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6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 15:59

 

 

 Arrêt sur images 06/05/2013 à 09h56
Arretsurimages.net"
Daniel Schneidermann | Fondateur d'@rrêt sur images

 

 

« Quand le chef de l’Etat appuie sur le bouton, il faut que ça parte ». C’est un spécialiste qui parle, sur TF1. Notre confrère Jean Guisnel, spécialiste des questions de défense, et consultant occasionnel. TF1 est venue consulter le consultant, car voilà, ça n’est pas parti.

Le sous-marin nucléaire le Vigilant a tiré dans la baie d’Audierne un missile (de type M51, pour les connaisseurs) qui s’est « autodétruit » en mer aussitôt après le tir. La chose aurait pu rester secrète. Pas de chance, les riverains ont assisté à un joli feu d’artifice, et l’ont photographié. La préfecture maritime confirme donc.

Accessoirement, on apprend le prix du zinzin : 120 millions d’euros. Pièce. Et sans charge nucléaire, encore. Car évidemment, pensez-vous, les missiles tirés pour de simples tests ne sont pas équipés de charges. Simplement pour s’assurer que « ça part ».

Alors que tous les prix diminuent (écrans plats, smartphones, ordinateurs), le prix de ces zinzins-là ne semble pas trop diminuer. 120 millions d’euros. « Bientôt toute l’Armée de terre tiendra dans un stade de football, tandis que le nucléaire est sanctuarisé », grommelle ce matin sur France Inter un général, Etienne Copel.

La politique de dissuasion nucléaire échappe à tout débat

Quel rapport avec les médias, et la communication, demanderont les plus vigilants d’entre vous. Celui-ci : la politique française de dissuasion nucléaire échappe à tout débat. Non seulement à tout débat public, mais à tout débat parlementaire.

On rogne dans tous les coins, on s’apprête même apparemment à opérer des privatisations partielles, mais pas touche aux zinzins. Des visites de lanceurs de zinzins sont bien organisées pour quelques parlementaires soigneusement choisis, après quoi le Parlement vote comme un seul homme, c’est tout ce qu’on lui demande.

Combien de députés vont tomber de leur chaise, comme tous les citoyens, en apprenant le prix du zinzin du Finistère ? Et pourtant, il y aurait matière à débat. C’est le même général Copel (qui n’est pourtant pas un pacifiste baba cool, et a tout pour plaire à Calvi), qui l’écrivait dans Le Monde, l’an dernier (dans une tribune d’ailleurs titrée à l’inverse de ce qu’elle dit, « La dissuasion », oui).

Mais pourquoi dépenser des fortunes en inventant des nouveaux zinzins toujours plus chers ? Bonne question. On pourrait en poser quelques autres. Combien de tests de ces missiles par an ? Sont-ils tous nécessaires ? Existe-t-il une obsolescence programmée de ce genre de gadgets ?

En voilà de jolis débats pour de futures émissions de Calvi. Mais en avant-première mondiale, je peux vous annoncer qu’ils n’auront pas lieu. Comment ? Qu’entends-je dans le fond de la salle ? C’est la Ve République qui le veut, c’est comme ça ? Eh bien oui. D’accord. Considérez donc que vous n’avez rien lu. Et que ce billet matinal s’est autodétruit.

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato
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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 17:55

 

 

Marianne - Dimanche 5 Mai 2013 à 05:00

 

Guy Konopnicki

 

 

 

Dans un livre choc, un policier et un limier du fisc racontent l'instauration d'un système politique et affairiste dans les Hauts-de-Seine. Une enquête édifiante.

L'EPAD, Etablissement Public d'Aménagement de la Défense. Concentre 2500 entreprises, 150000 salariés et 3,3 millions de m2 de bureaux. Plus grand quartier d'affaires d'Europe - STEVENS FREDERIC/SIPA
L'EPAD, Etablissement Public d'Aménagement de la Défense. Concentre 2500 entreprises, 150000 salariés et 3,3 millions de m2 de bureaux. Plus grand quartier d'affaires d'Europe - STEVENS FREDERIC/SIPA
Dans 92 Connection, Noël Pons et Jean-Paul Philippe retracent la saga des barons des Hauts-de-Seine qui, après avoir conquis la banlieue ouest de Paris, se partagèrent les fabuleuses richesses du département. Ce livre est en soi un événement par la qualité de ses auteurs : Noël Pons, fonctionnaire de la direction générale des impôts, a été conseiller au Service central de prévention de la corruption ; Jean-Paul Philippe a dirigé la brigade anticorruption de la police judiciaire.

L'un et l'autre ont enquêté pendant des années sur ce département. Une tâche d'autant plus ardue que sous les gouvernements de droite, depuis 1986, la Place Beauvau a souvent été une colonie des Hauts-de-Seine, occupée par Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy, tour à tour présidents du conseil général, puis par Brice Hortefeux et Claude Guéant, ombres portées de l'ancien maire de Neuilly.

Cette singularité alto-séquanaise ne simplifiait pas le travail des enquêteurs. Pourtant, dans leur style, celui des rapports de police et des enquêtes fiscales, Noël Pons et Jean-Paul Philippe livrent la matière brute d'un véritable roman. Une suite de la Curée, d'Emile Zola, qui évoquait les affaires politico-financières nées, sous le second Empire, de l'extension de Paris.

Un eldorado immobilier, qui n'était rien en regard de ce méandre de la Seine où, du Point-du-Jour à Rueil-Malmaison en passant par la Défense, les grandes industries mécaniques laissèrent, dès la fin des années 60, d'immenses friches, sur lesquelles furent bâtis les nouveaux quartiers d'affaires et les ensembles résidentiels. Une terre idéale pour les aventuriers.

Car les maîtres des Hauts-de-Seine ne sortent pas de l'ENA, à l'exception de Charles Ceccaldi-Raynaud, qui intégra la promotion Tocqueville et fut administrateur civil. Les principaux héros de cette histoire, qu'ils s'appellent Charles Pasqua, Patrick Balkany ou Nicolas Sarkozy, ont en commun d'avoir conquis eux-mêmes le pouvoir, en ne se laissant pas tétaniser par les principes moraux. Le département des Hauts-de-Seine appelait ce type d'homme politique : il fut d'abord une terre de conquête pour le parti du pouvoir, l'UDR des années Pompidou.

1. Charles Pasqua et la conquête du « Far Ouest »

Charles Pasqua jugé par le tribunal de Versailles 2012 - ANTONIOL ANTOINE/SIPA
Charles Pasqua jugé par le tribunal de Versailles 2012 - ANTONIOL ANTOINE/SIPA
Pour la droite, s'installer sur ces terres encore industrielles n'a rien d'évident : il faut s'emparer de bastions communistes ainsi que de villes historiquement contrôlées par la SFIO (l'ancêtre du Parti socialiste). Une tâche d'autant plus difficile que les événements de Mai 68 ont placé les Hauts-de-Seine sous les projecteurs : la révolte étudiante a commencé à Nanterre et l'usine Renault de Boulogne-Billancourt passe alors pour la forteresse de l'avant-garde ouvrière.

Pour oser s'implanter sur ces terres hostiles, il faut un gaulliste habitué à en découdre avec les rouges. Vieux routier des services d'ordre musclés, vice-président du Service d'action civique (SAC, la garde prétorienne des fidèles gaullistes), Charles Pasqua s'est chargé des coups tordus au long des événements. Il possède, avec des associés, une petite entreprise d'importation de spiritueux installée à Levallois-Perret.

Las de « protéger » les campagnes électorales des barons, il décide de se lancer en politique, lorsque le général de Gaulle dissout l'Assemblée nationale. Encore inconnu dans le département, il saute en juin 1968 sur le maillon faible du communisme local, la circonscription de Levallois-Perret et Clichy. Au terme d'une campagne brève et virile, il est élu député, battant le sortant communiste Parfait Jans, maire de Levallois-Perret.

Deux ans plus tard, il récidive et devient conseiller général du canton de Levallois-Sud, battant de nouveau Parfait Jans. Charles Pasqua se lance alors à la conquête du département, qu'il préside une première fois de 1973 à 1976. Cependant, les communistes lui reprennent la circonscription et le canton de Levallois-Perret, ce qui l'oblige à se replier sur une terre plus sûre, Neuilly-sur-Seine.

Elu sénateur en 1977, il construit un réseau départemental. Il s'agit d'abord de mettre la main sur le nouveau cœur du département, la Défense. Le RPR entend contrôler cette zone d'aménagement, mais Nanterre est communiste, Courbevoie, aux mains des giscardiens, et Suresnes demeure socialiste...

2. Charles Ceccaldi-Raynaud, le « parrain »

- LESAGE/NECO/SIPA
- LESAGE/NECO/SIPA
Heureusement, il y a Puteaux, dont le maire, Charles Ceccaldi-Raynaud, est passé à l'UDR puis au RPR dans des conditions pour le moins sulfureuses que racontent, dans leur livre, Noël Pons et Jean-Paul Philippe. D'abord socialiste, l'homme a conquis de l'intérieur la citadelle de Georges Dardel, figure historique de la SFIO. Victime d'un accident de voiture, en 1969, Dardel doit laisser l'intérim à Charles Ceccaldi-Raynaud, qui n'est que le quatrième adjoint.

Sur le flan sud de la Défense, Puteaux est un immense chantier. Entrepreneurs et promoteurs défilent alors à la mairie. Ceccaldi-Raynaud constitue, dès cette époque, un réseau proprement mafieux parmi les élus socialistes à Puteaux et dans tout le département. En 1969, le numéro deux du PS, Pierre Mauroy, demande l'exclusion de Ceccaldi, car, dit-il, « toute la fédération des Hauts-de-Seine risque de passer sous la coupe de la mafia ».

A Puteaux, Georges Dardel s'est rétabli et décide de reprendre la mairie en constituant une liste d'union avec les communistes. Exclu du PS, Ceccaldi-Raynaud obtient le soutien d'Achille Peretti, maire UDR de Neuilly, ainsi que celui de Charles Pasqua. La campagne est d'une violence inouïe. Les « colleurs d'affiches » de Ceccaldi-Raynaud sont armés.

Un militant de la liste Dardel, Salad Kacem, 31 ans, trouve la mort pendant la campagne. Sept autres militants de gauche sont sérieusement blessés. Les enquêteurs inculperont 17 personnes, toutes proches de Ceccaldi-Raynaud, et la justice le déclare civilement responsable des bagarres ayant provoqué la mort de Salad Kacem.

Qu'importe, l'homme a été élu à Puteaux par 65 % des voix ! Une mairie stratégique, au cœur du nouveau quartier d'affaires de la Défense. Ce dernier représente une véritable manne pour la ville, un revenu net annuel de 4 000 € par habitant.

Une telle richesse permet de s'installer dans la durée. L'office HLM de Puteaux devient un véritable outil de clientélisme et les services municipaux gonflent sans cesse leurs effectifs. Des montages plus ou moins sophistiqués permettent de lever des fonds sur tous les chantiers et marchés de la ville de Puteaux. Les enquêteurs se succèdent, mais Ceccaldi-Raynaud est un expert, et ceux-là ne parviennent jamais au bout de leurs investigations.

A sa façon, le maire de Puteaux a du talent. Il devient rapidement l'homme fort de la Défense, où il préside l'Etablissement public d'aménagement de la défense (Epad), la société de chauffage Sicudef et plusieurs autres sociétés d'investissement. Et il y aura des affaires et des enquêtes sur chacune de ces sociétés. La Défense est une caverne d'Ali Baba.

A titre d'exemple, la seule société de chauffage disposait d'une cagnotte de 15 millions d'euros lorsqu'elle a fait l'objet d'une information judiciaire, ouverte en 2001. Ceccaldi-Raynaud était alors soupçonné de favoritisme dans l'attribution d'un juteux marché, dans lequel apparaissaient de curieux partenaires financiers, dont une société financière luxembourgeoise. Par deux fois, les commissaires aux comptes de l'Epad, pourtant soigneusement choisis, refusèrent de valider les comptes d'exploitation.

Les 20 volumes de la procédure atterrissent dans les archives du palais de justice de Nanterre. Pourtant, Charles Ceccaldi-Raynaud n'hésitera pas à relancer lui-même l'affaire, en 2011, pour se venger de sa fille Joëlle, qui l'a écarté du pouvoir avec la complicité de Nicolas Sarkozy. Deux ingrats ! Le père bafoué fait parvenir au Canard enchaîné un document prouvant que Joëlle Ceccaldi-Raynaud dispose de 4 millions d'euros sur des comptes luxembourgeois.

La fille maudite est alors maire de Puteaux, présidente de l'Epad et députée des Hauts-de-Seine, en remplacement de Nicolas Sarkozy, devenu président de la République. On ne sait d'où vient cet argent ; en revanche, on sait que le juge Pallain, en charge de l'affaire, a été muté à Tahiti ! Intouchable en raison des prescriptions couvrant ses propres activités, le vieux « parrain » peut se permettre de balancer sa fille, qui a récupéré des fonds dont il connaît, lui, la provenance.

Mais comment un personnage digne de Francis Ford Coppola a-t-il prospéré si longtemps au cœur des Hauts-de-Seine ? Charles Ceccaldi-Raynaud a permis au RPR de contrôler la Défense, cœur du département des Hauts-de-Seine. Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy ne pouvaient se passer de lui.

3. L'irrésistible ascension des Balkany

Les Balkany lors des Cantonales 2011 - LESAGE/NECO/SIPA
Les Balkany lors des Cantonales 2011 - LESAGE/NECO/SIPA
En dépit de ses deux revers à Levallois-Perret, Charles Pasqua est toujours décidé à reconquérir le département. Sénateur et patron du RPR 92, il pousse la jeune garde à l'assaut. Patrick Balkany récupère, en 1982, le canton de Levallois-Sud et il emporte en 1983 la mairie détenue jusque-là par le communiste Parfait Jans. Les communistes perdent également Châtillon-sous-Bagneux et Sèvres, ils sont élus de justesse à Antony, mais le scrutin est annulé pour fraude et Patrick Devedjian s'installe à la mairie à la faveur d'une partielle.

