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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 17:10

 

 

Marianne

 Rédigé par Thomas SCHNEE le Samedi 25 Mai 2013 à 16:00

 

En mars dernier, les Suisses ont voté à 69,7 % en faveur de l’interdiction des primes de bienvenue et des parachutes dorés pour les patrons. Face à ce succès sans précédent, les syndicats, le parti socialiste et les Verts suisses ont décidé d’aller beaucoup plus loin en lançant l’initiative « 1:12 ». Celle-ci propose d’imposer un rapport maximal de 1 à 12 entre les plus hauts et les plus bas salaires d’une même entreprise. Le vote aura lieu en novembre. Les patrons suisses tempêtent et menacent.

 

Daniel Vasella, ex-patron de Novartis, est devenu le symbole des "patrons rapaces" © Tripplar Kristoffer/SIPA
Daniel Vasella, ex-patron de Novartis, est devenu le symbole des "patrons rapaces" © Tripplar Kristoffer/SIPA
Alors que notre ministre de l’économie Pierre Moscovici vient d’annoncer que, contrairement aux promesses du candidat Hollande, il n’y aurait pas de loi sur la gouvernance des entreprises, et donc sur la limitation du salaire des patrons, et que l’Allemagne discute mollement du sujet, nos amis Suisses agissent.

De la possibilité de réduire le salaire des patrons…

Le 3 mars dernier, ils ont tout d’abord plébiscité « l’Initiative contre les rémunérations abusives » aussi appelée Initiative Minder, du nom de son initiateur l’entrepreneur et conseiller aux Etats Thomas Minder. Celle-ci supprime les parachutes dorés des patrons et va désormais permettre aux actionnaires suisses de contrôler le salaire des patrons. Avant la votation, contre laquelle le gouvernement suisse s’était prononcé, les sondages donnaient déjà l’initiative gagnante. Mais personne n’avait prévu son énorme succès qui a non seulement atteint près de 69,7 % de votes positifs, mais aussi obtenu une nette majorité chez les électeurs de tous les partis suisses. Ce formidable résultat a évidemment été amplifié par l’affaire Vasella (Daniel Vasella, ex-patron de Novartis, qui a du renoncer à une prime de départ de 57,7 millions d’euros, suite à la pression de l’opinion publique ). Aussi positive qu’elle soit, l’initiative Minder n’impose cependant pas de mesures de limitation automatique, sauf en ce qui concerne les primes d’arrivée et de départ. « Si les propriétaires des entreprises dorment, les salaires ne changeront pas » précisait Roby Tschopp, directeur de l’association de petits actionnaires pour une économie durable Actares, au lendemain du vote : « Des rémunérations de plusieurs millions resteront sans doute une chose courante. En revanche, les rémunérations de 40, 50 ou 60 millions, c’est très probablement fini », expliquait-il alors.

 

1:12, une initiative radicale pour limiter le salaire des patrons suisses


…. à l’obligation de le faire.

Fort de ce constat, les Jeunes socialistes, le Parti socialiste , le Parti écologiste et la Confédération des syndicats suisses, ont donc décider de « surfer » sur le succès de l’initiative Minder pour aller nettement plus loin. La proposition de la nouvelle initiative 1:12 est quasi révolutionnaire. Elle veut faire inscrire dans la Constitution helvétique un article visant à encadrer sévèrement le niveau de rémunération des managers en fixant le niveau du plus haut salaire de l’entreprise à un maximum de 12 fois le niveau du plus bas salaire de la même entreprise. Ayant largement dépassé le seuil des 100 000 signatures de soutiens, elle donnera lieu à une votation populaire nationale qui se tiendra courant novembre 2013 et dont le résultat sera contraignant pour le gouvernement et le parlement suisses. Les réactions inquiètes et furieuses des patrons suisses se multiplient. Pour leur part, les initiateurs comptent bien bénéficier du succès de « l’initiative Minder » contre les rémunérations abusives.

Réellement inquiets, les patrons suisses menacent

Face à cette initiative radicale, la Confédération des entreprises suisses «economiesuisse », a démarré une campagne de communication exposant les risques que cette initiative fait courir à l’économie helvétique. Plusieurs grands patrons, comme celui du géant des matières premières Glencore-Xstrata Ivan Glasenberg, sont déjà montés au créneau. Ce dernier a expliqué que si l’initiative était adoptée, son groupe quitterait immédiatement la Suisse : « En tant que chef d’entreprise et citoyen suisse, je ne peux pas imaginer que la Suisse puisse saboter de la sorte son économie », a-t-il déclaré. Par ailleurs, le rapport moyen actuel entre salaires plus élevé et plus bas dans les entreprises suisses est actuellement de 1 pour 56. Les initiateurs de 1:12 espèrent donc qu’une victoire conduira non seulement à une baisse des salaires des managers, mais aussi à un relèvement des salaires les plus bas. Face à cela, le patron de Swisscom Carsten Schloter menace. Il estime au contraire que la baisse des hauts salaires obligera les entreprises à réajuster vers le bas les salaires inférieurs, « pour que la gradation entre les hiérarchies salariales puisse être maintenue ».

 


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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 17:01

 

 

Marianne

  Vendredi 24 Mai 2013 à 20:13

 

 

Entre le gouvernement et le patronat, c'est la saisons des mamours. Est-ce une raison pour nous faire prendre des vessies syntaxiques pour des lanternes politiques.

 

WITT/SIPA
WITT/SIPA
Il y a des moments où les politiques trouvent indéniablement la formule. La formule qui vous met en rogne, et qui vous provoque, là, au saut du lit : elle se détache soudain du ronron des infos, retombe avec moult « splash » dans votre café du matin – et voilà, votre journée toute neuve est tâchée. Vous voyez le genre ?

 

Ce fut le cas, par exemple, avec la fameuse «   baisse tendancielle de l’augmentation du chômage »chef d’œuvre ciselé par Nicolas Sarkozy en pleine campagne présidentielle pour tenter de maquiller son bilan catastrophique en matière d’emploi.

La courbe du chômage étant désespérément en hausse, le président candidat avait cru bon d’en référer à la dérivée et à la dérivée seconde pour finalement taper tellement à côté que le résultat oscillait entre ridicule et provocation. Le leader d’extrême gauche Olivier Besancenot avait d’ailleurs riposté  quelques heures plus tard par un très ironique (mais mérité) : « en tout cas, nous n’assistons pas à la baisse tendancielle de l’augmentation du foutage de gueule. »

 

Des petits bijoux comme cette perle sarkozyste, on n’en entend pas tous les quatre matins. Ils sont rares, même. C’est pourquoi il faut aujourd’hui saluer la performance de Pierre Moscovici à sa juste valeur.

Pour justifier l’abandon de tout projet d’encadrement des salaires des grands patrons, notre ministre de l’Economie a en effet expliqué  qu’il préférait « miser sur une autorégulation exigeante » des pratiques du secteur. Il a dit cela aux Echos et, ni une ni deux, la phrase a été relevée sur toutes les antennes – pensez donc, une telle merveille…
 
Après le discours très social-démocrate de François Hollande en Allemagne (lire le papier d’Hervé Nathan du 23/05), Pierre Moscovici confirme donc la volonté gouvernementale de brosser le milieu des affaires dans le sens du poil.

Pour expliquer ce déferlement concerté de mamours, certains, au parti socialiste, expliquent que les grands patrons se sentent tellement harcelés et mal-aimés depuis l’arrivée de Hollande au pouvoir qu’il était urgent de mettre un peu de pommade sur leurs plaies d’orgueil.

On pourrait rétorquer qu’après l’abandon de la tranche d’impôt à 75% (la faire supporter par les entreprises, vous avouerez, ça ne revient pas du tout au même) et le recul sur la séparation des activités bancaires, ce gouvernement a en définitive beaucoup crié et peu agi à l’égard des milieux patronaux, ce qui est sûrement la pire des stratégies, mais passons.
 
Et revenons à ce trésor sémantique d’« autorégulation exigeante ». Si la phrase a tant fait réagir, c’est d’abord parce que personne ne songe vraiment à miser sur l’émergence miraculeuse d’une autodiscipline patronale en matière de rémunération – notons au passage que selon le sondage que nous publions cette semaine, seulement 31% des Français font confiance aux patrons des grandes entreprises, soit 6 points de moins qu’aux journalistes, c’est dire !

D’ailleurs, il y a une logique : quand vous les interrogez, ces haut dirigeants-là (qui pour la plupart, rappelons-le, ne sont pas des entrepreneurs comme on peut souvent le lire, mais des salariés plutôt très protégés) ne se sentent pas scandaleusement payés.

 

Laurence Parisot, patronne des patrons, à la tête du MEDEF et Pierre Moscovici, ministre de l'Economie - PRM/SIPA
Laurence Parisot, patronne des patrons, à la tête du MEDEF et Pierre Moscovici, ministre de l'Economie - PRM/SIPA
Au fil des années, s’ils ont feint de voir « le problème », c’était pour mieux exiger qu’on leur laisse le régler eux-mêmes : le code de « bonne conduite » Afep-Medef, la création des comités de rémunération, la nomination d’administrateurs indépendants…tout cela était censé, déjà, permettre l’autorégulation. Moralité, les excès ont continué comme en (CAC) 40.
 
