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24 juin 2013 1 24 /06 /juin /2013 15:52

 

Rue89

Publié le 24/06/2013 à 16h33

 

 

Le tribunal correctionnel de Paris a condamné un opposant au « mariage pour tous » à quatre mois de prison dont deux mois ferme. Le tribunal a jugé utile d’ordonner un mandat de dépôt à l’encontre de ce jeune homme de 23 ans, coupable de « rébellion » et qui se trouve donc écroué à la maison d’arrêt indigne et surpeuplée de Fleury-Mérogis.

L’opposition se mobilise car ce garçon, Nicolas, serait un « prisonnier politique ». C’est vrai. Prisonnier d’une politique pénale instituée par la droite et que l’actuelle ministre de la Justice Christiane Taubira ne destitue pas.

Cette politique pénale fait qu’aux comparutions immédiates de Paris, on n’attend pas « trois fois rien » pour incarcérer, une fois rien suffit : un vol à l’étalage ou un mot trop haut et c’est le mandat de dépôt.

La droite découvre que la justice n’est pas laxiste

Fière en son temps de brandir le nombre croissant d’interpellations, on pourrait croire que la droite se réjouirait de ce cas exemplaire : infraction-arrestation-sanction. Mais théoricienne du complot, elle préfère dénoncer « les harcèlements arbitraires des forces de l’ordre dont seraient victimes les manifestants contre la loi Taubira ».

Les anti-mariage pour tous se mobilisent, ils sont choqués par une condamnation choquante : deux mois ferme pour une rébellion… Ils ont raison. La droite découvre donc que la justice n’est pas laxiste.

Ludovine de la Rochère, présidente du mouvement anti, est « bouleversée par ce qui est arrivé à ce jeune homme » : il lui fallait donc un frère de droite pour s’identifier. Mais que dit-elle sur tous ceux qui ont précédé, ceux qui ont suivi, qui prennent quatre mois pour un petit délit ? Est-ce que pour eux, la prison sert de leçon ?

Justice pour tous

A la prochaine manifestation, Nicolas encourra le double de la peine maximale prévue, donc deux ans d’emprisonnement, c’est le lot des récidivistes. Mais il ne risquera pas de peine plancher car il faut que le délit commis en récidive soit au moins puni de trois d’emprisonnement. Et pourtant, cette loi – que les gens de droite veulent tellement garder et que les gens de gauche n’osent pas abroger – est si absurde qu’elle aurait pu le concerner.

La droite apprend les manifestations et leurs condamnations. Jusqu’à présent, ce sont plutôt les militants de gauche qui se couvrent de peines de prisons. Ils savent à quel point il est dangereux, pour la virginité de son casier, de manifester.

Quand la manifestation dégénère en jets de pierre ou de bouteilles, les tribunaux condamnent pour des « violences avec arme et en réunion ». Le manifestant peut ne pas avoir jeté de projectiles lui-même, pour les magistrats, il « participe à une scène unique de violence ».

En somme, « si ce n’est toi, c’est donc ton frère ». Voici donc que les frères de droite et les frères de gauche se retrouvent frères en manifestation. Et en prison. Justice pour tous.

Lors d’un regroupement de soutien au malheureux anti, on pouvait lire : « Nicolas prisonnier, la justice en danger. » Mais il fallait vous le dire comment ?

 


Le rassemblement de soutien à Nicolas B., vendredi 21 juin, place du Panthéon à Paris (Elian Peltier/Rue89)

 

 

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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 21:28

 

 

Arret sur images

  observatoire le 21/06/2013 par Sébastien Rochat

 

 

Phénomène complexe, estimations invérifiables
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Et revoilà les emplois non pourvus. Ces fameux emplois qui ne trouvent pas preneurs malgré le nombre toujours plus élevé de chômeurs. Lors de son discours d'ouverture de la conférence sociale, François Hollande a estimé qu'il y avait entre 200 000 et 300 000 offres non pourvues, des chiffres alarmant censés justifier un "plan d'urgence" pour la formation professionnelle. De quoi agacer le leader de la CGT, Thierry Lepaon, qui a aussitôt dénoncé une "opération de communication". Car le sujet est un vrai serpent de mer. Depuis des années, la presse tente de résoudre le mystère de ces emplois non pourvus, non sans mal : combien y en a-t-il vraiment ? Pourquoi ces offres ne sont-elles pas satisfaites ? Si la responsabilité des chômeurs est souvent mise en avant (problème de paie, horaires contraignants), celle des employeurs est plus rarement abordée...

On ne l'attendait pas sur ce terrain. Dans son discours d'ouverture de "la Grande Conférence sociale pour l'emploi", François Hollande a abordé un sujet qui fâche : les centaines de milliers d'offres d'emploi non pourvues. "Nous avons à regarder une réalité, elle n’est pas nouvelle. Il y a à peu près de 200 000 à 300 000 recrutements - d'ailleurs personne n'a la véritable statistique - qui sont entamés, puis abandonnés, parce qu’il n’y a pas de candidats suffisamment qualifiés par rapport aux emplois qui sont proposés".

Comment résoudre ce problème ? Améliorer la formation, mais pas seulement. Hollande a fait une "proposition saugrenue" pour reprendre le terme de Libération : "S'il s’agit d’un différentiel de salaire, cela peut arriver, alors comblons-le, cela peut être la responsabilité de l’Etat, parce que mieux vaut un tel soutien que la poursuite d’une indemnisation de chômage, cela coûtera moins cher et cela permettra de favoriser le recrutement, et donc l’embauche". En clair, si les entreprises ne payent pas assez, l'Etat pourrait compléter le salaire afin que les chômeurs...

acceptent l'offre d'emploi picto

 

Le problème de ces offres d'emploi non pourvues revient souvent sur le tapis. En 2008, Sarkozy avait avancé le chiffre record de 500 000 offres non satisfaites pour justifier une série de sanctions contre les chômeurs. L'idée était de diminuer les indemnités des chômeurs ayant refusé "deux offres d'emplois acceptables". Ce chiffre de 500 000, Sarkozy l'avait répété en février 2011 alors même que son ministre du travail, Xavier Bertrand, évoquait au même moment le chiffre de... 250 000 offres non pourvues. Même Lefigaro.fr avait ironisé sur ce "fantasme des offres d'emploi non pourvues". Car il y a d'abord un problème de chiffres : les estimations passent facilement du simple au double, sous Sarkozy mais aussi sous Hollande.

Lefigaro.fr, un fantasme

Lors de sa conférence de presse, Hollande a donné une fourchette entre 200 000 et 300 000. Citant Pôle emploi, Le Monde donne un chiffre plus faible : 116 000.

Comment expliquer ces écarts et d'où viennent ces chiffres ? Sur son blog, le spécialiste des questions sociales au Figaro, Marc Landré, avait estimé à l'époque que cette estimation de 500 000 faite par Sarkozy était "un chiffre pifométrique et fantasmagorique, tout comme celui de 250 000 ou 300 000 régulièrement mis en avant sans qu'il ait une base statistique fiable". Selon lui, ces estimations provenaient d'une extrapolation issue "d'un sondage réalisé il y a quelques années par les chambres des métiers afin d'estimer le nombre d'emplois non pourvus dans leurs secteurs d'activité".

Cherchant à percer le mystère de "l'obscur calcul des emplois non pourvus", Libération écrivait en 2008 que l'estimation de 300 000 (lancée dès 2004 par François Fillon), provenait d'une étude de l'ANPE "qui avait mixé le nombre d'annonces d'emploi déposées à l'agence qui n'avaient pas trouvé preneur et les résultats d'une étude qualitative sur les difficultés de recrutement des employeurs". Limpide. Le résultat issu de cette formule magique avait ensuite été extrapolé vu que l'ANPE (tout comme Pôle emploi aujourd'hui) ne gère que 30 à 40% des offres d'emploi totales du pays. "Une simple règle de trois partant du résultat obtenu" permet d'obtenir "le chiffre de 300 000", expliquait Libération. Difficile de s'y retrouver.

A-t-on aujourd'hui une idée plus précise des chiffres ? Citant là encore Pôle Emploi, Latribune.fr indique que "sur la totalité de l'année 2012, Pôle Emploi a comptabilisé 456 400 offres d'emplois qui n'ont pas été satisfaites. Soit 15,1% de la totalité des offres collectées par l'organisme". Des chiffres que le site suggère de prendre "avec des pincettes". On comprend pourquoi : interrogé par l'AFP en avril 2013, Hélène Paris, directrice des statistiques et de l'évaluation à Pôle emploi, explique que sur ces plus de 400 000 offres non satisfaites, seulement "126 000 n'ont pas été pourvues faute de candidats".

