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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 13:08

 

 

Marianne - Mercredi 10 Avril 2013 à 05:00

 

Emmanuel Lévy et Hervé Nathan

 

 

Le modèle chypriote, avec un secteur financier hypertrophié soumis aux capitaux étrangers, est loin d'être un cas isolé parmi les 27. Passage en revue de ces «économies casinos» qui sont autant de bombes à retardement que l'Eurogroupe devra désamorcer.

 

 

Longue file d'attente devant une filiale de la banque Laiki à Chypre, mars 2013 - Pavlos Vrionides/AP/SIPA
Longue file d'attente devant une filiale de la banque Laiki à Chypre, mars 2013 - Pavlos Vrionides/AP/SIPA
Pour le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, la question chypriote est simple : ce pays n'aurait tout simplement pas le bon business model. La raison de tous les maux qui accablent la petite île méditerranéenne entrée dans l'euro en 2008 ? L'hypertrophie du secteur financier. Et, de fait, Chypre croule - croulait, devrait-on dire, puisque le paradis fiscal est promis à la faillite - sous l'argent des banques étrangères.

Pas moins de 58,5 milliards d'euros représentant 2,5 fois le PIB du pays. Mais Chypre est-elle pour autant un «cas exceptionnel», comme la qualifie Benoît Cœuré, vice-président de la BCE ? Eh bien, non ! Des «économies casinos», selon l'expression de Pierre Moscovici, il en existe bien d'autres en Europe, repérées par le FMI dès 2007, avant la crise.

Comme Chypre, leur système financier hypertrophié représente plusieurs fois leur richesse nationale et il est gangrené par la corruption, le dumping fiscal et le laxisme réglementaire.

Puisque le président de l'Eurogroupe, le Néerlandais Jero Dijsselbloem, affirme que «la solution pour Chypre servira de modèle pour les futures restructurations bancaires de la zone euro», Marianne fait le tour des principaux pays potentiellement candidats, ces bombes à retardement au sein de l'UE.

Malte, casino de l'Europe

La Valette, Malte - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
La Valette, Malte - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
Après Chypre et le Luxembourg, Malte est le troisième plus petit pays de l'Union européenne et de la zone euro.

Son ministre des Finances, Edward Scicluna, sait que, après la chute de Chypre, les capitaux ne viendront pas se réfugier chez lui, car la structure économique de son pays est encore plus fragile : les 26 milliards d'euros d'avoirs des banques étrangères à Malte correspondent à 4,1 années de son PIB, deux fois plus qu'à Chypre.

Economie casino, au sens propre du terme, puisque le business des jeux en ligne a trouvé son port d'attache à La Valette, avec une réglementation très souple - a contrario des autres pays de l'UE - et surtout une fiscalité hyperlégère. Que soit instaurée, demain, une taxe bancaire ou que l'île procède à une hausse des impôts, et ces activités prendront la poudre d'escampette, au nom de l'optimisation fiscale.

Le Luxembourg, si secret

Chambre des députés, Luxembourg - ANGOT/SIPA
Chambre des députés, Luxembourg - ANGOT/SIPA
Membre fondateur de l'Union européenne, le grand-duché s'est fait depuis longtemps une place au soleil dans le petit milieu du secret bancaire. Son indice d'opacité bancaire, tel que calculé par l'association Tax Justice Network, le place ainsi sur la troisième place du podium. Les banques étrangères y ont accumulé pour près de 1 000 milliards de dollars, soit 23 années de PIB !

Sa recette : le Luxembourg ne pratique pas de retenue à la source sur les revenus financiers internationaux. Ainsi, le dividende versé, par exemple, sur le compte suisse à partir de fonds luxembourgeois ne supporte-t-il aucune imposition.

Une recette qui fait le délice des grandes banques européennes. Du coup, principale différence avec Chypre, ce ne sont pas des banques luxembourgeoises mais des filiales de géants du secteur, bien plus solvables, comme BNP Paribas, Deutsch Bank ou UBS qui encaisseraient un choc, si crise il devait y avoir.

L'empire britannique du mal : Jersey, Man... et la City

La city, Londres - NICOLAS JOSE/SIPA
La city, Londres - NICOLAS JOSE/SIPA
A tout seigneur, tout honneur. La Grande-Bretagne abrite la plus grande place financière de l'Union européenne. Attractive, la City l'est par son industrie de la finance (un tiers du PIB britannique provient de ce secteur), et par des conditions fiscales avantageuses. Un exemple ? Les étrangers «résidents non domiciliés» ne sont imposables sur leurs revenus perçus à l'étranger qu'à partir de la dix-huitième année de résidence.

De quoi faire le bonheur de quelques oligarques russes en mal d'abri fiscal. Les sociétés aussi ont droit à leurs petites sucreries. Ainsi, Michael Osborne, ministre des Finances de Sa Majesté, a-t-il l'intention d'abaisser de 28 % à 24 % le taux de l'impôt sur les sociétés, dans le but d'attirer les investissements de l'extérieur.

Selon le journaliste Nicholas Shaxson, auteur des Paradis fiscaux, enquête sur les ravages de la finance néolibérale : «La Grande-Bretagne est au centre d'un réseau de paradis fiscaux qui alimente en capitaux la City de Londres et lui procure un gigantesque volume d'affaires. Le premier cercle de la toile est constitué de ce qu'on appelle les dépendances de la Couronne - Jersey, Guernesey et l'île de Man -, dont l'essentiel de l'activité se fait avec les pays d'Europe, d'Afrique, de l'ex-URSS et du Moyen-Orient. Le deuxième cercle regroupe les territoires britanniques d'outre-mer, dont les îles Caïmans et les Bermudes, tournés surtout vers l'Amérique du Nord et du Sud.»

Les confettis de l'empire sont donc une partie de la «place offshore globale» que constitue le Royaume-Uni. A Jersey, Guernesey ou dans l'île de Man, rien n'est plus facile que de loger ses avoirs dans un trust, en fait un gestionnaire de fortune, souvent filiale locale d'une grande banque britannique, qui gardera secrète l'identité des heureux propriétaires. L'argent, ensuite, est investi en toute légalité dans le système financier londonien.

Les chiffres donnent le vertige : les fonds étrangers déposés à Londres s'élèvent à 3 400 milliards d'euros ! Cette «toile d'araignée» représente un double danger systémique pour l'Union européenne. La première raison en est que la City de Londres est très mal surveillée par les autorités publiques.

La récente manipulation du taux Libor (taux d'intérêt à court terme), par une dizaine de banques situées à Londres, qui s'entendaient pour faire varier le coût de l'argent au jour le jour, révèle la passivité de la Banque d'Angleterre, chargée de la surveillance des établissements financiers. Un scandale qui révèle l'absence de véritable gendarme financier dans ce pays.

Deuxième raison : le réseau serré de paradis fiscaux, Jersey, Guernesey, Man, Malte, qui rabat les capitaux vers les banques britanniques en assurant un solide abri fiscal pour leurs détenteurs, est un véritable casse-tête institutionnel.

En cas de faillite bancaire majeure à Jersey, qui recèle 133 milliards d'euros de placements étrangers, ou à Guernesey (77 milliards d'euros), qui serait responsable des dettes ? Ces îles seraient bien incapables d'assumer une telle charge qui représente jusqu'à 40 fois leur PIB. Serait-ce alors la Grande-Bretagne, et éventuellement le système bancaire européen solidaire ? Nul ne le sait et personne n'a vraiment envie de le savoir...


L'Irlande et ses dettes bancaires

L'horlogue du City Hall, Dublin - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
L'horlogue du City Hall, Dublin - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
En 2009, la petite et prospère république d'Irlande s'était avisée, mais un peu tard, que ses banques avaient grossi bien davantage que l'économie réelle de l'île, fort dynamique pourtant.

Incapable de faire face à l'explosion d'une bulle immobilière sans équivalent en Europe, deux grosses banques, qui avaient attiré les placements anglais avec des rémunérations généreuses, se déclaraient en faillite. Elles étaient nationalisées par le gouvernement, contraint d'injecter 30 milliards d'euros dans le système financier !

Les intérêts d'emprunts s'ajoutent aux effets de la récession économique. La facture globale de la crise monte à 64 milliards d'euros, faisant passer la dette publique de 25 % à 117 %. Les sacrifices consentis par les Irlandais sont considérables : 25 milliards de hausse d'impôts, baisses des salaires dans le privé et le public, chômage à près de 15 %...

Pour sortir du programme d'assistance européen, le gouvernement souhaite aujourd'hui refiler une partie des dettes bancaires, soit 28 milliards d'euros, au Mécanisme européen de stabilité (MES). Malgré l'appui du FMI, les dirigeants allemands, néerlandais et finlandais refusent et bloquent toute décision. La bombe irlandaise, la plus ancienne, est toujours active.

Slovénie et Lettonie, les petits nouveaux

Église franciscaine de l'Annonciation à Ljubljana, Slovénie - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
Église franciscaine de l'Annonciation à Ljubljana, Slovénie - SUPERSTOCK/SUPERSTOCK/SIPA
Pays discret logé au sud de l'Autriche, la Slovénie pourrait bien être la prochaine victime du président de l'Eurogroupe, Jero Dijsselbloem, puisque les créances douteuses des deux banques nationalisées représentent 20 % du PIB du pays (7 milliards d'euros).

Un rapport de la commission anticorruption slovène accuse «un cercle de personnes qui seraient les éminences grises de la finance slovène», responsables aujourd'hui des graves problèmes du secteur bancaire. Et la banque centrale n'aurait pas sanctionné les banques alors même qu'elle était au courant de ces faits.

