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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 17:44

 

 

Mediapart - blog

Il n’est point besoin d’études scientifiques approfondies pour se convaincre des effets pervers de la financiarisation démesurée de nos économies qui a accompagné la mondialisation néolibérale à partir du début des années 80. Le constat récurrent de l’éclatement de bulles de crédits et de celles du prix des actifs qu’elles nourrissent, avec des ondes de choc de plus en plus violentes pour l’économie mondiale, comme en témoignent celles de la crise financière des subprimes de 2008, se suffirait presque à lui-même. Pour autant, il demeure utile d’essayer de quantifier des seuils critiques de cette financiarisation, sachant qu’au-delà de ces niveaux, la finance, au lieu de servir l’économie réelle comme elle doit et peut le faire (mise en relation efficace des agents à besoin de financement avec ceux à capacité de financement, et saine gestion des risques par une distribution adaptée du crédit stimulant à la fois investissement, créations d’entreprise et innovation), se retourne finalement contre elle. C’est précisément le but d’une étude économétrique fort intéressante menée récemment, en juillet 2012, par deux économistes de la Banque des règlements internationaux (BRI), Stephen G. Cecchetti et Enisse Kharroubi (1).

Deux seuils critiques ont ainsi été mis en évidence de façon significative d’un point de vue statistique, si l’on en juge par la robustesse des équations obtenues sur un échantillon de 21 pays de l’OCDE pour la période 1980-2009. Lorsque le montant des crédits dépasse la valeur du PIB (i.e. un ratio des crédits rapportés au PIB supérieur à 100 %) ou si la part de l’emploi dans le secteur financier dépasse les 4 % de l’emploi total, alors on peut parler d’hypertrophie de la finance. Les gains de productivité du travail par tête seraient dès lors affectés négativement par de multiples canaux, en particulier par le détournement d’un capital humain qualifié vers les « métiers » de la finance attiré par l’explosion des rémunérations dans ce secteur durant les trois dernières décennies, et cela au détriment des autres secteurs d‘activités de l‘économie réelle, impactant du même coup la dynamique générale de l‘innovation autre que financière (2). Concernant le premier indicateur, il est à noter que les économistes du Fonds monétaire international parviennent à la même conclusion avec un intervalle critique allant de 80 % à 100 %. En ce qui concerne le second indicateur, le graphique ci-joint, repris de l’étude, montre la relation croissante puis décroissante entre part de l’emploi dans la finance (en abscisses) et rythme des gains de productivité (en ordonnées), avec un point de retournement situé à 4 % pour le poids du secteur financier dans l’emploi total (la courbe en rouge donne l’ajustement économétrique).

 


Comme le notent les experts de la BRI, l’expansion hypertrophique de la finance, ainsi mesurée, a eu un coût non négligeable, notamment pour des économies comme l’Irlande ou l’Espagne ayant connu une croissance économique forte avant la crise, mais essentiellement portée par la bulle du crédit immobilier dont on sait ce qu‘il en est advenu. Ainsi, sur la période 2005-2010, l’étude montre que si le poids du secteur financier n’avait pas poursuivi sa hausse mais était resté stable dans ces deux pays, la productivité du travail aurait alors beaucoup moins baissé, avec un différentiel (par rapport au scénario de la stabilité) de 0,6 point de pourcentage pour l’Espagne et de 1,4 point pour l’Irlande.        

Bien au-delà des résultats de cette étude, s’il est utile de rappeler qu’un système bancaire et financier efficace et régulé par les pouvoirs publics est indispensable au bon fonctionnement de l’économie réelle, alors force est de constater que le triomphe du capitalisme financier depuis le début des années 80 l’a détourné de son cœur de métier, pour servir en premier lieu les intérêts d’une oligarchie bien éloignés de l‘intérêt général, avec en sus les graves risques systémiques pour l‘économie mondiale que laisse encourir une finance dérégulée ayant pris le pouvoir sur……….le politique (3).


_____________________

(1) Pour accéder à cette étude, activez le lien suivant :  http://www.bis.org/publ/work381.pdf
(2) Consulter sur le sujet les travaux de référence de Thomas Philippon et Ariell Reshef :  http://pages.stern.nyu.edu/~tphilipp/papers/pr_rev15.pdf
(3) Lire le brillant article Le pouvoir de Wall Street d’Adrien Auclert : http://www.laviedesidees.fr/Le-pouvoir-de-Wall-Street.html

 

 

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 21:34

 

 

l'humanite.fr

Social-Eco - le 14 Juin 2013

 


«Un grand service public de santé et un financement de la protection sociale de haut niveau». Telle est la revendication phare de la manifestation nationale pour la santé, ce samedi à Paris à 13 h 30, place de la Bastille, à l’appel de la CGT et plusieurs organisations.

Avec les dépassements d’honoraires, les franchises ou encore les déremboursements de médicaments, se soigner coûte aujourd’hui de plus en plus cher. Mais l’accès aux soins est aussi de plus en plus difficile en raison des déserts médicaux, des restructurations et des fermetures de services et d’hôpitaux. Du coup, de plus en plus de patients renoncent aux soins quand les personnels, eux, voient leurs conditions de travail se dégrader. Petit tour d’horizon non exhaustif des dysfonctionnements qui gangrènent le système de santé.

Trop chers dépassements d’honoraires

Depuis 1980, les dépassements d’honoraires ont explosé et sont devenus un frein à l’accès aux soins. Dans certaines spécialités, il n’y a plus d’autres alternatives que celle du privé. Retraité des PTT, Joël Yan peut en témoigner. En 2009, cet habitant de Pau (Pyrénées-Atlantiques) doit se faire opérer de la prostate. Comme il n’y a plus de service d’urologie à l’hôpital, il est orienté dans une clinique privée où, pour une opération facturée 961,27 euros à la Sécurité sociale, le chirurgien demande 769 euros de dépassements d’honoraires. « J’ai refusé. Comment voulez-vous que je paye une telle somme avec une retraite de 1 100 euros ? », rapporte le retraité, militant CGT. Après négociations, Joël Yan parvient à faire baisser les dépassements d’honoraires (plus que 219 euros) et à les faire prendre en charge par sa mutuelle. Mais, « la facture finale est bizarrement plus élevée pour la Sécu (1 065 euros) ». Réalisant que cette pratique touche des milliers d’habitants de Pau, Joël Yan lance avec la CGT une campagne de dénonciation. Face à la fronde, l’hôpital a décidé de rouvrir une consultation d’urologie depuis le 27 avril dernier avec les chirurgiens de la clinique privée qui s’engagent à ne pas y pratiquer de dépassements. Une victoire en demi-teinte pour le militant qui se bat pour un « vrai » service d’urologie public…

L’austérité tue les hôpitaux

Depuis plusieurs années, l’activité hospitalière augmente de 5 % par an quand les taux d’augmentation des budgets n’évoluent que de 2 à 2,5 %. Une évolution qui a provoqué un endettement massif, nécessitant des plans d’économie drastiques. La tarification à l’activité (T2A) a mortellement participé à cet état de fait. Parmi les effets négatifs, ont ainsi été pointées une augmentation de la productivité hospitalière et une diminution du nombre de personnels et de lits. « À Ivry, l’hôpital Charles-Foix a perdu 350 lits ces dernières années et une cinquantaine devraient encore fermer », corrobore Françoise Nay, présidente de la Coordination nationale des comités de défense des hôpitaux de proximité. « La T2A est structurellement déficitaire », explique Christophe Prudhomme, de la CGT santé, prenant l’exemple des maternités des Bluets et des Lilas. Ces deux établissements sont étranglés financièrement du fait que les tarifs actuels ne rémunèrent que l’acte technique de l’accouchement et non l’ensemble de la prise en charge. Cette situation avait été reconnue par le candidat Hollande, avec une promesse de révision de ce mode de financement… Toujours en attente.

