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21 avril 2013 7 21 /04 /avril /2013 17:39

 

Guillaume Duval
Article Web - 19 avril 2013

 

L'austérité généralisée en Europe, promue par une Allemagne en situation de leadership incontesté, est suicidaire pour la cohésion sociale européenne. La France doit tirer le signal d'alarme avant qu'il ne soit trop tard.

 

L’affaire Cahuzac a relancé le débat sur la politique d’austérité que celui-ci incarnait depuis mai dernier. Il faut dire que le caractère contreproductif  de ces politiques, menées partout en même temps dans la zone euro, ne fait – malheureusement – guère de doute. Pourtant le gouvernement allemand, qui dispose aujourd’hui d’un leadership incontesté en Europe, n’en démord pas. Une situation à proprement parler tragique : l’attitude des dirigeants allemand et de l’opinion publique (qui les soutient largement sur ce terrain) est compréhensible mais elle est aussi suicidaire pour l’Europe et en réalité contraire aux intérêts des Allemands eux-mêmes. La France doit tirer le signal d’alarme avant qu’il ne soit trop tard…

L’effet Schröder : une erreur de diagnostic

L’Allemagne s’en sort aujourd’hui indéniablement moins mal que les autres pays européens dans la crise. Les Allemands eux-mêmes comme la plupart des autres européens sont persuadés que ce succès relatif est dû aux réformes menées par le chancelier Gerhard Schröder au début des années 2000. Il s’agit cependant d’une erreur d’analyse. En sept années de gouvernement, le chancelier social-démocrate avait surtout fait de notre voisin un pays qui compte désormais plus de pauvres et davantage d’inégalités que la France, fragilisant la cohésion sociale du pays, point fort traditionnel de l’économie allemande. Il a aussi dégradé significativement les infrastructures collectives, matérielles et immatérielles, de l’Allemagne du fait d’une pression excessive sur les dépenses publiques. Ce qui ne l’avait pas empêché cependant d’ajouter 390 milliards d’euros à la dette publique du pays à cause de la forte baisse des impôts sur les plus riches et les entreprises mise en œuvre parallèlement et de la stagnation de l’activité que sa politique avait entraînée. Ce n’est certes pas tout à fait autant que Nicolas Sarkozy pour la France, mais tous deux jouaient dans la même catégorie sur ce plan.

Le rebond allemand a d’autres causes

En réalité, c’est plutôt malgré Schröder que grâce à lui que l’Allemagne s’en sort moins mal que les autres aujourd’hui. Tout d’abord, le « chancelier des patrons », comme on l’appelait outre Rhin, n’avait heureusement pas eu le temps de remettre en cause la codétermination qui donne des pouvoirs considérables aux représentants des salariés dans les entreprises et explique pour une bonne part que l’industrie allemande adopte des stratégies de long terme car ses dirigeants sont moins soumis que les autres à la pression court-termiste des actionnaires. La relative bonne santé de l’économie allemande est liée ensuite à la démographie déprimée qui a permis à nos voisins d’économiser beaucoup de dépenses publiques et privées et leur a évité de connaître la moindre bulle immobilière, facilitant ainsi une évolution modérée des salaires. L’intégration des pays d’Europe centrale et orientale dans l’Union européenne a doté aussi l’Allemagne d’un Hinterland à bas coût, qui lui a permis d’améliorer  sensiblement la compétitivité-coût de son industrie. L’industrie allemande a bénéficié enfin de sa spécialisation traditionnelle – très antérieure à Gerhard Schröder – dans les biens d’équipements et les automobiles haut de gamme quand la demande des pays émergents pour ce type de produits a explosé dans les années 2000. Depuis 2009, l’économie allemande bénéficie en outre d’un niveau exceptionnellement bas des taux d’intérêt du fait de la crise de la zone euro tandis que de la baisse sensible de l’euro face au dollar entraînée par cette même crise a beaucoup favorisé ses exportations hors zone euro.

Le Schröderisme généralisé est mortel pour l’Europe

Malheureusement les Allemands, qui ont beaucoup souffert de la politique menée par Gerhard Schröder, s’imaginent à tort que c’est grâce à elle qu’ils s’en sortent moins mal que les autres aujourd’hui. Et, logiquement, ils considèrent que ces autres doivent à leur tour subir les saignées des Diafoirius de l’austérité généralisée s’ils veulent bénéficier de l’aide européenne. Une attitude certes psychologiquement compréhensible mais parfaitement suicidaire pour l’Europe : la politique de Gerhard Schröder n’avait pas eu de conséquence plus négative encore pour l’Allemagne et pour l’Europe, uniquement parce que nos voisins étaient seuls à la mener à l’époque, pendant qu’Espagnols, Portugais, Grecs… s’endettaient pour acheter des produits allemands. Comme on le constate actuellement, le schröderisme généralisé aboutit nécessairement à la récession et à l’explosion du chômage : on a atteint en février dernier les 20 millions de chômeurs dans la zone euro. Et avec la récession et le chômage montent inévitablement les tensions nationalistes et xénophobes entraînant le risque d’une désintégration de l’euro et de l’Europe. Et cela à un terme sans doute moins éloigné qu’on l’imagine souvent.

La politique allemande va ruiner les Allemands

Le plus stupide dans cette affaire, c’est que cette politique est aussi parfaitement contradictoire avec son objectif principal affiché - le désendettement public - ainsi qu’avec les intérêts réels de l’Allemagne et des Allemands. Malgré les 100 milliards d’euros de dettes annulées l’an dernier, la dette grecque pèse 175 % du PIB grec aujourd’hui contre 107 % en 2007 car personne ne peut se désendetter en période de récession… Cet effet, limité jusque-là en France a commencé à y devenir sensible : en 2012 le sévère tour de vis budgétaire lancé par Nicolas Sarkozy et renforcé par François Hollande a tellement fait chuter l’activité en fin d’année, que le déficit public s’est au final à peine réduit, passant de 5,2 % du PIB en 2011 à 4,8 % l’an dernier. Et 2013 s’annonce encore pire pour l’instant : sur janvier et février, le déficit public français est supérieur à ce qu’il était en 2012 du fait de la profonde récession où se trouve plongée l’économie hexagonale… Une telle politique est aussi parfaitement contradictoire avec les intérêts réels des Allemands eux-mêmes. Du fait des excédents extérieurs très importants du pays, l’épargne abondante des Allemands n’est pas, pour une grande part, investie en Allemagne même, mais dans le reste de l’Europe. En poussant l’Europe dans la récession, les dirigeants de Berlin risquent surtout d’aboutir à ce que les épargnants allemands ne retrouvent jamais leurs billes car au final, il n’y aura plus d’autres solutions que d’annuler les dettes des pays en crise. Et pour la troisième fois en un siècle les épargnants allemands auront perdu leurs économies…

Il y a urgence

C’est - paradoxalement - un Allemand qui a le mieux décrit l’absurdité de ce qui est en train de se produire sous nos yeux. Il s’agit de Joschka Fischer, l’ancien ministre vert des Affaires étrangères allemand. « Il serait à la fois tragique et ironique que l’Allemagne réunifiée provoque pour la troisième fois, par des moyens pacifiques cette fois et avec les meilleures intentions du monde, la ruine de l’ordre européen », écrivait-il en mai dernier[1]]]. Malheureusement, nul n’est prophète en son pays. L’amitié franco-allemande ne peut pas consister à laisser un tel gâchis se poursuivre sans réagir. Il est de la responsabilité de chacun(e) de ceux qui sont attachés au projet européen, de chacun(e) des ami(e)s véritables de l’Allemagne de tirer le signal d’alarme pour amener le peuple et les dirigeants allemands à ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard. Et il y a manifestement urgence…

Par Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques et auteur de « Made in Germany, le modèle allemand au-delà des mythes », éditions du Seuil.


Guillaume Duval
Article Web - 19 avril 2013
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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 18:44

 

 

Médiapart

 

 

 

Lire aussi

Il fut un temps où Nicolas Sarkozy n’aimait pas le monde financier. « Une certaine idée de la mondialisation s’achève avec la fin d’un capitalisme financier qui avait imposé sa logique à toute l’économie et avait contribué à la pervertir. L’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, était une idée folle », expliquait-il à Toulon le 25 septembre 2008.

