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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 15:16

 

Médiapart

« Nous sommes les cobayes d'une loi inventée par la gauche »

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

La loi sur l'emploi qui découle de l'Ani est entrée en vigueur le 1er juillet. Le lendemain, le groupe Hamelin, 454e fortune de France, a annoncé la fermeture de cinq sites dont trois en France. Reportage dans le Puy-de-Dôme dans l'une des usines condamnées. Un premier cas d'école pour l'admnistration de Michel Sapin.

De notre envoyée spéciale dans le Puy-de-Dôme

« Si on m'avait expliqué ce que signifiait l'Ani, j'aurais été de toutes les manifestations comme pour les retraites en 2010. » Marie pleure en se mordant les doigts. Elle ne connaît « rien au droit du travail », n'a pas fait d'études. Lorsqu'au printemps dernier, les détracteurs de l'accord national interprofessionnel dit de « sécurisation de l'emploi » ont appelé les salariés à manifester dans toute la France contre ce texte qualifié de « casse sociale », cette ouvrière de la papeterie Elba à la Monnerie-Le-Montel dans le Puy-de-Dôme, ne s'est pas sentie « concernée ». Non syndiquée, en CDI depuis trente ans dans une entreprise en bonne santé, elle n'a pas jugé bon d'aller protester contre « ce cadeau de la gauche au Medef ».


Marie, Véronique, Danièle et leurs collègues devant l'usine Elba lundi 15 juillet 2013 
Marie, Véronique, Danièle et leurs collègues devant l'usine Elba lundi 15 juillet 2013© Rachida El Azzouzi

Confortée par les médias qui « ne parlaient que de Jérôme Cahuzac et du mariage pour tous », Marie est allée travailler en se disant que « l'Ani ne devait pas être si important », puisque tous les collègues étaient présents. Même les syndicalistes de la CGT et FO, les deux organisations non signataires, avaient séché les manifestations. Ce n'est que ce lundi 8 juillet qu'elle a réalisé « la tragédie » que représente pour elle ce texte devenu loi le 14 juin dernier, après le feu vert du Conseil constitutionnel. Et notamment le décret qui bouleverse la donne en matière de licenciements économiques collectifs. Lorsque son patron, le groupe Hamelin, leader de la papeterie de qualité, a annoncé, à quinze jours des vacances, qu'il allait rayer de la carte dès le mois d'octobre leur usine ainsi que deux autres sites en France, à Troyes dans l'Aube et Villeurbanne dans le Rhône, soit deux cents emplois sacrifiés.

Hamelin n'a pas perdu de temps pour profiter des outils que lui confère désormais la nouvelle législation. Il n'a même pas attendu que les cadres hiérarchiques de l'administration du travail (les Direccte) soient, le 5 juillet, formés par leur ministère à ce Code du travail revisité par pans entiers. Dès le 2 juillet, soit au lendemain de l'entrée en vigueur de la mesure concernant les licenciements collectifs, il a déroulé en comité européen d'entreprise son plan de restructuration, invoquant la crise du secteur. Le 8, il en informait les salariés. Et la première réunion de négociation du plan social, prévue ce 25 juillet, intervient étonnamment à la veille de la date où l'usine ferme pour congés durant trois semaines, réduisant un peu plus le délai de deux mois déjà très court durant lequel le comité d'entreprise peut se retourner.

 

 
© Rachida El Azzouzi

S'il voulait tuer toute velléité de lutte, Hamelin ne pouvait pas mieux s'y prendre. D’autant qu'en supprimant la possibilité d’intervention du juge des référés durant la procédure, la nouvelle loi désarme les représentants des salariés. Exit l'avocat qui pouvait suspendre en amont le plan, jouer la montre, gagner jusqu'à un an de répit. Quant au délai de deux mois, il ne permet plus à l’expert, éventuellement désigné par le comité d’entreprise, d’analyser sérieusement la validité du motif économique des licenciements comme par le passé. Désormais, seule l’administration du travail donnera un avis, lequel se limitera à juger la qualité des reclassements des salariés, sans aucune possibilité de contester le bien-fondé du motif économique. Dans ce cas précis – une décision unilatérale de l'employeur –, elle aura 21 jours à compter du 25 septembre pour homologuer ou non le plan.

En Auvergne, c'est le premier PSE qui découle de l'Ani qui a tant fracturé la gauche. Et c'est aussi un premier cas d'école en France pour l'administration de Michel Sapin. Car la méthode comme le calendrier du groupe Hamelin, 454e fortune de France selon le magazine Challenges, 3 000 salariés dans 21 pays, 700 millions d'euros de chiffre d'affaires, plus connue pour ses marques Oxford, Canson, Bantex, Super Conquérant, interrogent. Jusque dans les étages de la Direccte Auvergne où un proche du dossier reconnaît en “off” « un comportement de voyou où le minimum a été prévu en matière de congés de reclassement (4 mois au lieu de douze mois), d'indemnités supra-légales ». Ira-t-elle jusqu'à l'invalider ?

« Vous ne pouvez pas nous aider à passer chez Bourdin pour que les Français sachent »

C'est ce qu'espère André Chassaigne. Le député du Puy-de-Dôme, président du groupe Front de Gauche à l'Assemblée, qui a mené pendant des mois la fronde anti-Ani déposant vainement plus de cinq cents amendements, reprend son bâton de pèlerin. Il entend mettre « au pied du mur Michel Sapin », faire de ce dossier « un exemple emblématique de l'Ani, porte ouverte à tous les abus patronaux » et tient là sa revanche. L'usine Elba, fleuron familial qui a compté jusqu'à 300 ouvriers avant d'être absorbé inexorablement comme beaucoup de PME par les financiers au fil des restructurations, se trouve sur sa circonscription. Et la situation de l'emploi y est particulièrement alarmante. Le bassin, rural et enclavé, « dérouille ». À l'image de Thiers, berceau de la coutellerie et bastion de la plasturgie à genoux, avec un taux de chômage de plus de 11 %, très supérieur à la moyenne départementale.

« Cette décision à la veille des vacances frise l’indécence et confirme de façon magistrale les atteintes sans précédent au droit du travail que recèle cette loi », s'emporte le député. Il s'est fendu d'un courrier à Michel Sapin et Arnaud Montebourg. Remonté comme jamais : « Contrairement aux engagements du candidat François Hollande, aucune mesure législative n’a été prise pour mettre un terme aux licenciements abusifs. Bien au contraire, le 16 mai dernier, lors du débat parlementaire sur la proposition de loi des députés du groupe GDR visant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives, Sapin s'est réfugié derrière le soi-disant bouclier de la loi de sécurisation de l’emploi pour justifier son refus de faire adopter notre proposition de loi. On voit les dégâts aujourd'hui. »


 
© Rachida El Azzouzi

Pour les 64 salariés de la Monnerie-Le-Montel, petite commune de 2 000 âmes, cette annonce est un « énorme coup de massue ». Rien ne laissait présager une telle nouvelle. « On a travaillé comme des fous pour préparer la rentrée scolaire. Il y avait cinquante intérimaires depuis février. On venait de recevoir des chaussures de sécurité toutes neuves. Le directeur du site nous répétait que nous étions les meilleurs depuis que nous nous sommes recentrés sur la production de classeurs à anneaux, que le groupe allait investir. En 2011, je suis même allée en Angleterre pendant quinze jours pour apprendre à travailler sur de nouvelles machines et ensuite former mes collègues. » Assise dans un recoin à l'entrée de l'usine au milieu d'un petit groupe de salariés, Marie est inconsolable. Elle a « les jambes coupées » et cinquante ans, « l'âge où le voyant devient rouge pour retrouver un emploi ». « C'est comme si une bombe m'avait soufflée », articule-t-elle ce lundi 15 juillet.

« Vous ne pouvez pas nous aider à passer chez Jean-Jacques Bourdin et au 20 heures pour que les Français sachent que nous sommes les cobayes d'une loi inventée par la gauche qui profite aux patrons voyous ? » demande très sérieusement sa collègue Véronique, qui a ressassé tout le week-end « la trahison ». Elle est venue travailler ce lundi en se jurant : « c'est un mauvais rêve, c'est impossible de nous virer comme des malpropres juste avant les vacances après nous avoir félicités pendant des années pour la qualité de notre travail et la productivité du site ». Sa machine « montage classeur » tourne encore en 3X8. Elle a voté Hollande, croyait « au socialisme » et n'ira « plus jamais voter puisque leurs lois sont pires que celles de la droite ».


Eric, 46 ans, une compagne au RSA et une peur-panique de l'avenir
Eric, 46 ans, une compagne au RSA et une peur-panique de l'avenir © Rachida El Azzouzi

« Et si Hamelin profitait des congés pour nous piquer les machines ? » s'inquiète Danièle. Elle part à la retraite à l'automne, catastrophée à l'idée de voir le rideau tomber sur cette usine ancrée dans le territoire depuis 1906. « J'ai passé ma vie ici. J'avais promis de repasser boire le café avec les camarades », dit-elle, le regard braqué sur le portail de l'immense domaine qui jouxte le site. C'est la propriété des Chevaleriat, la famille qui a fondé cette papeterie : «Ils sont écœurés devant ce saccage. » Danièle pense aux jeunes, aux quadras, majoritaires dans l'usine, à tous ceux qui ont des crédits sur le dos.

Comme Jean-Luc, 34 ans. « Même si la dernière embauche remonte à dix ans, on avait tout pour y croire. » Alors sa femme et lui ont fait construire il y a un an, emprunté sur 25 ans et mis en route leur deuxième enfant. « Il va naître en août dans ce merdier et c'est comme un rêve qui part en fumée », lâche-t-il. Depuis neuf mois, il était chef d'équipe. Cela ne se voit pas sur sa fiche de paie bloquée à 1 200 euros nets et au grade d'ouvrier qualifié alors qu'il devrait être agent de maîtrise, mais c'était le sacrifice pour accéder à la promotion. « Tout ça pour rien. »

« Je ne vais pas dire à mon gosse : ''Papa n'a plus de boulot alors on ne part plus en vacances." »

Jean-Luc, coincé par les travaux de sa maison et la naissance de son deuxième enfant, n'avait pas prévu de partir en vacances. Mais la plupart des collègues, si. « On a réservé des campings, fait des acomptes. Je ne vais pas dire à mon gosse : “Papa n'a plus de boulot alors on ne part plus en vacances, on reste à Thiers, ville morte”. » Éric fond en larmes. Il porte seul la charge de sa famille recomposée, sa compagne touche le RSA. Et soudain, l'avenir le panique. Il a bien un CAP de boulanger mais il est allergique à la farine. « Qu'est ce que je vais devenir à 46 ans ? »

Quel que soit l'âge, la question est sur toutes les lèvres, de la machine à café au mur de palettes érigé à l'extérieur sur lequel les salariés ont déployé une banderole noire où en lettres jaunes, on peut lire « Elba, 64 morts ». Comment se battre dans la torpeur de l'été dans cette usine loin de tout, qui n'est pas un bastion de la lutte, sachant que la nouvelle législation les entrave dans leurs possibilités de recours devant la justice ? Comment faire du bruit, obtenir que les discussions soient repoussées à septembre compte-tenu des vacances ?