La Lettonie, candidate à l'entrée dans l'euro, elle, craint de devenir le refuge des capitaux russes fuyant Chypre. Bien qu'elle s'en défende, elle est déjà l'objet d'une OPA rampante : la moitié des dépôts des banques proviennent des puissants pays voisins : Russie, Biélorussie, Ukraine. Et la somme a grimpé de 20 % en un an.

Comment désamorcer ces bombes à retardement ?

Le bazar chypriote a démontré une fois de plus l'incapacité des régulateurs nationaux à empêcher les banquiers de faire n'importe quoi. L'émergence d'une autorité européenne de surveillance des banques y palliera-t-elle ?

Il aura fallu quatre ans de discussion pour parvenir à un accord, et ce n'est pas avant juillet 2014 que la BCE sera chargée de la supervision, non pas des 6 000 établissements de la zone euro, mais des 600 les plus importants, dits «systémiques». Une catégorie dans laquelle n'entraient pas, par exemple, les deux banques chypriotes à l'origine de la crise...

Un banquier français pointe une autre difficulté : «Il va falloir que la Banque centrale européenne recrute 800 experts de la finance. Et, pour ce métier-là, on ne peut pas prendre des débutants.» Avis aux amateurs. Il faudra aussi progresser sur un fonds de garantie des dépôts au niveau européen.

Une directive prévoit que chaque pays rassemble une somme équivalente à 1 % du total des dépôts. La France, pourtant bonne élève en la matière, ne compte parvenir à réunir cette somme de 10 milliards que dans sept ans.

Mais au-delà de ces simples encadrements, comme le souligne l'économiste Frédéric Lordon, les responsables européens ou nationaux devront s'extraire des dilemmes que la finance en folie leur a imposés : sauver les banques avec le coût moral et financier que cela implique ou les laisser tomber et mourir avec.

«Pendant ce temps, constate Frédéric Lordon, ajoutant les erreurs techniques au scandale politique et moral de la «gestion» de la crise financière, eurocrates et responsables nationaux s'étonnent d'avoir un problème avec les populations...»

 


«CHYPRE DOIT RESTER DANS L'UE» Par Georges Prévélakis, spécialiste de géopolitique

Marianne : La crise chypriote, à qui la faute ?

Georges Prévélakis : A tout le monde, même si cette réponse ne satisfait pas ceux qui cherchent un bouc émissaire unique. Les Chypriotes ont évidemment beaucoup tardé avant de mesurer l'ampleur de leurs problèmes et, à cet égard, le précédent gouvernement de Dimitris Christofias (l'ancien président de la République et dirigeant du Parti communiste chypriote) porte une responsabilité particulière.

Mais l'Union européenne ne peut pas oublier les siennes : les Chypriotes n'œuvraient pas dans le noir, il y a eu des complicités au sein de l'UE, un manque de vigilance et une tolérance envers des dérives qui s'expliquent pour plusieurs raisons. L'une tient à ce souci constant du compromis qui renvoie à demain la solution des problèmes, l'autre relève des calculs à court terme, jamais sur la longue durée. En fait, la crise chypriote met une fois de plus en évidence la faillite de la méthodologie européenne.

Le pays doit-il sortir, de gré ou de force, de l'UE comme certains l'ont évoqué ?

G.P. : L'Union européenne est un bien commun fondamental et, pour des raisons autant économiques que géopolitiques, la Grèce comme Chypre doivent y demeurer. Evidemment, les Chypriotes vont souffrir et devoir consentir des sacrifices d'autant plus insupportables qu'ils ne sont jamais justes et pèsent toujours sur les plus pauvres.

Mais la sortie de l'UE exposerait le pays aux convoitises de puissances extérieures - la Russie, la Turquie, la Chine, entre autres - au risque d'accentuer des antagonismes dangereux. Le pays ne doit pas devenir l'arène des confrontations entre blocs mais, aussi imparfait et faible soit-il ces temps-ci, il doit continuer à bénéficier de la protection et de la relative stabilité qu'apporte l'Europe.

Le contraste entre le boom de la Turquie et les situations grecque et chypriote est pourtant accablant...

G.P. : Il y a quelques années, on évoquait le dynamisme de la Grèce et la mauvaise santé de l'économie turque. Le rapport s'est inversé. L'histoire est cyclique et, par ailleurs, les Chypriotes ont plus que tout autre l'expérience des difficultés...

Propos recueillis par Alain Léauthier

 

Article paru dans le n°832 du magazine Marianne, en vente du 30 mars au 5 avril 2013

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10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 12:32

 

 

Le Monde.fr | 10.04.2013 à 13h27 • Mis à jour le 10.04.2013 à 14h33

Par Anna Villechenon

 

Fitch a dégradé cinq banques slovènes, dont les deux plus importantes Nova Ljublanska Banka (NLB) et Nova Kreditna Banka Maribor (NKBM), et assorti leur note d'une perspective négative.

A peine la crise chypriote s'éloigne-t-elle que déjà un autre pays suscite l'inquiétude de la zone euro : la Slovénie, touchée elle aussi par une crise bancaire. Et ce malgré la multiplication des déclarations rassurantes de Ljublana. Une semaine après son arrivée à la tête du gouvernement, mercredi 27 mars, Alenka Bratusek affirmait pourtant que le pays était "capable de s'en sortir tout seul !"

Quinze jours plus tard, la nouvelle première ministre de centre-gauche réaffirmait sa priorité : "Nous travaillons littéralement jour et nuit pour résoudre le problème bancaire (...) qui est le problème numéro un en Slovénie". Et de rappeler la mise en œuvre, en juin, d'une 'bad bank', c'est-à-dire une structure rassemblant les actifs bancaires toxiques.

 

Lire : La Slovénie, handicapée par ses banques, entend s'en sortir 'toute seule' (lien abonnés)


Le secteur bancaire de ce pays de deux millions d'habitants, en récession depuis février 2012, croule en effet sur les créances douteuses, estimées à 7 milliards d'euros par le Fonds monétaire international (FMI), soit 20 % du PIB. Il évalue à un milliard d'euros le besoin de recapitalisation des trois principales banques du pays. L'agence de notation Fitch est quant à elle plus pessismite : elle estime ce besoin à 2 milliards d'euros. Elle a d'ailleurs dégradé vendredi cinq banques slovènes, dont les deux plus importantes Nova Ljublanska Banka et Nova Kreditna Banka Maribor, et assorti leur note d'une perspective négative.

 

PAS DE "BESOIN IMMÉDIAT DE PLAN DE SAUVETAGE"

Dans un rapport, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a recommandé mardi à Ljublana d'assainir d'urgence son secteur bancaire, prônant des mesures radicales, même si, pour l'instant, il n'y a "aucune raison d'anticiper un besoin immédiat de plan de sauvetage" – comme ce fut le cas pour Chypre, fin mars. 


Lire : La Slovénie, future Chypre de la zone euro ?


Car c'est bien cette peur d'un bis repetita qui cristallise l'inquiétude des Etats-membres de la zone euro, focalisés sur le cas de l'île méditerranéenne pendant une quinzaine de jours, après qu'elle est devenue le cinquième pays de l'union monétaire à bénéficier d'une aide internationale. 


Voir l'infographie : Chypre entre en convalescence


 TENSION SUR LES PRIMES DE RISQUE

Pour autant, pas question pour Bruxelles de comparer les deux pays. Le président de la Commission, José Manuel Barroso, a tenu mardi à réfuter toute comparaison avec Chypre. Malgré les "inquiétudes", "la situation est complètement différente, la taille des banques par rapport à l'ensemble de l'économie n'est pas la même et le modèle financier est différent". En effet, son secteur bancaire n'est pas, comme celui de Nicosie, hypertrophié : il représente quelque 150 % du PIB, contre 800 % à Chypre.

En revanche, pour l'Institut de la finance internaitonale (IIF), qui représente plus de 450 banques mondiales, il faut agir maintenant. Selon lui, la Slovénie doit faire appel au fonds de secours européen, et ce, afin d'éviter un plan de sauvetage global associant le FMI, à l'instar de Chypre. Les analystes de Bank of America Merrill Lynch ont évalué, dans une note du 5 avril, le montant d'un éventuel plan de sauvatage entre 6 et 8 milliards d'euros, nécessaire notamment pour recapitaliser ses banques.

Une inquiétude partagée par l'IIF, qui s'inquiète de savoir comment le pays couvrira ces besoins de financement, à l'heure où les investisseurs affichent leur méfiance. Mardi, la Slovénie n'a réussi à lever que 56 millions d'euros sur les marchés alors qu'elle en espérait près du double. Et, selon les données de Bloomberg, la prime de risque (credit default swap) sur les emprunts du pays a bondi de 66 % entre le 15 et le 28 mars... au plus fort de la crise chypriote.

 

Lire : La Slovénie, rongée par le capitalisme de 'copinage' et la bulle bancaire (lien abonnés)


Anna Villechenon

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 16:28

 

Rue89 - Vertige 09/04/2013 à 12h46

 Sophie Caillat | Journaliste Rue89

 

 

 

Dans Second Life, on pouvait faire construire sa maison avec des Linden dollars. Mais la monnaie virtuelle tendance aujourd’hui est le bitcoin. Celle-ci intéressait peu les banquiers réels... jusqu’à ce qu’elle flambe, de 4,15 euros en février 2011 à 109,91 euros le 3 avril 2013.

Le bitcoin est accusé désormais d’entretenir une bulle spéculative. Il faut dire que Satoshi Nakamoto (pseudo du concepteur de cette monnaie virtuelle) – qui en a livré tous les secrets en open source dans ce document [en anglais, PDF] – a décidé de limiter le nombre de bitcoins en circulation à 21 millions.