La crise n’est pas finie. Mais manifestement Nicolas Sarkozy a changé d’idée. Les banquiers lui semblent devenus très fréquentables. De plus en plus même. Et cette fréquentation assidue du monde bancaire, qui ne fait rien gratuitement, mérite que l'on y prête attention.

Nicolas Sarkozy se propose ainsi de participer à une nouvelle conférence organisée par une banque, et pas n’importe laquelle : Goldman Sachs. 

 

Invitation à la conférence de Nicolas Sarkozy pour Goldman Sachs (cliquez sur l'image pour l'agrandir) 
Invitation à la conférence de Nicolas Sarkozy pour Goldman Sachs (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Le 3 juin prochain, Nicolas Sarkozy doit intervenir à l’hôtel Intercontinental de Londres devant un aréopage de financiers et de grandes fortunes pour disserter sur l’Europe et la politique européenne, à l’invitation de la plus célèbre banque de Wall Street, comme l’indique le site de la banque. Il est présenté comme président of the French Republic et non comme former (ancien), les dates entre parenthèses rappelant juste qu'il ne l'est plus. Il sera le seul homme politique à parler dans ce colloque aux côtés d’économistes.

Goldman Sachs ne publie pas en ligne le tarif pour assister à cette réunion. Mais c’est le genre de colloque auquel on ne peut assister qu'en déboursant plusieurs milliers de livres. D’autant, comme le signale la banque, que la conférence est déjà pleine et qu’il faut s’inscrire sur la liste d’attente. En contrepartie, les intervenants de ces conférences sont royalement payés. Combien ? La banque n’a pas répondu à nos questions sur les motifs qui l’ont poussée à inviter Nicolas Sarkozy et sur le montant de sa rétribution. Selon différentes informations déjà parues dans la presse, Nicolas Sarkozy fait désormais partie du petit club des célébrités mondiales percevant plus de 100 000 dollars (76 400 euros) par intervention.

Qu’attend Goldman Sachs d’une telle prestation ? S’étant installée au cœur du dispositif européen, avec de nombreux hommes de confiance dont le plus illustre est le président de la BCE, Mario Draghi (voir Europe : les hommes de Goldman Sachs), la banque américaine n’a guère besoin des lumières de Nicolas Sarkozy pour expliquer ce qui se passe à Bruxelles ou Francfort. S’agit-il alors de remerciements pour services rendus dans le passé, ou prennent-ils une option au cas où Nicolas Sarkozy redeviendrait président, comme lui-même et ses proches semblent en caresser l’idée, alimentant l’opinion par de nombreux sondages ?

Goldman Sachs, en tout cas, a l’air de placer Nicolas Sarkozy sous sa haute protection. Dans le tour de table de son fonds d’investissement Columbia investment, révélé par Mediapart, on retrouvait parmi les personnes associées Simon Robertson, un banquier anglais ancien président de Goldman Sachs Europe.

 

Better than Goldman

Nicolas Sarkozy avait annoncé qu’après son départ de l’Élysée, il entamerait une nouvelle vie, loin de la France. Il n’a jamais caché vouloir faire de l’argent et marcher sur les traces de l’ancien ministre britannique Tony Blair, qui s’est constitué en quelques années une fortune estimée à plusieurs millions de livres. Même si elles se veulent discrètes, ses prestations sont extrêmement ciblées et rémunératrices.

Début septembre, Nicolas Sarkozy avait démenti l’animation d’une réunion organisée par la banque Morgan Stanley pour 250 000 euros. Mais trois semaines plus tard, il figurait comme invité à une réunion privée donnée à New York le 11 octobre 2012. Cette dernière était organisée par la banque brésilienne BTG Pactual. Il était alors le seul participant qui n’était pas originaire d’Amérique du Sud.

 

 
© #brigitte dusseau

Dix jours plus tard, le 22 octobre exactement, il se rendait au Brésil pour participer à un colloque organisé par la même banque BTG Pactual, appréciant décidément beaucoup Nicolas Sarkozy.

Nommée par la presse le Goldman des Tropiques, cette banque et ses dirigeants méritent un moment d’attention. Son principal dirigeant, Andre Esteves, est à l’origine de la réussite de l’établissement. Simple analyste, il a fini par en prendre la tête en la rachetant à ses propriétaires. En 2006, il l’a vendue pour 3,1 milliards de dollars au suisse UBS, décidé à en faire le bras armé de son activité de gestion de fortune au Brésil, avant de créer un nouveau fonds BTG – pour Banking and trading group mais certains disent pour Better than Goldman (mieux que Goldman Sachs).  

Deux ans plus tard, il a racheté à UBS la banque qu’il lui avait vendue pour seulement 2,5 milliards de dollars. Beaucoup se sont étonnés de cette transaction très en défavorable pour la banque suisse, ce qui n’est pas dans ses usages. Il est vrai qu’à l’époque, UBS avait quelque difficulté avec les autorités brésiliennes, qui accusaient la banque de fraude fiscale et de blanchiment, en organisant la fuite des grandes fortunes en dehors du pays. Un air de déjà-vu.

Renommée BTG Pactual, la banque, détenue par une holding basée aux Bermudes, est devenue la première banque d’investissement au Brésil. Elle est très active à Londres. Elle y a embauché un banquier français, Charles Rosier, ancien de Goldman Sachs avant de devenir responsable pour UBS de la France, de la Belgique, de l’Espagne et du Portugal. 

Lors de son voyage « privé » au Brésil, Nicolas Sarkozy a été reçu par la présidente brésilienne, Dilma Rousseff. Il y fut beaucoup question alors du contrat « historique » des Rafale à l’armée brésilienne, ardemment soutenu par Nicolas Sarkozy pendant sa présidence. La presse brésilienne a longuement évoqué aussi les ambitions de la BTG Pactual en Afrique – elle a créé un fonds d’investissement doté de 1 milliard de dollars – et de l’aide que pourrait lui apporter Nicolas Sarkozy, grâce à ses contacts sur le continent africain, notamment dans les mines.

C’est à nouveau une banque qui a été à l’origine du troisième colloque de Nicolas Sarkozy. À l’invitation d’Alfa Bank, bras financier d’un énorme conglomérat russe, il s’est rendu à Moscou le 13 novembre. Il était l’invité de l’oligarque Mikhaïl Fridman, lancé du temps de Boris Eltsine, pour la remise de prix « sur les meilleurs investissements en Russie ». Là encore, le déplacement de l’ancien chef d’État n’a, semble-t-il, pas été gratuit. « C’est une pratique courante que d’anciens dirigeants se rendent à des événements pour de l’argent », rapportait un témoin cité par le quotidien Izvestia, qui dévoila l’information. Lors de ce déplacement à Moscou, Nicolas Sarkozy fut reçu en grande pompe par Vladimir Poutine.

 

Que des amis

Le dernier voyage de l’ancien chef de l’État a été, lui, des plus officiels. Le 11 décembre, Nicolas Sarkozy s’est rendu à Doha, sur l’invitation personnelle de l’émir du Qatar, pour donner sa première conférence publique dans le cadre du forum mondial du sport. Une manifestation montée par Richard Attias, le mari de Cécilia. Nicolas Sarkozy, grand ami du Qatar, s’est beaucoup démené pour introduire l’émirat auprès de la fédération internationale de football (Fifa), présidée par son autre ami, Michel Platini. Hasard ? Le Qatar a obtenu, à la surprise générale, la Coupe du monde de football en 2022.

À la tribune, Nicolas Sarkozy a plaidé pour que le calendrier de cette manifestation soit changé, et que la manifestation puisse avoir lieu en hiver plutôt qu’en été, comme d’habitude. La chaleur étant insupportable en été au Qatar.

Officiellement, bien évidemment, ce voyage était absolument à titre gracieux. Mais dans le même temps, Nicolas Sarkozy, sous ses habits d’avocat d’affaires, défendait la cause du Qatar auprès du roi du Maroc, « un ami ». Celui-ci, en effet, avait mis son veto au rachat de la participation détenue par Vivendi – autre ami de Nicolas Sarkozy –, dans l’opérateur téléphonique Maroc Telecom, par le Qatar. La confusion des genres est totale.

