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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 14:33

 

Rue89 - Arrêt sur images 05/04/2013 à 10h11

Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

 

Si l’on comprend bien, il y a deux hypothèses également terribles pour Hollande, à propos du compte Cahuzac. Première hypothèse, il savait, et il n’a rien fait. L’offensive monte, pour expliquer que la DCRI était forcément alertée de l’existence d’un compte suisse du ministre. On peut lire par exemple cette enquête de Sud-Ouest.

A l’instant, c’est Antoine Peillon, journaliste à La Croix et auteur de « Ces 600 milliards qui nous manquent » (éd. Seuil, mars 2012) (nous l’avions reçu dans cette émission) qui expliquait à Patrick Cohen que la DCRI ne se signalait pas par son zèle à poursuivre l’évasion fiscale. Pourquoi ? Peillon ne l’a pas précisé, mais ça se résume ainsi : tous mouillés. Tous ou presque détenteurs de comptes, de parts de sociétés offshore, tous adeptes de l’optimisation fiscale ?

Pas forcément, mais pire : tous pantouflards en puissance, dans des banques, dans les grandes sociétés françaises qui « offshorent » à tours de bras, chez des conseillers en optimisation fiscale. Tous en attente de quitter la vieille barque trouée de l’Etat, pour tripler ou décupler leurs revenus à l’extérieur.

Un mantra commun : le remaniement

Seconde hypothèse, et elle est presque pire : Hollande ne savait pas. Lors des fameuses séances d’explications « les yeux dans les yeux » avec Cahuzac, à aucun moment il n’a cuisiné son ministre sur la fameuse bande enregistrée, dont Cahuzac avait tant de mal à assurer que ce n’était pas lui qui s’y exprimait. Pire ? Oui. Que penser d’un Président incapable d’obtenir la vérité de l’un de ses ministres ? Qu’il est incompétent, ou qu’il est tenu ? Réjouissante alternative.

Le café du commerce se divise donc en deux écoles :

  • les « sachistes » (il savait),
  • les « ignoristes » (il ne savait pas).

Dans un cas, l’Etat est pourri jusqu’au sommet. Dans l’autre, c’est une passoire. Et les deux écoles de se retrouver, pour s’accrocher à un mantra commun : le remaniement (que n’y a-t-on pensé plus tôt ?)

Le tricheur est tellement plus attrayant

Les deux écoles ont un autre point commun : toutes deux préfèrent regarder le spectaculaire Cahuzac, plutôt que le trésorier de campagne Jean-Jacques Augier, et ses parts de société offshore en-toute-légalité, confessées à la presse sans aucune difficulté, dans les minutes ayant suivi leur révélation.

La figure du Traître majuscule est tellement plus hypnotisante que celle de l’optimisateur fiscal. Le Tricheur est tellement plus attrayant que le terrain de jeu, comme disait Lordon sur notre plateau de cette semaine, qui lui permet de tricher. Mais tant que le premier dissimulera le second, on se condamnera à ne pas récupérer de sitôt les fameux « 600 milliards qui nous manquent ».

Publié initialement sur
Arretsurimages.net
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6 avril 2013 6 06 /04 /avril /2013 14:16

 

 

Le Monde.fr | 06.04.2013 à 12h07 • Mis à jour le 06.04.2013 à 15h45

 

Par Marc Roche (Londres, correspondant)

 

 
La City peut compter sur l'expertise d'une armée d'avocats et de comptables pour concocter des structures financières offshore mettant l'argent à l'abri du fisc.

En matière de paradis fiscaux, le Royaume-Uni est un peu comme un aigle à deux têtes, deux visages qu'il ne montre jamais simultanément. Officiellement, le premier ministre britannique David Cameron a placé la lutte contre l'évasion fiscale au cœur de sa présidence du G8 cette année. Le chef du gouvernement souligne à qui veut l'entendre la récente signature d'échange de données avec la Suisse, les îles anglo-normandes et Man. Londres insiste à l'envi sur sa législation draconienne de lutte contre les fonds suspects.

Dans la réalité, la première place financière européenne de par sa perméabilité peut être considérée comme le paradis fiscal par excellence. "Onshore" (souverain) comme on dit dans le jargon, par opposition à "offshore" (extraterritorial).

Ainsi, les nombreux scandales qui ont récemment émaillé la chronique financière de la City – blanchiment de l'argent de la drogue, violation des sanctions internationales, évasion fiscale à grande échelle, commissions occultes dans des contrats d'armements – ont tous transité via des paradis fiscaux liés de près ou de loin à la City.

 

 RABATTEURS DE CAPITAUX APPROVISIONNANT LA CITY

L'espace britannique est le plus important sur l'atlas mondial de l'argent offshore. Cette zone inclut autour de la City les territoires de la Couronne ou les ex-colonies : Caïmans, îles anglo-normandes, Man, îles Vierges britanniques, Gibraltar, Hongkong, Irlande ou Dubaï. Ces lieux servent d'abord de rabatteurs de capitaux approvisionnant la City en liquidités. Les fonds collectés sont gérés par les banques du "square mille".

Par ailleurs, la City peut compter sur l'expertise d'une armée d'avocats et de comptables pour concocter des structures financières offshores mettant l'argent à l'abri du fisc. Avec l'aide de ce réseau, la gestion alternative – hedge funds, capital investissement... – dont Londres est le centre en Europe – dispose d'entités adéquates appelées Special Purpose Vehicles ou SPV, des "coquilles vides" permettant de minimiser l'impôt.

La constitution de trusts – autre spécialité britannique – dont on ne connaît pas le bénéficiaire, administrés par un cabinet juridique ou d'audit situé dans un paradis fiscal, brouille les pistes en permettant de dissimuler les avoirs.

 

TITRES BRITANNIQUES IMMATRICULÉS DANS LES ZONES OFFSHORES

Dans ces conditions, le silence médiatique qui a entouré au Royaume-Uni les révélations des Offshore Leaks est facilement compréhensible. Seul le Guardian, associé à l'enquête, a couvert l'affaire. Ailleurs, c'est le silence radio. Et pour cause, les propriétaires des titres britanniques sont souvent eux-mêmes immatriculés dans les zones offshores.

Les frères Barclays (Telegraph) sont résidents des îles anglo-normandes. Le groupe News Corp de Rupert Murdoch (Sun, Times, Sunday Times) est composé de 800 sociétés, dont la plupart sont domiciliées dans un havre fiscal. Il en est de même de Richard Desmond (Express), Evgeny Lebedev (Evening Standard, The Independent) ou Lord Rothermere (Daily Mail). Quant au Financial Times, le grand quotidien des affaires, il ne pratique guère le journalisme d'investigation. La City, Wall Street et les places asiatiques constituent après tout le premier client du journal aux pages saumon. 

Marc Roche (Londres, correspondant)

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 18:43

 

 

Marianne - Vendredi 5 Avril 2013 à 16:00

 

Michel Santi

 

L'économiste et analyste Michel Santi revient sur les ressorts du modèle allemand, doit-on s'en inspirer? Quels en sont les failles?

Les petites mains du Mur de Berlin - Markus Schreiber/AP/SIPA
Les petites mains du Mur de Berlin - Markus Schreiber/AP/SIPA
Doit-on s'inspirer du modèle allemand ? Oui - bien sûr ! -, si l'on en croit les statistiques du chômage, qui atteint 25 % en Espagne, près de 11 % en France et même 7,7 % aux Etats-Unis... comparé au taux de sans-emploi de 6,5 % en Allemagne ? Qu'attend donc le reste de l'Union européenne pour marcher dans les pas d'une Allemagne qui n'a de cesse de s'ériger en modèle absolu en termes de compétitivité de ses entreprises et de flexibilité de son monde du travail ?

En réalité, la forte décrue du chômage en Allemagne est entièrement redevable à une dérégulation intensive ayant favorisé la création d'emplois temporaires, ou à salaires très réduits. La flexibilité allemande n'a donc pu se réaliser qu'au prix de ces «minijobs» qui ont ainsi augmenté de 14 % entre 2005 et 2011 et qui concernent quelque 4,5 millions de salariés, dont les revenus se situent entre la moitié et les deux tiers de ceux du salarié moyen.

Le développement de ce travail à la précarité sans précédent devait néanmoins représenter une aubaine pour des entreprises qui, dès lors, furent promptes à accélérer leurs embauches. L'essor de cette catégorie d'emplois fut trois fois plus important que celui qui concernait les emplois «traditionnels», durant cette période considérée. De fait, les toutes récentes statistiques émanant de l'OCDE indiquent que les emplois à bas (voire à très bas) salaires représentent 20 % de la masse salariale allemande, par rapport à 13 % en Grèce et à 8 % en Italie...