Se venger des banques

Versant Web du Sol-Violette, monnaie solidaire en pleine expansion, le bitcoin a quelque chose d’utopique, comme nous l’expliquait le riverain lv, roboticien utopiste, sous le témoignage d’un « vendu de banquier » :

« Personnellement je me venge en m’intéressant au projet bitcoin. Une monnaie virtuelle, cryptographique, opérant sans banque centrale, sans intermédiaire, contrôlée par un algorithme public. Les banques sont inutiles dans 90% des cas aujourd’hui. Il est temps qu’on bâtisse un système parallèle. »

Le bitcoin prétend en effet « changer la finance de la même façon que le Web a révolutionné les médias », selon ce petit film publicitaire.

Qu’est-ce qu’un Bitcoin ? (en anglais)

 

Inflation avec la crise chypriote

Dans un rapport [PDF] publié en octobre 2012, la Banque centrale européenne estimait que les monnaies virtuelles ne posaient pas de risques pour la stabilité des prix tant qu’elles restaient peu répandues. Elle y voyait même des « aspects positifs en termes d’innovations financières et d’alternatives de paiements » pour les consommateurs.

Seulement, la hausse vertigineuse du cours du bitcoin inquiète.

Elle « pourrait avoir été provoquée par des investisseurs russes et chypriotes cherchant à acheter des bitcoins pour mettre leurs euros à l’abri au moment de la crise financière de Chypre », écrit l’AFP, qui a interrogé Yannick Naud, gérant de portefeuille de la société d’investissement Glendevon King Asset Management, basée à Londres. Pour lui :

« C’est quelque chose de totalement irrationnel. En tant qu’investisseur, il est impossible d’assigner une valeur rationnelle au bitcoin. »

Les adeptes du bitcoin s’inquiètent, eux, d’une sécurité défaillante et d’une normalisation de « leur » monnaie. En décembre dernier, Ouishare, la plateforme de l’économie collaborative dénonçait un « véritable coup de force » de la startup française Paymium. Celle-ci a lancé Bitcoin Central avec un prestataire de paiement en ligne, permettant de transférer ses bitcoins en tout sécurité et en toute légalité.

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 15:51

 


Médiapart

 

 

 

Jérôme Guedj, député (Essonne) de l'aile gauche du PS, revient sur les dizaines d'heures de travail parlementaire sur l'Accord national interprofessionnel (ANI) auxquelles il a participé. Il explique pourquoi, même si, avec plus de 300 amendements, «l’ANI n’est plus tout à  fait l’ANI», il ne donnera pas son suffrage, ce mardi lors du vote solennel, à un texte qui comporte encore des « risques de recul de la protection des salariés ».


 

Alors que se sont achevés cette nuit, après 70 heures de discussions auxquelles j’ai participé de bout en bout dans l’hémicycle, les débats relatifs au projet de loi « sécurisation de l’emploi », je veux dresser un bilan du travail parlementaire que j’ai conduit, avec d’autres, sur ce texte essentiel. Ces débats se sont tenus dans une atmosphère particulière, loin du bruit et de la fureur d’une actualité politique et médiatique hors norme. Ils n’ont, du même coup, pas suscité toute l’attention qu’ils méritaient, ce qui est pour le moins regrettable tant le code du travail est essentiel pour 18 millions de Français. Mon travail parlementaire a, depuis plusieurs semaines, obéi à une double logique.

Une attitude de vigilance critique et constructive 

Sur le fond, il s’agissait de ne pas se laisser éblouir par l’apologie de l’équilibre intrinsèque du projet mais de regarder, article par article, alinéa par alinéa, s’il s’agissait d’une avancée ou d’une régression, au regard de ce qui doit constituer la boussole de tout parlementaire socialiste : la protection des salariés et la défense du code du travail. Bref, d’être le législateur de 100% des salariés, garant de l’intérêt général et de notre exigence républicaine qui, si elle respecte la démocratie sociale, demeure fidèle à  la centralité du suffrage universel et du peuple souverain.

Un travail collectif des socialistes

Sur la méthode, il s’agissait de participer pleinement au travail collectif de notre courageux et opiniâtre rapporteur, Jean-Marc Germain. Il sut être l’animateur de notre travail collectif, et parfois aussi le mateur de l’ANI, le dompteur des chausse-trapes du texte. Après des centaines d’heures d’auditions, il a mené un méticuleux travail d’amélioration du texte, peut-être pas de manière spectaculaire et tonitruante, mais avec efficacité. Il avait à ses côtés les responsables du groupe socialiste, notamment Fanélie Carrey-Conte, Gérard Sebaoun, Denys Robiliard et Jean-Patrick Gilles, sous la houlette de Christian Paul. Avec eux, j’ai cherché à alimenter la réflexion commune par des propositions parfois volontairement radicales visant à susciter le débat. Jeter des pavés dans la mare, soulever les questions qui fâchent, apporter des solutions, préférer l’efficacité des réponses subtiles à la stérilité d’une opposition systématiquement frontale. Il faut d’ailleurs noter que cette approche a été celle de la plupart des parlementaires socialistes présents tout au long des débats. Bien loin des oukases des députés pétitionnaires qui, après avoir appelé dans une tribune, il y a quelques semaines à, une transposition de l’ANI en l’état, se sont montrés bien peu nombreux dans l’hémicycle...

Les faits, d’ailleurs, leur ont donné absolument tort puisque le ministre lui-même a accompagné et, jusqu’à un certain point soutenu, ce travail d’amélioration du texte. J’y suis sensible, parce que cela fera date pour les négociations à  venir. En démissionnant totalement au nom de l’équilibre de l’accord, nous nous serions privés pour longtemps de tout pouvoir de régulation sur les questions soumises aux partenaires sociaux. La dé-totémisation de cet ANI pour faire loi était tout autant un impératif immédiat sur ce texte qu’un impératif pour l’avenir de l’articulation nécessaire entre démocratie sociale et démocratie politique. Nous l’avons bel et bien fait puisque ce texte réputé « intouchable » a été modifié par pas moins de 315 amendements adoptés en commission et en séance.

Un bilan en demi-teinte

Alors quel bilan ? Ni triomphalisme ni désespoir ! Soyons lucides, je sais que nous sommes encore loin du compte et ces débats me laissent un goût un peu amer. J’aurais souhaité que nous soyons collectivement plus mobilisés sur ce texte et qu’au milieu de la nuit, les bancs aient été aussi remplis que pour d’autres projets de loi emblématiques. Pour le dire franchement : j’étais fier d’être là nuit et jour pour le texte « Mariage pour tous » dans un hémicycle bien rempli. Je crois que le code du travail méritait le même engouement (si ce n’est plus). 

Mais d’un autre côté, je dois reconnaître que, par un véritable travail collectif, nous avons posé des jalons d’amélioration et pesé, parfois sans la pleine approbation du gouvernement, sur la rédaction finale du projet. Tout n’est pas rose dans ce projet de loi, mais il me semble tout de même, à  l’issue de 10 heures de débats en commission et de près de 70 heures de débats en séance, que l’ANI n’est plus tout à  fait l’ANI. L’opposition forte de la droite aux améliorations que nous avons apportées suffit à  en témoigner.

Je vous propose de revivre ici les principaux temps forts de ce débat, et en particuliers ces moments de controverses parlementaires précieux parce qu’ils font bouger les lignes. L’équilibre initial de l’ANI a été bousculé, et c’est une bonne nouvelle.

 

1er round : la commission des affaires sociales

Tout a commencé dans l’enceinte plus confidentielle et feutrée de la commission des affaires sociales pour un premier round d’amendements. Là, tout est question de tactique. Frapper fort tout de suite au risque de laisser le temps au Medef de faire valoir ses arguments et de verrouiller le débat public, ou privilégier les petits pas en commission et conserver nos meilleures cartes pour l’hémicycle. C’est cette seconde approche que nous avons choisie en soutenant et en faisant adopter, en commission, une première salve d’amendements importants mais faisant l’objet, avec le gouvernement et les autres partis de gauche, d’un relatif consensus. Sur les 187 amendements que nous avons déposés en commission des affaires sociales et en commission des lois saisie pour avis, 159 ont été adopté dont 61 traitent de sujets de fonds (le solde étant pour l’essentiel constitué d’amendements dits rédactionnels ou de précision). Je dresse ici la liste des évolutions les plus significatives :

 - L’article 4 du texte ouvre la voie à  de nouvelles expertises à l’initiative des instances représentative du personnel (IRP). Le projet de loi prévoyait, de manière tout à fait dérogatoire au droit commun, que ces expertises ne soient pas intégralement prises en charge par l’employeur mais, pour partie et jusqu’à  20%, par les comités d’entreprise. C’était oublier que ces expertises peuvent parfois se révéler beaucoup plus chères que le budget de petits CE. C’est pourquoi nous avons obtenu que la part du coût supporté par ceux-ci soit plafonnée à un tiers de leur budget.

- L’article 4 toujours prévoit la constitution, dans chaque entreprise, d’une base de données économiques et sociales regroupant de manière consolidée la totalité des données économiques, financières, stratégiques de la société, et ce de manière à permettre aux IRP de peser sur les orientations de l’entreprise. Il s’agit, au fond, de résorber l’asymétrie d’informations qui pénalise les organisations représentatives du personnel. Etrangement, les délégués du personnel étaient exclus de l’accès à  cette base alors même qu’ils jouent un rôle important en matière de rémunération des salariés et des dirigeants. La commission a adopté l’un de nos amendements remédiant à ces exclusions.

- L’article 5 prévoyant la présence au conseil d’administration de représentants salariés, il était indispensable de faire bénéficier ceux-ci du statut de salariés protégés afin de leur permettre d’exercer en pleine indépendance leurs mandats.