En retour, le Qatar, comme l’a expliqué le Financial Times, était prêt à investir quelque 250 millions d’euros dans le fonds d’investissement de Nicolas Sarkozy. Là aussi, il semble que le Qatar voulait autant adresser des remerciements sur le passé que prendre une option sur l'avenir. Mais les révélations publiques sur ce fonds ont refroidi les ardeurs de l’ancien président. Officiellement, comme l’expliquent des proches, Nicolas Sarkozy préfère mettre en veilleuse ce projet, afin de ne pas obérer ses chances de revenir sur le devant de la scène politique. Mais en arrière de la main, comme le prouve sa nouvelle invitation par Goldman Sachs, il n’a pas renoncé «  à faire de l’argent ».

Jusqu’à quand Nicolas Sarkozy pourra-t-il ainsi continuer à nager en plein conflit d’intérêts ? Il semble en effet difficile d’être à la fois membre du Conseil constitutionnel, tout en monnayant ses relations et ses contacts tantôt comme animateur de conférences, tantôt comme avocat d’affaires voire comme conseiller de fonds d’investissement, et en prétendant pouvoir rejouer un rôle politique à l’avenir. L’incompatibilité entre ces différentes fonctions est patente, et le silence du Conseil constitutionnel détonant.

Parmi toutes ses fonctions et tous ses déplacements, Nicolas Sarkozy n’a pas mis sa renommée et sa disponibilité au service de causes humanitaires, comme la faim dans le monde, l’illettrisme, le paludisme, le sida ou la recherche médicale... Faute de temps, sans doute.

 

 

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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 17:13

 

 

Marianne - Samedi 20 Avril 2013 à 05:00

 

Eric Conan

 

 

Le ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius déclare un patrimoine de plusieurs millions d'euros - Jacquelyn Martin/AP/SIPA
Le ministre des Affaires Etrangères, Laurent Fabius déclare un patrimoine de plusieurs millions d'euros - Jacquelyn Martin/AP/SIPA
L’opération de strip-tease patrimonial que François Hollande a imposé à la va-vite à ses ministres en contre-feu du traumatisme-Cahuzac n’a pas eu l’effet escompté. Il a même suscité un malaise de voyeur, confirmant un ancien diagnostic de Jean-Luc Mélenchon, qui, sur ce point, n’est pas le Saint-Just que l’on soupçonne : « La transparence, c’est un truc de névrosé ! ».

Le leader du Front de gauche a sans doute raison de juger plus efficace que l’exposition sur la place publique des déclarations de patrimoine et fiscales des élus le renforcement de leur contrôle qui laisse, semble-t-il, à désirer.

Mais en révélant que nombre de ministres sont bien au-delà de la « richesse » que François Mitterrand, rappelons-le, situait au delà de cinq fois le Smic, cette opération de diversion a relancé un vieux sujet de dissertation que l’on ne pose plus depuis longtemps rue de Solferino : peut-on être de gauche et riche ?

Le fait que les trois candidats à la primaire socialiste de 2006 (Royal, Fabius et Strauss-Kahn) fussent tous redevables de l’ISF avait été traité avec grande pudeur. Quand Laurent Joffrin avait ouvert les colonnes de Libération pour recueillir, en pamoison, les inepties de Carla Bruni-Sarkozy expliquant qu’elle était « épidermiquement de gauche », c’est l’un de ses ex, de droite, Arno Klarsfeld, qui s’étonnait dans un tribune du Monde que l’on ne demande jamais aux riches se disant de gauche ce qu’il faisait de leur argent pour mériter ce titre.

Autre mal élevé, notre ami Jacques Julliard s’est fait traiter de « populiste » pour avoir estimé en 2012 que DSK ne pouvait pas représenter la gauche à l’élection présidentielle. Et les programmateurs de la fête de la victoire de François Hollande n’ont pas été gênés d’y présente en vedette Yannick Noah, très à gauche, mais qui fut aussi très exilé fiscal en Suisse.

La question de la compatibilité entre fortune et engagement à gauche plane donc depuis quelques semaines, mais bien peu ont approfondi le sujet. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, a estimé « qu’être riche et de gauche » était « tout à fait compatible », ajoutant : « d'ailleurs l'Histoire en est pleine ». Le problème est qu’il n’a pas précisé s’il pensait à Blair et Schroeder ou à Marx et Blum…

« Bien sûr qu'on peut être riche et de gauche ! a déclaré de son côté Eva Joly. Etre de gauche, c'est une position philosophique, une conception de la société ».

Ces rares avis sur la question manquent de précision. Le fait de se dire de gauche et de voter à gauche est évidemment un premier geste non négligeable pour un riche : c’est un manière de se décentrer de ses intérêts personnels et de classe que de s’engager par la même à une redistribution des richesses, dont le premier stade est l’acceptation de l’impôt quand tant de riches n’ont qu’un objectif, s’en abstraire.

Le dilemme du riche engagé à gauche n’est en fait guère différent de celui du riche catholique : il ne suffit pas d’aller à la messe pour s’acquitter de son engagement ; il faut en donner des preuves quotidiennes.

Le député socialiste Gaëtan Gorce est allé un peu plus loin en estimant ainsi qu’« être de gauche implique des comportements particuliers, cela suppose des attitudes en adéquation avec les idées que l’on défend ».

 

Michèle Delauney, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie est l'un des trois membres du gouvernement devant s'acquitter de l'ISF - WITT/SIPA
Michèle Delauney, ministre déléguée aux Personnes âgées et à l'Autonomie est l'un des trois membres du gouvernement devant s'acquitter de l'ISF - WITT/SIPA
Outre une condition quasi-ontologique soulignée par Jean-Luc Mélenchon - « la personne qui a de la richesse doit avoir un regard de gauche sur les conditions dans lesquelles sa richesse est accumulée » - deux attitudes semblent requises du riche qui se veut de gauche.

La première est de veiller à ne pas être déconnecté de la vie de ceux dont on prétend se soucier.

Cela ne veut pas dire partager leurs conditions d’existence ; le peuple n’aime pas que ses représentants fassent peuple, mais qu’ils le représentent en pleine connaissance de ses problèmes dont il attend des solutions.

Ce n’est pas si facile aujourd’hui, tant la ghettoïsation géographique a éloigné et diversifié les conditions d’existence, les riches ne pouvant sans efforts personnels se douter de ce que vivent ceux qui n’ont pas assez. Avant même le sentiment de ne pas être défendu, c’est la conviction d’être ignorés qui a provoqué le clivage entre la gauche et les classes populaires.

L’autre condition est de commencer à partager si l’on est favorable au partage ! Ce qui veut dire consacrer au moins une partie des sommes que l’on possède au delà du superflu pour d’autres finalités que la course au classement des plus grandes fortunes.

Les moyens de le faire sont aussi variés – dons aux œuvres ou aux partis, fondations, aides à des entreprises utiles, etc. - que les finalités, d’Yves Montand généreux pour l’extrême gauche à Bill Gates qui s’est séparé d’une partie de sa fortune au profit d’actions dans le tiers monde.

Près de nous, et quoi que l’on pense de leur choix, il n’est pas douteux que Pierre Bergé, Claude Perdriel ou Xavier Niel font un usage altruiste d’une partie de leur fortune.

Léon Blum revient comme une antienne dans les argumentaires actuels du Parti socialiste, comme exemple d’un riche engagé à gauche. Mais l’on oublie toujours de rappeler qu’il a englouti une partie de son patrimoine pour faire vivre le quotidien de la SFIO, Le Populaire, disparu en 1970…
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20 avril 2013 6 20 /04 /avril /2013 17:01

 

 

Publié le 20/04/2013 à 11h57

 

 

Une catastrophe industrielle au Texas, 12 morts avérés, 60 disparus, plus de 200 blessés. C’était jeudi. Dès vendredi, l’événement avait quitté la une des journaux américains. Eclipsé par la folle chasse à l’homme de Boston  ? Pas seulement. 

 


Un immeuble détruit suite à l’explosion de West, Texads, 18 avril 2013 (LM Otero/AP/SIPA)

 

C’est une impression purement personnelle  : dans ce pays, les accidents technologiques sont un peu considérés comme des fatalités inhérentes à l’activité économique, alors qu’en France on dénonce immédiatement l’incurie, la négligence ou la rapacité des exploitants de l’installation fautive. Pas ici.