 

Benjamin, 29 ans: «Moi je suis ingénieur, je fais mes valises, je trouverai du boulot. Mais les collègues qui ont des familles?» 
Benjamin, 29 ans: «Moi je suis ingénieur, je fais mes valises, je trouverai du boulot. Mais les collègues qui ont des familles?»© Rachida El Azzouzi

Brûler des palettes ? Faire grève ? Descendre dans la ville-préfecture à Clermont-Ferrand mettre la pression sur les représentants de l'État ? Dire aux voisins de ne plus acheter par solidarité de cahiers Super Conquérant, de papiers à dessin Canson, de classeurs Bantex, de bloc-notes Oxford à l'heure où les grandes surfaces s'apprêtent à recevoir la foule pour la rentrée des classes ? C'était leur fierté d'ouvriers. Pousser le caddie au supermarché et s'arrêter au rayon papeterie sans rien acheter, juste pour contempler le fruit de leur travail sur les étals, se dire : « On sert à quelque chose, on contribue au savoir, à l'éducation dans le monde entier. »

Même les syndicalistes, peu habitués à combattre des licenciements de cette taille, sont perdus, surpris. Ils oscillent entre l'envie d'en découdre et le fatalisme, l'envie de se contenter de négocier une bonne prime à la valise et celle d'aller plus loin dans le rapport de forces. Rui Ribeiro, le délégué CFDT, secrétaire du comité d'entreprise, maudit la nouvelle législation qui fait d'eux « des cobayes » : « C'est de la merde si Laurent Berger (Xle secrétaire général de la CFDT, signataire de l'Ani – ndlr) m'avait demandé mon avis. ». Avec Bouchaib Zaim-Sassi, le représentant FO et Arnaldo Da Silva pour la CGT, ils sont suspendus au téléphone avec leur avocat, Jean-Louis Borie.

 

Arnaldo Da Silva, délégué CGT: «Apprendre que ta boîte ferme à 15 jours des congés grâce à la nouvelle loi de la gauche dégoûte» 
Arnaldo Da Silva, délégué CGT: «Apprendre que ta boîte ferme à 15 jours des congés grâce à la nouvelle loi de la gauche dégoûte»© Rachida El Azzouzi

Spécialiste du droit social, rôdé aux PSE et au détricotage du droit du travail depuis trente ans, il a suivi du début à la fin la naissance de l'Ani puis sa transposition en loi et martèle : « Toutes les batailles que l'on ne mène pas sont perdues. » La nouvelle législation restreint les possibilités de recours en amont ? Il ne s'inquiète pas et fourbit ses armes. « Il est trop tôt pour l'heure tant que la première réunion n'a pas eu lieu pour agir, tant que l'expert n'est pas entré en scène. Cela va se cristalliser en août et en septembre lorsqu'on saura si l'expert mandaté par le CE aura ou non obtenu les informations nécessaires de la part de la direction mais déjà, ouvrir une procédure de ce type pendant les vacances constitue une entrave et nuit à une information de qualité comme ne pas avoir cherché d'accord majoritaire et préféré une décision unilatérale. »

En attendant, les salariés qui pensaient que « les licenciements n'arrivaient qu'aux autres » se sont mis en grève mardi 16 juillet « pour une durée indéterminée », ont annoncé fièrement les syndicats. Ce vendredi, ils ont interpellé la ministre de l'Artisanat, Sylvia Pinel, venue visiter une coutellerie dans la montagne thiernoise. À la grande satisfaction de Nicolas, « les collègues commencent à se bouger et à réaliser que c'est pas en pleurant dans son coin qu'on va maintenir nos droits ». Syndiqué à FO, il est le seul ouvrier de l'usine à avoir manifesté deux fois contre l'Ani le printemps dernier. à l’époque, tout le monde l'avait raillé : « Tu as bien du temps et de l'argent à perdre pour aller manifester. »

 

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20 juillet 2013 6 20 /07 /juillet /2013 15:09

 

 

Marianne

Vendredi 19 Juillet 2013 à 19:24

 

Lou Marillier

 

Haro sur les découverts ! Le Parlement a adopté hier un texte visant à réduire les plafonds des commissions d’interventions – ces frais imposés par les banques lorsque le client dépasse le découvert autorisé, ou qu’un paiement non approvisionné est rejeté. Faut-il vraiment y croire ?

 

La Société Générale - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
La Société Générale - ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
La nouvelle devrait réjouir les 2 Français sur 3 qui sont à découvert au moins une fois par an: les agios vont être plafonnés! 8 euros par opération et 80 euros par mois pour les clients classiques. Pour les 150 000 français les plus modestes, la limitation sera quant à elle de 4 euros par intervention, avec un plafond mensuel de 20 euros. Le débat a été mouvementé : certains députés PS craignaient qu’un tel « double-plafonnement » n’handicape les classes moyennes.
 
Fin 2010 déjà, les banques avaient eu à répondre des extravagants frais imposés aux personnes ayant trop souvent des incidents de paiement. La moyenne des plafonds alors instaurés a été évaluée par l’Observatoire des tarifs bancaires à 169 euros. Disparates, les agios s’étendaient de 78 à 479 euros par mois. Dans l’ensemble, à en croire le porte parole des députés PS Thierry Mandon, les plafonds de frais devraient être « divisés par deux, voire par quatre » de manière à « redonner un milliard de pouvoir d'achat à ceux qui (les) paient ».
 
Pour Pierre Moscovici il s'agit d'une « réponse déterminée aux dérives de la finance ». Une réponse appliquée depuis 2008 pour les rejets de paiment par chèque. Or, selon Serge Maître, secrétaire général de l'Association française des usagers de banque (Afub) ces anciens frais se sont reportés « sur les commissions d’intervention que l’on plafonne aujourd’hui ». Une mesure qui devrait coûter 600 millions d’euros aux banques. Il est donc à craindre que le même mécanisme se reproduise. Les « frais de tenue de comptes » pourraient notamment être dans le viseur des banques. Ils ont déjà augmenté de 9% entre janvier 2011 et janvier 2013…
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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 17:23

 

 

Médiapart

|  Par Dan Israel

 

 

L'OCDE a dévoilé une feuille de route ambitieuse pour éradiquer les pratiques des multinationales, passées maîtres dans l'art d'éviter de payer leurs impôts. La lutte contre cette situation néfaste fait pour l'heure l'objet d'un vaste consensus politique mondial. Suffisant pour aboutir en deux ans, comme espéré ? L'OCDE y croit.

 

La chasse est ouverte contre les artistes de l’« optimisation fiscale ». Et le meneur est puissant : ce vendredi à Moscou, l’OCDE, le club qui regroupe 34 pays riches, a présenté aux ministres des finances du G20 son plan d’action pour éradiquer les habiles contorsions fiscales qui permettent aux multinationales de diminuer toujours plus leurs impôts. Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, mais aussi Starbucks ou KFC… Ceux qu’on a ironiquement surnommé « les Intaxables » (lire notre article présentant quelques-unes de leurs méthodes) sont dans l’œil du viseur. Et il existe un consensus politique pour mettre un terme à leurs pratiques.

Ces pratiques,  Eric Schmidt, le dirigeant de Google, s'en vantait encore orgueilleusement en décembre, se disant « très fier de la structure » mise en place par son entreprise pour éviter les impôts. Celui qui se félicite d’être « fièrement capitaliste » est parvenu à ne débourser que 3 % d’impôt sur les bénéfices en Europe. Alors que, selon les pays de l’Union européenne, ces taxes s’élèvent de 24 à 34 %. La France lui réclame la bagatelle de 1,7 milliard d’euros de redressement fiscal… Mais Google est loin d’être seul. Starbucks et KFC ne payent pas d’impôt depuis leur arrivée en France, en 2002 et 2004, et Amazon est poursuivi par le fisc pour près de 200 millions d’euros d'arriérés d'impôts et de pénalités, pour la période 2006-2010.

Rien que dans l’Hexagone, selon la fédération française des télécoms, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft auraient pu payer 22 fois plus que ce qu’ils ont réellement déboursé (37,5 millions d’euros en tout), s'ils avaient été taxés pour 2011 sur leur activité réelle sur le territoire. Le Sénat américain a, lui, démontré comment Apple avait évité de payer 9 milliards de dollars aux États-Unis en 2012.

Selon Pascal Saint-Amans, directeur du centre des politiques fiscales de l’OCDE, ces beaux jours sont très bientôt finis pour les Intaxables. « Notre travail reflète un consensus mondial, assure-t-il, ambitieux. Tous les Etats sont déjà d’accord sur ce à quoi vont ressembler nos préconisations finales. Nous avons la recette, il faut désormais l’appliquer. Et vite, avant que les multinationales ne fassent évoluer leurs business models. »

Dans le jargon de l’OCDE, ce diagnostic est désigné par l’acronyme « Beps », pour « Base erosion and profit shifting » (« Érosion de l’assiette fiscale et transfert de bénéfices »). Fin 2012, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont missionné et financé les experts de l’organisation pour lister les mille et unes manières dont les entreprises contournent l’impôt, et proposer des remèdes. L’idée est simple : identifier les cas où des entreprises parviennent à n’être taxées ni dans le pays où elles sont implantées, ni dans celui où elles commercent réellement, et supprimer les raccourcis et les chausse-trappes qui permettent cette situation.

En février, un premier rapport pointait sévèrement l'optimisation fiscale agressive menée par les multinationales depuis des années. Aujourd’hui, l’OCDE déroule le mode d’emploi pour y remédier, en pointant une à une les situations problématiques, en indiquant les règles internationales à modifier pour y remédier, et en donnant le timing. Les délais dans lesquels tous les pays participants sont censés se mettre d’accord sont très courts : de un à deux ans maximum.

« Le projet marque un tournant dans l’histoire de la coopération internationale sur la fiscalité », assure l’OCDE dans son texte. Pour elle, la situation n’est plus tenable, car tout le monde est « lésé » : les gouvernements qui ont désespérément besoin de l’argent des multinationales en ces temps de disette budgétaire, les contribuables qui doivent payer pour compenser les impôts qu’elles ne versent pas, les entreprises cantonnées à un seul territoire, qui ne peuvent pas se battre avec les mêmes armes, et mêmes les multinationales elles-mêmes, qui seraient à la merci d’un risque de réputation – encore bien théorique.

Le texte, technique et ramassé sur quelques pages, n’est pas facile à lire. Mais le calendrier fait bien les choses. La plupart des pratiques pointées sont également montrées du doigt, et clairement décortiquées, dans un rapport d’information parlementaire rédigé tout récemment par les députés Pierre-Alain Muet (PS) et… Eric Woerth (UMP). La lecture combinée de ces deux textes permet de résumer les plus grosses arnaques inventées par les armées d’avocats fiscalistes des multinationales. En voici un tour d’horizon. A noter, les entreprises numériques sont toujours au premier rang pour exploiter les failles dans les législations. Leur business reposant en grande partie sur des activités immatérielles, il est plus difficile d’établir sans discussion le lieu où se situe leur activité économique réelle, et donc où elle doit être taxée.