A Levallois-Perret, Patrick Balkany, qui gouverne en compagnie de sa femme, Isabelle Smadja, entreprend la transformation de la ville. Les anciens quartiers populaires, les ateliers, disparaissent en quelques années. Levallois-Perret devient le prolongement de Neuilly et du XVIIe arrondissement de Paris. Les promoteurs se régalent. Tant que la loi le permet, ils remplissent généreusement les caisses électorales de leurs bienfaiteurs.

En ce temps-là, les services fiscaux s'intéressent peu aux hommes politiques. Les époux Balkany se taillent une belle réputation, on les surnomme « les Thénardier », et, plus tard, « les Ceausescu ». Luxueuse résidence près de Giverny et yacht à Saint-Tropez, le député-maire de Levallois et son épouse, bientôt vice-présidente du conseil général, affichent vite un train de vie princier.

Après 1983, Charles Pasqua a impérativement besoin de fédérer les conquérants musclés des communes des Hauts-de-Seine. Elu conseiller municipal de Neuilly, il croit être le successeur naturel du maire Achille Peretti, gaulliste historique, compagnon de la Libération. Un mois après l'élection, le maire de Neuilly meurt brutalement d'une crise cardiaque. Pasqua charge le jeune secrétaire du RPR pour la circonscription Neuilly-Puteaux, Nicolas Sarkozy, de préparer l'élection du nouveau maire.

Las. Nicolas Sarkozy le trahit et devient maire de Neuilly-sur-Seine, à l'âge de 28 ans ! Au sein du RPR, il a bénéficié du précieux appui de Charles Ceccaldi-Raynaud. Dès lors, le maire de Puteaux joue un jeu d'équilibre entre Charles Pasqua et Nicolas Sarkozy. Le gamin a eu Neuilly, le sénateur Pasqua aura le canton de Neuilly et la présidence du conseil général.

Les territoires sont répartis, mais Charles Ceccaldi-Raynaud tient les ponts de Puteaux et de Neuilly, qui relient le fief de Nicolas Sarkozy à la Défense et à Nanterre, siège du conseil général et domaine réservé de Charles Pasqua.

4. La société d'économie mixte : labyrinthe à magouilles

Onze masters de gestion et de finances de l'université de Paris Dauphine ont été installés dans les locaux du Pôle universitaire Leonard-de-Vinci (PULV) - NIKO/SIPA
Onze masters de gestion et de finances de l'université de Paris Dauphine ont été installés dans les locaux du Pôle universitaire Leonard-de-Vinci (PULV) - NIKO/SIPA
De part et d'autre de la Seine, les affaires prospèrent. Redevenu président du conseil général en 1988, Charles Pasqua confie à Yann Guez, fils d'un ami personnel, la SEM 92, société d'économie mixte chargée des aménagements urbains et des constructions. Un formidable outil, selon les auteurs de 92 Connection, Noël Pons et Jean-Paul Philippe.

La SEM 2 construit les collèges, participe à d'énormes chantiers de rénovation dans tout le département, construit le pôle universitaire Léonard-de-Vinci à la Défense. Elle intervient également à l'extérieur du département, et notamment à Fontainebleau, dont le maire RPR, Paul Dubrule, est cofondateur du groupe Accor.

Et ce n'est pas tout : via la SEM 92 coopération, la SEM 92 intervient également en Afrique. Son patron, Yann Guez, a été administrateur d'une société d'armement, qui travaillait, sous Pasqua, pour le ministère de l'Intérieur. Sur les comptes de chacune de ces sociétés, les enquêteurs relèvent des anomalies, des curiosités, des extravagances. Mais elles s'entrelacent d'une manière si complexe que chaque affaire décelée en génère trois autres, tant et si bien que les meilleurs limiers s'y sont égarés.

Les juges Eric Halphen, Eva Joly et Isabelle Prévost-Desprez ont tour à tour mesuré la portée du théorème attribué à Charles Pasqua : « Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l'affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l'affaire de l'affaire, jusqu'à ce que personne n'y comprenne plus rien. »

A la Défense, il est encore plus difficile de démêler l'écheveau financier de la société d'aménagement du quartier d'affaires, l'Epad, et de la SEM 92 que de trouver la sortie du parking. La Défense et le département des Hauts-de-Seine recèlent des labyrinthes où bien des enquêteurs se sont perdus. Noël Pons et Jean-Paul Philippe s'accrochent au fil d'Ariane des multiples enquêtes, portant sur des prises illégales d'intérêt et des délits de favoritisme, mais nul n'est encore parvenu au cœur du système.

5. Les HLM du 92

Gennevilliers, Quartier du Luth - LE MOINE MICHEL/SIPA
Gennevilliers, Quartier du Luth - LE MOINE MICHEL/SIPA
La justice a toutefois réussi à confondre l'office départemental des HLM, présidé par Patrick Balkany. Cependant, le député-maire de Levallois-Perret avait placé un fusible, en la personne du directeur général, Didier Schuller.

Ancien responsable départemental des Radicaux de gauche, passé au RPR, Didier Schuller avait tenté sans succès de conquérir la mairie socialiste de Clichy. Il cumulait les fonctions de directeur général de l'office HLM 92 et un mandat de conseiller régional RPR d'Ile-de-France en 1992. Poursuivi pour prise illégale d'intérêt et truquage des marchés publics, il a dû fuir aux Caraïbes, lâché par son mentor Patrick Balkany.

Cependant, le maire de Levallois et son épouse Isabelle ont connu à leur tour les affres de l'exil sous les cocotiers. Le couple utilisait des fonctionnaires municipaux comme domestiques à son domicile, dans sa résidence secondaire de Giverny, et même, selon Didier Schuller, sur son yacht ancré à Saint-Tropez. Ce qui valut à Patrick Balkany une lourde condamnation et un long séjour au bord des mers chaudes.

La morale n'étant pas la chose du monde la mieux partagée, sitôt la peine purgée, les électeurs de Levallois-Perret rendirent aux époux Balkany la totalité de leurs mandats. Condamné en 1997 à quinze mois de prison avec sursis et deux ans d'inéligibilité, « Patrick » retrouva son fauteuil de maire en 2001 et son siège de député en 2002. Isabelle Balkany, quoique servie par les mêmes domestiques, ne fut pas inquiétée et fut élue et réélue au conseil général de 1988 à 2011.

La chute provisoire de Patrick Balkany devait tout à la guerre fratricide qui avait opposé Jacques Chirac et Edouard Balladur lors de la présidentielle de 1995. Charles Pasqua en tête, tout le RPR 92 avait lâché Jacques Chirac. Balladuriens et chiraquiens règlent donc leurs comptes, oubliant juste que leurs affaires sont entremêlées. « Quand on remue la merde, peste Pasqua, il faut éviter de le faire devant un ventilateur. »

La guerre fratricide fait tomber des têtes à Paris, dans l'Essonne où Xavier Dugoin, président du conseil général, se retrouve en prison, mais c'est tout juste si elle effleure les Hauts-de-Seine. Didier Schuller a beau jeu de se présenter comme une victime expiatoire. La forteresse de la Défense tient bon.

On coupe quelques têtes locales, comme à Asnières, où deux maires successifs, Frantz Taittinger, héritier des champagnes, député RPR, et Manuel Aeschlimann, proche de Nicolas Sarkozy, parrain d'un de ses enfants, sont pris la main dans le pot de confiture. Mais, en dépit de sévères revers électoraux, le triumvirat composé de Pasqua, Ceccaldi-Raynaud et Sarkozy a survécu aux tempêtes.

6. Nicolas Sarkozy et la bande de Neuilly

La Garenne Colombes, Meeting de soutien à Jean Francois Copé en présence de Nicolas Sarkozy et de Charles Pasqua, 2004 - CHAMUSSY/SIPA
La Garenne Colombes, Meeting de soutien à Jean Francois Copé en présence de Nicolas Sarkozy et de Charles Pasqua, 2004 - CHAMUSSY/SIPA
Mais l'avenir appartient à un seul homme, Nicolas Sarkozy, qui pousse les deux anciens à la retraite. Nicolas Sarkozy aurait pu s'appuyer sur les élus que les affaires n'avaient pas trop éclaboussés, à commencer par le fidèle Patrick Devedjian. Il s'entoure, au contraire, des plus compromis. Joëlle Ceccaldi-Raynaud, sa suppléante, occupe son siège au Palais-Bourbon lorsqu'il est ministre des gouvernements Raffarin et Villepin ; elle le conserve lorsqu'il devient président.

Patrick Devedjian récupère bien le conseil général, mais il est surveillé de près par Isabelle Balkany. Patrick Balkany, ami et porte-flingue, est omniprésent. A quoi s'ajoute la fameuse bande de Neuilly, dont les spécialités ne sont pas exactement celles des amis de Puteaux ou de Levallois. A Neuilly, on ne se bat pas pour la caisse des HLM. Encore que Thierry Gaubert et Philippe Smadja (deux proches de Nicolas Sarkozy) s'étaient signalés dans quelques montages immobiliers audacieux, avant d'être inquiétés dans l'affaire dite de Karachi.

Mais la « bande de Neuilly » se caractérise surtout par l'approche des grandes fortunes, susceptibles de contribuer aux financements de campagnes électorales. Ainsi de la multimilliardaire héritière L'Oréal, Liliane Bettencourt, et de l'empereur noir de la pharmacie, Jacques Servier, courtisés de longue date par Nicolas Sarkozy et ses amis. Noël Pons et Jean-Paul Philippe ajoutent donc Karachi, Bettencourt et le Mediator à la longue liste des scandales enracinés dans les Hauts-de-Seine.

Toujours est-il que Nicolas Sarkozy se servit de sa fonction de maire des riches pour construire sa carrière politique. Nombre de ses proches de l'époque sont aujourd'hui dans l'œil de la justice. Mais Nicolas Sarkozy n'est pas resté assez longtemps à la tête du département pour en garder la tutelle. Il n'a pas réussi à imposer son fils Jean Sarkozy à la tête de l'Epad, et son successeur, Patrick Devedjian, s'est émancipé, en promettant, sans doute un peu vite, de « nettoyer les écuries d'Augias ».

7. Epilogue

Mairie de Neuilly-Sur-Seine - HADJ/SIPA
Mairie de Neuilly-Sur-Seine - HADJ/SIPA
A première vue, le temps des « parrains » semble révolu. Investi par l'UMP dans la circonscription de Boulogne-Billancourt, Claude Guéant a été battu par le dissident Thierry Solère. Il reste tout de même quelques vestiges. Patrick Balkany est toujours député-maire de Levallois-Perret. Joëlle Ceccaldi-Raynaud règne encore sur Puteaux et attend sereinement que la justice se prononce sur ses fameux comptes luxembourgeois.

Charles Pasqua a connu les bancs des tribunaux, pour six relaxes et deux petites peines avec sursis. Nicolas Sarkozy a été mis en examen dans l'affaire Bettencourt, ses comptes de campagne ont été retoqués, les ombres de Karachi et des financements libyens obscurcissent son avenir politique. Il n'empêche : les Hauts-de-Seine restent le département le plus riche de France et de jolis filons immobiliers, à Billancourt et ailleurs, ne demandent qu'à être exploités. Le roman noir du 9-2 est loin d'être fini !

* 92 Connection. Les Hauts-de-Seine, laboratoire de la corruption ?,
de Noël Pons et Jean-Paul Philippe,
Nouveau Monde éditions, 299 p., 19,90 €.

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 17:43

 

 

Rédigé par Hervé Nathan le Dimanche 5 Mai 2013 à 13:04



La commission de Bruxelles a fait un joli cadeau d’anniversaire à François Hollande au moment où il souffle sa première bougie à l’Elysée : un répit de deux années pour amener le déficit public de la France en dessous des 3% du PIB. On rappelle que le gouvernement français s’était engagé à  y parvenir dès cette année, puis avait proposé de repousser l’échéance en 2014. Olli Rehn, commissaire européen à l’économie, a donc tranché au-delà des demandes françaises. Mais le cadeau est empoisonné et  il n’y a que Pierre Moscovici pour y voir un tournant et l’abandon de la politique d’austérité aveugle et généralisée dans l’Union européenne. 
D’abord parce qu’au niveau européen, la commission ne change pas de politique : elle ne demande pas des investissements massifs pour les infrastructures, des grands programmes de recherche, des fonds sociaux pour former els chômeurs, une mutualisation de la dette, la recapitalisation obligatoire des banques par leurs actionnaires, le rachat d’obligations d’Etat par la BCE.  Non. Elle donne du temps pour faire la même chose qu’avant.  Elle acte simplement que l’orientation qu’elle a soutenue mène droit à la catastrophe non seulement économique et sociale, mais aussi politique, car l’an prochain, il y aura de sélections au Parlement de Strasbourg. Comme on prête à José Manuel Barroso l’intention de briguer la tête de liste des conservateurs européens.  On comprend mieux le véritable pourquoi de l’inflexion bruxelloise :  l’électoralisme le plus minable, à l’instar d’un maire qui réduit les impôts locaux juste avant de se présenter au suffrage des administrés !
 