- Soumission des accords de mobilité à l’absence de projet de baisse d’effectifs afin d’éviter que ces accords ne deviennent un moyen de contournement des règles relatives aux licenciements collectifs : en pratique, la mise en œuvre de conditions de mobilité inacceptables pourrait devenir un moyen de provoquer le départ en série de salariés, sans avoir à  recourir à  une procédure de licenciements collectifs. Le projet de loi rendait impossible la conclusion d’accords de mobilité dès lors qu’existait un projet de licenciements. Nous en sommes revenus, par amendement, à la formulation plus large de l’ANI qui prévoyait l’absence de projet de diminution d’effectifs, couvrant ainsi par exemple, les hypothèses de plans de départ volontaires.

- Soumission des accords de mobilité à la prise en compte de la vie personnelle et familiale du salarié : en renvoyant à la formule très protectrice de la jurisprudence de la Cour de cassation, il s’agit là encore d’empêcher, dans les faits, que des accords collectifs de mobilité puissent entraîner la mobilité forcée des salariés sans prise en compte de leur situation de famille.

- Extension, dans le cadre d’accords de maintien dans l’emploi, du champ de la clause pénale à l’ensemble des dispositions de l’accord : le dirigeant ne devant pas pouvoir impunément se soustraire aux obligations auxquelles il s’est soumis par accord.

- Obligation que figure, dans les accords de maintien dans l’emploi, la mention des règles d’ordre public social relatives à la durée légale du temps de travail de 35 heures : il s’agit d’éviter que ces accords n’ouvrent la porte à une remise en cause de cette durée légale du travail.

 

2e round dans l’hémicycle

Mais c’est dans l’enceinte de l’hémicycle que s’est jouée la vraie bataille entre d’un côté, des rangs parlementaires UMP et UDI très clairsemés et de l’autre, un noyau, certes restreint, de parlementaires socialistes, écolos et communistes fortement mobilisés. Avec des stratégies parlementaires différentes mais absolument complémentaires.

D’un côté, des communistes fortement hostiles, avec à leur actif près de 500 amendements défendus avec beaucoup d’âpreté qui auront permis, à  défaut de leur adoption, que le débat se tienne, sans complaisance ni zones d’ombre. L’extrême pédagogie du rapporteur, Jean-Marc Germain, mais également la clarté et le sérieux des réponses du ministre, Michel Sapin, ont traduit une volonté, sinon de consensus, du moins d’écoute et de persuasion. Ni obstruction de la part du Front de Gauche. Ni mépris de la part du ministre et du rapporteur. Bref, un sain et utile débat pour notre majorité.

Sur les mêmes bancs, aux côtés de nos énergiques collègues, les députés socialistes, mais aussi les députés écologistes et radicaux, ont adopté une approche moins frontale mais que je crois plus efficace. C’est, je crois, lors de ces longues heures de débats diurnes et nocturnes que nous sommes parvenus à  arracher quelques améliorations.

Ainsi de ces amendements adoptés de manière consensuelle par les parlementaires socialistes avec le soutien du gouvernement:

- Obligation de conformité des contrats collectifs aux exigences des contrats solidaires et responsables. Rien d’anecdotique ici puisque cela définit implicitement une couverture minimum pour tous les salariés bénéficiaires. Sans cet amendement, les salariés couraient le risque d’une protection très dégradée, inférieure même à  la CMU-C.

- La présence des salariés dans les CA des entreprises est avancée à  2014 au plus tard (contre fin 2016 initialement) et les modalités de leur désignation ne pourront être fixées unilatéralement par l’employeur, qui devra consulter le CE. 

- Mise en place d’un contrôle à postériori de l’utilisation du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) dans le cadre de l’analyse, par la direction du travail, de la validité des plans sociaux : autrement dit, le plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) ne pourra être réputé conforme dès lors qu’il aura été fait du CICE un usage non-conforme (notamment en cas de distribution de dividendes ou de hausse de la rémunération des dirigeants). C’est aller plus loin que l’amendement que j’avais déposé visant à la transmission de l’usage du CICE à l’administration fiscale et qui n’était au fond qu’une obligation d’information. Avec cet amendement à l’article 13, nous rendons pour la première fois ce contrôle opérationnel. Cela crédibilise également la revendication de tous ceux qui, comme moi, pensent qu’il faut des contreparties aux 20 milliards d’euros du CICE. Et aussi des sanctions.

- Suppression de la faculté de se soustraire, par accord d’entreprise ou d’établissement, au régime des coupures : ce régime protecteur prévoyait qu’il soit impossible de prévoir plus d’une interruption par jour dans la période de travail et que celle-ci ne pouvait être supérieure à deux heures. Il était néanmoins possible d’y déroger par accord. Cette possibilité est supprimée.

- Transformation de l’obligation d’accord triannuel de mobilité en simple faculté offerte aux partenaires sociaux : il s’agit d’éviter de contraindre des organisations représentatives de salariés à négocier des accords sur des thèmes potentiellement glissants. Ces accords n’interviendront que lorsque les partenaires sociaux le jugent nécessaire, c’est-à-dire lorsque la situation particulière de l’entreprise le justifie.

- Assujettissement, dans le cadre d’un accord de maintien dans l’emploi, des dirigeants, comme des actionnaires, à une baisse de leur rémunération progressive à celle consentie par les salariés : cela signifie concrètement que plus les rémunérations des dirigeants sont élevées, plus les sacrifices consentis devront être importants, règle qui vaut également, en matière de dividendes, pour les actionnaires et mandataires sociaux.

- Prise en compte des situations de santé et de handicap dans le cadre de la conclusion d’accords de mobilité : les personnes fragilisées par des situations de santé et de handicap devaient être prises en compte de manière spécifique dans les accords de mobilité. Le projet de loi ne le prévoyait pas. En effet, une mobilité acceptable pour un salarié en plein possession de ses capacités physiques ne le serait pas nécessairement dès lors qu’il s’agit de personnes souffrant d’une santé fragile ou d’un handicap.

- Prise en compte de la vie personnelle et familiale du salarié dans l’aménagement des « limites imposées à cette mobilité au-delà de la zone géographique d’emploi du salarié, elle-même précisée par l’accord » : nous renvoyons ainsi à la jurisprudence très protectrice de la Chambre sociale de la Cour de cassation.

- Application des règles du licenciement collectif pour motif économique en cas du refus des accords de mobilité (art. 10) ou des accords de maintien dans l’emploi (art. 12) par les salariés : en pratique, cela signifie que les procédures de reclassement leur seront applicables, alors que ce n’était pas le cas, ni au titre de l’ANI, ni au titre du projet de loi.

- Augmentation à 15 jours des délais de validation par les directions régionales du travail des accords de licenciements collectifs pour motif économique prévu par l’article 13 : il s’agit de donner à l’administration la possibilité de faire son travail. Le retour de l’Etat est un élément fort et positif du projet de loi. Il ne fallait pas que des délais trop courts vident cette évolution de sa substance.

- A l’article 15, le projet de loi prévoyait qu’en cas de licenciements économiques, l’employeur, dans l’ordre des licenciements, prenne en compte les qualités professionnelles en priorité : or toutes les études ont montré que ce critère est particulièrement défavorable aux femmes puisque la disponibilité est la qualité professionnelle la plus mise en avant par les employeurs, en particulier sur des postes peu qualifiés.  

Contre l’avis du gouvernement, une tension constructive

Parfois l’harmonie fut moins évidente. Avec plusieurs de mes collègues (Denys Robiliard, Fanélie Carrey-Conte, Pascale Boistard, Pouria Amirshahi, Kheira Bouziane, Gwenegan Bui, Nathalie Chabanne, Pascal Cherki, Philip Cordery, Jean-Pierre Dufau, Henri Emmanuelli, Richard Ferrand, Daniel Goldberg, Linda Gourjade, Estelle Grelier, Chantal Guittet, Razzy Hammadi, Mathieu Hanotin, Regis Juanico, Chaynesse Khirouni, Christophe Léonard, Jean-Pierre Maggi, Jean-Philippe Mallé, Michel Pouzol, Barbara Romagnan, Stéphane Travert, Michel Vergnier, Paola Zanetti), nous avons déposé et adopté des amendements complémentaires à ceux du groupe socialiste. Ainsi de ces amendements emblématiques adoptés par une partie du groupe socialiste avec le soutien de nos collègues communistes, radicaux et verts contre l’avis du gouvernement. Emblématiques parce qu’ils montrent que les parlementaires ne sont pas d’inutiles godillots. Emblématique parce qu’ils touchent à deux sujets clés des débats qui agitent, en ces temps troublés, les théoriciens du logiciel socialiste : la précarisation du travail par le recours massif et abusif au temps partiel d’une part. La question des déficits d’autre part.

- Sur le temps partiel, tout, nous avait-on dit, avait été pesé au trébuchet. Chaque chiffre avait l’objet d’âpres compromis. C’était intouchable ! Il ne fallait pas jeter le bébé de l’avancée du seuil de 24 heures avec l’eau du bain. Sans contester l’avancée, nous ne l’avons jamais entendu de cette oreille, soucieux de limiter les effets des trop nombreuses exceptions au principe. Concomitamment à la délégation aux droits des femmes, j’avais déposé, avec Barbara Romagnan et d’autres collègues, un amendement visant à imposer qu’au-delà du 4e avenant (la loi en prévoyant un maximum de huit sur une base annuelle), les heures complémentaires soient immédiatement majorées de 25%. De la sorte, nous luttions contre le recours abusif aux avenants et reposions la question de la rémunération des heures non prévues dans le contrat initial. Le gouvernement comme le rapporteur ont émis un avis défavorable. Celui-ci a néanmoins été repris par André Chassaigne et adopté (preuve que les plus assidus des parlementaires socialistes, les plus présents du début à la fin, n’étaient pas les moins critiques avec le texte…). Je regrette donc qu’à presque 1 heure du matin, dans les dernières minutes de ce débat, le ministre ait demandé une seconde délibération de l’article 8 afin de revenir sur mon amendement. Les arguments invoqués à l’appui de cette seconde lecture ne m’ont malheureusement pas convaincu.