Le flou de « l’établissement stable »

L’OCDE préconise que les entreprises établissent une résidence fiscale dans les pays où elles réalisent effectivement leurs activités. Idée qui paraît évidente, et pourtant allègrement contournée. Reuters a ainsi récemment montré, au terme de trois mois d’enquête, que dans le cadre de ses activités au Royaume-Uni, Amazon effectue la majeure partie de son activité sur le sol britannique, et non en Irlande et au Luxembourg, comme elle veut le faire croire au fisc. Le cas français est sans doute indentique

C’est aussi le soupçon du fisc français sur Microsoft : la plupart des activités sont facturées depuis l’Irlande, et la filiale française est enregistrée comme un simple agent commissionné. Au lieu de comptabiliser le prix réel d’un produit vendu, Microsoft France ne déclare dans ses comptes qu’une (faible) commission sur la vente. Après une descente musclée au siège de l’entreprise l’été dernier, l’administration française en doute fort. Apple n’est pas en reste, qui facture depuis le Luxembourg tous les achats effectués en Europe sur sa plateforme iTunes. L’entreprise y paierait trois fois moins de TVA qu’en France…

De l'art d'éviter l'impôt

Les acrobaties des prix de transfert

C’est le nerf de la guerre, et l’atout majeur des multinationales. Les « prix de transfert », c’est le montant que se facturent les filiales d’une même entreprise réparties un peu partout dans le monde. En attribuant des prix fantaisistes aux produits et aux services échangés entre leurs diverses entités, elles rendent facilement déficitaires (ou peu imposables) les succursales basées dans des pays à fort taux d’imposition, et engrangent les bénéfices réels dans des pays peu regardants en matière fiscale.

Toutes les multinationales ont recours aux prix de transfert. Quelques-unes en toute bonne foi, de nombreuses autres dans le sens qui les arrange. Aujourd’hui, on demande aux entreprises qui échangent des produits et des services entre leurs différentes filiales de faire « comme si ». Comme si elles les vendaient sur un vrai marché, et faire appliquer ce « juste prix » aux échanges entre ses filiales. Il est simple pour une entreprise de tordre ce principe, notamment lorsque les prix de transfert concernent des biens immatériels, dont il est difficile d’évaluer objectivement la valeur.

C’est pour cela que Microsoft (qui a fait l’objet d’une enquête impitoyable menée par le Sénat américain), Apple, Google, mais aussi Starbucks (comme l’a amplement démontré Reuters) font payer à leurs filiales basées en Europe des « redevances » pour l’utilisation de brevets ou de la marque. De quoi ne déclarer qu’un maigre bénéfice, voire des déficits, et faire filer l’argent vers une autre entité collectrice, basée dans un paradis fiscal. Par exemple, la maison-mère Starbucks réclame des royalties à sa filiale française : 6 % des ventes de chaque magasin, et  25 000 euros forfaitaires par boutique par an.

Les miraculeuses entités hybrides

Selon les règles internationales en vigueur aujourd’hui, une société peut manipuler des titres considérés comme de la dette dans un pays (et donc déductibles fiscalement), mais considérés comme des dividendes ailleurs, et par exemple non taxables au Luxembourg. Ce qui aboutit à une double non-taxation.

Parfois, ce sont des filiales elles-mêmes qui bénéficient d'une qualification juridique différente dans deux pays. L’exemple le plus célèbre est sans doute celui du « double irlandais », largement exploité par Google, et dévoilé par Bloomberg dans un article explosif d’octobre 2010 : une société enregistrée en Irlande peut être considérée comme étrangère si elle est gérée depuis un autre pays. Du coup, en Irlande, une des filiales irlandaise de Google est considérée comme bermudéenne. L’Irlande ne lui impose donc aucune taxe. Et les Bermudes n’appliquent aucun impôt sur les sociétés…

Exemple le plus récent de ces pratiques, le site de BFM TV vient de révéler que Activision Blizzard, mastodonte des jeux vidéos et filiale de Vivendi, évitait de payer ses impôts en dehors des Etats-Unis en ayant justement recours à une société immatriculée aux Pays-Bas, mais résidente fiscale aux Bermudes. En 2011, cette filiale, qui n’emploie aucun salarié, a réalisé une marge de 46% pour un chiffre d’affaires de 660 millions d’euros. Et elle ne paye aucun impôt aux Bermudes.

Les « pratiques fiscales dommageables »

L’OCDE n’y va pas par quatre chemins pour qualifier l’attitude de certains Etats complaisants, qui se sont fait une spécialité de l’exploitation plus ou moins morale de leur législation. Au premier rang, l’Irlande et les Pays-Bas.

Le fameux « sandwich néerlandais » est en effet régulièrement utilisé par de nombreuses multinationales, dont, encore une fois Google. Lorsqu’une de ses filiales irlandaises veut transférer ses bénéfices vers la filiale gérée depuis les Bermudes, où l’impôt n’existe pas, les sommes devraient logiquement être taxées en Irlande. Sauf s’il s’agit de redevances immatérielles, non taxées par le pays lorsqu’elles s’envolent vers les Pays-Bas. Qui eux-mêmes ne taxent aucune somme partant vers les Bermudes.

De l’utilité de la dette

Multiplier les prêts entre plusieurs de leurs filiales permet aux multinationales de déduire une bonne partie des intérêts d’emprunt de leurs déclarations d’impôts. Ainsi, Starbucks est passé maître dans l’art de financer ses propres filiales, en leur prêtant l’argent à un taux deux fois supérieur à celui auquel elle l’a elle-même emprunté ! Le Sénat américain a aussi dénoncé les méthodes de Hewlett-Packard, qui multipliait les prêts à court terme aux Etats-Unis pour profiter d'une niche fiscale lui permettant d’en déduire une bonne partie.

L’hypocrisie des règles américaines

Depuis les années 1960, les Etats-Unis ont créé des règles anti-abus portant sur les sociétés étrangères contrôlées par des sociétés américaines (SEC, sociétés étrangères contrôlées). Elles permettaient au fisc américain de taxer les intérêts, dividendes ou redevances de ces sociétés, même si elles ne remontaient pas vers la maison-mère. Mais des exceptions à la règle existent, et elles sont savamment exploitées par les entreprises américaines. Résultat, selon un rapport publié en mai dernier par JP Morgan, les entreprises américaines ont stocké 1 700 milliards de dollars d’économie dans leurs filiales étrangères, soit 60% de leur trésorerie. Tant que ce trésor de guerre ne rentre pas sur le territoire américain, il n’est pas taxé… Ce qui aboutit à des situations absurdes : pour financer le versement de dividendes promis par son patron, Apple a préféré contracter un emprunt plutôt que de piocher dans sa reserve de 145 milliards de dollar. Emprunter la somme revenait moins cher que payer les impôts obligatoires s’il avait fallu la rapatrier aux États-Unis.

La plupart du temps, les multinationales combinent plusieurs de ces failles pour « optimiser » au mieux leur imposition. C’est ce que montre par exemple le site de BFM TV, en décortiquant avec minutie les montages du site LinkedIn, lui aussi dans le collimateur du fisc français. Ce site combine tous les trucs et astuces répertoriés ci-dessus.

La myopie du rapport parlementaire français

Si l’OCDE voit son souhait se réaliser, tout ceci sera terminé. Les géants américains devront penser à d’autres manières de gagner facilement de l’argent. Et ailleurs dans le monde ? En France ? Bizarrement, le rapport parlementaire de Muet et Woerth, si prolixe dans les descriptions de montages, et qui propose quelques bonnes idées pour lutter contre ces pratiques, ne cite jamais les sociétés hexagonales. Elles ne se livreraient à l’optimisation qu’« à la marge ». Tiens donc. Mais pourquoi alors les banques françaises multiplient-elles les filiales dans les paradis fiscaux ? Apparemment pour mieux « accompagner » leurs clients. « J’imagine qu’une grande banque ne peut pas se permettre ce type de comportement sur le sol français », tente Pierre-Alain Muet.

Et Total, et ses 883 entités partout dans le monde ? « Nous avons auditionné ses dirigeants, je pensais aussi qu’il fallait les dénoncer, mais apparemment, il n’y a rien à leur reprocher en France, où ils ne font presque pas de bénéfice, plaide le député socialiste. Et l’administration fiscale confirme. » Les auteurs du rapport ont en effet eu accès aux dossiers fiscaux de plusieurs entreprises. Mais ils n’en font pas état explicitement, secret fiscal oblige. De même, ils ont tenu les auditions à huis-clos. Bien loin de leurs collègues britanniques, qui ont laissé un souvenir cuisant aux dirigeants de Google, Amazon et Starbucks. « Pour l’essentiel, notre but était de réformer la loi, pas de faire pression ni de nous livrer à un coup de communication », évacue Muet. Pas de quoi faire trembler leurs interlocuteurs : Ikea, Apple et Facebook n’ont même pas daigné se présenter devant eux.

Pourtant, d’autres parlementaires estiment que les entreprises françaises ont des choses à dire sur les paradis fiscaux. Par exemple le sénateur centriste Jean Arthuis, qui a déposé un amendement remarqué au projet de loi de lutte contre la fraude fiscale. Il affirme que les centrales d’achat de la plupart des groupes de la grande distribution exigent que leurs fournisseurs français leur versent des commissions dans des « officines implantées en Suisse, en Belgique ou au Luxembourg ». Les sommes varieraient entre 2 % et 5 % du chiffre d’affaires effectué par le fournisseur dans leurs enseignes. Des sommes qui seraient empochées en toute discrétion, nettes d’impôt...


Renverser la table

Dans deux ans, en sera-t-il vraiment fini  de ces pratiques ? Du côté de l’OCDE, on veut y croire. « Mais il faudra que le consensus international perdure, et notamment que les Etats-Unis ne flanchent pas dans les deux ans à venir, ce qui n’est pas certain », prévient Pierre-Alain Muet. D’autres sont beaucoup plus pessimistes. Et les critiques les plus radicales sont à chercher du côté du Tax Justice Network (TJN), un réseau d’experts et de militants, qui lutte activement contre les paradis fiscaux. Selon eux, les solutions de l’OCDE ne sont que « des recommandations pour rafistoler au coup par coup » un système fiscal mondial très mal en point. Ils estiment que les efforts internationaux reviennent à « essayer de boucher les trous d’une passoire ».

 

 

Dans une note tout juste publiée, le TJN appelle à renverser la table, en optant pour une autre solution, la taxation unitaire. Il s’agit de considérer toutes les filiales d’une multinationale comme une seule et même entreprise, d’évaluer ses bénéfices totaux, où qu’ils soient localisés, puis de les diviser proportionnellement en fonction des pays où l’activité de l’entreprise est réellement effectuée. Chaque État sera ensuite libre de taxer à la hauteur qu’il le souhaite la portion de bénéfices qui lui a été attribuée.

Une solution qui n’est pas considérée comme crédible par l’OCDE. « Ils nous reprochent de ne pas nous être penchés sur leur solution, et c’est vrai que nous n’avons pas plus investi que ça sur les méthodes alternatives, reconnaît Pascal Saint-Amans. Mais c’est parce qu’elles nous paraissent impossible à mettre en pratique : il faudrait que tous les pays se mettent d’accord sur les clés de répartition des bénéfices, et qu’ils fassent confiance à celui qui établirait la comptabilité nécessaire à tous ces calculs… Je ne sais pas comment cela fonctionnerait. »

Des objections que Sol Picciotto, professeur anglais d’économie et de droit à la retraite, et principal auteur du rapport du TJN, écarte d’un haussement d’épaule : « Nous détaillons justement comment aboutir à notre solution pas-à-pas, en plusieurs étapes. En fait, les experts de l’OCDE ont tellement investi, en connaissance et en bagage technique, dans le système existant, qu’il leur est très difficile d’envisager un nouveau cap, même s’ils connaissent les difficultés existantes aujourd’hui. Et ils refusent de présenter un autre plan aux responsables politiques du G20. »

Le TJN rappelle notamment que la taxation unitaire est déjà appliquée, par exemple aux Etats-Unis pour évaluer les profits des entreprises opérant sur tout le territoire. L’Union européenne a d’ailleurs elle  aussi en projet un modèle similaire, même s’il ne serait appliqué que facultativement pas les entreprises : la directive européenne Accis (« assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés »), prête depuis de longs mois, prévoit qu’une entreprise présente dans plusieurs pays européens, ne remplisse plus qu’une déclaration fiscale unique, et que son assiette imposable de l'entreprise soit ensuite répartie entre les États où elle exerce une activité.