Les inégalités sociales de santé criantes

 

 

« Les refus de soins que rencontrent les bénéficiaires de la CMU ou de l’AME, les dépassements d’honoraires et les personnes qui n’ont pas de couverture complémentaire participent au renoncement aux soins. Je le constate tous les jours », racontait la semaine dernière Mady Denantes, médecin généraliste à Paris, lors d’un colloque sur les inégalités sociales de santé organisé par le syndicat MG France. Et de citer le cas de M. Raymond, diabétique. La praticienne lui a prescrit une échographie de la vessie car elle soupçonne un cancer, mais faute de pouvoir payer le reste à charge, il ne l’a pas faite. « Récemment, j’ai eu le même problème avec Mme C. qui n’a jamais envoyé son frottis au laboratoire car elle ne pouvait pas payer les 20,10 euros demandés. » « Je suis énervée de ne pas pouvoir faire mon travail, soigner les gens. On ne devrait pas être confronté à de telles situations », déplore le médecin. Le renoncement et le report de soins ne cessent de prendre de l’ampleur : d’après une enquête publiée en octobre dernier, 20 % des Français déclarent avoir renoncé ou retardé des soins plus souvent que par le passé ces deux dernières années.

Le gouvernement fait la part belle au privé lucratif

Le cas de l’hôpital de Mantes-la-Jolie est emblématique de la volonté de privatiser le système de santé. En 2010, sous couvert d’un quota d’interventions non atteint, la cardiologie interventionnelle, service flambant neuf rénové pour la bagatelle d’1,2 million d’euros, est fermée. Depuis, c’est toute la cardiologie qui se retrouve en difficulté, y compris les urgences cardiologiques. Mais le malheur des uns fait le bonheur des autres : c’est Fineve, un groupe de santé privé dirigé par un conseiller municipal (UMP) de Mantes-la-Jolie, qui a récupéré les parts de marché. Autre exemple : les partenariats public-privé (PPP). Avant, il suffisait de faire un emprunt pour construire un hôpital. Aujourd’hui, les hôpitaux paient plus cher pour être locataires. Du coup, pour que l’hôpital puisse survivre, il faut réduire les frais de fonctionnement, et donc les effectifs, car le loyer est LA priorité. Les critiques envers ce système se multiplient, en vain… En avril dernier, c’est la chambre régionale des comptes d’Alsace qui pointait les dérives de deux PPP mis en place pour construire l’école de soins infirmiers et un bâtiment destiné à accueillir deux unités d’hospitalisation de psychiatrie. Entre le coût prévisionnel et le coût final, la Cour des comptes a estimé une hausse significative du coût de 57,9 % pour l’école d’infirmières et de 71,3 % pour les deux unités de soins. « Nous demandons que l’État dénonce ces contrats et s’engage à les racheter. Ces baux sont des gouffres financiers pour les hôpitaux qui rembourseront au final jusqu’à 10 fois l’investissement initial », insiste Nathalie Gamiochipi, secrétaire générale de la CGT santé.

Menaces sur la proximité
Qu’ont en commun les villes de Figeac, Ambert, Vire, 
Marie-Galante ? Toutes ont vu un ou plusieurs services de leurs hôpitaux locaux fermer, malgré la mobilisation des habitants 
et parfois même une décision de justice ordonnant le maintien 
de l’activité. Un fléau qui touche aussi bien les campagnes que les villes. Malgré le changement de majorité politique, les services des hôpitaux de proximité continuent de fermer. à ce jour, ce sont les hôpitaux de Briançon et de Moutiers, sans oublier l’Hôtel-Dieu à Paris, qui vivent sous le coup d’une épée de Damoclès.

Alexandra Chaignon

 

 

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 18:19

 

Source : Blogapares.com

 

 

La répartition des richesses dans le monde: à peine croyable

juin 12th, 2013

 

F201211261706151846853791 La répartition des richesses dans le monde: à peine croyableL’Observatoire des inégalités vient de publier les données Crédit Suisse issues de son rapport Global Wealth Databook 2012 (en anglais). Les chiffres sont toujours édifiants et révoltants. La richesse collectivement crée est accaparée par une minorité aux commandes en vertu de son droit de propriété sur les outils de production et/ou sur la possession de la Terre.

Il est certain que le droit de propriété est fondamental et fondateur mais poussé à ces extrémités, il n’est que prétexte  à l’esclavagisme et à la pauvreté. Étonnant tout de même que le 26 août 1789, les auteurs de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen aient affirmé dans l’article 2 que la propriété est un des droits fondamentaux de l’Homme alors qu’à l’époque 99,… des Français n’étaient propriétaires de rien.

Sans doute parce que ce qui arrive aujourd’hui était déjà prévu.

 

Alors les chiffres, les voici:

- Le patrimoine mondial total détenu par les habitants de la planète est estimé à 223 000 milliards de dollars en 2012, soit une moyenne de 49 000 dollars par individu

- 82,4 % de ce patrimoine est détenu par seulement 8,1 % de la population dont le niveau de fortune est supérieur à 100 000 dollars

Les 1 % les plus fortunés contrôleraient pas moins de 46 % du total.

- Ceux dont la valeur de leur patrimoine est inférieure à 10 000 dollars (69,3 % de la population mondiale) disposent de seulement 3,3 % de l’ensemble.

Répartition richesses La répartition des richesses dans le monde: à peine croyable

0,6 % de la population qui détient plus de 39 % du patrimoine mondial – soit 29 millions d’adultes, dont 25,6 millions ont un patrimoine compris entre 1 et 50 millions de dollars et 84 500 personnes dont la fortune est supérieure à 50 millions de dollars

les 50 % des individus les moins fortunés détiennent à peine 1 % du patrimoine mondial

 près de la moitié des habitants de la planète ne possèdent tout simplement quasiment rien, ou des biens de valeur monétaire presque nulle : un habitat de fortune, quelques têtes de bétail, une voiture ancienne…

Répartition richesse mondiale La répartition des richesses dans le monde: à peine croyable

Le patrimoine mondial est inégalement réparti selon les régions. L’Amérique du Nord et l’Europe (1,3 milliard d’habitants) détiennent ensemble 62 % du patrimoine monétaire mondial (31 % pour chacun). Les populations d’Asie-Pacifique (1,4 milliard d’habitants), sans l’Inde et la Chine, en possèdent 23 %. La population chinoise (1,3 milliard d’habitants) détient 9 % de ce patrimoine, tandis que l’Inde (1,2 milliard d’habitants) en possède 1,4 %. L’Afrique (1 milliard d’habitants) ne dispose que de 1 % de la richesse mondiale.

richesse par adulte2 La répartition des richesses dans le monde: à peine croyable

La fortune médiane [1] par adulte s’élève à 42 200 dollars en Amérique du Nord, 12 700 dollars en Europe, 2 980 dollars en Asie-Pacifique et 288 dollars en Afrique. Un écart de 1 à 150 entre le haut et le bas de l’échelle. La répartition par pays [2] est aussi très significative. Parmi les vingt pays les plus fortunés, la richesse médiane va de 7 536 dollars par habitant en Chine à 193 653 dollars en Australie. La France est au 7e rang de ce classement avec 81 274 dollars. Si l’on considère les vingt pays les moins fortunés, cette richesse est comprise entre moins de 150 dollars en République démocratique du Congo dont la population est égale à celle de la France, à 883 dollars au Bangladesh (150,4 millions d’habitants).

 

Dans le même ordre d’idées, The Economic Collapse vient également de publier d’autres chiffres sur la répartition des richesses et la pauvreté dans le Monde et aux Etats-Unis tout aussi édifiants qu’il est intéressant de connaître également.

-Selon un rapport qui a été publié l’été dernier, l’élite mondiale a jusqu’à 32 milliards de dollars planqués dans des banques offshore autour de la planète.

-Il est estimé que l’ensemble du continent africain possède seulement environ 1 pour cent de la richesse totale du monde.

-Environ 1 milliard de personnes à travers le monde vont au lit le ventre vide chaque soir.

- Plus de 3 milliards de personnes vivent avec moins de 2 dollar par jour .

Les statistiques qui concernent les enfants sont particulièrement insupportables:

- sur  2,2 milliards d’enfants dans le monde, 1 milliard d’entre eux vivent dans la pauvreté.

- En une seule journée, plus de 26.000 enfants de moins de cinq ans meurent toutes les trois secondes à cause de lapauvreté. En un an, cela équivaut à plus de 10 millions d’enfants

- Un enfant sur 12 meurt avant de célébrer son cinquième anniversaire

- Environ 27-28 % des enfants des pays en développement sont en  insuffisance pondérale ou en retard de croissance.

- Actuellement, 75 millions d’enfants ne peuvent pas aller à l’école, près de 50% d’entre eux se trouvent en Afrique.

