accès à la contraception aux mineures et à réduire le nombre d'interruptions volontaires de grossesses (IVG), environ 12 000 par an. Elle était inscrite dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) voté à l'automne 2012. Elle s'applique également aux stérilets ou aux implants contraceptifs, selon le ministère.

La prise en charge à 100 % de l'interruption médicale de grossesse entre en vigueur : elle était jusqu'à présent remboursée à 100 % pour les mineures et entre 70 % et 80 % pour les femmes majeures.

  • Energie

Les tarifs réglementés du gaz de GDF Suez baissent de 0,6 %. La mesure qui avait été annoncée la semaine dernière par le ministère de l'écologie a été validée par le Commission de régulation de l'énergie (CRE). Dans une délibération mise en ligne sur son site, la CRE a estimé que cette baisse proposée par l'opérateur historique était conforme aux règles de calcul des tarifs du gaz. Cette petite baisse est la troisième appliquée depuis le début de l'année, après des reculs de 0,5 % et 0,3 % enregistrés le 1er février et le 1er mars. Les prix du gaz avaient à l'inverse augmenté de 2,4 % le 1er janvier.

Comme en février et en mars, ce petit coup de pouce supplémentaire aux consommateurs découle de la réforme des prix du gaz annoncée en décembre par la ministre de l'écologie et de l'énergie, Delphine Batho. Les prix du gaz sont désormais recalculés chaque mois (et non plus chaque trimestre), en fonction de facteurs en principe plus favorables aux consommateurs. Le repli des tarifs gaziers reste toutefois modeste par rapport à la flambée observée ces dernières années. En effet, les tarifs réglementés du gaz, qui concernent 85 % des 11 millions d'abonnés au gaz en France, s'étaient envolés au total de plus de 80 % entre la mi-2005 et le début de 2013.

Ce qui change au 1er avril 2013, sur le site Service-public.fr

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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 21:38

 

 

Lors de son entretien avec David Pujadas, sur France 2, François Hollande a donné de la fonction présidentielle une interprétation personnelle, toute en nuances, composant par petites touches l'autoportrait d’un prince paradoxal, soumis aux injonctions contradictoires de l’austérité et de la croissance, du désendettement et du redressement. Gouverner par gros temps n’est pas chose aisée. Il y faut de la volonté et du tact, de l’énergie et de la patience, des qualités d’imagination et d’administration. On doit fixer un cap tout en naviguant à vue, rassurer les marchés sans désespérer l’opinion. Toutes choses qui exigent d’un chef de l’État de l’autorité et de la modestie et surtout une capacité d’adaptation infinie, une flexibilité à toute épreuve, conformément aux idéaux types du néolibéralisme et aux aléas d'une crise qui ne fait que s’aggraver.

Lors de sa prestation, plus longue que prévue, François Hollande s’est efforcé de convaincre qu’il détenait toutes ces qualités, témoignant même d’une forme d’autorité raisonnée, conforme à cette souveraineté limitée qui est celle des États européens, contenue par le corset étroit des règlements qu’a tissés l’Union européenne depuis le traité de Maastricht, soumis à la tutelle des marchés et des agences de notation. François Hollande ou l’humble gouvernance. Il m’est arrivé, l’écoutant, de penser : « Quel bon président de droite il ferait ! »

Son intervention toute en nuances contrastait avec une actualité démontée qu’on se gardera bien de qualifier de séquence, à la différence des épigones étourdis du storytelling, tant la logique à l’œuvre dans l’imbroglio politico-judiciaire obéit moins à l’habile feuilletonnisation médiatique qu’à la synchronisation aléatoire des agendas médiatiques, politiques et institutionnels, et qui soudain convergent comme lors des grandes catastrophes naturelles. « La vie s’est transformée en une suite intemporelle de chocs », écrivait Adorno (1903-1969), dans ses Minima Moralisa, pour décrire l’expérience du front lors de la Seconde Guerre mondiale. De la démission du ministre du budget, Jérôme Cahuzac, à la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour abus de faiblesse en passant par la perquisition du domicile de Christine Lagarde, actuelle directrice du FMI, c’est à cette « suite intemporelle de chocs » déstabilisateurs que nous assistons depuis une dizaine de jours, autant de symptômes de cette décomposition qui affecte le champ politique.

Si l’on élargit le spectre à l’Italie avec l’irruption dans le champ politique italien de Beppe Grillo, le trublion de l’austérité, ou encore à Chypre, avec la décision de la Troïka d’imposer une taxe sur les dépôts bancaires des particuliers, aussitôt rejetée par le Parlement, et qui n’a eu d’autre effet que de jeter le soupçon sur la garantie des dépôts bancaires chez tous les épargnants européens, on a là tous les éléments d’une crise de la représentation démocratique à laquelle répondent de toutes parts des attaques irrationnelles, de plus en puissantes, somnambuliques contre l’État de droit. La mise en cause simultanée de l’indépendance de la justice et de celle des journalistes, qui consiste à exiger des journalistes ce que seule la justice peut offrir, des preuves, tout en déniant aux juges ce que l’on reproche aux journalistes, le droit de mener des enquêtes en toute indépendance, aurait pour effet, si elle atteignait ses objectifs, d’interdire tout espace de délibération, tout contre-pouvoir, une forclusion de la démocratie.

Symptôme de ces réactions en chaîne qui ébranlent les soubassements même de nos démocraties, une crise générale de la confiance et de la représentation ; la crise des dettes souveraines n’en est qu’un aspect, qui en voile d’autres, nombreux : crise de la souveraineté de l’État, crise de la parole de l’État, crise de la signature de l’État… Cette crise se manifeste partout dans les démocraties occidentales, mais elle est renforcée en Europe par ce qu’on a l’habitude d’appeler la « construction » européenne, qui s’apparente de plus en plus à une « déconstruction » de la souveraineté.

Qu’est-ce que la souveraineté en effet sinon un double processus qui confère à l’État un pouvoir effectif (celui de battre monnaie par exemple) et un dispositif représentatif, une certaine symbolique de l’État (son protocole, ses rituels, ses cérémonies) ? À partir du moment où la souveraineté de l’État est battue en brèche par la construction européenne et la mondialisation des marchés financiers, le dispositif de représentation du pouvoir apparaît comme une coquille vide, un simulacre aux mains des communicants. Le couple que constituaient le pouvoir et son dispositif de représentation s’est brisé en deux : d’un côté, un pouvoir sans visage, une bureaucratie anonyme, de l’autre des hommes d’État désarmés, un roi nu. D’un côté, des décisions sans visages, de l’autre des visages impuissants. Résultat de cette dislocation : l’action est perçue comme illégitime et la parole a perdu toute crédibilité.  

Le langage du pouvoir soumis à des injonctions contradictoires tend par une pente naturelle à l’euphémisation, à l’oxymore, à la dénégation, un phénomène observé par Pier Paolo Pasolini (1922-1975) et Leonardo Sciascia (1921-1989) chez les dirigeants de la démocratie chrétienne, dans l’Italie des années 1970. Dans les périodes de crise, les hommes politiques adoptent spontanément une novlangue que Leonardo Sciascia a qualifiée de « langage du non dire » et qui est une tentative de se dissimuler, de s’enfouir dans la langue, dans le jargon, « pour survivre », écrivait Pasolini, « fût-ce comme automates, comme masques… » C’est à Pasolini et à Sciascia que j’ai pensé en écoutant François Hollande, surpris de l’entendre se mettre soudain à parler « la langue du non dire », émaillée d’expressions aussi absurdes que « trouver de la croissance par nos leviers », « pourquoi faire du sang et des larmes ? » ou délégitimer le cœur de son projet politique en associant « redressement » et « maison de redressement » : « Le redressement oui, mais l’Europe ne doit pas être une maison de redressement »Ou encore s’engluer dans la définition de son propre rôle à la tête de l’État : « C’est mon rôle non pas parce que je suis un président socialiste, d’ailleurs je ne suis plus maintenant un président socialiste… »

La spirale de la perte de légitimité

Mais l’apport le plus original de cette novlangue hollandaise est sans doute la création du désormais fameux « choc de simplification », une prouesse syntaxique qui laisse pantois. On avait évité il y a quelques mois le choc de compétitivité au profit du pacte du même nom mais le « choc de simplification » constitue une trouvaille digne des Shadoks. A priori rien de plus éloigné de l’idée de choc qu’une simplification. Pourquoi pas un choc de précision ? Un choc de clarté ? Un choc de normalité…  «Comme toujours, écrivait Pasolini, c’est dans la langue seule qu’on a perçu des symptômes. » Son article, resté célèbre comme « l’article des Lucioles », s’intitulait à l'origine « Le vide du pouvoir » (ici sa version originale italienne, là sa traduction en français).

Le discours volontariste (churchillien) que le chœur des éditorialistes ne cesse d’invoquer dans une touchante unanimité, n’est qu’une façade qui tente de masquer l’impuissance relative des Etats européens soumis à la règle d’or et au « Protecteuro»… Depuis la révolution néolibérale, le volontarisme s’est imposé comme une figure paradoxale. Plus l’Etat est désarmé, plus il doit afficher son volontarisme. La posture du « volontarisme » néolibéral est la forme que prend la volonté politique lorsque le pouvoir est privé de ses moyens d’agir. Mais sa crédibilité est gagée sur la puissance effective de l’Etat. Si cette puissance n’a plus les moyens de s’exercer, le volontarisme est démasqué comme une posture. Il faut donc qu’il redouble d’intensité, qu’il s’affiche avec plus de force pour se recrédibiliser, démonstration qui va accentuer encore le sentiment d’impuissance de l’Etat. C’est la spirale de la perte de légitimité. C’est ce qu’a tenté François Hollande lorsqu’il s’est efforcé de recycler dans la bataille pour l’emploi les habits du chef de guerre endossés au Mali. « Je suis en ordre de bataille. Je suis le chef de cette bataille. J’avance. » Ainsi va la novlangue socialiste, louvoyant entre la rhétorique de la rigueur et la geste donquichottesque du redressement.