"Inexpérience des recruteurs et méconnaissance du marché local du travail"

Derrière ce festival de chiffres se cache un phénomène complexe. Car contrairement à l'idée communément admise et souvent relayée par les médias selon laquelle ces offres ne sont pas pourvues à cause des chômeurs (emploi mal payé, horaires trop contraignants), les explications sont multiples et les outils statistiques très incomplets.

Par exemple, dans une note publiée fin 2012 et reprise par Latribune.fr, l'Apec (Association pour l'emploi des cadres) écrit que dans "6 cas sur 10, il s'agit de renoncements parce que le poste ne correspond plus à un besoin (29 %) ou pour des raisons budgétaires (29 %) (...) L'absence de candidature adéquate n'est à l'origine de l'abandon que dans 16 % des cas". Autre raison évoquée l'association nationale des DRH (ANDRH) et relayée par Latribune.fr : "le fait que les recruteurs sont parfois trop exigeants, ou proposent des offres d'emploi farfelues : bac + 5 avec 10 ans d'expérience payé au Smic".

Plus grave : un consultant de l'Apec estime que certaines offres sont des "offres d'emplois fantômes qui, de manière tout à fait illégale, ne correspondent à aucun poste réel à pourvoir. Leurs publications servent à préparer un appel d'offres, à constituer une base de CV, à se faire de la publicité...".

Et l'Apec est bien placée pour le savoir, car cette pratique a été dénoncée par Envoyé Spécial en mai 2013 pour une offre d'emploi postée... sur le site de l'association !

En caméra cachée, un informaticien avait postulé à une annonce pour un emploi qui n'existait pas. Une manière pour l'entreprise de gonfler sa base de données de CV... en toute illégalité. Interrogé par Envoyé Spécial, le responsable "statistiques" de l'Apec, mis devant ses responsabilités, était...

dans l'embarras picto

La responsabilité des employeurs est également évoquée dans une "étude qualitative" de Pôle emploi, citée par Libération et reprise dans une note du gouvernement : "Ces échecs se concentrent dans des entreprises qui ont une faible expérience du recrutement". Ces offres sont "parfois déconnectées des compétences réellement nécessaires au poste à pourvoir" si bien que "ces échecs peuvent être imputables autant à la pénurie de candidats qu'à l'inexpérience des recruteurs et leur méconnaissance du marché local du travail".

Histoire d'y voir un peu plus clair, le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) travaille depuis janvier pour mieux définir ce qu'est une "offre d’emploi non pourvue". Avec une série de questions, recensées par l'AFP, et qui relèvent du bon sens : "Qu'entend-on par offres d'emploi non pourvues ? Le sont-elles durablement ou temporairement? Existent-elles en grand nombre ? Ces emplois correspondent-ils à des métiers à tension? Des compétences rares, un manque d'attractivité? Les offres correspondantes sont-elles suffisamment visibles?". Le COE, qui continuait ses travaux, mardi 18 juin, est censé rendre son rapport d'ici septembre. Avant la mise en place du "plan ambitieux" du gouvernement, ce serait bien, non ?


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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 18:37

 

Marianne

Et nous demain, quelle sera l'étincelle?
Dimanche 23 Juin 2013 à 16:30

 

Gérard Filoche

 

Il a suffi qu'un jardin soit menacé d’être détruit pour qu’éclate un mai 68 en Turquie. Il a suffi d’une augmentation de 6 cts d’euros pour que des millions de Brésiliens manifestent dans les rues. Quel va être le déclencheur ici ?

 

FAYOLLE PASCAL/SIPA
FAYOLLE PASCAL/SIPA
Ah le joli petit jardin vert… J’aime ce petit jardin, en haut, en partant de Tunel, prenant le petit tram d’Istiqlal, arrivant à la station sur la place du partage… Il a suffi que le petit jardin vert soit menacé d’être détruit par les pelleteuses pour qu’éclate un mai 68 en Turquie depuis 3 semaines et dans 385 villes du pays… 
  
Ah le joli ticket de métro de Rio de Janeiro : il a suffi d’une augmentation de 6 cts d’euros pour qu’explosent  des millions de brésiliens dans les rues. 
  
Ah les cotisations sociales portugaises : il a suffit que le gouvernement veuille abaisser celles des patrons de 22,5 à 18, 5 % et hausser celles des salariés de 11,5 % à 18,5 % pour mobiliser 1,5 million de manifestants (soit l’équivalent de 11 millions en France). 
  
Ah le gel du point d’indice des fonctionnaires en France pour la 4° année consécutive, ah le gel du Smic, ah les nouvelles attaques insensées contre nos retraites… 
  
Ah quel va être le déclencheur ici ? 
  
La partie majoritaire de la direction du PS s’aveugle : il y a eu une discussion surréaliste au Bureau national du mardi 18 juin : il s’agissait pour les membres principaux de la  direction d’expliquer par mille raisons, toutes partielles et partiales, mais insuffisantes, la défaite électorale de Villeneuve sur Lot. 
 
Il parait que c’est à cause de conditions locales exceptionnelles, la faute aux verts, la faute aux conditions locales la faute a Cahuzac, la faute aux zones rurales, la faute au jeune candidat FN fils d’un dirigeant FNSEA, ça n’aurait rien à voir avec l’Oise, et si on a perdu dans 8 circonscriptions, c’est parce qu’elles étaient toutes mauvaises… 
  
Mais dimanche 16 et 23 juin , c’est la huitième élection perdue par le PS depuis six mois. UMP et FN triomphent. Certes il y a le choc de la trahison de Cahuzac. L’indignation face à la corruption du ministre du budget qui prônait la rigueur pour les autres et pas pour lui, n’explique pas tout.  Le « choc » n’est pas seulement induit par la malhonnêteté, par le scandale de la fraude fiscale, c’est un « choc » social. 
  
Dans le pays, personne ne peut comprendre qu’il y ait 590 milliards d’avoirs français dans les paradis fiscaux, ni 108 milliards den Suisse, ni de 60 à 80 milliards de fraude fiscale… et qu’on s’en prenne à nos petites retraites… 
  
Personne ne peut comprendre qu’on n’augmente toujours pas le Smic le 1er juillet et qu’ on fasse encore reculer les salaires des catégories C de la fonction publique. 
  
Personne n’admet que la gauche n’entame aucune redistribution des richesses immenses qui existent dans ce pays… D’ou le mécontentement qui monte de façon spectaculaire. Nous ne sommes plus dans une période d’espoir, d’attente, de patience, mais de hargne, de rejet de colère… Et ca ira encore dans le mauvais sens, si nous n’inversons pas le cours dramatique des évènements. 
  
Cela traverse toute la gauche, à commencer par le Parti socialiste lui même ou les militants viennent de donner 73 % des voix à la gauche socialiste ! Si les militants et électeurs de la gauche, politique et syndicale, dans son ensemble, étaient aujourd’hui consultés, pouvaient s’exprimer, il y aurait 80 % d’entre eux qui rejetteraient la politique actuellement suivie par le gouvernement Ayrault. 
 
Ce « choc » traverse la CFDT comme le PS, ça indigne le FdG comme les Verts, de partout, ça pousse pour réorienter vite et fort la politique suivie depuis novembre 2012 ! 
  
Car toute la gauche est dans la même impasse, il n’y a visiblement pas deux gauches aux yeux des électeurs, quand le PS recule, tout le reste de la gauche recule, c’est vérifié encore une fois à Villeneuve comme l’Oise. Toute la gauche est dans le même bateau ! 
  
Pas touche a nos retraites ! pas un trimestre de plus, pas un euro de moins. Ne pas se diviser mais au contraire essayer de construire une dynamique rassembleuse capable d’entrainer toutes les composants politiques et sociales de la gauche. ca doit être l’objet d’une grande campagne unitaire d’information, d’éducation, de mobilisation pour la défense de nos retraites.