Le Tax justice network estime que le plan d’action de l’OCDE a toutes les chances d’aboutir à un « plan d’inaction ». Et même si le plan fonctionnait, il risquerait de créer une compétition fiscale accrue entre les Etats, chacun « essayant d’accrocher ce qu’ils peuvent parmi les différentes parties du profit des entreprises multinationales ». Et cela multiplierait aussi les confits d’interprétation des règles, qui sont déjà nombreux, mais réglés discrètement dans des procédures de conciliation. « Cela aboutirait donc à faire passer le problème du plan politique, et public, à une dimension technique, qui échapperait aux responsables élus, pronostique Picciotto. Cela serait très inquiétant. »

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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 17:11

 

Médiapart

|  Par Martine Orange

 

 

La faillite de la banque a déjà coûté 6,6 milliards d’euros aux Français, selon la Cour des comptes. Mais les risques que fait peser son démantèlement sur les finances publiques sont loin d’être circonscrits. Dans un rapport assassin, la Cour des comptes détaille le fonctionnement d’une oligarchie qui a conduit à la catastrophe et demande qu’il soit mis fin à l’impunité des dirigeants.

 

6,6 milliards d’euros ! À ce stade, c’est le coût payé par la collectivité pour la faillite de Dexia, selon les calculs de la Cour des comptes. Mais l’addition finale pourrait être encore beaucoup, beaucoup plus élevée, a prévenu Didier Migaud, président de la Cour jeudi, lors de la présentation de ce rapport accablant (lire ici). « Au-delà des coûts constatés à ce jour, Dexia représente des risques importants et durables pour les finances publiques françaises », écrivent les auteurs du rapport, rappelant que les engagements pris par Dexia s’étalent sur une très longue période. La Cour des comptes ne donne pas de date précise. En juin, un article des Échos évoquait un délai de 63 ans – c’est-à-dire jusqu’en 2076 ! – pour arriver jusqu’à l’extinction complète du portefeuille de prêts de 266 milliards d’euros de Dexia.

Le plan de démantèlement de la banque, validé par la Commission européenne, n’est prévu que jusqu’en 2020, laissant la suite dans l’inconnu. Mais d’ici là, il peut se passer tellement de choses. Le rapport relève que tout a été bâti à partir d’hypothèses bien optimistes. Il est prévu qu’après une période de récession en 2012 et 2013, la croissance reviendra. Les taux longs, qui sont anormalement bas, retrouveraient alors des niveaux plus élevés, soulageant d’autant la structure de financement des structures (Sfil et Caffil) chargées de l’extinction de la banque. Dans ce scénario idéal, les conditions de financement seraient sensiblement améliorées, et ces structures de défaisance pourraient retrouver un accès normal au marché.

Et si rien ne se passe comme prévu ? L’État français est actionnaire de Dexia aux côtés de l’État belge et il a donné des garanties à hauteur de 38,75 milliards d’euros. Celles-ci seraient appelées en cas de difficulté. De même, le bilan de la banque a été replâtré de telle sorte que la moindre dépréciation d’actifs supplémentaires pourrait amener la banque à se retrouver à nouveau sans fonds propres, obligeant l’État à la recapitaliser en urgence, comme il a déjà dû le faire en décembre dernier en lui apportant 2,5 milliards d’euros. La Caisse des dépôts n’est pas non plus en reste, puisque c’est elle qui assure en ce moment le financement des structures de défaisance, en empruntant quelque 12 milliards d’euros sur les marchés en son nom avant de les leur re-prêter à un taux dérisoire.

Enfin, il reste le dossier des emprunts toxiques. Les impayés s’alourdissent – environ 100 millions d’euros – alors que les collectivités locales contestent ces prêts toxiques devant la justice. Le tribunal de Nanterre a déjà donné une fois raison à des collectivités de la Seine-Saint-Denis qui avaient plaidé l’absence de conseil et le non-respect de la loi sur les crédits. « Cette jurisprudence, si elle devait être confirmée en appel, porte un risque de plus de 9 milliards d’euros pour la SFIL, ce qui excède très largement ses fonds propres », rappelle en mémoire, Pierre Mariani, ancien dirigeant de Dexia entre 2008 et 2012, dans sa réponse au rapport.

La simple addition de ces conditions donne le vertige : ce sont des dizaines de milliards d’euros, correspondant à plusieurs points de PIB, qui sont en risque, à la merci des aléas de la conjoncture et des événements. Et on comprend pourquoi la Cour des comptes s’en inquiète. Elle est bien la seule. Au ministère des finances, pourtant si prompt à traquer les dépenses sociales ou quelques avantages collectifs, le dossier Dexia semble à peine exister. Personne n’en parle. Les milliards perdus paraissent brusquement peser bien moins lourd que ceux de la retraite, de la santé, ou de l’éducation. Il ne faut pas revenir sur les erreurs de l’oligarchie.

 

 

Bousculant la bienséance, le rapport de la Cour des comptes, lui, y revient longuement. Car la faillite de Dexia n’est pas simplement due à une crise financière historique. Elle est liée aussi – surtout – à des erreurs stratégiques majeures, à des dirigeants emportés par la folie des grandeurs et leur volonté d’enrichissement personnel, à des structures de contrôles allant du conseil d’administration aux autorités prudentielles muettes et inconsistantes.

La fragilité de Dexia était inscrite dès sa création, rappelle le rapport. La banque, d’abord spécialisée dans les prêts aux collectivités locales, consentait des crédits à très long terme mais n’ayant que peu de dépôts, était obligée de se financer constamment à court terme sur les marchés. Tout cela fonctionnait quand le Crédit local de France, l’ancêtre de Dexia, était placé sous la puissance tutélaire de la Caisse des dépôts. Mais, après la privatisation arrachée par effraction par son dirigeant, Pierre Richard, les conditions avaient radicalement changé. L’association avec le Crédit communal de Belgique pour fonder Dexia ne pouvait remplacer la protection de la CDC. 

Loin de tenter de corriger cette fragilité, l’équipe dirigeante l’a encore accentuée. Tout au long des années 2000, elle a mené une expansion tous azimuts, la partie belge et la partie française poursuivant chacune dans son coin sans grande concertation, et surtout sans intégration, ses projets. Dexia se rêve alors comme le premier banquier des collectivités locales dans le monde. La banque se lance au Japon, aux États-Unis, en Italie, en Espagne. Elle se veut à la pointe de l’innovation financière, se gorge de subprimes, rachète un réhausseur de crédit. Son bilan explose, passant de 245 à 651 milliards d’euros en moins de dix ans. Faisant jouer l’effet de levier à plein – le ratio est de 41 fois ses fonds propres, souligne le rapport –, elle affiche une rentabilité surprenante, verse des dividendes colossaux. En 2007, la direction se donne pour objectif une croissance annuelle de 10 % de ses bénéfices et de 15 % de ses dividendes sur les dix années à venir.

 « Le modèle de Dexia supposait un fonctionnement normal des marchés, un accès sans difficulté aux financements extérieurs », notent les rapporteurs. Mais les marchés ne fonctionnent pas toujours normalement. En 2007, tout commence à se dérégler. Très impliqué dans le marché municipal américain et les produits dérivés, Dexia est normalement aux premières loges pour voir venir la crise des subprimes. Pourtant, la banque ne fait rien. Au contraire, elle augmente encore ses expositions, en se félicitant d’être préservée de la crise. Cette année-là, ses engagements progressent encore de 17 %.

Silences et complaisances

 

« Le conseil d'administration, qui comptait peu d'experts ou de professionnels aguerris des questions bancaires, ne s'est pas opposé à une telle stratégie, qui a perduré jusqu'au milieu de l'année 2008, c'est-à-dire bien trop longtemps compte tenu de la montée des risques et de la dégradation rapide du résultat du groupe », relève, assassin, le rapport. Celui-ci insiste sur le dysfonctionnement patent de ce conseil : à partir de 2006, toutes les interventions des administrateurs sont retranscrites de façon anonyme dans les comptes-rendus des conseils. Les procès-verbaux ne sont d’ailleurs que des synthèses succinctes des discussions du conseil.

Malicieusement, la Cour des comptes a mis en annexe du rapport la composition de ce conseil sourd, muet et aveugle. On y retrouve les noms de Gilles Benoist, très lié à Pierre Richard depuis l’époque de la privatisation du Crédit local de France, directeur pendant des années de la CNP – le groupe d’assurance dépendant de la CDC – et qui ambitionnait d’en prendre la présidence l’an dernier, en tant que président de comité d’audit ; celui de Denis Kessler, président de la Scor et membre influent du Medef, comme président du comité de rémunérations ; celui d’André Levy-Lang, ancien président de Paribas, comme membre du comité d’audit et du comité stratégique. Des sommités dans le monde financier et patronal français, qui ne se privent pas de donner des conseils sur la gestion de la France. Qu’ont-ils fait, qu’ont-ils dit pendant tout ce temps ?

En matière de complaisance et d’aveuglement, les autorités prudentielles ne sont pas en reste. Officiellement, il est vrai, tous les chiffres sont là pour confirmer la bonne santé de Dexia. La banque affiche une des meilleures rentabilités du secteur. Même si elle utilise des effets de leviers gigantesques, son ratio de fonds propres est même plus élevé que la moyenne. Pour les autorités de contrôle, il n’y a donc aucune raison d’aller voir plus loin. Le questionnement est d’autant plus malvenu que la France et la Belgique se partagent le dossier. Dexia joue de cette complexité et des susceptibilités nationales qui existent encore : l’autorité prudentielle belge a refusé de transmettre ses rapports à la Cour des comptes. Mais au bout du compte, lorsque ces établissements supranationaux qui contestent toute entrave des États se retrouvent en difficulté, c’est vers les États d’origine que tous se tournent pour présenter la note. Cela a été le cas pour Dexia comme pour toutes les banques en faillite pendant cette crise.

Alors que la planète financière tremble après l’écroulement de Lehman Brothers en septembre 2008, Dexia se retrouve en crise de liquidité et au bord de l’écroulement, moins de quinze jours plus tard. La Cour des comptes revient longuement sur les péripéties qui entourent le sauvetage de la banque, les États étant appelés en urgence à la rescousse. La panique, l’impréparation, l’absence totale de données fiables sur la réalité des engagements de la banque dominent ce plan de sauvetage, le tout pimenté par des considérations de politique intérieure de chaque État.