Dans la petite ville rurale dévastée de West, près de Waco au Texas, un Etat où la densité d’installations pétrochimiques hautement dangereuses est difficile à imaginer quand on n’y a jamais mis les pieds, les gens n’ont pas encore commencé à montrer du doigt les responsables. Pour l’instant, ils s’entraident, se réconfortent mutuellement, et prient. Au Texas, on prie beaucoup.

Le patron du site se sent mal

Vendredi, j’ai lu cette banale phrase dans un article du HuffingtonPost US, tentative journalistique louable de joindre le responsable du drame  :

«  Contacté par téléphone au siège de la compagnie qui possède l’usine, le propriétaire Don R. Adair a fait répondre qu’il ne se sentait pas bien et n’était pas disponible pour le moment.  »

Sans autre commentaire. La phrase a par la suite disparu de l’article constamment remis à jour.

Je vivais à Houston, géante ville texane incluse dans la bande côtière pétrochimique, lorsqu’une raffinerie voisine appartenant à BP a explosé en mars 2005, tuant 15 ouvriers, blessant 170 personnes. J’avais juste déménagé en Caroline du Nord quand un site de déchets dangereux a sauté en 2006 dans la banlieue de ma ville, conduisant à l’évacuation de 17 000 personnes.

Chaque fois, j’ai eu l’impression surréaliste de vivre dans un monde où tout-le-monde-il-est-beau-et-gentil, où les entreprises se doivent de prendre des risques pour rester rentables et assurer l’emploi des travailleurs, où les victimes sont courageuses, pas chochottes, et toutes prêtes à retourner vite au boulot.

Pas de récrimination politique ou syndicale

Certes, les journaux faisaient leur travail, citant l’historique des infractions à la réglementation, des amendes distribuées par les gendarmes fédéraux ou locaux. Mais nulle imprécation politicienne, syndicale ou citoyenne ne venait troubler les prières et le ballet des avocats, immédiatement sur le coup pour collecter plaintes et demandes d’indemnisation.

Il n’y a guère que pendant la longue fuite visqueuse de la plateforme pétrolière Deep Horizon, au cours de l’été 2010, que j’ai vu protester les gens de Louisiane et du Mississippi. Sans doute parce que le cauchemar s’éternisait et qu’on craignait de ne pas pouvoir retourner au travail de si tôt.

Or, aux Etats-Unis, si pas de travail, pas d’indemnité de chômage (ou très peu), pas d’assurance médicale, perte instantanée de sa maison, etc. Dans le cas de BP, on savait pouvoir compter sur un procès juteux. Avec le site du Texas, rien de tel, l’entreprise est trop petite, quasi familiale.

Pendant des années, j’ai couvert en France comme journaliste les risques technologiques majeurs, comme on dit dans le jargon environnemental. Lorsqu’une usine brûlait, explosait, fuitait, et privait d’eau potable une grande agglomération, empoisonnait un fleuve pendant des mois, qu’une centrale nucléaire rejetait des effluents radioactifs, qu’une décharge empoisonnait les riverains, l’affaire prenait tout de suite des allures de guerre de classes.

AZF, une référence pour la catastrophe du Texas

Et que dire de la catastrophe d’AZF  ! Total a été cloué au pilori. AZF a été abondamment citée dans les articles américains à propos de l’accident du Texas... Le site français contenait en gros la même quantité de nitrate d’ammonium que le hangar texan.

Ce que ne soulignent pas mes confrères américains, c’est qu’AZF n’accumulait pas au départ autant d’infractions à la loi que l’entreprise texane, et que l’administration française avait moins de négligences à se reprocher que les différentes autorités de régulation ici.

Je vous passe la liste de ce qui péchait, le détail est dans Le Monde, qui a repris une partie de ce qui commence à sortir dans la presse américaine sur West Fertilizer Co. Notamment que la dernière inspection des autorités fédérales sanitaires a été conduite il y a 28 ans. Et qu’en juin dernier, une administration locale a mis l’entreprise à l’amende.

J’ai trouvé dans le New York Times autre chose qui m’a fait sauter en l’air  : le directeur de la Texas Commission on Environmental Quality explique que la boîte, créée en 1962, bénéficiait du système «  grand-father  » (grand-père), qui dispense les vieilles usines de respecter toutes les normes en vigueur.

Du danger partout dans les zones résidentielles

Il dit que le site avait présenté une nouvelle demande d’agrément en 2004 et ne l’avait pas obtenu. Il dit qu’il ne sait pas pourquoi. Le patron de la commission texane de la qualité environnementale dit ça  : il ne sait pas pourquoi. Et nul ne s’en étonne, pas plus les journalistes que les victimes.

Tout de même, le Dallas Morning News, quotidien de la plus grande ville de la région, a remis en ligne sur son site une très bonne enquête de 2008, effectuée par son équipe de journalistes à la suite d’une explosion chimique en ville analogue à celle de jeudi, quoique moins grave :

«  Des milliers de résidents du comté ignorent les dangers qu’ils encourent.  »

Le journal révélait alors que des douzaines de sites chimiques très dangereux se nichaient dans des quartiers résidentiels.

«  Des milliers de riverains courent le risque d’un désastre toxique parce que des permis de construire ont été accordés à des maisons, des appartements et des écoles dans des zones parfois contiguës à des sites chimiques. […]

La plupart de ces installations dangereuses ne sont pas tenues d’avoir un permis pour opérer, parce que la ville n’en exige que des sites de production. Elle ne demande rien aux sites qui stockent, vendent ou utilisent des produits chimiques pour fabriquer d’autres produits.  »

Qui choisit sciemment d’habiter en zone dangereuse ?

Tel était exactement le cas de West Fertilizer Co. J’ai tenu à citer cette enquête du Dallas Morning News pour répondre à Silsilsil, riverain de Rue89, qui a écrit jeudi  :

«  Les normes de sécurité américaines imposent des distances minimales pour ce genre de site. Hélas, certains lobbys (ex  : gaz de schiste, forages pétroliers en mer) œuvrent pour préserver leurs bénéfices. Les normes sont cependant revues à chaque accident.  » 

Même lorsqu’ils sont conscients des risques, les gens n’ont parfois pas d’autre choix que d’habiter en pleine pollution, au milieu des usines et dans une atmosphère pourrie écœurante, comme je l’avais constaté avec horreur dans les villes pétrochimiques de Texas City et Pasadena  : les cours des maisons donnaient sur les tuyaux des raffineries.

A l’heure où j’écris cet article, la traque du suspect n°2 de Boston bat toujours son plein. J’ai écouté les radios américaines toute la journée, elles ont à peine reparlé de l’accident de West au Texas. Il est vrai que l’industrie donne du travail aux gens, qui en ont bien besoin en temps de crise. Les usines ne font pas exprès d’exploser et de tuer des gens, contrairement aux terroristes.

 

 

 

 

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 21:20

 

 

CADTM

 

Communiqué de presse

19 avril par CADTM, Attac France

 


Dexia Crédit Local est un gouffre sans fond pour les finances publiques locales et nationales en Belgique et en France. Le CADTM et ATTAC France invitent les collectivités territoriales lésées par Dexia à suspendre le versement des intérêts, comme la loi les y autorise. Les États français et belge doivent annuler les 85 milliards d’euros de garanties consenties à Dexia et à ses créanciers : s’ils ont pris des risques excessifs, les créanciers doivent assumer leurs pertes, pas les contribuables !

Dexia Crédit Local (DCL) fait l’objet en France d’au moins 80 plaintes intentées par les collectivités locales. En cause, ses prêts « toxiques » reposant sur des indices plus spéculatifs les uns que les autres : la parité entre l’euro et le franc suisse, mais aussi le yen, le dollar, l’inflation, les indices de la courbe des swaps, jusqu’’au cours du pétrole ! La banque a ainsi pu augmenter considérablement ses bénéfices à court terme tandis que les acteurs publics locaux (collectivités territoriales, hôpitaux publics) se trouvent aujourd’hui piégés par des taux d’intérêt dépassant souvent les 20 %.