Lire la suite sur le blog de Gérard Filoche « Comment ça bosse ? »
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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 18:03

 

Médiapart

 

 

 

Lire aussi

Le financement de Sarkozy par Kadhafi a laissé des traces, nécessairement. « Au sujet du financement de la campagne, une partie des fonds a transité par la North Africa Commercial Bank, à Beyrouth, et, à partir de là, vers un compte bancaire en Allemagne relié à Ziad ; d'autres montants ont été canalisés par l'entremise de comptes bancaires au Panama et en Suisse », révèle à Mediapart Mohammed Ismail, l’ancien directeur de cabinet de Saïf al-Islam Kadhafi.

L’ancien dignitaire, présenté en 2011 par le Guardian comme « une figure clé du régime » sous Kadhafi, décrit pour la première fois le circuit bancaire utilisé par le régime libyen pour financer la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007. Il livre le nom de la banque point de départ de l’argent, la North Africa Commercial Bank (NACB), à Beyrouth, et affirme qu’un compte de l’intermédiaire Ziad Takieddine, en Allemagne, a été utilisé« Ziad », dans son mail.

 

Mohamed Ismail 
Mohamed Ismail

Actuellement dans la clandestinité, Mohammed Ismail a accepté via un intermédiaire français de rendre public ces éléments, envoyés dès mai 2012 par mail à Mediapart, compte tenu de l’ouverture, en avril dernier, d’une information judiciaire en France sur les financements libyens de Sarkozy (voir la Boîte noire). Il avait déjà transmis à Mediapart, il y a un an, la retranscription du premier échange téléphonique officiel entre Sarkozy et Kadhafi (voir ici), une fois le premier élu président de la République.

Le diplomate libyen Moftah Missouri, ancien traducteur personnel de Kadhafi, a révélé dans l’émission Complément d’enquête (France 2), diffusée ce 20 juin, avoir appris directement de Kadhafi que la Libye avait versé « une vingtaine de millions de dollars » à Nicolas Sarkozy à l'occasion de sa campagne de 2007. Tout en confirmant l’authenticité du document officiel libyen dévoilé par Mediapart, qui faisait état de l’intention de départ du régime de débloquer une somme de 50 millions d’euros en décembre 2006.

Se proposant de « fournir des éléments existants sur le financement de la campagne de Nicolas Sarkozy », Ziad Takieddine, écroué le mois dernier, avait souligné devant des juges français en décembre 2012 : « La période importante s’écoule entre décembre 2006 et janvier 2007. » « Durant cette période, Bachir Saleh (ancien directeur de cabinet de Kadhafi – ndlr) est venu à plusieurs reprises voir M. Guéant au ministère de l’intérieur, quand il était directeur de cabinet du ministre, a-t-il précisé. Lors de ces rencontres, M. Guéant donnait à M. Saleh les indications bancaires nécessaires aux virements. »

Les circuits évoqués aujourd’hui par l’ex-directeur de cabinet de Saïf al-Islam Kadhafi ne sont pas surprenants : la NACB fait partie des établissements contrôlés par l’État libyen ; quant aux circuits bancaires utilisés par Ziad Takieddine en Allemagne, ils ont déjà été identifiés par les juges. L’intermédiaire a disposé de plusieurs comptes ouverts à la Deutsche Bank de Francfort, au nom d’au moins trois sociétés offshore, Tristar, Rossfield et Como. Deux de ces entités ont d’ailleurs encaissé, en 2007 et 2008, des sommes provenant de commissions occultes sur des marchés de sécurité en Libye, liées à la société française Amésys.

 


Le mail envoyé à Mediapart par Mohamed Ismail. Cliquez dessus pour l'agrandir. 
Le mail envoyé à Mediapart par Mohamed Ismail. Cliquez dessus pour l'agrandir.© dr

Dans son mail (voir dans l’onglet Prolonger sa traduction intégrale), Mohammed Ismail souligne aussi que « l'accord » pour libérer les infirmières bulgares en 2007 « impliquait l’achat par la Libye d'un réacteur nucléaire d’Areva, et l’approvisionnement de l'armée libyenne en missiles Milan ».

« Des fonds ont été transférés en Suisse »

Il assure également « qu’une des principales préoccupations de Sarkozy était de vendre l’avion de chasse Rafale (14) pour un montant dépassant les 2 milliards d'euros ». Ismail évoque aussi une demande des autorités libyennes visant à faire interpeller préventivement des opposants avant la visite de Kadhafi à Paris ; une demande transmise par « Ziad » (Takieddine) à « Claude » (Guéant), alors secrétaire général de l’Élysée.

Le schéma décrit par Mohammed Ismail recoupe en partie celui mentionné dans un rapport de renseignement établi par un correspondant de la DCRI, Jean-Charles Brisard, patron d’une société d’intelligence économique en Suisse.

Selon ce document intitulé « GEN/ NS V. MEMO DG », que nous avons révélé en mars 2012, concernant l’argent de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy («CAMP07 » de « NS ») le financement libyen incluait une société de Brice Hortefeux au Panama (« MONTAGE INCLUT SOC BH PAN + BANQUE SUISSE (ND) »), puis une banque suisse non déterminée.

 

MM. Hortefeux et Takieddine, en 2005 
MM. Hortefeux et Takieddine, en 2005© dr

S’appuyant sur les confidences du médecin personnel de Ziad Takieddine, l’agent de recherches privé Brisard signalait que les « modalités de financement de la campagne » de « NS » avaient été « réglées » lors des visites en Libye de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux en 2005. Des visites préparées par Ziad Takieddine, comme en attestent ses notes remises à Claude Guéant, entre les mains de la justice.

Brisard évoquait aussi « plusieurs entretiens préalable » entre « ZT et Saïf al-Islam » ;  « ZT » apparaît comme étant « chargé du montage », en marge de ses « interventions » sur des contrats de sécurisation des communications des armées qu’il a effectivement gérés.

Selon les notes de Takieddine, Mohammed Ismail était effectivement l’un des acteurs clés des relations entre la France et la Libye de Kadhafi, entre 2005 et 2011. Le 3 septembre 2007, l’intermédiaire évoquait ainsi dans une note remise à Guéant, aujourd’hui entre les mains des juges, la création d’une société de vente d’armes franco-libyenne, appelée à être « sous le contrôle total de CG (pour Claude Guéant – ndlr) ».

D’après ce document, Kadhafi avait « désigné personnellement » Mohamed Ismail pour diriger cette société. « Il correspond à une volonté de faire en sorte, tout comme la France, de choisir un homme de confiance et de proximité pour pouvoir donner à cette société le rôle qui lui est dévolu », écrivait Ziad Takieddine au sujet de Mohamed Ismail. La société d’armement évoquée ne verra finalement pas le jour. 

Le fait que Mohamed Ismail parle également d’un canal de financement occulte via la Suisse recoupe également les déclarations de l’ancien premier ministre libyen, Baghdadi Mahmoudi, devant la justice tunisienne, en octobre 2011. Devant la cour d’appel de Tunis, l’ancien chef du gouvernement, aujourd’hui emprisonné à Tripoli, avait déclaré avoir lui-même « supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli », précisant que « des fonds ont été transférés en Suisse ».

 


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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 17:33

 

Rue89 - Blog

Benjamin Sourice - Journaliste

Publié le 22/06/2013 à 15h12

 

 

Le registre volontaire européen du lobbying fête ses deux ans. Institué en juin 2011 sous l’impulsion du Commissaire Maroš Šefčovič, il remplaçait une première tentative d’encadrer les activités de lobbying mise en place en 2008.

Cette initiative vise à établir un code de déontologie et un registre du lobbying sur des bases non-contraignantes, misant sur l’ « autorégulation » des professionnels de l’influence.

Deux ans après, le bilan reste mitigé et de puissantes industries continuent d’ignorer les règles européennes de transparence sans que cela ne les empêche de trouver portes ouvertes à la Commission.

« 75% des entreprises enregistrées »

Selon le registre commun de transparence mis en place en juin 2011, il existe en 2013 plus de 5750 « entités » intervenant auprès de la Commission et le Parlement.

Plus de 670 cabinets d’avocats et de lobbying sont inscrits, sans distinction d’effectifs, et plus de 2860 représentants d’intérêts parcours les couloirs des institutions européennes.

De leur côté, les représentants d’associations comptent 1496 inscrits et les « groupes de réflexion » (« Think-tank et académiques) près de 400 inscrits.

Au total, ce serait de quelques 15.000 lobbyistes qui seraient présents dans la capitale européenne pour 21 500 employés par la Commission à Bruxelles.