Mais il y a mieux. Ces derniers temps, certains représentants du patronat, voyant arriver un encadrement – gauchiste – des retraites chapeau et une interdiction – bolchévique – des parachutes dorés, expliquaient à leurs contradicteurs que le capitalisme, dans sa forme la plus vertueuse, avait bel et bien prévu un formidable mécanisme d’autorégulation : les actionnaires.

Oui, après tous, ces derniers étant les vrais propriétaires, les véritables boss des sociétés cotées, il leur revenait à eux, via l’amélioration des outils de la « démocratie actionnariale », de mettre fin aux primes indécentes de certains dirigeants non méritants, et d’empêcher les parachutes dorés des saboteurs de boîte.

« Améliorer les mécanismes de la démocratie actionnariale », comme le prônent les thuriféraires du capitalisme darwinien, aurait consisté à mettre en œuvre le principe dit du « say on pay », c’est à dire : obliger par la loi les entreprises à soumettre les packs de rémunérations patronaux au vote des assemblées générales des actionnaires.

Voilà qui en effet, n’aurait pas pris trop de temps, et n’aurait pas provoqué de guerre civile (puisque c’est là la logique même, paraît-il, du capitalisme). Eh bien : même à cela, le gouvernement a renoncé.
 
C’est pourquoi il lui faudrait peut-être sérieusement commencer à penser à une autorégulation du foutage de gueule.


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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 16:28

 

Rue89

 

Publié le 24/05/2013 à 13h06

 

 

*Olivier Berruyer, actuaire et créateur du site "Les-crises.fr", nous explique quelles sont les racines profondes de la crise économique et financière actuelle. Il montre en quoi les dettes publiques ne sont plus soutenables, et pourquoi, au-delà des tentatives de fédéralisation européenne, l'Euro nous mène vers une impasse politique.

 

 

Il y en a qui parlent d’ « agonie du capitalisme » (Paul Jorion). D’autres de « grande perdition » (François Leclerc, moi-même). Olivier Berruyer, actuaire et responsable du blog les-crises.fr, préfère parler de « la fin d’un monde ».

 

Voyez et écoutez jusqu’au bout la démonstration magistrale qu’il donne sur AvantGardeEconomique.fr (site indispensable).

 

 

 

Retour à la Préhistoire économique

Morceaux choisis :

« Cette génération-là aura réussi à nous renvoyer à la préhistoire économique en une vingtaine d’années.

Tous les dix ans, on perd un point de croissance. La croissance de la décennie 2000 a été de 0,8 % par habitant. Il faut toujours regarder par habitant, sinon ça n’a pas de sens de comparer. Depuis fin 2007, la croissance en France par habitant est de -3 %.

On joue à la roulette russe [monétaire, ndlr] en permanence. A la roulette russe, vous gagnez deux fois, mais quand vous perdez, vous ne perdez qu’une fois. C’est assez définitif.

Il faut un équilibre dans la société entre égalité et liberté, entre les droits et les devoirs. En 1989 [année de la chute du mur de Berlin, ndlr] est mort un système qui avait mis la pseudo égalité en premier en tuant toute liberté. Ce qu’on est en train de vivre là, c’est la fin d’une folie où on a mis la [pseudo] liberté par-dessus tout sans aucune égalité. »

La fin du « court-termisme »

« On vit une crise du “court-termisme”, on refuse de voir les problèmes à long terme en disant bof on trouvera des solutions plus tard, le progrès va nous sauver... Ben, y a qu’à voir aujourd’hui ! Vous savez, quand la nature trouve des solutions naturelles, ce n’est jamais très agréable.

Un peu comme si Madoff avait dit : “Je suis un escroc, prêtez-moi votre argent”. Eh bien, il y a des crétins qui auraient continué à lui donner leur argent.

Je ne sais pas si ça [la fin du système] va venir dans trois mois ou dans trois ans. A mon avis, pas beaucoup plus que dans trois ans. Parce que vous voyez très bien à quel point votre système est en train de se véroler de plus en plus. »

Aller plus loin

 

 

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25 mai 2013 6 25 /05 /mai /2013 12:02

 

Midi Libre.fr

 

FRANÇOISE CONDOTTA
24/05/2013, 06 h 00 | Mis à jour le 25/05/2013, 09 h 24
La Tour Eiffel, des châteaux et même les arènes de Nîmes.
La Tour Eiffel, des châteaux et même les arènes de Nîmes. (CCI NÎMES)

La CCI de Nîmes travaille à l’idée d’un site touristique de 16 Md€. Reste à trouver les investisseurs et la zone d'implantation.

"La seule chose que l’on ne pourra jamais délocaliser, c’est le tourisme", explique Jean-Louis Calini, le vice-président de la CCI de Nîmes, élu pilote de la future Frenchvallée, un grand projet à vocation touristique mondiale : 50 000 à 80 000 chambres d’hôtel, une trentaine de casinos géants et un parc du made in France, visant à attirer 30 millions de touristes. Un projet fou, estimé à quelque 16 milliards d’euros, pour lequel le ministère de Redressement productif a manifesté son intérêt. Reste cependant à trouver des investisseurs.

Le "produit France" en vitrine

Renouant avec l’ambition des années 1970 qui virent, notamment, la création de Port-Camargue, la CCI de Nîmes a décidé d’impulser, sur son territoire, un projet pharaonique. Dans le but de répondre à la question cruciale de l’emploi, non délocalisable, en Languedoc-Roussillon. Pour la réalisation de ce projet, la CCI s’appuie sur les atouts français : culture, tourisme et cadre de vie. "Il faut voir grand , quitte à être excessif !", ajoute Jean-Louis Calini qui a imaginé un parc vitrine, une sorte de cité mettant en scène le "produit France" dans toute sa diversité : des quartiers représentants les différentes régions de France avec l’exposition des fleurons du patrimoine (la Tour Eiffel, le Mont Saint-Michel, le paquebot France, les châteaux, les arènes de Nîmes) et de la culture (mode, gastronomie).

Divertissements à souhait

Un deuxième parc sera dédié aux divertissements avec une trentaine d’hôtels-casinos, des salles de spectacles, des annexes des grands musées français (y compris un musée du jeans Denimes), des salles de conférence et d’exposition pour accueillir les plus grands événements mondiaux. Déployée sur 700 hectares, s’appuyant sur les dernières technologies d’écoconstruction, cette Frenchvallée prévoit d’être autonome, tant en ce qui concerne la production d’énergies que la gestion des fluides et des déchets.

Des consultations mondiales

Actuellement, la CCI de Nîmes a engagé des négociations avec les plus grands casinotiers à travers le monde, avec les ministères de l’Intérieur, de l’Industrie, des Finances et de la Culture. Car pour passer du rêve à la réalité, il faudra plus que le nerf de la guerre puisqu’il sera indispensable de revoir une partie de la législation française.

 

 

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 18:53

 

 

 

 24.05.2013 à 16h37 • Mis à jour le 24.05.2013 à 19h30
 
 
Le rapporteur public du tribunal administratif de Paris a recommandé vendredi 24 mai l'annulation de la vente controversée, intervenue en 2010, de l'hippodrome de Compiègne.

La vente controversée par l'Etat de l'hippodrome de Compiègne, dans l'Oise, au centre de deux instructions impliquant l'ancien ministre du budget Eric Woerth, pourrait prochainement être annulée si le tribunal administratif de Paris suivait l'avis de son rapporteur public.

Pendant près d'une heure celui-ci a en effet défendu, vendredi 24 mai, à l'audience le principe d'une annulation de l'arrêt du 16 mars 2010, par lequel M. Woerth avait validé la cession amiable de ces parcelles forestières pour 2,5 millions d'euros à la Société des courses de Compiègne (SCC).

Le tribunal administratif de Paris rendra sa décision le 7 juin, ce qui pourrait avoir des conséquences sur les deux enquêtes judiciaires en cours, lesquelles doivent déterminer d'éventuelles responsabilités pénales dans cette affaire. La première, ouverte pour "prise illégale d'intérêt" par la Cour de justice de la République (CJR), s'intéresse spécifiquement au rôle de M. Woerth, qui avait été entendu sous le statut de témoin assisté. La seconde, instruite au pôle financier, couvre le volet non ministériel de l'affaire.

 

Lire aussi : Eric Woerth reste sous la menace de la Cour de justice de la République


Sans attendre l'issue de ces procédures, qui avaient été lancées à partir de 2010 après une plainte d'élus socialistes, un syndicat de l'Office national des forêts (ONF) a ouvert en août 2012 un nouveau front, en demandant l'annulation de la vente à la justice administrative, compétente pour juger les décisions de l'Etat.