Ces taux usuraires pourraient toutefois être réduits radicalement en cas de victoire des collectivités locales, à l’instar des trois jugements rendus le 8 février dernier par le tribunal de grande instance (TGI) de Nanterre. Ce dernier a condamné Dexia à ne recevoir que le taux légal, soit 0,04% sur trois crédits contractés par le département de la Seine-Saint-Denis. Dexia vient de faire appel de ce jugement. Sans attendre l’issue de ce procès, tous les acteurs lésés par Dexia ont intérêt à suspendre unilatéralement et immédiatement la totalité des intérêts dus à Dexia, comme l’a fait la commune de Sassenage. En effet, le paiement des intérêts, considéré comme sérieusement contesté, ne constitue pas une dépense obligatoire comme l’a souligné la Chambre régionale des comptes d’Auvergne Rhône-Alpes dans un avis rendu le 31 mai 2012.

Sans occulter la responsabilité de certains élus politiques dans ces dettes toxiques illégales et illégitimes, le CADTM et ATTAC France soutiennent les actions en justice intentées par les pouvoirs publics contre Dexia et les responsables de la débâcle en France et ailleurs comme en Belgique où plusieurs communes ont décidé de porter plainte contre les administrateurs du Holding communal de Dexia, qui était l’un des principaux actionnaires de la banque en Belgique. Le CADTM et ATTAC France invitent les collectivités locales, les hôpitaux et les organismes de logement social impactés par les prêts toxiques à suspendre le paiement de leurs échéances et à attaquer en justice les banques qui leur ont fait souscrire ces prêts.

Il est temps de mettre fin à l’impunité des responsables du fiasco Dexia qui continue de plomber les finances de nos États et de mettre un terme aux sauvetages à répétition. Rappelons que Dexia a déjà été sauvée trois fois depuis 2008 grâce à l’argent public et que cela peut encore durer jusqu’en 2031 ! Car la Belgique, la France et le Luxembourg ont décidé de garantir les dettes de la bad bank de Dexia, dont fait partir DCL, pendant près de 20 ans pour un montant atteignant 85 milliards d’euros (sans compter les intérêts et les accessoires).

Autrement dit, si Dexia ne rembourse pas ses créanciers dont nous ne connaissons toujours pas l’identité malgré nos demandes répétées, ce sont les citoyens qui devront régler ses dettes. Cerise sur le gâteau : nos États se sont même engagés à renoncer à tout moyen de défense contre Dexia et ses créanciers en s’engageant à payer automatiquement même si ces dettes sont illégales, précise la Convention de garantie signée par les ministres des finances !

Cette convention et tous les autres engagements de nos États à garantir les emprunts de Dexia doivent donc être annulés. Rappelons qu’une action en justice pour l’annulation de la garantie accordée par la Belgique a été introduite par le CADTM, ATTAC et deux députées belges et est en cours d’examen par le Conseil d’État belge. Une fois ces engagements annulés, il est dans l’intérêt des citoyens de mettre la bad bank de Dexia en faillite afin de stopper ces sauvetages à répétition.

Le cas Dexia est un cas emblématique de dettes illégitimes léguées par les banques aux États ou, autrement dit, de socialisation des pertes. Ces sauvetages bancaires expliquent largement l’augmentation de la dette publique en Europe depuis ces cinq dernières années. Or, cette dette illégitime sert aujourd’hui de prétexte pour imposer des coupes budgétaires dans les secteurs sociaux et privatiser les services publics au détriment des populations qui ne sont pas responsables.

Ce n’est pas aux populations de payer la facture à travers les augmentations d’impôts injustes comme la TVA, les coupes budgétaires, les licenciements, le démantèlement du code du travail, les baisses de salaires, d’allocations de chômage, etc.

Pour refuser le paiement de ces dettes illégitimes et remettre en cause ces politiques d’austérité, la mobilisation autour de l’audit citoyen de la dette est plus que jamais nécessaire. L’audit permettra d’identifier toutes les dettes illégitimes mais aussi les créances odieuses sur les pays en développement et pousser à leur annulation.

À cette fin, le CADTM et ATTAC France s’engagent à renforcer les comités d’audits citoyens de la dette existant notamment en France et en Belgique et appellent à en créer de nouveaux.

Contact :
Renaud Vivien, juriste au CADTM Belgique
0032 (0) 497 04 79 99
renaud@cadtm.org

 

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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 17:56

 

Médiapart

                                                                                                                                                                                                                                  Lire aussi

                                                                                                                                                                                                            L’Association des amis de Nicolas Sarkozy ne porte décidément pas chance au maire et député UMP de Nice, Christian Estrosi. Trois mois après l’ouverture d’une enquête préliminaire pour « détournement de biens publics » faisant suite aux révélations de Mediapart, le procureur de Nice vient à nouveau d’être saisi pour des « faits susceptibles d’être qualifiés de prise illégale d’intérêts et de concussion »

Adressé par courrier recommandé le vendredi 19 avril, ce signalement, déposé au titre de l’article 40 du code pénal, est cosigné par la conseillère municipale PS de Nice, Frédérique Grégoire-Concas, et le responsable de l’association anti-corruption Anticor 06, Jean-Christophe Picard. Tous deux mettent en cause les conditions de financement du grand rassemblement organisé par les Amis de Nicolas Sarkozy, les 24 et 25 août 2012, à Nice.

 

MM. Estrosi et Sarkozy 
MM. Estrosi et Sarkozy© Reuters

À la demande de l’association organisatrice, la mairie de Nice avait en effet mis à disposition, pendant deux jours, le jardin public des Arènes de Cimiez, un quartier chic de la ville. La police municipale avait également été déployée afin de sécuriser la manifestation. « Coïncidence : il se trouve que Christian Estrosi est justement… le secrétaire général de l’association des Amis de Nicolas Sarkozy », souligne Jean-Christophe Picard.

Une « coïncidence » qui n’avait pas non plus échappé à Frédérique Grégoire-Concas, qui avait profité de sa qualité d’élue pour demander quelques éclaircissements à l’édile niçois. « J’en ai marre que les élus se comportent avec les biens de leur collectivité comme si c’étaient les leurs, explique-t-elle à Mediapart. En gros, c’est : on a besoin d’organiser quelque chose pour l’UMP, on vient à Nice parce que c’est chez nous. Et on oublie les règles qu’on avait soi-même établies pour les autres. »

Dans un courrier daté du 12 octobre 2012, le directeur de cabinet de Christian Estrosi, Anthony Borré, avait répondu à l’élue socialiste que « la mise à disposition de cet espace public (avait) été réalisée dans les même conditions que celles dévolues traditionnellement aux associations à but politique à savoir la gratuité de la mise à disposition du site et la facturation d’une redevance pour l’établissement d’une zone de chalandise ». Quant à la police municipale, elle était effectivement intervenue « conformément à l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales ».

Mais pour Frédérique Grégoire-Concas et Jean-Christophe Picard, cette réponse est loin d’être satisfaisante. D’autant qu’une délibération du conseil municipal de Nice, datée du 19 décembre 2008, stipule que la gratuité d’occupation ou d’utilisation pour les associations est conditionnée au fait que « cette occupation ne génère aucune recette ». « Or lors du rassemblement des Amis de Nicolas Sarkozy, “chaque parlementaire a (…) dû contribuer à hauteur de 35 euros au financement du dîner”, indiquent les requérants, citant un article de Rue 89. En outre, de nombreux produits dérivés étaient en vente : casquettes, T-shirts, canotiers… Il y a donc incontestablement eu des rentrées d’argent ! » 

« Ainsi, en sa qualité de maire de Nice, M. Christian Estrosi a décidé – en dehors de toute délibération l’y autorisant – de mettre gratuitement à disposition de l’Association des Amis de Nicolas Sarkozy, d’une part, une partie du domaine public (le Jardin des Arènes de Cimiez) et, d’autre part, des agents publics (des policiers municipaux) », poursuivent-ils.