Il va de soi que, dans un contexte de salaires qui atteignent un maximum de 400 € par mois, les employeurs n'ont plus aucune motivation à embaucher sur la base de contrats de travail à durée indéterminée. Ce qui explique qu'un salarié allemand sur cinq perçoit aujourd'hui 400 € par mois, et que les contrats à durée indéterminée sont progressivement scindés en un ou en plusieurs «minijobs». Le tout, dans un cadre allemand où le salaire minimum est banni des dictionnaires comme des lois.

La création de toutes pièces de cette sous-classe de travailleurs est le résultat d'une entreprise planifiée dès le début des années 2000 par le chancelier de l'époque, Gerhard Schröder. Si la fédération patronale allemande se positionne contre l'instauration du salaire minimum, accusé de créer le chômage en augmentant le coût du travail, c'est qu'elle est totalement soutenue par un cadre légal et par l'écrasante majorité des partis politiques peu enclins à s'apitoyer sur ces salariés et sur ces travailleurs sous-payés.

Ces derniers n'ont nullement bénéficié du redressement spectaculaire de leur pays à la suite de sa réunification. Bien au contraire, ils ont subi une décapitation de leurs revenus ces dix dernières années. Le miracle allemand n'est en effet que mirage - voire cauchemar - pour une partie importante des travailleurs allemands, en l'occurrence pour près de 5 millions d'entre eux ! N'oublions pas les déclarations tonitruantes de Schröder à la tribune du World Economic Forum en 2005, qui annonçait fièrement avoir «créé un des meilleurs secteurs d'Europe en termes de bas salaires»...

Cette masse de «minijobs» exerce des effets pernicieux sur l'ensemble des pays d'Europe périphérique. Ces misérables salaires octroyés dopent, bien sûr, les exportations du pays tout en restreignant considérablement sa capacité à consommer, et donc à importer. L'incontestable compétitivité allemande - qui se réalise au détriment d'une immense masse salariale - est donc aussi une authentique plaie pour les nations en pleine crise. De manière bien compréhensible, celles-ci se montrent incapables d'exporter vers l'Allemagne et vers les Allemands qui n'ont pas les moyens de se payer des produits espagnols, italiens ou portugais.

Ainsi, la politique allemande représente une des failles structurelles majeures de l'Union européenne, car elle y impose et y instaure une déflation généralisée. La seule et unique formule permettant aux entreprises européennes périphériques de gagner en compétitivité consiste logiquement en des réductions généralisées des salaires de leurs travailleurs afin de tenter de concurrencer les marchandises allemandes à l'exportation et de vendre aux consommateurs de ce pays. Comment les politiques et les chefs d'entreprise allemands ont-ils aujourd'hui le cran d'ironiser sur les économies européennes périphériques - voire de les stigmatiser - quand la quasi-intégralité de la croissance allemande reste redevable à l'appétit de consommation et à l'endettement de ces nations ?

Il est donc urgent d'augmenter aujourd'hui les salaires de ces «minijobs» allemands afin de faciliter et de promouvoir un transfert équitable des richesses et des revenus à l'intérieur même de l'Union. Car les déséquilibres touchant un pays de l'importance de l'Allemagne exercent à l'évidence un impact nuisible sur toute la zone. N'est-il pas temps de commencer à avoir un regard (très) critique vers cette dynamique de compétitivité allemande, tant admirée, mais qui s'apparente plus à une machine à créer de l'injustice et des déséquilibres ?

 

 

 

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 18:28

 

Rue89 - Le Yéti - voyageur à domicile

 Publié le 05/04/2013 à 16h33

 

 

Le Monde, associé à l’opération Offshore Leaks, annonce détenir 130 noms de Français impliqués dans cette vaste opération d’escroquerie de riches. Mais à ce jour, seul le premier d’entre eux, Jean-Jacques Augier, proche de François Hollande, a véritablement été rendu public.

Anne Michel, journaliste du Monde, prévient :

« Et, jusqu’où aller dans la révélation des noms ? Le gros entrepreneur régional qui cache ses plus-values aux Caïmans vaut-il autant que le responsable politique à qui la charge confère un devoir d’exemplarité ? Que disent nos recherches du visage de l’évasion fiscale de la société et du rapport à l’impôt ? »

Au nom de la loi

Etrange pudeur ! Sauf à y voir une opération commerciale de communication visant à étendre les révélations dans le temps pour faire durer le suspens et vendre un peu plus de papier, on peut légitimement se demander ce qui motive cette étrange rétention d’informations.

On a connu nos médias beaucoup moins scrupuleux quand il s’agissait de livrer en pâture le nom de tel ou tel voleur de poules présumé.

Eh bien, figurez-vous que le motif officiel de ce silence pudique serait précisément la « légalité » invoquée par certaines des « victimes » expiatoires pour justifier leurs actes. Jean-Jacques Augier :

« Je n’ai rien fait d’illégal. »

 

 

Interview de Jean-Jacques Augier par BFMTV-RMC

Cerise sur le gâteau du « légalisme », le trésorier de campagne indélicat n’aurait à l’écouter ni tiré, ni cherché le moindre avantage fiscal de ses opérations. D’ailleurs initiées presque à l’insu de son plein gré par d’obscures partenaires chinois. On se demande vraiment quelle peut bien être la motivation de toutes ces gesticulations financières tordues.

Secret défense ?

Que monsieur l’ex-fonctionnaire à l’inspection des finances nous pardonne de nous interroger légitimement sur la légitimité des lois dont il se réclame. Enfin quoi, ne nous avait-on pas dit déjà il y a quelques temps que ces horreurs de paradis fiscaux, c’était « fini », qu’ils devaient être mis « au ban de la communauté internationale » ?

En attendant, très peu de noms ont à ce jour filtré parmi les dizaines de milliers de fraud... optimisateurs fiscaux figurant sur les 2,5 millions de fichiers fuyards. Le Monde annonce son attention de dévoiler bientôt « une dizaine de noms ». Dix sur cent trente, ça n’est tout de même pas bézef ! Secret défense ? Wikileaks au moins publiait ses documents bruts.

Au bout du compte, à quoi sert donc une aussi vaste enquête, si c’est pour entendre les enquêteurs du microcosme nous dire qu’ils savent ce que nous ne saurons pas ? Le grand public est-il voué à demeurer dans la même ignorance crasse que l’ineffable président Hollande ?

« Je ne connais rien des investissements de Jean-Jacques Augier. »

Bon, me direz-vous, celui-là ne savait pas non plus que la crise allait être aussi dure et si longue. Et ignorait superbement (dit-il) « l’outrage » de son ministre Cahuzac. Sait-il encore, au moins, qu’il est toujours (mais pour combien de temps au juste ?) président de la République française ?

 

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5 avril 2013 5 05 /04 /avril /2013 18:05

 

Le Monde | 05.04.2013 à 10h29 • Mis à jour le 05.04.2013 à 14h21

 

 

 

 

Durée : 04:20  |  Images : Le Monde / Infographie : Jacques Louradour, Marianne Boyer / Journaliste : Anne Michel / Voix : Jean-Guillaume Santi / Direction : Serge Michel et Patricia Forlini

Filiales dans des paradis fiscaux, montage de sociétés offshore, utilisation de prête-noms pour cacher les bénéficiaires réels de compte cachés : selon les documents sur lesquels "Le Monde" a enquêté dans l'affaire "Offshore Leaks", le Crédit agricole et BNP Paribas ont utilisé des circuits financiers opaques pour aider leurs clients à pratiquer l'évasion fiscale.

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 19:53

 

 

 

Médiapart - Blog - 04 avril 2013 Par Fondation Copernic

 

 

Le Parlement est saisi du projet de loi du gouvernement qui transcrit l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu le 11 janvier 2013 par le patronat et trois syndicats représentant une minorité de salariés. Ce projet de 47 pages est souvent réduit à un échange entre un peu plus de « flexibilité » et un peu plus de sécurité. En réalité, l’accord est 100 % perdant pour les salariés. Démonstration en 7 questions-réponses du collectif unitaire contre l'ANI, qui appelle à participer à la journée d'action du 9 avril 2013 décidée par les syndicats CGT, FO, FSU et Solidaires.

Le texte qui suit est également disponible en pièce jointe (mis en forme aux fins de diffusion/distribution).

 

1. La taxation des « contrats courts » va faire reculer la précarité ? FAUX

La hausse des cotisations chômage envisagée coûtera aux employeurs 6 euros de plus par CDD. Et les emplois intérimaires ne sont pas concernés ! Les employeurs ricanent et ils ont bien raison. Car ils ont obtenu en contrepartie une baisse des cotisations sociales sur certains CDI qui leur rapportera davantage que cette « taxation » dérisoire. Globalement, le patronat y gagne 50 millions d’euros.

 

2. L’accord encourage le chantage à l’emploi et aux baisses de salaires ? VRAI

Les accords dits de « maintien dans l’emploi » sont en réalité un chantage généralisé à l’emploi pour mieux sécuriser les profits. Avant cette loi, les salariés de Bosch, de Continental ou de General Motors les ont déjà expérimentés : baisse des salaires, augmentation du temps de travail… et des milliers de licenciements par la suite ! Or la loi généralise ces accords, même dans les entreprises sans syndicats. Les salariés ne pourront plus refuser cette modication du contrat de travail comme aujourd’hui : ce sera le licenciement économique automatique.