Mais le plus surprenant est l’attitude de la commission européenne. Les secours de la Belgique et de la France apportés à Dexia sont considérés comme des aides publiques, radicalement prohibées par les traités européens. Comme il est impossible de laisser tomber Dexia, considérée comme un risque systémique – elle a toutes les grandes banques mondiales en contrepartie –, la commission accepte que les États belge, français et luxembourgeois fournissent argent et garanties à l’établissement bancaire. Mais tout cela est considéré comme des aides faussant la concurrence. Alors, elle exige des contreparties. La commission demande naturellement que la banque diminue ses engagements et son bilan. Mais elle fait tout surtout pour que les États ne puissent pas revendiquer un pouvoir allant de pair avec leurs aides financières.

En fin de compte, les actionnaires précédents de Dexia, qui auraient dû être lessivés, seront préservés et n’auront rien à apporter. Les États sont mis à contribution mais circonscrits. Surtout, la solution négociée aboutit à un plan bancal et ruineux, qui ne tient pas trois ans.

La nouvelle équipe de direction, mise en place fin 2008, s'est essayée à circonscrire l’incendie. Elle a liquidé tout ce qu’elle pouvait aux États-Unis, diminué les expositions aux subprimes, tenté de réduire les besoins de financement à court terme – ils sont passés en trois ans de 220 à 96 milliards d’euros. Mais en 2011, elle se retrouve piégée par la crise des dettes souveraines en Europe.

Dexia a un énorme portefeuille obligataire, plus de 100 milliards d’euros. Même si jusqu’à la crise de l’euro, ces titres sont considérés comme les plus sûrs, les révélations de la Cour des comptes sur la structuration de son portefeuille laissent songeur : Dexia a la plus forte exposition de toutes les banques internationales aux dettes grecques, italiennes, espagnoles, portugaises.

 

 

© rapport Cour des comptes

Pourquoi les dirigeants de la banque n’ont-ils pas cherché à diminuer cette exposition avant la crise ? Dans sa réponse, Pierre Mariani se justifie en expliquant que les dettes souveraines n’étaient pas un problème à l’époque. Les vendre aurait conduit à accepter de prendre des pertes supplémentaires. Enfin, ajoute-t-il, la priorité de la banque était d’assurer sa liquidité, les titres obligataires lui permettaient de déposer les garanties demandées par la banque centrale pour obtenir des financements, alors que tous les marchés lui étaient fermés. Certes. Mais on ne peut s’empêcher de penser que Dexia a fait office dès cette date de bad bank pour le monde bancaire, qui tenait déjà pour acquis que toutes les pertes seraient transmises à la collectivité.

Une nouvelle fois étranglée, Dexia s’est écroulée. Cette fois-ci, les gouvernements ont jugé qu’il n’y avait plus qu’une issue : le démantèlement de la banque.

«La Cour n'a pas relevé d'actions de mise en cause des anciens dirigeants»

Qui est responsable ? Compte tenu de l’ampleur de la faillite, des risques qui pèseront encore longtemps sur les finances publiques, le rapport de la Cour des comptes estime qu’il est impossible d’éluder cette question. « La question des responsabilités n’a été que peu évoquée. Elle est néanmoins centrale au vu des interventions publiques dont a fait l’objet la société. La Cour n’a pas relevé d’actions de mise en cause de la responsabilité des anciens dirigeants, que ce soit à l’initiative des actionnaires ou des États, entrés au capital à compter de 2008. Elle n’a pas eu connaissance d’études juridiques ou de réflexions menées en ce sens au sein de l’Agence des participations de l’État. Interrogés sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité du précédent management, les dirigeants, nommés en 2008, ont indiqué ne pas avoir reçu d’instruction en ce sens de la part des États actionnaires. De leur point de vue, un contentieux avec le précédent management était porteur de risques : il pouvait ternir encore davantage l’image publique de Dexia », écrit le rapport.

Tout est dit : ni l’État, ni les actionnaires, ni l’administration, ni la direction n’ont eu envie ni même imaginé de soulever la périlleuse question de la responsabilité. L’éviction de l’ancienne équipe dirigeante était déjà une sanction assez lourde, brutale même. Il convenait de ne pas en rajouter. Tous sont partis en conservant naturellement tous les avantages acquis – et quels avantages ! –, comme le détaille le rapport.

Car à partir du début des années 2000, les dirigeants sont très attachés à assurer leur avenir personnel. Outre leur rémunération confortable, ils pensent à leur retraite. Le régime de retraite du Crédit local de France leur assurait déjà une rente complémentaire de 20 % de leur salaire à partir de 65 ans. Mais 20 %, ce n’est pas assez. Alors avec l’agrément du conseil, le taux est porté à 30 % puis à 60 % puis à 75 %, voté chaque fois avec le plein soutien des administrateurs. « Le régime n’a jamais concerné qu’un petit nombre de bénéficiaires aisément individualisables (…) Il a évolué en phase avec les intérêts des principaux dirigeants. Il n’a cessé d’être amélioré jusqu’en 2005, peu de temps avant la liquidation des droits de l’administrateur délégué (Pierre Richard, ndlr) », notent les rapporteurs. Ils insistent : « Le capital initial mobilisé par la société, pour six bénéficiaires, s’est élevé au total à 20 595 129 €, allant d’un capital individuel de 1 338 883 € à 11 838 964 €. Ces capitaux permettaient à l’origine le versement de rentes brutes annuelles allant de 60 872 € à 563 750 € », ajoutant que dans le calcul des pensions, les retraites de la fonction publique ont été exclues. La plupart pourtant en viennent. Certains même y retourneront après la débâcle de Dexia, comme Bruno Deletré et Rembert von Lowis qui réintégreront leur corps d’origine. L’Inspection des finances n’a pas pour habitude de renier les siens.

La Cour des comptes s’étrangle devant cette impunité et se demande comment l’État a pu accepter de tels faits, ne pas contester ces retraites chapeaux injustifiées. Elle rappelle la mauvaise volonté mise par chacun pour envisager une procédure. À chaque étape, chacun soulève une objection : une fois, c’est l’image de la société, une fois c’est un contrat privé qui ne peut être attaqué, une autre fois c’est l’absence de responsabilité évidente. Ce n’est qu’en octobre 2011 qu’un administrateur représentant l’État français va demander qu’un recours juridique contre les anciens dirigeants soit examiné.

Le rapport raconte la suite de l’histoire. Édifiante. « Le principe de ce recours a été décidé en conseil d'administration du 14 décembre 2012 si aucune transaction avec M. Pierre Richard n'était finalisée avant la date du 13 mars 2013 (date ultime pour la remise en cause avant 10 ans de la décision de 2003). Une transaction a concerné M. Pierre Richard, le 11 mars 2013. Il renonçait à la moitié de sa rente, limitée à compter du deuxième trimestre 2013, à 300 000 € par an. Le montant calculé ne prend pas en compte les retraites de l’intéressé au titre des années passées dans la fonction publique. Le conseil d’administration a accepté cette transaction, et a renoncé à tout recours. » Un geste symbolique avait été fait. Cela suffisait.

Choquée par la négligence de l’État et de la haute administration publique, la Cour des comptes demande que le gouvernement examine très vite tous les recours juridiques possibles dans cette affaire, avant la date très proche de la prescription. « L'exemple de Dexia montre que, sur le sujet de la mise en cause des responsabilités, les rigidités sont fortes quand il s'agit de tirer des conséquences, aux plans juridique et pratique, des fautes de gestion du management », insiste le rapport.

La Cour des comptes préconise la prise de nombreuses mesures pour corriger cela à l’avenir. « En France, la réflexion sur l'équilibre entre la part laissée à l'application volontaire de l'autorégulation par les codes professionnels et celle relevant des obligations d'intérêt général de la loi mérite d’aller dans le sens d’un renforcement du contrôle des règles de gouvernance, notamment celles relatives aux politiques de rémunération des dirigeants. (…) Si la période précédente a, avec succès, mais aussi avec des effets pervers regrettables, aligné l'intérêt des dirigeants sur ceux des actionnaires, un changement de paradigme s'impose en alignant l'intérêt des actionnaires et des dirigeants sur celui de la collectivité, un mode de gestion trop risqué et finalement imprudent compromettant cet intérêt, lorsque l'entreprise fait appel aux deniers publics », dit-elle avant de préconiser l’instauration d’une disposition permettant de mettre en cause la responsabilité pénale des dirigeants de banques et d’assurance. « Une telle loi a été votée en juin 2013 en Allemagne », note le rapport.

Ces recommandations vont à l’opposé des décisions récentes de Pierre Moscovici. Sur les rémunérations, il a opté pour l’auto-régulation plutôt que la loi (voir Un enterrement de première classe). Sur la responsabilité des dirigeants, il a exclu tout texte. La réponse du ministre des finances au rapport de la Cour des comptes se trouve donc un peu embarrassée. Il assure être très vigilant sur les risques que fait peser Dexia sur les finances publiques. Il promet d’engager les recours juridiques nécessaires, avant qu’il ne soit trop tard. Pour le reste, toutes les failles, tous les manquements qui ont pu être relevés dans l’affaire Dexia sont en passe d’être corrigés. La grande loi sur la réforme bancaire pourvoit à tout.

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19 juillet 2013 5 19 /07 /juillet /2013 16:51

 

 

Marianne

Vendredi 19 Juillet 2013 à 09:00

 

Caroline Amouyal

 

Dans le plus grand secret, le laboratoire pharmaceutique souscrit des protocoles transactionnels auprès des victimes du Médiator. Objectif : les faire renoncer, contre rémunération, à engager une procédure pénale et à porter atteinte à la « renommée » du groupe. La ministre de la Santé s’interroge.

Servier - ANTONIOL ANTOINE/SIPA
Servier - ANTONIOL ANTOINE/SIPA
Dans un communiqué rendu le 18 juillet, Gérard Bapt, député de la Haute-Garonne et ancien président de la Mission d’information de l’Assemblée nationale sur le drame sanitaire causé par le Médiator, a dénoncé publiquement les méthodes d’indemnisations mis en œuvre par Servier à l’égard des victimes. 
 
Révélées au grand jour par des malades à Irène Frachon, pneumologue et lanceuse d’alerte des effets destructeurs du médicament, le laboratoire pousserait les victimes à accepter une indemnisation immédiate contre l’exclusion de toute procédure pénale. Il s’opposerait aussi à « tout comportement susceptible d’avoir d’une quelconque manière un retentissement défavorable sur la renommée de l’autre partie », suivant l’article 4 du protocole.
 
Une proposition de même type avait déjà été tentée par le Laboratoire Servier, le 17 mars 2011. Toutefois, elle concernait une certaine catégorie de victimes, dont le faible taux d’atteinte à l’intégrité physique, ne leur permettait pas d’obtenir indemnisation par les CRCI (commissions régionales de conciliation et d’indemnisation). Cette proposition avait été aussitôt refusée à l’unanimité par les associations de consommateurs et par le gouvernement de l’époque, préférant mettre en place un fonds d’indemnisation spécifique, après vote du Parlement.

« Cette fois-ci, cela va plus loin » déclare Gérard Bapt, « on ne demandait pas à l’époque de renoncer à engager une action pénale, ni de porter atteinte à la renommée de Servier ». Or, ce stratagème des plus machiavéliques  permettrait, selon le député, d’esquiver le plus possible les procédures pénales. Pour ce faire, il s’appuie sur « l’état de faiblesse de victimes réticentes à s’engager dans des procédures longues et coûteuses », pour éviter d’ajouter des charges à son procès, reporté courant 2014.