- Pour les 1,9 milliards d’enfants du Monde en développement:

  • 640 millions de sans abri adéquat (1 sur 3)
  • 400 millions n’ont pas accès à l’eau potable (1 sur 5)
  • 270 millions n’ont pas accès aux services de santé (1 sur 7)

En ce qui concerne les Etats-Unis, détenteurs du prestigieux titre de « première puissance mondiale » dont l’économie repart paraît-il, il y a de quoi tomber par terre.

- Les 1 % les plus riches des Américains possèdent maintenant plus d’un tiers de toute la richesse aux États-Unis.

-Ils  possèdent un patrimoine supérieur à la partie inférieure de 90 % de la population .

-Selon Forbes, les 400 Américains les plus riches ont plus de richesses que les 150 millions d’Américains réunis .

-Les six héritiers de Wal-Mart fondateur Sam Walton ont autant de richesses que le tiers inférieur de tous les Américains combiné.

-En moyenne, les 7% des ménages au top du classement ont 24 fois plus de richesses que les autres 93%.

-Entre 2009 et 2011, la richesse des 93 pour cent inférieurs des Américains a diminué de 4 pour cent , tandis que la richesse des 7 % des Américains les plus riches a augmenté de 28 pour cent .

-Les 50% des Américains les plus pauvres possèdent collectivement  seulement 2,5% de toute la richesse des États-Unis.

-Les 0,01% des Américains les plus riches font une moyenne de 27.342.212 $. 90% des plus pauvres font une moyenne de 31 244 $ .

Mais dans quel Monde vivons nous? Mais dans le nôtre, monsieur dame. Et ce n’est pas fini. Il est prévu que le nombre de super-riches va augmenter de 50% en dix ans. Merci « la crise ».

Sources: Observatoire des InégalitéThe Economic CollapseHomes For Hope

 

Source : Blogapares.com

 

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 18:14

 

Marianne

 Samedi 15 Juin 2013 à 18:00

Arnaud Bouillin

 

 

Inspecteur des impôts et expert en fiscalité au Parti du travail de Belgique (PTB), Marco Van Hees vient de publier un livre* aussi caustique que documenté sur les largesses fiscales offertes par le Plat Pays.

 

Néchin, ville belge où Gérard Depardieu a choisi d'investir - BAZIZ CHIBANE/SIPA
Néchin, ville belge où Gérard Depardieu a choisi d'investir - BAZIZ CHIBANE/SIPA


Marianne : Par quel prodige des entreprises peuvent-elles déclarer des centaines de millions d'euros de bénéfices en Belgique sans payer, ou presque, le moindre impôt ?

Marco Van Hees : La Belgique propose aux grandes firmes plusieurs armes de détaxation massive ; la plus connue est celle des « intérêts notionnels ». Cette mesure, adoptée en 2005, fonctionne selon le principe suivant : une société X domiciliée en Belgique et disposant, par exemple, de 100 millions d'euros de fonds propres - le capital injecté par ses actionnaires - réalise, disons, 4 millions d'euros de profits. Normalement, ces profits devraient être taxés à 33,99 %, le taux de l'impôt sur les sociétés en vigueur chez nous.

Eh bien, non : avant d'être imposée, la société X a le droit de déduire de ses bénéfices l'équivalent de 3 % de ses fonds propres, soit, dans cet exemple, 3 millions d'euros. Résultat : au lieu de payer 33,99 % de 4 millions, elle ne paye plus que 33,99 % de 1 million !

Mieux : si elle est dotée de 150 millions d'euros de fonds propres, sa déduction d'intérêts notionnels (4,5 millions) dépasse son bénéfice (4 millions). Elle échappe donc totalement à l'impôt.

GDF Suez, EDF, Danone, LVMH, Carrefour, Auchan : de nombreuses firmes françaises, à capitaux publics ou privés, profitent du système...

M.V.H. : Effectivement. Et pour des montants considérables. En 2011, Danone Finance International, qui n'emploie que six salariés à temps plein, a engrangé 243 millions d'euros de bénéfices. Son impôt ? Dix-neuf millions d'euros seulement, soit un taux de 7,8 %.

La même année, EDF Investissements Groupe (trois salariés) a réalisé 306 millions d'euros de profits et réglé au fisc 900 000 $. Taux d'imposition ? 0,29 %.

GDF Suez Belgium (65 personnes) a fait encore mieux : 790 millions d'euros de bénéfices d'un côté, 343 000 $ d'impôts de l'autre, soit un taux epsilonesque de 0,04 %.

Mais la palme revient à Carrefour Finance : 14 employés, 59 millions d'euros de profits et... 0 $ d'impôt. La Belgique est un paradis pour les multinationales françaises.

Quelle est l'activité réelle de ces filiales ?

M.V.H. : Ce sont des banques internes qui prêtent de l'argent aux autres entités du groupe à travers le monde. Leurs bénéfices proviennent des intérêts qu'elles facturent pour ces prêts. Et, comme toutes les banques ou assimilées, elles ont besoin de fonds propres énormes.

Ce qui tombe bien : plus les fonds propres sont élevés, plus la ristourne fiscale est importante. Cerise sur le gâteau, cet avantage est inconditionnel. Aucun investissement dans le pays n'est exigé pour en bénéficier. Il suffit de monter une structure juridique et d'y loger une poignée de salariés, c'est tout.

L'effet sur l'économie est nul. Celui sur les finances publiques, en revanche, est désastreux : en 2010, le fisc belge a perdu, selon les annexes du budget de l'Etat, plus de 5 milliards d'euros de recettes à cause de ce système aberrant qui ne profite qu'aux très grosses entreprises.

Le fisc français est lui aussi lésé dans l'affaire...

M.V.H. : Evidemment. Une partie des milliards qui alimentent les fonds propres de ces pseudo-banques est prélevée sur les bénéfices réalisés en France, ce qui réduit d'autant la base fiscale. Dans cette histoire, tout le monde est cocu. Sauf les multinationales...

Propos recueillis par Arnaud Bouillin

* Les riches aussi ont le droit de payer des impôts, éd. Aden, 158 p., 12 €.

 

 

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15 juin 2013 6 15 /06 /juin /2013 17:54

 

Rue89

 

  Témoignage 15/06/2013 à 16h46

JB Tartiflat

 

 

 


Une figurine de motard (Lord Enfield/Flickr/CC)

 

Je cumule les tares. Je suis psychologue, fonctionnaire, artisan, garagiste et autoentrepreneur ; et motard, en plus. Oh, j’oubliais : pigiste et illustrateur. Manquerait plus que je sois immigré ou gay, tiens.

J’ai longtemps papillonné dans l’éducation nationale en tant qu’élève puis étudiant – plutôt facilement, mais avec trop de curiosité et de facilités pour ne pas me lasser rapidement de ce que je faisais et passer à autre chose – tout en travaillant depuis que j’ai seize ans, quasiment toujours dans la fonction publique.

Depuis une dizaine d’années, je suis conseiller d’orientation psychologue. Vous savez, le vilain qui oriente par défaut les élèves dans des voies de garage, juste pour les embêter. C’est un autre débat.

Quoique. Le reproche qui est souvent fait à la profession est de mal connaître la réalité des métiers, et pour le coup, je démonte l’argument.

Ça commence par un peu de black

Making of
Fronde des autoentrepreneurs, désir de changer de vie : ce témoignage d’un lecteur de Rue89 est au croisement de deux thèmes qui nous intéressent en ce moment. M.D.

Il se trouve que je suis passionné de moto, de motos anciennes en particulier. Et qu’à force d’en bricoler, d’en retaper, je me suis constitué un petit atelier assez bien occupé, une relative expertise, et une certaine notoriété dans le milieu.

Au début, je fais un peu de black pour les copains, histoire d’assouvir mon vice, mais je pressens une demande trop importante pour être satisfaite dans ces conditions – trop aléatoires et risquées.

Aidé par la lecture de l’Eloge du carburateur de Matthew B. Crawford (une petite merveille), le projet de me lancer officiellement mûrit, puis éclot il y a deux ans, à la faveur d’un déménagement. J’ai désormais un grand local, idéal pour y installer mon atelier, dédié aux vieilles BMW (« Tartiflat, l’atelier du fondu savoyard de flats qui ont la patate » !)

Bon, mais j’ai jamais créé d’entreprise, moi... Pas franchement la tradition familiale. Et hormis un bac ES et un bac+5 en éco, plutôt branché sur le travail, je n’ai aucune expérience ni savoir-faire concret. Heureusement, le Net pallie mon ignorance.