Ensuite au niveau français. La France aura donc un déficit de 3,9% en 2013, et même de 4,2% en 2014, selon Bruxelles. Retour au laxisme  hexagonal? Non !  La France devra parvenir à moins de 3% de déficit en 2015, ce qui signifie un effort de 1,3 point de Pib ; soit plus de 26 milliards d’euros d’économies, en plus de qui est déjà programmé . On voit bien que l’austérité, rebaptisée « sérieux budgétaire » (sous la droite, le synonyme d’austérité, c’était « rigueur »…) par l’Elysée qui pense que cela fait moins peur, sera maintenue coûte que coûte. Alors où est le changement ? Il est écrit dans le communiqué d’Olli Rehn. La France a deux ans pour « mettre pleinement en œuvre » les réformes structurelles  envisagées du « marché du travail, des retraites et d’ouverture des marchés ».  
Le gouvernement Hollande-Ayrault a donc une feuille de route toute tracée :  imiter le Chancelier  social-démocrate Gerhard Schröder. En 2004, celui-ci avait lui-aussi bénéficié d’un « sursis » de Bruxelles, lorsqu’ avec l’aide de Jacques Chirac, il avait réussi à repousser les échéances de retour de l’Allemagne sous les 3% de déficit ! Jacques Chirac avait alors choisi de ne rien faire, quand son homologue allemand restaurait voire davantage la compétitivité de son pays, non pas par rapport à la Chine mais  par rapport à ses alliés !
Avec les lois Artz (1,2,3 et 4) Schröder avait réduit les pensions des Allemands et ouvert la voie à a constitution d’un énorme secteur de services et d’industrie (agroalimentaire notamment) à bas coûts, qui « occupe » aujourd’hui près de 15 millions de paires de bras… Ces réformes, à contre courant du programme électoral du parti social-démocrate, avait profondément et durablement fracturé la gauche allemande et ouvert la voie à Angela Merckel. Hollande, pour se conformer au inonctions de la commission, devrait donc lui aussi choisir une voie pour laquelle il n'a pas été élu. Faut-il se réjouir d'un pareil anniversaire?

 

 

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5 mai 2013 7 05 /05 /mai /2013 17:40

 

 

Marianne - Dimanche 5 Mai 2013 à 05:00
Jean-Dominique Merchet - Marianne

 

 

Du PSG aux associations de quartier, ce micro-Etat du golfe Persique fait pleuvoir des dollars sur la France. Un livre signé Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget explique comment Doha a su tisser des liens avec notre pays. Des liens souvent troubles.

Le Qatar, à l'assaut de la France... et de ses banlieues
La scène se passe en août 2012. Dans les salons de l'Elysée, François Hollande s'apprête à recevoir le souverain du Qatar Hamed ben Khalifa al-Thani. Le président de la République s'entretient avec l'ambassadeur de France dans le richissime émirat.


«Au fond, interroge le chef de l'Etat, que faut-il penser de ce pays ?
-Monsieur le Président, dans les prochaines années, il est susceptible d'investir une centaine de milliards d'euros en France.
-Dans ce cas, je comprends mieux dans quel état d'esprit il faut se tenir.»

La messe était dite et la France, malgré l'alternance, allait rester dans les petits papiers du Qatar. Cette scène est rapportée par les deux journalistes Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget dans leur livre le Vilain Petit Qatar (Fayard) qui paraît le 5 mai et dont Marianne publie cette semaine les bonnes feuilles. Ce que révèlent, entre autres, les auteurs ? Que ce micro-Etat du golfe Persique, deuxième pays le plus riche au monde par habitant et défenseur d'un islam wahhabite sans concession, investit dans les banlieues françaises, soutient des associations de quartier, finance des mosquées, forme des imams et drague les jeunes générations grâce au miroir aux alouettes du football-spectacle.

"Success story" wahhabite

Que l'on s'intéresse aux affaires, à l'audiovisuel, au foot, à l'art, à l'immobilier parisien, à la défense du patrimoine, aux banlieues, à l'islam, au «printemps arabe» ou à la guerre du Mali, très vite on tombe sur le nom de ce petit pays, grand comme deux départements français et peuplé de moins de 2 millions d'habitants, dont 80 % d'étrangers. Il y a vingt ans, rares étaient les Français qui connaissaient l'existence du Qatar. C'était avant... Non pas avant l'explosion de la formidable richesse pétrolière et gazière, mais avant l'arrivée sur le trône de l'actuel émir, qui a renversé son père en 1995. Cet homme a changé le visage de son pays et son rôle international comme peu de dirigeants politiques sont parvenus à le faire. La success story est impressionnante, qu'on l'aime ou pas.

Beau et Bourget n'aiment pas. Leur livre est une charge sabre au clair contre «cet ami qui nous veut du mal». «La raison d'être de cet ouvrage est de révéler un scandale d'Etat. Comment la France en est-elle arrivée à trembler quand le Qatar fronce les sourcils ?» Les deux enquêteurs entendent dévoiler «les desseins cachés de l'émirat», cette «enseigne islamo-commerciale» qui rêve d'imposer de par le monde un «islam wahhabite conquérant, celui qui se livre à l'interprétation la plus mortifère du Coran». L'instrument de cette «conquête» : l'argent. «Deux cent dix milliards d'investissements à travers la planète.»

Nicolas Beau et Jacques-Marie Bourget explorent les différents domaines dans lesquels se nouent les liens souvent troubles entre la France et le Qatar. S'ils se sont considérablement développés durant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, ils avaient débuté avant et se poursuivent depuis. Non sans certains échecs, notamment dans l'industrie. Le palmarès est pourtant impressionnant, l'immobilier parisien, le PSG, diverses formes de mécénat : le Qatar est un client intéressant... Tellement intéressant qu'en 2009 la majorité UMP lui a accordé, à la demande de Nicolas Sarkozy, un statut fiscal exorbitant du droit commun. Toutes les plus-values réalisées en France par les Qataris sont, depuis, exemptées d'impôts.


En clair, la France est devenue le paradis fiscal du Qatar. Et François Hollande n'a rien fait pour mettre fin à ce privilège. Au nom des intérêts supérieurs - financiers et diplomatiques - de l'Etat français. Résultat : le fonds souverain qatari regarde tous les dossiers. Voici dix jours, l'émirat a encore soufflé, au nez et à la barbe de tous les investisseurs, Le Printemps, un des fleurons de la distribution française. Prix : 1,6 milliard d'euros. Et ce alors que les Galeries Lafayette en proposaient 200 millions d'euros de mieux ! Certains évoquent en effet la possibilité de contreparties financières - 40 millions d'euros ? - qui pourraient être versées à l'actuel PDG du Printemps, via le Luxembourg...

Mais sa présence ne se résume pas au seul business - c'est ce que veulent démontrer les deux auteurs. L'émirat a aussi un projet politique. S'il entretient des liens avec la classe politique française de droite et (un peu moins) de gauche, il est très actif auprès des musulmans de France, et donc bien présent dans les banlieues, comme le racontent les extraits que nous publions.

Sur la ligne des Frères musulmans

Au plan international, le Qatar joue à fond sur sa chaîne de télévision Al-Jazira, «une télé qui possédait un Etat», et sur sa petite sœur française, BeIN Sport, qui se partage désormais avec Canal + les principaux droits sportifs audiovisuels. Enorme succès, Al-Jazira est surtout un média très engagé en faveur des révolutions arabes... tant qu'elles ne concernent pas les affaires intérieures de l'émirat. Si ses reporters ont soutenu la cause des Tunisiens et des Egyptiens, ils travaillent pourtant pour un Etat dénoncé par Amnesty International pour ses violations des droits de l'homme et où le pouvoir est absolu !

Si le Qatar soutient le renversement des régimes en place, c'est sur la ligne islamiste des Frères musulmans, pas celle d'une démocratie libérale à l'occidentale. En Libye, le Qatar était, avec la France, l'un des principaux pays de la coalition contre Kadhafi. En Syrie, il équipe l'opposition armée au régime de Bachar al-Assad. Il est aussi accusé d'avoir aidé les islamistes radicaux d'Aqmi au Mali, ceux contre lesquels la France est en guerre. Sur ce point, toutefois, Beau et Bourget n'apportent guère d'éléments nouveaux ou de preuves indubitables.

Les auteurs constatent surtout que le Qatar, qui en fait souvent trop, commence «à inquiéter même ses amis» français. Mais ils ne semblent guère croire à un changement politique venant de Paris, pas plus qu'à un improbable «printemps qatari». D'ailleurs, ces inquiétudes dépassent largement le cadre de la France. Le questionnement sur les intentions véritables du Qatar est le même à Londres où, après le rachat des célèbres magasins Harrod's, il vient de se porter candidat à la construction d'un «supersystème d'égoûts» pour la modique somme de 12 milliards d'euros... 

 

 

 

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 18:45

 

 

Médiapart

 

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Alors que le procès des prothèses PIP, qui se tient jusqu’à la mi-mai à Marseille, est entré dans la phase des plaidoiries, une question reste sans réponse : comment la société de Jean-Claude Mas a-t-elle pu, de 1992 à 2010, fabriquer et vendre des implants mammaires remplis d’un gel de silicone non autorisé ? Comment la supercherie a-t-elle pu passer inaperçue pendant près de vingt ans, sans que soit éveillée l’attention des autorités sanitaires ?

Fût de produit livré à PIP portant l'étiquette Brenntag 
Fût de produit livré à PIP portant l'étiquette Brenntag© DR

Les circonstances mêmes de la découverte de l’infraction ne sont pas complètement éclaircies. Fin octobre 2009, un expert de la commission nationale de matériovigilance a transmis un courrier anonyme à l’Afssaps, l’Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé (devenue l’ANSM). Ce courrier anonyme contenait des photos de bidons de produits qui logiquement n’auraient pas dû se trouver chez PIP, car ils ne venaient pas de Nusil, le fournisseur autorisé de silicones médicaux de l’entreprise de Mas. Sur l’une des photos, une étiquette fait apparaître la marque Brenntag (un fournisseur qui ne vend pas de silicone médical), ainsi que la mention « Poly implants prothèses 83 La Seyne-sur-Mer ».

On pourrait imaginer qu’à la vue de ces photos, l’Afssaps aurait immédiatement dépêché ses inspecteurs sur place, afin de comprendre pourquoi des produits Brenntag se trouvaient chez PIP. Ce n’est pas ce qui s’est passé. L’Afssaps a bien envoyé ses inspecteurs, mais près de cinq mois plus tard, le 16 mars 2010. Et les deux agents qui se sont rendus sur le site de La Seyne-sur-Mer, Jean-Christophe Born et Thierry Sirdey, n’ont pas débarqué de manière inopinée. L’entreprise a été avertie de leur venue une semaine à l’avance.

Jean-Christophe Born s’en est expliqué devant le tribunal de Marseille : « Je n’avais aucune raison d’avoir des soupçons, a-t-il déclaréL’Afssaps avait en effet constaté, indépendamment du courrier anonyme, que le taux de rupture des implants PIP avait fortement augmenté en 2009.

Les inspecteurs de l’Afssaps soutiennent donc qu’ils ne sont pas venus pour élucider les raisons de la présence de produits Brenntag dans l’usine, mais pour comprendre pourquoi les implants PIP se rompaient plus fréquemment. « À aucun moment, avant de me rendre sur le site, je n’ai fait l’hypothèse d’une fraude », a confirmé Thierry Sirdey, interrogé par Mediapart.

Il peut paraître surprenant que les photos n’aient pas davantage mis la puce à l’oreille des agents de l’Afssaps. Thierry Sirdey nous a expliqué que PIP aurait pu utiliser l’huile de silicone Brenntag pour des essais, dans le cadre de la recherche développement. Mais tous les professionnels que nous avons interrogés ont confirmé que Brenntag ne distribue pas de produits agréés pour l’usage médical. L’activité essentielle de PIP (dont le nom complet est Poly Implants Prothèses) ayant toujours consisté à fabriquer des prothèses mammaires, on voit mal quel usage licite la société aurait eu des produits Brenntag.

La découverte de l’infraction par les deux inspecteurs de l’Afssaps apparaît encore plus étonnante. En prévenant l’entreprise, l’Afssaps a laissé à PIP tout le temps de dissimuler les traces de produits non autorisés. C’est à peu près comme si la police, avant d’arrêter un suspect, lui téléphonait pour l’avertir de sa venue… Il est vrai que pour l’Afssaps, PIP n’était pas un suspect. Mais dans ces conditions, il est encore plus difficile de comprendre que les inspecteurs aient pu trouver quelque chose.

À vrai dire, selon leur propre récit, ils ont failli passer à côté des fûts suspects. Le premier jour de l’inspection, le 16 mars, tout semble normal. Les inspecteurs interrogent le personnel, consultent des documents, mais rien ne leur paraît suspect. C’est seulement le lendemain qu’ils observent, dans la cour de l’usine, des fûts reconvertis en poubelles qui ressemblent à ceux qui figurent sur les photos du courrier anonyme.

À partir de ce rapprochement, les inspecteurs obtiennent rapidement des aveux du personnel de l’entreprise. Ils peuvent alors établir un inventaire des prothèses fabriquées avec des matières premières non conformes. La découverte de cette fabrication fait éclater le scandale.

Mais plusieurs points restent obscurs. Qui a expédié les photos à l’expert qui les a lui-même transmises à la direction de l’Afssaps ? Qui est l’expert en question ? Pourquoi les employés de PIP ont-ils laissé les fûts suspects traîner dans la cour de l’usine à la vue de tous ? Et pourquoi les inspecteurs ne s’y sont-ils intéressés que le deuxième jour de leur visite ?

 

« Une belle organisation » pour masquer la fraude

Le procès de Marseille n’a guère apporté d’éclaircissement sur ces questions. Au tribunal, Jean-Christophe Born a expliqué que la fraude était bien dissimulée et que, sans les photos, il n’aurait peut-être rien trouvé. Il a ajouté qu’il avait fallu à la société PIP « une belle organisation » pour masquer la fraude à son organisme certificateur, la société allemande TÜV Rheinland.

 

Prothèse mammaire en silicone 
Prothèse mammaire en silicone© FDA

Cette dernière effectuait des visites annuelles sur le site depuis 1997, afin de contrôler la conformité des prothèses PIP à la norme européenne. Les prothèses mammaires sont en effet soumises à un « marquage CE », attribué par un organisme certificateur privé et choisi par le fabricant. En l’occurrence, Jean-Claude Mas avait choisi TÜV. L’enquête de la gendarmerie a montré que, lors de chaque visite de TÜV, les employés de PIP s’organisaient pour faire disparaître les produits autres que ceux de Nusil – les seuls autorisés – qui étaient stockés dans un camion ou cachés dans un local sur un autre site. De plus, le système informatique était manipulé pour ne faire apparaître que les factures de Nusil.