Mais la perte de crédibilité de la parole publique n’est pas un phénomène conjoncturel, elle n’est pas liée seulement au contenu des discours ou à la sanction des promesses non tenues ; elle est le produit d’une contradiction structurelle du néolibéralisme.  Marx avait bien vu que le capitalisme de son temps était tout à la fois basé sur le profit et tenaillé par la baisse tendancielle des taux de profit. De même le néolibéralisme, qui s’appuie sur le crédit, est miné par une baisse tendancielle de la confiance qui se manifeste par la perte de crédit de l’Etat aux yeux de ses électeurs et de ses créanciers. Une étude récente publiée par le Pew Research Center démontre que de 1958 à 2012, la confiance dans le gouvernement fédéral américain s’est effondrée, passant de 75% à … 23% !

En dérégulant la finance et en déprogrammant l’Etat, la révolution néolibérale des années 1980 a absorbé l’espace même du politique, condamnant l’homme politique, placé sous vide, à se simuler, à se reprogrammer sans cesse. Quand le roi est nu et le pouvoir impuissant, en quoi consiste l’exercice de l’Etat sinon à jouer de manière délibérée avec les apparences. La scène politique se déplace : des lieux de la délibération et de la décision politique (forum citoyens, meeting des partis politiques, assemblées élues, ministères) vers les nouveaux espaces de légitimation (TV, médias et Internet). L’explosion des réseaux sociaux comme Twitter et les chaînes du tout-info ont pulvérisé le temps politique.

La fonction journalistique s’est déportée de ses missions originelles – l’enquête, le reportage, l’analyse politique, bref, l’information – vers une fonction de décryptage visant à découvrir sous les apparences trompeuses de la vie politique la vérité d’un calcul, les ressorts d’une histoire, le secret d’un montage narratif. Sondages et décryptage sont désormais les deux facettes d’une démocratie sans repères, sans frontières, désorientée, qui a substitué le récit à l’action, la distraction à la délibération, le stage craft (l’art de la mise en scène) au state craft (l’art de gouverner). D’affaire en affaire, de coups de tonnerre en coups de théâtre, l’actualité, tel le furet de légende, parcourt en tous sens le territoire miné de scandales de la démocratie mutilée.

La crise de la représentation politique est entrée dans sa phase terminale. C’est l’état d’alerte pour les démocraties.

 


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31 mars 2013 7 31 /03 /mars /2013 20:09

 

 

Marianne - Dimanche 31 Mars 2013 à 05:00

 

Perrine Cherchève

 


En cas de litige avec un service public, l'usager vit la fable du pot de terre et du pot de fer. Face à la Sécu, la justice, les impôts, la police, la caisse d'allocations familiales, Pôle Emploi ou encore EDF, on a toujours tort. A moins de s'armer de patience, pour longtemps...

 

On n'a jamais raison face à l'administration !

Hommages appuyés de tous les administrés à René Goscinny et Albert Uderzo pour les avoir tant fait rire... jaune. Souvenez-vous des Douze Travaux d'Astérix : les Gaulois ont conclu un deal avec César, qui consent à céder son pouvoir au chef Abraracourcix à condition qu'Astérix et Obélix sortent indemnes d'une série d'épreuves herculéennes. Faute de quoi, les Gaulois deviendront esclaves des Romains. A mi-parcours, nos deux héros doivent obtenir le laissez-passer A-38 dans «la maison qui rend fou». S'ensuit une parodie croquignolesque de l'administration, investie par des fonctionnaires frappadingues - un huissier dur de la feuille et grincheux, des agents autistes et méprisants, un préfet désinvolte et incompétent - qui n'ont qu'un but, semer les Gaulois dans un labyrinthe de couloirs, d'escaliers, de guichets, jusqu'à ce que, devenus cinglés, ils renoncent au précieux document. «La potion magique peut pas nous aider ici !» lâchera Obélix, dans un râle d'impuissance. Comme si rien ne pouvait s'opposer à la logique impitoyable d'une administration invincible.

Coïncidence ou pas, le film d'animation sort dans les salles en 1976, trois ans pile après la nomination par le gouvernement de Pierre Messmer du premier médiateur de la République. Sa mission, qui n'a pas varié en trente ans : améliorer les relations des citoyens avec l'administration et tenter de dénouer à l'amiable les litiges qui les y opposent, avant qu'ils ne saisissent les tribunaux. Depuis, la fonction a essaimé dans les ministères, les organismes sociaux, les services publics. A quoi s'est ajouté, en 2011, un défenseur des droits, aujourd'hui incarné par Dominique Baudis (lire l'entretien, p. 60). Bref, des êtres de chair et d'os chargés d'épauler des usagers désemparés face au Moloch de l'administration.

Il n'empêche, les contentieux, de plus en plus complexes, ne cessent de croître. En 2011, le défenseur des droits a reçu 80 000 dossiers (+ 1 % par rapport à 2010), dont 46 631 demandes de réclamations qui émanent dans 98 % des cas de particuliers ; celui de l'énergie, 8 040 (contre 1 358 en 2008), celui de Bercy, 3 410 (+ 3 %). Des chiffres qui ne reflètent qu'une partie de la réalité. Combien d'usagers déboutés par les commissions de recours et autres conciliateurs ont-ils renoncé à la médiation ? Selon la Cour des comptes (1), 50 000 dossiers de contribuables seraient susceptibles d'être examinés par le médiateur du ministère de l'Economie et des Finances, soit quinze fois plus que ce qu'il reçoit ! Combien d'administrés qui continuent à se défendre seuls ou devant les tribunaux ? Combien qui préfèrent renoncer ?

Prenons la Poste. En 2011, son médiateur a enregistré 12 224 demandes d'intervention, soit une baisse de 0,7 %. On dit bravo ! Sauf que... «Les réclamations enregistrées par le service consommateurs ont augmenté de près de 50 % en deux ans pour atteindre 926 000 plaintes en 2011 !» tempête Thomas Barba, ex-syndicaliste CGT puis SUD, auteur du Livre Noir de la Poste (2). En 2012, le chiffre a encore grimpé. Un document confidentiel sur «le suivi des réclamations», que Marianne s'est procuré, révèle que les services du courrier, de Coliposte et de la Banque postale réunis ont été saisis de quelque 170 000 réclamations en moyenne par mois ! Soit plus de 2 millions de doléances sur un an... Que sont devenus les plaignants ? Plus d'un tiers trébuchent sur le numéro ad hoc, le 3631 : 24,4 % abandonnent avant d'avoir tapé 1, 2 ou 3, etc., et 12 % raccrochent après le message de la Banque postale. Adieu, lettres ou colis égarés, bye-bye, litiges...

Fin septembre 2012, la logeuse de Gwenaëlle, une étudiante de 21 ans, s'inquiète de ne pas avoir reçu son chèque de loyer. La jeune femme pense que son courrier a été égaré et se rend au guichet de la Poste de Rennes. Une conseillère lui explique : «Il y a eu quelques changements dans l'administration et certains courriers ont pris du retard.» Soit. Une semaine s'écoule, la lettre ne réapparaît pas. Prudente, Gwenaëlle fait opposition auprès de la Banque postale. Elle remplit le formulaire au guichet, aidée d'un conseiller. Mais, le 8 novembre, un courrier du service clients lui demande de compléter un formulaire en tout point identique au précédent, assorti de la mention : «J'attire votre attention sur le fait qu'à défaut de réception de votre déclaration écrite avant le 20 novembre 2012 votre opposition sera annulée.» Inquiète, elle refait les démarches de A à Z. Las. Quatre jours plus tard, Gwenaëlle reçoit un nouveau courrier... avec le même formulaire à compléter. Ubu, où es-tu ? «J'étais découragée, alors j'ai laissé filer. Heureusement, le chèque n'a pas été débité, mais je ne saurai jamais où il est passé.» Gwenaëlle ignore qu'en quelques années la Poste a supprimé 80 de ses 120 centres de tri. Du coup, les missives font des allers-retours spectaculaires : une lettre postée de Gap à destination de Gap a transité par Marseille, une autre, envoyée de Quimper pour Quimper, est passée par Rennes. Pas étonnant que le courrier disparaisse parfois dans la nature...

La mésaventure postale de Gwenaëlle paraît bien anodine comparée à l'infortune de Mathieu, 30 ans, photographe indépendant : il est apatride social. C'est bien simple, depuis qu'il a débuté, voilà douze ans, il n'a jamais réussi à décrocher un numéro de Sécu ! «J'ai une carte d'identité, je paie mes impôts, mais, pour la Sécu, je n'existe pas. Elle ne sait pas qui je suis», assure-t-il. Ce n'est pas faute d'avoir tenté de sortir de l'anonymat. Des dossiers d'inscription, il en a rempli «tous les six mois». A chaque fois, les mêmes objections : «Soit on me disait que mon dossier était incomplet, soit qu'il n'était jamais arrivé», raconte-t-il. Mathieu persistera trois ans avant de laisser tomber parce que «ça devenait trop prise de tête». Après tout, il est en bonne santé, alors, à quoi bon se rendre malade pour des formalités ! Puis, cette année, il lui vient une idée : si l'assurance maladie ne veut pas de lui, pourquoi ne pas opter pour une mutuelle privée ? Pas de chance, pour souscrire à une mutuelle, il faut avoir... un numéro de Sécu ! Retour à la case départ. «J'ai entrepris de nouvelles démarches et maintenant j'attends, dit-il, impatient. Ce qui m'agace le plus, c'est d'être face à des interlocuteurs qui prétendent que c'est moi qui ai tort et eux qui ont raison !»

Le cas de Mathieu, qui a fait l'autruche sept ans pour ne pas affronter l'adversité, est loin d'être particulier. «Il n'est pas rare de constater le découragement de l'usager dans ses démarches», souligne Dominique Baudis dans son dernier rapport. Et «l'usager» se sent d'autant plus impuissant face à une situation injuste que les recours amiables sont aléatoires.

A la Sécu, «la commission de recours donne rarement tort à l'administration», confie-t-on dans l'entourage du défenseur des droits. A EDF ? «Ce sont des salariés de l'entreprise qui reprennent le dossier. Ils ne vont pas mettre en cause leurs collègues», fait remarquer Denis Merville, le médiateur de l'énergie. Que faire, alors ? Saisir un juge ? Là encore, ce n'est pas gagné. Selon l'Aadecaa, une association de défense contre les abus de l'administration sise à Perpignan, les tribunaux seraient plus cléments avec les agents qu'avec les usagers. «En gros, quand on perd contre une administration ou une collectivité locale, on se prend 1 000 où 2 000 €. Mais, quand on gagne, on récupère péniblement 35 €», assure Michel Davin, juriste et membre fondateur de l'Aadecaa. En ce qui concerne le fisc, la réponse de la Cour des comptes est même rédhibitoire : «La décision du juge va dans le sens de l'administration dans 90 % des cas.»