 

  36 PAGES DE REQUÊTE

Dans sa requête de 36 pages, le Syndicat national unifié des personnels des forêts et de l'espace naturel (Snupfen) avait dressé une longue liste de raisons justifiant à ses yeux l'annulation de la transaction. Des arguments en partie repris vendredi 24 mai devant le tribunal administratif par le rapporteur public.

Revenant longuement sur les textes adoptés depuis la Révolution française pour encadrer l'aliénation des bois et forêts du domaine de l'Etat, il a notamment considéré que cette cession de gré à gré n'avait pas respecté le Code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP). "L'aliénation litigieuse ne pouvait intervenir sans être autorisée par une loi. Nous concluons à l'annulation de la décision", a déclaré le rapporteur public.

 

Lire : Hippodrome de Compiègne : la vente est-elle illégale ?


Le syndicat s'était aussi élevé contre l'absence de publicité de la vente et de mise en concurrence, le non-respect du droit de priorité sur la vente du conseil de la communauté de communes de Compiègne et, surtout, son prix de vente "dérisoire". "Ce bien est tellement exceptionnel que seul le marché aurait pu lui donner sa vraie valeur", a estimé le rapporteur public.

Les deux avocats du Snupfen, Mes Frédéric Mengès et Edmond-Claude Frety, ont confié attendre "avec impatience le délibéré du tribunal après les conclusions particulièrement construites et de qualité du rapporteur public qui montrent que les motifs d'annulation sont solides".
 

 UNE PROCÉDURE "BRICOLÉE"

Dans un rapport au Sénat en 2011, la socialiste Nicole Bricq avait estimé que la procédure de cession avait été "bricolée" et posait "de nombreuses questions de droit administratif".

Si la justice administrative prononce l'annulation de l'arrêté ayant autorisé la vente, il reviendra à un autre juge d'organiser l'annulation de cette transaction, processus qui pourrait se révéler coûteux pour l'Etat.

Un tel constat judiciaire de l'illégalité de la vente viendrait donner des arguments aux parties civiles dans la procédure en cours au pôle financier.

En attendant la décision du tribunal administratif, Laurence Rossignol, une des élus PS qui avaient porté plainte au pénal, a estimé vendredi dans un communiqué que la position du rapporteur public "confirme déjà, pour le moins, que ceux qui comme [elle], ont mis en cause la légalité de cette vente, étaient fondés à le faire".

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 18:37

 

 

 

Médiapart

 

 

 

C’est un discours qui ressemble à François Hollande. Celui d’un socialiste rangé depuis longtemps à la social-démocratie, qui ne l’assume jamais tout à fait, mais assez pour rendre un hommage appuyé à l’ancien chancelier Gerhard Schröder.

Jeudi, le président de la République était à Leipzig pour célébrer le 150e anniversaire du parti social-démocrate allemand, le SPD. Il n’y est pas allé pour s’inviter dans la campagne législative allemande : le scrutin est prévu fin septembre et l’Élysée est convaincu qu’Angela Merkel reste la grande favorite, au mieux dans le cadre d’une grande coalition avec le SPD. La chancelière allemande était d’ailleurs présente à Leipzig.

« Cette cérémonie transcende les clivages politiques, les calculs électoraux et les frontières géographiques », a lancé en préambule le chef de l’État. Angela Merkel s’était pourtant engagée publiquement en faveur de Nicolas Sarkozy durant la campagne présidentielle.

 


 

François Hollande en a plutôt profité pour louer les mérites historiques de la social-démocratie allemande. Ce sont alors les exemples choisis et les noms cités qui révèlent l’imaginaire politique du président français. S’il s’est à nouveau dit « socialiste », c’était surtout pour ménager les militants de son propre parti. Mais il n’y a donné aucun contenu. Il a surtout cherché à montrer en quoi « socialiste » et « social-démocrate » étaient devenus très proches, quoiqu’en disent, d’un côté, l’aile gauche du PS ou, de l’autre, les éditorialistes parisiens convertis au social-libéralisme et qui appellent depuis des années à la conversion définitive de la gauche française.

C’est ainsi qu’il faut comprendre la référence, sulfureuse pour une partie du PS, au congrès de Bad-Godesberg, en 1959, au cours duquel le SPD rompit définitivement avec la lutte des classes et entama sa conversion au marché. « Que de fois, ai-je entendu en France, des esprits bien intentionnés me demandant de faire à mon tour une déclaration de Bad-Godesberg comme preuve de ma modernité, de mon réalisme, de mon réformisme ! Ils l'ont fait à chaque fois que les socialistes français sont venus aux responsabilités et, à chaque fois, les socialistes français ont démontré qu'ils étaient capables de partir du réel pour aller jusqu'au bout de leur idéal », a affirmé François Hollande, tout sourire.

Avant d’ajouter : « Je leur réponds que tout n'est pas transposable, que nos pays sont différents ; que nos cultures politiques, syndicales sont singulières. Mais je garde de la social-démocratie le sens du dialogue, la recherche du compromis et la synthèse permanente entre la performance économique et la justice sociale. » Une manière de dire – sans le dire – que le PS a depuis longtemps effectué sa mutation tout en refusant de copier intégralement la doctrine du SPD, plus centriste que le PS.

L'ode à Schröder

Mais François Hollande a été encore plus loin en rendant un hommage appuyé à l’ancien chancelier Gerhard Schröder, présent dans la salle. « Le progrès, c’est aussi de faire dans des moments difficiles des choix courageux pour préserver l’emploi et anticiper les mutations industrielles. Et c'est ce qu'a fait Gerhard Schröder et qui permet aujourd'hui à votre pays d'être en avance sur d'autres. Ces déicisions ne sont pas faciles à prendre, elles peuvent même faire surgir des controverses mais rien ne se construit, rien de solide ne se bâtit en ignorant le réel », a-t-il lancé devant une assemblée qui l'applaudit mais qui a dû, pour partie, avaler de travers.

 

Gerhard Schröder 
Gerhard Schröder© Reuters.

Car le SPD, en campagne électorale, s’est depuis longtemps démarqué de l’instigateur des réformes dites Hartz IV (du nom de l’ancien DRH de Volkswagen dont le leader social-démocrate s’est en grande partie inspiré) qui, au début des années 2000, ont remis en cause l’État-Providence allemand (par exemple le système d’allocations chômage) et a libéralisé en profondeur le marché du travail. Ses effets sont aujourd’hui très contestés en Allemagne, où la précarité et la pauvreté ont explosé ces dernières années.

La référence à Schröder, qui n’était pas prévue dans la dernière version écrite du discours, est d’autant plus étonnante que François Hollande a lui-même souvent critiqué une partie du logiciel de l'ancien chancelier : il était premier secrétaire du PS quand Lionel Jospin, premier ministre, refusait la « troisième voie » prônée par Schröder et Tony Blair, alors locataire du 10 Downing Street.

Battu en 2005 après une série de débâcles électorales pour son parti, l’ancien chancelier a également suscité la polémique en entamant une nouvelle carrière de conseil auprès de grands groupes privés (notamment le russe Gazprom) et en soutenant plusieurs leaders de droite. Durant la présidentielle française, il avait ainsi clairement pris parti pour Nicolas Sarkozy.

 

Les fondateurs du SPD (avec Karl Marx au centre).  
Les fondateurs du SPD (avec Karl Marx au centre). © DR.

Dans son discours, François Hollande a par ailleurs renoncé à citer deux des cofondateurs du SPD, marxistes revendiqués, August Bebel et Karl Liebknecht. Il s’est contenté de la référence, plus consensuelle, au socialiste Ferdinand Lassalle.

 

 

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 18:04

 

 

                                                                                                                                                                                                                         «Le mépris dans lequel les gouvernements successifs ont tenu les contribuables par un gaspillage éhonté, un refus de rendre des comptes aux citoyens, un dédain pour les reproches de la Cour des comptes, n’est plus acceptable ni accepté», affirme la députée européenne Corinne Lepage, qui expose les pistes juridiques pour que l'Etat rentre dans ses frais.


 

Le scandaleux arbitrage Tapie, que j’avais dénoncé dès l’origine, pose deux séries de questions : qui est personnellement responsable de ce scandale d’Etat et qui va rembourser le contribuable français floué ? Le sujet est du reste à tiroir, dans la mesure où s’est ajouté un « cadeau fiscal » au cadeau arbitral.

La première question est soumise à la Cour de justice de la République, pour le volet ministériel, et devra être soumise, pour les autres responsables potentiels, à une juridiction de droit commun. Quel est, ou quels sont, les ministres éventuellement responsables de cette affaire d’Etat, au-delà de Christiane Lagarde ? Quels sont les hauts fonctionnaires qui ont agi et engagé leur propre responsabilité ? Les arbitres eux-mêmes ne risquent-ils pas de voir leur responsabilité pénale mise en cause ?

Quant à Nicolas Sarkozy, à supposer qu’il soit mis en cause, au-delà d’une implication probablement couverte par la prescription en tant que ministre des finances, il est de toute façon couvert par l’immunité générale que lui confère la Constitution. En effet, aux termes de l’article 67, « le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68 ». L’article 68 couvre la destitution sans effet ici et l’article 53-2 la Cour pénale internationale. Enfin, Bernard Tapie lui-même pourrait-il voir sa responsabilité pénale recherchée comme complice d’un stratagème dont il serait le principal bénéficiaire et l’instigateur ? Il revient aux magistrats de trancher ces points qui soulèvent de redoutables difficultés juridiques, une fois les faits établis.