 

3. « Généralisation » de la complémentaire santé : un affaiblissement de la Sécu ? VRAI

Avec la dégradation de la couverture de base par la Sécurité sociale, impossible aujourd’hui de se soigner sans couverture complémentaire. La plupart des salariés ont aujourd’hui une couverture complémentaire, mais pas nécessairement par leur entreprise. Généraliser cet accès n’est pas la solution, c’est le problème ! C’est la porte ouverte à de nouvelles dégradations de la couverture de base. C’est surtout une nouvelle aubaine pour les assureurs privés dont le chiffre d’affaires a augmenté de 120 % en 10 ans (9 % par an !) grâce à la CMU.

 

4. Les employeurs pourront forcer les salariés à être « mobiles » ? VRAI

Les employeurs pourront exiger des changements de lieu et/ou de poste de travail après un accord d’entreprise censé les encadrer… Si le salarié refuse cette modication de son contrat de travail, il sera licencié pour motif économique, l’entreprise n’ayant même pas d’obligation d'établir un plan de reclassement (ou un PSE), quel que soit le nombre de salariés concernés.

 

5. Un temps partiel moins précaire et davantage choisi ? FAUX

L’accord prévoit une durée plancher de 24 heures. Or il n’y a là rien de neuf pour plus de 50 % des salarié-e-s à temps partiel qui sont déjà à 24 heures ou plus. Ni pour les salariés travaillant chez des particuliers, les plus touchés par ces mini-horaires… mais exclus de cette mesure. Et de nombreuses autres possibilités de dérogation existent, notamment « à la demande écrite et motivée du salarié » ! Un véritable plancher percé. Très inquiétant : l’accord légalise une pratique aujourd’hui illégale - celle des « avenants temporaires » (ou « compléments d’heures ») - qui permet de faire varier la durée du travail sans majoration de salaire. Selon les branches, jusqu’à 8 avenants par an pourront être imposés sans majoration de salaire ! Les femmes (85 % des temps partiels) seront encore plus corvéables.

 

6. Les licenciements économiques sont facilités ? VRAI

S’il y a un accord syndical « majoritaire », l’employeur pourra changer la plupart des règles actuelles : information des salariés, recours à un expert, contenu du plan de sauvegarde. Sans accord syndical, l’employeur pourra faire son propre plan ! Il lui suffira, après avoir simplement consulté le comité d’entreprise, d’obtenir une homologation administrative. En 21 jours chrono, son plan pourra ensuite être mis à exécution. Les licenciements boursiers ont de beaux jours devant eux !

 

7. La réforme des délais de recours en justice encourage les abus patronaux ? VRAI

Plus question ici de flexibilité. Il s’agit de « sécuriser »… les employeurs. D’abord en réduisant les délais de recours des salariés aux prud’hommes : de 5 ans à 3 ans pour les salaires et 2 ans pour les autres questions. Ensuite avec des barèmes de conciliation bien inférieurs aux droits réels que les salariés peuvent obtenir actuellement devant les prud’hommes.

 

Ce projet de loi représente une atteinte très grave au code du travail déjà malmené par 20 années de reculs sociaux. Une nouvelle journée d'action syndicale aura lieu le mardi 9 avril 2013.Notre collectif appelle tous les députés, notamment à gauche, à refuser de voter une loi de régression sociale. Nous appelons les citoyennes et les citoyens à agir auprès de leurs élus pour bloquer cette loi scélérate !

 

Le collectif unitaire rassemble : Attac, CADAC, CGT Commerce Paris, CGT Hôtels Prestiges et Economiques, CGT-Finances, CNDF, CNT-Solidarité ouvrière Ile-de-France, Convergence de défense et développement des services publics, Convergences & Alternative, Fédération pour une alternative sociale et écologique, Fondation Copernic, FSU, Gauche anticapitaliste, Gauche unitaire, Les Alternatifs, Les efFRONTé-e-s, Marches européennes contre le chômage, Mouvement des jeunes communistes de France, Mouvement national des chômeurs et précaires, Nouveau parti anticapitaliste, Osez le féminisme !, Parti communiste français, Parti communiste des ouvriers de France, Parti de gauche, Réseau féministe « Ruptures », Résistance sociale, République & Socialisme, UNEF, Union syndicale Solidaires...

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 19:14

 

 

Médecin dans le public, conseiller au ministère de la Santé, dirigeant d'une société de conseil pour le secteur pharmaceutique, chirurgien esthétique, élu local, ministre du Budget… La députée européenne Michèle Rivasi (EELV) explique en quoi le parcours de Jérôme Cahuzac illustre le conflit d'intérêts entre deux mondes « dont les objectifs diffèrent : l'un le profit immédiat, l'autre l'intérêt général »


La Ve République agonise, et l'affaire Cahuzac pourrait porter un coup aussi fatal que nécessaire à nos institutions déboussolées par l'affairisme d'une minorité.

Pour ne pas répéter ce que vous avez déjà pu entendre maintes fois, je ne traiterai pas ici des ressorts fiscaux de cette affaire puisque seule la justice est à même de s'intéresser aux faits reprochés à M. Cahuzac. 

Non, en tant que femme politique intéressée par les conflits d'intérêts –et notamment ceux liés à l'industrie pharmaceutique– il me paraît plus important de s'intéresser aux doutes qui planent autour de l'origine des fonds précieusement gardés en Suisse. Mais surtout de s'intéresser aux certitudes concernant le parcours de M. Cahuzac, un parcours politique caractérisé par une confusion des genres néfaste pour la vitalité d'une démocratie exemplaire. 

Public/Privé - Institutions/Entreprises : la confusion des genres, un fléau pour la santé de nos institutions

Dès mes premiers pas en politique, après la création en 1986 de la Criirad (Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité), j'ai pu constater que le monde politique souffrait d'une schizophrénie que les meilleurs laboratoires n'ont su traiter. 

Jean Syrota, qui fut directeur de la Cogema (ex-Areva) entre 1988 et 1999, fut ma première surprise et non des moindres. Pendant l'exercice de ses fonctions à la Cogema, il fut aussi vice-président du Conseil général des mines (CGM, de 1993 à 1997), l'organisation qui chapeautait les Drire (Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement). En bref, l'organisation en charge de la radioprotection et de la sûreté nucléaire –et donc de l'inspection des centrales nucléaires françaises– était dirigée par le PDG de l'industrie nucléaire... qui décidait de la nomination des directeurs d'agences régionales. Incroyable conflit d'intérêts... et pourtant l'Etat français a laissé faire, jusqu'à ce que la pression des associations antinucléaires finisse par payer et que Syrota quitte la vice-présidence du CGM.

Ce cas est spécifique puisque le cumul des deux fonctions était simultané, mais aujourd'hui le mélange des genres continue de faire des ravages et le pantouflage dans le privé devient une norme inquiétante. Pire, nous n'en sommes plus au simple passage du public au privé –pantouflage grassement rémunéré pour l'expertise et le réseau que l'ex-fonctionnaire apportera– mais aux allers-retours entre le privé et le public. Appelé revolving doors (portes tournantes) au niveau européen, ce système nuit terriblement à la confiance que nous pouvons avoir dans nos institutions, gangrénées par un lobbying s'insinuant incessamment. 

Laboratoires pharmaceutiques : ce que l'affaire Mediator m'a appris

C'est bien la complaisance de nos institutions qui est à l'origine du malaise démocratique. Et j'ai encore pu le constater à de nombreuses reprises lors de mon mandat de députée européenne, quand j'ai fait la guerre aux pions que l'industrie pharmaceutique (dont Servier) avait placés dans les agences sanitaires, qu'elles soient françaises ou européennes.

En France, est-il utile de rappeler que la Commission de la transparence, dépendante de la Haute autorité de santé, rendait en 1999 un avis défavorable au remboursement pour « absence d'intérêt thérapeutique » du Mediator ?! Oui, car l'avis n'a pas été suivi par le ministère de la Santé pour d'obscures raisons, aujourd'hui évidentes. En 2003, le médicament est retiré du marché espagnol, en 2005 il figure dans la liste des produits retirés de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, il faudra attendre qu'Irène Frachon publie son livre pour que le scandale éclate et que le médicament soit enfin retiré. Une situation liée aux nombreuses entrées de l'industrie pharmaceutique en France, mais aussi en Europe, que ce soit le fait d'une camaraderie ancienne ou de l'infiltration des comités d'experts.