Même si on gagne devant un juge, on est toujours perdant», insiste un avocat spécialisé en droit fiscal qui préfère garder l'anonymat. Exemple : M. Dupont a un litige avec le Trésor public portant sur la somme de 10 000 €. Il a déboursé 3 000 € pour se faire défendre et, à l'issue de la procédure, le tribunal lui donne raison. «Or le juge n'est pas obligé de rembourser ses frais d'avocat, explique le juriste. Certes, la dette de l'administré a été annulée. Mais il aura payé pour qu'elle le soit !» Autrement dit, pour obtenir la reconnaissance d'un droit, il faut mettre de sa poche, et la somme est parfois dissuasive.

Conclusion de l'avocat : «Si vous devez 15 000 € aux impôts, que ça vous coûte déjà 5 000 à 6 000 € pour vous défendre, et qu'en plus vous n'êtes pas sûr de gagner, je dis : payez ! Votre problème sera réglé. A moins de mettre un point d'honneur à faire reconnaître ses droits.»

Voilà un conseil qui a le mérite de la franchise ! Pour dissuader les usagers de se défendre, l'Etat et les organismes sociaux utilisent des moyens plus insidieux. Ils omettent d'informer, ou agitent le chiffon rouge de l'amende en cas de procédure abusive. Aujourd'hui encore, la possibilité de saisir le médiateur de Bercy, en fonction depuis bientôt neuf ans, n'est toujours pas mentionnée sur les documents que le fisc adresse aux contribuables. «L'administration fait peur, insiste Hervé Rose, chef du pôle protection sociale et solidarité auprès du défenseur des droits. Par exemple, lorsqu'un usager saisit le tribunal des affaires de Sécurité sociale (Tass), on lui dit noir sur blanc : attention, le juge peut se retourner contre vous en cas de recours dilatoire. Forcément, ça freine les ardeurs.» En revanche, on lui précise rarement qu'un recours devant le Tass est gratuit, qu'une simple réclamation devant le greffe suffit, et qu'il n'est pas obligé de prendre un avocat pour se défendre.

A la décharge de l'administration, les entreprises privées ne font pas mieux. Selon une enquête du Credoc de septembre 2011 sur «les recours effectifs des consommateurs en France» plus de 40 % d'entre eux disent avoir fait une réclamation pour un service ou un produit acheté au cours des douze derniers mois. Surtout, 69 % des sondés, bien qu'insatisfaits de la réponse apportée, renoncent à donner suite. «Il y a une forme d'impuissance qui conduit au renoncement», analyse Cédric Musso, directeur des relations institutionnelles de l'UFC-Que choisir. Impuissance, parce que la plupart des réclamations portent sur de faibles sommes - d'un à quelques dizaines d'euros. Or, toute personne qui saisit la justice doit d'abord s'acquitter d'une contribution de 35 €. En outre, le recours collectif, l'équivalent des class actions américaines, qui permettrait aux citoyens de regrouper leurs plaintes, n'existe pas en France. Un projet de loi en ce sens doit être déposé au printemps, mais, en attendant... «Les entreprises qui violent la loi en tirent bénéfice», dénonce Cédric Musso. En 2005, Orange, SFR et Bouygues ont été condamnés à verser 534 millions d'euros pour s'être entendus sur le marché de la téléphonie. «Mais nous avions estimé le bénéfice frauduleux à 1,2 milliard d'euros (20 millions d'abonnés victimes, avec un préjudice moyen de 60 € ).»

A croire que les entreprises privées ont fini par calquer leur fonctionnement sur celui des administrations. Même lenteur, même complexité des réglementations, parfois inintelligibles. Mêmes modes d'organisation kafkaïens : l'usager d'un service public, comme le client d'un opérateur privé, devra s'armer de courage pour forcer le premier barrage, la plate-forme téléphonique, version contemporaine et maudite de l'huissier sourdingue qui tient l'accueil de «la maison qui rend fou». Tapez 1, puis 2, puis dièse pour revenir au menu, ou hurlez dans le combiné «Réclamation !» avant d'espérer entendre le son d'une voix humaine...

«Le problème vient de la taille des organismes. Plus c'est gros, plus c'est lourd. Auparavant, lorsqu'un habitant avait un problème avec EDF, il s'adressait au maire, qui réglait le problème en direct», insiste Denis Merville, le médiateur de l'énergie, lui-même édile de Sainneville, une bourgade de 800 âmes en Seine-Maritime. «Il y a eu des effets de mode», analyse de son côté Hervé Rose. Dans les années 90, les pouvoirs publics ont copieusement plagié le privé, supposé incarner l'étendard de la modernité, pour réformer les organismes sociaux, avant de s'attaquer plus récemment à l'administration. A la Sécu apparaît alors un vocabulaire qui «chatouille la grammaire mentale du fonctionnaire», s'amuse-t-il. On parle de relation client-fournisseurs, de contrôle de gestion, de normes ISO, de certification. Vouloir appliquer ces modèles aux prestations sociales tient de la gageure. Surtout lorsqu'on sait qu'à la Caisse d'allocation familiale (CAF) il existe 17 000 dispositions législatives, réglementaires et administratives ! «Un allocataire et un filet de saumon, ce n'est tout de même pas la même chose, tranche Hervé Rose. Or on a mis une distance entre l'humain administratif et l'humain concret. L'usager est perdu : sa situation est polymorphe et il est face à un mur d'incompréhension.»

Dans les CAF, les techniciens nez sur l'ordinateur se réfèrent à une base de données où la réglementation a été prédigérée, et qui leur indique quoi faire. Dans 98 % des cas, ça marche. Remarquablement bien, même. Mais, lorsque l'individu n'entre pas dans les cases, que son cas est particulier ou qu'il recèle une anomalie, ça casse. Mathieu, l'inconnu de la Sécu, en sait quelque chose. «On est entré dans une logique de production pure, poursuit Hervé Rose. Du coup, c'est devenu plus compliqué de remettre en œuvre un droit qu'on a refusé et plus simple d'éjecter quelqu'un d'un droit. Les fonctionnaires ne vont plus à la pêche aux droits parce qu'ils n'ont pas le temps ; les cas compliqués, on les glisse sous la pile...»

Par prudence ou/et pour ne pas se faire taper sur les doigts par le chef, les fonctionnaires - sous pression et soumis à des impératifs budgétaires - se bordent donc au carré. L'administration fiscale doit faire du chiffre, les organismes sociaux, dépenser moins. Comme le soulignait déjà Jean-Paul Delevoye, médiateur de la République jusqu'en 2011, l'agent privilégie la traque aux fraudes, refuse a priori, contrôle a posteriori, impose la multiplication de documents pour «protéger sa responsabilité et son confort au détriment des droits des citoyens». Quitte à défier le bon sens. Dans son livre Faibles et puissants face à l'impôt (3), le sociologue Alexis Spire relate cet échange édifiant avec une agente des impôts de Seine-Saint-Denis qui, lorsqu'elle saisit les déclarations, «oublie délibérément de préciser le nombre d'heures travaillées, de façon que la personne demandant la prime pour l'emploi ne puisse en bénéficier automatiquement et soit obligée de produire des justificatifs». Indécence d'un système qui se préoccupe plus de ses indicateurs que des individus...

Jusqu'à une date récente, EDF faisait des économies de gestion à la petite semaine : lorsque le trop-perçu était inférieur à 15 €, elle ne remboursait l'abonné que s'il le réclamait. Pas très élégant. EDF s'est fait taper sur les doigts, mais, à la CAF, on persiste. L'allocation logement n'est toujours pas octroyée lorsque son montant est en deçà de 15 €€par mois. L'allocataire y a théoriquement droit, mais, même s'il la réclame, on ne la lui donnera pas ! Kafka, es-tu là ? «La loi dit que nous n'avons pas à la lui verser», précise Eric Cyprien, directeur adjoint de la CAF de Paris, qui suppose que cette décision a été prise pour réduire les coûts.

Comble du comble, l'administration applique aujourd'hui des textes qui conduisent tout droit les usagers dans des impasses éprouvantes. «Je sors de deux ans de PV», souffle Joël Luchetta comme s'il avait purgé une peine de prison. En 2011, ce Toulousain reçoit un premier PV dûment majoré, pour une infraction commise à Paris avec un véhicule dont il n'est plus propriétaire. Il conteste par lettres recommandées, porte plainte. Le PV à peine annulé, il est aussitôt réémis avec une majoration. Fin 2012, Joël Luchetta reçoit une lettre d'huissier, puis, une semaine plus tard, sa banque l'informe que son compte a été saisi de 75 €, le montant de l'amende. Paniqué, il prend langue avec Daniel Merlet, le président l'Association nationale de défense des victimes d'injustice (Andevi), un spécialiste hors pair du PV abusif : en vingt-quatre heures, son affaire est réglée et la saisie sur son compte, annulée. En vérité, Joël Luchetta a été l'une des dernières victimes d'une loi imparfaite, qui, bien que rectifiée à la fin 2011, a encore des ratés (lire, p. 66). En gros, tant que l'acquéreur d'un véhicule d'occasion n'avait pas déclaré son achat à la préfecture, le vendeur restait titulaire de la plaque d'immatriculation : quand le nouveau propriétaire commettait une infraction, c'est l'ancien qui prenait la prune !