La seconde question est celle du remboursement. Il serait logique, dans une hypothèse de reconnaissance de fraude, que Bernard Tapie rembourse ce qu’il a indûment perçu. Sauf qu'il a visiblement organisé la quasi impossibilité de recouvrer les fonds via des montages hors territoire français, et que la sentence arbitrale couvre son droit tant qu’elle n’est pas annulée.  Certes, « la fraude corrompt tout », ce qui signifie que la nullité de la sentence peut être invoquée même après qu’elle soit devenue définitive. Mais qui peut invoquer cette nullité ? Le ministre des finances y réfléchirait. Sauf que l’Etat, en tant que personne morale, est responsable de cette situation qui est à l’origine de la mise en cause de l’ancienne ministre. Certes, la responsabilité pénale de l’Etat n’existe pas, mais sa responsabilité « civile » (sous forme de responsabilité administrative) existe. Or, personne ne peut invoquer sa propre turpitude pour réclamer une réparation ou remettre en cause une situation. Dès lors, la position de l’Etat, sur le plan de la recevabilité de son action, est à tout le moins délicate.

Reste donc la procédure de la Cour des comptes qui comporte deux volets. Le premier est un volet non ministériel, devant la cour de discipline budgétaire. Ce volet est ouvert et pourrait concerner aujourd’hui Stéphane Richard, en qualité de directeur de cabinet successif de Jean-Louis Borloo et Christine Lagarde et les responsables du CDR. Mais, il pourrait y avoir aussi un volet ministériel pour comptabilité de fait liée à l’extraction illicite de deniers publics pour payer Bernard Tapie. Car, si un ministre ne peut en principe être poursuivi devant la cour de discipline budgétaire, il en va différemment quand il est comptable de fait. Ainsi, à terme, des personnes physiques pourraient se voir condamner à rembourser à l’Etat tout ou partie des sommes indûment payées à Bernard Tapie. Cela peut paraître injuste mais à charge pour ces dernières d’exercer une action contre Bernard Tapie pour obtenir remboursement ou essayer de plaider la complicité de ce dernier.

En des temps déjà difficiles, le paiement des 450 millions d’euros à Bernard Tapie, réglés dans des délais ultra courts, était une insulte aux contribuables. Il faut espérer que cette affaire ira à son terme sous ses deux volets. Car le mépris dans lequel les gouvernements successifs ont tenu les contribuables par un gaspillage éhonté, un refus de rendre des comptes aux citoyens, un dédain pour les reproches de la Cour des comptes, n’est plus acceptable ni accepté.

Et puisque l’Etat en est à des revirements déchirants, il pourrait s’intéresser à récupérer d’autres folies comme les 700 millions versés à Taïwan pour les rétro commissions couvertes par le secret bancaire, à l’heure où un certain bon sens semble à cet égard devoir l’emporter !

 

 

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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 17:39

 

Médiapart

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Pierre Moscovici renonce à toute loi sur les rémunérations patronales et préfère s’en remettre à la sagesse de l’auto-régulation. Le gouvernement enterre ainsi ses dernières velléités de réformer les pratiques patronales. Parti pris.

« Engagement 07.4 : supprimer les stocks options et encadrement des bonus. Promesse en-dehors des 60 propositions : une loi sur l’organisation des entreprises privées contre les rémunérations abusives des patrons et pour la représentation salariale. Engagement de campagne : limiter la rémunération des dirigeants des entreprises publiques dans la limite de 1 à 20 par rapport à la plus petite rémunération de l’entreprise. Promesse en dehors des 60 propositions : une taxation de 75 % pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros. »

C’était il y a un an. C’était il y a un siècle. C’était le temps où pour conquérir des voix, François Hollande et son entourage ne mégotaient pas sur les promesses d’un jour. Puis, le temps de la « responsabilité » dans la conduite des affaires est venue. Les engagements se sont effilochés jour après jour. La niche Copé a été maintenue (voir le nouveau cadeau de l’État à Lagardère). En quelques roucoulades, les pigeons sont parvenus à faire reculer le gouvernement sur l’imposition des plus-values de cession, pour le plus grand bonheur des fonds d’investissement et de leurs dirigeants. La taxation sur les 75 % a été abandonnée à la suite d’un grossier vice de forme juridique. Et le ministre des finances, Pierre Moscovici, vient de jeter la dernière pelletée de terre sur les projets de réforme des rémunérations patronales. Un enterrement de première classe.

Dans un entretien aux Échos, le ministre des finances a signifié vendredi 24 mai que le gouvernement avait abandonné toute velléité de réformes sur les rémunérations patronales, sujet pourtant hautement sensible dans le monde entier depuis la crise. « Après plusieurs mois de concertation, j’ai décidé de concentrer l’action législative sur la contribution de 75 % sur la part des rémunérations dépassant 1 million d’euros, qui sera acquittée par l’employeur. Elle sera soumise au Parlement dans le cadre du budget 2014, et aura une durée limitée à deux ans. Nous n’irons pas au-delà sur le plan législatif : il n’y aura pas de projet de loi spécifique sur la gouvernance des entreprises. J’ai choisi d’agir dans le dialogue. Dans cet esprit, j’ai rencontré la semaine dernière la présidente du Medef, Laurence Parisot, et le président de l’Afep, Pierre Pringuet, qui se sont engagés à présenter rapidement un renforcement ambitieux de leur code de gouvernance. Ils m’ont assuré qu’ils étaient prêts à des avancées importantes, notamment en recommandant le « Say on Pay », qui permettra à l’assemblée des actionnaires de se prononcer sur la rémunération des dirigeants. Notre but est d’éviter de figer des règles dans la loi, quand celles-ci sont amenées à évoluer sans cesse dans un environnement international mouvant. Nous préférons miser sur une “autorégulation exigeante”. »

Comment le ministre des finances ose-t-il tenir de tels propos ? Demander aux patrons de retrouver le sens de la mesure dans leurs rémunérations, c’est comme demander à un alcoolique enfermé chez un caviste de ne pas toucher à une bouteille. Parler encore aujourd’hui d’auto-régulation, c’est n’avoir tiré aucune des leçons de la crise, de ce qu’elle a mis à jour sur les pratiques des dirigeants des grands groupes, de leur incapacité à se réformer – eux qui n’ont que le mot réforme à la bouche –, à résister à ce qui ne peut que s’appeler de la cupidité.

Depuis 1995, au moins six rapports sur la gouvernance des entreprises et la rémunération ont été rédigés. Il y a eu le rapport Vienot 1, Vienot 2,  Bouton 1, Bouton 2,  Afep-Medef 1, Afep-Medef 2. Pour quel résultat ?

L'embarrassant précédent suisse

En 2012, le total des salaires des patrons du CAC 40 a atteint 92,7 millions d'euros, soit 2,319 millions par dirigeant, selon les calculs des Échos. Le salaire moyen serait en recul de 4 % par rapport à l’année précédente. Sur dix ans, le montant nominal n’a presque pas changé, mais il est passé de francs en euros !

Le cabinet Proxinvest, qui réalise une étude annuelle sur les rémunérations patronales, aboutit à des chiffres très différents. Car, dans ses calculs, il intègre non seulement les salaires (fixes et variables) mais aussi les stock options, les retraites chapeau et autres compléments de rémunération. D’après son dernier rapport établi en décembre 2012, les rémunérations des patrons du Cac 40 ont progressé en 2011 de 4 % pour atteindre en moyenne 4,2 millions d’euros. Cette moyenne inclut les indemnités de départ. En les excluant, la rémunération moyenne des patrons du Cac 40 baisse de 3 %, « baisse dont l’ampleur aurait pu être plus significative au regard de l’exercice 2011 marqué par une baisse des multiples de valorisation, une crise bancaire, une baisse de 17 % du Cac 40 et un recul de 10 % des bénéfices nets cumulés », souligne le rapport.

Le cabinet qui conseille de grands fonds de pension et d’investissement juge que la limite acceptable aux rémunérations patronales est de 240 fois le Smic. C’est déjà énorme. Cela correspond 4,6 millions d’euros. En 2011, ils étaient onze à dépasser cette limite.

À juste titre, les patrons de PME ne cessent de rappeler que le monde de l’entreprise ne se résume pas à celui de nos « champions nationaux » superstars. Ils se plaignent, avec raison, de la mauvaise image jetée sur les entreprises par les comportements des dirigeants du CAC 40. Leur rémunération n’a rien à voir avec ces salaires mirobolants. En moyenne, elles tournent autour de 4 000 euros par mois. Pour beaucoup, c’est beaucoup moins. Pour tous, la difficulté de leur tâche et les risques pris sont sans commune mesure avec ceux d’un responsable du CAC 40. Tout en prônant la défense de l’entreprise, le gouvernement a, malgré tout, préféré préserver cette caste dirigeante qui influence et conduit le pays depuis plus de trente ans, avec le succès que l’on sait.