Suite à mon interpellation de l'Office européen anti-fraude (OLAF), nous avons su faire du ménage dans le Comité d’évaluation des médicaments à usage humain (CHMP) de l’Agence européenne du médicament où siégeait Eric Abadie. Cet ancien directeur des affaires médicales du syndicat des industries pharmaceutiques a été à l'origine du blocage du retrait du Mediator en France. Comment s'en étonner ? Et que penser des experts siégeant dans les multiples agences sanitaires qui espèrent se reconvertir dans le privé par la suite ? Quelle indépendance supposée ont-ils dès lors qu'ils ne souhaitent pas se fermer des barrières dans le monde de l'entreprise ? Vont-ils interdire l'autorisation de mise sur le marché (AMM) d'un médicament proposé par un laboratoire qui pourrait grassement les payer à l'avenir ?! Ces questions gênent, il faut pourtant trouver des garde-fous au mélange des genres, établir une barrière s'affranchissant de la porosité des intérêts. 

Le problème ne s'arrête pas là : les laboratoires pharmaceutiques pratiquent le chantage à l'emploi (éventuelles délocalisation/fermeture d'usine) dès lors que le monde politique contraint leurs marges réalisées grâce à la fixation du prix des médicaments et leur remboursement par la Sécurité sociale.

Le plus inquiétant dans tout cela ? Les conflits d'intérêts et pressions effectuées dans le domaine médical ont un impact direct sur la santé des gens, mais aussi sur le déficit de la Sécurité sociale, pourtant garante du modèle social français.

Le parcours professionnel de Jérôme Cahuzac : une confusion permanente

Médecin de formation, Jérôme Cahuzac fait partie des acteurs de ce système vicié. Après avoir exercé comme médecin dans le public, il rejoint le ministère de la Santé en 1988 comme conseiller technique. Il jouait alors l'interface entre son ministère et la Direction de la pharmacie et du médicament, qui était notamment en charge de l'attribution du prix des médicaments... ce qui lui a permis d'établir des liens étroits avec l'industrie pharmaceutique mais aussi d'acquérir l'expertise nécessaire à la mise sur le marché des médicaments en France. 

Selon des informations du journal Sud-Ouest, les laboratoires Pierre Fabre auraient bénéficié de la sympathie du ministère de la Santé en 1989 : son médicament Mexapa bénéficiait d'un prix de vente trois fois supérieur à celui de ses concurrents. Le genre de cadeaux qu'un laboratoire pharmaceutique n'oublie pas. D'ailleurs, à l'époque, les entreprises pouvaient encore financer les campagnes électorales et les labos ne s'embarrassaient pas à choisir un poulain : ils arrosaient de leur argent les candidats de droite comme les candidats de gauche et gardaient ainsi l'assurance d'avoir leurs entrées aux portes du pouvoir.

Pour M. Cahuzac, l'acquisition des connaissances nécessaires aux autorisations de mise sur le marché (AMM), couplée au développement d'un réseau conséquent au sein du monde pharmaceutique... c'était une double opportunité rêvée pour se reconvertir dans le privé ! L'ancien conseiller ne tarde pas à en profiter en créant Cahuzac Conseil (en 1993), une société de conseil exclusivement dédiée au secteur pharmaceutique, dont le chiffre d'affaires annuel avoisinait ou dépassait le million de francs. Facile de trouver des clients, encore plus facile de les satisfaire grâce à ses connaissances du fonctionnement des AMM, ou de fixation des prix des médicaments.

En plus des revenus liés à sa clinique, il fit rapidement fortune et la chronologie des évènements fait penser qu'il aurait pu placer cet argent sur son compte en Suisse. Cet enrichissement ne l'empêcha pas de vouloir briguer un mandat électif, la soif de l'argent n'étanchant pas automatiquement celle de pouvoir.

Et c'est là que le bât blesse puisqu'il bénéficia encore par la suite de relations douteuses avec l'industrie pharmaceutique. Quand il devint maire de Villeneuve-sur-Lot, les laboratoires Fabre et Upsa financèrent tout naturellement les associations sportives du coin. Rien d'illégal, et c'est bien là le problème : la collusion est institutionnalisée. Et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg... l'enquête judiciaire pourrait révéler des surprises. 

Quelles solutions pour limiter l'influence du monde économique sur le monde politique ? 

Tant que l'on ne réglementera pas de manière contraignante la carrière de ces professionnels de la confusion des genres, l'on ne pourra améliorer le fonctionnement de nos institutions et on continuera d'avoir des Cahuzac bis à des postes stratégiques. 

Je suis personnellement déçue par le peu d'engagements pris par François Hollande suite au Conseil des ministres. La publication et le contrôle sur les patrimoines des ministres et des parlementaires ne suffisent pas, même si c'est nécessaire. Ce qui compte n'est pas d'où l'on vient et ce que l'on possède déjà, mais où l'on souhaite aller et l'argent que l'on compte amasser. 

Il faudrait idéalement imposer des règles pour la période de transition entre le privé et le public (et inversement), en empêchant ces salariés de bénéficier d'une connaissance des dossiers qui frise la violation du secret professionnel. Cette période pourrait être de deux ans pour éviter de perturber et d'influencer un processus législatif et/ou décisionnel en cours.

Il faudrait aussi étendre les contrôles des conflits d'intérêts à l'ensemble des cabinets ministériels, et non aux seuls ministres, mais aussi aux personnalités exerçant des postes décisionnaires au sein des multiples agences de l'Etat. 

Pour y parvenir, il est évident qu'il faudra mettre des moyens financiers conséquents afin d'embaucher le personnel compétent et nécessaire au contrôle des déclarations d'intérêts. C'est un enjeu politique impératif pour barrer la montée des extrêmes et leur réducteur « tous pourris ». 

Enfin, la fin du cumul des mandats –qui était un des engagements de François Hollande– doit être une priorité politique du gouvernement. C'est en limitant le nombre de mandats dans le temps que l'on empêchera les collusions de se faire trop fortes. C'est en limitant le cumul des mandats que l'on rendra plus transparente la vie politique. Ce sont les ingrédients indispensables au renforcement de la confiance entre l'opinion et ses dirigeants. 

Alors que la lutte contre la fraude fiscale est un combat récent et nécessaire pour rétablir la justice économique, la lutte contre les conflits d'intérêts est le dernier rempart protégeant la confiance dans notre démocratie.

Au-delà de la fraude fiscale, le cas Cahuzac devrait nous faire réfléchir sur les limites que l'on doit imposer aux collusions entre deux mondes dont les objectifs diffèrent : l'un le profit immédiat, l'autre l'intérêt général. Nul doute que cette affaire de fraude fiscale n'aurait jamais eu lieu sans un enrichissement défiant la morale républicaine.

Michèle Rivasi, députée européenne Europe Ecologie-Les Verts

 

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 18:07

Les derniers rebondissements de l'affaire Cahuzac, la grande enquête journalistique internationale lancée sous l'égide de l'ICIJ, montrent que l’argent, quand il devient une fin en soi, avoisine le crime dans sa volonté d’échapper aux lois communes. L’évasion fiscale n’est pas à la marge mais au centre d’une économie devenue mafieuse parce que livrée à la finance.

Mediapart s'est engagé de longue date dans cette lutte nécessaire contre la fraude fiscale. Sans grand succès du côté du pouvoir. Nous republions ci-dessous un article de septembre 2012, rédigé en pleine polémique sur le départ belge de la première fortune française et quatrième fortune mondiale, Bernard Arnault. Il faut le lire en ayant à l'esprit ce que nos enquêtes, notamment sur l'affaire Cahuzac, ont confirmé depuis, à savoir le caractère presque banal de ces pratiques dans des milieux dirigeants, aussi bien économiques que politiques.

C'est ainsi que l'investigation internationale menée par  l'ONG américaine International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ) a permis d'apprendre que l'homme d'affaires Jean-Jacques Augier, ancien énarque passé de la fonction publique au privé, était actionnaire de sociétés offshore aux îles Caïmans alors même qu'il fut aussi trésorier de la campagne présidentielle de François Hollande, son compagnon de promotion à l'ENA (lire ici notre résumé des informations du Monde).

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En 1937, après la réélection de Franklin Delano Roosevelt pour un deuxième mandat présidentiel, les États-Unis d’Amérique accentuaient leur sursaut démocratique et social face à une crise de même ampleur que l’actuelle, tandis qu’en Europe, nazisme et fascisme imposaient leur barbarie jusqu’à l’inévitable basculement dans la guerre mondiale. Le 21 mai de cette année-là, Henry Morgenthau Jr., le ministre des finances américain, transmit à son président une Note du Trésor sur la fraude et l’évasion fiscales (lire ici sa traduction française).