Parfois, l'Etat, en revenant délibérément sur ses propres décisions, est directement à l'origine de situations aussi ubuesques qu'injustes. La cacophonie qui a entouré l'attribution puis la suppression de niches fiscales destinées à doper le développement des énergies renouvelables est un cas d'école. En 2003, le gouvernement met le paquet sur les défiscalisations de panneaux photovoltaïques pour attirer le contribuable vers les énergies renouvelables. Exemple : votre impôt sur le revenu s'élève à 10 000 €, mais, si vous investissez 8 000 € dans une société de production d'électricité solaire, vous paierez zéro... Tentant ! A tel point que personne ne s'attendait à un tel engouement. Si bien que Bercy finit par mettre le holà. Pour dissuader les candidats qu'on a tout fait pour appâter, le prix de revente de l'énergie à EDF est d'abord revu à la baisse. Puis la niche est rabotée avant d'être supprimée, en 2011. Les milliers de contribuables qui ont investi se prennent une sévère douche froide. Les installations qu'ils ont financées n'ayant pas été raccordées à temps au réseau EDF, ils n'ont plus le droit à la défiscalisation. «Non seulement ils ont dépensé de l'argent pour investir dans le photovoltaïque, mais en plus on leur réclame le paiement de l'impôt. Quinze mille personnes sont dans cette situation, et le redressement fiscal s'élève au total à 1,3 milliard d'euros !» s'insurge Me Frédéric Naïm, qui défend 350 plaignants. «On a utilisé les contribuables en leur faisant une promesse non tenue. L'injustice de la part de l'Etat est réelle !» plaide l'avocat, qui prévoit maintenant trois ans de procédure, au bas mot, sans certitude d'obtenir gain de cause... A suivre.

Autre ovni administratif, dans un registre différent : le régime social des indépendants (RSI), né en 2006 de la fusion des caisses de retraite et d'assurance maladie des artisans, commerçants et indépendants. «Le RSI est un polytraumatisé. Ça relève de l'hôpital», lance Louis Trujillo, délégué au défenseur des droits à Versailles. Ancien contrôleur fiscal à la retraite, Louis Trujillo reçoit bénévolement chaque mercredi des administrés dans un petit bureau blanc, et passe près de la moitié son temps à régler les couacs liés au RSI. Ce matin-là, il a encore rassuré un vieil homme à qui le régime réclame depuis 2008 des cotisations dont les montants varient entre 2 000 et 4 000 €. «Le gars, il s'est adressé pendant quatre ans au RSI sans obtenir de réponse et il se dit : qu'est-ce que j'ai pu bien faire ?» Quel gâchis ! Surtout lorsqu'on sait que ce fameux RSI devait faciliter la vie de quelque 6 millions d'assurés ! A l'arrivée, ce «machin» équipé d'un système informatique bâti à la hâte et qui bogue à répétition est une usine à gaz : appels de cotisations baroques, radiations arbitraires, défauts de remboursement... Aux dernières nouvelles, le RSI ne devrait pourtant pas être remis d'équerre avant 2016. C'est dire si Louis Trujillo a encore du pain sur la planche «On passe son temps à dire qu'il faut simplifier, informatiser, moderniser, fusionner, dit-il. Mais, à partir d'une certaine masse, le haut de l'organisme perd le contrôle du bas».

Paradoxalement, si les normes et les procédures de l'entreprise privée se sont imposées aux administrations, les textes restent sujets à interprétation. Entre le fonctionnaire et l'usager, les divergences d'appréciation ne sont pas rares. A chacun sa vérité ! Sauf que la vérité du pot de fer s'impose en général au pot de terre. Face à l'agent qui incarne la loi et l'autorité, les administrés se sentent désarmés, insécurisés. Le trouble s'est accentué ces dernières années. En cause, la crise et son corollaire, un Etat - providence qui protège de moins en moins, mais aussi l'inflation de textes, décrets, circulaires qui se télescopent, se contredisent, voire s'annulent et provoquent des crispations des deux côtés.

«Lorsqu'on commence à se confronter à l'administration, on ne sait pas où on va», confirme Laurent, 30 ans, qui palabre avec les impôts depuis près de deux ans. En 2011, sa boîte fait l'objet d'un contrôle fiscal sur les trois années précédentes. Le jeune entrepreneur est un agent qui met en relation des clients avec des prestataires, et touche des commissions en contrepartie du service rendu. Le contrôleur admet que Laurent est réglo, même s'il a un peu tardé à faire signer quelques contrats. «Il reconnaît ma bonne foi, mais me dit : vous devez quand même payer !» Et la note est salée : 25 000 €. A quoi correspond ce redressement ? Mystère. Pour une raison qu'il ignore, l'administration a requalifié son activité d'intermédiaire «transparent» en intermédiaire «opaque», ce qui qui modifie totalement sa base d'imposition. Laurent conteste, prend un avocat. «Quand ils ont vu que je pouvais gagner, ils m'ont fait une proposition à 10 000 e et on est en train de négocier. Mais ça fait mal au cœur ! Quand un chef de brigade missionne ses contrôleurs, ils n'ont pas intérêt à revenir les mains vides. Mais ce n'est rien d'autre que du racket !»

Laissons la morale de l'histoire - il en faut une - à Hervé Rose. De ses années de médiation auprès du défenseur des droits, il a acquis au moins une certitude : «On ne gagne pas face à l'administration. On gagne avec elle.» A méditer. P. Ch.

(1) «Les relations de l'administration fiscale avec les particuliers et les entreprises», février 2012.

(2) Ed. Jean-Claude Gawsewitch, 2013, 17,90 €.

(3) Ed. Raison d'agir, 2012, 8,10 €.

EN CAS DE LITIGE

Impôts

Vous pouvez faire appel à un conciliateur fiscal du ministère des Finances. Avant de le saisir, vous devez faire une réclamation au 01 53 18 72 00 ou par courriel sur cedef@finances.gouv.fr. A la suite de cette procédure, vous pouvez saisir le conciliateur de votre département : ses coordonnées sont indiquées sur le site www.impots.gouv.fr. En cas d'insatisfaction, il vous est possible de saisir le médiateur du ministère de l'Economie et des Finances : www.economie.gouv.fr/mediateur/demande-mediation

Caisse d'allocations familiales

Avant de faire appel au médiateur de la CAF, vous devez faire une réclamation auprès d'un conseiller CAF, soit par écrit, soit par téléphone, mais aussi auprès d'un point-relais (correspondant à votre département et à votre ville). A la suite de cette démarche, vous pourrez envoyer votre dossier au médiateur (son adresse étant indiquée pour chacune des CAF sur le site www.caf.fr). Vous pouvez le saisir par courrier ou au guichet.

 

ARTICLE 1 : LA POLICE A TOUJOURS RAISON

C'est une règle d'airain, tacite et silencieuse, les policiers ont toujours raison. Inutile d'en débattre, ils ont raison individuellement, mais surtout collectivement, et font bloc comme aucun autre corps d'Etat, du haut de leur nombre, de leur force, de cette loi qu'ils incarnent. Une réclamation ? Circulez, y a rien à voir ! Ils sont contre le retour de la «pucelle», ce numéro agrafé il n'y a pas si longtemps encore (en 1986) sur leur uniforme, pourtant réclamé avec insistance par le défenseur des droits, Dominique Baudis. Difficile de les identifier en cas de litige. Ils contestent le remodelage en cours du code de déontologie qui vise à encadrer leurs relations avec les citoyens. Ou la volonté, caressée par les conseillers du ministre de l'Intérieur, d'appliquer aux policiers le même taux maximal d'alcoolémie que celui en vigueur pour les chauffeurs de car... En cas de «bavure», il faut des mois, voire des années, pour récupérer tous les éléments matériels et délier les langues. Il n'est qu'à se tourner vers les avocats pour s'en convaincre.

Me Yassine Bouzrou s'est frotté aux arrangements, combines et cachotteries de la police. Le cadre : la mort d'un Malien de 38 ans, en France depuis quinze ans mais sans papiers, dans l'enceinte du commissariat de Courbevoie, dans la nuit du 5 décembre 2004. L'un des quatre fonctionnaires présents a vu l'homme se taper la tête contre les murs de la cellule ; les trois autres n'ont rien vu. La caméra était hors d'usage, comme par hasard, et le dossier médical du défunt avait disparu...

Le policier a toujours raison, il peut même être couvert par son ministre, mais il arrive que le couvercle saute, à condition que s'en mêlent les élus de la République. Jean-Pierre Brard, député PC de la Seine-Saint-Denis, et Delphine Batho, quand elle était encore députée PS des Deux-Sèvres, font partie de ceux qui ont le plus souvent saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), dont les prérogatives sont désormais entre les mains du défenseur des droits. Avec des résultats non négligeables puisque les observations de ses équipes sont transmises à la fois aux juges et au ministère de l'Intérieur, avec mise en demeure possible. Près de 600 réclamations arrivent chaque année sur leurs bureaux, dans le seul domaine de la sécurité. Ces contrôleurs indépendants peuvent même s'autosaisir.

«Les policiers préféreraient qu'on n'existe pas, mais ils font avec», observe Dominique Baudis. Sauf quand ils parviennent à contrer ses recommandations...

 

EN CAS DE LITIGE

La Poste

Avant de saisir le médiateur de la Poste, vous devez déposer une réclamation à l'adresse Internet www.laposte.fr/service-consommateurs ou en téléphonant au 36 31. Constituez ensuite un dossier complet - lettre exposant les motifs du litige, photocopies de pièces justificatives ainsi que les courriers échangés avec la Poste - à envoyer à : Litiges courrier, colis et autres services, le Médiateur du groupe La Poste, CP F407, 44, boulevard de Vaugirard, 75757 Paris Cedex 15.

 

EN CAS DE LITIGE

L'assurance maladie

Afin de faire appel au conciliateur de l'assurance maladie, vous devez, au préalable, adresser une déclaration à votre caisse d'assurance maladie. Le conciliateur ne traitant que les problèmes de soins (refus de soins...) ou les relations avec les médecins (délai d'obtention des rendez-vous...), vous pouvez le joindre, après cette première étape, en téléphonant au 36 46 ou sur le site Internet ameli.fr. Les modalités de saisine varient selon les caisses.

EDF

Vous devez adresser une réclamation au service clients, en appelant le 09 69 32 15 15 ou en écrivant à : EDF service clients, TSA 20012, 41975 Blois Cedex 9. En cas d'insatisfaction de votre part, adressez ensuite un courrier au service consommateurs à l'adresse : EDF service consommateurs, TSA 20021, 41975 Blois Cedex 9. Vous pourrez en dernier lieu saisir le médiateur EDF (www.mediateur.edf.fr) ou, mieux, le médiateur de l'énergie : energie-mediateur.fr

 

LA DIFFICILE INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX

Les premières lettres sont arrivées. Un an et demi après la mise en place du fonds d'indemnisation des victimes du Mediator, 98 plaignants ont reçu un avis positif des experts du collège de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam). Un bien maigre résultat pour un organisme qui promettait, à ses débuts, une large indemnisation : sur 7 800 dossiers reçus, 1 700 ont été examinés. Parmi ces derniers, 820 ont été rejetés, soit près de la moitié, et 780 sont en stand-by faute de pièces suffisantes. Gravité du préjudice médical revu à la baisse, fuites aortiques mineures retoquées, faible barème d'indemnisation... Le chemin vers la reconnaissance a tout du parcours du combattant : chaque cas doit d'abord être accepté par un collège d'experts, puis les dégâts causés par le Mediator sont évalués avant d'être chiffrés. D'où de mauvaises surprises pour plus d'un plaignant. Une patiente, défendue par Me Charles Joseph-Oudin, a ainsi vu le fonds Mediator minimiser le bilan dressé par un expert indépendant. «Le collège ne retient que les préjudices directement en lien avec le Mediator, comme l'impose la loi. Il tient compte de l'état antérieur des personnes», se défend Erik Rance, le directeur de l'Oniam.