- Sur les déficits ensuite : cette question était soulevée dans le cadre particulier de l’article 7 qui renvoie aux accords nationaux la possibilité de moduler les charges (à la hausse ou à la baisse) en fonction, notamment, de la durée des contrats de travail, manière de pénaliser le recours aux contrats courts. Il fallait néanmoins éviter que, par un effet ciseaux de ce système de bonus - malus, les ressources de l’Unedic soient défavorablement affectées alors même qu’elle connaît une situation de déficit de 18 milliards d’euros et que le chômage augmente. Sur ce sujet, nous étions au cœur d’un débat politique de fond. La droite répond toujours à cette question par un appel à une baisse des indemnités chômages (« il faut baisser les dépenses »). Nous répondons au contraire qu’il est indispensable de les maintenir en période de destruction d’emplois pour lutter contre la précarisation des chômeurs et qu’il est normal que le déficit augmente avec le chômage. Mais dans le même temps, nous, socialistes, ne pouvions accepter que par un déséquilibre entre les malus et les bonus, l’Unedic se prive de recettes nouvelles. C’est la raison pour laquelle, contre l’avis du gouvernement et du rapporteur, nous avons adopté un amendement qui précise que le « produit des contributions [à  l’assurance chômage] ne soit pas diminué ».

Un long chemin

Un long chemin parcouru d’abord. Parce que, incontestablement, les avancées du texte issues de ces débats sont nombreuses. On me reprochera sans doute de ne pas m’être opposé frontalement, sur chaque article, sous prétexte que ceux-ci étaient imparfaits. Cette posture, je l’assume. Aurait-il fallu, sous le Front Populaire, refuser de voter les 40 heures au motif qu’elles n’étaient pas 39 ou 35 ? La généralisation de la complémentaire santé, les droits rechargeables à l’assurance chômage, l’embryon de présence des administrateurs salariés dans les conseils d’administration, la mise en place – même si ses modalités restent à préciser – d’un véritable compte individuel de formation transférable etc.

Mais un trop long chemin à parcourir surtout. Car ce texte, en dépit de ses avancées initiales et de celles que nous avons apportées, révèle, en négatif, l’ampleur de ses insuffisances. Chacun de nos amendements pris individuellement est utile, mais nous ne sommes malheureusement pas parvenus à bouleverser substantiellement les équilibres du texte. J’aurais souhaité, comme je l’ai dit lors de ce marathon parlementaire, que nous fassions nôtre la devise olympique en allant « plus vite, plus loin, plus fort ».

- Les avancées sont encore insuffisantes sur la présence des salariés dans les CA des entreprises. 4 millions de salariés dans 250 entreprises sont aujourd’hui concernés. Nous proposions de doubler ces chiffres et regrettons évidemment de n’avoir pas été suivis. Même si un rendez-vous législatif est d’ores et déjà pris après une évaluation mi-2015.

- J’aurais également souhaité que sur le temps partiel, nous avancions beaucoup plus fortement, notamment en matière de rémunération des heures complémentaires et sur l’organisation des horaires de travail. D’autant que les quelques avancées obtenues, sur les facultés d’avenants notamment, ont été immédiatement balayées par la seconde délibération demandée par le ministre.

- Sur les accords de mobilité ou de maintien dans l’emploi, il aurait fallu régler de manière plus claire la question des salariés refusant l’accord. De même, sur les licenciements économiques, le retour de l’Etat aurait dû se manifester de manière plus précise par la mention explicite d’un pouvoir d’appréciation du motif économique du licenciement.  

- Je ne cautionne pas non plus que notre majorité maintienne l’abaissement des délais de prescription à deux ans (au lieu de 5 ans), faisant du contrat de travail le seul contrat de droit civil avec une prescription réduite, alors même qu’il est l’un des plus inégalitaires et que cette question n’a rien à voir avec les objectifs de sécurisation de l’emploi. On le sait, cet article 16, c’est un article du fameux « donnant-donnant » et il était la demande forte d’une partie du patronat. Les syndicats signataires nous ont dit eux même lors des auditions qu’il constituait une indéniable régression.

Mon vote

Tout au long de ces débats, je me suis efforcé, par petites touches, de m’engouffrer dans chacune des brèches d’amélioration. J’ai soutenu et voté les articles lorsque cela me paraissait juste. Je me suis abstenu ou ai voté contre sur d’autres, lorsque leur contenu, même amendé, me semblait contraire à l’intérêt des salariés.

Cet après-midi a lieu le vote solennel. La grande majorité des parlementaires, absents durant ces longues heures de débat, apporteront probablement au texte un suffrage favorable aussi loyal qu’insuffisamment éclairé sur le contenu précis du texte. Pour ma part, en conscience, en tenant compte des avancées, mais lucide sur les risques de recul de la protection des salariés, je n’approuverai pas ce texte.

 

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 15:41

 

 

Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 09.04.2013 à 17h13 • Mis à jour le 09.04.2013 à 17h44


 

 

Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social, le 4 mars à l'Elysée.

L'Assemblée nationale a voté, mardi 9 avril, le projet de loi sur l'emploi. Si le PS a voté pour et les radicaux de gauche aussi "dans leur majorité", les écologistes ont préféré s'abstenir. Abstention aussi de l'UMP et de l'UDI. Le Front de Gauche a voté contre. Le vote final a été de 250 voix contre 26.

Avant le vote, une manifestation contre ce projet de loi, réunissant la CGT, FO et la FSU, a eu lieu devant l'Assemblée. Lundi, au sixième et dernier jour du débat, une profonde réforme des règles encadrant les licenciements et des recours judiciaires a été adoptée, provoquant la colère du secrétaire national du PCF, Pierre Laurent, qui a appelé à "suspendre immédiatement le débat".

"Le débat fut long, une semaine, mais ça le valait" autour d'un texte "éminent de progrès", et "il n'y a pas eu de photocopiage mais un vrai travail parlementaire", s'était félicité le ministre du travail, Michel Sapin, lundi, peu après minuit, après l'examen de tous les articles et amendements.

 

 PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE JUSQU'AU SÉNAT

Désormais, pour être valide, un plan de suppressions d'emploi devra avoir été validé par un accord conclu avec des syndicats, ou des représentants du personnel, majoritaires dans l'entreprise, ou à défaut avoir été homologué par l'administration du travail. Le "retour de l'Etat dans le contrôle des plans sociaux" est l'une des "avancées" du texte sur lesquelles le rapporteur n'a cessé d'insister.

 

Lire nos explications : Licenciements, droits des salariés... Ce qui va changer avec l'accord sur l'emploi


Rejetés en revanche les amendements du Front de gauche notamment contre "le choix d'évincer le juge civil de la procédure de contrôle du plan". Le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse a aussi été repoussé, malgré le soutien des écologistes, des radicaux et de l'UDI à cette demande du Front de gauche.

Autre long débat, la réforme controversée des recours judiciaires, qui comprend notamment des délais réduits pour réclamer des dommages et intérêts à son employeur, a été votée quasiment sans changement, avec notamment les suffrages de l'UMP. Le Front de gauche a voté contre cet article "scandaleux", expliquant qu'il aboutirait à "abréger l'action prud'homale".

 Le Sénat, où le PS n'a pas seul la majorité, s'emparera désormais de ce projet de loi, examiné en procédure accélérée, c'est-à-dire une seule lecture par chambre.

 

Lire aussi : L'accord sur l'emploi est-il identique à ce que proposait Sarkozy ?

Après avoir approuvé lundi une profonde réforme des règles encadrant les licenciements et des recours judiciaires, l'Assemblée s'apprête à voter le projet de loi sur l'emploi.

 

 
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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 15:27

 

Le Monde - Blog

 

 

Capture d'écran de la page d'accueil du site de Pôle emploi depuis lequel les chômeurs pourront bientôt "chatter" avec leurs conseillers.

 

Demain, les conseillers de Pôle emploi pourront suivre les chômeurs uniquement sur Internet, notamment en "chattant" avec eux. Un document de travail confidentiel (la direction de Pôle emploi fait savoir que McKinsey est seulement responsable de la "matrice du document" et non de sa conception, contrairement à ce qui était indiqué auparavant) et envoyé aux syndicats de Pôle emploi, prévoit en effet que le suivi "100 % Web", dont la direction parle depuis plusieurs mois, soit déployé progressivement à partir de décembre 2013. Ce point devrait être au cœur du comité central d'entreprise convoqué mercredi 10 avril.

Selon le document, sept régions "pilotes" (Alsace, Auvergne, Haute-Normandie, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées et PACA) devraient tester ce "suivi dématérialisé", avant qu'il soit étendu au reste de la France à partir de juillet 2014. "Ce suivi 100 % Web est encore une expérimentation, il ne sera étendu que si l'évaluation est probante", précise toutefois la direction de Pôle emploi. "Dès le démarrage de l’accompagnement guidé dématérialisé, le demandeur d’emploi accède dans son espace personnel à de nouveaux canaux de contacts (visio, possibilité de demande de rappel téléphonique, chat) et de délivrance de services (accès à des kits sectoriels dématérialisés, accès à des modules multimédias)", précise le document.

 

GAINS DE PRODUCTIVITÉ

La direction précise bien que ce suivi se fera uniquement sur la base du volontariat. Pour ces volontaires, ce sera la fin des rendez-vous réguliers en agence : ils se verront affecter un conseiller qu'ils ne connaîtront éventuellement que par "chat" ou par téléphone. Le document précise en effet que leur conseiller pourra travailler depuis une plateforme régionale. La direction ne précise pas cet aspect, mais ces modalités de suivi devraient inévitablement se traduire par des gains de productivité importants pour Pôle emploi, qui cherche actuellement à renforcer le temps que les conseillers consacrent à l'accompagnement des chômeurs.

