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13 août 2013 2 13 /08 /août /2013 21:05

 

 

Le Monde

 

13.08.2013 à 15h37 • Mis à jour le 13.08.2013 à 18h10 | Par Alexandre Léchenet

 

 

 

Parmi les circonscriptions choyées par la réserve ministérielle, celles de François Fillon, Jean-François Copé et Valérie Pécresse figurent en bonne place.

Vingt-sept millions d'euros pour des "aides exceptionnelles aux collectivités territoriales" ont été attribués par le président et certains ministres en 2012 au titre de la "réserve ministérielle", et 32 millions le furent en 2011. Avantageant principalement les territoires d'élection des ministres ou les proches du président, la répartition de cette cagnotte reste floue.

Le montant de la réserve ministérielle représente 20 % de la réserve parlementaire, et son fonctionnement est similaire : les collectivités présentent des demandes de subventions au ministère de l'intérieur, qui sont ensuite "mises sur le dessus de la pile" par les ministres, ou, sous le précédent gouvernement, par le président. En effet, depuis 2008, Nicolas Sarkozy s'était accaparé les deux tiers de la réserve du ministère de l'intérieur.

Les subventions de la réserve peuvent également concerner des subventions à des associations, mais leur répartition n'a pas été dévoilée. D'autres cagnottes existent dans d'autres ministères. René Dosière, député PS de l'Aisne spécialisé dans les finances de l'Etat, les détaille : "En plus des réserves parlementaires et ministérielles au ministère de l'intérieur, il y avait aussi une réserve à Bercy, dont pouvaient disposer les anciens ministres du budget. Elle aurait été supprimée il y a deux ou trois ans. Un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales en 2008 (PDF) évoquait le financement discrétionnaire de certains hôpitaux par le ministre et préconisait sa disparition. Le ministère des sports également dispose d'un petit budget, comme l'a évoqué Mediapart. Je vais faire en sorte de poser des questions aux ministères pour savoir s'il en existe d'autres."

 

 DES SUBVENTIONS EN FAVEUR DE L'EXÉCUTIF

Malgré la publication par le ministère de l'intérieur, pour 2011 et 2012, de l'utilisation de la réserve parlementaire, les subventions du "programme 122 au titre de la réserve ministérielle" ne sont pas fléchées : impossible de savoir qui, président ou ministre, est à l'origine de la demande. Certains rapprochements sont néanmoins possibles. En croisant ces subventions avec les circonscriptions législatives, certaines semblent beaucoup plus avantagées que d'autres. Ainsi, plus de 5 % de la réserve ministérielle, soit plus de 3 millions d'euros sur deux ans, financent des collectivités locales dans la quatrième circonscription de la Sarthe. Avant d'être nommé premier ministre, François Fillon y fut député.

La carte ci-dessous superpose les circonscriptions législatives en 2012 et les subventions au titre de la réserve ministérielle en 2011 et 2012. Chaque subvention versée est représentée par un cercle dont la taille varie en fonction du montant. Plus il y a de subventions dans une région, plus les cercles sont rouges.


 

Voir la carte en plus grand : " La réserve ministérielle en 2011 et 2012"

Parmi les circonscriptions les plus favorisées, on trouve celles d'Eric Woerth, ancien ministre du budget, dans l'Oise, de Valérie Pécresse, dans les Yvelines, et de François Baroin, dans l'Aube. Ces trois ténors de l'UMP sont tous les trois passés par le ministère du budget pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. La réserve ministérielle est d'ailleurs plutôt généreuse avec le département de l'Aube, terre d'élection de l'ancien ministre de l'économie, puisque ce département arrive second en termes de financement, avec 2,7 millions d'euros sur deux ans. Dominique Bussereau, député UMP de Charente-Maritime et ancien secrétaire d'état aux transports, complète ce classement. Une partie de la réserve avait été utilisée pour aider les communes après la tempête Xynthia.

 LES AMIS POLITIQUES NE SONT PAS OUBLIÉS

Mais parmi ces dix territoires choyés par la réserve ministérielle, il en est d'autres où aucun ministre n'est élu. La circonscription de Jean-François Copé a ainsi reçu près de 1,5 millions d'euros de subventions à ce titre en 2011 et 2012. Pour compléter ce classement, on trouve également l'ancienne deuxième circonscription de la Creuse, faisant aujourd'hui partie de la circonscription unique. Dans la deuxième circonscription de l'Eure-et-Loir, de nombreuses subventions ont été attribuées. Olivier Marleix (UMP), fils de l'ancien secrétaire d'état aux collectivités territoriales Alain Marleix, y a été élu député en 2012.