Cette « belle organisation », pour reprendre les termes de l’inspecteur, a fonctionné de 1997 à 2009. TÜV n’a jamais remarqué d’irrégularités, alors même qu’entre 2004 et 2005, la société PIP, qui avait des difficultés financières, n’a plus commandé de produits Nusil. TÜV ne s’est pourtant pas posé la question de savoir avec quelles matières premières étaient fabriquées les prothèses, ce qui montre à la fois l’inefficacité des contrôles de cet organisme et l’aptitude de PIP à masquer ses pratiques douteuses.

Si PIP a pu tromper TÜV pendant si longtemps, pourquoi a-t-elle laissé les inspecteurs de l’Afssaps découvrir le pot aux roses ? Il ressort de notre enquête qu’un certain nombre d’employés de PIP ne supportaient plus la situation et ne souhaitaient plus couvrir la fraude, alors que l’entreprise était en faillite. Cela explique que les inspecteurs de l’Afssaps aient obtenu des aveux assez facilement. Et cela pourrait expliquer l’envoi du courrier anonyme à l’expert en matériovigilance.

Mais certaines incohérences apparaissent entre les explications de l’Afssaps et les témoignages des anciens employés de PIP. Selon nos informations, les inspecteurs de l’Afssaps auraient indiqué, le soir du premier jour de l’inspection, qu’ils examineraient les factures des fournisseurs le lendemain. Une telle demande s’accorde mal avec l’affirmation répétée des inspecteurs qu’ils n’avaient aucun soupçon de fraude en se rendant sur le site. Et Thierry Sirdey nous a formellement précisé que les factures n’avaient été demandées que le deuxième jour, après la découverte des fûts suspects.

La version de certains employés de PIP diverge de celle de l’Afssaps : les factures auraient été demandées le premier jour ; qui plus est, à la suite de cette demande, Jean-Claude Mas aurait passé une partie de la nuit à fabriquer de fausses factures et à les enregistrer sur une clé USB, afin de pouvoir les présenter le lendemain aux inspecteurs.

L’existence de cette clé USB a été mentionnée par certains témoins entendus dans le cadre de l’instruction menée par la juge Annaïck Le Goff, du tribunal de grande instance de Marseille (rappelons que cette instruction est relative à une procédure pour homicide et blessures involontaires, menée parallèlement au procès pour tromperie actuellement en cours à Marseille). Dans des documents de l’instruction que Mediapart a pu consulter, il est fait référence à la fameuse clé USB.

De fait, cette clé n’a pas été utilisée par Jean-Claude Mas, les employés de PIP n’ayant pas accepté, cette fois, de se prêter à la tromperie et étant passés aux aveux. Mais pourquoi l’Afssaps maintient-elle qu’elle n’a pas cherché à détecter une infraction, et pourquoi sa version diverge-t-elle de celle des employés ? Le tribunal n’a pas posé ces questions aux inspecteurs de l’Afssaps.

On comprend d’autant moins qu’en tout état de cause, l’Afssaps aurait eu d’excellentes raisons de suspecter, sinon une fraude, du moins des irrégularités. Lorsque le courrier anonyme parvient à l’agence fin octobre 2009, Jean-Claude Mas et sa société ont déjà un passif qui remonte à 1994 : il a fait l’objet de pas moins de quatre procédures auprès du tribunal de Toulon, en 1994, 1996, 1997 et 1998, et a bénéficié d’un jugement de relaxe en 1999 (voir notre article ici).

En 1999, il est question de suspendre la commercialisation des prothèses PIP

Ces événements se sont produits alors que l’autorité de contrôle n’était pas l’Afssaps, qui n’existait pas encore, mais la Direction des hôpitaux. Le tribunal de Marseille n’a pas jugé utile de demander le témoignage de la directrice des hôpitaux de l’époque, Claire Bazy Malaurie, aujourd’hui membre du Conseil constitutionnel (contactée par Mediapart, Madame Bazy Malaurie n’a pas souhaité nous répondre).

 

Jean-Claude Mas 
Jean-Claude Mas© Reuters

À partir de 1999, c’est l’Afssaps qui est chargée du contrôle des prothèses. À l’époque, les implants mammaires au silicone sont interdits, mais PIP commercialise des prothèses au sérum physiologique. Celles-ci ont des défauts de fabrication, se dégonflent fréquemment du fait que la « pastille d’occlusion », collée à la main, tend à se décoller.

À l’époque, la matériovigilance, autrement dit la surveillance des incidents, est confiée, pour les prothèses, à la « sous-commission technique n°3 ». L’expert qui s’occupe des prothèses mammaires est le professeur Gérard Ballon, du CHU de Tours. Nous avons retrouvé des fiches de suivi d’incidents de 1999 qui attestent que le professeur Ballon s’est inquiété des défauts des prothèses PIP. Il a réclamé une expertise par un laboratoire indépendant, et a même envisagé de « proposer de suspendre officiellement la commercialisation de ces prothèses » si PIP ne satisfaisait pas à cette demande.

Gérard Ballon, que nous avons interrogé, nous a expliqué qu’il ne savait pas ce qu’il était advenu de ses avis : « Je les ai transmis à la direction de l’Agence, et je n’en ai plus entendu parler », résume-t-il.

En 2000, PIP a effectué des démarches pour vendre ses prothèses au sérum sur le marché américain. Cela a entraîné une inspection d’une semaine effectuée à l’usine de La Seyne-sur-Mer par la FDA (Food and drug administration), l’équivalent de l’Afssaps, aux États-Unis. À la suite de cette visite, la FDA a adressé une cinglante lettre d’avertissement (warning letter) à Jean-Claude Mas, pointant toute une série de graves défaillances dans les processus de fabrication. Dans la foulée, la FDA a interdit les produits PIP sur le territoire américain (voir notre article ici). Cette perte du marché des États-Unis a ensuite pesé lourd dans les ennuis financiers de PIP.

La FDA a-t-elle transmis une copie de sa lettre à l’Afssaps ? Cette dernière a déclaré n’en avoir pas trouvé trace. En revanche, il apparaît qu’en 2001, PIP a adressé à l’Afssaps une télécopie précisant la situation américaine de ses prothèses, et expliquant n’avoir pas eu l’autorisation de commercialisation. Également en 2001, l’organisme responsable de la santé en Australie, la Nehta, a adressé un courriel à l’Afssaps mettant en doute la qualité des produits PIP (l’existence de ces documents de 2001 est mentionnée dans un rapport publié en 2012 par l’Afssaps et la DGS, la direction générale de la santé).

C’est aussi en 2001 que les prothèses au silicone, interdites depuis 1993 (avec quelques exceptions), sont ré-autorisées. Afin de permettre leur remise sur le marché, l’Afssaps effectue une inspection de l’usine PIP, la seule avant celle de 2010. L’Afssaps constate « plusieurs non-conformités importantes ». Les proportions des composants du gel Nusil prescrites par le fournisseur ne sont pas respectées par PIP, le produit désinfectant utilisé pose problème, etc. Finalement, après avoir fait retirer un lot de gel, et échangé de nombreux courriers, l’Afssaps conclut fin 2001 que tous les problèmes posés sont résolus.

À l’occasion de cette visite, l’Afssaps n’a rien remarqué de suspect à propos des produits utilisés par PIP pour fabriquer son gel. À l’époque comme aujourd’hui, le seul gel conforme est celui de Nusil, mais PIP stocke aussi des produits Brenntag ainsi que ceux d’un autre fournisseur, Gaches chimie. Il faut supposer qu’ils sont bien dissimulés. On peut toutefois se demander si l’enquête de l’Afssaps a été menée de manière suffisamment approfondie, compte tenu de l’historique déjà existant à l’époque et des critiques émises par les autorités sanitaires américaines et australiennes.

De 2001 à 2009, l’Afssaps ne s’inquiète plus de la situation de l’entreprise de La Seyne-sur-Mer. D’après les témoignages des anciens responsables commerciaux de PIP, les ruptures de prothèses et autres incidents ont commencé à augmenter fortement dès 2006-2007. Jean-Claude Mas a aussi décidé, unilatéralement, de changer la fabrication de ses prothèses fin 2006 : elles comportaient une couche-barrière, autrement dit une enveloppe double, destinée à les renforcer et à éviter le suintement du gel. 

 

« Les photos ne constituaient pas un élément d'alerte »

Cette deuxième couche n’était pas mentionnée dans le dossier de certification, ce qui constituait une infraction de plus ; mais elle était apparemment utile, car sa suppression a entraîné une augmentation du nombre d’incidents. L’Afssaps ne semble avoir rien détecté de ces problèmes. Selon les témoignages internes à PIP, les fiches de matériovigilance relative aux incidents étaient transmises à l’agence.

Cette dernière affirme n’avoir détecté aucun signal de matériovigilance avant 2009. Elle n’aurait donc pas eu connaissance, en temps réel, des incidents dont s’inquiétaient les commerciaux de l’entreprise. L’Afssaps dit avoir détecté fin 2009 un doublement des taux de ruptures de prothèses. Mais son calcul a été établi à partir des déclarations des chirurgiens et professionnels de santé, dont on a pu constater après coup qu’ils avaient largement sous-déclaré les incidents (voir notre article ici).

Lorsqu’on intègre les données venues du fabricant, les signaux de matériovigilance apparaissent beaucoup plus tôt : dans un tableau établi par l’Afssaps en 2011, qui intègre les informations de PIP, il apparaît que le taux de rupture des prothèses PIP augmente fortement dès 2005. Quand l’Afssaps a-t-elle obtenu ces données ? PIP les a-t-elle transmises en temps et en heure, ou avec retard ? Encore une question que le tribunal n’a guère soulevée.

En 2008, un chirurgien de Marseille, le docteur Christian Marinetti, signale à l’Afssaps un nombre excessif de ruptures d’implants. Pas de réaction de l’agence. Marinetti et un de ses collègues, le docteur Richard Abs, envoient des courriers recommandés en 2009. Parallèlement, l’Afssaps reçoit le courrier anonyme avec les photos.

Que se passe-t-il alors ? Le moins qu’on puisse dire est que ce n’est pas le branle-bas de combat. La chronologie des démarches de l’Afssaps est donnée dans le rapport de 2012 cité plus haut. En résumé, l’agence a posé de nombreuses questions à PIP et lui a demandé des documents détaillés, notamment sur l’origine et la traçabilité de ses produits. En décembre 2009, l’agence a convoqué trois cadres de PIP, et les a interrogés sur « l’origine des matières premières utilisées pour la fabrication des implants et les changements éventuellement apportés dans le circuit d’approvisionnement ». Sans mentionner les photos du courrier anonyme, nous a indiqué Thierry Sirdey. D’après l’inspecteur de l’Afssaps, ces photos ne constituaient pas « un élément d’alerte ».

L’agence a aussi demandé à PIP la liste de ses clients pour les prothèses au silicone, et le bilan rétrospectif des incidents depuis 2004. Or, ces éléments, d’après les dépositions des employés de PIP, étaient censés avoir déjà été transmis à l’agence. Pourquoi les avoir redemandés, si la sincérité de l’entreprise n’était pas en question ?

Début 2010, insatisfaite des réponses de PIP, l’agence demande encore des informations sur l’origine et la conformité des produits. Finalement, après avoir analysé les documents envoyés par PIP, l’agence décide de diligenter une inspection, « du fait que certains éléments ne se recoupent pas, et au vu des différents signaux » (selon les termes du rapport de février 2012).

Selon Thierry Sirdey, « c’est parce que nous n’avons pas trouvé d’explication logique à l’augmentation des ruptures de prothèses que nous avons décidé d’effectuer une inspection sur place ». À ce stade, il n’est toujours pas question de fraude. À tel point que le deuxième inspecteur de l’Afssaps, Jean-Christophe Born, n’a pris connaissance des photos qu’à la veille de l’inspection...

Pourquoi l’Afssaps a-t-elle mis près de cinq mois à se rendre sur le site d’une usine dont l’historique aurait dû logiquement retenir son attention, après avoir reçu un courrier qui ne pouvait qu’éveiller, sinon les soupçons, au moins le doute ? Pourquoi donne-t-elle l’impression de s’être engagée à reculons dans cette affaire ? Le tribunal n’a guère apporté de lumière sur ces questions. L’instruction menée par la juge Annaïck Le Goff permettra peut-être de mieux comprendre comment le système de contrôle sanitaire a pu passer à côté d’une fraude qui s’est étalée pendant près de deux décennies, et qui entraîne de très lourdes conséquences humaines et financières.

 

 

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4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 18:33

 

 

Marianne - Samedi 4 Mai 2013 à 12:00

 

Nathalie Gathié

 

Curés sans soutane, confesseurs laïcs, psychanalystes sans divan, les notaires veillent sur nos mystères les plus inavouables. Tout en défendant bec et ongles de confortables rentes assurées par un statut en or massif. Enquête sur une profession des plus opaques.

Les notaires, protecteurs de nos secrets... et surtout des leurs !
Vénérable notaire en la bonne ville de Bourges, Me Bergerault, Bruno de son petit nom, brille par son atypisme. «En province, nous sommes les savants du quotidien, mais le quotidien vole souvent au ras du trèfle, c'est comme ça, madame ! On voit les gens dans des moments de paroxysme, des pics existentiels, mais tout cela ne garantit ni la grandeur des sentiments ni l'altitude de la pensée. Ah ça non, madame !» Verbe haut, formules canailles, répliques aux sonorités audiardesques, cet officier public-là est drôle. Une rareté dans une corporation dont les 9 300 membres ne sont pas franchement enclins à la gaudriole, mais une singularité qui s'arrête net aux bornes de l'éthique notariale. Du haut de ses vingt-cinq ans d'exercice, jamais Me Bergerault ne se laisse aller à prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages : renvoyer la clientèle à sa veule imbécilité, moquer «les ego qui jamais ne se curent» exposerait notre homme à la faute déontologique. «Qui trop méprise mal conseille», professe-t-il. Or la médiation pour concilier amants et concubines, trompés et cocufieurs, héritiers et spoliés fonde le cœur de métier de ceux qui s'autoproclament «magistrats de l'amiable».