« Année après année, écrivait-il, l'enquête sur les rentrées de l'impôt sur le revenu révèle le combat toujours plus acharné des individus fortunés et des entreprises pour ne pas payer leur juste part des dépenses de leur gouvernement. Bien que le Juge Holmes (figure respectée de la Cour suprême) ait dit que “les impôts sont le prix à payer pour une société civilisée”, trop de citoyens veulent la civilisation au rabais. »

Ne pas payer ses impôts, chercher à s’y soustraire ou à y échapper, c’est donc faire le choix de la barbarie du chacun pour soi contre la civilisation du tous pour chacun. Quand il devient un absolu, la fin et la mesure de toute chose, l’argent n’est plus qu’une arme sauvage au bénéfice d’une liberté aveugle, destructrice de la société, des liens et des solidarités qui la font tenir. Quand tout s’achète, il n’y a plus de principe et de valeur qui vaille, et la loi elle-même ne vaut plus rien. La fiscalité n’est pas l’ennemie de la liberté, qui comprend celle de s’enrichir. Mais elle civilise cette liberté individuelle en l’insérant dans une relation collective où chacun, à la mesure de ses moyens, contribue à la richesse nationale, afin qu’il y ait des écoles, des hôpitaux, des routes, etc., dans l’espoir qu’ainsi, personne ne sera laissé en dehors de la cité commune.

Quand les leaders de la droite – François Fillon, par exemple – se lamentent sur le sort de Bernard Arnault, ils dévoilent leur faible souci de l’intérêt général et leur grande sollicitude pour quelques intérêts privés. Ce fut d’ailleurs leur politique, notamment sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy : que le peuple dans son acception la plus large paye toujours plus et encore ; que les très riches payent de moins en moins afin de s’enrichir de plus en plus (lire ce rappel par Laurent Mauduit). Mais cet appel à l’incivisme et cet éloge de l’illégalisme vont au-delà : écho à la radicalisation extrémiste de la droite américaine, dont les tentations fascisantes ont une liberté aveugle pour étendard (lire l’article de Thomas Cantaloube sur leur maître à penser, Ayn Rand), ils diffusent une pédagogie politique funeste qui érige le droit du plus fort, parce que le plus fortuné, en norme sociale.

D’où ce détour par un passé américain plein d’à présent européen, qui permet de prendre toute la mesure de cette régression intellectuelle. La raison de la note du ministre Morgenthau était la moindre ampleur que prévu des rentrées fiscales pour l’année 1936, notamment parce que les plus riches se débrouillaient pour échapper à l’effort collectif.

Énumérant les procédés utilisés, parmi lesquels au premier chef les paradis fiscaux, et citant nommément certains des milliardaires concernés, le ministre des finances américain insistait sur l’amoralisme de ces combines en opposant ces profiteurs à tous les autres acteurs de l’économie – salariés, commerçants, entrepreneurs –, tout comme, dans la France d’aujourd’hui, le patron du numéro un mondial du luxe, LVMH, ne dit en rien la vérité d’un tissu industriel hexagonal fait de petites et moyennes entreprises.

« Nous avons encore beaucoup trop de cas de ce que j'appellerai la fraude morale, écrivait donc Morgenthau à l’attention du président Roosevelt, c'est-à-dire la mise en échec des impôts par des moyens douteux qui n'ont pas d'objectif ni d'utilité réels pour les affaires, et auxquels un homme vraiment honnête n'aurait pas recours pour réduire ses impôts. Votre gouvernement s'est distingué en exigeant un niveau plus élevé de moralité dans les relations commerciales. Nous avons besoin d'un niveau plus élevé de moralité dans les rapports du citoyen avec son gouvernement. (…) Le salarié moyen et le petit commerçant n'ont pas recours à de tels procédés. La grande masse de nos déclarations sont faites honnêtement. Le fait que les soi-disant leaders du monde des affaires fraudent le fisc ou y échappent est non seulement préjudiciable aux rentrées fiscales, mais il l'est aussi pour ceux qui se livrent à ces actes. Il ajoute à la charge fiscale des autres membres de la communauté, qui en portent déjà leur part bien qu'ils aient moins de moyens. La réussite de notre système fiscal dépend autant d'une bonne administration par le Trésor public que de déclarations complètement honnêtes par les contribuables. Et nous sommes en droit d'attendre des gens haut placés une moralité plus élevée que celle dévoilée par les déclarations de 1936. »

 

Parti de l'argent et parti du crime

Cette alarme contre la fraude et l’évasion fiscales relevait des travaux pratiques d’une politique sans ambiguïté du New Deal vis-à-vis de la taxation des plus riches. « Les impôts sont les cotisations que nous payons pour jouir des privilèges de la participation à une société organisée », déclarait Roosevelt en 1936, deux ans après le vote du Revenue Act qui remit à plat les règles d'imposition des hauts revenus.

Les personnes gagnant plus de 200 000 dollars (soit un million de dollars aujourd'hui) par an furent alors taxées à hauteur de 63 %. La loi fut révisée en 1936, augmentant le taux à 79 %, qui atteindra même 91 % en 1941. Pendant près d’un demi-siècle, soit jusqu’à la contre-révolution reaganienne et thatchérienne, les États-Unis connaîtront un taux marginal d'imposition sur les très hauts revenus proche de 80 % (lire cette mise au point de Thomas Piketty)

 

 

Mais, comme le soulignait hier la note américaine de Henry Morgenthau et comme l’illustre aujourd’hui la tentation belge de Bernard Arnault, il ne suffit pas d’imposer plus fortement les plus riches : il faut aussi, sinon surtout, empêcher qu’ils fraudent et que leurs fortunes s’évadent, de même que les délinquants fuient la juste rigueur de la loi et que le crime prolifère à l’abri d’une économie parallèle. Et ce n’est pas une petite affaire tant, ces quarante dernières années, l’évasion fiscale n’a cessé de gangrener le cœur de l’économie mondiale, de se professionnaliser financièrement et de se barricader juridiquement, au point de devenir une citadelle imprenable, opaque et secrète à la manière d’un trou noir où s’abrite, se renforce et se conforte une dangereuse « mafiosisation » du monde.

Affirmer ce lien d’essence entre parti de l’argent et parti du crime, entre des organisations qui, par-delà leurs dissemblances, la respectabilité des unes, la clandestinité des autres, n’ont d’autre loi que le profit et d’autre règle que le secret, n’est pas un propos d’illuminé ou d’agité. Dans son fameux discours du 31 octobre 1936, au Madison Square Garden, à la veille de sa réélection (lire ici sa version française), Roosevelt lui-même n’y avait pas été par quatre chemins (comme le rappelait déjà ici même Antoine Perraud).

S’en prenant aux « vieux ennemis de la paix », dont au premier chef « le monopole industriel et financier, la spéculation, la banque véreuse », le leader démocrate poursuivait ainsi : « Ils avaient commencé à considérer le gouvernement des États-Unis comme un simple appendice à leurs affaires privées. Nous savons maintenant qu’il est tout aussi dangereux d’être gouverné par l’argent organisé que par le crime organisé. »

L’argent organisé à même enseigne que le crime organisé, clamait Roosevelt, allant bien au-delà de cette « finance anonyme » évoquée comme son « ennemi » par le candidat François Hollande (lire notre compte-rendu du meeting du Bourget). Pas si anonyme et, surtout, criminelle ! De fait, le ministre des finances déjà cité, Henry Morgenthau, ajoutera à sa lutte contre la fraude et l’évasion fiscales le combat contre la corruption et le crime organisé. Que diraient aujourd’hui ces réformateurs radicaux, convaincus que l’exigence démocratique n’était pas l’affaire des tièdes, au spectacle des dérégulations ultralibérales qui, en quelques décennies, nous ont légué un monde où l’argent est roi et le crime son maître ? Oui, le crime, c’est-à-dire le refus des lois et la violation des règles, dans un climat de lâcheté et d’indécence, de renoncement des États et d’arrogance des oligarques. Et un crime que la crise, loin de le faire reculer, a conforté.

 

 

Car telle est la réalité de notre monde devenu la proie d’un capitalisme sans entraves : les paradis fiscaux en sont le cœur. Non pas la marge, l’exception ou la dérive, mais la norme. Ce noir tableau est brossé par Nicholas Shaxson, auteur de la plus récente bible sur le sujet (l’édition originale anglaise est de 2011) :

« Les paradis fiscaux sont partout. Plus de la moitié du commerce international – du moins sur le papier – passe par eux. Plus de la moitié de tous les actifs bancaires et un tiers des investissements directs à l’étranger des multinationales transitent par des centres financiers off-shore. Environ 85 % des opérations bancaires internationales et des émissions d’obligations sont effectuées via ce que l’on appelle l’Euromarket, un espace off-shore apatride. Le FMI a évalué en 2010 que le bilan cumulé des petits paradis fiscaux insulaires s’élevait à 18 000 milliards de dollars – une somme équivalente à un tiers du PIB mondial –, précisant que ce montant était sans doute sous-estimé. La Cour des comptes américaine a révélé en 2008 que 83 des plus grandes entreprises du pays possédaient des filiales dans les paradis fiscaux. L’année suivante, une enquête du Tax Justice Network nous a appris que 99 des 100 plus grandes entreprises européennes avaient recours à des filiales off-shore. Dans chaque pays, les banques sont les sociétés qui, de loin, recourent le plus aux paradis fiscaux. »