Le piège a fonctionné, je me lance en janvier

Pour faire de la mécanique sur les véhicules, il me faut une qualification. Je passe donc un CAP de mécanique moto en candidat libre, sans formation. C’est OK.

Je cause de mon projet autour de moi, je le teste à droite, à gauche, pour recevoir des avis (tous encourageants) mais aussi pour m’engager moi-même à aller au bout du truc, que ce ne soit pas un rêve avorté comme j’en ai des cartons pleins.

Le piège fonctionne : je me prends au jeu et me lance en janvier 2013, après avoir obtenu de ma hiérarchie l’autorisation de cumuler deux activités – chose possible depuis peu, lorsqu’on exerce à temps partiel.

Je découvre assez rapidement que si les démarches de création sont simples, dans les faits, il faut tout de même passer pas mal de temps à signer des attestations, remplir des formulaires, faire des photocopies, et même des copies de copies. Je plains le pauvre gars qui n’a pas appris à lire entre les lignes d’un contrat.

Je découvre aussi les pièges et arnaques qui accompagnent la déclaration officielle ; j’apprends qu’il me faut ouvrir un compte pro, et que ça coûte cher ; qu’il me faut une assurance, et que ça coûte très cher.

Mon « bizness plan » : zéro endettement

Surtout, j’apprends qu’il faut un « bizness plan ». Hum. C’est pas un truc pour vendre du shit ? Non, c’est un truc qu’on apprend dans les écoles de commerce.

J’essaye d’estimer ce que je vais avoir à payer, ce que je vais gagner, et ça suffit à convaincre ma banque d’ouvrir un compte. Parce qu’il n’était pas question d’emprunter : la règle que je me suis fixée pour cette activité, c’est zéro endettement. D’où, a priori, une certaine sécurité. Les bénéfices sont réinvestis dans de l’outillage et de l’équipement, au fur et à mesure.

Réellement, ça démarre trois mois après. Et plutôt bien, puisqu’en fonctionnant uniquement sur le bouche à oreille, je n’arrive pas à satisfaire la demande. Concilier mes deux boulots n’est pas toujours facile, alors je bosse quand les autres dorment.

Je découvre :

  • qu’il faut passer beaucoup beaucoup de temps pour parler avec les clients ;
  • qu’il faut passer beaucoup de temps à faire de la compta ;
  • que c’est pas toujours facile de trouver des fournisseurs fiables ;
  • qu’une heure facturée au client en cache deux ou trois qui ne le sont pas...

Mais je m’éclate.

Le pauvre démarcheur des Pages jaunes

Au bout de six mois, j’atteins le chiffre d’affaires prévu et j’ai un carnet de commandes plein pour quelques mois encore. Pas de quoi me motiver à installer une enseigne dehors, qui risque davantage d’attirer les fâcheux que les passionnés, ceux avec qui j’aime discuter de bécanes et de transfos.

Pour vivre heureux, vivons cachés. Le pauvre démarcheur des Pages Jaunes n’en a pas cru ses oreilles, et m’a rappelé trois fois lorsque je lui ai assuré ne pas vouloir figurer dans l’annuaire.

Ça me fait tout bizarre de constater que j’ai créé une boite qui semble bien marcher. Ça doit ressembler à de la fierté, même si ça n’est pas si difficile. Ça me permet d’explorer une autre facette de ma passion, et de la vivre pas forcément plus intensément, mais en tout cas de façon différente.

Le conseiller d’orientation en moi aussi y gagne. Désormais, je mesure les joies et les peines de la création d’entreprise, et je vois de grands yeux étonnés en face de moi lorsque l’élève – et surtout ses parents – se rendent compte que je connais mieux le milieu de la moto qu’eux-mêmes. C’est un peu comme si j’étais en immersion, en mission d’infiltration dans un autre monde.

Sensibilité de gauche VS statut de patron

Depuis la création de mon atelier, ma vie est plus intense, j’ai la sensation d’avoir plus de prise sur le monde, en étant capable de mener ma barque comme je l’entends.

Certes, il y a des contraintes, mais l’intérêt est que je peux les choisir au lieu de les subir. Souvent, mes collègues me disent leur admiration, eux qui parlent depuis longtemps de démissionner pour faire autre chose, sans jamais oser.

Ça me procure aussi une certaine assurance, de savoir que je pouvais compter sur l’un des deux emplois si l’autre devait devenir un peu trop source d’embêtements. Envoyer paître les fâcheux est un luxe d’autant plus rare lorsque ce sont des clients ou des supérieurs.

Ça me permet enfin, de savoir aux prochaines élections si ma sensibilité de gauche (pas socialiste, hein : de gauche !) résistera à mon statut de patron. Je pense que oui, même si le genre de réformes que constitue celle qui nous occupe aujourd’hui serait susceptible de faire bouger la frontière du vote.

Pas envie de développer mon activité

Si ce projet de limitation du statut venait à se concrétiser, quelles conséquences cela aurait-il ? Bah... pas tant pour moi en fait. Mon chiffre d’affaires est déjà limité par les conditions de cumul d’activités que m’impose mon statut de fonctionnaire. Et j’ai la chance de ne pas devoir vivre que de mes revenus d’autoentrepreneur.

Ceci dit, je trouve l’esprit de cette réforme – forcer les autoentrepreneurs à développer leur activité – fort déplaisant. Je n’ai pas envie de croître, pas envie de soutenir la croissance ni d’embaucher : j’ai juste envie de me faire plaisir en gagnant un peu d’argent de poche, sans plus.

Je ne prétends pas devenir un capitaine d’industrie, je voudrais juste faire mon petit truc dans mon coin, avec un rapport agréments /emmerdements le plus favorable possible.

Je ne me suis pas posé la question de la pérennité de cette activité, je me connais assez pour savoir que lorsqu’un boulot ne m’intéresse plus, je le quitte et j’en prends un autre, c’est tout. Ce donjuanisme professionnel me vaut un CV en trois tomes, mais j’aurai de quoi raconter à mes petits-enfants le soir à la veillée.

Moi, catho punk, anar

J’accepte tout à fait de reverser une partie de ce que je gagne, d’autant plus que ça me reviendra sous forme de traitement dans mon autre emploi. C’est la règle du jeu. Par ailleurs, ce que j’ai gagné m’a permis de faire bosser des copains en leur demandant des travaux d’aménagement, ou en leur achetant de l’outillage, des pièces etc.

Je n’ai pas la sensation d’être en concurrence avec mes confrères qui ont un autre statut. Je ne ressens absolument pas les reproches qui sont censés être faits par les artisans aux autoentrepreneurs.

Clairement, si on m’avait dit que ce statut serait limité dans le temps, je n’aurai pas franchi le pas. On a inventé un outil formidable qui m’a donné l’occasion de découvrir et de m’essayer à l’esprit d’entreprise, c’est réellement stupide que de vouloir le brider.

Allons... C’est moi, élevé au socialisme catho, nourri au punk, vieilli en fût anar qui ait écrit cette phrase là ? Ben oui. C’est pas la moindre réussite du statut d’autoentrepreneur.

 

 

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 21:42

 

                                                                                                                                                                                                                      « Ce que nous appelons aujourd’hui “ Europe ” et que nous appelions il n’y a pas si longtemps encore la Communauté européenne n’existe pas et ne se soucie plus guère du respect des droits humains dans les pays qu’elle intègre pour des motifs avant tout économiques ou stratégiques. » Par Marie-Christine Navarro, écrivaine et universitaire.

 


 

Un nouveau nom hante un certain imaginaire français depuis ces dernières années, singulièrement depuis 2010 et aujourd’hui encore, hélas, sous le nouveau gouvernement dit de « gauche » dont la France s’est dotée depuis exactement un an. Les événements dramatiques qui se sont déroulés dernièrement à Montreuil (Seine-Saint-Denis) sont là pour nous le rappeler. Ce nom est celui de Rom, et il s’est rappelé à notre bon souvenir dès septembre 2012, sous la nouvelle législature récemment élue. Qu’on ne s’y trompe pas. Il ne s’agit nullement du breuvage que certains vacanciers chanceux ont pu siroter sous de lointains tropiques, ni de la ville éternelle italienne dont les touristes du monde entier viennent visiter régulièrement les merveilles. « Rrom » s’est mis à désigner la figure de l’Autre, autant dire de son irréductible et supposée étrangeté.

