Valérie Laupies, 47 ans, sera la candidate du Front national à Tarascon, ville des Bouches-du-Rhône que le parti de Marine Le Pen espère bien emporter en 2014.
Valérie Laupies, chez elle, à Tarascon (Nolwenn Le Blevennec/Rue89)
Les blagues islamophobes font passer le temps. Dans les ruelles de Tarascon – qui a placé Le Pen en tête au premier tour de la présidentielle –, une quinqua à qui je demande mon chemin et qui m’accompagne un peu dit en riant :
« Si c’est votre première fois, ne vous inquiétez pas, il n’y a pas une épidémie d’oreillons. »
Comme je ne comprends pas, elle pose ses mains à plat sur ses oreilles pour mimer le voile musulman.
Valérie Laupies (prononcez Laupy) n’habite pas loin, tout le monde le sait. Elle est directrice d’école et enseignante en classe de CM2, en vacances ce mardi.
Pendant la campagne présidentielle, elle a été nommée conseillère éducation de Marine Le Pen. En juin, elle a failli devenir députée, cela s’est joué à quelques voix après le retrait de Roland Chassain (UMP) en sa faveur. Elle veut maintenant la mairie.
Repérée au loin par Jean-Marie Le Pen
Valérie Laupies vient de la gauche. Elle est née en Saône-et-Loire, dans une famille ouvrière. Sa mère était assistante maternelle. Son père, électricien dans l’usine Creusot-Loire qui a déposé le bilan en 1982.
« La ville est devenue triste après. Sinistrée. Je suis partie à 18 ans. Je suis issue de mes parents, mais je suis aussi leur opposé : ils ne s’engagent pas et font leur petite soupe sur leur petit feu. »
Laupies a fait des études d’histoire à Lyon-II (après un détour dans l’animation), puis elle a intégré l’IUFM de La Croix-Rousse.
Valérie Laupiès, chez elle, à Tarascon (Nolwenn Le Blevenec/Rue89)
Une vie plus tard, en 2005, elle s’est engagée au Mouvement républicain et citoyen (MRC) de Jean-Pierre Chevènement, parce qu’elle aimait son discours sur l’éducation. Mais au moment du CPE, elle se sent ostracisée (il est contre, elle est pour).
Elle s’en va, paumée. Envoie un e-mail à un écrivain qu’elle admire : « Bonjour Alain Soral, pour qui faut-il voter alors ? »
Il lui répond : Le Pen ou Dieudonné.
« Mais ça a pris du temps encore. Pour moi, la gauche c’était le bien. Les concepts ont fini par m’en éloigner. »
L’un de ses deux frères est fan de Mitterrand. Quand elle a dévoilé son intérêt pour « le Front », au repas de Noël 2006, la femme de celui-ci s’est offusquée, le FN était son combat à la fac. Valérie Laupies, en colère, s’encarte juste après, pour le nouvel an, son cadeau.
Un jour, on l’invite à un déjeuner-débat avec Jean-Marie Le Pen. Le chef du FN la repère au fond de la salle (« Je me suis demandé qui était cette jeune femme... », lui dit-il) et ils vivent, à l’entendre, une sorte de coup de foudre intellectuel. Elle aime « sa frilosité » envers les diplômes.
« J’aime son pragmatisme. Je n’ai pas envie de me sentir complexée et pas utile dans ce parti. Mais j’espère, je pense que Marine Le Pen a conscience des limites de l’“énarquitude”, même s’il en faut. »
Elle est élue conseillère régionale Paca FN en 2010.
« La ville se transforme en médina »
« L’immigration de masse », c’est la première préoccupation des Tarasconnais, selon Valérie Laupiès. La sienne aussi.
Municipales à Tarascon
Pour le moment, trois candidats déclarés : le maire sortant Charles Fabre (UMP), Lucien Limousin (ancien UMP, proche de l’UDI), Valérie Laupies (FN). Les forces de gauche ont la volonté de s’unir mais n’ont pas encore désigné de candidat. Pas loin de Tarascon, les Saintes-Maries-de-la-Mer est une autre ville qui pourrait devenir frontiste, selon une étude réalisée par l’Ifop.
« Le problème c’est le nombre. Le centre-ville s’est transformé en médina. C’est la mort de la vie entre les gens. »
Deux publics dans son viseur.
D’abord les jeunes issus de l’immigration sortis du système scolaire tôt et qui sont désœuvrés.
R., par exemple, 21 ans, sympa, qui rit quand son pote se demande quelle est l’utilité du théorème de Pythagore. Et qui deale de la « chnouf » et roule en Audi A1 blanche dans la ville.