Pour les chercheurs Justin Greenwood et Joanna Dreger, auteurs d’une étude sur l’impact du registre du lobbying en avril 2013,

“ la couverture du registre englobe désormais 75% des organisations à but lucratif ou liés au secteur privé, et environ 60% des ONG. ”

Les universitaires ajoutent notamment dans leur étude que les associations vitrines, faux-nez de l’industrie, compte pour 15% des ONG enregistrées alors qu’elles devraient être listées parmi les groupes de lobby commercial.

Les “passagers clandestins du lobbying”

Selon un nouveau rapport publié ce 20 juin 2013 par la plateforme associative Alter-EU (pdf), spécialisée dans la surveillance des pratiques de lobbying européen :

“ le registre volontaire échoue par le manque d’engagement d’une part importante des lobbyistes à s’enregistrer. De plus, il est rempli de données incomplètes et invérifiables. ”

Par exemple, la compagnie de commerce en ligne E-Bay déclare un budget lobbying inférieur à 50000€ alors qu’elle emploie cinq lobbyistes dont deux sont accrédités auprès de la Commission.

A l’inverse, une entreprise turque produisant des vêtements bio pour bébés se retrouve parmi les trois plus gros contributeurs au lobbying bruxellois, alors qu’elle n’y dispose même pas de bureaux. Il s’agit vraisemblablement d’une erreur de déclaration non corrigée, car non vérifiée par les services de la Commission en charge du registre.

Dans son rapport, Alter-EU démontre ainsi que plus de 100 entreprises, véritables passagés clandestins du lobbying (“free-riders”), impliquées dans le lobbying à Bruxelles ne déclarent toujours aucune activité de la sorte dans le registre.

Parmi les grands absents, il y a notamment Apple et Amazon qui ferraillent aux côtés de la bande de GAFA, réunissant également Google et Facebook, pour limiter la portée d’un projet de réglement européen relatif à la protection des données personnelles sur internet.

En mars 2013, le site opensource Lobbyplag révélait qu’Amazon avait fait déposer dix amendements au texte législatif grâce à son travail de lobbying auprès des députés européens.

Autre cas notable parmi les entreprises citées, il y a la banque d’affaires américaine Goldman Sachs (GS), connue pour sa stratégie financière agressive et ses liens étroits avec l’administration de Washington.

Aux Etats-Unis, où les déclarations d’activités de lobbying sont obligatoires, la banque indique avoir dépensé en 2012 quelques 3 540 000 de dollars pour influencer les politiques de Washington.

Portes ouvertes à la Commission

Bien que ces entreprises ne respectent pas le cadre volontaire mis en place par la Commission européenne, cela ne les empêchent pas d’être accueillies et écoutées au sein des institutions européennes.

Pour Alter-Eu “ le cas de Olli Rehn, vice président de la commission européenne et commissaire pour les affaires économiques et monétaires illustre parfaitement comment le non respect du registre du lobbying et de sa charte sont tolérés au plus haut niveau. Ainsi, 62% des rendez-vous que le Commissaire a eu entre janvier 2011 et février 2012 se sont fait avec des organismes non enregistrés, dont 3 rencontres avec les représentants de Goldman Sachs. ”

Alors que nombre de parlementaires ont émis à plusieurs reprises leur souhait de voir le registre évoluer vers une approche plus contraignante, la Commission continue de défendre une approche volontaire.

En mai 2013 Maroš Šefčovič précisait sa position sur son blog personnel :

“ J’ai toujours pensé que l’approche volontaire était la meilleure pour les institutions européennes [...]. Je suis convaincu que la vaste majorité des groupes d’intérêts n’a rien à cacher et qu’à terme ils s’enregistreront tous. ”

Un optimisme qui ne saurait faire office de bilan officiel et masquer les défaillances du système, en particulier l’absence d’astreinte sur l’authenticité des données fournies, tout comme l’existence de pratiques opaques à la marge comme le rappelait le récent scandale du Dalligate et les manoeuvres du lobby du tabac.

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22 juin 2013 6 22 /06 /juin /2013 18:57

 

Marianne

 Samedi 22 Juin 2013 à 13:25

 

Philippe Petit

 

C'est le plus brillant des intellectuels britanniques. L'auteur de la Pensée tiède, très bon connaisseur de la France, se penche pour Marianne sur les menaces qui pèsent sur notre pays et l'état de sa vie intellectuelle.

 

Hollande Sarkozy, passation de pouvoir - DELALANDE RAYMOND/SIPA
Hollande Sarkozy, passation de pouvoir - DELALANDE RAYMOND/SIPA
L'historien britannique Perry Anderson, né en 1938, fait partie des rares qui peuvent encore aujourd'hui se prévaloir du titre de penseur européen. Le regard qu'il porte sur la France, l'Allemagne ou l'Angleterre est d'une telle acuité qu'il fait honte à ceux qui sont dominés par des passions chauvines.

Observateur attentif de la vie intellectuelle française, il a publié en 2005 la Pensée tiède (Seuil), un essai sur l'affaissement de la pensée française depuis les années 80. Il vient de passer une année à Nantes afin de poursuivre sa réflexion sur les effets dévastateurs de la domination américaine dans le champ des études européennes et sur les dégâts causés par la pensée néolibérale.

C'est là que nous l'avons rencontré, à l'Institut d'études avancées (IEA), afin de dresser le bilan de la situation politique et intellectuelle en France. Fort de son regard éloigné et de sa connaissance approfondie de notre pays, il craint par-dessus tout que la France ne se normalise, en se laissant gagner par les idées néolibérales.


Marianne : Vous venez de passer une année à Nantes, où vous avez pu affiner votre regard sur la France. Quelle a été votre expérience ?

Perry Anderson : L'Institut d'études avancées de Nantes est une création unique, qui combine de vifs échanges intellectuels, un style original de sociabilité et une sensibilité aiguë aux rapports culturels Nord-Sud en une synthèse sans équivalent en Europe - ni, en fait, ailleurs.

Ici, vous êtes pendant un an avec des Africains francophones, des Indiens, des Chinois, des Brésiliens, des Russes et des Arabes, mais aussi des Français et des Allemands, ou d'autres chercheurs européens, en position d'en apprendre énormément chaque semaine sur le monde réel où nous vivons, qui n'est pas la bulle occidentale. La France peut être fière de cela.

La centralisation excessive de la vie intellectuelle - laissons de côté celle de l'administration - est souvent vue comme l'un des défauts de ce pays. Pourtant, la France est moins centralisée que la Grande-Bretagne, où le poids de Londres est bien plus important que celui de Paris, où les autonomies sont beaucoup plus faibles et où il n'y a pas de provinces dignes de ce nom.

Que l'institut donne sur la Loire plutôt que sur la Seine est un hommage à la diversité ancestrale de la France, ainsi qu'à son créateur, Alain Supiot. On ne pouvait imaginer moins provincial - au sens péjoratif du mot. Un observatoire idéal pour penser sur la France et sur le monde.

«Peu de dépêches sont aussi plates que celles en provenance de Paris», lanciez-vous dans votre essai la Pensée tiède, paru en 2004. Cette platitude - pour ne pas parler d'un sentiment d'abêtissement - se retrouvait, hélas, selon vous, dans la presse française, et en particulier dans le quotidien le Monde. Avez-vous changé d'avis à propos du «journal de référence» - j'ironise à dessein ? Quel regard portez-vous aujourd'hui sur la presse et les médias français ?

P.A. : Il est vrai que la façon dont la presse britannique et américaine couvraient à l'époque votre pays était plutôt affligeante. La qualité de cette presse s'est encore détériorée. Ses récriminations se sont régulièrement faites plus stridentes et moins nuancées sur le fait que la France n'aurait prétendument pas encore pris la bonne dose du remède néolibéral dont elle aurait besoin pour devenir une société normale.

La presse française, elle, n'a pas tellement changé, me semble-t-il, mais, contrairement à ce qui se passe dans l'«anglosphère», elle s'est même légèrement améliorée. Le Monde, comme produit papier, reste plus ou moins ce qu'il était, avec, en plus, pléthore de suppléments « à l'américaine ».

La principale différence est que, si ce journal est depuis longtemps le bastion d'une forme d'atlantisme et de néolibéralisme qui a dû faire se retourner Beuve-Méry dans sa tombe, il a dû, sous les gouvernements de centre droit - ceux de Chirac et Sarkozy en particulier - calmer ses ardeurs libérales pour garder sa crédibilité, il est vrai faible, de journal d'opposition.