Contrairement à ce qu'elle indiquait jusqu'ici, ce suivi "100 % Web" pourra d'ailleurs être proposé aux chômeurs du "suivi guidé". Depuis février, tous les chômeurs sont en effet répartis en trois catégories en fonction de leur éloignement de l'emploi (Lire : "Les conseillers de Pôle emploi pourront suivre jusqu'à 350 chômeurs"). Or, initialement, seuls les chômeurs du "suivi simple", les plus autonomes, devaient pouvoir bénéficier de ce suivi uniquement à distance.

Ce changement de position s'explique probablement par l'explosion du chômage et donc de la taille des portefeuilles. Dans le "suivi guidé", les conseillers devaient pouvoir suivre entre 100 et 150 chômeurs chacun. Dans le cadre du "100 % Web", les portefeuilles "guidés" pourront aller jusqu'à 250 chômeurs, indique le document. "Il ne s'agit pas d'un changement de position. Les chômeurs les plus autonomes peuvent bénéficier de service Web, c'est différent du 'suivi guidé' 100 % Web", explique la direction.

La direction devra par ailleurs préciser quelles modalités de contrôle s'appliqueront à ces chômeurs. Rater un rendez-vous en ligne ou au téléphone pourra-t-il entraîner une radiation comme pour les rendez-vous physiques ? Le document n'en dit rien.

 

Edit 9/04 à 14 heures : ajout de la réaction de la direction de Pôle emploi

A 16h30 : avec les précisions sur le rôle de McKinsey.

 

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 14:56

 

 

LE MONDE | 05.04.2013 à 11h03 • Mis à jour le 09.04.2013 à 16h40

 

 

Par Anne Michel


 

C'est l'une des grandes révélations de l'OffshoreLeaks. L'univers opaque des paradis fiscaux n'abrite pas seulement des multinationales, des milliardaires ou des oligarques russes, mais aussi de gros entrepreneurs et des hommes d'affaires, des notables de province et des professions libérales. Ceux-ci ont en commun un goût prononcé pour le secret et, très souvent, une profonde aversion à l'impôt...

Le "Rotary Club" aux îles Caïmans ? "C'est effectivement le vrai visage de l'évasion et de la fraude fiscale, celle, massive, à laquelle l'administration publique se trouve tous les jours confrontée, confirme un haut fonctionnaire. Les projecteurs se braquent sur des personnalités emblématiques. Mais chaque année, des patrons de grosses PME délocalisent des dizaines de millions d'euros dans des juridictions à la fiscalité faible ou nulle."


DES DIRIGEANTS DE GROSSES ENTREPRISES

Parmi les noms français identifiés sur les fichiers du Consortium de journalistes d'investigation (ICIJ) figurent donc des dirigeants de grosses entreprises. C'est le cas de la famille Grosman, la 186e fortune de France selon le classement du magazine Challenges, qui possède notamment les magasins Celio et Jennyfer.

L'enquête conduite à partir des fichiers nous a conduits à une société créée en 2003, aux îles Vierges britanniques, Goldenstump Investments Limited, dont la Financière Namsorg, la holding familiale des Grosman, est actionnaire aux côtés de deux autres investisseurs.

L'un de ces investisseurs est domicilié en France (Samy Marciano, le patron du groupe Folia, spécialisé dans l'import-export de produits de maille, repreneur de Rodier) et l'autre, en Israël (Meier Abutbul, un homme d'affaires très présent dans l'immobilier).

Contactée, Antoinette Grosman, présidente de la Financière Namsorg, confirme les faits. Mais elle précise que la Goldenstump Limited a été spécialement créée pour piloter le rachat d'hôtels en Grande-Bretagne et ne conserve aujourd'hui "qu'un seul actif à Londres". La société offshore aurait été localisée aux îles Vierges britanniques à la demande de son partenaire en Israël.

 

"UNE SOCIÉTÉ EN PERTES"

Récusant le fait d'avoir tiré un avantage fiscal lié à cette structure, Mme Grosman évoque "une société en pertes". Avant de concéder être intervenue, en 2009, c'est-à-dire en pleine offensive des pays du G20 pour combattre l'opacité des paradis fiscaux, notamment les centres financiers les plus exotiques, afin de transférer la société des îles Vierges vers le Luxembourg, un autre paradis fiscal.

"Au moins, c'était en Europe, explique la présidente Financière Namsorg. Tout le monde sait très bien que tout l'immobilier européen est détenu via des sociétés au Luxembourg." Pour le reste, la femme d'affaires rappelle que la Financière Namsorg est établie en France et y paie des impôts : "Nous ne nous sommes pas expatriés en Suisse", conclut-elle.

En marge des entrepreneurs, les hommes d'affaires se laissent eux aussi souvent tenter par "l'aventure offshore". Et quand ils sont "découverts" et acceptent de s'expliquer, ils renvoient eux aussi très souvent la responsabilité de leurs structures offshore à leurs partenaires en affaires... Tout en affirmant que leurs investissements sont légaux et déclarés.

Dans ce cadre, une histoire, complexe comme le sont ces associations d'entrepreneurs dans les paradis fiscaux, retient l'attention : celle de deux sociétés créées dans les Iles Cook, paradis fiscal de l'océan Pacifique, Dragon Age Investments Limited et V-Trac Holdings Limited, actives entre 1993 et 2006. Elle associe trois partenaires, dont deux sont Français, Stéphane de Montauzan et Alain Mallart, et le troisième, un Américain installé au Vietnam, tout à la fois banquier et homme d'affaires, Anthony D. Salzman, lié à l'entreprise américaine Caterpillar.

 

OPÉRATION EST SÉDUISANTE SUR LE PAPIER

M. Mallart est connu des milieux d'affaires français en tant qu'ancien patron des sociétés Novalliance et GFI, mais aussi comme l'homme accusé – à tort, apprendra-t-on finalement – d'être le délateur dans le fameux scandale financier Executive Life, qui a marqué les années 1990 (il portait sur le rachat dans des conditions controversées d'une compagnie d'assurance-vie californienne). Il réside aujourd'hui en Belgique où il dirige un holding d'investissement des jeunes pousses, Externalis.

L'association des trois hommes, aux intérêts très divers, visait, en substance, à profiter des opportunités commerciales d'un marché vietnamien que l'on disait en plein boom. M.Salzman devait permettre à Caterpillar de vendre ses machines au Vietnam. C'est lui qui, selon ses partenaires, pilote la création des sociétés offshore. L'opération est séduisante sur le papier. Elle s'avère être un flop.

Le marché n'a pas décollé. M. Mallart explique au Monde avoir mis fin à toute l'affaire, après s'être fâché avec M. Salzman et avoir perdu de l'argent. Il affirme que, le concernant, tout s'est fait dans la légalité, dans le cadre d'une participation dans Caterpillar. "En tant que Français, j'ai tout déclaré à l'administration fiscale de l'époque", précise-t-il.

Enfin, une autre histoire témoigne de ce recours bien plus fréquent qu'on ne le pense aux sociétés opaques créées à l'ombre des paradis fiscaux. Elle concerne le fondateur d'un cabinet de conseil en recrutement de hauts dirigeants, très en vue à Paris, Alexander Hughes.

Selon les données extraites des fichiers d'ICIJ, celui-ci est à l'origine de la création, en 2007, de trois sociétés dans les îles Vierges britanniques, Gerland Consulting Limited, Alizee Management et Arcadian Management. Ces sociétés ont été constituées avec l'aide d'un prestataire de services installé à Chypre. Il en est le bénéficiaire aux côtés de ses deux fils.

Sollicité, l'un d'eux confirme l'existence de ces sociétés et insiste sur la légalité des opérations. Tout en concluant son propos ainsi : "Mais le monde change et les paradis fiscaux ne sont plus opaques, si ?"


Anne Michel

 

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9 avril 2013 2 09 /04 /avril /2013 14:47

 

 

Le Monde.fr | 09.04.2013 à 16h15 • Mis à jour le 09.04.2013 à 17h33


 

Bernard Cazeneuve, ministre délégué au budget, le 20 mars.

 

Le ministre du budget Bernard Cazeneuve a demandé, mardi 9 avril, à "la presse" de transmettre les fichiers "Offshore Leaks" à la justice, pour lui permettre de "faire son travail". Il évoque là les 2,5 millions de documents relatifs à des comptes offshore obtenus par le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) et mis à disposition d'un certain nombre de médias internationaux, dont Le Monde, afin de mettre en lumière le poids des paradis fiscaux dans l'économie mondiale.

Ces documents avaient été transmis à l'ICIJ par d'anciens salariés de deux entreprises de services de financiers offshore (Portcullis Trustnet et Commonwealth Trust Limited).

 

Lire : Les détails du projet Offshore Leaks


L'examen entrepris par Le Monde révèle que les noms de 130 Français apparaissent dans la base de données "Offshore Leaks". Il a notamment dévoilé que le trésorier de la campagne présidentielle de François Hollande, Jean-Jacques Augier, avait ouvert en 2005 et 2009 deux sociétés dans les îles Caïmans, un paradis fiscal.

 

Lire : Offshore Leaks : Nous publierons une dizaine de noms français significatifs


 

Trente-six médias sont partenaires de l'enquête internationale sur les paradis fiscaux "Offshore Leaks" en collaboration avec le Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ).

 

 TOLÉRANCE ZÉRO POUR LES DÉLINQUANTS FISCAUX

S'exprimant à l'Assemblée nationale, M. Cazeneuve a également indiqué que le gouvernement ne mettrait pas en place de "cellule de régularisation" ni de plan d'"amnistie" pour ceux qui ont fraudé le fisc en ouvrant un compte à l'étranger.