 

Rassemblement des Amis de Nicolas Sarkozy à Nice 
Rassemblement des Amis de Nicolas Sarkozy à Nice© Agence Publics

Contacté par Mediapart, le directeur de cabinet du maire de Nice, Anthony Borré, assure que dans « ce dossier, sur lequel Madame Grégoire-Concas tente de faire de l’agitation politicienne et malvenue, les choses ont été faites dans les règles administratives et juridiques de la ville ». « La mairie a pris un arrêté, comme elle le fait pour toutes les manifestations, ajoute-t-il. Les lieux n'ont pas été privatisés et sont restés ouverts au public. Cette mise à disposition s'est faite à titre gracieux, comme nous le faisons chaque année pour le parti communiste (pour la version niçoise de la fête de l'Huma ndlr). La seule partie payante pour les associations, c'est le stand où sont vendus les produits dérivés. Il faisait 12m2 pour l'association des Amis de Nicolas Sarkozy et il a fait l'objet d'une facture. »

Mi-octobre, Frédérique Grégoire-Concas et Jean-Christophe Picard s’étaient déjà adressés au préfet des Alpes-Maritimes, Christophe Mirmand, lui demandant de bien vouloir intervenir pour que l’association « s’acquitte de la redevance d’occupation du domaine public ». Leur courrier étant resté sans réponse, ils se tournent aujourd’hui vers la justice. « Il n’est pas normal que l’argent public serve à payer ce genre de raout, concluent-ils. Les contribuables niçois ne sont pas tous les amis de Nicolas Sarkozy ! »

 


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19 avril 2013 5 19 /04 /avril /2013 17:49

 

 

Rue89 - Arrêt sur images 19/04/2013 à 10h35

Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

On ne sait plus trop, ces temps-ci, au milieu de quelle apocalypse on va se réveiller. Ce matin, c’est un pugilat à l’Assemblée. Une belle baston de bal du samedi soir. Qui a tapé qui ? Qui a mal regardé qui en premier ? La chose est confuse, monsieur le commissaire. Paraîtrait qu’un technocrate du ministère de la Justice, assis au banc du gouvernement derrière Christiane Taubira, aurait ricané (ou soupiré, les témoignages divergent) tandis qu’un député UMP condamnait la sauvage répression policière qui s’est abattue sur les manifestants anti-mariage pour tous, devant l’Assemblée.

 


A l’Assemblée, dans la nuit du 18 au 19 avril 2013 (via @Whainot)

 

Un ricanement ? Un soupir ? Christian Jacob hurle au sacrilège. Une poignée d’UMP en furie descendent vers le banc du gouvernement. Claude Bartolone suspend la séance. Bien malin : les caméras cessent instantanément de tourner, l’endroit tourne au coupe-gorge, à la zone de non-droit, on n’aura donc pas la vidéo de la baston. D’après les enquêteurs les plus sagaces, un huissier aurait pris un coup de poing.

C’est bien malin. Des députés qui « tweetent », des journalistes parlementaires qui retweetent, des manifestants qui livetweetent les coups de matraque (il ne manque que les CRS), une mobilisation nocturne sans faille devant la Chaîne parlementaire, et au cœur de la tourmente, au banc du gouvernement pendant un débat sur le mariage gay, subsistent des angles morts. Heureusement, les enquêteurs disposent d’une photo qui devrait pouvoir permettre de rapides progrès des investigations. A noter que les suspects, heureusement, ne portent ni casquette ni capuche.

Ce n’est pas en Russie, c’est en France

« Des scènes que l’on a plutôt l’habitude de voir au Parlement russe », soupire Mickaël Thebault, qui présente le journal de 8 heures sur France Inter. Ô magnifique fierté française. Opiniâtreté à refuser de voir ce qui crève pourtant les yeux. Un délinquant cynique au gouvernement, ce n’est pas en Russie, chère « FranceInter », c’est en France (à propos, le dossier de la fausse déclaration de patrimoine de Cahuzac a-t-il été transmis à la justice par la commission croupion idoine ? On ne sait toujours pas).

L’évasion fiscale sport national des oligarques, les impôts-passoire, ce n’est pas en Grèce, c’est en France. Des ivrognes furieux au Parlement, ce n’est pas en Ouzbékistan, c’est en France. Une police, une justice, une armée, un système de soins, qui de restrictions en restrictions tombent en ruines, ce n’est pas en Afrique, c’est en France. Une extrême droite homophobe qui ratonne dans les bars gays, ce n’est pas en Pologne, c’est en France. Le coup de poing de l’Assemblée n’est qu’une pièce supplémentaire de ce puzzle dont on refuse de nous montrer l’assemblage.

 

Publié initialement sur
Arretsurimages.net
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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 21:53

 

Par Challenges.fr

 

Créé le 18-04-2013 à 09h52 - Mis à jour à 18h20
Challenges.fr

 

Hostile à l'instauration d'un salaire minimum imposé à l'ensemble des entreprises allemandes, la chancelière justifie son refus en pointant du doigt les dégâts du SMIC dans les autres pays.

 

 

 

Plus de 8 Allemands sur 10 estiment qu'Angela Merkel fait plutôt bien son travail. François Hollande ne satisfait qu'un quart des Français. (PEDERSEN/ALL OVER PRESS NORWAY/SIPA)

Plus de 8 Allemands sur 10 estiment qu'Angela Merkel fait plutôt bien son travail. François Hollande ne satisfait qu'un quart des Français. (PEDERSEN/ALL OVER PRESS NORWAY/SIPA)

 

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Pour Angela Merkel, le salaire minimum n'a de sens que négocié branche par branche. La chancelière allemande a donc redit ce jeudi 18 avril son opposition ferme à un salaire plancher généralisé, dans un entretien au quotidien populaire Bild Zeitung.

Et pour justifier son refus, elle n'a pas hésité à tacler les pays qui, comme la France, ont instauré un Smic. C'est, selon Angela Merkel, la "raison" qui explique que "de nombreux pays en Europe ont un taux de chômage bien plus élevé que chez nous, du fait que les salaires et le rendement ne sont pas en rapport".

Un argument qui peut faire mouche auprès de l'électorat alors qu'avec un taux de 6,9%, l'Allemagne connaît actuellement un chômage proche de son niveau le plus bas depuis la Réunification en 1990. Dans son interview, la chancelière insiste d'ailleurs sur le fait qu'en Allemagne, "l'inégalité des revenus a décru ces dernières années parce que jamais depuis 20 ans, le nombre de personnes bénéficiant d'un travail n'a été aussi élevé". 

 

Flexibilité par région

Le nein définitif d'Angela Merkel à "un salaire minimum généralisé imposé par les politiques" intervient en pleine campagne électorale. Début mars, grâce à un changement de majorité, le Bundesrat, qui représente les seize Etats régionaux, a approuvé une proposition de loi du SPD visant à instaurer un salaire minimum horaire de 8,50 euros, applicable dans tout le pays.

Le Bundestag, chambre basse du parlement allemand, où les partis de la coalition gouvernementale conservatrice et libérale ont la majorité, doit se encore pencher sur ce projet de loi qui, selon toute vraisemblance, sera rejeté.

En Allemagne, il n'existe pas de salaire minimum applicable à tous les salariés, mais les partenaires sociaux ont la possibilité d'en fixer, région par région et secteur par secteur: c'est déjà le cas pour le BTP, le personnel d'entretien ou encore les peintres en bâtiment.

Pour pallier les éventuelles dérapages dans certains métiers, les conservateurs (CDU et branche bavaroise CSU) de Angela Merkel veulent introduire un salaire minimum obligatoire dans les secteurs qui en sont encore dépourvus.

(Avec AFP)

 

 

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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 21:23

 

 

Médiapart

 

 

Jeudi matin, au deuxième jour du débat à l’Assemblée sur le mariage pour tous, un député de l’opposition a dérapé. Son nom : Philippe Cochet, député UMP du Rhône. « Nous devons toujours avoir en tête la défense du plus faible, lance l’élu à la majorité. Moi je vous accuse mesdames et messieurs de la gauche : Vous êtes en train de créer un précédent, vous êtes en train d’assassiner des enfants, c’est scandaleux ! »

Hurlements sur les bancs de la gauche, rappel à l’ordre de Claude Bartolone, suspension de séance. « Le terme n’était pas approprié », admettra ensuite Cochet. Trop tard. « L’opposition a franchi toutes les limites », tweete la porte-parole du gouvernement Najat Vallaud-Belkacem, dénonçant des « propos inacceptables ». « À entendre P. Cochet parler “d'assassins d'enfants”, c'est de rage que je pleurerais », réagit la députée écologiste Véronique Massonneau.