Maintenant que le centre gauche est, avec Hollande, au pouvoir, le Monde, qui soutient son chef, peut se libérer de tout scrupule et faire une campagne encore plus agressive et explicite en faveur d'un agenda néolibéral, afin de s'assurer que le gouvernement socialiste gagne en « sagesse économique » pour sauver la France, et se sauver lui-même.

Revenons également sur le tableau que vous dressiez du monde des idées, plus proches de la république du chacun pour soi dans les lettres que d'une véritable république des lettres ! Avez-vous constaté une progression vers une plus grande liberté d'esprit, une véritable indépendance critique, depuis dix ans ? Chez les historiens, les philosophes, les sociologues ?

P.A. : Quand j'écrivais sur la France en 2004, je distinguais deux plans : les médias et le monde intellectuel. Ce qui est propre à la France est certainement le niveau d'interconnexion entre les deux à Paris, depuis le début de la Ve République. Là où la liaison est trop forte, on a des déformations qui peuvent être grotesques : tel le cas Bernard-Henri Lévy. Mais les deux univers ne sont pas les mêmes et ils appellent des jugements de nature différente. Le conformisme de la presse est une chose. L'état de la vie intellectuelle en est une autre qui, tout en étant affecté par la première, ne doit pas être confondu avec elle.

On ne peut que noter, bien sûr, une baisse de la production depuis le milieu des années 70, même si elle n'est ni générale ni homogène. Beaucoup de grands esprits ont continué à produire des travaux très originaux, aux antipodes de tout conformisme intellectuel - parmi les penseurs dont j'avais parlé alors, il y avait Régis Debray, Pierre Bourdieu, Luc Boltanski, Alain Supiot ou Jacques Bouveresse. Depuis, dans le Nouveau Vieux Monde, publié en 2009 par Agone, j'ai ajouté Emmanuel Todd et Gérard Noiriel, et on pourrait encore probablement penser à d'autres.

Todd, notamment, a un tempérament iconoclaste. Il casse la baraque. C'est une vertu formidable. Son interview récente sur le hollandisme dans les pages de Marianne en est un exemple admirable. Son point faible est peut-être toutefois de trop vouloir conseiller les princes. Pour ce qui est de savoir si la situation est meilleure aujourd'hui qu'il y a dix ans, il est encore trop tôt pour le dire.

Ce qui est sûr, c'est que l'emprise de l'individualisme, du reniement des solutions collectives, la diabolisation de tout enthousiasme révolutionnaire, bref, de ce que l'on pourrait appeler, «la pensée 1978» [par analogie avec la Pensée 68, le livre de Luc Ferry et Alain Renaut], a diminué dans la sphère intellectuelle, alors qu'elle est devenue, dans la sphère politique, encore plus envahissante, comme le montre l'évolution du gouvernement actuel.

Quelle est alors, selon vous, la faiblesse majeure de la vie intellectuelle française ?

P.A. : C'est l'absence d'une vraie culture critique, au sens technique du terme. La France continue à produire plus de travaux théoriques originaux que tout autre pays européen, travaux qui frappent par l'audace de leur conception ou la profondeur de la réflexion. Mais ils ne suscitent guère de débat, que ce soit entre les penseurs eux-mêmes ou chez ceux qui pourraient les examiner.

Avez-vous des exemples ?

P.A. : Ils ne manquent pas. La principale revue d'histoire en France, les Annales, n'a jamais, autant que je sache, publié un seul point de vue critique sur les travaux de Michel Foucault, qui est souvent vu comme une sorte d'historien. Aucun chercheur en sciences religieuses n'a jamais, à ma connaissance, essayé de prendre la mesure critique des écrits de Régis Debray sur le monothéisme en général, et sur la chrétienté en particulier - d'ailleurs, on chercherait en vain une évaluation sérieuse de sa « médiologie ».

Un anthropologue s'est-il réellement attaqué au travail pluriforme d'Emmanuel Todd ? Y a-t-il en France des études sur le poststructuralisme d'un niveau comparable aux travaux du jeune philosophe anglais Peter Dews (Logics Of Disintegration), ou de Christopher Johnson, System And Writing In The Philosophy Of Jacques Derrida) ?

Prenez encore l'économie : la France est le seul pays occidental qui a produit nombre de diagnostics et de propositions de grande originalité pour faire face à la crise actuelle - Michel Aglietta, Jean-Luc Gréau, Jacques Sapir et autres -, alors que dans l'«anglosphère», on ne trouve que monétarisme et keynésianisme rances. Mais où débat-on sérieusement de ces travaux ? Dans l'«anglosphère», pas en France.

Ce verdict concerne-t-il également la réception des auteurs étrangers en France ?

P.A. : Hélas, oui. Critique, la revue fondée par Bataille afin de développer l'examen critique de travaux et d'idées, a récemment consacré un numéro spécial au grand historien italien Carlo Ginzburg. Peut-on honnêtement dire que les contributions publiées sont à la hauteur de cet idéal ? On manque cruellement en France d'une publication telle la London Review Of Books, le principal périodique européen en la matière.

Le résultat de ce vide est que la somme des productions de la culture contemporaine française - qui continue à être très active - est bien moindre que les parties souvent remarquables qui la composent.

L'expression «pensée unique», malgré ses faiblesses, donnait, selon vous, la mesure de la domination générale des idées favorables à une sorte de consensus européen, incapable de prendre acte des rigueurs de la mondialisation et de proposer une politique prenant en compte les aspirations des populations. Dix ans plus tard, qu'est-ce qui a changé en Europe principalement ? Qu'est-ce qui fait la différence sur ce point entre l'ère Sarkozy et le début de l'épisode socialiste ?

P.A. : La crise économique qui se développe depuis 2008 a radicalement intensifié la pression des élites européennes sur leurs sociétés, pour leur faire adopter l'ensemble des transformations néolibérales prônées depuis les années 90, mais encore loin d'être réalisées.

En France, les différences entre les gouvernements de Sarkozy et de Hollande sont les suivantes. Tous deux sont porteurs du projet néolibéral et tous deux ont eu besoin (comme généralement en Europe et aux Etats-Unis) d'un « supplément idéologique » afin de faire avaler à leurs électeurs les recettes arides de l'orthodoxie économique, et de leur faire oublier la détresse matérielle de leur condition.

Sous Sarkozy, le supplément, c'était l'« identité nationale » comme rempart contre les immigrants. Sous Hollande, c'est le « mariage pour tous ». L'un est à l'évidence plus léger que l'autre, mais sa fonction est la même : distraire les masses de l'augmentation du chômage, de l'abaissement du niveau de vie, de la dégradation des services publics, auxquels ces gouvernements ont présidé. L'autre différence entre les expériences Sarkozy et Hollande se profile seulement à l'horizon, mais elle sera la plus importante. Le centre gauche sera probablement un vecteur plus radical du programme néolibéral que le centre droit.

Premièrement, la crise est devenue plus aiguë, imposant des attaques plus drastiques de l'héritage de l'après-guerre, du genre que l'on voit déjà en Grèce, en Espagne, au Portugal et en Irlande - l'Italie étant la suivante sur la liste.

Deuxièmement, les gouvernements sociaux-démocrates sont typiquement mieux placés que les gouvernements conservateurs pour assurer une restructuration néolibérale de l'Etat-providence parce qu'ils peuvent non seulement compter sur une moindre opposition des syndicats, mais aussi brandir le spectre de la droite pour museler leurs partisans.

Ce n'est pas Merkel mais bien Schröder qui a fait passer le « programme 2010 » en Allemagne. Sans un soulèvement populaire majeur - le dernier datant de presque vingt ans [les manifestations de 1995], et la classe politique est devenue plus confiante -, on peut s'attendre à la même mise au pas en France.

La France, quant à elle, comme l'a rappelé le juriste Alain Supiot dans sa leçon inaugurale au Collège de France, fut pendant longtemps le terrain d'expérimentation de l'Etat social, des services publics notamment. Pensez-vous que cela soit toujours le cas ?

P.A. : L'introduction des 35 heures a été la dernière réforme sociale importante instaurée en Europe au XXe siècle. Cela a été fait en France, et nulle part ailleurs. Cette mesure a toujours été un sujet d'aversion pour l'opinion néolibérale, et maintenant, sans être formellement abrogée, elle est - comme vous le savez - régulièrement rognée. La leçon inaugurale d'Alain Supiot s'intitule Grandeur et misère de l'Etat social. Assurément, la grandeur est encore présente en France, mais, sans un soulèvement, c'est une misère croissante qui l'attend.