Pour les victimes d'autres médicaments, la réparation n'est pas plus évidente. Créé en 2002, l'Oniam offre une voie de recours théoriquement rapide et surtout entièrement gratuite. En dix ans, le nombre de dossiers déposés annuellement auprès des commissions régionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI) a plus que doublé. Beaucoup de demandeurs... mais peu d'élus. En 2011, sur 4 279 dossiers reçus, à peine un tiers ont obtenu un avis d'indemnisation positif de l'Oniam. En cause, un curseur qu'on juge placé bien trop haut : pour obtenir réparation, le taux d'invalidité doit être supérieur ou égal à 24 %. «Il n'est pas impossible d'obtenir une indemnisation, on règle des contentieux avec l'Oniam. Mais c'est compliqué, du fait de la position singulière de l'office qui finance la CRCI, les expertises, siège à la CRCI et peut être amené à indemniser directement ou par substitution, note Me Guillaume Chauvel, avocat au barreau de Rennes. Cette posture rend l'Oniam juge et payeur, voire juge et partie.» Il n'est pas rare que l'office, absent lors des expertises médicales, s'oppose à l'avis donné par la CRCI (l'Oniam refuse 10 % des avis le désignant comme payeur), au motif qu'il n'y a pas assisté ! Or c'est lui qui a le dernier mot. Si indemnisation il y a, le montant est à prendre ou à laisser. Si la réponse est non, c'est non ! La victime n'a plus alors que deux solutions : abandonner ou saisir la justice, procéder à une nouvelle expertise et tout reprendre de zéro. Autrement dit, payer et prendre son mal en patience. Absurde lorsqu'on sait que l'Oniam a été créé pour désengorger les tribunaux.

 

PÔLE EMPLOI, DE KAFKA AU DRAME

Panique à Pôle emploi. Mardi 6 mars, un homme menace de faire sauter l'agence de Vannes (Morbihan) avec une bouteille de gaz si on ne lui verse pas illico ses indemnités. Le même jour, à Bois-Colombes (Hauts-de-Seine), un cadre s'asperge d'essence, tente de se faire brûler car ses droits allaient être révisés à la baisse...

Depuis le 13 février dernier, date à laquelle un demandeur d'emploi de 43 ans en fin de droits s'est immolé devant une agence de Nantes (Loire-Atlantique), Pôle emploi est sous tension. De Kafka, on est passé au drame. «Comme dans toutes les administrations, on est face à un système réglementaire hypersophistiqué, explique Jean-Louis Walter, médiateur de Pôle emploi. A la loi qui définit les principes, on a ajouté des instructions, des notes diverses... Le but étant de se couvrir au maximum pour ne pas se faire truander par un éventuel fraudeur. Résultat, on construit un bunker qui empoisonne la vie du Français moyen qui n'a rien à se reprocher.»

Le bunker, ce sont 50 000 agents qui pistent 5 à 6 millions chômeurs, faute de temps pour les aider à trouver un emploi. Mission impossible quand on sait que chaque conseiller gère un «portefeuille» de 300 chômeurs en moyenne. Résultat, on traite le flux en renvoyant les demandeurs d'emploi vers les plates-formes, des services à distance, où ils s'égarent. «Quand on les reçoit à l'accueil, c'est pour leur expliquer comment se débrouiller seuls», dénonce l'association Recours radiations. Parmi les points d'achoppement, les «indus», ces indemnités réclamées a posteriori à l'occasion d'un contrôle. Avec la multiplication de salariés en «activité réduite», elles ont explosé. A qui la faute ? Bien souvent au logiciel informatique qui enregistre les informations de travers et indemnise trop. Autre sujet de tensions : les radiations pour «absence à convocation». Selon Jean-Louis Walter, elles sont abusives au regard des motifs (retard de train, retard de dix minutes au rendez-vous, erreur de calendrier...) et du mode de réception le plus fréquent : le mail, que le chômeur serait supposé consulter nuit et jour... Ah, l'informatique ! Pôle emploi envisage de lancer une opération «100 % Web» à destination des chômeurs autonomes. Ils n'auront d'autres interlocuteurs que l'ordinateur ou le smartphone. On n'arrête pas le progrès...

 

EN CAS DE LITIGE

Le défenseur des droits

Si vous avez épuisé tous les recours, avant de saisir les tribunaux, vous pouvez interpeller le défenseur des droits nommé par le président de la République. Pour le contacter, vous devez remplir le formulaire en ligne sur le site defenseurdesdroits.fr ou appeler le 09 69 39 00 00.

 

 

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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 19:23

 

 

Disons-le tout net. Rendre intéressante l’intervention présidentielle, jeudi soir sur France 2, relevait largement de la mission impossible. Un président dans une impopularité jamais connue sous la Cinquième République au bout de dix mois de mandat ; un taux de chômage au-dessus des 10 %, frôlant les records historiques de 1997 ; un pouvoir d’achat des Français en recul pour la première fois, au vu des statistiques du dernier trimestre 2012 ; une crise de l’Europe et de l’euro sans précédent, avec un État membre, Chypre, dont l’économie explose et un autre État membre, l’Italie, sans gouvernement et dans une impasse politique durable.

 

François Hollande le 28 mars sur France2. 
François Hollande le 28 mars sur France2.

 

Or, paradoxalement, cette mission impossible fut presque accomplie. Car une immense surprise ressort de ce long propos présidentiel qui, aux alentours de la dixième minute, a dû perdre l’essentiel de ses auditeurs assommés de chiffres et de jargon technique. François Hollande mettait en scène et en mots la cérémonie de ses adieux à la gauche. « Je ne suis plus président socialiste, je suis le chef d’État de la France », devait-il d'ailleurs préciser aux alentours de la quarantième minute.

Nous venions de l’apprendre et le devinions : effectivement, François Hollande aura réussi l’exploit, dans cette cinquième intervention « devant les Français » depuis son élection, de ne pas prononcer le mot « gauche », de ne pas même citer le nom du parti socialiste, de ne pas même évoquer « les écologistes », d'ignorer délibérément les questions de majorité politique. Plus de gauche, plus de droite ; plus de partis ; plus de majorité politique ou parlementaire. Un abus impressionnant du « je ». Voilà la révélation de cette intervention : la dissolution de la politique, des débats, des alternatives, dans un « je » présidentiel renouant avec les pires démons de nos institutions.

La métamorphose est d’une rapidité surprenante, si l’on veut bien se référer à celui qui fut le précédent président issu de la gauche : François Mitterrand. Chacun sait aujourd’hui son plaisir entier à avoir endossé les habits de ce présidentialisme exacerbé et monarchique tant vilipendé dans le talentueux pamphlet du Coup d’État permanent. Mais François Mitterrand dut attendre un peu pour cela, laissant un temps l’illusion d’une démocratie sociale et parlementaire prospérer : 1983 fut un premier tournant ; en 1986, la cohabitation fut la renaissance d’un présidentialisme sans limite ; 1988-1995 fut une caricature de cette monarchie constitutionnelle à la française.

Voilà François Hollande faisant l’intégralité de ce parcours, qui prit deux mandats de sept ans…, en dix mois ! Effarante régression, au moment où un pays en crise profonde recherche et a impérativement besoin de mobilisations citoyennes, de corps intermédiaires, de débats déconcentrés, de processus innovants de décision, de prises de risques, pour s’extirper d’une crise historique et mener dans la paix civile et sociale une mutation équivalente à la révolution industrielle.

François Hollande a donc, en ce jeudi 28 mars, effacé la politique par une succession de « je » présidentiels. Cette posture consistant à tout revendiquer, à tout assumer, à affirmer tout décider (jusqu’à préciser, tel un directeur comptable, que « les achats des administrations seront désormais tous regroupés », pour d’obscures économies…) ne fait pas qu’affaiblir le système politique. Elle ridiculise son système de pouvoir : le premier ministre n’a pas été cité – il n'existe plus –, les ministres ont tout juste été évoqués, comme d’insolents élèves dont il fallait parfois savoir accepter les incartades.

Dès lors, que reste-t-il sur cette table rase, où le Parlement, les partis et le gouvernement ne sont au mieux que d’obscurs et irresponsables appendices ? Il reste un président, homme seul face au peuple et face à une crise dont les prolongements et les complexités sont sans précédent. « Qui peut croire une telle fable ? » aurait dit Nicolas Sarkozy en un autre temps et sur un autre sujet.

C’est le pari de François Hollande : tenir coûte que coûte sur un mode de récit, qui peut sembler suranné, irréel, voué à l’échec, mais dont il estime qu’il sera in fine entendu par l’opinion. Le pari est d’autant plus stupéfiant qu’au sortir de cette heure et quart d’entretien, on ne sait à qui François Hollande a parlé. Pas à la gauche : il ne l’a pas même évoquée. Pas à la droite : il n’a pas fait de pas important en sa direction. Alors à qui ? Aux chefs d’entreprise et décideurs économiques, incontestablement : « J’ai besoin de tous les Français ! Et les chefs d’entreprise, leur réussite est la nôtre. »

Oublis et renoncements

Alors à qui ? François Hollande a parlé au centre. Un supposé centre géographique du paysage politique dont on ne voit plus guère la traduction politique. Ce n’est évidemment pas l’UDI de Jean-Louis Borloo, qui se retrouvera ce jeudi dans la majorité « hollandaise ». Il ne reste donc de visible… que François Bayrou. François Bayrou, dont les positions politiques et sociales, les harangues contre la dette publique, les engagements européens et même la posture solitaire « au-dessus » des partis, apparaissent plus que jamais compatibles avec la nouvelle doxa présidentielle.