Les travaux pionniers de Gabriel Zucman, un jeune chercheur de l’École d'économie de Paris, ont permis d’évaluer ce qu’il nomme « la richesse manquante des nations » : environ 8 % du patrimoine financier des ménages est détenu dans des paradis fiscaux à l’échelle mondiale. « Fin 2008, expliquait-il dans un entretien à La vie des idées, le patrimoine financier des ménages – c'est-à-dire les dépôts bancaires, les portefeuilles daction, les placements dans des fonds d'investissement et les contrats d’assurance-vie détenus par les ménages du monde entier – s’élevait à 75 000 milliards de dollars. Les ménages détenaient donc environ 6 000 milliards de dollars dans les paradis fiscaux. »

Dans une nouvelle étude, toute récente (septembre 2012, à télécharger ici, en anglais), Gabriel Zucman et son collègue Niels Johannesen montrent que la prétendue action du G20 contre les paradis fiscaux « a jusqu’à présent largement échoué » : « Il y a autant d’argent dans les paradis fiscaux aujourd’hui qu’en 2009, et les fonds se déplacent vers les paradis fiscaux les moins coopératifs. »

La part d'ombre de la mondialisation

 

 

Qui sait, par exemple, qu’un minuscule archipel caraïbe, les îles Caïmans, est aujourd’hui le quatrième centre financier mondial ? Notre confrère Christian Chavagneux, d’Alternatives économiques, lance cette question en ouverture de son précis très pédagogique sur Les Paradis fiscaux (avec Ronen Palan, coll. Repères, La Découverte). Depuis, la campagne électorale américaine a fait sortir ces îles de l’ombre discrète qui les abritait, avec une cascade de révélations sur la fortune qu’y a amassée et cachée le candidat républicain Mitt Romney (lire l’enquête de Nicholas Shaxson dans Vanity Fair et celle de Sylvain Cypel dans Le Monde). Du coup, dans un esprit très rooseveltien, les activistes démocrates ont imaginé en vidéo une savoureuse charge contre l’évasion fiscale, dont la Suisse ne sort pas indemne :

Les paradis fiscaux, explique Chavagneux, c’est « la part d’ombre de la mondialisation » : « Ils en nourrissent l’opacité, l’instabilité – ils ont été l’un des acteurs de la grande crise financière de la fin de la première décennie 2000 – et l’inégalité en servant d’abord les plus puissants de ses acteurs. » Mais, au fur et à mesure que s’étend et s’approfondit la crise, l’ombre gagne sur la lumière.

Cet été, Tax Justice Network a démontré que les évaluations officielles des organismes internationaux sous-estiment le poids des paradis fiscaux. Selon ce réseau indépendant pour la justice fiscale, les actifs financiers qui y sont cachés ne seraient pas autour de 17 000 milliards d’euros, chiffre déjà incommensurable, mais de 25 500 milliards de dollars, soit plus que l’addition des PIB des États-Unis et du Japon !

Et encore ne sont comptés là que les actifs financiers, sans prendre en compte tous les autres actifs dissimulés via les paradis fiscaux, investis dans la réalité matérielle, de l’immobilier aux yachts, des écuries de course aux œuvres d’art, etc. (lire l’article précurseur de Martine Orange, Le prix exorbitant des paradis fiscaux). L’erreur de perspective serait de croire qu’il ne s’agit là que d’actes individuels, ceux de particuliers violant les lois de leurs nations pour mieux s’enrichir. La vérité, c’est qu’il s’agit du système tout entier, des grandes entreprises aux grandes banques qui, toutes, ont organisé leur prospérité sur l’illégalisme des places off shore.

Ainsi les établissements bancaires qui ont bénéficié, sans contrepartie véritable, du secours de l’argent public depuis 2008 ont tous continué à prospérer dans les paradis fiscaux. Un récent rapport de CCFD-Terre Solidaire a révélé que la présence des banques françaises dans les paradis fiscaux a augmenté malgré, ou plutôt grâce à la crise (lire notre article avec le texte du rapport). Sur sept banques étudiées, on compte 547 filiales dans les paradis fiscaux, soit près de 21 % du total de leurs filiales. Les banques françaises, notamment BNP-Paribas, Crédit agricole et Société générale, comptent ainsi 24 filiales dans les Caïmans, 12 dans les Bermudes, 19 en Suisse, 29 à Hong Kong et 99 au Luxembourg !

Mais il n’y a pas que les banques : comme le démontrent Chavagneux et Palan, « les grandes entreprises gèrent désormais leur trésorerie et leurs politiques de financement par l’intermédiaire de filiales situées dans les paradis fiscaux qui centralisent les transactions de prêts, d’emprunts, de répartition mondiale des bénéfices, etc., pour l’ensemble du groupe ». C’est ainsi qu’on aboutit à ce paradoxe qu’en 2008, par exemple, le premier investisseur étranger en France n’est autre que… la France, les multinationales françaises investissant dans leur propre pays via leurs filiales non résidentes situées dans les paradis fiscaux, et ce à un niveau plus important que les investissements des multinationales étrangères en France !

 

Derrière ces chiffres et ces pratiques, il y a tout simplement le vol d’une grande part de la richesse nationale qui, détournée et cachée, n’est pas redistribuée pour le bien commun. Dans sa récente enquête sur l’évasion fiscale en France, qui a provoqué l’ouverture d’une information judiciaire le 5 avril visant la banque suisse UBS, laquelle bénéficia longtemps de hautes protections, notre confrère Antoine Peillon (ici son blog sur Mediapart) affirme, sans être démenti ni contredit, que « les avoirs dissimulés au fisc français sont presque de l’ordre de toute la recette fiscale annuelle du pays » et que l’évasion fiscale, individus et entreprises confondus, « s’élève au minimum à 590 milliards d’euros, dont 108 milliards rien qu’en Suisse ».

Un manque à gagner d'au moins 40 milliards par an

Loin d’être anecdotique, la question de la fraude et de l’évasion fiscales est donc un enjeu décisif du redressement économique et financier, social et moral de nos nations. Au-delà de la légitime sur-taxation des revenus les plus élevés, le nouveau pouvoir doit s’en emparer au plus vite, d’autant plus que c’est une arme pédagogique formidable dans le combat inégal entre les aspirations populaires et les prévarications oligarchiques. Et que cette question fait l’unanimité parmi les différentes forces qui ont soutenu François Hollande au second tour de la présidentielle, comme l’a montré la récente commission d’enquête sénatoriale sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales (les deux tomes de son rapport sont téléchargeables en PDF ici et , ses travaux consultables sur le site du Sénat ainsi que le blog de son rapporteur, Éric Bocquet).

 


 

Ce rapport incontestable et incontesté montre que la fuite vers les paradis fiscaux provoque chaque année un manque à gagner d'au moins 40, voire 50 milliards pour le budget de la France ! Soit dix (ou vingt) milliards de plus que la saignée de 30 milliards d’économies que le gouvernement veut aujourd’hui imposer au pays ! Qu’attend le nouveau pouvoir pour s’emparer des riches travaux du Sénat, les approfondir à l’Assemblée nationale et, ainsi, initier une large dynamique parlementaire en faveur d’une lutte déterminée contre ces crimes financiers ?

La lecture des nombreuses auditions menées par les sénateurs met en évidence les lignes de front de cette bataille : d’un côté, un milieu des affaires, relayé par certains hauts fonctionnaires des finances, qui traite de haut la représentation nationale, entre morgue assumée et langue de bois ; de l’autre, tous ceux, des syndicalistes et associatifs jusqu’aux policiers eux-mêmes, qui espèrent enfin un sursaut.

Nos deux confrères déjà cités ont été longuement entendus par les sénateurs, faisant la pédagogie, schémas et graphiques à l’appui, de leurs trouvailles. « On m’a dit une fois, à Bercy, leur a confié Christian Chavagneux, qu’en prenant la Belgique, la Suisse, le Liechtenstein et le Luxembourg, on couvrait l’essentiel de la fraude fiscale française, aussi bien celle des particuliers que des multinationales. Il y a donc une fraude, une évasion et une optimisation agressive de proximité dans laquelle, toutes les statistiques le font ressortir, nos amis luxembourgeois tiennent un rôle particulier. » Une fraude qui est donc nichée au cœur de l’Europe, le Luxembourg et la Belgique faisant partie des six membres fondateurs de l’Union européenne ! Et de rappeler que, tandis que le premier détenteur de la dette publique américaine est l’ensemble des investisseurs situés dans les paradis fiscaux, les trois premiers pays où sont localisés les investisseurs qui détiennent la dette publique française ne sont autres que le Luxembourg, les îles Caïmans et le Royaume-Uni. 