Ces derniers ne voulaient pas de texte législatif. Ils n’en auront pas, ils n’en auront plus, contrairement aux engagements pris par le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, au lendemain de la votation suisse sur les rémunérations patronales en mars dernier. À 67,9 %, les électeurs suisses ont adopté un texte d’initiative populaire visant non seulement à limiter les rémunérations, mais aussi de les faire adopter en assemblée générale par les actionnaires. Ce texte prévoit aussi d’interdire tous les golden hellos et golden parachutes, c’est-à-dire toutes les primes d’arrivée et de départ, jugées illégitimes. Le mandat des administrateurs devra être renouvelé tous les ans. Enfin, les conseils des entreprises qui n’appliqueraient pas ces dispositions seraient passibles de sanction pénale. « C’est une excellente expérience démocratique où les Suisses montrent la voie et, personnellement, je pense qu'il faut s'en inspirer », avait commenté alors Jean-Marc Ayrault.  On comprend l’effroi dans le monde du Cac 40.

Un lobbying actif et discret a permis d’en finir avec ces velléités de réforme. Pierre Moscovici jure qu’il n’y aura plus de texte législatif. Il préfère s’en remettre à la « sagesse » du Medef et de l’Afep, l’association qui regroupe les sociétés du CAC 40. Ceux-ci, assure-t-il, sont prêts à adopter une disposition sur le vote en assemblée générale des rémunérations patronales. Mais le tour de passe-passe est déjà prévu : selon le projet patronal, les actionnaires ne se prononceront pas sur les rémunérations en tant que telles, les retraites chapeau et autre indemnités de départ, mais sur les critères d’attribution pour fixer le montant des bonus. En la matière, ceux-ci sont totalement arbitraires et changeants. Ainsi, depuis trois ans, la référence aux cours de Bourse a disparu car les marchés boursiers se sont effondrés. De même, les stock options ont cédé le pas aux actions dites de performance, bien plus intéressantes : elles sont gratuites donc valables quelles que soient les circonstances, à la différence des stock options dont une partie a perdu tout intérêt en raison de la chute des cours.

Si tout se passe comme anticipé, la France, sous la direction d’un gouvernement socialiste, a toutes les chances d’avoir des principes de rémunération moins stricts que ceux adoptés par la Suisse, à l’instigation de groupements activistes de petits actionnaires. Quelle avancée !

Des reculades sans bénéfice

Tétanisé à l’idée de ne pas paraître favorable à l’entreprise, le gouvernement a même renoncé à peser dans les entreprises publiques. Certes, le pdg d’EDF, Henri Proglio, placé sous les feux de la rampe, a dû rabaisser son salaire pour le ramener de 1 million d’euros en part fixe à 885 000 euros. Avec la part variable, sa rémunération est encore de 1,29 million d’euros contre 1,6 précédemment.

Mais, pour le reste, tous les trous ont été utilisés pour contourner le dispositif annoncé. Bien qu’actionnaire à 15 %, l’État continue de tolérer la complète opacité qui entoure les rémunérations de Carlos Ghosn chez Renault, qui en font le patron le mieux payé du CAC 40. Il a fallu une intervention un peu ferme du gouvernement pour lui rappeler qu’en contrepartie de l’accord social, signé avec les syndicats, revenant sur un certain nombre d’avantages, le pdg de Renault se devait de faire un geste. Ce dernier a finalement accepté de renoncer à 30 % de sa part variable. Mais le sacrifice n’est que momentané. Il les touchera dans trois ans.

De même, premier actionnaire de Thales, l’État a avalisé en décembre un golden parachute de 1,5 million d’euros à l’arrivée de Jean-Bernard Lévy, ancien dirigeant de Vivendi parti quelques mois plus tôt du groupe avec un autre golden parachute de 4 millions d’euros, après y  avoir amassé une fortune de plusieurs dizaines de millions. Plus récemment, l’État n’a pas bronché à l’annonce de l’attribution d’un parachute doré de 2,8 millions d’euros et d’une retraite chapeau, accordés à Jean-Paul Herteman, PDG de Safran, alors qu’il avait mis son veto à ces dispositions en assemblée générale, avec le soutien de petits actionnaires.

Acceptant le principe de son illégitimité, mise en avant par le monde patronal, pour intervenir dans la conduite des affaires privées, le gouvernement a normalement l’arme de la fiscalité pour remédier aux abus, et reconstruire une égalité. Mais là aussi, il a décidé de renoncer. La tranche supérieure des impôts a été portée à 45%. Mais la vraie réforme fiscale, attendue de tous, pour rétablir une efficacité, une progressivité et une transparence de l’impôt n’a pas été entreprise, en dépit des déclarations de Jérôme Cahuzac, alors ministre du budget. L’annonce d’une taxation imbécile de 75% sur les salaires de plus d’un million d’euros est parvenue à servir de leurre à tout projet réel de réforme fiscale. Une réforme Canada dry comme l’avait anticipé Laurent Mauduit.

Une grossière erreur juridique – juste l’oubli de l’égalité devant l’impôt ! – a suffi pour enterrer le projet. Le gouvernement a réécrit un projet symbolique, aboutissant à imposer une taxe aux entreprises plutôt qu’aux dirigeants, pour les rémunérations supérieures à 1 million d’euros, pendant deux ans. Autant dire que la portée de cette mesure n’aura aucun effet d’incitation sur les dirigeants pour les amener à se modérer ou au moins donner le sentiment de participer à un effort collectif. D’autant que la taxe risque de disparaître dans les sables de la crise. Entre les optimisations fiscales et les déficits qui s’annoncent en raison de la récession, les groupes n’auront rien à payer.

Le pire est que le gouvernement ne tire aucun bénéfice de ces reculades devant le monde patronal. Les cris lancés sur l’assassinat de l’entreprise, sur la chasse aux riches, ont fait leur effet. La presse internationale ne cesse de revenir sur la fameuse taxe de 75% appliquée en France,  sur le mode du socialisme barbare, sans avoir pris note qu’elle a totalement disparu. En Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, chacun fait des gorges chaudes sur la fiscalité confiscatoire appliquée aux entreprises et aux entrepreneurs. Pourtant l’impôt sur les bénéfices est plus élevé aux Etats-Unis qu’en France.

Loin de démentir les faits, nos grands patrons en rajoutent, cultivant une critique systématique, sans nuance, un déclinisme qu’on ne retrouve dans aucun autre pays. À l’écart des estrades, ceux-ci pourtant ne peuvent que se féliciter de la marche des événements. Une partie du monde des affaires avait choisi se soutenir François Hollande, bien avant la chute de Dominique Strauss-Kahn au Sofitel de New York, comme candidat à la présidentielle. Ils ont eu raison. Eux, au moins, ne sont pas déçus.

 


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24 mai 2013 5 24 /05 /mai /2013 17:23

 

Marianne

 Moscovici, l’homme qui ne veut pas désespérer le Fouquet’s
 Vendredi 24 Mai 2013 à 14:00

 

Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre En savoir plus sur cet auteur

 

Le ministre de l’Economie a annoncé qu’il abandonnait son projet de loi sur l’encadrement des salaires des patrons du privé. La campagne du Medef a payé, les folies financières vont continuer.

 

Pierre Moscovici, actuel ministre de l'Economie et des Finances - Luigi Mistrulli/ Sipa Pre/SIPA
Pierre Moscovici, actuel ministre de l'Economie et des Finances - Luigi Mistrulli/ Sipa Pre/SIPA
Pierre Moscovici n’a pas de chance. Non seulement il porte à bout de bras l’affaire Cahuzac, non seulement il lui faut assumer une politique économique qui fabrique à la fois la récession et le chômage (ceci expliquant cela), mais en plus il doit assumer le virage qui a fait des grands patrons « ennemis » d’hier les amis d’aujourd’hui. On en aurait le tournis à moins. 

C’est donc désormais officiel : il n’y aura pas de loi sur l’encadrement des salaires des grands patrons. Celle-ci avait pourtant été promise dans le feu du scandale des rémunérations de nababs qui agrémente l’histoire du CAC 40.  

En juillet dernier, encore sur la lancée des premières mesures encourageantes prises au lendemain de l’élection de François Hollande (notamment dans le domaine fiscal), le gouvernement avait limité par décret les salaires des dirigeants d’entreprises publiques à 450.000€ par an.

Cela laisse des émoluments qui feraient rêver bien des citoyens ordinaires.  Mais un tel niveau de salaire est à des années lumières de ce qui se pratique dans ces lieux où l’on considère que le niveau du Smic met en péril l’économie nationale. Jusqu’à preuve du contraire, les personnes concernées n’ont pas fui la France, et elles n’ont pas  monnayé leurs talents à l’étranger, témoignant ainsi qu’il reste quelques esprits sereins et réalistes dans l’élite.