« Nos enfants à nous quittent la ville, les leurs restent et ne trouvent pas de travail. Ce n’est pas à nous de mettre la main à la poche pour les occuper. Il faut arrêter de se flageller. »
L’autre public : les vieux qui veulent une salle pour prier et qui sont « partout dans la ville, debout comme des piquets » parce que « c’est leur mode de vie ». Elle voudrait interdire les djellabas dans les lieux publics, « si la loi le permet ».
Elle regrette d’avoir été réveillée, pas plus tard que dimanche dernier, par un groupe de jeunes adultes maghrébins, à 6 heures du matin.
« Ils ont fait un boucan pas possible. Vous trouvez ça normal d’être réveillée quand vous êtes chez vous ? Il ne faut pas se laisser bouffer. »
Un mari qui prend des photos d’immigrés
Pendant ses études à Lyon, elle a rencontré son mari, Frédéric Laupies, originaire de Beaucaire, issu d’une famille communiste. Il a fait en même temps qu’elle le même chemin de la gauche à l’extrême droite. Lui aussi est obnubilé par l’immigration.
Son père, Jacques Laupies, 77 ans, très connu dans la ville, tient le blog Un communiste à Tarascon et il va se battre pour que la gauche passe aux municipales. Il pense que le passage de son fils à l’extrême droite est lié à des conditions matérielles difficiles, « il n’a pas eu le parcours qu’il aurait pu espérer ».
Frédéric Laupies est agent d’accueil à la gare d’Arles, cinq jours par semaine de 21 heures à minuit, pour 600 euros par mois. Valérie Laupies dit que c’est dur, mais qu’il y voit « la vraie vie ».
Ce mardi matin, il sert gentiment les cafés, mais ne participe pas à la conversation. La candidate FN nous dit que son mari l’aide énormément, « il est fort en communication ».
Il prépare des notes pour les interviews ou les interventions au conseil régional de sa femme. Surtout, il tourne des vidéos de campagne : femmes voilées marchant dans les rues de Tarascon. Il prend aussi régulièrement des photos d’Arabes à leur insu qu’il poste sur Facebook.
Valérie Laupies a récemment demandé de l’aide à Marine Le Pen. Elle aimerait que le travail de son mari soit reconnu (peut-être rémunéré) et dans l’idéal, elle voudrait une aide financière pour se mettre à mi-temps pendant la campagne municipale.
« S’ils veulent faire de Tarascon un exemple, il faut probablement mettre plus de moyens. Sans ça, ça va être dur. »
La morale républicaine, sujet de dictée
Les classes de l’école ZEP de Valérie Laupies sont pleines d’enfants issus de l’immigration. Elle dit : « J’adore mes gamins. »
« J’offre ma photo de classe depuis deux ans à Jean-Marie Le Pen. Quand des élèves ne parlent pas français à la maison, le niveau baisse forcément, on ne peut plus faire classe de la même façon. »
Elle leur fait faire le programme, mais elle essaye aussi de les éduquer. Par exemple, « en auto-dictée », elle les fait travailler sur des « fiches sur la morale républicaine des années 60 ».
« La dernière fois, cela nous a amené à parler de la conscience personnelle en opposition au rapport de force qu’ils côtoient à l’école d’arabe. »
Croisé près de son école, Yanis, 19 ans, qui l’a eue comme prof en primaire, nous dit qu’il a toujours pensé qu’elle était de gauche, « tellement elle était ouverte ».
Ecole Marcel-Battle à Tarascon (Nolwenn Le Blevennec/Rue89)
La soupe chinoise des enfants cambodgiens
Quand elle a voulu adopter, elle s’est naturellement imaginée avec un enfant venant d’Asie. Mais quand on lui a dit qu’elle avait 90% de chances de tomber sur un Maghrébin dans les Bouches-du-Rhône, elle a dit « désolée, je ne peux pas ».
« Ce n’est pas une culture que j’apprécie. Pas parce que je suis méchante, mais parce que je ne m’y reconnais pas.
– Oui, mais si l’enfant est élevé avec vous, c’est votre culture qu’il acquiert.
– Quelle est la part de la nature et la culture ? J’ai posé la question à mon pédiatre, c’est une question qui me travaille beaucoup. Je pense que la nature domine. Je connais des gens qui ont adopté des enfants du Cambodge, ils boivent de la soupe chinoise dans leur biberon. A un moment donné, vous êtes l’héritier de tous vos ancêtres. »
A la fin de notre entretien, Valérie Laupies ajoute qu’elle serait prête à accueillir des candidats UMP sur sa liste au second tour.
« Je pense que des élus de la liste seraient prêts à collaborer avec moi. Certains sont venus au déjeuner avec Florian Philippot, ce week-end. »
En face de la mairie, Abdel, 31 ans, qui tient le snack La Médina, nous dit que « Valérie et son mari » sont plutôt gentils avec lui quand ils viennent manger et pense que beaucoup d’Arabes « vont voter pour eux ».
La mairie de Tarascon (Nolwenn Le Blevennec/Rue89)