Aussitôt saisie du dossier, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a souhaité déclenché une consultation juridique afin d’éclaircir la nature de telles clauses. En effet, il n’est pas certain que leur légalité soit contestée, bien que leur teneur soit éthiquement contestable.
 
Pour rappel : entre 1976 et 2009, près de 5 millions de français ont consommé du Médiator. En 33 ans, il aurait causé la mort de 500 à 2000 personnes, avant d’être retiré du marché français en novembre 2009. Quant au nombre de personnes souffrant d'effets secondaires, il reste, à ce jour, difficile à estimer.

 

 

 

 

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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 16:50

 

 

http://fr.myeurop.info

Mar, 16/07/2013 - 15:42
 

 

L'UE a investi 65 milliards d'euros dans les routes européennes depuis 2000. / MEIGNEUX/SIPA

La Cour des comptes européenne s’est penchée sur les milliers de kilomètres de route cofinancés par l’UE depuis 2000. Conclusion: bien plus d’autoroutes qu’il n’en faut, dont certaines, en Espagne, coûtent une fortune.

En Europe, les bâtisseurs de routes ont les yeux plus gros que le ventre. C’est la conclusion principale de la Cour des comptes européenne, qui a sélectionné 24 projets routiers cofinancés par l’Union européenne depuis 2000 pour en éplucher les comptes et les résultats.

L’enjeu? Vérifier que les crédits alloués par Bruxelles au secteur routier sont efficacement dépensés. Il faut dire qu’il s’agit d’une ligne pesant lourd dans le budget européen: 65 milliards d’euros pour la période 2000 à 2013. Au total, l’UE a cofinancé environ 8.000 projets pour quelque 75.000 km de routes en Europe.

 

Le rapport n’en a gardé qu’une bonne vingtaine, qui concernent, pour un budget total de 3 milliards d’euros tout de même, quatre pays: l’Allemagne, la Pologne, la Grèce et l’Espagne. Quatre pays qui ont bénéficié à eux seuls de plus 60% des fonds de cofinancement européen.

Amour immodéré des autoroutes

Les projets sont donc souvent surdimensionnés, critique la Cour des comptes, et font notamment la part trop belle aux autoroutes, au détriment des routes express ou des routes nationales à deux voies. La Cour note ainsi que

Les autoroutes ont été privilégiées là où des routes express auraient permis de répondre aux besoins. Sur 19 projets, 14 ont enregistré un trafic inférieur aux attentes."

Résultat, le rapport coût-efficacité n’est pas au rendez-vous. Car bâtir les choses en grand a un coût : le kilomètre d’autoroute coûte en moyenne 11 millions d’euros, contre 6,2 pour le kilomètre de route express.

Dépassement de budget: l’Espagne à toute vitesse

Les quatre pays étudiés ne sont pas égaux dans l’excès. Et la Cour épingle un cas à part: l’Espagne. Elle est le troisième pays de l’UE en termes de dotation depuis 2000, avec 8,5 milliards d’euros de fonds européens pour ses routes, derrière la Pologne (17,7 milliards) et la Grèce (9 milliards).

Elle est surtout la moins scrupuleuse dans la dépense. Le coût moyen des six autoroutes espagnoles analysées (trois en Andalousie, trois en Estrémadure) a ainsi été deux fois plus élevé que celui des six allemandes.

La Cour a calculé le coût total, le coût total de construction et le coût de construction des chaussées par millier de mètres carrés de route. Les projets contrôlés en Allemagne présentaient le coût le plus bas par millier de mètres carrés dans ces trois catégories. Rien n’indique que les coûts de main-d'œuvre puissent expliquer cette différence ».

A titre d’exemple, le coût moyen du kilomètre de route divisé par le trafic moyen journalier annuel (TMJA) est plus de quatre fois plus élevé en Espagne qu’en Allemagne…

 


Le terme "autres" fait référence à l’ensemble des autres Etats membres de l’UE,
à l’exception du Luxembourg et du Danemark, pour lesquels aucune dépense
liée aux routes n’a été enregistrée (crédit: CCE).

 


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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 16:30

 

 

Le Monde.fr avec Reuters

18.07.2013 à 16h00 • Mis à jour le 18.07.2013 à 16h01

 

 
 
Le sauvetage raté de la banque franco-belge Dexia a coûté à ce jour 6,6 milliards d'euros à l'Etat.

La Cour des comptes estime dans un rapport publié jeudi 18 juillet que le sinistre de la banque franco-belge Dexia a déjà coûté quelque 6,6 milliards d'euros à l'Etat français, et que la facture totale pourrait s'avérer encore plus lourde.

La Cour souligne la responsabilité de l'ancienne équipe dirigeante, qui a accentué les prises de risques dans les mois précédents la crise financière de 2008, le manque de vigilance du conseil d'administration et l'absence d'alerte des régulateurs, ainsi qu'une recherche tardive et incomplète des responsabilités. Outre les 6,6 milliards d'euros dépensés pour le sauvetage raté de la banque (2,7 milliards pour l'Etat lui-même et 3,9 milliards pour son bras armé financier, la Caisse des dépôts), "des risques élevés et durables persistent pour les finances publiques", selon le premier président de l'institution, Didier Migaud.

 

Lire : Dexia, une faillite au prix fort


 DEUX RISQUES À L'HORIZON

La Cour ne chiffre pas le risque pour les finances publiques à l'avenir, qui vient surtout selon elle d'un éventuel décalage entre le scénario macroéconomique et le scénario financier retenu au moment du démantèlement de la banque, qui suppose le retour à des conditions normales en Europe, ce qui est loin d'être certain.

Ces risques reposent sur deux éléments. Premièrement, l'extinction prévue de Dexia, dont le modèle reste très sensible à une augmentation des taux d'intérêt, aura selon la Cour un horizon bien plus lointain que celui de 2020. Par ailleurs, les contentieux dont font l'objet le financement des collectivités locales par des "emprunts toxiques" sont susceptibles de provoquer des défauts de paiement. Les risques liés aux garanties apportées à la banque par l'Etat français sont quant à eux jugés faibles.

 

Lire : Le gouvernement annonce la création d'un fonds pour les emprunts toxiques

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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 16:07

 

express.be

18 juil. 2013

par Audrey Duperron



- Manifestants - 

Javier Soriano 

 

L'UE a payé 35 milliards d’euros de trop pour les plans de sauvetage du secteur bancaire de la Grèce, de l’Espagne et de Chypre, affirme le Süddeutsche Zeitung sur la base d'une étude commandée par les Verts pour le Parlement européen et au Bundestag.

 

Achim Duebel de Finpolconsult a examiné la situation de sept banques dans les trois pays qui avaient reçu 90 milliards d'euros. Il conclut que plus d'un tiers de cette somme ont été gaspillés par des erreurs d’amateur. Il a découvert deux erreurs principales:

✔ Les gouvernements ont acheté des actions ordinaires de ces banques. Cela signifie qu’ils ont également absorbé les pertes de ces banques. Par contraste, le gouvernement américain a acquis des actions préférentielles des banques américaines en difficulté, ce qui implique une prise de risque bien moins importante.

✔ L'Union européenne n'a pas été assez rapide pour mener ces plans de sauvetage, ce qui a permis aux épargnants de sauver leurs économies avant l’annonce officielle de ce plan de sauvetage. L’auteur cite l’exemple de la banque espagnole Bankia où 2 milliards d’euros ont disparu dans les jours qui ont précédé le sauvetage.

Les Verts allemands utilisent maintenant l'étude pour accuser ces plans de sauvetage de gaspiller l’argent du contribuable allemand. Le député européen Sven Giegold estime qu’elle démontre que l'Europe a besoin de se doter d’une instance décisionnelle importante, une idée que le gouvernement allemand a toujours rejetée.

 

 

 

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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 13:51

 

 

Médiapart

|  Par Martine Orange

 

 

 

François Hollande reçoit le lobby bancaire vendredi, après un an de distance relative. Les banques ont obtenu du gouvernement tout ce qu’elles souhaitaient. Ce mercredi 17 juillet signe leur succès : le parlement a adopté définitivement la minuscule réforme bancaire et la caisse des dépôts a accepté le principe de reverser aux banques une partie de l’épargne du livret A.

 

Ils vont se voir ! Dès la semaine dernière, le monde bancaire s’est empressé de faire connaître la nouvelle : après avoir été tenus à l’écart de l’Élysée depuis l’élection présidentielle, les banquiers allaient enfin retrouver officiellement le chemin du palais présidentiel. Vendredi 19 juillet, François Hollande doit recevoir Jean-Paul Chifflet, président de la fédération bancaire française et directeur général du Crédit agricole.

 

 
© Reuters

Le calendrier de cette rencontre a soigneusement été établi. Le président de la République reçoit officiellement le représentant du monde bancaire, juste après l’adoption définitive de la réforme bancaire par l’Assemblée nationale ce mercredi 17 juillet. Le geste se veut à haute portée symbolique. Pendant toute l’élaboration de cette « réforme ambitieuse », selon les propos de Pierre Moscovici, le président de la République s’est tenu volontairement à distance du lobby bancaire, marquant ainsi sa volonté de ne pas être sous influence. Mais désormais le nouveau cadre bancaire est tracé. Plus rien n’empêche de renouer avec les banquiers et d’entretenir des relations normales avec un des secteurs importants de l’économie.

Cette mise en scène politique, cependant, ne trompe pas grand-monde. Même s’il n’y a pas eu de rencontres officielles, les rendez-vous discrets avec les conseillers de l’Élysée, les conversations quasi quotidiennes avec Bercy où les banques ont des relais permanents et attentifs, les réunions organisées avec des parlementaires à l’écoute, accueillant suggestions et propositions, ont largement permis de suppléer l’absence de rencontres officielles. Une fois que les craintes consécutives à un certain discours électoral du Bourget sur « l’ennemi » ont été dissipées, les messages sont rarement aussi bien passés entre la finance et l’exécutif. À bien des égards, c’est même l’entente cordiale.

Il est d’ailleurs des signes qui ne trompent pas : depuis un an, les banquiers sont totalement silencieux, ne revendiquent pratiquement plus rien publiquement, tant ils parviennent à se faire écouter dans la discrétion.

Toutes les mesures qu’ils redoutaient ont été ainsi une à une écartées. La plus lourde de conséquences est la réforme avortée du système bancaire français, préconisée par beaucoup pour protéger les contribuables des risques liés aux faillites bancaires et en finir avec le chantage permanent du monde bancaire sur l’ensemble de l’économie au nom du « too big to fail ».

 Grâce à une intense action de lobbying, entamée dès l’été dernier, auprès d’une haute administration de Bercy convaincue par avance, les banquiers ont réussi à tuer dans l’œuf tous les projets de séparation bancaire, pourtant promise par François Hollande. Dès le 15 novembre, Pierre Moscovici, ministre des finances, annonçait à la communauté financière que le « modèle français de la banque universelle » serait préservé.

Une gaffe de Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, devant la commission des finances, a permis de mesurer l’ampleur de cette réforme censée « être un vrai marqueur » et inspirer l’ensemble de l’Europe : la séparation telle que prévue par le projet de loi et qui allait les obliger à cantonner leurs activités spéculatives concernerait entre 0,75 % et 1,5 % de leurs activités, avait reconnu le banquier. Leur bilan serait tout juste « échenillé » (voir banques : les députés découvrent une réforme minuscule).