 

 

Pour préparer cette intervention, l'Élysée avait consulté tous azimuts. François Hollande, le secrétaire général de l'Élysée, le conseiller en communication Claude Sérillon avaient rencontré parlementaires et responsables de la majorité. « Ils voulaient trouver des idées, raconte une personne consultée. Mais ils n'ont trouvé que des mini-trucs. »

Pendant près d'une heure, le président a surtout parlé d'économie, dans un discours souvent très technique, émaillé de chiffres, finalement digne du haut fonctionnaire qu'est resté cet ancien élève de la promo Voltaire de l'ENA. On connaît le goût de Hollande pour les plus obscures subtilités budgétaires. Les téléspectateurs ont été servis. Car le chef de l'État n'a pas tant parlé des grands bouleversements économiques du monde que de microéconomie, de vie des entreprises. Avant d'en venir à la grande annonce de cette soirée : un « choc de simplification » ! « Aujourd'hui, une entreprise est obligée de transmettre à l'administration 3 000 informations par an, nous allons diminuer de deux fois, trois fois ce chiffre. »

Ce soudain « choc de simplification », trouvaille de communicant (écho au « choc de compétitivité » de l'automne), n'a pas pour autant éclairci le propos présidentiel. Il devait ensuite rentrer dans le détail d'aménagements fiscaux échappant au contribuable moyen. « On aménagera la fiscalité pour que ce soit plus simple et moins coûteux » en cas de cession d'entreprise. Il a toutefois réaffirmé sa promesse : avant la fin de l'année, la courbe exponentielle du chômage sera infléchie. « Ça va augmenter jusqu'à la fin de l'année, à la fin, nous allons avoir une baisse du nombre du chômeurs. Ce n'est pas un vœu ou un pronostic, c'est un engagement, une bataille. »

Et de rappeler que les « outils sont là » : les contrats d'avenir, les contrats de génération, le crédit d'impôt de 20 milliards pour les entreprises, ainsi que la loi sur la sécurisation professionnelle (elle sera votée la semaine prochaine par les députés), fruit de l'accord de janvier entre plusieurs syndicats et le patronat, qui suscite bien des remous à gauche.

« Il n'y avait jamais eu un tel accord sur cette question du marché du travail », s'est vanté François Hollande, qui oublie un peu vite l'accord de 2008, qui n'était certes pas si global mais avait entériné, entre autres, la rupture conventionnelle entre salarié et employeur. « Ma priorité, c'est l'emploi. Mon cap, la croissance, je veux que la France connaisse une croissance. J'ai ce devoir de remettre de la croissance », a martelé le chef de l'État, déplorant la « croissance nulle ». François Hollande a aussi annoncé une réforme de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi. « Je vais proposer qu'un chômeur sur deux puisse avoir une formation professionnelle dans le délai de deux mois. »

Pour tenter de ressusciter l'esprit du discours du Bourget, lors duquel il avait présenté la finance comme son « ennemi », François Hollande a aussi présenté une nouvelle mouture de sa taxe à 75 %, censurée par le Conseil constitutionnel, puis édulcorée par le Conseil d'État. Elle sera acquittée non pas par les personnes physiques comme le prévoyait le dispositif au départ, mais par les entreprises dans le cas de salaires supérieurs à 1 million d'euros. « L'entreprise sera responsabilisée », estime François Hollande, qui calcule lui-même que la mesure concernera « très peu » de cadres dirigeants.

Afin de relancer le pouvoir d'achat, le président a admis ne pas avoir de baguette magique. Mais il a proposé que les 4 millions de Français qui bénéficient d'une participation, en théorie bloquée pendant cinq ans, puissent la débloquer « immédiatement sans pénalité fiscale ».

Pour le reste, François Hollande a déroulé un agenda social attendu, entre réforme des allocations familiales et des retraites. Il a confirmé la piste d'une réduction des allocations familiales pour les ménages les plus aisés. Et laissé entendre que si les plus petites retraites ne seront pas baissées, il pourrait augmenter la durée de cotisation requise pour toucher une retraite à taux plein.

Affaire Cahuzac

Mais là ou l'entretien du chef de l'État frappe, c'est surtout par ses absences et/ou ses renoncements en matière de réformes estampillées de gauche. Le cumul des mandats ? Ce sera mercredi en conseil des ministres… La réforme, elle, sera effective « avant la fin de mon mandat ». Évaporée donc la piste d'une réforme applicable dès les municipales de 2014 (à vrai dire, plus grand-monde n'y croyait). 

Le droit de vote des étrangers ? Le chef de l'État ne l'a même pas évoqué. Le mariage pour tous ? François Hollande ne reviendra pas dessus. En revanche, une des informations principales de la soirée est le quasi-enterrement d'une de ses promesses de campagne : le recours à l'assistance médicale à la procréation pour les couples de femmes. « La PMA, ça n'est pas dans le texte, c'est renvoyé au comité d'éthique. » Jusqu'ici, rien de neuf. Pour déminer le texte, François Hollande a en effet renvoyé le sujet à cette instance consultative. La nouveauté, c'est que le président s'engage désormais à « respecter » la décision du comité d'éthique. Une façon de dire niet au recours à la PMA pour les couples de femmes, puisque la jurisprudence montre que le comité d'éthique y a toujours été hostile (lire notre article).

Depuis deux semaines, la majorité, franchement déprimée par la succession de mauvaises nouvelles économiques, l'affaire Cahuzac ou encore l'élimination de la candidate socialiste à Beauvais, osait espérer un « discours offensif ». « Il faut que François Hollande arrête de faire comme s'il était premier secrétaire du PS. Il est président de la République, il doit fixer un cap et s'y tenir ! » plaidait la socialiste Colette Capdevielle. « Le gouvernement doit avoir du courage, affronter les murs de l'argent et faire les réformes indispensables pour qu'on bouge ! » défendait le secrétaire national d'EELV, Pascal Durand.

D'autres, au contraire, n'avaient plus beaucoup d'illusions, à l'instar du député de Paris, Pascal Cherki, qui tançait mercredi soir un Hollande « président de conseil général ». L'attaque ad hominem était violente. Ses camarades socialistes lui en ont beaucoup voulu. Même s'ils savent que la formule est d'autant plus dure qu'elle contient une part de vérité. Quant à l'écologiste Jean-Vincent Placé, qui, ce jeudi matin, disait attendre « une révolution politique », il l'aura obtenue à sa façon : les écologistes, officiellement deuxième parti de la coalition gouvernementale, n'ont pas été cités. Seule consolation pour lui: le parti socialiste n'existe pas davantage dans la nouvelle pensée présidentielle !


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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 18:17

 

 

Marianne - Rédigé par J-C Slovar le Vendredi 29 Mars 2013 à 15:25

 

Les chiffres de la représentativité des syndicats de salariés ont été publiée aujourd'hui. Ils seront 5 a pouvoir signer des accords avec des organisations patronales dont nul ne connaît le niveau de représentativité !

 

Représentativité des partenaires sociaux : Et maintenant au tour du patronat !

 

Malgré le putsch raté de Laurence Parisot et des ses soutiens, il ne serait pas étonnant que le champagne soit de rigueur aujourd'hui au Medef. En effet, la CFTC qui, elle même n'y croyait guère, ainsi que la CGC continueront de figurer dans la liste des syndicats de salariés représentatifs. Ce qui permet de sauver l'accord ANI qui aurait eu du plomb dans l'aile au cas ou l'un des deux syndicats aurait été jugé non représentatif. 
 
Le Monde, entre autre, indique les résultats suivants : « (...) La CFDT (26 %), la CFTC (9,30 %) et la CGC (9,43 %) représentent la majorité des salariés du privé, à l'issue des élections professionnelles. La CGT reste le premier syndicat français, avec 26,77 % des voix. Avec FO (15,94 %), ces cinq syndicats sont qualifiés comme organisations représentatives pour les quatre prochaines années (...) » N'ont pas atteint le score minimum de 8% : UNSA (4,26 %) et Solidaires (3,47 %) 
 
Ce résultat a été immédiatement salué par Laurence Parisot : « (...) qui remarque sur Twitter que l'accord du 11 janvier est majoritaire (...) » donc, dans la mesure où pour être valide, un accord doit être signé par un ou plusieurs syndicats totalisant 30 % des voix, sans être rejeté par 50 %, que la route est grande ouverte pour l'application de l'accord ANI, voir d'autres, plus ciblés ...
 
Pratiquement, qu'est ce que ça signifie ?
 
Que la microscopique CFTC et la catégorielle CGC seront décisives dans les futures négociation sur la formation professionnelle, les retraites et les nouvelles règles pour l'assurance chômage d'ici début 2014.
 
Et surtout qu'elle le seront lors des négociations dans les entreprises, entre salariés et employeurs pour l'application des accords de flexibilité. Et si vous voulez avoir une idée de leurs futures positions, nous vous signalons ce morceau de bravoure, publié sur le site de la CFDT : « (...) En poids relatif (ramené aux seules organisations ayant franchi le seuil des 8%), seule la CGT (30,62%) se retrouverait en capacité de signer seule des accords au niveau national interprofessionnel. Mais il est à noter que l'addition des poids relatifs de la CFDT, de la CFE-CGC et de la CFTC représente 51,15% (...) » En clair les deux petits syndicats ne seront que des wagonnets du train CFDT !
 
Au delà de constat, une remarque s'impose. Si le législateur a voulu déterminer la représentativité des syndicats de salariés, qu'en est-il de celle de leurs interlocuteurs, à savoir les organisations patronales ?
 
 Hé bien, braves gens, sachez que nul n'est en mesure de la dire !
 