Un peu plus tôt dans la journée, le premier ministre Jean-Marc Ayrault avait promis qu'une série de mesures de lutte contre "la grande délinquance financière, la fraude fiscale organisée et les paradis fiscaux" serait intégrée à la future loi sur la moralisation de la vie politique. "Les mesures que je suis en train de préparer n'ont pas pour but de stigmatiser mais de garantir aux citoyens la transparence et le contrôle, et pas seulement pour les élus", a-t-il expliqué sur BFMTV.

Le projet de loi, annoncé dans la foulée de l'affaire Cahuzac, doit être officiellement présenté en conseil des ministres le mercredi le 24 avril, pour une adoption parlementaire "avant l'été". Une proposition de loi sur l'évasion fiscale a enfin été présentée mardi à l'Assemblée par le député socialiste Yann Galut. Elle vise notamment à instaurer un délit de "fraude fiscale en bande organisée" et à durcir les sanctions à l'encontre des détenteurs de comptes clandestins à l'étranger.

 

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 16:22

 

 

Médiapart - Blog

 

 

C'est le visage tuméfié, suturé, violenté, de ces deux hommes agressés samedi soir. Deux agressions homophobes en plein coeur de Paris, deux couples passés à tabac pour avoir osé se tenir par le bras dans la rue.

 

homophobie 
homophobie

Le voilà le vrai visage de votre discours de haine maquillée en débat politique que vous voudriez digne et respectable mais dans lequel vous alignez les insultes, les contre vérités et la mauvaise foi, incapables de comprendre et d'assumer l'homophobie profonde, et implicite, de chacune de vos prises de parole.

Le voilà la vrai visage de votre mobilisation "familiale" au nom des enfants, ces mêmes enfants que vous vouliez utiliser comme boucliers face au CRS et aux gaz lacrymogènes.

Le voilà le vrai visage de votre logorrhée d'ignorance, qui voudrait faire des homosexuels et de leur droit au mariage une "menace pour la société", un "danger pour la civilisation", une "mutation anthropologique profonde". Non l'homosexualié n'est pas nouvelle, elle n'est pas une "mode" ou une propagande, elle est une réalité irréductible et inhérente à la nature humaine, de tout temps et dans toutes les sociétés. Non l'homosexualité n'a pas été "de tout temps et partout condamnée", il se trouve qu'un temps l'église bénissait les unions entre hommes, il se trouve que les samourais y voyaient la clé du courage et de la bravoure. Non l'homosexualité n'a pas entraîné le déclin de la civilisation antique, elle est même consubstantielle à son rayonnement. L'histoire et l'évolution des moeurs est bien plus complexe que vous ne voudriez le faire croire.

Le voilà  le vrai visage de votre "dignité" qui depuis des mois se permet d'associer les homosexuels à des zoophiles, ou les place hors et en dessous du genre humain - qui donc fait des homosexuels des chiens. Mais ce sont bien les chiens que vous avez lâchés, en légitimant et encourageant leur violence. Derrière les mots, les actes. La violence verbale est toujours le premier pas de la violence physique.

Le voilà le vrai visage de vos mensonges "un papa une maman", comme si l'on ne mentait pas en permanence aux enfants, comme si surtout votre idéal naïf d'une famille "traditionnelle" avait jamais été une quelconque garantie pour l'équilibre des enfants, et partant, des adultes qu'ils deviennent. A vouloir faire de nous une menace encore, un danger pour l'équilibre des enfants, (à l'encontre de tous les résultats des études qui montrent que les enfants d'homos s'épanouissent ni mieux ni moins bien que les autres, et au mépris du bien-être de tous les enfants d'homos aujourd'hui en France qui, depuis que vous vomissez votre haine à longueur de "débat", finissent par voir leur épanouissement et leur équilibre sérieusement bousculés...), à nous refuser le droit et la capacité d'élever des enfants aussi bien et aussi mal que vous. Parce que si "un papa une maman" était le secret du bonheur, alors pourquoi les terrorristes, les délinquants, les alcoolos, les époux violents, les criminels, les serial killers, les addicts de tous poils, ont ils dans leur immense majorité "un papa, une maman"? Pourquoi la France est elle le premier pays consommateur de psychotropes et d'anti-dépresseurs? Rien, jamais, ne protège un enfant des névroses de ses parents, grandir est toujours une expérience de douleur et de lutte. Il n'y a pas de familles idéales. Il n'y a que des familles dysfonctionnelles. Lisez un peu Vipère au Poing, ca vous remettra de l'ordre dans les idées.

Le voilà le vrai visage de vos mensonges qui voudraient faire des homosexuels des "consommateurs" et des négociants d'enfants sans coeur ni reproche ni scrupules, à vous entendre bientot on va les manger tout crus, sûrement en tout cas les violer, à n'en pas douter en faire les esclaves de nos désirs. Mais les enfants sont TOUJOURS victimes des désirs de leurs parents. Demandez à tous les enfants de divorcés, de familles monoparentales, etc.... Non la GPA n'est pas une conséquence directe du mariage homo. C'est un autre sujet. Il y a plein de manières pour un homo de faire un enfant. Et la GPA n'a pas attendu les homos pour se développer. Elle est là, elle se développe, et autant l'encadrer que refuser de la voir. Que vous souhaitiez ne pas regarder en face une réalité qui est là de toute façon, c'est finalement la même démarche qui consiste à vouloir nous re-foutre au placard, nous cantonner à nos rôles d'amuseurs publics ou d'obsédés du cul (ben oui comme on peut pas se marier il faut bien qu'on s'occupe), vieux garçons ou grandes folles, mais surtout pas, surtout pas des citoyens comme les autres, à égalité avec vous dans notre capacité d'aimer et d'être aimé, de transmettre et d'éduquer. Non surtout pas l'égalité, cette égalité que vous méprisez ouvertement (combien de fois on a entendu "on ne va pas toucher au mariage au nom de l'égalité", "il faut accepter que vous êtes différents", etc...). Surtout ne pas voir l'égalité en marche.

Le voilà le vrai visage de votre mouvement aux affiches inspirées de la période la plus honteuse de toute l'histoire de France.

Ce lundi matin les homos de France et leurs amis ne peuvent meme pas parler de gueule de bois. Plutot de consternation, parce qu'on la voyait venir, la bête immonde, depuis des mois, on agite le drapeau face aux discours dangereux, aux alliances révélatrices et pas anodines avec les groupes les moins fréquentables. On vous l'avait bien dit, il y a peut etre une différence de degré mais certainement pas de nature entre leurs discours: c'est bien toujours de haine qu'il s'agit, et la haine est une force incontrôlable.

Il faudrait exiger des excuses publiques à tous les meneurs de ce mouvement de honte, Frigide Bardot, Christine Boutin, JF Copé, Laurent Wauqiez, vous êtes responsables de ce déchaînement de violence. Il vous revient de calmer le jeu, de reconnaître que vous êtes allés trop loin, et que vos propos ont attisé le feu. Dites le pour voir: "les homosexuels sont des citoyens comme les autres, ils ne représentent de menace ni pour les enfants ni pour la société, ils ne sont ni plus ni moins "moraux" que les autres, ils ne sont pas "anormaux", ils ont le droit de fonder une famille comme les autres". Ne pas être capable de dire ça, c'est légitimer et encourager la violence. Aussi simple que ça.

Nous serons je l'espère nombreux mercredi soir à vous montrer qu'on ne se laisse pas intimider.

L'amour et l'égalité vaincront l'ignorance et la haine.

 

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8 avril 2013 1 08 /04 /avril /2013 15:15

 

Médiapart

| Par Carine Fouteau

 

Sa mission consiste à aider les Roms à s'intégrer. Désigné depuis sept mois par le premier ministre, le préfet Alain Régnier, délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal), est censé faire contrepoids à la politique de démantèlements des campements menée par le ministre de l’intérieur.

Le programme fixé par Jean-Marc Ayrault est d'anticiper l’intervention des forces de l’ordre, d'établir des liens avec les familles et de leur permettre d’accéder à leurs droits en matière de logement, de travail, de scolarisation et de santé. Autrement dit, de les aider à trouver une place dans la société française. Une tâche difficile à mener quand Manuel Valls clame que cette population ne souhaite pas s'insérer en France. 

 

Expulsion à Saint-Priest, près de Lyon, le 28 août 2012. © Reuters 
Expulsion à Saint-Priest, près de Lyon, le 28 août 2012. © Reuters

« Hélas, les occupants de campements ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution », a récemment déclaré le même ministre qui se charge de les faire évacuer et, ce faisant, les empêche de se stabiliser.

« C’est la mission la plus difficile qui m’ait été confiée de ma vie », indique Alain Régnier. Surnommé «préfet des Roms», il dénonce le racisme ordinaire qui se développe à l'encontre de cette population et la schizophrénie des pouvoirs publics. Cet ex-directeur de cabinet de Dominique Versini et de Nelly Olin et ancien collaborateur de Dominique de Villepin à Matignon se retrouve sur une ligne comparable à celle défendue par le Défenseur des droits, Dominique Baudis, ex-élu centriste (lire son entretien dans Libération). Marqués par leur expérience, l'un et l'autre rejoignent les constats effectués depuis des années par les associations sur le terrain.

Entretien avec un adepte de la « politique des petits pas », à l’occasion de la journée internationale des Roms le 8 avril, et alors qu’en France les évacuations de terrains se multiplient, le plus souvent sans propositions de relogement. 

 

Quelle analyse faites-vous de la situation des Roms en France ?