Dans mon enfance, on parlait déjà de Romanichels, ou de Gitans ou encore de Tziganes. Et toutes ces appellations ont ceci de commun qu’elles sont ambivalentes. Elles désignent à la fois le paria, le hors-caste et celui dont on suppose qu’il est doté de quelque chose qui nous manquerait et que nous envierions secrètement. C’est d’ailleurs par ce biais que Freud analysa les mécanismes inconscients à l’œuvre dans tout racisme, antisémitisme et j’ajouterais sexisme. L’Autre aurait accès à une forme de jouissance que je lui prête et dont l’accès me serait interdit. C’est ainsi que nous fantasmons sur la capacité qu’ont ces populations de traverser les frontières, d’êtes libres comme le vent, de transporter avec elles cet éphémère flamboyant et universel qu’est la musique. Oui, les Tziganes et leurs violons nous ravissent et nous raviront longtemps encore, même si ce mot est de toutes façons toujours aussi dépréciatif en Europe centrale. Oui, le flamenco gitan d’Andalousie a ses lettres de noblesse. Oui, le jazz manouche fait les belles nuits parisiennes. Il n’est que de voir la programmation 2013 du musée Guimet pour s’en convaincre : en mai et juin, on pourra y voir et y entendre les Kathak Gypsies, les Gitans du Rajasthan, leurs chants poignants et leurs danses savantes. De même, le cirque Romanès enchante petits et grands, même s’il reste menacé de fermeture par le pouvoir.  Et ce sont ceux-là mêmes qui applaudissent aux spectacles de ces glorieux saltimbanques qui agréeront au démantèlement des campements dits rroms de Montreuil et d’ailleurs.

Nomades, avez-vous dit ? Certes – même si beaucoup d’entre eux ont été sédentarisés au cours des siècles –, bohèmes et de Bohême et de la lointaine et si proche Inde, notre matrice à nous, tristes Européens d’aujourd’hui. Il y a ainsi un nomadisme chic, dont la mode, la haute couture et la banque se sont emparés ces derniers temps. Les cartes bancaires nomades, les sacs griffés nomades, toute une jet-set internationale huppée qui traverse allègrement les frontières et joue avec ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation, sans parler des capitaux virtuels qui circulent à la vitesse de la lumière sur les places boursières, échappant au contrôle de ceux-là même qui les détiennent, puisqu’il suffit d’une fraction de seconde à un robot pour les faire se déplacer là où le profit sera encore plus grand, les dommages collatéraux humains encore plus nombreux.

Mais les corps, eux, sont lourds, encombrants, trop visibles, surtout lorsqu’ils voyagent en groupe. C’est là l’autre face, misérable, du nomadisme, qu’on appelle aussi immigration, celle dont on ne veut ni à Montreuil, ni en France en général. Comment s’identifier à ces misérables qui s’entassent dans des campements – bidonvilles dits provisoires, sur des terrains municipaux souvent privés d’eau et d’électricité,  au bord des autoroutes, dans des conditions matérielles indignes, dans des roulottes surpeuplées et souvent insalubres, faute de courage de la part des autorités locales ? Les voilà démunis de tout, encombrés d’innombrables sacs en plastique de toutes sortes contenant leurs maigres biens, des enfants pleins les bras, alors que l’Europe du nord en fait si peu aujourd’hui, coïncidant trop bien à l’image que nous nous faisons d’eux, fabriquée de toutes pièces par la lâcheté d’un pouvoir politique qui n’offre aucune alternative de logement décent à ces populations. Nous ne voulons pas les voir, parce qu’en ces temps de crise sociale et économique généralisés, nous ne voulons pas ressembler à ce que nous pourrions un jour devenir nous-mêmes, poussés à l’exil, être à notre tour migrants, immigrés, c’est-à-dire stigmatisés, victimes du sort et non plus maîtres de lui.

Il faut donc revenir à cette ambiguïté fondamentale sous-jacente à l’appellation de Rroms qui désigne aujourd’hui ceux à qui l’on dénie l’appartenance à notre commune humanité.

L’appellation Rroms renvoie à une identité transnationale qui traverse les frontières. Or, ces Rroms sont aussi des citoyens, et ils le revendiquent, qui appartiennent à des nations qui leur donnent une identité légale. En ce qui concerne aujourd’hui l’Europe, ils sont donc aussi Roumains, Bulgares, Hongrois, et – faut-il le rappeler – ostracisés dans leur propre pays. Le film remarquable Just the Wind que le réalisateur hongrois Bence Flieghauf leur consacre est à cet égard très éclairant. Ils fuient, ils vont chercher ailleurs et singulièrement dans ce qu’il est convenu d’appeler la Patrie des droits humains, le refuge, l’accueil, le travail, bref des conditions de vie meilleures que là où ils vivent. Mais ce que nous appelons aujourd’hui « Europe » et que nous appelions il n’y a pas si longtemps encore la Communauté européenne n’existe pas et ne se soucie plus guère du respect des droits humains dans les pays qu’elle intègre pour des motifs avant tout économiques ou stratégiques. Elle est devenue une zone, la Zone Euro. Nous sommes devenus ironiquement des zonards définis par une monnaie, une zone de libre-échange sans contrôle, sans légitimité, sans réel pouvoir politique, et tragiquement, sans solidarité.

Le  nouveau pouvoir en place en France martèle, dans une inconscience totale quant aux conséquences néfastes potentielles de telles allégations, que ces populations « ne veulent pas s’intégrer ». Cela signifierait-il qu’elles ne seraient pas « intégrables » ? Arrêtons-nous un instant sur cet autre concept ambivalent d’intégration. Et lourd d’un passé historique dont notre mémoire préfère ne pas se souvenir.

Tout d’abord, il faudrait préciser. S’intégrer à quoi ? A ce que l’on pense être un modèle enviable, alors que nous vivons une désintégration générale qui vise tous les aspects de notre vie quotidienne, qu’elle soit de l’ordre de l’économique, du politique, de l’éthique ou de l’intime ? Alors que nous vivons dans une société où l’atomisation de chaque sujet a force de loi, chacun étant un ennemi potentiel pour chacun, un concurrent en compétition ? Alors que chaque groupe constitué en « communauté » ne défend plus que ses propres intérêts au détriment de l’intérêt général, oubliant l’articulation nécessaire entre le Particulier et le Général, concepts si chers aux Lumières et que nous remisons aujourd’hui aux oubliettes de l’Histoire ? Alors que chaque minorité fabrique de l’autre en permanence et se fractionne en sous-communauté, en minorité à l’intérieur de minorités, selon un processus de fragmentation dangereux pour la cohésion de tous. Car nous sommes tous semblables, et chacun différent. Tous pareils, et chacun d’une irréductible singularité.

Ce sont ces trois concepts hérités des Lumières qu’il nous faut avoir sans cesse en mémoire : le Général qui doit s’articuler au Particulier, mais aussi s’adosser à quelque chose qui échappe à la loi et qui demeure la caractéristique de toute démocratie digne de ce nom, le Singulier, notion pensée avec brio par Diderot dans Le Neveu de Rameau et dont il est impératif de se souvenir aujourd’hui. De quoi s’agit-il ? Il s’agit d’une frange de la population rétive à tout obéissance à la loi quelle qu’elle soit. Non seulement il existe des lois injustes contre lesquelles il est juste de s’insurger, mais il existe aussi des individualités qui ne se sentent pas ou peu concernées  par la loi. En marge, ailleurs. Chez Diderot, elles ont pour figure ce qu’il nomme le génie, l’artiste, le parasite, le pique-assiette, le raté, selon les normes sociales en cours. Bref, ceux dont Platon ne voulait pas dans sa République, parce que non fiables : les poètes et les femmes. La force de toute démocratie est précisément d’accepter en son sein cette singularité-là qui est aussi son levain. Certains parmi nous ne souhaitent pas « s’intégrer » et il est souhaitable qu’il en soit ainsi et que la démocratie le tolère. C’est là sa force. Mais nous doutons tellement de notre modèle que nous tentons d’en exclure tout ce et ceux qui nous semblent potentiellement « dangereux » pour lui. De préférence les plus démunis, les Sans. Sans Toit, Sans Papiers, Sans Argent. Chaque vague d’immigration, ouvriers italiens du bâtiment dans le sud de la France victimes de pogroms, mineurs polonais du nord dont les grèves furent durement réprimées par le pouvoir en place, a payé du lourd tribut de son sang son appartenance à la citoyenneté française. Et à chaque vague, le discours des autorités est resté tristement immuable : ils étaient et demeurent une fois encore aujourd’hui  les « non-intégrables ». 