Et pourtant, indique Le Figaro évoquant le bilan de la patronne du Medef : « (...) Elle s'est également heurtée à la CGPME (petites entreprises) et à l'UPA (artisanat) sur le sujet de la représentativité patronale (...) L'organisation de l'avenue Bosquet reste encore la voix du CAC 40 »
 
Et quid de l'Unapl (professions libérales), de la FNSEA et de l'Usgeres (économie solidaire - 11% des salariés français) ? organisations patronales, « non invitées à signer des accords interprofessionnels » comme nous l'explique Michel Abhervé
 
Ce à quoi il faut ajouter que le Medef se fait de plus en plus déborder par nombre de think tank patronaux, ainsi que nous l'explique l'Usine Nouvelle : « (...)  l’Association française des entreprises privées (Afep) s’est décidée à exister médiatiquement (...) . L’Afep a également compris que le travail d’influence se fait à Paris, bien sûr, mais aussi à Bruxelles. Cette petite association, dotée d’un budget de 5 millions d’euros, a installé près du quart de ses collaborateurs dans la capitale européenne (...) »
 
Quant aux autres organisations habilitées à négocier avec les syndicats et le gouvernement, nous indiquions en novembre 2011, ce commentaire de la très libérale Fondation Concorde :  « (...) Medef, CGPME et UPA ne sont pas aussi représentatifs qu’il y paraît. Pour preuve, le taux moyen d’adhésion ne dépasse pas 8 %. La participation aux élections consulaires plafonne à 17 %  (...) la représentation patronale actuelle résulte d’un empilement de niveaux de représentation et d’une juxtaposition de métiers et de branches, héritage des réformes de l’après-guerre (...) »
 
Oui, mais, dirons certains, les organisations patronales contrairement aux syndicats de salariés sont autonomes financièrement !
 
Que dire,  en ce cas, de l'attitude de deux des plus importantes organisations patronales toujours si promptes à fustiger l'utilisation de l'argent public, mais qui savent en faire bon usage, lorsqu'il s'agit de faire fonctionner leurs machines : Le plus gros des ressources de la CGPME provient du financement du paritarisme par les fonds de la formation professionnelle (Agefos et Fongefor) et du 1 % logement comme l'expliquaient Les Echos dans l'article : « A la CGPME, les cotisations des adhérents ne financent que 17 % du budget » on pourra lire aussi, sur le même sujet  : « Le scandale de la formation professionnelle : la collecte des fonds est détournée par les partenaires sociaux » publié par Capital
 
Représentativité vous avez dit ?
 
En juillet 2012, Laurence Parisot acceptait le principe d'une discussion sur la représentativité patronale. Toutefois, écrivait La Tribune : « (...) rien n’indique que les parties s’accordent. Si la CGPME réclame toujours que la représentativité repose désormais sur des élections, et non plus sur le nombre d'entreprises adhérentes, le Medef est pour l’instant inflexible. La bataille ne fait que commencer (...) »
 
Sincèrement, vous ne pensez pas que ça mériterait que le législateur se penche, comme il l'a fait pour les syndicats de salariés, sur la réelle représentativité de ceux qui prétendent négocier au nom de toutes les entreprises et tous les entrepreneurs ?


Crédit photo
FlickR - Sénat
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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 18:00

 

 

Rue89 - Karima Delli

 Publié le 28/03/2013 à 18h46

 

En 2003, le gouvernement social-démocrate allemand de Gerhard Schröder inaugurait une série de réformes sociales inspirées par la « troisième voie » social-libérale de Tony Blair. La plus emblématique de ces réformes fut la loi Hartz IV sur l’assurance chômage et la flexibilisation du droit du travail. Depuis lors, l’Allemagne est championne des statistiques et est érigée en modèle de compétitivité et d’emploi.

Dix ans après ces lois, alors que le parlement français s’apprête à discuter du projet de loi du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sur « la sécurisation des parcours professionnels » issue de l’Accord national interprofessionnel du 11 janvier dernier, quel bilan peut-on tirer de cette réforme et de ses conséquences sur les conditions de vie des Allemands ?

Beaucoup diront que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes outre-Rhin ! Un taux de chômage exceptionnellement bas à 5,3%, 2,5 millions d’emplois créés et une économie qui résiste à la crise mondiale avec brio... Mais à y regarder de plus près, l’élève modèle se révèle être un sacré cancre.

 

Peu de chômeurs mais beaucoup de pauvres

Le taux de pauvreté, et en particulier celui des enfants, a augmenté de 2,2 points entre 2000 et 2005. Le nombre de travailleurs pauvres est passé de 4,8% à 7,5%, et le taux de pauvreté parmi les chômeurs a explosé de 41% à 68% entre 2004 et 2010. Le droit du travail a été complètement détricoté : les contrats à durée déterminée et l’intérim sont devenus la norme et non plus l’exception. Ainsi, le recours à l’intérim a été multiplié par 2,7 et le temps partiel a bondi de 33%.

Parallèlement, le système d’indemnisation chômage a été profondément réformé, la durée d’indemnisation a été raccourcie, faisant basculer dans la pauvreté un grand nombre de chômeurs en fin de droit. En effet, le revenu minimum en Allemagne (l’équivalent de notre RSA) est bien inférieur au seuil de pauvreté et ne représente pas un véritable filet de protection sociale.

Des chômeurs mieux accompagnés

En effet, si le chômage n’a pas cru pendant la crise, c’est aussi grâce à un dialogue social de qualité qui a permis de mettre en place une flexibilité gagnante de la durée du travail, à travers par exemple du temps partiel temporaire et la mise en place de comptes épargne-temps. La baisse du temps de travail individuel a peu impacté les salaires car les entreprises ont joué le jeu en rognant d’abord sur leurs marges. De même, l’accompagnement des chômeurs a été fortement amélioré et les contrats aidés ont apporté d’excellents résultats en matière de réinsertion des chômeurs de longue durée.

En revanche, la paupérisation des chômeurs et des travailleurs précaires a exercé une pression globale à la baisse des salaires. Les écarts de revenus se sont donc creusés, et les plus pauvres ont vu leur pouvoir d’achat se dégrader bien plus que la moyenne.

La compétitivité allemande a donc un prix : la précarisation des travailleurs et la paupérisation des catégories déjà les plus fragiles. Répétons-le donc, ce modèle allemand, trop souvent érigé en exemple, est loin du tableau idyllique que l’on en fait. Il est crucial de ne pas confondre flexibilité et compétitivité, car lorsqu’on offre aux entreprises la possibilité de licencier plus facilement leurs salariés en temps crise, et de recourir à des formes d’emploi atypiques (intérim, temps partiel), il ne faut pas s’étonner de voir les conditions de travail se dégrader et les inégalités de revenus s’accroître.

Les Allemands offriront-ils une session de rattrapage aux sociaux-démocrates en 2014 ? Ce qui est sûr, c’est que le chapitre « compétitivité » est à sérieusement réviser.

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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 19:08

 

Hollande présente la douloureuse… et assume !
Jeudi 28 Mars 2013 à 23:20 | Lu 9755 fois I 67 commentaire(s)

 

 

Marianne -  Jeudi 28 Mars 2013 à 23:20

Gérald Andrieu - Marianne

Journaliste politique à Marianne chargé du suivi des partis de gauche. En savoir plus sur cet auteur

 

 

CHESNOT / SIPA
CHESNOT / SIPA

La « douloureuse » présentée par François Hollande ce soir sur le plateau de France 2 est aussi longue que le fut l’émission elle-même ! Allongement de la durée de cotisation pour la retraite, baisse des allocations familiales pour les « plus hauts revenus », taxe à 75 % prise en charge par les entreprises pour les rémunérations supérieures à un million d’euros, recherche d’économies à tout-va du côté de l’Etat… Certes, face à David Pujadas, le locataire de l’Elysée a annoncé qu’il n’y aurait pas de nouvelles hausses d’impôts en 2014 hors celle de la TVA. Mais la douloureuse est tout de même là, et bien là, sur la table des Français, bien en vue. Désormais, ils ne pourront pas dire : on ne savait pas.

Dans le même temps, toutefois, Hollande a expliqué qu'il fallait « susciter la croissance », que « si on l’attend[ait] », on n’était « pas sûr qu’elle arrive », qu’« être dans l’austérité, c’est non », que cela conduirait à « condamner à l’explosion » l’Union européenne...  Très juste. Hélas, jusque-là, au niveau européen, il n'a pas pesé en ce sens. Et cette « croissance », qu’il espère pour « dès la fin de 2013 », on ne voit pas trop comment il compte la susciter en France. Avec le crédit d'impôt aux entreprises, la banque publique d’investissement, les contrats d’avenir et de génération déjà lancés, a-t-il répliqué. Tout en reconnaissant que « ça part lentement ». C'est peu dire... Avec aussi ce qu’il a baptisé pompeusement — l’idée vient sans doute d’un conseiller bien inspiré — un « choc de simplification pour les entreprises ». Comprendre : « Il faut réduire deux fois, trois fois, le nombre d’informations qu’une entreprise doit envoyer à l’administration ». La belle affaire. On se dit qu’Hollande aurait eu, lui, tout intérêt à simplifier son expression qui, comme à son habitude, s’est révélée un brin techno… Et généreuse, aussi, avec les patrons qui auront droit par ailleurs à un allégement de leur fiscalité en cas de cession et de transmission de leur entreprise. Merci pour eux.

En revanche, les salariés, eux, devront passer leur chemin. Le pouvoir d’achat a en effet été expédié en moins de temps qu’il ne le faut pour le dire. Le gouvernement lutterait contre les frais bancaires et chercherait à contenir les loyers. Emballé, c’est pesé, merci, au revoir… La fin de la défiscalisation des heures supplémentaires a par exemple, elle aussi, été très rapidement évoquée : « Ça ne m’a pas fait plaisir », a-t-il expliqué, mais il fallait « redresser les comptes du pays ». Certes, le dispositif mis en place par Sarkozy était toxique. Certes, il était totalement injuste en période de chômage élevé. Marianne l'a dit et redit. Mais au moins la suppression de la défiscalisation aurait-elle pu être étalée dans le temps pour que le choc ressenti à chaque fin de mois par les salariés qui en bénéficiaient, soit moins fort. Car, eux aussi, à l'évidence, ça ne leur a « pas fait plaisir »

Mais au moins, peut-être en conviendront-ils, désormais François Hollande assume. Jean-Marc Ayrault, lors de son discours de réponse à la motion de censure de l’UMP, la semaine dernière, avait déjà joué du « je » à profusion. François Hollande, lui aussi, lors de l’émission l’a conjugué à tous les temps et à toutes les sauces arbitrant certains dossiers lourds comme le budget de la défense : « je suis lucide », « je suis conscient », « je suis en ordre de bataille », « j’ai le cuir solide, le sang froid, les nerfs ne sont pas à vifs », « je ne change pas de cap au premier avis de tempête » et même un inattendu « je ne suis plus président socialiste, je suis président de tous les Français » qui ravira les militants PS et Le Figaro (pour des raisons bien différentes). Le chef de l’Etat a évidemment tenté l’espace d’un instant de rejeter la faute — comme les socialistes le font continuellement — sur la droite, en rappelant qu’il était élu « depuis 10 mois, pas depuis 10 ans ». Mais ce soir le « président-porteur de factures » assumait, seul ou presque, ne citant même jamais — sauf à de très rares exceptions — le nom de ses ministres. On connaissait François Ier. On n’a désormais François en première ligne. Mais il faut bien le dire : ça n’est pas encore la Renaissance du pays…

 

 

 

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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 18:30

 

Violences policières : la justice prononce trois non-lieux successifs

 

LE MONDE | 28.03.2013 à 14h12 • Mis à jour le 29.03.2013 à 16h01 Par Laurent Borredon

 

 

La cour d'appel de Versailles a confirmé, en moins d'un mois, trois ordonnances de non-lieu dans des affaires de violences policières.