Vendredi soir, le Parlement devrait voter le mariage pour tous. Le scrutin solennel est prévu mardi. L’opposition le sait : le combat législatif est perdu. D’ailleurs, ses ténors ont discrètement abandonné le combat dans l’hémicycle, et bien des amendements ne sont pas défendus. Mercredi, ils n’étaient qu’une dizaine de députés de droite à siéger.

Pourtant, l’UMP ne lâche rien. Les quelques députés présents en séance continuent d’appeller à manifester. Ils attribuent même les violences au gouvernement et refusent de lancer tout appel au calme. Une attitude jusqu’au-boutiste, qui contribue, quoi que les responsables de la droite en disent, à alimenter un détestable climat homophobe.

Bien sûr, le parti de Jean-François Copé prend soin de se démarquer de toutes les violences homophobes, attribuées à des « groupuscules » d’extrême droite. Mais les faits sont têtus. Mercredi, alors que les députés étaient en train de débattre, les incidents de sont multipliés aux abords de l’Assemblée nationale, mais aussi dans plusieurs villes.

Deux bars gays ont été attaqués à Lille et Bordeaux. Deux attaques contre des établissements gays en quelques heures. Difficile de ne pas y voir un lien avec le climat actuel, marqué par une libération inouïe de la parole et des actes homophobes. Act-up appelle d’ailleurs à un grand rassemblement ce dimanche place de la Bastille contre le « déferlement de la haine ».

À Lille, ce sont quatre jeunes « de 25-35 ans », « crânes rasés » et « tatoués », qui ont investi un bar gay lillois en criant qu’il voulaient « casser du pédé », selon le patron du bar. « Ils ont pris des tables et chaises à l'entrée qu'ils ont lancées contre la vitrine, dégradée. Le regroupement de notre clientèle avec celle d'un bar en face leur a fait peur et ils se sont sauvés », raconte-t-il à Nord Éclair. Selon lui, « depuis l'annonce du mariage gay, ça part en vrille. On se sent de plus en plus en danger : j'ai l'impression qu'on est retournés vingt ans en arrière. »

Les quatre agresseurs présumés ont été placés en garde à vue. Il s’agirait de membres des groupuscules d’extrême droite “Jeunesses nationalistes révolutionnaires”, “Troisième Voie”, “Génération Identitaire”. La porte-parole de la Manif pour tous à Lille, Sophie Delpierre, fournit elle une drôle d’explication : « Peut-être que ce sont des initiatives citoyennes…, mais certainement pas des membres de la Manif pour tous » (voir les images de France 2, à 11’10).

Au même moment, des inconnus ont fait irruption dans un établissement gay de Bordeaux, blessant un client à coup de crosse. Les agresseurs ont pris la fuite, une enquête est en cours.

À Lyon, une quinzaine de militants des Jeunesses nationalistes ont tenté d'occuper la permanence du Parti socialiste, avec une banderole « Mariage, adoption, pas question », provoquant des échauffourées avec la police. Et deux députés socialistes de Vendée, Sylviane Bulteau et Hugues Fourage, ont fait l’objet de violentes intimidations des anti-mariage pour tous, qui ont menacé les élues « d’enlèvement », de les faire « sauter aux explosifs », ou encore de « saccager (leur) maison », selon Sylviane Bulteau.

François Hollande a condamné jeudi des actes « homophobes » et « violents », en rappelant qu'« aucune manifestation » ne devait « dégénérer ». Tout en rejetant tout « amalgame » avec la majorité du mouvement anti-mariage pour tous, Jean-François Copé a lui aussi dénoncé ces agressions dans un communiqué. En réalité, l’UMP s’en remet désormais à la rue pour faire plier le gouvernement, au risque d’encourager tous les dérapages d’un « mouvement social », décrit comme « paisible, joyeux » (« la France optimiste », « la France sourire », dixit l’UMP Hervé Mariton). Mais dont certains éléments prônent pourtant la haine homophobe.

L'UMP affirme ne pas souffler sur les braises. Pourtant, mardi soir, en amont des incidents, son président a envoyé un mail aux militants pour les encourager à participer « en masse » à la manifestation contre mariage pour tous du 21 avril et « montrer à ce gouvernement (...) que nous mènerons le combat jusqu'au bout » (lire notre condidentiel). Le parti a même affrété des bus pour dimanche.

« Taubira à Cayenne ! »


Le député UMP Daniel Fasquelle dans la manifestation derrière l'Assemblée nationale, le 17 avril. 
Le député UMP Daniel Fasquelle dans la manifestation derrière l'Assemblée nationale, le 17 avril.© M.T.


Mercredi, à la suspension de séance de 20 heures, plusieurs députés UMP ont ainsi ostensiblement rejoint la manifestation quotidienne des “anti”, derrière l’Assemblée nationale, bouclée par une armada de CRS et de hautes barrières.  

 

Hervé Mariton dans la manifestation. 
Hervé Mariton dans la manifestation.© M.T.

En tête d’un cortège de quelques milliers de personnes (2 400 selon la police, 8 000 selon le collectif), Frigide Barjot hurle des « François, on est là ! » et invite les manifestants à revenir défiler le lendemain, « chacun avec un ami » supplémentaire. « On est en train de faire l’Histoire ! » nous explique une manifestante, dont les amis ont été placés en garde à vue quelques jours plus tôt. J'ai fait toutes les manifs avec des amis, certains sont d'ailleurs homos et ils n'en font pas des tonnes, ils savent bien que ce n'est pas naturel, le mariage, c'est un homme et une femme. »


Frigide Barjot en tête de cortège, le 17 avril. 
Frigide Barjot en tête de cortège, le 17 avril.© M.T.

Vers 22 heures, alors que la manif est censée se disperser, plusieurs centaines de manifestants se massent devant le barrage de CRS, rue de l’Université. Les slogans fusent : « CRS en banlieue ! », « Taubira à Cayenne ! » et « Si t’es pas un flic en civil frappe dans tes mains ! » Dans la foule, des pancartes et sweat-shirts de la Manif pour tous bien sûr, mais aussi de nombreux drapeaux français, des soutanes, des drapeaux de l’organisation catholique intégriste Civitas.

 

Un manifestant devant le barrage de CRS, le 17 avril.  
Un manifestant devant le barrage de CRS, le 17 avril. © M.T.


Un groupe de jeunes se rassemblent (photos ci-dessous), se masquent le visage avec une écharpe et font l’état des lieux de leurs munitions sorties des sacs à dos : petites bombes lacrymogènes, fumigènes, un tambour décoré de la fleur de lys, emblème des royalistes.

 

 
© M.T.



 
© M.T.


Quelques minutes plus tard, les CRS reçoivent jets de fusées, bouteilles et pierres. Deux voitures de police et des biens publics sont dégradés, les vitres d’une voiture sont cassées. « Attention, on est filmés ! » lance un jeune type à un quinquagénaire qui vient d’envoyer une pierre sur les policiers.

 

Des manifestants devant le barrage de CRS, le 17 avril.  
Des manifestants devant le barrage de CRS, le 17 avril. © M.T.

Deux journalistes de LCP agressés

Plus loin, un groupe de jeunes court vers le pont Alexandre III aux cris de « À l’Elysée ! » Bloqués par des travaux sur le quai d’Orsay, ils créent une barricade avec les panneaux qu’ils lancent contre les policiers. Deux journalistes de la chaîne LCP qui assistent à la scène sont agressés : leur caméra est projetée à terre par un individu au crâne rasé portant un bouc (voir photo) ; en tentant la récupérer, ils reçoivent ensuite des coups à la tête et aux bras.

 

L'un des deux journalistes de LCP agressés par des manifestants.  
L'un des deux journalistes de LCP agressés par des manifestants. © Twitter / @denislaurent33
La caméra des journalistes de LCP cassée par des manifestants.  
La caméra des journalistes de LCP cassée par des manifestants. © Louis Baguenault

À l’issue de la manifestation, douze personnes ont été placées en garde à vue. Jeudi soir, Frigide Barjot a tenté de reprendre la main médiatiquement en demandant à Manuel Valls que « tous les groupuscules identitaires et nationaux soient préventivement mis hors d'état de nuire ». Elle-même avait pourtant dérapé le 12 avril, après l'adoption du texte par le Sénat, en déclarant « Hollande veut du sang, il en aura. »

Dimanche, alors que les députés auront fini d’examiner le texte, la Manif pour tous appelle, derrière Frigide Barjot, à une nouvelle manifestation au départ de Denfert-Rochereau. Quelques élus UMP devraient être présents pour un cortège qui sera surveillé de très près par les forces de l’ordre, sur les nerfs après les débordements de la dernière grande manifestation des anti, le 24 février. Laurent Wauquiez, qui fait de brèves apparitions, dit qu’il compte « descen(dre) encore dans la rue, car c’est un thème de conviction ».