L’aveu a déclenché une bronca chez les parlementaires. Même les élus les plus dévoués au gouvernement se voyaient dans l’incapacité de voter tel quel le projet de loi. Le gouvernement a dû faire des concessions à la marge. Il a introduit le principe du plafonnement des bonus des traders à une fois le salaire fixe, comme l’a préconisé la commission européenne. Sous la pression des sénateurs, il a accepté que les banques donnent des informations sur l’ensemble de leurs filiales, y compris celles basées dans les paradis fiscaux, en indiquant le chiffre d’affaires et les bénéfices réalisés ainsi que les effectifs.

 

Audition des dirigeants de BNP Paribas, de la Société générale et du Crédit agricole devant la commission des financesAudition des dirigeants de BNP Paribas, de la Société générale et du Crédit agricole devant la commission des finances© Reuters

Les députés ont même souhaité en deuxième lecture renforcer encore le dispositif en votant pour les transferts automatiques d’informations pour lutter contre la fraude fiscale, et en étendant les déclarations dans les paradis fiscaux à toutes les grandes entreprises. Mais pour « ne pas pénaliser les grandes entreprises, nuire à la compétitivité du système bancaire », cette mesure « ne sera applicable que lorsque la Commission européenne aura légiféré », a expliqué Pierre Moscovici, lors de la discussion, début juin.

Tout est donc remis à des temps lointains et forcément heureux. En attendant, le monde bancaire a obtenu ce qu’il voulait : l’architecture du système bancaire français reste inchangée. Aucune séparation n’aura lieu. L’opacité restera de mise. Changer aurait risqué de pénaliser une industrie bancaire et financière qui est un des succès économiques de la France et pourvoyeuse d’emplois, ont rappelé les banquiers, en félicitant le gouvernement d’avoir pris la mesure de ces enjeux.

Bercy a si bien compris qu’il a décidé aussi d’enterrer le projet de loi sur les transactions financières. Là encore au nom de l’emploi, du rayonnement de la Place de Paris, de la préservation du système bancaire, des assurances nécessaires pour les investisseurs, du financement de la dette, Pierre Moscovici a annoncé la semaine dernière que le texte de la commission européenne « en l’état » n’était pas applicable. En mai, le ministre des finances assurait encore devant l’Assemblée nationale son enthousiasme pour cet accord «  historique », où la France entendait avoir un rôle moteur : « Nous voulons aller vite, nous voulons aller fort. C'est un objectif politique majeur soutenu par toute la majoritéNous souhaitons une assiette large qui porte évidemment sur les devises, c'est la taxe Tobin, mais aussi certaines transactions sur les produits dérivés, parce que c'est là où se niche la spéculation », disait-il alors.

Que s’est-il passé entre-temps ? Bercy semble avoir découvert brusquement le texte. « On a des doutes sur la mesure telle qu’elle est écrite. Il faut des modifications pour la rendre applicable en tenant compte de la réalité », explique-t-on au ministère des finances. Sans attendre, Pierre Moscovici a promis une large concertation avec la profession pour « améliorer le texte ». La profession profitera sans doute de sa rencontre vendredi avec François Hollande pour avancer quelques idées.

Au nom des PME

Ce mercredi 17 juillet est marqué par une autre pierre blanche pour la profession bancaire : la mise en pièces du livret A – produit d’épargne honni par les banquiers –, et de tout le système de financement du logement social, avance à grands pas. Après avoir obtenu du gouvernement de Nicolas Sarkozy l’autorisation de distribuer le livret A – jusqu’alors réservé aux Caisses d’épargne, à La Banque postale et au Crédit mutuel –, les banques rêvaient de faire sauter le verrou qui les obligeait à reverser 65 % des sommes récoltées à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui les utilise pour financer le logement social, la politique de la ville et d’autres missions d’intérêt général. La pression des banquiers s’est faite encore plus forte alors que les ménages se sont massivement réfugiés vers l’épargne réglementée, surtout après le relèvement des plafonds. Fin mai, l’encours du livret A et du livret développement durable s’élevait à 363 milliards d’euros, en hausse de 21,8 % sur un an.

Tant d’argent ne pouvait échapper au monde bancaire ! Cette anomalie va être bientôt corrigée. La commission de surveillance de la Caisse des dépôts a examiné ce mercredi le projet de décret du gouvernement, qui devrait être adopté début août, visant à permettre aux banques de conserver une plus grande part de l’épargne réglementée. Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la CDC, a indiqué, avant même la réunion, qu'il était très favorable au projet.

À l’avenir, celles-ci pourront conserver 50 % des sommes récoltées sur le livret d’épargne populaire au lieu de 30 % actuellement. Surtout, la Caisse des dépôts s’engagerait à l’avenir à reverser aux banques tous les excédents d’épargne récoltés sur le livret A et le livret développement durable, au-delà d’un ratio de 135 % de ses ressources par rapport à ses emplois (le ratio est aujourd’hui de 173 %). Par un simple décret, le gouvernement s’apprête ainsi à redonner au moins 25 milliards d’euros de l’épargne réglementée aux banques !

 

Jean-Pierre Jouyet (CDC) et Frédéric Oudéa (Société générale) 
Jean-Pierre Jouyet (CDC) et Frédéric Oudéa (Société générale)© Reuters

Les arguments avancés par les uns et les autres ne manquent pas pour justifier un tel cadeau. Dans l’entourage du ministre des finances, on fait d’abord valoir qu’il s’agit d’une bonne gestion des avoirs de la Caisse des dépôts et consignation. Les projets de logement sociaux, de politique de la ville, d’intérêt général ne sont pas suffisants, selon Bercy. La Caisse des dépôts se retrouve donc avec un excédent d’épargne de 110 milliards d’euros inutilisés. En reverser une partie aux banques permettra de rendre à l’économie plutôt que de stériliser cet argent inutilement, explique-t-on. Pourtant, à l’autre bout de la chaîne, les bailleurs sociaux et les associations ne cessent de s’inquiéter de l’austérité imposée sur le logement social et de la difficulté de faire sortir de nouveaux programmes.

De son côté, le gouverneur de la banque de France, Christian Noyer, a expliqué que cette reversion d’une partie de l’épargne réglementée n’est que justice pour corriger une concurrence déloyale, née du relèvement du livret A. « Les ressources clientèle des établissements de crédit se sont réduites de 11,1 milliards d'euros entre octobre 2012 et mars 2013. Au cours de la même période de l'année précédente, l'encours des dépôts bancaires des ménages avait augmenté de 29 milliards d'eurosLa perte relative est donc, d'une année sur l'autre, de 40 milliards d'euros », a-t-il noté la semaine dernière avant de conclure qu’il était urgent de rééquilibrer cette situation.

La fédération bancaire française, quant à elle, a repris un de ses arguments favoris : le financement de l’économie. Les banques « ont besoin de conserver dans leur bilan une partie des fonds transférés aujourd'hui à la Caisse des dépôts afin d'assurer le financement de l'économie, notamment des PME », a-t-elle soutenu. Le ministère des finances s’est empressé de reprendre cette justification.

L’ennui, c'est que les chiffres ne viennent pas à l’appui de la démonstration. La distribution de crédit aux entreprises stagne depuis des mois, selon les statistiques de la banque de France. Plus grave : tandis que les banques mettent en avant leur rôle traditionnel de financement de l’économie, celui-ci ne représente qu’une maigre part de leur activité. En moyenne, les crédits aux ménages et les crédits aux entreprises représentent respectivement 13 % et 10 % des encours dans les bilans des banques françaises. C’est un des taux les plus bas d’Europe.

Cette nouvelle facilité accordée par le gouvernement aux banques de piocher dans l’épargne réglementée contient un aveu implicite : l’état des banques françaises est bien moins bon qu’il est dit. Malgré le programme de 1 000 milliards à taux zéro accordé par la Banque centrale européenne sur lequel les banques françaises ont largement tiré, malgré tous les accommodements fournis par la BCE, les banques françaises manquent toujours de liquidité. Elles n’ont pas nettoyé leur bilan et ne se sont pas recapitalisées suffisamment pour faire face à la situation. Ce que reconnaît implicitement Bercy : confondant allégrement dépôts et fonds propres, l’entourage du ministre des finances explique que cet accès supplémentaire à l’épargne du livret A permettra aux établissements bancaires de se conformer aux nouvelles normes prudentielles imposées dans le cadre de Bâle III.

La boucle est bouclée : le démantèlement du livret A vient en appui de la non-réforme bancaire. Au lieu de les obliger à une certaine transparence, à séparer vraiment leurs activités, le gouvernement préfère les encourager dans l’opacité et leur fournir des expédients pour les aider à faire bonne figure.

Une question supplémentaire s’impose avec cette utilisation de l’épargne réglementée par les banques. La commission européenne a adopté en juin le principe d’un modèle de résolution bancaire en cas de faillite d’un établissement. À l’avenir, a-t-il été décidé, c’est le processus mis en œuvre à Chypre qui s’imposera : les actionnaires, les porteurs d’obligation bancaire seront les premiers sollicités. Si cela ne suffit pas, les déposants seront à leur tout imposés comme à Chypre.

Mais dans ce cas, qu’advient-il de l’épargne du livret A utilisée par les banques ? Sera-t-elle aussi raflée dans la faillite ? Convient-il alors de toujours la considérer comme une épargne non risquée et à ce titre peu rémunérée ? Personne n’a envie de soulever cette épineuse question. De toute façon, tout cela n’est qu’hypothèse d’école. Les banques françaises, on le sait, sont exemplaires et sans risque, comme elles ne manqueront pas de le rappeler à l’Élysée.

 

 

 

 

 

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18 juillet 2013 4 18 /07 /juillet /2013 13:37

 

 

Médiapart

|  Par Ludovic Lamant et Marine Turchi

 

 

La présidente du FN salarie depuis deux ans comme assistant à Strasbourg le numéro deux de son parti, à qui elle verse plus de 5 000 euros en brut par mois, pour un temps partiel. Problème, Louis Aliot est aussi son compagnon. À l'été 2012, les services du parlement européen ont tiqué. Ils ont également tiqué sur l'emploi comme assistant pendant la campagne présidentielle de Florian Philippot, qui était, tout comme Aliot, directeur de campagne.

 

Au Front national, les liens politiques, financiers et familiaux s’entremêlent, à la lisière de la légalité. Alors qu'elle n'a de cesse de dénoncer le népotisme et les conflits d'intérêts de la classe politique, Marine Le Pen salarie depuis l'été 2011 comme assistant au parlement européen son compagnon et numéro deux du parti, à qui elle verse plus de 5 000 euros brut par mois, pour un temps partiel. Aux yeux de l'institution, l'embauche de Louis Aliot pose question, à plusieurs titres : d'après nos informations, la présidente du FN a dû répondre, à l'été 2012, à une enquête des services financiers du parlement. 

Selon le contrat de travail, signé à Nanterre le 1er juillet 2011 entre Marine Le Pen et Louis Aliot, et que Mediapart s'est procuré (voir ci-dessous), le vice-président du FN est rémunéré à hauteur de 5 006,95 euros brut. Une somme particulièrement généreuse, alors que Louis Aliot n'est ici employé qu'à temps partiel : 17,5 heures par semaine (voire, parfois, « 19,25 heures par semaine, heures complémentaires comprises »).