Curés sans soutane, confesseurs laïcs, psychanalystes sans divan, les notaires sondent les âmes. Accouchent les cœurs et en font parfois sortir «des monstres», écrivait Balzac en 1840. Sur le front du droit de la famille, activité qui draine quelque 26 % d'un chiffre d'affaires estimé de 7 milliards d'euros, se poser en arbitre des inélégances exige en effet de se boucher le nez. La preuve par la prose d'une candidate au divorce rapportée sur «Chroniques notariales», savoureux blog tenu par un clerc masqué que Marianne a rencontré : «M. mon époux est avare [...]. Il n'achète jamais de cerises, trop chères, il les vole sur les arbres [...]. Il nous demande à tous de ne pas utiliser plus de trois feuillets de papier toilette de marque minimarge, qui fait mal quand on s'essuie [...]. Mon alliance a laissé une trace verte tout autour de mon doigt. Je suis allée chez le bijoutier [...], j'ai découvert que c'est du plaqué or, du toc ! Notre mariage est-il du plaqué ? Aidez-moi ! Quand pourrez-vous écrire aux banques pour tout savoir ? [...] Je suis sûre qu'il a des comptes en Suisse.» Se remémorant une scène vécue, le même blogueur célèbre la hauteur de sentiments, filiaux cette fois. «Ne me mettez pas des bâtons dans les roues, maître. Je toucherai mon héritage tout de suite», gronde un garagiste à la mort de son père. «Monsieur, pondère le clerc, votre mère bénéficie d'une donation entre époux. Vous recevrez donc la quote-part de la succession de votre père vous revenant lorsqu'elle fermera les yeux.» L'impatient mécano éructe : «Votre travail est de faire hériter vos clients, pas de les en empêcher.»

S'élever au rang de directeur du théâtre de la cupidité qui se joue dans le confort ouaté des études requiert une rare capacité de résistance à la nausée. «Certes, mais nous ne sommes ni saints ni martyrs : en témoignent nos confortables émoluments», tranche Bruno Bergerault. En 2011 en effet, le revenu mensuel moyen des notaires, qui chaque année voient défiler 20 millions de clients, s'établissait à quelque 20 000 €. De douillettes rentes assurées par un statut en or qui protège de la concurrence au nom de la mission d'authentification des actes juridiques tout en autorisant la poursuite d'activités commerciales. Sortes d'entrepreneurs abrités, espèces de fonctionnaires libéraux, nos confidents préférés sont bien lotis. Alors, tonitrue Bruno Bergerault, «on ne va pas pleurnicher la bouche pleine au prétexte que la comédie humaine n'est pas toujours jolie, jolie». Et ce fort en gueule de scander : «Partout où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Mais moi, que voulez-vous, je suis un compassionnel. Bien sûr, à l'issue de certaines consultations sur des divorces ou des successions, j'aère, je ventile en grand parce qu'à force d'aveux où le sordide le dispute à l'immonde ça ne sent pas la rose !»

A Castres, dans le Tarn, son confrère François Challeil, 72 ans, corrobore. «Depuis maintenant un demi-siècle, je m'occupe des 3 F, comprenez : la fesse, le fric et la frime - la hiérarchie est libre», ronronne ce fils, frère et père de notaire. Le vieux briscard affiche un appétit intact pour la vie des autres. Option trou de serrure, la vie : «Un jour, une femme bien mariée me révèle qu'elle a un amant tout aussi marié, veut un enfant de lui mais continuera à honorer "son légitime" pour brouiller les pistes. Je m'enquiers de la nature de mon rôle dans cette affaire. Elle me demande si l'enfant de l'amour a intérêt à être reconnu par son "cocu de mari" ou par l'as de la couette avec lequel elle fait des galipettes. Je la dissuade d'exécuter son projet de grossesse. Elle claque la porte en maugréant que je n'ai pas de cœur.» Deux ans plus tard, toujours épouse mais plus maîtresse, la dame réapparaît. «Maître, rapporte l'interpellé, mon amant m'a quittée en me laissant un enfant.»

Le notaire lui rappelle qu'elle l'a voulu : «Elle menace de ruiner la réputation du malotru qui l'a éconduite. Je comprends qu'elle exige une réparation financière pour laver l'offense, sollicite en catimini le père de l'enfant de l'amour déçu, lequel accepte illico d'offrir un terrain à bâtir à son fils naturel et ce, pour sauver son mariage.» A ces pataquès de cols blancs faussement sentimentaux, Me Challeil préfère la franchise rurale. «Il y a quelques années, un couple de paysans s'ouvre à moi d'un casse-tête. Leur fille, un peu simplette, avait batifolé avec un employé agricole et se retrouvait enceinte. Avec le saisonnier, l'histoire s'était soldée à coups de pioche. Restait, pour citer mes clients, "le polichinelle dans le tiroir" et l'honneur de la famille à sauver. Sur le moment, j'ai séché. Quand je les ai revus, l'homme m'a soufflé qu'au sortir de l'étude il avait trouvé sa femme bien jeune, bien belle et encore en âge d'être mère... Eurêka ! L'enfant à naître serait déclaré comme le leur, leur fille resterait simplette et voilà tout !»

Ruse agricole encore, mais version bretonne cette fois : «Au bistrot, le dimanche après la messe, je me régale des conversations où chacun distille petits et gros mensonges, car, moi, je connais l'envers du décor, s'amuse un clerc retraité. Ainsi, un agriculteur auquel tout le monde paie le coup par charité chrétienne est en réalité assis sur un tas d'or. Chez lui, peu d'argent rentre mais rien ou presque ne sort : en France, nombre de fortunes se sont construites sur la pingrerie, sou après sou, dîner à la soupe claire après déjeuner au pain rassis.»

Dans le Notaire (1840), une nouvelle qui ignore la ride, Balzac qualifie le notaire de «souffre-douleur des mille combinaisons de l'intérêt étalé sous toutes les formes sociales». Si Benoît Renaud, président du Conseil supérieur du notariat (CSN) jusqu'en octobre dernier, tordrait bien le cou à Honoré coupable d'«encalminer la profession dans ses lustrines», Me Bergerault ne décèle dans ces écrits que «justesse». Et d'ajouter qu'«aujourd'hui comme hier la mort des parents, c'est la cristallisation des haines du passé.

Et autant de grenades que les rejetons, quel que soit leur âge, peuvent enfin dégoupiller. La disparition des géniteurs sonne pour nombre de frères et sœurs comme l'autorisation de se détester officiellement et, là, ça vide le sac des rancœurs remâchées, ça donne du moche ou du pathétique». C'est selon. Assistant notaire en province, Christophe, 37 ans, se souvient d'un frère et d'une sœur animés par une détestation réciproque. «La succession de leur mère était modeste, mais ils se chamaillaient sur tout. Je n'arrivais pas à créer les conditions du dialogue, jusqu'à ce que la sœur beugle qu'à sa communion solennelle elle n'avait reçu aucun cadeau alors que son frère avait été gratifié d'une montre. Cette anecdote prend tout son sel pour qui sait que ces gens avaient plus de 70 ans !»

Variation sur ces maux d'enfants métastasés en cancers affectifs de grands : «Après avoir péniblement lu les dispositions testamentaires de leur père à deux gentils frérots qui se battaient froid, rapporte Christophe, j'ai vu ces derniers faire le coup de poing au cimetière parce que l'un avait donné 10 € au chauffeur du corbillard et que ce n'était pas prévu dans le partage !» Si le ridicule tuait, ces deux-là n'auraient-ils pas rejoint papa sous terre et sur-le-champ ?

Aline, 50 ans dont vingt de notariat dédié au seul droit de la famille, ne le croit pas. «Aussi obscènes soient les comportements, lors des successions nous nageons en pleine psychanalyse. A nous d'expliquer aux héritiers que le deuil est un puits qu'ils ne parviendront pas à remplir avec l'argent qu'ils se disputent.» Fille d'un notaire de campagne qu'elle accompagnait gamine au domicile de ses clients «pour se repaître des secrets éventés entre pomme au four et eau-de-vie», elle convient néanmoins du caractère vaudevillesque de certaines situations. Et pour cause, elle a souvent slalomé d'une pièce de l'étude à l'autre afin que des protagonistes remontés comme des pendules n'aient à se croiser. Le dossier dit «du manteau et des gommettes» s'est achevé dans ce théâtral climat. Acteurs principaux de la pièce : une sœur handicapée, un frère valide, plus de 60 ans chacun.

Scénario : leur mère décède, le frangin récupère le vison de la défunte pour l'offrir à sa femme. Sur sa patte valide, la sœurette déboule à l'étude. Crie au vol. Pour partager les biens de la disparue, Aline tente de rapprocher les parties. Dénouement : à l'initiative (désespérée) d'Aline, le bien-portant et l'estropiée collent des gommettes vertes et jaunes sur meubles et effets maternels les intéressant. Précision : les objets marqués de deux gommettes lors de l'inventaire sont attribués sur tirage au sort. Epilogue : le vison de la discorde reste entre les mains du frère, sa coupe ne convient pas aux mensurations de sa cadette. Décryptage d'Aline : «Toute sa vie, le frère a entendu sa mère lui seriner "Ne te plains pas, toi, tu as tous tes membres !" J'ai vite compris que ces années de sacrifices compliqueraient la succession. La sœur, elle, s'est sentie légitime jusqu'au bout. Endoctrinée par la petite musique d'une mère prête à tout pour compenser sa déficience.» Et Aline de lâcher un «Ah, les mères !», qui l'accable manifestement : «J'ai réalisé qu'elles pouvaient être de sacrées peaux de vache. Combien de fois ai-je entendu des veuves éplorées jurer à des enfants qu'elles avaient ignorés s'être détournées d'eux parce que "papa exigeait un amour exclusif, n'aimait qu'elle et se fichait bien des gosses". Le hic, c'est que le notaire a croisé papa de son vivant et sait bien que tout ça est faux.»

Des femmes, Aline en voit de tous âges, de toutes conditions. Au fil des ans, elle a perdu une poignée d'illusions sur son genre. «Les dames s'émancipent mais restent dans des postures victimaires, qui entretiennent la domination masculine, diagnostique-t-elle avec l'assurance de ceux qui voient au-delà du miroir. Les unions intéressées sinon arrangées ne sont pas marginales. Lors des ruptures, des trentenaires, toutes jeunes mères parfois, réclament leur dû au motif qu'elles ont donné de leur personne en se laissant faire un enfant ! Lorsqu'elles se séparent, elles plument leur père aussi...» Sur quelle base ? «Le discours, c'est : "Mon mari m'a trompée comme tu as trompé maman. Répare donc le mal que font les salauds de ton espèce en payant la soulte de l'appartement que me laisse mon ex."»

Elise, clerc dans le Sud-Ouest, vante a contrario la réaction qu'eut devant elle une veuve de militaire. Informée par voie testamentaire que le gradé récemment inhumé n'avait pas été avare de sa semence, quatre enfants non communs circulant en effet sur le continent africain, Mme la Générale se défit de son alliance, articula un martial : «J'irai pisser sur sa tombe en chantant la Marseillaise» et leva le camp. Fermez le ban ? Pas encore, plaide Aline : «Si les comportements humains sont finalement assez constants, la peur du déclassement et la crise se sont invitées dans nos offices.» Et de développer : «Dans les années 50, les petites gens empruntaient sur quarante ans au Crédit foncier, achetaient et mouraient dans leur maisonnette. A leur mort, les enfants vendent afin d'avoir un semblant d'apport pour accéder à leur tour à la propriété. S'ils divorcent, comme souvent, ils perdent la moitié. De nos jours, à l'inverse de leurs parents, ils perçoivent une microretraite, ont des gosses de 27 ans au chômage et ces mômes-là vont hériter tard, car on vit très vieux. Le maigre argent qu'ils récupéreront ne leur servira à rien qu'à donner encore moins à ceux d'après, parce qu'ils auront galéré toute leur vie et auront claqué l'essentiel dans des dépenses ordinaires.»

De nos cagnottes et de nos lits, les notaires savent beaucoup. Mais ces effeuilleurs d'existence ont des pudeurs de vierges effarouchées lorsqu'il s'agit de se laisser déshabiller. Confesseurs oui, confessés non ! Quand quelques-uns s'aventurent à langue délier, ils implorent l'anonymat, fût-ce pour réciter le catéchisme officiel d'une confrérie qui brasse chaque année quelque 600 milliards d'euros de capitaux.

Un club d'enfants gâtés arc-boutés sur la défense d'un monopole et d'un numerus clausus qui tous deux permettent de copieusement ripailler entre soi. Mais chut, de ce microcosme que François de Closets qualifiait, en 1983, de «haute privilégiature» ne parlons pas ! «Chez nous, c'est malheur à celui qui l'ouvre», déplore Pierre Lestard, qui bat pavillon CGT - une gageure ! -, à la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires. «Quand il y a de la poussière sous le tapis, on l'aspire en catimini. Mais l'essentiel n'est-il pas que le ménage soit fait ?» questionne Valérie, notaire mandatée pour administrer les «études à problèmes», comprenez celles où comptes clients et deniers personnels se confondent. Clerc devenu notaire avant d'embrasser une carrière d'avocat en droit immobilier, Pierre Redoutey avait dénoncé dans les années 80 «un accès biaisé au métier. De toute évidence, la méritocratie par le diplôme était et reste niée. La chancellerie, qui nomme les titulaires d'office, se borne à promouvoir les poulains ou les "fils de" cooptés par les organisations professionnelles. A l'échelle d'une fonction dite publique, ça fait mal à la République !».