Propos recueillis par Ph.P.

 

 

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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 21:14

 

Médiapart

| Par Michel Deléan

 

 

Les grandes manœuvres visant à faire dessaisir les trois juges d’instruction bordelais en charge du dossier Bettencourt ont échoué. Annoncée à grands roulements de tambour, la requête en dépaysement examinée mardi par la chambre criminelle de la Cour de cassation (lire notre article ici) a été rejetée ce jeudi matin.

Dans un arrêt que l’on peut lire ici, la chambre criminelle donne une courte mais cuisante leçon de droit aux avocats des sept mis en examen – dont Nicolas Sarkozy – qui réclamaient à grands cris le dépaysement du dossier vers un autre tribunal.

 

 

Sarkozy quittant le tribunal 
Sarkozy quittant le tribunal

 

« Attendu qu’il est allégué dans la requête qu’un collège de l’instruction du tribunal de grande instance de Bordeaux, chargé de la procédure dans laquelle les requérants sont mis en examen, ne présenterait pas toutes les garanties d’impartialité pour avoir procédé à la désignation et à la rémunération d’un expert dans des conditions irrégulières, et avoir tenu, personnellement ou par avocat, des propos polémiques », écrit la Cour, « il s’agit, dès lors, non pas d’une requête en suspicion légitime visant une juridiction, mais d’une requête en récusation », qui aurait donc dû être déposée auprès de la cour d‘appel de Bordeaux.

Cette nuance juridique de taille semble avoir échappé à l’avocat général Gilles Lacan, qui avait requis mardi le dépaysement du dossier en raison d’éléments pouvant « faire naître un doute dans l'esprit de certains mis en examen sur l'impartialité des juges », cela malgré l’avis contraire du procureur de Bordeaux et du procureur général de la cour d’appel (comme l’a révélé Mediapart).

Pour Christophe Regnard, président de l'Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire), cette décision de la chambre criminelle n'est pas une surprise.  « C'est un magnifique plantage des avocats de la défense. Plutôt que de faire de la communication, ils feraient mieux de faire un peu de droit », a-t-il lancé ce jeudi sur France Info.

« La polémique vient au départ des avocats de Nicolas Sarkozy et de ses proches qui s'en sont pris très violemment aux magistrats instructeurs. Le but est de faire monter la pression et d'arriver à ce qu'ils soient mis en position difficile », a rappelé pour sa part Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature (SM, gauche).

Malgré cette gifle, les avocats de la défense, qui semblent décidés à épuiser toutes les voies procédurales, entendent se tourner maintenant vers la première présidente de la cour d‘appel de Bordeaux, pour réclamer la récusation de chacun des trois juges d’instruction de l’affaire Bettencourt.

Mais une telle démarche est probablement vouée à l’échec, dans la mesure où les trois magistrats instructeurs ont achevé leur instruction depuis le 28 mars. En outre, le parquet de Bordeaux s’est déjà exprimé dans un long communiqué, le 10 mai, sur ses réquisitions de non-lieu en faveur d’Éric Woerth et Patrice de Maistre dans le volet « trafic d’influence » de l’affaire Bettencourt (lire notre article ici).

Tout sauf un procès public

Le 30 mai, les avocats de sept des mis en examen (à savoir Nicolas Sarkozy, Éric Woerth, Patrice de Maistre, Stéphane Courbit, François-Marie Banier, Martin d’Orgeval, et Carlos Verajano) s’étaient offusqués des liens entre le professeur Gromb et l’épouse du juge Jean-Michel Gentil (lire notre article ici), puis des réponses des juges Valérie Noël et Cécile Ramonatxo aux attaques lancées par eux-mêmes.

Mardi, devant la chambre criminelle, ce sont les avocats de Françoise Bettencourt-Meyers et du tuteur de Liliane Bettencourt qui ont dû prendre la défense des juges d’instruction. « Cette requête prétend recueillir les fruits d’une campagne contre un juge qui a été d’une grande intensité », avait remarqué Me Didier Bouthors. L’avocat ajoutait ceci, au sujet des articles sur la présence du professeur Gromb au mariage du juge Gentil en 2007 : « L’allégation par voie de presse peut faire craindre l’existence d’investigations poussées sur la vie privée et l‘intimité des magistrats. »


Liliane Bettencourt 
Liliane Bettencourt

Ces attaques répétées contre les juges d'instruction bordelais attestent, s’il en était besoin, le caractère sensible du dossier Bettencourt et son importance.

C’est surtout Jean-Michel Gentil qui a été ciblé. Outre la réception de lettres anonymes et de menaces de mort, assez courante dans les affaires politico-financières, ce magistrat du tribunal de Bordeaux s’est vu accuser (à tort) par l’avocat de Sarkozy d’avoir confondu « Betancourt » et « Bettencourt », puis d’avoir signé une « tribune politique ».

Nicolas Sarkozy lui-même aurait menacé le juge – à mots couverts – de ne pas « en rester là » après sa mise en examen. Enfin, Henri Guaino a lâché que Jean-Michel Gentil avait « déshonoré la justice », puis refusé de se rendre une convocation de police en appelant les députés UMP à le défendre.

La bataille procédurale n’est pas achevée pour autant. Plusieurs demandes de nullité de la procédure doivent être examinées le 2 juillet par la chambre de l’instruction de Bordeaux, qui a déjà dû reporter l’audience à deux reprises en raison des demandes de dernière minute des avocats. Dans un réquisitoire du 31 mai, révélé par Mediapart, le parquet général près la cour d’appel de Bordeaux considère que la procédure est régulière, et se prononce pour un rejet de la demande d’annulation de la mise en examen de Nicolas Sarkozy, déposée le 24 avril par son avocat.

La défense de Sarkozy et des principaux mis en examen semble décidée à tout mettre en œuvre pour éviter un procès public, quitte à jouer la montre. Si la régularité de la procédure est confirmée et qu’ils ne sont pas récusés, le juge Gentil et ses deux collègues devraient rédiger leur ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel dans les semaines qui viennent.

Ayant mis Nicolas Sarkozy en examen pour abus de faiblesse, les juges devraient, en bonne logique, le renvoyer devant le tribunal. Dans ce cas, un espoir subsisterait encore pour l’ex-président : que le parquet de Bordeaux considère les charges contre lui insuffisantes, requière un non-lieu et interjette appel de l’ordonnance de renvoi des juges. Une démarche assez rare, pour ne pas dire rarissime.

 


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21 juin 2013 5 21 /06 /juin /2013 18:21

 

 

Médiapart

 

 

Brusquement, la fièvre semble avoir gagné la Chine. Depuis une semaine, les signes se multiplient d’une grande tension dans le système bancaire chinois. Le système interbancaire s’est totalement gelé ces derniers jours. Les banques chinoises refusent de se prêter entre elles, au point que le taux interbancaire (overnight Repo) a explosé, atteignant le record de 25 % jeudi. Les rumeurs de faillite bancaire circulent. La Bank of China a dû démentir son effondrement. Un credit crunch se profile, menaçant toute l'économie chinoise. « Les investisseurs ont de plus en plus de mal à refinancer leurs dettes à court terme », avertit l'agence de notation Fitch dont la note est reprise par le Telegraph.

Obnubilés par la perspective de se voir privés de leur dose de liquidités quotidiennes – 4 milliards de dollars ! – dispensées par la Réserve fédérale, la plupart des investisseurs et observateurs ont à peine pris note des tensions chinoises. Les analystes plus attentifs, eux s’inquiètent. Car, pour eux, ce scénario a un air de déjà vu : « nous sommes pas loin d’un moment Lehman », remarque le site Zerohedge en soulignant la ressemblance entre ce qui se passe actuellement à Pékin et la panique à la veille de l’effondrement de la banque Lehman, en septembre 2008.