C’est plutôt rassurant.. Les dirigeants d’entreprises publiques ont continué à assumer leur responsabilité en prenant à leur compte une partie un effort de « rigueur » autrement douloureux pour d’autres, et voilà tout.

Certes, par définition, on ne peut pas appliquer la même logique aux entreprises privées. Mais la foire aux vanités financières étant ce qu’elle est, le gouvernement avait décidé d’encadrer les dispositifs de rémunération afin que le mot « justice », déjà bien galvaudé, puisse conserver un minimum de sens pour le plus grand nombre.

Le schéma envisagé restait modeste, loin des exigences d’un Mélenchon rêvant d’instituer un salaire maximum. Mais au yeux du patronat bling bling c’était encore trop. 

 

Carlos Ghosn, PDG de Renault Nissan - Hiroshi Adachi/AP/SIPA
Carlos Ghosn, PDG de Renault Nissan - Hiroshi Adachi/AP/SIPA
On n’en parlera plus. Le Medef a envoyé ses estafettes avant de taper du poing sur la table et d’expliquer que le principe même de la loi était contestable et inapplicable dès lors que l’on entrait dans le monde des affaires.

Christine Boutin aime à rappeler qu’à ses yeux « il y a une loi supérieure à la loi de la République », ce qui constitue une extrapolation pouvant justifier n’importe quel putsch. Eh bien, pour le patronat, la loi du marché est supérieure à celle de la République, et l’on doit en rester là.

Pierre Moscovici, nolens volens, a dû endosser un concept surréaliste apparu sous la présidence de Laurence Parisot, celui d’ « autorégulation ». Il faut laisser nos amis les grands patrons s’autoréguler à des niveaux de salaires qui feraient tourner la tête à n’importe quel chef d’entreprise petite ou même moyenne. Le Medef a même accouché d’un « code éthique » (sic) autant respecté que la vérité par Jérôme Cahuzac. Ledit code a été béni par Pierre Moscovici, à charge pour les PDG de s’en tenir à une décence qu’ils ont toujours violé.

Certes, les scandales de ces dernières années ont incité à une (très) légère retenue, d’autant que les syndicats de salariés et les assemblées d’actionnaires demandent des comptes à ceux qui ont l’habitude de n’en rendre qu’à leurs pairs.

Mais il eût été souhaitable, juste, et nécessaire, d’en passer par la loi afin de mettre un minimum d’ordre là où règne le désordre de la finance folle, et d’en finir avec des pratiques (stock options, dividendes, retraites chapeaux) qui sont un défi à la justice. Comment peut-on faire du « coût du travail » l’ennemi public numéro 1 quand le « coût du capital » est considéré comme intouchable ?

Malheureusement, on en restera aux vœux pieux et aux bonnes intentions. Ce n’est pas vraiment une surprise. Quand François Hollande choisit de rendre hommage à un Gerhard Schröder passé de l’hymne à l’austérité au conseil d’administration de Gazprom, où il est largement rétribué par Poutine, c’est un signe qui ne trompe pas. C’est la preuve que l’on a choisi de caresser dans le sens du poil la finance dénoncée sur les estrades de campagne électorale.

Maurice Lévy (Publicis), Carlos Ghosn (Renault-Nissan), Bernard Arnault (LVMH) Franck Riboud (Danone) et tous les prolétaires du CAC 40 pourront continuer à faire comme bon leur semble, en n’ayant de comptes à rendre qu’à leur conscience, laquelle n’est pas cotée en Bourse. Au mieux, ils verseront leur écot comme les bourgeoises d’antan donnaient la pièce aux pauvres, au sortir de la messe. 

Naguère, du temps où Renault était encore installé sur les rives de la Seine, la gauche disait qu’il ne fallait pas désespérer Billancourt. En préférant ne pas désespérer le Fouquet’s, le PS risque de perdre un peu plus de son crédit dans les couches populaires sans en gagner dans un grand patronat qui le considèrera toujours comme un intrus. C’est une forme de double peine.
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23 mai 2013 4 23 /05 /mai /2013 16:49

 

 

Médiapart

 

ArcelorMittal : la grande évasion fiscale (2/3)
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Lakshmi Mittal a pris tout le monde de court, lors de la présentation des résultats trimestriels d’ArcelorMittal le 10 mai. Personne ne s’attendait à voir le milliardaire, jusqu’alors chantre de la globalisation sans entrave, demander des mesures protectionnistes à l’Europe, avec des arguments et des accents pas très éloignés de son ennemi Arnaud Montebourg, qu’il avait traité, quelques mois auparavant, de diplodocus économique.

Après avoir présenté des résultats tout aussi alarmants qu’en 2012 (345 millions de dollars de perte au premier trimestre), le président d’ArcelorMittal s’est lancé dans un vibrant plaidoyer de la défense de l’industrie européenne. « Des tarifs croissants devraient être imposés sur les importations, ou une surtaxe devrait être instaurée sur l’acier arrivant en Europe de pays où les normes environnementales sont très faibles », a-t-il alors expliqué« Les dirigeants européens doivent sauver l’industrie européenne. Quelle que soit la façon dont vous l’appelez, ce que je veux, ce sont des actions pour sauver l’industrie domestique, y compris l’acier », a-t-il poursuivi, avant de regretter la politique d’austérité, sans projet d’investissement et de croissance, imposée à tous les pays européens. 

Pourtant, Lakshmi Mittal était jusqu’alors un farouche opposant à toute restriction à la circulation des biens et des services. Et pour cause : son groupe a été et est encore un des plus grands profiteurs du système, important massivement ses coils à chaud et ses billettes fabriqués à moindre coût dans ses hauts-fourneaux indonésiens et indiens pour les revendre transformés en Europe.

Mais les cinq années de crise finissent par bousculer les fermes convictions. Habituée aux crises spectaculaires, la sidérurgie européenne est à nouveau au bord de l’effondrement. Tandis que ses débouchés traditionnels, en particulier l’automobile, se tarissent, le secteur voit débouler sur ses marchés des tonnes d’acier bradées par les sidérurgistes chinois ou autres, en surcapacité. Les sidérurgistes du continent demandent à l’Europe d’adopter au moins le régime américain : depuis des décennies, les États-Unis jonglent avec des surtaxes pouvant aller parfois jusqu’à 200 % sur les aciers importés, dès que les difficultés se profilent, afin de protéger sa sidérurgie. Jusqu’à présent, l’Europe, au nom de la concurrence libre et non faussée, s’est toujours refusée à prendre la moindre mesure pour préserver la sienne.

Au-delà de ce revirement, le plus notable est l’attention soudaine portée par le président d’ArcelorMittal au continent européen. Jusqu’alors, Lakshmi Mittal se disait à la tête d’un groupe mondial, globalisé. L’Europe n’était vue que comme un morceau de l’empire, pas très important, en tout cas bien moins important que les pays émergents ou les États-Unis, où, selon la vulgate libérale, tout se passe. Pourquoi brusquement cette préoccupation européenne ? Pourquoi demander subitement le soutien des autorités européennes ? Parce qu’en dépit de toutes les affirmations, le cœur d’ArcelorMittal reste européen. Parce que l’Europe lui a donné beaucoup, et qu’il compte encore sur elle pour préserver sa fortune.


Site d'ArcelorMittal - à l'époque Ispat- au Kazakhstan 
Site d'ArcelorMittal - à l'époque Ispat- au Kazakhstan© dr

Jamais Lakshmi Mittal ne serait devenu milliardaire sans l’Europe. Au début des années 1990, les économies de l’Europe de l’Est sont en train de s’écrouler après la chute du Mur. L’époque, sous l'influence des thuriféraires de la stratégie du choc, est à la privatisation à tout va, on brade tout, en bloc et en détail. Lakshmi Mittal, qui vit déjà à Londres, est alors totalement inconnu. Avec le soutien de banques de la City, et déjà de Goldman Sachs, il se présente pour reprendre quelques morceaux de la sidérurgie des anciens pays de l’Est. Roumanie, Ukraine, Kazakhstan, Pologne, tout l’intéresse. Les grandes institutions, comme la Banque mondiale et la Berd, qui président à la « reconstruction » de l’Europe de l’Est, ne jurent plus que par lui. Elles obligent même certains gouvernements, comme celui de Prague, à réécrire les lois de privatisation afin qu'elles puissent mettre la main sur certaines installations sidérurgiques tchèques. Elles ferment les yeux aussi sur les accusations de corruption auprès de certains dirigeants, comme au Kazakhstan.

 

Zéro impôt

Lakshmi Mittal a alors chéquier ouvert auprès des banques, des institutions internationales. L’Europe lui accorde des millions de crédits pour l’aider dans son entreprise de restructuration de la sidérurgie de l’Est. De l’Est, il passe à l’Ouest en reprenant des sites jugés condamnés par les groupes sidérurgiques européens, comme celui de Gandrange. Là encore, Bruxelles applaudit et accorde toutes les facilités à ce groupe désormais européen : le siège du groupe est enregistré aux Pays-Bas pour les facilités juridiques mais contrôlé par une structure basée dans le discret paradis fiscal des Antilles néerlandaises.