Pour avoir brisé la loi du silence, il fut labellisé «trublion» par une corporation qui, aujourd'hui encore, décide de qui l'intégrera ou pas. Et ce, indépendamment du parchemin des postulants et de leur capacité à acheter un office. Lorsque, en mars 2011, Vincent Le Coq, universitaire toulousain, et Laurent Lèguevaque, ex-juge d'instruction, publient leur Manifeste contre les notaires (éd. Max Milo), la caste s'évertue à leur clouer le bec. Dans un mail adressé en août 2012 à ses confrères, Benoît Renaud, encore président du CSN, disqualifie Vincent Le Coq, aigri, à l'en croire, de n'avoir pu intégrer une profession comparée dans le livre à «un parasite se portant de mieux en mieux dans une France qui va de plus en plus mal». Prescient ou bien informé, il annonce dans le même mail que les écrits «diffamatoires» du «dépité» Le Coq se solderont par une mise en examen... qui ne surviendra que plus de deux semaines plus tard. Zélé, il indique avoir «fourni ces informations à un certain nombre de journalistes». Mais précise : «Cela ne peut suffire à nous assurer la non-publication par les médias des affirmations de ce monsieur.» Notons là un excès de modestie, car l'attachée de presse des éditions Max Milo réagit : «Jamais, je n'ai observé un tel silence sur un bouquin. Plusieurs journalistes m'ont clairement dit qu'ils ne bougeraient pas. Sur instruction de leur hiérarchie ou pour ne pas mettre en péril les "spécial immobilier" réalisés en partenariat avec le notariat !»

Si suspicion il y a à l'endroit de ces contorsionnistes prompts à faire le grand écart entre la sécurité d'un statut d'officier public et la liberté de bénéfices liés à des activités privées tels le négoce immobilier ou le conseil fiscal, elle n'est pas à chercher du côté de Christiane Taubira. Fin septembre, lors du 108e congrès des notaires, la ministre de la Justice a entonné un chant d'amour aux scribes du XXIe siècle. Emphatique à souhait, elle a caressé le public dans le sens des costumes trois-pièces et des tailleurs épaulés, louant pêle-mêle «grandeur de la mission», légitimité du statut et, cerise sur l'éloge, «caractère social» de la fonction. Les congressistes se seraient bien fendus d'une ola ; ils se sont contentés d'applaudissements plus conformes à leur rang.

A en croire la garde des Sceaux, les notaires seraient donc «garants de l'accès au droit pour les plus vulnérables». Dans les faits, la chose se discute. Quoique soumis à l'obligation d'aide juridictionnelle réservée aux plus démunis, ces nobles travailleurs sociaux s'y dérobent souvent. «On néglige un peu la chose, car, en plus de ne pas être payés, c'est nous dans ces dossiers qui réglons les frais d'enregistrement», admet Bernard Monnassier dans les locaux prune et absinthe de sa très chic étude du VIIe arrondissement parisien, où les gueux ne doivent pas se bousculer. «Pour les avocats, ce devoir est plus simple : ils font du baratin alors que nous établissons des actes que nous devons facturer. Si nous versions dans la gratuité, nous serions accusés de dumping», objecte sans ironie aucune Benoît Renaud. Dans leur Manifeste, Le Coq et Lèguevaque écrivent avoir sollicité sept chambres départementales afin d'obtenir ladite aide. Quatre ont fait silence. Trois ont décliné leur requête. Crier sur cette seule base aux «tous vénaux» ne serait pas convenable, présenter les études comme des repaires de boy-scouts ne le serait pas davantage.

«Je me fais sans arrêt engueuler par mon patron au motif que je passe trop de temps avec des mémés désargentées, raconte Elise, clerc débutante. Selon lui, les vieux qui ne sont pas propriétaires ne sont pas rentables : leur succession sera misérable !» Béatrice, plus expérimentée, renchérit : «J'ai travaillé dans plusieurs études enclines à imposer aux clients des actes superflus : acte de partage d'un solde quand il suffit aux héritiers de donner l'ordre au notaire de leur remettre un chèque en signant si nécessaire une copie à l'étude, déclaration de succession pour des biens inférieurs à 50 000 € alors qu'elle n'est pas exigible...» N'en jetez plus, la coupe des petits profits légaux qui font les gros bénéfices immoraux est pleine.

Elle déborde si on y ajoute les subsides générés par le recours au juteux article 4. «Théoriquement, clarifie Béatrice, le conseil est gratuit, c'est même un devoir, mais l'article 4 permet de tarifer librement certaines consultations si elles sont spécifiques, personnalisées... Tout ça est assez flou pour que certains notaires abusent de cette disposition. Mon boss, c'est un Lucky Luke du 4, il le dégaine jusque dans les Pacs les plus basiques !» Des arrangements «intolérables» aux yeux de notaires, plus ruraux que citadins, «exaspérés que les agissements de quelques-uns ternissent l'image de tous». Et l'un d'assurer : «Moi, je suis un rat des champs. Je roule en Clio, je reçois gratuitement des agriculteurs surendettés, le tout - et je ne m'en plains pas - pour 7 000 à 8 000 € moyens mensuels.» Me Bergerault gronde à sa suite : «Nous avons prêté serment, disposons d'un statut confortable, l'exemplarité s'impose !»

Nommés par l'Etat mais pas fonctionnaires, collecteurs d'impôts mais professionnels libéraux, ces incongrus de la République justifient à eux seuls la crémière expression populaire «avoir le beurre, l'argent du beurre, etc.». Cajolés comme nul autre, ils bénéficient de l'indéfectible soutien des politiques. Au-delà des époques, par-delà les alternances. «L'Empire, la royauté, cinq Républiques... nous avons toujours été approuvés, jubile Bernard Monnassier, notaire de Serge Dassault, Hubert de Givenchy ou de Dominique Loiseau, veuve du fameux restaurateur. Droite comme gauche profitent de notre expertise sociétale. D'ailleurs, nous avons inspiré des monceaux de lois sur la copropriété, les donations, les régimes matrimoniaux...»

Fort de ses amitiés avec Christine Lagarde, Claude Guéant ou Eric Woerth, l'homme a facilité le parachutage de Rachida Dati, dans le bourgeois VIIe arrondissement, où il exerce son influence. Hommes de réseaux, les notaires ? Bernard Monnassier, qui administre le Figaro, n'en disconvient pas. «Inutile d'être élu pour distiller des messages. Les gouvernements savent que l'opinion est de notre côté : un député qui malmènerait la profession se mettrait son électorat à dos. Les gens nous sont attachés.»

La classe politique, elle, ne parvient pas à se détacher. En 1960, un rapport remis à Michel Debré, alors Premier ministre, appelle à l'abolition «des réglementations qui ferment abusivement l'accès à certains métiers et protègent indûment des intérêts corporatistes». Sans suite. Dans la foulée de l'élection de Mitterrand, Robert Badinter envisage, sur la base de travaux conduits par le juriste Pierre Lyon-Caen, de lever le monopole. Reculade. En 2008, alors que la commission Attali stigmatise «le maintien de réglementations obsolètes» nuisibles à la croissance, Nicolas Sarkozy appelle à la fonte du notariat dans une «grande profession du droit». Patatras. «Si les notaires ne constituaient pas pour les élus le passage obligé de leurs opérations immobilières douteuses, auraient-ils droit à tant d'égards de la part des pouvoirs publics ?» grince Vincent Le Coq.

En charge des affaires civiles au sein du cabinet de Robert Badinter, Pierre Lyon-Caen fait une autre analyse : «Le notariat est un groupe de pression fort important assis sur une puissance économique non négligeable. Lever le monopole exigerait d'indemniser les professionnels : financièrement, cela constituerait un énorme morceau à avaler. A l'époque, le ministère des Finances, associé à cette réforme, freinait des quatre fers. Aujourd'hui, cet obstacle demeure», sur fond de caisses de l'Etat encore plus asséchées. Fixé par les pouvoirs publics, le tarif des actes authentifiés par nos 9 300 «intouchables», lui, est régulièrement revu à la hausse.

Or, s'insurge Pierre Redoutey, «ce tarif, dont les Français sont prisonniers, n'a rien à voir avec la qualité du service rendu. Beaucoup d'actes s'établissent à une vitesse vertigineuse via les traitements de texte : sur des programmes immobiliers de centaines de logements, il suffit de bâtir une formule et de la reproduire ad libitum. Chaque acquéreur paiera au prix fort des documents pondus en trois minutes chrono.» Et cet avocat d'ajouter que «le coût élevé des actes permet aux notaires de rembourser les emprunts contractés lors de l'achat de leurs très chers offices. En clair, plus que la prestation fournie, ce sont les études que le quidam finance !» Aujourd'hui, la profession dit tirer la moitié de ses revenus du lucratif fromage immobilier, mais la réalité tourne autour de 70 %. «Cette propension à minorer la dépendance à la pierre vise à surévaluer la mission de service public du notariat, aujourd'hui contestée par Bruxelles», explique Pierre Redoutey. Mais chipotage que tout cela ! Dans une enquête publiée en 1987, Ezra Suleiman, prof de science politique à Princeton, ne concluait-il pas que «les notaires français jouissent du plus haut degré possible de protection de l'Etat et de la plus grande latitude pour exploiter leur entreprise commerciale» ?

Théoriquement, rien de ce qui se tricote dans les études n'échappe au contrôle du ministère de la Justice. Interrogé sur le volume de contentieux visant aujourd'hui nos chers authentificateurs, ledit ministère pourtant a séché. Faute de moyens et «de compétence, car la matière notariale est très absconse», souffle un jeune magistrat, les parquets se contentent d'une distraite attention. Ex-patron du CSN, Michel Maubrey concède que «la chancellerie exerce une tutelle plus proche de la protection vigilante que de la surveillance contraignante». Dans les faits, les pouvoirs publics ont délégué à la profession le soin de s'autodiscipliner. Et, quand un notaire s'apprête à contrôler un autre notaire, il est courtois. Il le prévient. Le laïus type, c'est «Cher ami, j'arrive, débrouillez-vous pour que tout soit en ordre», gloussent plusieurs clercs. Le confrère inspecteur est escorté par un expert-comptable «indépendant»... quoique rémunéré par le notariat.

Prompt à rappeler l'envoi une fois l'an de fax inopinés qui enjoignent aux notaires de communiquer sous quelques heures leur position comptable, Benoît Renaud s'agace des soupçons qui pèsent sur les contrôles. Mais, malgré une surveillance en trompe l'œil, les notaires sont parfois rattrapés par la patrouille. MMA, assureur de la profession, s'émeut d'ailleurs de l'augmentation des sommes réglées à l'issue de sinistres imputables aux dérives immobilières de quelques officiers publics. Sur la sellette : les ventes en l'état futur d'achèvement (Vefa). Très fréquentes dans le cadre des programmes de défiscalisation de type Scellier, ces transactions sont le talon d'Achille des notaires. La preuve par l'affaire Apollonia, vaste escroquerie à l'investissement locatif, où plusieurs d'entre eux sont suspectés d'avoir acculé des milliers d'acquéreurs à la ruine en leur vendant des biens surévalués. «Quelques dossiers émergent, difficilement», commente Pierre Redoutey.

Face au notariat, cet avocat a plus perdu que gagné. «Au civil, les juristes des MMA usent toujours de la même stratégie : faire traîner, multiplier les incidents et, si le notaire perd en première instance, aller en appel, voire en cassation. Cela éreinte les plaignants psychologiquement et financièrement.» Porter plainte au pénal s'avère aussi périlleux : «Là, le procureur consulte la Chambre des notaires qui jure ses grands dieux que la poursuite est injustifiée et le dossier, souvent, se clôt. Pour contourner ces tentatives d'étouffement, il faut se constituer partie civile auprès d'un juge d'instruction, mais c'est long et trop cher pour beaucoup de particuliers.» Pourquoi une telle inégalité des armes ? «Parce que magistrature et notariat défendent le même immobilisme social, tranche Laurent Lèguevaque. On ne porte pas plainte contre des notables.» Pas même devant les prud'hommes.

Dans ce secteur si lucratif, le niveau de rémunération des «petites mains» étonne : 1 350 € nets pour des clercs débutants, 2 780 € net pour des diplômés notaires, soit des bac + 6 ou 7 estampillés «collaborateurs d'office». Pas lourd «au regard des heures sup jamais payées», pestent plusieurs clercs sous cape. Avant de quitter le métier en 2007, Karine se présentait comme «esclave de notaire». Anna, 26 ans, se définit comme «une souillon au service de princes». Pour autant, soupire Elise, «pas un clerc n'attaquera aux prud'hommes sous peine d'être carbonisé. Ils savent qu'ils peuvent continuer à nous exploiter en toute impunité». Une gauchiste analyse que Benoît Renaud récuse : «La différence de rémunération entre celui qui rédige des actes et celui qui dirige une étude me semble légitime. Et puis, le notaire doit pouvoir administrer de façon sereine sans avoir au-dessus de lui une loupiote qui clignote et l'oblige à s'interroger sans cesse sur l'état de ses comptes.» Bel exemple d'humour notarial. 


20 000 €


C'est le revenu moyen mensuel des quelque 9 300 notaires recensés qui, chaque année, voient défiler 20 millions de clients dans leurs études.

600 milliards d'euros

Soit le montant des capitaux brassés chaque année par l'ensemble des études notariales.
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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 21:51

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30 avril par Daniel Albarracín, Nacho Álvarez Peralta, Bibiana Medialdea, Francisco Louça, Mariana Mortagua, Stavros Tombazos, Ozlem Onaran, Giorgos Galanis, Michel Husson

 

 

 

Que faire de la dette et de l’euro ?

 

 

30 avril par Daniel Albarracín, Nacho Álvarez Peralta, Bibiana Medialdea, Francisco Louça, Mariana Mortagua, Stavros Tombazos, Ozlem Onaran, Giorgos Galanis, Michel Husson

 


Un manifeste

Daniel Albarracín, Nacho Álvarez, Bibiana Medialdea (Espagne)
Francisco Louçã, Mariana Mortagua (Portugal)
Stavros Tombazos (Chypre)
Giorgos Galanis, Özlem Onaran (Grande-Bretagne)
Michel Husson (France)

Page web : http://tinyurl.com/euro13

 

Un manifeste

Daniel Albarracín, Nacho Álvarez, Bibiana Medialdea (Espagne)
Francisco Louçã, Mariana Mortagua (Portugal)
Stavros Tombazos (Chypre)
Giorgos Galanis, Özlem Onaran (Grande-Bretagne)
Michel Husson (France)

Page web : http://tinyurl.com/euro13

La crise

L’Europe s’enfonce dans la crise et la régression sociale sous le poids de l’austérité, de la récession et de la stratégie de « réformes structurelles ». Cette pression est étroitement coordonnée au niveau européen, sous la direction du gouvernement allemand, de la Banque centrale européenne et de la Commission européenne. Il y a un large consensus pour dire que ces politiques sont absurdes et même qu’elles sont menées par des « analphabètes » : l’austérité budgétaire ne réduit pas la charge de la dette, elle engendre une spirale récessive, toujours plus de chômage, et sème la désespoir parmi les peuples européens.