 

© Zero hedge
© Zerohedge

 

Depuis plusieurs mois, les signes d’essoufflement et de tension se multiplient sur l’économie chinoise. Les autorités chinoises ont beau publier des chiffres de croissance à faire pâlir de jalousie tous les autres pays dans le monde – + 7,7% de croissance au premier trimestre –, personne n’y croit vraiment. Car en dépit des efforts du gouvernement chinois pour rééquilibrer son économie et soutenir une demande intérieure, le modèle chinois reste largement mercantiliste, reposant sur les exportations. Aujourd’hui, la Chine subit les conséquences de l’austérité et la récession généralisées en Europe, l'un de ses principaux marchés. Depuis un an, ses exportations stagnent ou baissent. Et tout l’appareil productif en accuse le contrecoup, comme semblent le prouver d’autres indicateurs, considérés comme plus fiables.

 

 

Ainsi, la consommation d’électricité en Chine accuse une chute de plus de 15 % en un an. Sauf à considérer que les entreprises chinoises ont réalisé des économies d’énergie stupéfiantes en quelques mois, ce chiffre n’est pas de très bon augure. De même, la demande chinoise en matière première est en sensible baisse, entraînant une chute des cours mondiaux du cuivre, du nickel, de l’acier. La production industrielle, après s’être un peu reprise au début de l’année, est à nouveau en baisse, comme le note le Wall Street journal. 

Mais la plus grande inquiétude vient de la bulle immobilière qui s’est constituée en Chine ces dernières années. Pour éviter la crise, le gouvernement chinois a décidé en 2009 d'injecter l'équivalent de 12 % de son PIB dans l'économie. Le crédit depuis l'effondrement de Lehman est passé de 9 000 à 23 000 milliards de dollars. Mais l'essentiel de cet argent s'est concentré  sur l'immobilier, secteur déjà en surchauffe, assorti d'énormes dettes sur les autorités locales.

Une spéculation effrénée s’est déchaînée dans ce secteur. Profitant d’une politique monétaire très laxiste, les banques ont prêté et investi à tout va dans des projets de plus en plus pharaoniques. Des villes entières ont surgi de nulle part, comme le racontait Jordan Pouille dans son reportage sur Tianfu New City (voir Chine : le rêve (ou le cauchemar) prend forme).

 

Un système bancaire de l'ombre

Mais il n’y a pas qu’à Oulan-Bator, capitale de la Mongolie, que des immeubles entiers sont vides. Dans tout le pays des villes nouvelles entières sont sans habitant. (voir le reportage de CBS)

 Aujourd’hui, l’explosion de la bulle immobilière menace l’ensemble du système financier et les autorités locales. En quelques années, le ratio de dette du pays est passé de 75 % à 200 %, selon Fitch. De plus, les banques ont dans leur bilan des montagnes de créances consenties aux entreprises et à l’économie, qui ont massivement investi au point de créer des surcapacités. Le système du crédit semble désormais au bord de l'épuisement.

Depuis deux ans, la sonnette d’alarme a été tirée sur les pratiques des banques accusées de soutenir un surinvestissement massif dans tous les secteurs. La Banque centrale de Chine a, à plusieurs reprises, tenté de ralentir la surchauffe en restreignant sa politique monétaire et en augmentant ses taux. Mais rien n’y a fait.

D’autant que s’est développé à côté des banques officielles, un système financier de l’ombre, aux mains des potentats locaux et de particuliers. Des fonds de placements, des trusts, des sociétés opaques se sont créées, ont emprunté aux banques et ont joué les investisseurs. Pour asseoir leur pouvoir, soutenir les projets locaux, et surtout gagner de l’argent – car les taux réclamés sur les prêts sont parfois usuraires – ils ont déversé des milliards dans les régions et financé des projets sans fondement.

Aujourd’hui, même les autorités chinoises ne savent pas évaluer l’état de santé du système bancaire officiel et parallèle. Certains évoquent des centaines de milliards de dollars de créances pourries. Le résultat en tout cas est là : les banques ne font plus confiance et refusent de se prêter entre elles. Et les bruits de faillite résonnent de toutes parts.

Dans cette situation déjà tendue à l’extrême, la grande préoccupation d’une partie des financiers occidentaux est la réponse du gouvernement chinois. Car la Banque centrale chinoise n’a pas répondu à leurs attentes : elle a refusé d’assouplir sa politique monétaire et d’injecter plus de liquidités dans le système bancaire, ou d’abaisser ses taux directeurs, comme l’a fait la Réserve fédérale à chaque moment dangereux.

Cette résistance, inhabituelle pour un monde financier, est inspirée par la politique, s’inquiète le Financial Times. « Au lieu de cela, la banque populaire de Chine a recommandé une complète mise en œuvre de la  campagne de « nouvelle ligne d’éducation des masses » lancée cette semaine par le président Xi Jinping – une campagne qui par son style de propagande et dans son envergure potentielle évoque l’ère maoïste », écrit le quotidien. « Les cadres du parti communiste qui dirigent la banque centrale sont censés s’attaquer aux quatre vents du formalisme, de la bureaucratie, de l’hédonisme et de l’extravagance, comme l’a demandé M. Xi », poursuit-il.     

Conscient de la colère croissante des Chinois face aux inégalités et à la corruption (voir les articles de Mediapart ici ou ), le nouveau gouvernement chinois a décidé de passer à la vitesse supérieure dans la lutte contre la corruption. Mais cette reprise en main au moment où l’économie chinoise vacille, où le système financier se grippe, fait peur au monde financier. Brusquement, celui-ci, qui ne jurait que par le miracle chinois, réalise que Pékin est toujours, si ce n’est communiste, au moins un régime autoritaire, faisant passer ses intérêts politiques avant tout.

 

 

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 17:19

 

 

 

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Entre Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, il y avait toujours un homme, le même, parlant alternativement pour l’un, et pour l’autre : Moftah Missouri, l’interprète personnel du “Guide” de la révolution libyenne. Ce diplomate libyen, avec rang d’ambassadeur, révèle ce soir, dans l’émission Complément d’enquête (France 2), avoir appris de Kadhafi que la Libye avait versé « une vingtaine de millions de dollars » à Nicolas Sarkozy à l'occasion de sa campagne de 2007.

Lors cette interview, Moftah Missouri confirme aussi l’authenticité du document officiel libyen dévoilé par Mediapart le 28 avril 2012. Selon cette note datée du 10 décembre 2006, le régime libyen avait décidé «d’appuyer la campagne électorale» de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007, et ce pour un « montant de cinquante millions d’euros ». Après cet accord de principe, c'est plus d'un tiers de la somme qui aurait été effectivement versé.

 

Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi 
Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi© Reuters

Signée par Moussa Koussa, l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, la lettre de décembre 2006 était adressée à Bachir Saleh, directeur de cabinet de Kadhafi et président de l’un des fonds souverains du régime, le Libyan African Portfolio (LAP).

Peu après sa publication, Bachir Saleh sera exfiltré de Paris, où il vivait sous la protection des autorités, avec la complicité de la DCRI.

Interrogé par les équipes de Fance 2, le 15 juin dernier, dans un hôtel de Tripoli, Moftah Missouri analyse le document révélé par Mediapart : « Ça c’est le document de projet, d’appui ou de soutien financier à la campagne présidentielle du président Sarkozy ». Il conclut: « C’est un vrai document ».

 

 

Resté jusqu’à la chute du régime aux côtés de Kadhafi, Moftah Missouri a été témoin des mises en garde adressées à la France par les dignitaires libyens au sujet de la révélation d’un financement de Nicolas Sarkozy. Mouammar Kadhafi évoquait alors un « grave secret » et son fils, Saïf al-Islam, avait ouvertement parlé de la campagne présidentielle de 2007.

 

La note de 2006. Cliquez sur l'image pour l'agrandir. 
La note de 2006. Cliquez sur l'image pour l'agrandir.

« Kadhafi m’a dit à moi verbalement que la Libye avait versé une vingtaine de millions de dollars, témoigne l’interprète. Normalement chez nous, à la présidence, quand on donne de l’argent à quelqu’un, il n’y a pas un transfert bancaire, il n’y a pas de chèque, c’est de l’argent liquide dans des mallettes. » Questionné par Mediapart, Tristan Waleckx, l’un des journalistes de Complément d’enquête, précise ses échanges avec le diplomate interprète. « Missouri est absolument catégorique sur l’authenticité du document, déclare-t-il. Nous lui avons posé quinze fois la question. Il est prudent sur le versement effectif de l’argent parce qu’il n’a pas vu les mallettes. Mais sur le document, il n’exprime pas le moindre doute, s’agissant de sa présentation, de sa formulation, de l’écriture et des signatures »

 

Le faux démenti du Figaro

Le journaliste de France 2 nous précise aussi que Moftah Missouri conteste avoir « démenti » les révélations de Mediapart comme Le Figaro l’avait écrit à l’époque. « Missouri nous a dit que Le Figaro avait fait une extrapolation de ses propos, poursuit Tristan Waleckx. Comme c’est quelqu’un de prudent, il avait dit qu’il n’avait pas vu les mallettes, et c’est devenu un démenti formel. Pour lui, c’était clairement de la part du Figaro une déformation de ses propos, coupés au bon endroit ».