Poursuivant sa stratégie de conquête, Mittal reprend l’ex-groupe Bethleem aux États-Unis. Mais il est bientôt étranglé par les dettes. Avec Goldman Sachs, il monte alors l’OPA hostile contre Arcelor, afin de se sauver (voir l’échec du modèle Goldman Sachs). La France, qui, après avoir dépensé plus de 100 milliards de francs pour sauver sa sidérurgie, a renoncé à toute participation dans le groupe, regarde passer les trains. Le Luxembourg, toujours actionnaire lui, négocie la prise de contrôle de Mittal. En contrepartie de son accord pour l’opération, il exige et obtient que le siège du groupe reste basé au Luxembourg. Grâce à sa fiscalité très compréhensive, il espère capter tous les flux financiers du groupe en Europe voire dans le monde. Mauvais calcul.

 

Les impôts d'ArcelorMittal 
Les impôts d'ArcelorMittal© rapport annuel du groupe

Car, en retour, Lakshmi Mittal n’a rien donné à l’Europe. Depuis 2008, ArcelorMittal n’y paie pratiquement plus d’impôt. En 2010, alors qu’il affiche un bénéfice de 2,9 milliards de dollars, il n’acquitte que 817 millions de dollars d’impôt en Belgique (chiffre contesté par la presse belge qui affirme que le groupe n’acquitte plus d’impôt depuis 2008) et 52 millions en France. Dans tous les autres pays européens, Allemagne, Espagne, Luxembourg, il bénéficie au contraire de crédits d’impôts dont les montants sont parfois astronomiques.

Au Luxembourg, cette année-là, son crédit d’impôt s’élève à 2,2 milliards de dollars. En 2012, le groupe ne paie plus aucun impôt en Europe de l’Ouest. Il affiche une position créancière de 2,1 milliards de dollars au total à l’égard du Luxembourg, de la France, de l’Allemagne, de l’Espagne et de la Belgique. En Europe de l’Est, il n’a payé des impôts sur les bénéfices qu’en Russie, au Kazakhstan et en Tchéquie, pour un total de 49 millions de dollars. Dans tous les autres pays européens, il est en position créancière. Pour l’ensemble du groupe, ArcelorMittal revendique une position créancière d’impôt de 2,2 milliards de dollars.

Comment est-ce possible ? Bien sûr, il y a la crise qui met à mal toute l’activité. Le groupe a passé 4,3 milliards de dollars de dépréciations sur tous ses actifs européens en 2012, conformément aux normes comptables IFRS. Il bénéficie encore des reports déficitaires accumulés tout au long de la lourde restructuration de la sidérurgie européenne. Mais cela n’explique pas tout. À en croire les comptes du groupe, même au sommet de la bulle de l’acier en 2008, l’Europe ne gagne jamais d’argent, alors qu’Arcelor, avant la fusion, était considéré comme le premier groupe sidérurgique mondial, positionné sur les segments extrêmement porteurs d’acier à très haute valeur ajoutée, avec une recherche très élevée, et affichait en 2006, année encore difficile pour l’acier, plus de 2 milliards d’euros de bénéfices.

 

Opacité et secret

Pour comprendre ce mystère, il faut plonger dans les arcanes d’ArcelorMittal, tel que le groupe a été organisé depuis la fusion.

Dans le bruit de la bataille boursière autour de 2006, les propos de Lakshmi Mittal passèrent inaperçus. Les détails qu’il donna alors étaient pourtant essentiels. Ils dessinaient une organisation, reposant sur l’opacité et le secret.

 

 

L’actionnaire de Mittal annonça alors qu’après la fusion, le groupe serait totalement réorganisé. Il ne fonctionnerait plus en business units (branches d’activités) et centres géographiques mais comme un groupe intégré verticalement, de la mine à la transformation de l’acier en passant par la vente. Ainsi, expliqua-t-il, le groupe bénéficierait de ses immenses capacités, jonglant entre ses différents métiers et ses différentes installations, en fonction des opportunités du marché. Tous les sites allaient  ainsi entrer dans un vaste fourre-tout, rendant impossible de les discerner les uns par rapport aux autres. L’opacité s’installait.

La deuxième décision annoncée était que son fils, Aditya Mittal, prendrait la direction financière du groupe et celle des aciers plats en Europe. Il a été rejoint par une poignée de dirigeants indiens pour conduire le groupe. Ce tout petit comité est le seul à avoir la totalité des chiffres du groupe, à connaître sa réalité économique, à organiser les transferts de production d’un bout à l’autre du monde. Les secrets sont désormais bien gardés.

Du jour au lendemain, les salariés d’ArcelorMittal ont compris le changement d’esprit du groupe. Alors que les directions précédentes, marquées par le bain de sang des restructurations, avaient institué la transparence et mis en place des flots d’informations auprès des salariés pour les associer à la reconstruction du groupe, les prévenir des dérapages, leur permettre d’appréhender l’avenir, brusquement, le silence s’est abattu.

À l’exception des critères de santé et de sécurité, tous les autres indicateurs ont disparu. Les salariés ne sont plus informés de rien, étant priés de s’en remettre à la sagesse de leur direction générale. Plus aucun site ne connaît désormais ses performances, son niveau de production, ses coûts, ses prix de vente, ses clients. La comptabilité analytique, outil précieux dans la gestion industrielle, semble avoir disparu.

Le groupe centralise tout. L’intégration verticale est poussée à son maximum. Le charbon et le minerai de fer sont fournis en partie (60 % pour le charbon, 15 % pour le minerai de fer) par les mines, qui appartiennent parfois totalement au groupe, parfois en partie, la famille Mittal ayant des participations dans certains gisements. Le transport est assuré aussi en partie par la flotte du groupe, ArcelorMittal ayant sa propre compagnie maritime basée à Londres. Et ainsi de suite.

« L'intégration verticale n'a aucun impact sur les comptes établis selon les normes IFRS, ni d’ailleurs sur les comptes établis selon les normes françaises et autres exigences de conformité prévues par la loi », assure le groupe dans sa réponse à nos questions. Néanmoins, c’est le groupe qui détermine à quel prix sont fournis ces approvisionnements et ces services, déterminants dans les coûts de production. Sur quelles bases ? Dans son rapport annuel, ArcelorMittal indique juste que les approvisionnements en charbon et en minerai de fer sont comptabilisés en fonction des cours mondiaux. Est-ce le prix véritable ? Y a-t-il des aménagements dans un sens ou dans l’autre ? Mystère.

Le groupe se garde de livrer la moindre information sur ces sujets. Si la référence aux cours mondiaux est la bonne, la question de l’intérêt de l’intégration verticale se pose. Celle-ci est censée normalement assurer d’un bout à l’autre de la chaîne une certaine sécurité, de compenser les à-coups de la conjoncture, qui peuvent frapper tour à tour l’amont (les mines) et l’aval (l’acier). À quoi sert-elle si elle n’apporte aucun des bénéfices attendus et laisse le groupe ballotté au gré des marchés ? 

 

 

Bon ou mauvais élève

 

Site de Seraing, près de Liège 
Site de Seraing, près de Liège© Reuters

Traumatisés par la fermeture des hauts-fourneaux de Liège, puis de la phase à chaud et de sept lignes à froid du site liégeois, les syndicats belges, appuyés par le gouvernement wallon, essayent depuis le début de l’année de mettre à plat l’économie du site, en vue de trouver un éventuel repreneur. Ils n’y sont que partiellement parvenus. ArcelorMittal ne leur a fourni que des données parcellaires. Il a été incapable – ou n’a pas voulu ? – leur donner par exemple les informations relatives aux flux de matières entre les sites.

Pour le professeur Van Caillie, cité par la Libre Belgique (lire article ici), cette rétention d’informations s’explique par une volonté délibérée de manipulation. « L’entreprise Mittal ne va pas bien et la manipulation de données est ici utilisée comme une arme », déclare ce professeur de stratégie industrielle à HEC Liège. Il parle d’un groupe « quasiment incapable d’avoir une vue objective de sa réalité économique. Il s’est constitué très rapidement par fusions et rachats d’entreprises qui avaient des systèmes comptables très différents que Mittal a conservés. Ce serait d’ailleurs cela sa grosse faiblesse qui empêche le groupe de faire face à la crise. Même s’ils le voulaient, ils seraient incapables de fournir des chiffres plus précis. Les données sont manipulées et elles peuvent alors faire apparaître n’importe quel site comme bon ou mauvais élève ».

La même expérience a eu lieu à Florange. Là encore, le groupe n’a pas été en mesure de fournir des chiffres fiables aux syndicats et aux pouvoirs publics. ArcelorMittal a beaucoup parlé de coûts de réfection des hauts-fourneaux, des surcapacités en Europe mais il n’a jamais dit quelle était la réalité économique de Florange. Auditionné par une commission parlementaire, Lakshmi Mittal a évoqué aussi des charges sociales exorbitantes mais là encore n’a pas donné de chiffres. De même, le groupe ne nous a pas indiqué les principales réalisations liées aux 2 milliards d’euros d’investissements faits en France, évoqués par le président d’ArcelorMittal lors de son audition devant la commission parlementaire. La seule trace retrouvée des dépenses en France est la réfection de hauts-fourneaux à Fos et à Dunkerque.