Les sénateurs ont également entendu le magistrat financier Renaud Van Ruymbeke, initiateur avec d’autres, en 1996, de l’Appel de Genève (à relire ici) contre l’opacité financière des paradis fiscaux. À l’époque, a-t-il confié, il n’avait pas trop pris au sérieux la remarque d’un de ses collègues suisses qui lui disait : « Le gros problème, c’est la fraude fiscale. » Seize ans plus tard, il ne dirait plus que « la fraude fiscale est une chose, la criminalité organisée en est une autre » : « En réalité, même si la criminalité organisée ne représente que 1 % à 5 % de l’évasion fiscale, ces deux pratiques ont en commun un certain nombre d’outils que l’on pourrait appeler, sans aucune connotation politique, le libéralisme ou la mondialisation financière. (…) Dès que l’argent franchit les frontières, la loi de la jungle prévaut. »

S’il fut une vertu démonstrative des révélations de Mediapart depuis sa création en 2008, c’est de mettre au jour cette réalité. Apparemment, il n’y a pas de criminels endurcis parmi tous les protagonistes de nos enquêtes les plus spectaculaires, dont cet inventaire donne un aperçu : des fonctionnaires de l’armement et des finances, du ministère de la défense et de celui de l’économie ; l’héritière Liliane Bettencourt et son entourage dans la haute société, d’avocats, de financiers, de notaires, de brasseurs d’affaires et de politiciens professionnels ; le réseau constitué par Ziad Takieddine où l’on croise notamment François Léotard, Nicolas Bazire (numéro deux de LVMH, le groupe de Bernard Arnault), Nicolas Sarkozy, Édouard Balladur, Jean-François Copé

Pourtant, en ne s’en tenant ici qu’aux seules affaires Karachi, Woerth-Bettencourt et Takieddine (on pourrait y ajouter aussi l’affaire Tapie), toutes nos enquêtes ont dévoilé le recours massif à des paradis fiscaux, une pratique généralisée de fraude et d’évasion fiscales, en somme l’habitude, dans ces milieux privilégiés, de la violation de la loi commune et, plus encore, une acceptation culturelle de cet illégalisme comme allant de soi (voir par exemple nos toutes dernières révélations sur les affaires de Takieddine avec la banque Barclays).

 

L'alarme italienne contre la haute mafia

 

 

Grande figure de la magistrature indépendante en Italie, ayant fait du combat judiciaire contre la mafia l’engagement d’une vie au service du bien commun (lire ici son hommage, vingt ans après leur assassinat, à ses collègues Paolo Borsellino et Giovanni Falcone), le procureur Roberto Scarpinato aime rappeler que le véritable pouvoir, celui de l’argent comme celui du crime – qui se confondent, se rejoignent ou se croisent souvent –, est toujours obscène, au sens étymologique de ce mot : ob scenum en latin, c’est-à-dire « hors scène ». Car le secret est l’obscénité foncière de ce pouvoir, et c’est bien pourquoi, dès qu’il est mis à nu comme dans les enregistrements du majordome des Bettencourt ou dans les documents Takieddine, sa réalité vraie, son avidité, sa brutalité et sa vulgarité nous sidèrent et nous stupéfient. Sur scène, dans ses lieux institutionnels, ce pouvoir met en avant l’apparence d’une représentation destinée au public. Hors scène, il se livre à ses trafics, combines et arrangements au nom de ses intérêts bruts et brutaux, sans aucune fioriture.

 

 

Extraordinaire réflexion à haute voix de Scarpinato sur la « mafiosiation » d’un monde dérégulé, comme sorti de ses gonds, Le Retour du Prince (Éditions La Contre Allée) est un livre incontournable pour comprendre de quoi le mot mafia est devenu le nom commun (écouter ici notre chronique audio) : d’un monde, le nôtre, où le conflit d’intérêts, cette prolifération des intérêts privés à l’abri de l’intérêt général, est de fait institutionnalisé ; où l’abus de pouvoir est ainsi légitimé, par accoutumance et résignation ; où la corruption devient « un code culturel qui façonne la forme même de l’exercice du pouvoir » ; où les plus hautes classes dirigeantes et possédantes pratiquent sans vergogne l’illégalité pour elles-mêmes.

Selon Scarpinato, la mafia des tueurs, cette « mafia militaire » issue des milieux populaires que chroniquent les médias, fait écran à la « haute mafia » qu’il a su démasquer au risque de sa vie dans ses enquêtes : ces politiciens, notables et financiers qui en sont les véritables bénéficiaires.

 

 

L’Italie mafieuse ne vous est pas étrangère, lancent à la face de l’Europe et du monde aussi bien Roberto Scarpinato que le journaliste Roberto Saviano, l’auteur du désormais célèbre Gomorra (voir ici son site personnel). Ce dernier ne cesse de s’étonner de l’indifférence ou de l’inconscience françaises vis-à-vis de la très concrète présence des diverses mafias italiennes en France, qui va de pair avec notre complaisance pour la criminalité corse (lire ici l’enquête du Point sur l’arrière-plan de la série télévisée “Mafiosa”).

« Voilà ce qu’est la France, aujourd’hui : un carrefour, un lieu de négociations, de réinvestissement et d’alliances entre cartels criminels », écrit Saviano en préface de l’édition française de son dernier livre, message qu’il a répété dans les médias (ici et ). Mais, surtout, insiste-t-il, cette extension des mafias d’en bas va de pair avec les pratiques mafieuses d’en haut. C’est ainsi, souligne Saviano (dans un récent entretien à La Repubblica), que le système bancaire international n’a guère fait la fine bouche, depuis la crise de 2008, pour récupérer et blanchir l’argent du crime afin de renflouer ses caisses et de trouver des liquidités.

C’est peu dire que la France, dont le parquet et ses procureurs ne sont pas, comme en Italie, indépendants du pouvoir exécutif, est en retard dans cette prise de conscience. Les anciennes rodomontades de Nicolas Sarkozy contre les paradis fiscaux, dont la liste noire fut ensuite blanchie comme par miracle, ont accompagné une démobilisation générale de l’État dans la lutte contre le crime financier et économique, d’où qu’il vienne. Le Service central de prévention de la corruption (SCPC), dont on a oublié jusqu’à l’existence, est devenu une coquille presque vide, en tout cas une structure impuissante comme l’admet son chef lui-même (lire son dernier rapport, de 2010).

Cette année, la Cour des comptes a sévèrement souligné les faiblesses de Tracfin, la structure administrative de renseignement financier créée pour lutter contre le blanchiment d’argent (son rapport est à télécharger ici en PDF). Et, tout récemment, l’OCDE s’est inquiétée des retards de la France en matière de lutte contre la corruption internationale, s’étonnant de la rareté des enquêtes et du manque de sanctions (à lire sur acteurspublics.com).

Pendant ce temps-là, les autorités américaines, pourtant peu suspectes de collectivisme confiscatoire, ont saisi l’opportunité de la crise pour renforcer la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales. Dans leur ligne de mire, la Suisse et ses banques, aujourd’hui dépositaires d’un tiers de la richesse mondiale manquante parce que détournée. Au nom de la souveraineté, qui est à la base du principe même de l’impôt et des recettes fiscales, les acteurs privés ne sont pas ménagés, notamment la banque UBS mise en cause par la justice américaine, tandis qu’un programme de dénonciation volontaire était mis en place. Mieux, le Foreign Account Tax Compliance Act (Fatca), qui entre en vigueur à partir de 2013, sème la panique sur les places financières helvètes car il contraint les établissements financiers, sous contrainte de sanctions aux États-Unis mêmes, à transmettre automatiquement leurs informations sur des Américains détenteurs de compte.

Qu’attend la France pour faire de même ? Qu’attend-elle pour faire la guerre à l’évasion fiscale et combattre les paradis fiscaux ? Qu’attend-elle pour boycotter, en leur refusant toute commande publique, les sociétés, quelles qu’elles soient, qui ont des filiales dans ces enfers criminels ? Qu’attend-elle quand l’impôt sur les bénéfices des entreprises n’est que de 25 % en moyenne en Europe contre 40 % aux États-Unis ? Qu’attend-elle quand on sait qu’en trente ans, avec la baisse de la part des salaires et la hausse des profits, ce sont quelque 150 % du PIB de l’ensemble des pays européens qui sont partis vers les marchés financiers ? Qu’attend-elle quand la révolution industrielle, dont le numérique est le moteur, accroît ces déséquilibres, ses principaux oligopoles jouant à plein la carte des paradis fiscaux pour payer le moins d’impôt possible – le taux d’imposition affiché par Google est de 2,4 % !

En conclusion de son livre sur Les Paradis fiscaux (André Versaille éditeur), sous-titré Enquête sur les ravages de la finance néo-libérale, Nicholas Shaxson, dont la plume est accueillie aussi bien par le Financial Times que par The Economist, lance cette alerte : « Les paradis fiscaux sont un facteur déterminant de la façon dont le pouvoir politique et économique fonctionne dans le monde aujourd’hui. Ils permettent aux personnes, aux entreprises et aux pays les plus riches de conserver leurs privilèges, sans qu’il n’y ait pour cela aucune bonne raison. Les paradis fiscaux sont le théâtre où les millionnaires affrontent les pauvres, les multinationales les citoyens, les oligarchies les démocraties : à chaque fois, le plus riche l’emporte. »

Autrement dit, si une guerre acharnée ne leur est pas faite, avec constance et détermination, aucune politique socialement progressiste ne pourra durablement s’imposer, encore moins faire ses preuves. Car cet adversaire-là est déloyal, fourbe et secret, violent et puissant, sans frontières et sans états d’âme, tout comme l’est le crime organisé.