Ces politiques sont pourtant rationnelles du point de vue de la bourgeoisie. Elles sont un moyen brutal - une thérapie de choc – de restaurer les profits, de garantir les revenus financiers, et de mettre en œuvre les contre-réformes néolibérales. Ce qui se passe est au fond la validation par les États des droits de tirage de la finance sur la richesse produite. C’est pourquoi la crise prend la forme d’une crise des dettes souveraines.

Le faux dilemme

Cette crise est un révélateur : elle montre que le projet néolibéral pour l’Europe n’était pas viable. Ce dernier présupposait que les économies européennes étaient plus homogènes que ce n’est le cas en réalité. Les différences entre pays se sont creusées en fonction de leur insertion dans le marché mondial et de leur sensibilité au taux de change de l’euro. Les taux d’inflation n’ont pas convergé, et les faibles taux d’intérêt réels ont favorisé les bulles financière et immobilière et intensifié les flux de capitaux entre pays. Toutes ces contradictions, exacerbées par la mise en place de l’union monétaire, existaient avant la crise, mais elles ont explosé avec les attaques spéculatives contre les dettes souveraines des pays les plus exposés.

Les alternatives progressistes à cette crise passent par une profonde refondation de l’Europe : la coopération est nécessaire au niveau européen mais aussi international pour la restructuration de l’industrie, la soutenabilité écologique et le développement de l’emploi. Mais comme une telle refondation globale semble hors de portée compte tenu du rapport de forces actuel, la sortie de l’euro est présentée dans différents pays comme une solution immédiate. Le dilemme semble donc être entre une sortie risquée de la zone euro et une hypothétique harmonisation européenne qui devrait émerger des luttes sociales. Il s’agit à notre avis d’une fausse opposition : il est au contraire décisif d’élaborer une stratégie politique viable de confrontation immédiate.

Toute transformation sociale implique la remise en cause des intérêts sociaux dominants, de leurs privilèges et de leur pouvoir, et il est vrai que cette confrontation se déroule principalement dans un cadre national. Mais la résistance des classes dominantes et les mesures de rétorsion qu’elles peuvent exercer dépassent le cadre national. La stratégie de sortie de l’euro n’intègre pas suffisamment la nécessité d’une alternative européenne et c’est pourquoi il faut disposer d’une stratégie de rupture avec l’« eurolibéralisme » qui permette de dégager les moyens d’une autre politique. Ce texte ne porte pas sur le programme, mais sur les moyens de le mettre en œuvre.

Que devrait faire un gouvernement de gauche ?

Nous sommes plongés dans ce que l’on peut techniquement appeler une « crise de bilan ». Cette crise qui s’installe dans la durée par le jeu combiné du désendettement du secteur privé et des politiques d’austérité budgétaire trouve son origine dans l’accumulation passée d’une énorme quantité d’actifs fictifs, qui ne correspondaient à aucune base réelle. En termes pratiques, cela signifie que les citoyens doivent aujourd’hui payer pour la dette, autrement dit valider les droits de tirage de la finance sur la production et sur les recettes fiscales actuelles ou à venir. Les États européens, par une action strictement coordonnée au niveau européen - et même au niveau mondial - ont décidé de nationaliser les dettes privées en les transformant en dette souveraine et d’imposer des politiques d’austérité et de transferts afin de payer ces dettes. C’est le prétexte pour mettre en œuvre des « réformes structurelles » dont les objectifs sont classiquement néolibéraux : réduction des services publics et de l’État-providence, coupes dans les dépenses sociales et flexibilisation des marchés du travail, afin de baisser les salaires directs et indirects.

Une stratégie politique de gauche devrait selon nous être centrée sur la conquête d’une majorité en faveur d’un gouvernement de gauche, capable de se débarrasser de ce carcan.

Se libérer de l’emprise des marchés financiers et contrôler le déficit. À court terme, l’une des premières mesures d’un gouvernement de gauche devrait être de trouver les moyens de financer le déficit public indépendamment des marchés financiers. C’est interdit par les règles européennes et c’est la première rupture à opérer. Il existe un large éventail de mesures possibles qui ne sont pas nouvelles et qui ont été utilisées dans le passé dans différents pays européens : un emprunt forcé sur les ménages les plus riches ; l’interdiction d’emprunter auprès de non-résidents ; l’obligation pour les banques d’un quota d’obligations publiques ; une taxe sur les transferts internationaux de dividendes et sur les opérations en capital, etc. et bien sûr une réforme fiscale radicale. Le moyen le plus simple serait que la banque centrale nationale finance le déficit public, comme c’est le cas au États-Unis, en Grande-Bretagne, au Japon, etc. Il serait possible de créer une banque spéciale autorisée à se refinancer auprès de la banque centrale, mais qui aurait comme principale fonction d’acheter des obligations publiques (c’est d’ailleurs une chose que la BCE a déjà faite en pratique).

Bien sûr, le problème n’est pas vraiment technique. Il s’agit d’une rupture politique avec l’ordre européen. Sans une telle rupture, toute politique susceptible de ne pas « rassurer les marchés financiers » serait immédiatement contrecarrée par une augmentation du coût du financement de la dette publique.

Se libérer de l’emprise des marchés financiers et restructurer la dette. Cette première série de mesures immédiates ne suffit pas pour réduire le fardeau de la dette accumulée et des intérêts sur cette dette. L’alternative est alors la suivante : soit une austérité budgétaire éternelle soit un moratoire immédiat sur la dette publique suivi de mesures d’annulation de la dette. Un gouvernement de gauche devrait dire : « Nous ne pouvons pas payer la dette en ponctionnant les salaires et les pensions, et nous refusons de le faire. » Après la mise en place du moratoire, il devrait organiser un audit citoyen afin d’identifier la dette illégitime, qui correspond en général à quatre éléments :

  • les « cadeaux fiscaux » passés accordés aux ménages les plus riches, aux entreprises et aux « rentiers » ;
  • les privilèges fiscaux « illégaux » : évasion fiscale, optimisation fiscale, paradis fiscaux et amnisties ;
  • les plans de sauvetage des banques depuis l’éclatement de la crise ;
  • la dette créée par la dette elle-même, par l’effet boule de neige créé par la différence entre les taux d’intérêt et les taux de croissance du PIB rognés par les politiques d’austérité et de chômage.

Cet audit ouvre la voie à l’imposition d’un échange de titres de la dette permettant d’en annuler une grande partie. C’est la deuxième rupture.

Mais les dettes souveraines sont également totalement entremêlées avec le bilan des banques privées. C’est pourquoi le plan de sauvetage d’un pays est en général un plan de sauvetage des banques. Une troisième rupture par rapport à l’ordre néolibéral est nécessaire, qui passe par le contrôle des mouvements internationaux de capitaux, le contrôle du crédit et la socialisation des banques. C’est le seul moyen rationnel de démêler l’écheveau de dettes. Après tout, cela a été l’option retenue en Suède dans les années 1990 (même si les banques ont été ensuite reprivatisées).

Pour résumer, l’ouverture d’une voie alternative nécessite un ensemble cohérent de trois ruptures :

  • le financement de ces émissions de dette souveraine, passées et à venir
  • l’annulation de la dette illégitime
  • la socialisation de banques pour le contrôle de crédit.
    Ce sont les moyens d’une véritable transformation sociale. Comment s’y prendre ?

Pour un gouvernement de gauche

Ces trois grandes ruptures nécessaires pour résister au chantage financier ne peuvent être menées à bien que par un gouvernement de gauche. Bien que les conditions sociales et politiques d’une stratégie de convergence et de lutte pour un tel gouvernement varient largement d’un pays à l’autre, toute l’Europe s’est concentrée à l’été 2012 sur la possibilité pour Syriza de gagner les élections et de constituer l’axe d’un tel gouvernement en Grèce. Depuis cette période, Syriza mène une campagne sur les thèmes essentiels que nous défendons dans ce manifeste : un gouvernement de gauche est une alliance pour dénoncer le mémorandum de la Troïka et de restructurer la dette afin de préserver les salaires, les pensions, les services publics de santé et d’éducation et la sécurité sociale. Notre approche est en phase avec celle de Syriza : « pas de sacrifice pour l’euro. »

Une sortie de l’euro n’est pas une garantie de rupture avec l’« eurolibéralisme »

Il est évident qu’un gouvernement de gauche qui prendrait de telles mesures doit être décidé à appliquer un programme socialiste et disposer d’un large soutien populaire. Ce dernier ne peut être obtenu que si ce programme se fixe clairement comme objectifs prioritaires la lutte contre les intérêts de la finance, la reconstruction d’une économie de plein emploi et la gestion collective des biens communs. Il ne faut pas dévier de cette stratégie : si l’annulation de la dette est le but, on ne doit pas s’écarter de cet objectif. La cohérence et la clarté politiques sont les conditions pour gagner - et mériter de gagner. La première mesure d’un gouvernement de gauche doit donc être la lutte contre la dette et l’austérité.

Pour que cette politique contre soit efficace, un gouvernement de gauche doit s’appuyer sur un large soutien populaire et être prêt à utiliser tous les moyens démocratiques nécessaires pour faire face à la pression des intérêts financiers, y compris des mesures de nationalisation des secteurs stratégiques et une confrontation directe avec le gouvernement Merkel, la BCE et la Commission européenne. La bataille pour la défense de la démocratie et des acquis sociaux doit être élargie au niveau supranational. Mais si la politique de Bruxelles s’y oppose, cette bataille devra finalement être menée à partir des cadres nationaux déjà existants. Dans cette confrontation, il ne devrait pas y avoir de tabou sur l’euro, et toutes les options devraient rester ouvertes, y compris la sortie de l’euro si aucune autre solution n’est possible dans le cadre européen, ou si les autorités européennes y contraignent un pays. Mais cela ne devrait pas être le point de départ.

Les implications d’une sortie de la zone euro pour un gouvernement de gauche doivent être explicitées. Premièrement, elle ne permettrait pas forcément de restaurer la souveraineté démocratique : certes le financement du déficit public échapperait au contrôle des marchés financiers, mais ce contrôle pourrait être exercé par la spéculation contre la nouvelle/ancienne monnaie d’un pays qui aurait un déficit extérieur.

Par ailleurs, la charge de la dette ne serait pas réduite. Elle serait au contraire augmentée en proportion du taux de dévaluation, puisque la dette est libellée en euros. Dans ces conditions, le gouvernement serait conduit à convertir la dette publique dans la nouvelle monnaie, ce qui équivaudrait à une annulation partielle : il est du pouvoir d’un État de prendre une telle décision, même si un conflit judiciaire international est à prévoir. Mais les entreprises privées et les banques ne disposent pas de ce même pouvoir souverain et par conséquent, la valeur des dettes privées et financières augmenterait dans la monnaie nationale. Dans ce cadre, une nationalisation des banques serait en fin de compte nécessaire tout simplement pour éviter la faillite de tout le secteur du crédit, ce qui impliquerait une nouvelle augmentation de la dette publique vis-à-vis de la finance internationale.

Ensuite, la dévaluation de la nouvelle monnaie déclencherait un processus inflationniste qui conduirait à une hausse des taux d’intérêt et à une aggravation de la charge de la dette et des inégalités de revenus.

Enfin, la sortie de l’euro est généralement présentée comme une stratégie visant à gagner des parts de marché grâce à une dévaluation compétitive. Ce type d’approche ne rompt pas avec la logique de la concurrence de tous contre tous et tourne le dos à une stratégie de lutte commune européenne contre l’austérité.

Au total, en menant la lutte sans faire de la sortie de l’euro et de l’Union européenne un préalable, un gouvernement de gauche pourrait augmenter ses marges de manœuvre et renforcer son pouvoir de négociation, en s’appuyant sur la possible extension des résistances à d’autres pays de l’UE. Il s’agit donc d’une stratégie progressiste et internationaliste, qui s’oppose à une stratégie isolationniste et nationale.

Pour une stratégie de rupture et d’extension unilatérale

Les solutions progressistes s’opposent au projet néolibéral de concurrence généralisée. Elles sont fondamentalement coopératives et fonctionneront d’autant mieux qu’elles seront étendues à un plus grand nombre de pays. Par exemple, si tous les pays européens réduisaient le temps de travail et instauraient un impôt uniforme sur les revenus du capital, cette coordination permettrait d’éviter le retour de bâton que cette même politique subirait si elle était adoptée dans un seul pays. Pour ouvrir cette voie coopérative, un gouvernement de gauche devrait suivre une stratégie unilatérale :

  • Les « bonnes » mesures sont unilatéralement mises en place comme, par exemple, le rejet de l’austérité ou la taxation des transactions financières.
  • Elles sont accompagnées de mesures de protection comme par exemple un contrôle des capitaux.
  • Cette mise en oeuvre au niveau national de politiques en contradiction avec les règles européennes représente un risque politique qu’il faut prendre en compte. La réponse se trouve dans une logique d’extension, afin que ces mesures - par exemple la relance budgétaire ou la taxe sur les transactions financières - soient adoptées par d’autres États membres.
  • Cependant la confrontation politique avec l’UE et les classes dirigeantes d’autres Etats européens, en particulier le gouvernement allemand, ne peut être évitée et la menace de sortie de l’euro ne doit pas être exclue a priori des options possibles.