Plongés dans l’opacité la plus totale, les salariés européens du groupe vivent sous tension. Ils n’ont aucun élément leur permettant de savoir si leur site est compétitif ou non, si des efforts doivent être réalisés et où. Ils vivent dans une incertitude déstabilisante, le groupe pouvant annoncer du jour au lendemain la condamnation de l’un ou l’autre, sans que nul puisse contester son avis.

Car dans la logique d’ArcelorMittal, les sites de production ne sont que des centres de coûts, déterminés de façon discrétionnaire au sommet, mais rarement de profits. Les crédits d’impôt, les aides à la recherche, les différentes subventions, ne sont jamais comptabilisés. De même, les sites ne se voient jamais attribuer les recettes au prorata liées aux quotas de CO2, comme l’ont découvert les syndicats de Florange.

Selon une note du ministère du développement durable datant de février 2010, le site de Florange, « ayant annoncé la prolongation de son activité au moins jusqu’en 2012 », s’est vu attribuer 800 000 tonnes de CO2 par an supplémentaires. À l'époque, le prix de la tonne de carbone avoisine les 13 euros sur le marché, ce qui chiffre le cadeau à plus de dix millions d'euros. Alors que la procédure d'arrêt des hauts-fourneaux a été entamée en avril 2011, ArcelorMittal a profité pendant un an et demi d'une dotation annuelle de 4,8 millions de tonnes de carbone pour un site qui n'en produit quasiment plus. Selon les données du cabinet Carbon Market Data, qui s'appuie sur les chiffres de la Commission européenne, le groupe a capitalisé entre 2011 et 2012 près de sept tonnes de crédits carbone pour le seul site de Florange. Ramené au cours moyen du carbone ces deux années, cela représenterait plus de 64 millions d'euros.

Mais tout cela n’apparaît jamais dans les comptes du site, ou même les comptes français du groupe. Toutes les transactions sur les crédits carbone sont centralisées au niveau de la holding luxembourgeoise mais jamais réattribuées. En 2012, le groupe ArcelorMittal a vendu pour 21,8 millions de tonnes de certificats de CO2, ce qui lui a rapporté 220 millions de dollars. Aujourd’hui, cette manne, qui a beaucoup profité au groupe ces dernières années, s’est tarie : les crédits carbone se négocient à moins de 5 euros la tonne. ArcelorMittal a annoncé qu’il conserverait à l’avenir ses crédits accordés par l’Europe. Jusqu’à ce que les cours se redressent, peut-être ?

Mais le plus troublant semble être les pratiques commerciales du groupe. Une partie des ventes est centralisée, et comptabilisée au niveau de la holding. Le système des prix de transferts joue à plein. Mais, selon nos informations, le groupe a perfectionné encore le système instauré par toutes les multinationales. Un détail attire l’attention. Dans son rapport annuel, le groupe prend soin de distinguer, après sa marge brute, une ligne pour frais commerciaux, charges de holding et services partagés. Les montants affichés sont impressionnants : selon les années, ils varient entre 3 et 5 milliards de dollars. Selon René Ricol, cela ne correspond à rien dans les normes comptables IFRS. « S'il y a des frais de commercialisation, ils sont normalement comptabilisés dans les coûts normaux d'exploitation », dit-il. Alors à quoi correspondent ces charges ? À notre question sur la signification de ces frais et la nécessité de les comptabiliser à part, le groupe n’a pas répondu.

Dans ses comptes déposés auprès de la SEC aux États-Unis, le groupe indique que les coûts de holding et des services partagés s’élevaient à 265 millions de dollars en 2011, et 158 millions en 2012. Qu’advient-il des quelque 3 milliards de frais de vente restants ? À quoi correspondent des charges aussi élevées ? Qui en bénéficie ? La plus complète obscurité règne.

Selon nos informations, ArcelorMittal aurait mis en place un système de prélèvement pour frais de commercialisation auprès de chacune de ses filiales et chacun de ses sites. D’après un bon connaisseur du dossier, le montant se serait élevé à 14 euros par tonne vendue en 2008-2009. Le mécanisme semble incroyable. Comment un groupe peut-il prélever un pourcentage sur chaque tonne vendue ? Et qui en profite ?

Ce dispositif a été mis au jour au moins une fois. Une dépêche de Reuters a évoqué en 2007 un différend entre le groupe et l’administration fiscale du Kazakhstan, pays pourtant très compréhensif à l’égard de Lakshmi Mittal. Celle-ci reprochait au groupe d’avoir utilisé ce système dans ses mines de charbon pour pratiquer l’évasion fiscale et ne payer aucun impôt dans le pays. Un audit sur Mittal Steel Temirtau révélait que la société réalisait l’essentiel de ses exportations au travers d’une filiale à l’étranger, qui utilisait des prix fixés à l’avance, sans référence avec les cours mondiaux. Après quelques discussions, un accord a été trouvé entre le gouvernement kazakh et Mittal.

Interrogé sur l’existence ou non de ce système de prélèvement commercial et sur son éventuel maintien, le groupe n’a pas répondu à nos questions. Si un tel mécanisme a été instauré, il est facile de comprendre pourquoi les sites européens ne paient jamais d’impôt : toute une partie de la marge opérationnelle peut être transférée et s’évaporer dans la nature. Pour aller où ?   

 

Le miracle des intérêts notionnels

 

 
© Reuters

Le Luxembourg pensait être le grand gagnant de ces jeux sur les prix de transferts et optimisation fiscale au sein de l’Europe et dans le monde. Mais il a trouvé face à lui un champion de l’évasion fiscale. Considérant que le Luxembourg n’est pas un site de production, comme il le dit dans ses rapports, toutes les transactions commerciales enregistrées au Grand-Duché sont considérées comme des produits d’exportation. Le groupe n’acquitte ainsi pas la TVA et autres charges, le Luxembourg étant considéré comme une plaque tournante commerciale dans l’organisation du groupe.

De même, la consolidation des pertes au niveau de la holding aboutit à ce que le groupe ne paie pas d’impôt sur les sociétés. Le Grand-Duché perçoit tout juste une taxe de 15 % sur les dividendes versés. « On comprend pourquoi le Luxembourg a accepté de se joindre aux autres pays européens pour réfléchir sur l’avenir de la sidérurgie européenne et d’ArcelorMittal. Il pensait être le bénéficiaire du système Mittal. Finalement, il est aussi perdant que les autres », pointe un connaisseur du dossier. (Voir ArcelorMittal, la commission européenne se réveille.)

De fait, le Grand-Duché n’a rien gagné. Il n’a même pas bénéficié des flux financiers espérés. Mettant à profit la concurrence fiscale entre les États européens, Mittal a préféré installer un de ses centres financiers en Belgique, sous le nom d'ArcelorMittal finance and services Belgium. Dans la folie créatrice fiscale, le gouvernement belge a inventé un système unique au monde : les intérêts notionnels. Visant officiellement à rétablir une « injustice » par rapport aux entreprises qui empruntent et peuvent déduire leurs charges financières, le dispositif imaginé permet à une société de déduire de ses impôts 3 % du montant des fonds propres ou de la trésorerie dont elle dispose.

ArcelorMittal a vite compris l’intérêt de ce système unique au monde. Le groupe a placé l’essentiel de la trésorerie générée en Belgique. Cette dernière s’est élevée jusqu’à 46 milliards d’euros. En 2009, il a été, selon la presse belge, le premier bénéficiaire du mécanisme, qui lui a permis de déduire 1,28 milliard d’euros d’intérêts notionnels. Conséquence : il n’a été redevable que de 496 euros d'impôts. Comme il a pu déduire une régularisation fiscale antérieure, il n’a pas payé d’impôt du tout.

En 2011, le groupe a déduit à nouveau 1,5 milliard d’euros d’intérêts notionnels, ce qui lui a permis à nouveau d’éviter l’impôt. Selon une étude de PTB, la banque du groupe a réalisé entre 2008 et 2011 5,8 milliards de profits. Sur la même période, elle a déduit 5,6 milliards d’intérêts notionnels. Le groupe n’a finalement payé des impôts qu’une seule année, en 2008, le temps de mettre en place le système. Et pour un montant dérisoire : 81 millions d’euros. Ce qui représente un taux d’imposition de 1,4 % sur quatre ans.

Face à la contestation de l’opinion publique belge, ne comprenant pas ces cadeaux faits aux grands groupes, le gouvernement belge a annoncé son intention de revoir la fiscalité sur les intérêts notionnels. Sans perdre de temps, ArcelorMittal a décidé de prendre les devants. En octobre 2012, le groupe a réduit sa position financière pour la ramener de 38,7 milliards d’euros à un milliard. Les 37 milliards restants ont été reversés au siège de la holding. Officiellement, ils sont au Luxembourg. Officiellement.

 

Troisième volet : Dans les sables de Dubaï.

 


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