Cette embauche a attiré l'attention du Parlement européen l'été dernier. Selon nos informations, les services financiers de l'hémicycle ont demandé, dans un courrier daté du 25 juillet 2012, des explications à la présidente du FN sur le contrat, en s’appuyant sur l'article 43 d'un règlement du Parlement européen entré en vigueur en juillet 2009. Celui-ci stipule que l'enveloppe mise à disposition par le parlement, pour chaque eurodéputé, ne peut pas « financer les contrats permettant l'emploi ou l'utilisation des services des conjoints des députés ou de leurs partenaires stables non matrimoniaux ».

Marine Le Pen s'est défendue, dans un courrier daté du 18 septembre 2012, que le Front national nous a transmis. Elle refuse de considérer Louis Aliot comme un « conjoint » ou « partenaire stable non matrimonial ». « Je ne suis ni mariée à Louis Aliot, ni liée avec lui par un Pacte civil de solidarité (PACS, ndlr), ni par une déclaration fiscale commune, ni par un quelconque statut reconnu par l’État français, toujours au titre de l’article 58 » des mesures d’application du statut des députés au Parlement européen, écrit-elle.

Si Marine Le Pen et Louis Aliot ne sont effectivement pas mariés, ils ne cachent pas leur relation. Pendant la campagne présidentielle de 2012, le couple a posé dans Paris Match, et s'est exprimé sur le sujet dans plusieurs médias (exemples dans l’émission de Thierry Ardisson, dans Le ParisienRue89, ou encore Le Nouvel Obs).


L'article paru dans Paris Match (février 2012). 
L'article paru dans Paris Match (février 2012).© Capture d'écran Paris Match
 

Plus problématique encore, Marine Le Pen est liée à Louis Aliot au sein d'une société civile immobilière (SCI) qui lui a permis d'acheter en 2010, avec son compagnon, une maison à Millas, près de Perpignan, où Aliot, docteur en droit, a installé son cabinet d'avocat. Voici le document, où la présidente du FN apparaît sous son prénom d'état civil, Marion : 

  *Visible sur le site de Médiapart

Contacté, Louis Aliot se défend avec les mêmes arguments que Marine Le Pen. Il plaide le caractère juridiquement informel de sa relation avec elle et estime donc n'être « pas concerné par ce texte ». Quant à l'existence de la SCI détenue en commun, il se contente d'affirmer que sa « situation de copropriétaire » – « Millas étant ma résidence principale » – est « connue par le Parlement européen et évoquée dans son courrier » et qu'elle « n'a aucune incidence ». Il estime que le Parlement « a entériné la validité » de son contrat, puisqu'il n'a effectué aucune réclamation supplémentaire depuis l'échange de courriers avec Marine Le Pen l'an dernier.

Pour Gérard Onesta, un ancien vice-président du parlement européen, qui fut l'un des principaux rédacteurs du statut des assistants aujourd'hui en vigueur, le texte est « fluctuant » en ce qui concerne les règles sur l'embauche de son partenaire comme assistant : « Nous ne voulions pas faire la "police des braguettes" – c'est l'expression qui avait été utilisée dans les débats à l'époque. Nous avons donc décidé que l'on renvoyait aux règles légales en vigueur dans le pays dont est originaire l'eurodéputé. » Un flou juridique qui profite au couple Le Pen-Aliot. 

L'existence d'une SCI en commun confirme en tout cas que Marine Le Pen et Louis Aliot sont aussi liés financièrement, à travers cet achat, au regard de la loi française. Mais là encore, Aliot nie tout conflit d'intérêts : « Ce serait un conflit d’intérêts si ce n’était pas une SCI », plaide le vice-président du FN, sans en dire davantage (lire notre boîte noire).

Pendant la campagne, les deux vice-présidents du FN salariés par Le Pen au Parlement européen

Dans leur courrier de juillet 2012, les services du parlement s’interrogent également sur la rémunération, jusqu'au 30 juin 2012, de l’autre assistant de Marine Le Pen à Strasbourg : Florian Philippot, son bras droit au FN et vice-président en charge de la stratégie et de la communication. Les experts du parlement rappellent que les fonds débloqués pour financer le travail des assistants parlementaires ne peuvent pas servir à financer une campagne électorale. Or, ils notent que Louis Aliot comme Florian Philippot furent, pendant la campagne présidentielle, les deux directeurs de campagne de Marine Le Pen, mais aussi les deux porte-parole du FN pour les législatives. Le premier, fondateur du think-tank du FN Idées Nation, fut même le responsable du projet présidentiel.

Tout cela contrevient, à leurs yeux, à l'article 62 du même règlement définissant les « mesures d'application du statut des députés » : le texte précise que les fonds débloqués pour rémunérer les assistants « sont exclusivement réservés au financement d'activités liées à l'exercice du mandat des députés et ne peuvent couvrir des frais personnels ». Et en aucun cas une campagne électorale.

 

Louis Aliot et Marine Le Pen à l'université d'été du FN, en septembre 2011, à Nice. 
Louis Aliot et Marine Le Pen à l'université d'été du FN, en septembre 2011, à Nice.© Reuters

Si l'infraction était avérée dans l'un des deux cas – utilisation des fonds parlementaires pour la campagne présidentielle, ou rémunération de son conjoint –, Marine Le Pen devrait rembourser tout ou partie de ces sommes, prévient le parlement (pour un aperçu complet des trois textes réglementaires encadrant les assistants locaux, lire l'onglet Prolonger).

Dans son courrier de septembre 2012, la présidente du FN conteste là encore point par point l'argumentation des services financiers. « La durée horaire modeste de leurs contrats d'assistance parlementaire permet de concilier deux activités professionnelles », estime Marine Le Pen. Elle explique notamment que Florian Philippot, alors qu'il était assistant local à mi-temps, bénéficiait par ailleurs d'un « contrat complémentaire » lié à la campagne. Concernant Louis Aliot, elle assure qu'il conciliait « son mi-temps professionnel avec ses responsabilités bénévoles dans (sa) campagne présidentielle ». Preuve, à ses yeux, que leurs deux activités étaient bien distinctes. 

« J'effectue une mission d'attaché parlementaire à mi-temps notamment par le suivi de toutes les questions institutionnelles, ainsi que par le suivi de relations internationales concernant la zone ACP (Afrique Caraïbes Pacifique, ndlr) et les Dom-Com (départements et collectivités d'outre-mer, ndlr), dans le strict respect du statut et des obligations professionnelles des collaborateurs de députés », nous a précisé Louis Aliot par mail, en soulignant qu'il était « docteur en droit public, avocat et spécialiste des questions institutionnelles et constitutionnelles ».

Contacté par Mediapart, Florian Philippot préfère quant à lui renvoyer la balle au conseiller aux affaires européennes de Marine Le Pen, Ludovic de Danne, sans donner de détails sur la nature de son travail comme assistant, ni la date de son départ : « Voyez tout cela avec lui, je n’ai absolument pas tout cela en tête. Je suis parti il y a plus d'un an, mais je ne sais plus quel mois exactement. »


Marine Le Pen entourée de ses deux vice-présidents, Florian Philippot et Louis Aliot, au siège du FN, le 6 octobre 2011. 
Marine Le Pen entourée de ses deux vice-présidents, Florian Philippot et Louis Aliot, au siège du FN, le 6 octobre 2011.© dr

En rémunérant confortablement deux de ses pièces maîtresses pendant les campagnes présidentielle et législative, le Front national a clairement utilisé la manne européenne pour soulager ses finances. Car jusqu’aux élections de 2012, le parti était criblé de dettes. À la suite de ses législatives ratées en 2007 (qui avait entraîné la réduction de sa subvention publique de 4,5 millions à 1,8 million d’euros), et après un coûteux conflit avec son imprimeur Ferdinand Le Rachinel (qui réclamait ses 7 millions d’euros prêtés au parti), le FN avait accumulé, en 2010, une dette colossale de près de 10 millions d’euros. Les micro-partis des Le Pen (Cotelec et Jeanne) et la vente du « Paquebot », son siège historique, en avril 2011, pour 10 millions d’euros, avaient permis au FN de se maintenir la tête hors de l’eau, jusqu'aux législatives de 2012, où il a pu se renflouer.

Toujours d'après nos informations, les services financiers du Parlement ont un temps envisagé d'éplucher le détail des agendas des deux directeurs de campagne de Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle, pour vérifier ses dires. Mais ils ont choisi, pour l'heure, de classer l'affaire, jugeant que la présidente du FN profitait d'un certain flou juridique concernant la catégorie des assistants « locaux ».

Au parlement européen, chacun des 764 élus dispose d'une enveloppe maximale de 21 000 euros par mois, pour employer des assistants. Certains sont « accrédités » (leur nombre peut aller jusqu'à trois), et travaillent entre les murs du parlement, à Bruxelles et Strasbourg. Ce sont eux, généralement, qui détiennent une expertise sur certains dossiers dont l'élu est spécialiste. D’autres sont des assistants « locaux », qui travaillent pour le député dans la circonscription locale (c'est le cas d'Aliot aujourd'hui et de Philippot jusqu'au 30 juin 2012, à l'issue des législatives). À la différence des premiers, leur nombre n'est pas limité, et leur contrat obéit au droit de l'État membre dont est originaire l'élu.

Outre Louis Aliot, Marine Le Pen emploie aujourd'hui deux assistants « accrédités » à Bruxelles. Depuis une refonte du règlement entrée en vigueur en 2009, le cadre légal des assistants a profondément changé, mais il reste, de manière générale, bien plus difficile pour le parlement de contrôler l'activité des assistants locaux que celle des assistants accrédités.

Les choses sont tout de même en train d'évoluer. En septembre 2012, le parlement a communiqué des « lignes directrices » aux élus, et leur a expliqué qu'il contrôlerait désormais la « cohérence » entre le niveau des salaires et la qualification des tâches confiées à l'assistant. En particulier, précise l'institution, lorsque cette rémunération dépasse le double du salaire moyen de l'État membre en question – ce qui est le cas, à titre d'exemple, de Louis Aliot en France. 

 

Sollicitée par l'intermédiaire de sa directrice de cabinet et d'Alain Vizier, le directeur de communication du FN, Marine Le Pen, en vacances, n'a pas donné suite à notre demande. 

Les vice-présidents du FN Louis Aliot et Florian Philippot, Ludovic de Danne (conseiller aux affaires européennes de Marine Le Pen) et Charles Van Houte (assistant accrédité de Marine Le Pen au Parlement européen), ont été joints les 15 et 16 juillet.

Joint sur son portable, Louis Aliot a dans un premier temps évoqué un décret de 1991 régissant la profession d'avocat qui le placerait dans un régime spécial, tout en refusant d'expliquer en quoi ce décret, de droit français, le dédouane de respecter les règles fixées par le parlement européen « Je n’ai pas à répondre à ce genre d’argumentation qui relève de la Gestapo. Dans ma famille, on a beaucoup souffert de la Gestapo et c’était des gens comme vous, exactement pareil. J’attendrai votre article pour y répondre point par point, y compris devant les tribunaux. » Nous lui avons ensuite renvoyé nos questions précises par mail. Il nous a fourni des réponses différentes, qui figurent dans l'article.

 


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