Les principaux responsables du parti se retrouveront également le 26 mai, pour la grande manifestation anti-mariage pour tous, annoncée de longue date« Après votre victoire à la Pyrrhus, le combat doit se poursuivre sur d'autres formes, a lancé l’UMP Georges Fenech à la gauche. Les manifestations continueront et s'amplifieront. » Comme nombre de ses collègues, Christian Jacob, président du groupe UMP, continue de proclamer que son parti reviendra sur la loi si la droite est de retour au pouvoir.

Un peu seul contre son camp, l’UMP Franck Riester, l'un des deux seuls députés à avoir voté le mariage pour tous en première lecture, n’y croit pas une seconde. « On ne va pas s’engager à violer la loi, dire qu’on va revenir sur le texte est dangereux », dit-il à Mediapart.

Rien n’y fait. Pour l’instant, l’UMP reste sur sa ligne : encourager les manifestations de rue et condamner « avec la plus grande fermeté les paroles et les actes d’homophobie », tout en accusant le gouvernement de les avoir « attisés » (lire dans notre article).

Sauf qu’à ce jeu-là, le principal parti d’opposition risque bien d’être débordé par le Front national. Mercredi soir, à l’Assemblée nationale, Marion Maréchal-Le Pen, qui se verrait bien en nouvelle icône des anti-mariage, a livré un authentique discours d’extrême droite, justifiant tous les débordements. Les manifestants interpellés ? Des « prisonniers politiques », « je pèse mes mots ». Les indignations de la gauche ? Une « propagande antifasciste ». Pour la députée frontiste, la foule anti mariage pour tous est composée du « bon peuple de France » qui « se lève tôt », de « cette jeunesse qui laisse sa place aux personnes âgées dans le métro ».

 

À l’occasion des débats, Mediapart a d’ailleurs pu assister à un curieux ballet sur les bancs de l’Assemblée. Marion Maréchal-Le Pen, installée d'habitude tout en haut à droite de l'hémicycle, est descendue s’asseoir dans les rangs de l’UMP. Pendant une pause, loin des caméras, son collègue UMP Gérald Darmanin lui a claqué la bise, avant que ne débute une conversation de quelques minutes, polie et souriante, entre les deux jeunes députés, mais aussi Jacques Bompard, autre élu d'extrême droite, et l'UMP Jean-Frédéric Poisson, proche de Christine Boutin. Ce n’est pas la première fois que l’on observe dans l’hémicycle ce genre de rapprochements entre des élus UMP et frontistes (lire notre article).

Ce rapprochement rejoint le mouvement qui s’esquisse dans la rue depuis quelques semaines. Pour Jean-Yves Camus, chercheur associé à l’IRIS et spécialiste de l’extrême droite« on voit se constituer un mouvement à cheval entre la droite de gouvernement et la droite de la droite. Il s’agit de contester la légitimité du pouvoir de gauche, comme après l'accession de François Mitterrand et de la gauche à la présidence et au gouvernement en 1981 ». Le but : réaliser le vieux rêve de l’union de toutes droites, dans la rue et dans l'hémicycle.

 

 

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18 avril 2013 4 18 /04 /avril /2013 21:13

 

Médiapart

 

 

De notre envoyé spécial à Bruxelles,

Aucune remise en question. Malgré la découverte d'erreurs spectaculaires au cœur de l'un des ouvrages qui sert de pilier théorique aux politiques d'austérité menées en Europe, la commission européenne ne trouve toujours pas matière à s'interroger.

« C'est l'une des analyses sur lesquelles nous nous sommes appuyés ces dernières années, mais ce n'est pas la seule », a déclaré jeudi Olivier Bailly, porte-parole de la commission. « Ce serait ridicule et faux de dire que l'on fonde toute notre analyse du déficit et de la dette à partir d'un article écrit par deux universitaires. »

L'article des économistes américains Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, publié en janvier 2010, avant de devenir un livre à succès, avance notamment qu'un pays endetté à plus de 90 % de son PIB tombera presque à coup sûr en récession. D'où l'importance avant toute chose de réduire massivement le poids de la dette. Mais d'autres universitaires viennent de révéler une série d'erreurs dans le traitement des données, qui réduisent à néant la démonstration (lire notre article). 

« Il ne faut pas penser que les fonctionnaires européens lisent un article publié dans une revue universitaire, et que l'ensemble de la stratégie économique de l'Europe serait fondée là-dessus, a poursuivi Olivier Bailly. Nos équipes vont sur le terrain, nous échangeons des informations avec les États-membres. » 

D'après le décompte réalisé par un journaliste espagnol, la commission européenne a fait une référence explicite aux travaux de Reinhart et Rogoff – sur le point précis du palier des 90 % – dans cinq des sept rapports qu'elle a publiés depuis 2010 pour accompagner ses fameuses « prévisions économiques ».

Le même journaliste a retrouvé une lettre écrite par Olli Rehn, le commissaire européen responsable des politiques économiques, datée du 13 février dernier – il y a donc tout juste deux mois. Dans ce courrier, adressé notamment aux 27 ministres des finances de l'Union, le Finlandais reprend l'argumentaire de Reinhard et Rogoff à son compte : « Il est largement admis, grâce à des études universitaires sérieuses, que lorsque les niveaux de dette publique dépassent les 90 %, ils tendent à peser, négativement, sur le dynamisme d'une économie » (voir l'extrait ci-dessous)

.

 

L'affaire n'affaiblit-elle donc pas l'argumentaire pro-austérité de l'exécutif dirigé par José Manuel Barroso ? « Si cette étude était la seule base pour notre stratégie, je répondrais que oui, mais ce n'est pas le cas. (…) Nous pensons qu'il faut maintenir notre stratégie, qui vise à réduire le poids de la dette publique sur l'économie, et restructurer certaines choses, pour renforcer le potentiel de croissance de l'Union », a affirmé Olivier Bailly.

La mise au point intervient alors que les appels, sinon à suspendre, en tout cas à adoucir la politique de rigueur budgétaire prônée depuis le début de la crise par la commission européenne, se multiplient. Lors d'une tournée début avril en Europe, le secrétaire américain au Trésor, Jacob Lew, a exhorté les Européens à « relancer » leur économie.

En fin de semaine dernière, l'exécutif néerlandais dirigé par Mark Rutte, un allié fidèle de la chancelière Angela Merkel, a renoncé à une partie des économies budgétaires qu'il avait annoncées d'ici 2014. Le FMI appelle lui aussi à lâcher du lest en Europe. Mais l'impression générale, à Bruxelles, est celle d'un débat bloqué en raison de la proximité des élections générales en Allemagne, en septembre. L'éventualité d'un changement de cap d'ici à cette échéance est faible (lire notre article).

Ce n'est pas la première fois que la commission est secouée par le débat universitaire qui divise (de moins en moins) les économistes sur l'austérité et la relance. Le commissaire européen Olli Rehn, responsable de la politique économique, et Olivier Blanchard, économiste en chef du FMI, se livrent depuis près d'un an une bataille à distance sur la question du « multiplicateur » keynésien.

 

Le Finlandais Olli Rehn lors d'une conférence de presse à Bruxelles. © Commission européenne. 
Le Finlandais Olli Rehn lors d'une conférence de presse à Bruxelles. © Commission européenne.


Le second a reconnu l'an dernier que ses services avaient eu tendance à sous-estimer l'impact des coupes budgétaires sur le dynamisme d'une économie, surtout lorsque plusieurs États pratiquent la rigueur budgétaire en même temps. En clair : l'austérité aurait des effets récessifs bien plus lourds que prévu. De son côté, le Finlandais Rehn conteste l'analyse de Blanchard et refuse de reconnaître toute erreur dans les prévisions et conseils de la commission. Jusqu'à quand tiendra-t-il dans ce rôle ?

 

 

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