Alain Régnier. Selon mes estimations, ils sont environ 20 000 en France, dont un tiers d’enfants. Un chiffre à comparer aux 900 000 installés en Espagne et aux 2,5 millions en migration dans l’espace européen. Leur nombre est à peu près stable depuis une décennie. En Île-de-France, on compte 260 campements, soit 12 000 personnes. Ils sont extrêmement pauvres et quittent leur pays, en Roumanie dans 80 % des cas, parce qu’ils n’y trouvent pas leur place. Comme n’importe quel migrant, ils cherchent des conditions de vie meilleures au sein de l’Europe en construction. Contrairement aux gens du voyage, ils ne sont pas itinérants. Avant leur départ, ils avaient presque tous un habitat. Ceux qui se retrouvent en France partagent des traits communs avec les personnes qui vivent ou plutôt survivent dans la grande pauvreté : misère et exclusion. Leur sort n’est par exemple pas très éloigné de celui des SDF qui ont élu domicile depuis des années dans des baraquements de fortune le long du périphérique parisien. Mais, à la différence des autres sans-abri qui sont généralement isolés, les Roms vivent en famille.

 

Pourquoi ces familles ont-elles quitté leur pays d’origine ?

C’est la misère qui les a forcées à bouger. Mais aussi les discriminations. En Roumanie, dans le cadre du recensement, seulement 600 000 personnes se déclarent Roms, alors qu’on estime leur nombre à plus de 2 millions. Dans ces pays d’Europe de l’Est, le sentiment national s’est construit en opposition à elles.

 

Quel est le sens de votre mission ? Avec ou contre Manuel Valls ?

J’ai été désigné par le premier ministre Jean-Marc Ayrault après la circulaire interministérielle du 26 août 2012. Signée par sept ministres, ce texte contient deux versants : l’un concerne l’ordre public, avec les démantèlements qui interviennent en application de décisions de justice ou de critères d’urgence ; l’autre, social, suppose l’insertion des familles, l’accès à l’école, à la santé, à l’emploi. Tel est le cadre de mon action. L’idée n’était pas de créer une “mission Rom”, mais de s’inscrire dans le droit commun. M’occupant déjà des questions de sans-abri et de mal-logés, j’ai considéré que cette population rencontrait des problèmes analogues étant donné qu’elle vit le plus souvent dans des bidonvilles ou des grands squats. À la différence de la vision développée à Bruxelles, l’approche française n’est pas communautaire. Ce n’est pas dans notre tradition de traiter les gens en fonction de leurs origines ethniques. Mon travail comporte par ailleurs un volet européen puisque je suis le « point contact » français de la Commission, parmi les vingt-sept, pour une politique Rom. Cette mission, entamée depuis presque sept mois, est la plus difficile qui m’ait été confiée de ma vie professionnelle.

 

Pourquoi la plus difficile ?

Je suis frappé par le rejet dont les Roms font l’objet. C’est la première fois que je reçois un mail dans lequel je me fais traiter de « collabo », de « traître à la patrie » à cause de mon activité. On observe une cristallisation de toutes les peurs de notre société sur cette population. Avant Noël, Le Parisien a fait un article sur ces Français détroussés devant l’Opéra à Paris. Et la photo montrait des enfants roms. Ce sont les nouveaux immigrés de la société française. Les élus se font l’écho de l’inquiétude des riverains. À de rares exceptions près, ils ne veulent pas de campements chez eux. On atteint des niveaux de rejet extrême : certains veulent les voir disparaître physiquement. C’est comme les salles de shoot ou les centres d’accueil pour SDF. L’arrivée de Roms à côté de chez soi est vécue comme un tsunami. D’ici aux élections municipales, la pression risque de s’accroître. De toute ma carrière, je n’ai jamais rencontré un tel racisme ordinaire, autant de clichés, y compris dans nos entourages. La France n’est pas à part : la figure fantasmatique de l’invasion de l’étranger se développe aussi ailleurs en Europe, comme en Allemagne et en Angleterre.

 

De quels moyens disposez-vous pour votre mission ?

En plus de la délégation que j’anime, composée d’une quinzaine de spécialistes du logement et de l’hébergement, j’ai obtenu l’appui d’une inspectrice d’académie, pour l’école et la culture, d’un sous-préfet pour les relations avec les préfectures, et d’un administrateur civil du ministère de l’emploi, pour le travail. Je n’ai pas encore fait de visites de terrain, cela viendra dans un deuxième temps. J’essaie tout d’abord d’impliquer au maximum les ministères concernés. Avec les administrations centrales, nous avons rédigé un guide-pratique à destination des préfectures et des services de l’État. Ce n’est pas prescriptif, mais cela a une valeur d’appui. J’organise des réunions avec les élus locaux qui s’intéressent à ces questions, mais aussi avec mes correspondants dans les préfectures et les associations nationales. À notre niveau, par des expositions et des ateliers, nous faisons en sorte de changer les représentations, le regard des Français sur les Roms, qui ne sont ni génétiquement voleurs ni génétiquement ferrailleurs. Mais, encore une fois, le principal problème auquel nous ayons à faire face est le blocage de la société française. Depuis les années 2000, ses capacités d’intégration se sont amoindries, voire arrêtées.

 

Vous signalez la faible capacité d’intégration de la société française. Manuel Valls, de son côté, rejette la responsabilité sur les Roms eux-mêmes qui, estime-t-il, « ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays ».

Les Roms sont des citoyens européens, ce qui signifie qu’ils disposent de la liberté de circulation et de la liberté d’installation. Seul bémol : au bout de trois mois, ils doivent disposer de ressources suffisantes pour rester. Dans un espace ouvert, les gens doivent pouvoir circuler. Dire qu’une personne peut s’intégrer ou refuse de s’intégrer est subjectif. Le constat objectif que nous faisons est que les Roms vivent dans une situation de grande misère et qu’ils essaient de s’en sortir comme ils peuvent. Viennent-ils en France par choix ? C’est difficile à dire. L’immense majorité d’entre eux ne parlent pas français. Ce n’est pas forcément évident pour eux de communiquer avec les travailleurs sociaux. J’essaie ainsi d’obtenir des moyens auprès du ministère de l’intérieur pour favoriser l’apprentissage du français. Concernant l’emploi, on observe un triplement du nombre d’autorisations de travail délivrées depuis la mise en œuvre de la circulaire du 31 janvier 2013 du ministre du travail, Michel Sapin. On approche le millier d’autorisations. Ce qui est un premier pas pour une population de 13 000 Roms adultes en France, dont 7 000 hommes susceptibles de trouver un emploi. Les femmes pour leur part travaillent encore peu, selon une conception traditionnelle de la cellule familiale. En matière de scolarisation, j’ai obtenu des engagements forts des ministres de l’éducation et de la réussite éducative Vincent Peillon et George-Pau Langevin.

Nos résultats sont encourageants dans le primaire en raison des mesures concrètes que nous avons prises pour faciliter le ramassage scolaire et l’accès à la cantine. Dans le secondaire, la scolarisation, notamment celle des filles, reste marginale. C’est un travail de longue haleine, de crédibilisation des politiques publiques. Il n’y a pas si longtemps, dans les campagnes françaises, les enfants allaient au champ travailler avec leurs parents. Pour avancer, nous devons rendre effectif le droit à la scolarisation, qui, faut-il le rappeler, est un droit fondamental. Quand un maire refuse de scolariser des enfants, c’est une catastrophe. Dans ce cadre, l’intervention des forces de l’ordre n’est pas sans conséquences. Les évacuations répétées cassent les processus d’intégration.



Pourtant les démantèlements se multiplient. Le volet sécuritaire de la circulaire semble l’emporter sur le volet social. N’est-il pas paradoxal de reprocher aux Roms de ne pas s’intégrer alors qu’ils sont chassés d’un terrain à l’autre ?

On est sur une ligne de crête entre l’exécution des décisions de justice et le travail préventif. C’est un équilibre difficile, d’autant plus qu’on est face à des pressions importantes des élus et de la population, et ce à quelques mois des échéances municipales. J’espère qu’ensuite nous pourrons aller vers une contractualisation territoriale.

 

Les évacuations sont censées être préparées et devraient s’accompagner de mesures de relogement. Quel est le bilan ?
On est encore loin du compte. Nous avançons pas à pas, avec parfois des pas en arrière. Mais notre démarche s’inscrit dans le moyen et le long terme. Les diagnostics individuels, même s’ils ne sont pas toujours suivis d’effets, sont réalisés de plus en plus systématiquement sur les terrains. J’ai obtenu 4 millions d’euros pour cela. Ils nous aident à comprendre les trajectoires et les motivations des personnes et nous permettent de proposer des stratégies de retours plus adaptées aux besoins des personnes.

 

Observez-vous déjà des effets de la baisse du montant de l’aide au retour décidée par Manuel Valls et entrée en vigueur dans la foulée ?

C’est très net. On observe une baisse de la moitié des bénéficiaires depuis que l’aide est passée de 300 à 50 euros par adulte. C’était l’objectif. J’y étais favorable. Cette dépense était incohérente, puisque les personnes qui en bénéficiaient revenaient aussitôt.

 

Quelles sont vos marges de manœuvre ?

Lorsque des personnalités ou des associations m’interpellent sur des cas particuliers, je saisis la préfecture et je les signale au Défenseur des droits, notamment lorsqu’il est question d’enfants. Les élus, eux, sont dans l’immédiateté. Certains font des choses, mais la plupart se défaussent sur leurs voisins. Quant aux préfets, ils se trouvent dans une situation schizophrénique. On leur demande de mettre à l’abri les personnes démunies qu’ils vont ensuite devoir expulser. Ces injonctions contradictoires, ces incohérences des politiques publiques contribuent à décrédibiliser l’action publique chez nos compatriotes. Sans compter qu’elles ont un coût. Évacuer un campement peut être nécessaire. Mais c’est parfois aussi une perte de temps, une perte d’énergie et une perte en termes d’investissement social.

 

 

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