Ce schéma stratégique reconnaît que la refondation de l’Europe ne peut pas être une condition préalable à la mise en œuvre d’une politique alternative. Les éventuelles mesures de rétorsion contre un gouvernement de gauche doivent être neutralisés par des contre-mesures qui impliquent effectivement un recours à des dispositifs protectionnistes. Mais cette orientation n’est pas protectionniste au sens habituel du terme, car elle protège un processus de transformation sociale portée par le peuple et non les intérêts des capitaux nationaux dans leur concurrence avec d’autres capitaux. C’est donc un « protectionnisme d’extension » appelé à disparaître une fois que les mesures sociales pour l’emploi et contre l’austérité auront été généralisées à travers l’Europe.

La rupture avec les règles de l’Union européenne ne repose pas sur une pétition de principe, mais sur la légitimité de mesures justes et efficaces qui correspondent aux intérêts de la majorité et qui sont également proposées aux pays voisins. Cette orientation stratégique peut alors être renforcée par la mobilisation sociale dans les autres pays et donc s’appuyer sur un rapport de forces capable de remettre en cause les institutions de l’UE. L’expérience récente des plans de sauvetage néolibéraux mis en oeuvre par la BCE et la Commission européenne montre qu’il est tout à fait possible de contourner un certain nombre de dispositions des traités de l’UE, et que les autorités européennes n’ont pas hésité à le faire, pour le pire. C’est pourquoi nous revendiquons le droit de prendre des mesures allant dans le bon sens, y compris l’instauration d’un contrôle des capitaux et de tout dispositif permettant de préserver les salaires et les pensions. Dans ce schéma, la sortie de l’euro, encore une fois, est une menace ou une arme de dernier recours.

Cette stratégie s’appuie sur la légitimité des solutions progressistes qui découlent de leur nature de classe. Il s’agit d’une stratégie coopérative de rupture avec le cadre actuel de l’UE, au nom d’un autre modèle de développement fondé sur une nouvelle architecture pour l’Europe : un budget européen élargi alimenté par une taxe commune sur le capital qui finance des fonds d’harmonisation et des investissements socialement et écologiquement utiles. Mais nous n’attendons pas que ce changement vienne tout seul et nous mettons à l’ordre du jour la lutte immédiate contre la dette et l’austérité et les justes mesures de défense des salaires et des pensions, de la protection sociale et des services publics. Telle est notre orientation stratégique pour un gouvernement de gauche.

 

 

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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 21:28

 

Rue89 - Lyon - par Laurent Burlet

3 mai 2013 - 9:46

 

 

Dans les prochaines semaines, le préfet du Rhône régularisera 150 nouveaux Roms de Roumanie, à travers un programme d’intégration unique en France, nommé « Andatu ». Mais la préfecture refuse toujours de dévoiler les conditions d’accès à ce programme. 

Les expulsions de squats ou de bidonvilles sont souvent plus médiatisées que les régularisations. Dans sa communication, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls a en effet, comme ses prédécesseurs, pris le parti de stigmatiser les Roms en remettant en cause la « volonté d’intégration » de ces populations.

A Lyon comme ailleurs en France, les préfectures rechignent donc à donner des informations sur ces processus d’intégration qui existent pourtant. C’est particulièrement le cas avec le préfet du Rhône qui a, depuis un an et demi, massivement régularisé, à travers un programme unique en France.

En comptant les 150 personnes qui seront régularisées dans les prochaines semaines, ce sont 400 Roms de Roumanie qui auront des titres de séjour. Un chiffre à rapprocher, selon le préfet, des 2 000 Roms que compte l’agglomération lyonnaise. Les associations parlant plutôt d’un millier de personnes qui vivent majoritairement dans des squats et des bidonvilles.
Ces familles bénéficieront également d’un logement en lieu et place, généralement, d’un squat ou d’une cabane de bidonville.

 

Des papiers, un logement et le RSA

Le préfet du Rhône, Jean-François Carenco, a confié à l’association Forum Réfugiés le soin de monter un programme d’intégration, nommé « Andatu » (« pour toi », en romani, la langue des Roms), destinés aux Roumains. Et ce programme ne se limite pas à donner des titres de séjour.
Grâce à l’appui de la préfecture, la caisse d’allocation familiale (CAF) et le département du Rhône dérogent à la réglementation en vigueur, qui empêche les Roms de bénéficier des principaux minima sociaux. Avec « Andatu », ils ont droit :

  • au RSA
  • aux allocations familiales
  • à un logement social
  • à n’importe quel type d’emploi alors que les Roumains sont limités, jusqu’en 2014, à 150 métiers en tension

En contre-partie, la personne doit suivre un apprentissage du français et s’inscrire dans une démarche de recherche d’emploi. Elle doit également s’engager à ne plus mendier et à scolariser ses enfants. Un contrat d’un an renouvelable une fois est signé pour formaliser cette démarche.

Forum Réfugiés entend, avec ces conditions dérogatoires, réussir une « insertion complète ».
Pour ce faire, l’association dispose d’un budget 2013 d’un million d’euros dont plus de la moitié provient du Fonds social européen. L’Etat, le département du Rhône et le Grand Lyon mettent aussi au pot.

 

Roms-Andatu-Nistor-Une

Aramis Nistor avec sa femme et leur fille photographiés dans le salon de leur foyer Adoma. Photo : Laurent Burlet / Rue89Lyon.

 

Les heureux élus

Aramis Nistor nous reçoit avec sa femme et son unique fille dans un appartement d’un foyer Adoma (ex-Sonacotra) du 8e arrondissement de Lyon. Les Nistor le partagent avec une autre famille rom du programme « Andatu ». Ils font partie des heureux élus du dispositif, choisis par la préfecture, sans qu’ils ne sachent vraiment pourquoi.

Prochainement, ils devraient accéder à un logement social, comme les 20 familles qui ont été régularisées les premières. Après avoir suivi des cours de Français, Aramis Nistor est désormais chauffeur-manutentionnaire pour le Foyer Notre Dame des Sans abri. C’est un emploi d’insertion de 25 heures par semaine payer au smic. Il travaille avec son frère Ionel, sur lequel France 3 avait déjà fait un reportage.

 

 

 

Pour le moment, sur les 22 adultes, dix adultes Roms travaillent sur ce mode, avec des contrats d’insertion à temps partiel. Ils et elles sont agents d’entretien, manutentionnaires ou couturières. Huit autres sont en formation.

Il y a un an, Aramis et sa famille vivaient dans le sous-sol d’une église de Gerland. Il nous parle de sa chance d’avoir des papiers, un travail et un logement. Il voudrait être « médiateur culturel » :

« Ce sera après cet emploi de manutentionnaire. Je veux travailler comme tout le monde en aidant les Roms et les Français à mieux se connaître. On souffre souvent d’une mauvaise image ».

Comme les autres Roms d’ »Andatu », il a bénéficié d’un apprentissage intensif en français et, ensuite, d’une aide renforcée dans ses recherches d’emploi et de formation.

Il faut dire que l’accompagnement social n’a pas été négligé. On compte deux enseignantes Français langue étrangère (FLE), deux conseillers d’insertion, trois assistants sociaux.

Habituellement, il y a 60 allocataires du RSA pour un conseiller d’insertion. Pour les premiers adultes entrés dans le programme « Andatu » (depuis décembre 2011), ils sont 22 pour une conseillère, Guylène Constable. A l’entendre, l’insertion par le travail fonctionne :

« On est loin de l’image de la personne assistée qui resterait à la maison en attendant que ses allocations tombent. Ils sont super motivés pour les cours de français. Une fois qu’ils ont obtenu un emploi d’insertion, ils veulent que ça avance vite pour travailler comme tout le monde. »

37 familles de la deuxième vague (entrées dans le programme en décembre 2012) ont commencé les cours de français. Dans quelques mois, elles pourront passées à l’étape suivante. Comme Aramis Nistor et les autres, elles passeront par un emploi d’insertion. Au bout de deux ans, ce « sur-accompagnement » social doit se terminer.

Le directeur de Forum Réfugié, Jean-François Ploquin, commente :

« Ils bénéficient d’un sur-investissement à titre dérogatoire car il s’agit d’opérer un rattrapage par rapport au droit commun ».

 

Critères flous et pouvoir discrétionnaire du préfet

Contrairement à la plupart des dispositifs sociaux, il n’y a pas de guichet pour faire valoir ses droits. Inutile par exemple aux Roms intéressés par ce programme de venir voir Forum Réfugiés, comme en témoigne le chef de service d’ »Andatu », Damien Malard :

« Nombreux sont venus nous voir. Nous avons été obligés de leur dire qu’on ne pouvait rien pour eux ».

Car c’est bien la préfecture qui choisit les bénéficiaires. Mais impossible de déposer un dossier auprès de la préfecture non plus. Contacté sur le sujet par Rue89Lyon, le préfet a refusé de répondre.

L’association Forum Réfugiés elle-même ne connaît pas les critères qui fondent les décisions des autorités. « C’est empirique », constate donc le directeur Jean-François Ploquin, qui nous explique que la préfecture prend sa décision aux regards des « remontées du terrain » qui se font via les « services sociaux des mairies » ou par « les élus » eux-mêmes. Selon lui, les critères, très vagues, seraient les suivants :

  • Une longue durée de séjour sur le territoire français
  • Une volonté d’insertion en France qui se matérialise notamment par la scolarisation des enfants

Ensuite, les services de la préfecture procède à un deuxième tour de sélection. « Ce sont des des critères négatifs qui s’appliquent », poursuit Jean-François Ploquin ». Il faut :

  • Ne pas avoir bénéficié de l’argent de l’aide au retour volontaire pour rentrer en Roumanie
  • Ne pas avoir être recherché par la police

 

« L’injustice » vécue par les familles recalées

 

 

A la demande de Rue89, et pour les droits d'auteur, la suite sur ce lien « Rue89 »

 


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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 21:21

 

 

 

Marisol Touraine, la ministre des affaires sociales et de la santé, affirme vendredi 3 mai qu'« un effort sera nécessaire », dans le cadre de la réforme des retraites, « auquel devront participer tous les Français ».

« Des décisions seront prises d'ici la fin de l'année, indique-t-elle dans un entretien au Figaro. Nous avons trois défis : le financement à court terme, la pérennité à long terme de notre système par répartition et des mesures de justice ».

« Si on parle de durée de cotisation, qui est le critère le plus juste, vu l'augmentation de la durée de vie, elle doit tenir compte des réalités des carrières. Un effort sera nécessaire, auquel devront participer tous les Français », déclare la ministre.

Et de préciser : « La retraite par répartition doit rester le socle. Je ne pousse pas à un bouleversement des principes existants. Nous voulons consolider les principes, les inscrire dans la durée. »

Plus globalement, elle explique : « Il y a une différence entre sérieux budgétaire et austérité ! Cette différence, c'est le développement des droits sociaux. Le sérieux budgétaire n'est pas un objectif en soi, c'est la condition même du progrès social : si on abandonne ce sérieux budgétaire, nous risquons d'abandonner le contenu de nos politiques sociales. La droite peut l'accepter. De la part de la gauche, ce comportement serait inacceptable et irresponsable. »

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3 mai 2013 5 03 /05 /mai /2013 21:03

 

Médiapart

 

 

 

En cette période de vaches maigres budgétaires, on aurait dû se réjouir à Bercy : la Commission européenne a ordonné à la SNCM, compagnie « nationale » renflouée et privatisée par le gouvernement Villepin dans des conditions suspectes, de rembourser à l’assemblée de Corse, c’est-à-dire au contribuable, 220 millions d’euros de subventions publiques jugées illicites. C’est l’inverse qui s’est produit : Pierre Moscovici, pour une fois d’accord avec Arnaud Montebourg, s’indigne et annonce son intention de faire appel.

En dépit des appels pressants du gouvernement français et (selon Les Échos) de l’intervention du commissaire français Michel Barnier pour sensibiliser le collège aux préoccupations « sociales » de Paris, l’exécutif européen a mis en cause, dans la « délégation de service public » (DSP) accordée à la SNCM pour la desserte de la Corse, ce qu’on appelle le « service de pointe ». Cette aberration économique, largement documentée par Mediapart (lire ici), consiste à doter à l’année la SNCM de substantielles et coûteuses surcapacités (flotte et personnel) pour faire face au trafic estival, au moment où l’offre concurrentielle est abondante. « C’est de l’argent public mal utilisé », a commenté le porte-parole de la commission, Olivier Bailly.  

Dans l’interminable feuilleton de la SNCM, qui a coûté des centaines de millions d’euros au contribuable français mais enrichi sans cause certains intérêts privés (lire ici), tout en échouant à faire du transporteur marseillais une entreprise « normale », le jugement de la commission est un pavé dans le marigot méditerranéen, alors que la nouvelle DSP (l’ancienne ayant été octroyée dans des conditions illégales) doit être accordée prochainement par l’Assemblée de Corse, pour la période 2014-2020. Cette fois-ci, les élus de l’île de Beauté ont (enfin) fait jouer la concurrence afin d’obtenir de l’alliance SNCM-CMN une baisse substantielle de ses ambitions financières.

L’invocation de la concurrence dans le communiqué de Bercy est pour le moins curieuse puisque l’État persévère (le changement, c’est pas maintenant) dans une politique consistant à favoriser un canard boiteux à l’origine public, avec par exemple une position dominante au départ de Marseille, au lieu de remettre complètement à plat la desserte maritime de la Corse. 

Du nième projet de « restructuration » de la SNCM qui prévoirait un renouvellement complet de la flotte (avec quel argent ?), on retiendra surtout l’évaluation des navires actuellement en service (350 millions d’euros) qui confirme que la privatisation partielle de 2006 avait été un véritable pillage des caisses de l’État. Outre ses démêlés avec Bruxelles, la SNCM souffre toujours d’une incertitude sur l’évolution de son actionnariat. La Caisse des dépôts, embarquée dans cette galère à l’insu de son plein gré, a cherché à céder sa participation à Veolia Environnement, actionnaire de référence, pour l’euro symbolique. Et c’est contraint et forcé que le groupe d’Antoine Frérot reste impliqué dans la SNCM alors qu’il a décidé de se désengager d’ici 2014 de l’activité transport (Transdev) où s’était aventuré son ancien PDG, Henri Proglio (qui sévit toujours chez EDF).

 


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