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 17:51

 

 

Marianne è Jeudi 4 Avril 2013 à 16:09

 

 

 

Session au tribunal de grande instance, Paris - WITT/SIPA
Session au tribunal de grande instance, Paris - WITT/SIPA

C’est entendu : l’affaire Cahuzac est un désastre. Un désastre démocratique et républicain. Un désastre pour la crédibilité de la parole politique – déjà bien amochée. Un désastre pour l’autorité du chef de l’Etat – déjà fortement remise en cause. Un désastre pour la gauche dite morale – déjà sacrément plombée par l’affaire DSK. Un désastre pour l’ensemble des citoyens, car le menteur n’est autre que celui qui nous infligeait l’huile de foie de morue de la rigueur. Faites des efforts, serrez-vous la ceinture, moi je suis au-dessus de tout ça ! Dévastateur. D’ailleurs, je ne saurais trop vous engager à lire le numéro que publie Marianne samedi matin.

Et comme si ça ne suffisait pas, on apprend que le trésorier de campagne de François Hollande, un ami de 30 ans, possède des participations dans des sociétés offshore aux Iles Caïmans, que Jérôme Cahuzac a des amis à l’extrême droite et que c’est même l’un d’eux qui lui a ouvert son compte bancaire en Suisse en 1992. Comme disait Coluche, on a là, pour le même prix, deux romans de Sartre : La nausée et Les mains sales.

Pourtant, cette affaire Cahuzac est porteuse d’une bonne nouvelle, d’une excellente nouvelle même : dans ce dossier, la justice a fonctionné. Elle a même fonctionné en toute indépendance. Reprenons le film des événements : révélations de Mediapart, ouverture d’une enquête préliminaire pour blanchiment de fraude fiscale, puis ouverture d’une information judiciaire – le moment où Hollande choisit de se séparer de son ministre. L’enquête s’est poursuivie sans frein, sans pression. Et c’est justement parce que l’enquête a pu progresser sans entraves que Cahuzac s’est senti cerné et a fini par avouer. Un modèle du genre.

On peut reprocher à François Hollande d’avoir fait trop confiance à son ministre du Budget – comme si, en politique, on ne mentait jamais, même !  On peut lui reprocher d’avoir sous-estimé le danger et fait preuve d’une naïveté crasse, voire d’une imprudence coupable. Mais pour une fois, la justice a fait son travail en toute impartialité. Et, pardon pour tous ceux qui, aujourd’hui, demandent - légitimement - des comptes au président de la République et à son premier Ministre : oui, le traitement judiciaire de ce dossier tranche singulièrement avec la manière dont ont été traités les dossiers les plus chauds du précédent quinquennat.

On pense évidemment à l’incroyable affaire Bettencourt, au comportement intrusif de l’Elysée et au rôle joué, notamment, par l’ancien procureur de Nanterre Philippe Courroye… Ce n’est pas faire de la basse politique politicienne que de dire cela ; ce n’est pas non plus chercher à polémiquer pour le plaisir, encore moins à couvrir ou à défendre l’actuel pouvoir exécutif, que de souligner cette évidence : en quatre mois, les magistrats instructeurs sont parvenus à dénouer une affaire qui affecte le cœur même du pouvoir quand, pendant plus de cinq ans, la justice a été empêchée, entravée, obstruée pour qu’on ne connaisse jamais le fin mot de l’histoire Bettencourt qui, elle aussi, menaçait l’Elysée.

Un dernier mot : bizarrement, ceux qui, hier, n’avaient pas de mots assez durs pour qualifier le travail du juge Gentil – celui qui a osé mettre en examen Nicolas Sarkozy dans le cadre de l’affaire Bettencourt – ne trouvent rien à redire sur la justice quand elle met en cause un ministre de la majorité – qui, lui, certes, a avoué. Toujours le même syndrome : les juges sont excellents quand ils frappent l’adversaire ; ce sont des incompétents ou, pire, des vendus, quand ils s’en prennent à ceux de ma famille politique. C’est démocratiquement navrant. Qu’en pense le grand républicain Henri Guaino ?

 

 

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4 avril 2013 4 04 /04 /avril /2013 16:29

 

 

Le Monde.fr | 04.04.2013 à 15h09 • Mis à jour le 04.04.2013 à 18h00 Par Martine Valo

 

 

 

Le pillage des mers par les bateaux de pêche chinois a pris des proportions gigantesques, selon une étude internationale coordonnée par le célèbre biologiste Daniel Pauly, de l'Université de Colombie-Britannique, qui chiffre pour la première fois la mainmise chinoise sur une ressource halieutique en rapide déclin.

 

Des navires de pêche chinois dans le port de Haikou.

 

Cette recherche, publiée d'abord dans la revue spécialisée Fish and Fisheries puis reprise dans la revue scientifique Nature le 4 avril, conclut que les navires de pêche chinois ont siphonné, loin de leurs côtes, entre 3,4 millions et 6,1 millions de tonnes de poissons par an entre 2000 et 2011. Dans le même temps, Pékin ne déclarait que 368 000 tonnes de poisson en moyenne auprès de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO). Douze fois moins que la réalité estimée par les spécialistes des ressources halieutiques ! La valeur du poisson débarqué de l'étranger par la Chine s'élèverait à 8,9 milliards d'euros chaque année.

Non seulement la Chine sous-estime considérablement le produit de sa pêche à l'extérieur, mais elle surestime à l'inverse ce secteur dans ses eaux territoriales. Faute de statistiques réalistes accessibles au public, l'équipe de Daniel Pauly a dû réaliser des estimations à partir du nombre de bateaux – surtout des grands chalutiers, mais aussi des senneurs, entre autres – présents dans différentes zones économiques exclusives autour du monde, en corrélant ces données à leurs prises annuelles attendues.

 

 LES CÔTES AFRICAINES, LES PLUS PILLÉES AU MONDE

Plutôt que de s'en tenir à la nature des pavillons – trop souvent de complaisance –, elle s'est appuyée sur la nationalité des marins et de leurs officiers, car il est rare qu'un équipage de la République populaire de Chine travaille pour un armateur d'un autre pays. Au large de l'Afrique, il est courant que des navires armés par des propriétaires chinois fassent travailler des pêcheurs locaux, mais ces derniers sont alors souvent rémunérés avec quelques caisses de poissons qui seront revendues près des côtes africaines, mais pas en Asie.

 

 

Car ce que dénoncent les gouvernements africains et ce qu'observent les ONG sur le terrain se confirme et se précise avec ce recensement. Tous dénoncent les chalutiers géants qui campent dans les eaux poissonneuses du continent noir, en approvisionnant souvent directement des bateaux usines-frigo en mer. L'Afrique constitue effectivement la première cible de la flotte chinoise : cette dernière y prélève 3,1 millions de tonnes de poissons par an en moyenne selon les chercheurs, soit 64% de ses prises à l'étranger. Les côtes de l'ouest du continent – sans doute les plus pillées du monde, pas seulement par des bateaux asiatiques –, sont leur cible principale.

Lire aussi (réservé abonnés) :  Les dessous de la pêche illégale au large de l'Afrique

L'Asie, suivie de loin par l'Océanie, l'Amérique du Sud et centrale, ainsi que l'Antarctique constituent les autres terrains de chasse de la flotte de pêche chinoise.

Les données publiées par les chercheurs correspondent à de la pêche non répertoriée, ce qui ne signifie pas qu'elle soit entièrement illégale. Une partie peut être réalisée avec l'accord des autorités du pays concerné, mais il n'est pas possible de distinguer les deux types de pratiques.

 

 UN TONNAGE GLOBAL DE PÊCHE EN STAGNATION

Dans leur publication, les experts d'instituts de recherche canadiens, espagnols, français et australiens mettent en rapport le déclin de la ressource halieutique dans les océans, dont témoigne la stagnation du tonnage global de la pêche mondiale, et la pratique qui consiste à envoyer les bateaux pêcher très loin de leurs ports d'attache, dans des zones jusqu'il y a peu épargnées par la surpêche.

Européens et Américains ont été les premiers à y avoir recours dans les années 1980, suivis par les Russes, le Japon et la Corée du Sud une décennie plus tard. Tous s'assuraient un accès aux eaux étrangères moyennant l'achat de licences de pêche auprès des gouvernements locaux – plus ou moins légalement il est vrai. Les Chinois, qui se lancent à leur tour à l'autre bout des mers pour répondre à la demande de leur marché intérieur, ne semblent pas toujours s'embarrasser de tels préalables.

Lire aussi (édition abonnés) :  Interpol bat le rappel contre la pêche pirate

Martine Valo

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