Toute discrimination exercée par le pouvoir commence toujours par le plus faible et finit de proche en proche par gagner tout le corps social. Yehudi Menuhin, que j’ai eu l’honneur de rencontrer peu avant sa mort et dont je fis le portrait à France Culture, se plaisait à le rappeler. Travaillant avec des musiciens tziganes et soucieux de leur sort, ils proclamaient haut et fort que ce serait là le défi européen à venir. Et qu’on mesurerait l’existence d’une véritable démocratie en Europe à la manière dont elle traiterait ses minorités. Qu’on en juge aujourd’hui.

Dans la France d’aujourd’hui, ce sont d’abord ceux qu’on considère comme fous, qu’on laisse sans soins faute de moyens et dont on parle si peu, qui en ont fait les frais. Puis les prisonniers qui vivent dans des conditions indignes de toute démocratie. Puis les musulmans que l’on amalgame trop souvent aux fondamentalistes. Puis récemment les homosexuels. Puis les immigrés, les basanés, les métèques. Les Juifs aussi et encore, dont le silence des institutions dites représentatives est assourdissant face aux discriminations faites aux Rroms sur notre sol. Les Rroms d’aujourd’hui, les Juifs d’hier. Sans parler des discriminations faites à cette majorité que constitue les femmes, femmes de toutes classes assassinées sans bruit par leur conjoint sur notre sol. Ça finit par faire beaucoup de monde. Ça finit par concerner tout le monde ou presque.

Le pouvoir politique en place serait bien inspiré de réfléchir à tout le poids de ce contexte historique avant de manier la notion si ambiguë d’intégration et de décider qui est ou n’est pas à ses yeux intégrable. Avons-nous la mémoire si courte que nous avons oublié que sous le IIIe Reich, l’Allemagne et l’Autriche déclaraient que les Tziganes d’Europe, qui travaillaient par ailleurs dans les usines et étaient des employés sans problème « demeuraient de toute façon et par nature des populations éternellement a - sociales », c’est-à-dire bonnes à être déportées et exterminées dans les camps. Rappelons-nous Chelmno, rappelons-nous Auschwitz où les Tziganes d’Europe furent victimes de génocide, crime reconnu depuis peu, et si souvent oublié.

Ce qui se passe en ce moment à Montreuil est en l’espèce symptomatique et révélateur. La municipalité d’obédience écologique et de gauche a chassé les Rroms du « campement » où ils vivaient depuis un an, elle a refusé qu’ils stationnent sur la place où se tient en ce moment même, triste ironie du sort ou coïncidence parlante, une exposition sur l’Europe (!),  elle leur a refusé l’accès à la salle municipale du marché. Il y a eu des affrontements avec les forces de police et les agents de la ville, bref, elle a laissé, par lâcheté ou calcul politique, pourrir une situation  à laquelle elle aurait dû remédier depuis longtemps en offrant d’abord un toit à ses familles pour qu’elles puissent travailler décemment, comme c’est leur souhait. Elle a séparé les femmes enceintes et les enfants des hommes – comme n’importe quel pouvoir totalitaire l’aurait fait et l’a fait par le passé – alors que dans la culture rrom, on traverse les frontières en famille, et qu’il n’y a pas pire malheur que l’individualisme suicidaire et la solitude pour elle. Et aux côtés des forces de police, des agents municipaux, il y a ce qu’on appelle les groupes de « la tranquillité publique » qui montent la garde et surveillent, au nom du sacro saint principe de sécurité, les Rroms délogés et regroupés, symbole encore, sur la place de la Fraternité ! Qui sont ces citoyens honnêtes, ces braves gens, ces volontaires qui relaient de plus en plus dans les municipalités les forces de police défaillantes ou insuffisantes en nombre ? Des milices qui ne disent pas leur nom et sans aucune légitimité ? Excusez-moi, mais je ne me reconnais ni dans cette gauche-là, ni dans cette France-là et je ne souhaite nullement m’y intégrer, mais protester. M’insurger. C’est comme si, à l’horizon de 2017, nous n’aurions bientôt plus le choix qu’entre une France de droite et une France pétainiste, ce à quoi il faut résolument se refuser.

Les migrants économiques et politiques arrivent de toutes parts. Chassés par les guerres, les famines, et bientôt les désastres écologiques. Cela ne fait que commencer. Nous, pays d’Europe, tous concurrents les uns par rapport aux autres au lieu d’être solidaires, fermons les yeux sur les Africains qui se meurent chaque jour en Méditerranée, s’entassent à Lampedusa, que l’Italie s’en occupe, ce n’est pas notre affaire ! Il s’agit non seulement de mutualiser nos dettes, mais d’être solidaires de tous ceux qui fuient et frappent à nos portes. Est-ce trop demander que de nous partager ces victimes de fléaux dont nous sommes en partie responsables et que nous avons générés ?

Mais de qui est-ce que je parle quand je dis « nous » ? Ce nous, c’est vous, Rroms de Montreuil et d’ailleurs, c’est moi peut-être demain. Il suffirait d’un accident nucléaire majeur en France. En vérité, il suffit déjà de cet effondrement généralisé qui nous rend aveugles puisque nous le vivons de l’intérieur sans nous en apercevoir. Nous migrons déjà. Nous deviendrons alors, sous l’œil sans pitié de nos nouveaux maîtres, ces étranges étrangers dans lesquels nous ne nous reconnaîtrons pas. Mais il sera alors trop tard.

 

 

 

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 17:03

 

slate.fr

Devant le siège de la banque UBS à Zurich (Suisse) REUTERS/Arnd Wiegmann

 

Tout va mal pour les banques suisses: deux d'entre elles intéressent la justice française, et les témoignages accablants d'anciens employés de haut niveau de ces entreprises se multiplient dans la presse.

 

1/ Une information pour blanchiment de fraude fiscale contre la banque de Genève Reyl & Cie, célèbre pour avoir accueilli l'argent de Jérôme Cahuzac, a été ouverte par le parquet de Paris le 31 mai, confiée au juge Van Ruymbeke. Un ancien cadre de la banque, Pierre Condamin-Gerbier, qui a par ailleurs été responsable de l'UMP en Suisse, avait déclaré un peu plus tôt qu’il disposait d’une liste d’une quinzaine de noms d’ex-ministres ou d’actuels ministres possédant un compte en Suisse. Il a aussi évoqué, sans plus de précision, des sportifs et des patrons de presse. Condamin-Gerbier a été auditionné à l'Assemblée nationale par le rapporteur du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, le député socialiste Yann Galut.

 

2/ La banque suisse UBS a été quant à elle mise en examen le 6 juin pour démarchage illicite, le fait de venir chercher des clients en France pour les inciter à ouvrir un compte en Suisse et se soustraire au fisc, et sa filiale UBS France pour complicité. C’est dans ce climat qu’un ancien chargé d’affaires (conseiller clientèle) de la banque livre un témoignage détaillé et gênant pour son ex-employeur dans le quotidien suisse Le Temps («Confession d'un banquier», accessible sur inscription).

«Jean (un pseudonyme, NDLR) s’occupait d’un portefeuille comprenant en moyenne 300 clients, essentiel­lement des chefs d’entreprise, des professions libérales, pharmaciens, médecins ou avocats, dont les avoirs oscillaient entre 250.000 et 2 millions de francs suisses.»

Le conseiller raconte qu’il allait régulièrement à Paris au milieu des années 2000 pour gérer les comptes de ses clients, mais aussi pour en démarcher de nouveaux et leur faire ouvrir un compte.

«L’objectif principal, c’est la rentabilité du portefeuille, le net new money qu’il rapporte à la fin de l’année. Vous êtes incité à atteindre vos objectifs, car cela détermine le bonus, qui peut varier entre un mois et une année de salaire supplémentaire.»

Jean utilisait les locaux de l’agence parisienne, ce qui était normalement interdit, et donne des explications très détaillées de la manière dont il ouvrait secrètement les comptes de ses clients français. Ces derniers étaient d'ailleurs «paranoïaques», évitant à tout prix d'avoir à donner leur véritable identité au téléphone, se faisant par exemple appeler par un pseudo du genre «Tonton Alfred» ou «l’ami du Louvre»!