 

Capture d'écran du faux démenti de Missouri publié par Le Figaro 
Capture d'écran du faux démenti de Missouri publié par Le Figaro© dr

Ce témoignage de Moftah Missouri intervient alors que l’affaire s’est judiciarisée. Alors qu’en 2012 une enquête préliminaire avait été ouverte sur plainte de Nicolas Sarkozy contre Mediapart pour « faux », une information judiciaire a été ouverte sur les faits de financement illicite de la campagne de l’ancien président par le régime libyen, le 19 avril, pour « corruption active et passive », « trafic d'influence », « faux et usage de faux », « abus de biens sociaux », « blanchiment, complicité et recel de ces délits ».

 

Moftah Missouri (au centre), avec Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, à Tripoli 
Moftah Missouri (au centre), avec Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi, à Tripoli© Reuters

La perquisition du domicile de Claude Guéant, le 27 février, est à l’origine de ce rebondissement. Selon L’Express, des « notes manuscrites à entête du ministère de l’intérieur » relatives aux dossiers libyens ont alors été saisies. Elles viennent s’ajouter à l’importante documentation de l’intermédiaire Ziad Takieddine, écroué le mois dernier, et les nombreuses notes adressées à Guéant, qui prouvaient déjà l’existence de préparatifs financiers secrets sur fond de ventes d’armes au régime de Kadhafi.

A l’exception de Bachir Saleh parti en Afrique, et de Moussa Koussa, réfugié et semi-clandestin au Qatar, les hommes clé de l’affaire sont entre les mains du nouveau régime libyen : Saïf al–Islam Kadhafi, l’ancien premier ministre Baghdadi al-Mahmoudi, et Abdallah Senoussi, l’ancien chef des services spéciaux libyen.

Avant d’être extradé de la Tunisie vers la Libye en 2012, Baghdadi al-Mahmoudi avait déclaré devant la cour d’appel de Tunis, avoir lui même « en tant que premier ministre, supervisé le dossier du financement de la campagne de Sarkozy depuis Tripoli ».  « Des fonds ont été transférés en Suisse et Nicolas Sarkozy était reconnaissant pour cette aide libyenne et n’a cessé de le répéter à certains intermédiaires », avait-il précisé.

Interrogé le 18 juillet 2012 lors d’une conférence de presse à l’Élysée, François Hollande a déclaré qu’il « regrettait » l’extradition de Baghdadi al-Mahmoudi, précisant qu’il y avait « sûrement des informations à obtenir qui seraient utiles pour connaître un certain nombre de flux».

Les langues se délient en Libye également. En septembre, à la question d’une journaliste du Point sur un éventuel financement de Nicolas Sarkozy par le régime Kadhafi, l’ancien président libyen (qui a démissionné fin mai), Mohamed Youssef el-Megarief, a répondu : «Cela ne me paraît pas impossible».

Un ancien responsable des services secrets extérieurs du Conseil national de transition (CNT) libyen, Rami el-Obeidi, a affirmé au Daily Telegraph et à Mediapart que la mort de Kadhafi, dans les heures qui ont suivi son lynchage par la foule, le 20 octobre 2011, à Syrte était liée à « la menace d'une révélation d'un financement de la campagne de Sarkozy en 2006-2007 ». Selon lui, Mouammar Kadhafi aurait été exécuté par un agent français.

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  • Complément d'enquête, diffusé ce soir à 22h15 sur France 2.
  • Claude Guéant : le préfet était presque parfait, un reportage de Romain Verley, Tristan Waleckx, Philippe Maire et Frédérique Prigent

 

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20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 16:57

 

Jeudi 20 Juin 2013 à 14:25
Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre En savoir plus sur cet auteur

Il faut relire ce monument littéraire de soumission à tête reposée. Il faut examiner cette prose hors du commun, digne d’un membre d’une secte à son gourou, pour appréhender cette machine à fabriquer des esclaves mentaux.

Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde à l'Elysée - WITT/SIPA
Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde à l'Elysée - WITT/SIPA
On a d’abord cru à une blague, ou à un faux lié aux règlements de comptes de l’affaire Tapie. On a pensé que la lettre de Christine Lagarde à son « cher Nicolas », signée « Christine L. », était une manipulation.

On n’imaginait pas qu’une ministre de l’économie pût écrire au Président de la République : « Utilise-moi pendant le temps qui te convient et convient à ton action et à ton casting ». De la part d’une « copine » de DSK invitée d’une soirée au Carlton de Lille, cela passe encore. Mais d'une future directrice générale du FMI, non, cela dépasse l’entendement.

Eh bien si. D’après ce que l’on sait, il s’agit bien d’un brouillon de lettre de Christine L. à Nicolas S. pour se faire pardonner un mic mac politique dont elle se sentait responsable et qui pouvait nuire à la carrière de son Maître. Elle était prête à se sacrifier. En témoigne une deuxième missive où la ministre de l’époque propose carrément sa démission. Il faut relire ce monument littéraire de soumission à tête reposée. Il faut examiner cette prose hors du commun, digne d’un membre d’une secte à son gourou, pour appréhender les troubles mentaux enfantés par le Sarkozysme, cette machine à fabriquer des esclaves mentaux. Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Sauf à remonter à l’époque de l’Ancien Régime, on n’a pas souvenir d’un homme (ou d’une femme) politique faisant acte d’allégeance à son chef en de tels termes. On aurait pu imaginer un tel scénario de la part de Jiang Qing, la femme de Mao, qui sera liquidée en même temps que les autres membres de « la bande des quatre » dont elle faisait partie, après la mort du « Grand Timonier ». Sans doute Elena Elena Ceaucescu aurait-elle pu s’adresser ainsi à son Nicolae de dictateur, du temps où ils régentaient la Roumanie d’une main de fer.

Mais dans une démocratie acquise depuis longtemps à des us et coutumes conformes aux républicains, comment est-ce possible ? Comment expliquer qu’une ministre d’Etat se comporte de manière plus servile qu’une Nadine Morano ? Comment comprendre qu’une dame de l’élite, formée dans le sérail, aujourd’hui à la tête d’une institution qui édicte le Bien et le Mal aux quatre coins du monde, ose étaler un avachissement éthique digne de l’une des femmes du roi d’Arabie Saoudite ?  

En vérité, il est impossible de comprendre ce mystère sans en revenir à l’un des fondements de l’ère Sarkozyste : le culte du chef suprême. Tous, à des degrés divers, ont dû s’y plier, quitte à y perdre leur âme. Tous, de François Fillon, ex « collaborateur » de prestige, au dernier secrétaire d’Etat, ont dû accepter de se comporter comme des soldats de 14-18 face à leur gradé. Tous y ont laissé au passage le sens des responsabilités, la liberté de penser, le droit à l’initiative, et le pouvoir de contester.

A quelques exceptions près (dont Alain Juppé, sans doute, mais c’était déjà l’époque de la défaite annoncée), les ministres de Nicolas Sarkozy n’étaient pas des ministres mais les membres d’une bande, d’un clan, ayant juré fidélité au chef. Quoi que dise et fasse l’ex Président, ils devaient obtempérer. Certains l’ont reconnu, comme Roselyne Bachelot. D’autres ont  avancé une critique a posteriori, comme Bruno Lemaire. Quant à François Fillon, il esquisse un autoportrait d’autant plus flatteur qu’il se rêve Vizir à la place de l’ex Vizir.

Mais quand ils exerçaient leurs fonctions ministérielles, tous ont agi en clones politiques de Christine Lagarde. Sommés de se soumettre ou de se démettre, ils ont préféré le déshonneur de l’humiliation au courage de la sécession. La seule différence entre la directrice du FMI et ses ex compagnons de mésaventure sadomaso, c’est qu’elle l’a écrit noir sur blanc. La faute est impardonnable. « Christine L. » portera à jamais le chapeau de la honte que les autres ont enfoui au fond de leur malle à souvenirs.  
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