Dans les affaires de violences policières, il y a les expertises et les contre-expertises médicales. Et si elles vont dans le même sens, défavorable aux policiers, de nouvelles expertises. Parce qu'à la fin, il y a une certitude : il n'y aura pas de procès. Cette tradition française, dénoncée à maintes reprises par les organisations de défense des droits de l'homme, la cour d'appel de Versailles l'a encore honorée, en confirmant, en moins d'un mois, trois ordonnances de non-lieu. A chaque fois, les magistrats justifient leur décision par les "divergences" entre experts.

La chambre de l'instruction de la cour d'appel a clos, le 22 février, le dossier Mahamadou Marega, mort le 30 novembre 2010 à la suite d'une intervention policière à Colombes (Hauts-de-Seine). Puis, le 28 février, celui d'Ali Ziri, mort le 9 juin 2009 après son interpellation à Argenteuil (Val-d'Oise). Et, enfin, le 12 mars, celui d'Abou Bakari Tandia, mort le 24 janvier 2005 six semaines après être tombé dans le coma en garde à vue à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Les parties civiles se sont pourvues en cassation. "La chambre de l'instruction exige des certitudes. Ce n'est pas son rôle, estime Me Yassine Bouzrou, l'avocat de la famille Tandia. A ce stade, seules des charges suffisantes sont nécessaires."


LES INCOHÉRENCES ÉCLATENT AU GRAND JOUR

Cette dernière instruction est peut-être la plus symbolique, en termes de dissimulation et de lenteur. Le 6 décembre 2004, M. Tandia sort de garde à vue dans le coma. Les policiers assurent qu'il s'est tapé lui-même la tête contre la porte dans sa cellule. Le parquet de Nanterre classe sans suite.

A la suite d'une plainte de la famille, une instruction est ouverte pour "torture et actes de barbarie ayant causé la mort" et les incohérences éclatent au grand jour : une caméra de surveillance opportunément débranchée, un dossier médical qui disparaît puis réapparaît. Une expertise de trois médecins de l'Institut médico-légal (IML) conclut en 2009 à "un ébranlement cérébral par violentes secousses de la victime" et met en doute les déclarations de l'un des policiers, puis, en 2011, après une reconstitution, attribue le coma à "une privation d'oxygène due à des contentions répétées".

Le juge d'instruction demande alors au parquet d'élargir sa saisine à un "homicide involontaire". Le procureur suit, et demande même la mise en examen du policier qui a maîtrisé M. Tandia. Mais entre-temps, le juge a changé, et il refuse, dans l'attente de nouvelles expertises, confiées à un autre médecin. Celui-ci reprend la version policière en tout point.

 

LA TECHNIQUE DU "PLIAGE"

C'est ce même professeur, spécialiste d'anatomie pathologique et de médecine légale, qui, appelé à la rescousse dans l'affaire Marega, estime que cet homme de 38 ans est mort d'une "crise drépanocytaire aiguë", conséquence d'une maladie génétique très courante et indétectable, la drépanocytose.

Rien à voir, donc, avec son arrosage au gaz lacrymogène, suivi de 17 tirs de pistolet à impulsion électrique (Taser), dont certains à bout portant, ou du "pliage" (technique de contention) subi dans l'ascenseur, pour le maintenir dans cet espace réduit. D'ailleurs, le contre-expert n'a trouvé qu'un seul impact de Taser – ce qui contredit l'ensemble des éléments du dossier. Le premier rapport, rédigé par l'IML, avait conclu "à la mort par insuffisance respiratoire aiguë massive par inhalation d'un toxique dans un contexte de plusieurs contacts de tir de Taser avec cinq zones d'impact".

Dans l'affaire Ziri, les médecins de l'IML sont aussi assez sûrs d'eux : la technique du "pliage" – prohibée – est en cause. Ce retraité de 69 ans, interpellé de façon musclée à Argenteuil alors qu'il était le passager d'un conducteur arrêté en état d'ivresse, est "décédé d'un arrêt cardio-circulatoire (...) par suffocation multifactorielle (appui postérieur dorsal, de la face et notion de vomissements)". Mais d'autres médecins optent pour une maladie "méconnue", une cardiomyopathie.

 

"TOUTES MES DEMANDES ONT ÉTÉ REFUSÉES"

Le juge n'a pas cherché à en savoir plus : il n'a produit aucun acte d'enquête durant son instruction pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner". Dans l'affaire Marega, Me Marie-Alix Canu-Bernard, avocate des proches, s'est aussi heurtée à un mur : "Toutes mes demandes ont été refusées."

La dernière a été rejetée par la chambre de l'instruction, qui a estimé, dès avril 2012, que l'enquête allait de toute façon se conclure par un non-lieu. Et le magistrat n'a pas jugé utile de coter au dossier la décision sévère rendue par le Défenseur des droits en mai 2012 dans ce dossier. "Il faudrait des magistrats qui ne s'occupent que de ça et qui n'auraient pas besoin des mêmes policiers le lendemain dans leurs enquêtes", estime Me Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri.

Sous la pression du Défenseur des droits, la prise en charge disciplinaire de ces dossiers a néanmoins évolué. Selon nos informations, 5 avertissements ont été prononcés, fin 2012, dans l'affaire Ziri. Dans le dossier Marega, un conseil de discipline a été convoqué. Jusqu'ici, dans les affaires complexes, l'administration s'abritait derrière l'enquête judiciaire pour justifier son inertie administrative.

Laurent Borredon

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28 mars 2013 4 28 /03 /mars /2013 17:56

 

Rue89 - Le Yéti - voyageur à domicile

Publié le 28/03/2013 à 12h46

 

 

Tous aux abris ! La panique règne à la Banque centrale européenne (BCE) dirigée par Mario Draghi, suppôt comme chacun sait ou devrait savoir de la tristement célèbre Goldman Sachs. Alors les assiégés dressent les barricades pour sauver leurs coffres en péril. Deux éléments viennent conforter cette impression, révélés l’un par l’allemand Deutsche Wirtschaftsnachrichten, l’autre par Mediapart.

Chypre, c’est quoi cette embrouille ?

Les Deutsche Wirtschaftsnachrichten (en clair, Nouvelles économiques d’Outre-Rhin) vient de donner un éclairage avisé sur les dessous du plan de « sauvetage » de Chypre par la BCE.

Contrairement à ce qui s’était passé avec la décote des emprunts grecs, celle des obligations chypriotes était tout bonnement impossible car elles étaient liées en grande partie à de la dette grecque qui servait de garanties pour la BCE.

Avec la banqueroute des banques chypriotes, c’est la BCE elle-même qui aurait paumé quelque 12 milliards d’euros, et aurait déclenché un système automatique de transfert immédiat équivalent (Target 2) de la part des pays membres, en vrai argent sonnant et trébuchant. Trois milliards à débourser rien que pour l’Allemagne de Frau Merkel.

On comprend mieux l’acharnement de la Troïka, et plus précisément de Mario Draghi, à « sauver » coûte que coûte ce qui pouvait rester de l’édifice bancaire chypriote. Quitte à pulvériser le tabou de l’inviolabilité supérieure des créanciers et des actionnaires. Quitte à violer les règles mêmes de l’UE en matière de liberté de circulation des capitaux.

On comprend aussi que nos malfrats de Bruxelles ne peuvent plus laisser tomber l’euro sous peine de voir les protégés de créanciers perdre sèchement toutes les dettes issues d’un Target 2. Deutsche Wirtschaftsnachrichten :

« Vu sous cet angle, le hold-up organisé des banques chypriotes est ce qu’il y a de moins grave. Draghi et les sauveteurs de l’euro ne se battent pas pour sauver Chypre, ils se battent pour leur propre survie. »

La BCE sous la protection... du secret défense  !

Mediapart, décidément seul et unique média français d’investigation qui se respecte, vient de lever un autre faisan symptomatique de l’affolement qui saisit nos oligarques de Bruxelles et de Francfort.

La Cour de justice européenne vient de voler au secours de la BCE en lui accordant le bénéfice... du secret défense ! Ce qui exempte la forteresse de M. Draghi, déjà hors de tout contrôle démocratique, de rendre compte de ce qui y est commis si bon lui semble.

Chose qui tombe parfaitement bien quand on sait que cette décision fait suite à une demande de documents par l’agence Bloomberg pour savoir comment Goldman Sachs – où officiait alors un certain Mario Draghi – avait pu plumer la Grèce en faisant exploser son taux d’endettement. Martine Orange (Mediapart) :

« Lorsque la BCE s’était vu demander communication de ces documents, elle avait refusé au motif qu’ils étaient dépassés. L’embarras des instances européennes était d’autant plus manifeste que le sujet mettait en cause son contrôle, la responsabilité de Goldman Sachs et faisait peser le soupçon sur Mario Draghi. »

On le voit, les crabes défendent becs et pinces leur panier et sont prêts à tout, absolument tout, pour ne pas finir dans le court-bouillon d’une justice populaire qu’ils n’auraient pas volée. Il n’y a guère que dans la froidure nordique islandaise que des malandrins, difficilement présumables innocents de par la perversion intrinsèque du système qu’ils servaient, sont pour l’heure inquiétés.

Mais voici que se profilent pour 2014 des élections qui donneront amplement l’occasion de mettre ce linge sale européen sur la table. Et, qui sait, d’en profiter pour botter quelques culs.

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          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



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