«UBS ne tolère aucune activité visant à aider des clients à se soustraire à leurs obligations fiscales», réplique l’agence. Le conseiller estime au contraire que l’agence, non seulement connaissait ces pratiques, mais les rendaient possibles en fournissant le matériel:

«On nous mettait tout à dis­position, un ordinateur de voyage avec les documents vides dedans et un Nokia, vide également.»

Pour ce témoin de l'intérieur, les documents prouvant une compatibilité parallèle existe.

«Je les ai vus, il s’agissait d’un tableau Excel. Ils permettaient de calculer les bonus des CA français et suisses quand on se transférait des clients.»

Et le conseiller d’ajouter:

«Pourquoi aller en France si ce n’était pour prospecter et acquérir de nouveaux clients? Vous pensez qu’UBS payait quatre ou cinq voyages par an, parfois ­jusqu’à dix ou douze à des dizaines de conseillers à la clientèle, pour aller serrer des mains? Cela n’aurait pas de sens.»

 

 

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14 juin 2013 5 14 /06 /juin /2013 15:16

 

bioalaune.com

Le 12/06/2013 à 12:04

 

 

USA : Monsanto fait payer des amendes aux agriculteurs bio

 

Le jugement est tombé, le géant de la biochimie Monsanto conserve le droit de poursuivre en justice les agriculteurs biologiques dont la production a été malencontreusement contaminée par les OGM sorti de ses laboratoires.

C’est un paradoxe qui soulève l’indignation et l’incompréhension au sein de la population américaine. Monsanto, qui détient le fameux brevet pour l’herbicide Roundup et pour les semences génétiquement modifiées capables de résister à ce même désherbant, conserve le droit de poursuivre en justice n’importe quel agriculteur dont la production de blé contiendrait plus d’1% d’OGM.

Belle ironie, sachant que ce sont les organismes génétiquement modifiés eux-mêmes qui contaminent les productions  biologiques avoisinantes.  Comme si cela ne suffisait pas de rendre les productions de ces agriculteurs invendables car non conformes aux exigences de l’agriculture biologique, Monsanto compte aussi s’enrichir sur la contamination dont elle est à l’origine.

Lundi, la cour d’appel fédérale des Etats-Unis a débouté le groupe d’une cinquantaine d’agriculteurs bio alliés dans une bataille juridique qui semble pencher en faveur du géant de la biochimie. Les juges américains ont statué en s’appuyant sur  l’engagement pris par la société sur son site web, où elle explique en quelques lignes qu’une action en justice serait engagée uniquement dans le cas où plus d’1% de la production des agriculteurs biologiques contiendrait des OGM.

Aucune raison de s’inquiéter donc, si Monsanto a promis. Là en est bien la preuve,  entre 1997 et 2010, la société a déposé 144 plaintes pour violation de brevet. Reste à savoir que la contamination par les OGM est parfaitement accidentelle, et que les agriculteurs n’ont pas forcément conscience que leur production est atteinte.

Leur crainte de voir les avocats de Monsanto les traîner en justice pour violation de brevet  est donc bel et bien fondée, mais la justice américaine continue à faire l’autruche.

Alors qui est à blâmer pour cette mascarade ? Certains pointent du doigt le lobby Monsanto, qui a maintes fois réussi à rallier juges et politiciens à ses côtés.

Dernier exemple en date, le « Monsanto Protection Act », ratifié fin mars, qui empêche la justice américaine de suspendre la vente ou la culture d’OGM, malgré la remise en cause de leur homologation.

Rédaction : Justine Chrisment

 

 

 

 

 


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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 17:13

 

 

 

Médiapart

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Il n’y a pas que les «  Intaxables ». Depuis des mois, Google, Amazon ou Apple sont dans l’œil du cyclone pour leur habileté à éviter les impôts. Mais nul besoin d’être un géant du net pour pousser à son comble l’optimisation fiscale. L’ONG CCFD-Terre Solidaire, en pointe dans la lutte contre les paradis fiscaux, a publié ce matin sur son site et dans Libération une étude dévastatrice sur les pratiques des 50 plus grandes sociétés européennes. L’association a traqué les filiales de ces grands groupes basées dans des paradis fiscaux. Le chiffre est édifiant : elle en a trouvé 5 848. Et précise que puisqu’elle ne s’est basée que sur des données publiques, elle pourrait en avoir manqué environ… 1 500 autres.

Collectivement, ces entreprises pèsent près de 4 500 milliards d’euros en chiffre d’affaires (en 2012), l’équivalent de 24 % du PIB européen, davantage que le budget cumulé des 27 États de l’Union européenne. Elles génèrent 208 milliards d’euros de profits cumulés. En partie grâce à leur science de la géographie et de la fiscalité : les territoires opaques ou très peu regardants fiscalement sont largement colonisés par les filiales de ces champions européens. Deutsche Bank a implanté 768 filiales dans ces pays, les banques britanniques Barclays 345 et Royal Bank of Scotland 320. BNP Paribas est le « premier » français du classement, avec 214 filiales.

« Aucune entreprise n’échappe à l’attrait des paradis fiscaux. Elles y détiennent en moyenne 117 filiales chacune, soit 29 % de leurs filiales étrangères », indique l’association. « Sans constituer une preuve d’évasion fiscale, une telle concentration de filiales dans les territoires les plus opaques de la planète laisse songeur – surtout quand certaines des entreprises concernées affichent des taux d’imposition effectifs nuls ou très réduits au niveau mondial et se refusent à publier une information détaillée sur leurs activités pays par pays. »


Cliquez sur l'image pour l'agrandir 
Cliquez sur l'image pour l'agrandir© CCFD-Terre solidaire

Pourquoi donc créer des myriades de filiales dans des territoires opaques, peu régulés ou à la fiscalité très clémente pour les entreprises ou les non résidents ? La plupart du temps, il ne s’agit pas de créer des emplois sur place, ou d’être au plus près de ses consommateurs. « Les 50 groupes étudiés ont aux îles Caïmans davantage de filiales qu’au Brésil et 2 fois plus qu’en Inde ! Ils sont mieux implantés sur le caillou de Jersey, au large de Saint-Malo, qu’au Mexique ! Même la Chine (579 filiales) n’attire guère davantage que le Luxembourg (557) », ironise le CCFD.

L’ONG s’est penchée sur les 50 premières entreprises européennes cotées en bourse, en fonction de leur chiffre d’affaires. Elle a donc exclu de son étude certains géants mondiaux, non cotés, comme Ikea. Dommage : propriété d’une fondation au Liechtenstein, cette entreprise est parvenue à économiser 60 millions d’impôts en 2011 dans l’Hexagone, selon BFM TV.

Surtout, elle a opté pour une définition large des paradis fiscaux. Tout récemment, l’OCDE en a dénombré 14, et le ministère français du développement 17, dont la Suisse, Panama et les Émirats arabes unis. L’étude du CCFD va beaucoup plus loin, en reprenant la liste des 60 territoires problématiques recensés par le réseau Tax justice Netxork, qui publie régulièrement un index du secret financier. Chaque pays est évalué sur 15 critères, puis classé selon un degré d’opacité. Mais même en se concentrant sur les pays les plus opaques, le CCFD estime que les résultats sont impressionnants : seule une des 50 sociétés observées, CNP Assurances, est absente des « trous noirs » de la finance internationale (qui récolte plus de 75 % d’opacité selon le TJN). « Les 49 autres y comptent en moyenne 28 filiales soit 7 % de leurs filiales étrangères », note l’association.

Si on se cantonne à la liste de l’OCDE, on compte encore 45 entreprises présentes dans des paradis fiscaux. Et huit entreprises y ont au moins vingt filiales : EXOR, Siemens, Allianz, Generali, BASF, Metro, Shell, Deutsche Post. Parmi ces 14 États, la Suisse, les Émirats arabes unis et le Panama rassemblent plus des trois quarts des filiales concernées.

Mais pour le CCFD, pas question de se contenter de cette courte liste. Elle inclut donc le Delaware, État américain qui dispense d’impôt sur les bénéfices les sociétés qui s’y installent, mais aussi les Pays-Bas et l’Irlande, qui autorisent des montages très avantageux pour les entreprises. Les territoires européens abritent d’ailleurs 63 % des filiales offshore des entreprises observées. « Les destinations de prédilection sont, dans l’ordre, les Pays-Bas, l’État du Delaware (États-Unis), le Luxembourg, l’Irlande et les îles Caïmans, dépassant de loin les économies émergentes de la planète. »

Les Allemands, très friands de paradis fiscaux

Autant de pays complaisants, et désireux d’attirer le plus d’entreprises, qui permettent par exemple à Apple de payer seulement 2 % d’impôt en moyenne hors des États-Unis, à Starbucks ou à KFC de ne pas payer d’impôt depuis leur arrivée en France ou à Google d’économiser 145 millions d’euros dans l’Hexagone en 2011. Quant à Amazon, le fisc français lui réclame près de 200 millions d’euros d'arriérés d'impôts et de pénalités, pour la période 2006-2010…

 

CCFD-Terre solidaire 
CCFD-Terre solidaire

Malgré cet effet de loupe sur les géants du net américain, en Europe, ce sont les banques et les assurances qui ont le plus recours aux paradis fiscaux. Les douze banques de l’étude détiennent à elles seules la moitié des filiales recensées dans les « trous noirs » de la finance, les deux tiers appartenant à des banques britanniques. Mais les Allemands sont aussi très friands de paradis fiscaux, quel que soit leur degré d’opacité : les 13 sociétés allemandes étudiées détiennent environ 45 % des filiales dénombrées.

En décembre 2010, CCFD-Terre solidaire avait déjà publié un rapport sur le sujet. Depuis, la présence des entreprises européennes dans les paradis fiscaux n’a pas diminué : « Le nombre de filiales offshore dont elles révèlent l’existence ne cesse d’augmenter (+ 16 % entre 2009 et 2012), même si la progression est moindre que celle du nombre total de filiales (+ 33 %). » Cependant, difficile de savoir si ces chiffres correspondent à une évolution réelle. L’ONG reconnaît en effet une limite importante à son travail : elle s’appuie quasi exclusivement sur des listes publiées par les entreprises elles-mêmes. Résultat, une entreprise peut voir son nombre de filiales offshore augmenter parce qu’elle est plus transparente que par le passé. Ainsi, en 2010, la banque Lloyds listait 8 filiales dans son rapport annuel ; en 2013, la liste déposée au registre du commerce en compte 1 369.

C’est un des enseignements majeurs du travail de fourmi de l’association : seules 60 % des entreprises observées donnent la liste exhaustive des filiales. Pour les autres, les informations, dévoilées dans les rapports annuels notamment, restent plus que parcellaires. Douze groupes, dont six cotés au CAC40 (Axa, Total, France Télécom, EADS, GDF Suez, Arcelor Mittal), ne donnent qu’une liste de leurs « filiales principales ». Par exemple, France Télécom annonce 400 entités mais n’en liste que 32, et Total dénombre 883 entités mais ne donne le nom que pour 179 d’entre elles. Total va plus loin, en ne donnant même pas la localisation géographique des quelques filiales listées ! Qui sait où opèrent et où sont basées Total Finance Exploitation et Total Capital ?


Le réveil international 

Le rapport de l’ONG tombe à un moment clé dans la lutte mondiale pour mieux taxer les entreprises. Nous chroniquons depuis plusieurs mois les tentatives de sursaut international contre les manœuvres des multinationales qui parviennent à esquiver l’impôt, un peu partout dans le monde. L’OCDE est missionnée pour proposer des solutions, et elle présentera un plan d’action dans un mois devant les ministres des finances du G20. Le 22 mai, les chefs d’État de l’Union européenne ont sonné l’alarme, et le G8 devrait faire de même les 17 et 18 juin.

Les associations demandent depuis des années la mise en place de quelques mesures simples, et notamment un « reporting » pays par pays, imposant aux entreprises de publier la liste de leurs filiales partout dans le monde, ainsi que leur chiffre d’affaires, le nombre de leurs salariés, les impôts payés et les aides publiques reçues. Ce sera en partie le cas en Europe à partir de 2015 : en France, la loi de séparation des activités bancaires, actuellement en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, a imposé cette mesure aux banques, et le Parlement européen l’a adoptée lui aussi dans la foulée.

À l’Assemblée, un amendement des députés socialistes, rédigé en collaboration avec le gouvernement, a été adopté tout récemment pour étendre cette procédure à toutes les grandes entreprises. Mais le texte précise qu’il n’entrera en vigueur qu’après que l’Union européenne aura adopté une mesure similaire. Un manque de volonté assez évident, mais qui pourrait ne pas porter à conséquence, étant donné que la Commission a fait savoir à plusieurs reprises depuis fin mai sa volonté de rendre elle aussi cette règle applicable d’ici 2015. Ambitieux : il faut encore obtenir l’unanimité des 27 gouvernements de l’UE.

 


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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 17:01

 

Mariannne

Jeudi 13 Juin 2013 à 05:00
Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre En savoir plus sur cet auteur

 

Après l’austérité imposée par la Troïka, la Grèce doit subir la fermeture de la radio-télévision publique. Qu’attendent donc les habituels défenseurs des droits de l’homme pour donner de la voix?

 

Des salariés d'ERT3 - Nikolas Giakoumidis/AP/SIPA
Des salariés d'ERT3 - Nikolas Giakoumidis/AP/SIPA
Si, sous un prétexte quelconque, Vladimir Poutine décidait de fermer la radio-télévision de Russie, certains y verraient le retour programmé de feu l’URSS, et la preuve manifeste qu’un ancien du KGB reste un ancien du KGB.

Si la Serbie imposait l’écran noir sur ses chaînes publiques, la cohorte des droits-de-l’hommistes se déchainerait. Ils proposeraient de bloquer l’entrée de Belgrade dans l’Union Européenne, rappelleraient que les Serbes sont des éradicateurs de libertés publiques de pères en fils, que l’ombre de Milosevic place encore sur le pays, et qu’il serait temps de mettre ce pays au ban des nations civilisés jusqu’à ce qu’il recouvrît le sens des réalités démocratiques.

Si le président Maduro qui a succédé à Chavez, au Venezuela, décrétait le black out des écrans, Le Monde lancerait un appel au boycott immédiat.

Si la Chine coupait toutes les télés pour une durée indéterminée, les anciens maoïstes reconvertis dans les affaires appelleraient à bloquer  les échanges avec Pékin, sauf les échanges économiques, car il ne faut pas mélanger la politique et le business. Ils seraient rejoints par Robert Ménard, qui oublierait son engagement aux côtés des petits soldats de Marine Le Pen à Béziers pour brandir l’étendard de la liberté qu’il agitait du temps où il dirigeait Reporters Sans Frontières.

Dans l’un quelconque des cas évoqués ci-dessus, les pétitionnaires donneraient de la voix. BHL quitterait son ghetto doré de Saint-Paul-de-Vence pour appeler à la défense des libertés, emmenant derrière sa chemise blanche les cohortes habituelles de grandes âmes, de beaux esprits, et de cœurs meurtris.     
         
Mais quand cela se passe à Athènes, à 3h de vol d’avion de Paris, personne ne bouge.

Quand le gouvernement d’un pays membre de l’Union Européenne ferme sa radio-télévision publique du jour au lendemain, nulle voix autorisée ne s’élève.

Quand un pouvoir établit une censure de fait sur les ondes publiques – une première depuis le coup d’Etat des Colonels -   un lâche soulagement domine.

Quand l’un des 27 membres de l’Union Européenne s’assoit sur l’une des règles de base de la démocratie, l’UE se contente de « prendre note », comme s’il s’agissait d’un point de détail, rappelant ensuite qu’il faudra bien, un jour, reconstruire un service public de l’information. A Pâques ou à la Trinité ?

Quand le ministre de l’information de Grèce ose ce qu’un Jorg Haider n’avait pas osé faire en Autriche, aucun responsable politique ne suggère d’élever un cordon sanitaire autour de la Grèce en la sommant  de rentrer dans le rang.

Quand ce même ministre explique qu’il a dû prendre cette décision parce que la télévision était « mal gérée », aucune autorité ne lui fait remarquer qu’avec un tel raisonnement il aurait fallu fermer toutes les banques après la crise de 2008.

La Grèce subissait déjà le talon de fer de l’austérité imposé par la Troïka. La voilà maintenant réduite à l’interdit médiatique sous des prétextes aussi obscurs que ses écrans. Au crime économique s’ajoute ainsi un assassinat démocratique.

Jusqu’où faudra-t-il aller pour que l’on dise : assez !    
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