La première circonscription du Territoire de Belfort en fait également partie. Elle a reçu en 2011 et 2012 près de 1,2 millions d'euros. Damien Meslot, député UMP, y voit une récompense de son "soutien sans faille au président de la République" ou de l'aide qu'il a pu apporter à certains ministres. S'il a obtenu autant de réserve, c'est qu'il a multiplié les demandes de subventions : "C'est aussi le rôle du député que de représenter sa circonscription." 

Jean-Luc Warsmann, député UMP des Ardennes et maire de Douzy, également favorisé par la réserve ministérielle, en est satisfait. "Je suis élu d'un territoire qui essaie de s'arracher au déclin. Je me suis toujours battu pour que le département ait le maximum d'aides. Et il est normal que les parlementaires les plus engagés soient les plus écoutés." M. Meslot ne se cache d'ailleurs pas de l'utilisation de ces subventions : elles figurent en bonne place dans ses documents électoraux.

 

 

 

Le député belfortain modère cependant l'influence des ces subventions sur le vote. "Raymond Forni, mon prédécesseur, était président de l'Assemblée nationale et les subventions tombaient comme à Gravelotte dans la circonscription. Malgré ça, je l'ai battu." Même constat ailleurs : dans la troisième circonscription des Pyrénées-Orientales, la réserve ministérielle et présidentielle a permis d'accorder 750 000 euros de subventions, dont plus de 400 000 à la ville de Prades, dont Jean Castex, conseiller de Nicolas Sarkozy, était maire. Le conseiller était également candidat aux élections législatives dans la circonscription. Les subventions ne l'ont pas empêché d'être battu par la candidate du Parti socialiste, Ségolène Neuville.

De même, autour de Toul, les quelque 800 000 euros de subventions de la réserve ministérielle dépensés dans la cinquième circonscription de Meurthe-et-Moselle n'ont pas permis la réélection de Nadine Morano, battue par le candidat socialiste Dominique Potier. Et les subsides attribués par le ministère de l'intérieur aux alentours de Ploërmel, où le fils de Claude Guéant était candidat, n'ont pas non plus permis son élection.

Depuis l'arrivée de François Hollande, l'Elysée assure que le président n'a plus la main sur cette réserve. "C'était de toute manière anticonstitutionnel, et cela n'a existé que sous Sarkozy", se félicite M. Dosière. Pour les autres ministres, le Canard enchaîné déclarait que les caisses étaient vides à leur arrivée en juin 2012. Interrogé par le Monde.fr, le ministère de l'intérieur n'a pas été en mesure de nous confirmer l'existence de la réserve ministérielle ni de détailler son utilisation.

 

 

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11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 21:06

 

l'humanite.fr

Social-Eco - le 7 Août 2013

penser un monde nouveau 18/34

 

 

 

 

 

 

Les séries d'été de l'Humanité : Penser un monde nouveau Pour l’économiste, cofondateur des Atterrés, la seule issue à la crise consiste à rompre de façon radicale avec le néolibéralisme et à ouvrir le débat sur un nouveau système de production.

Discret, à soixante-trois ans, André Orléan est pourtant l’un des économistes hétérodoxes français les plus reconnus dans le monde. Diplômé de Polytechnique puis de l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (Ensae), il est aujourd’hui directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess) et directeur de recherche au CNRS. De ses travaux sur la monnaie, il développe « l’unidisciplinarité » où « la monnaie est un rapport social », une institution avant d’être un instrument. En 1984, il écrit avec 
Michel Aglietta la Violence de la monnaie. Puis en 1999, il décrypte 
le capitalisme financier 
dans le Pouvoir de la finance. Deux ans plus tard, André Orléan sort de 
sa réserve, en appelant ses confrères à « l’humilité en économie ». Il rappelle que l’économie ne peut être une science dure tant la dimension collective 
des représentations y joue un rôle essentiel. En 2010, il fonde avec d’autres l’Association française d’économie politique (Afep) dont il devient président, afin de faire vivre et de « renforcer le pluralisme en économie ». « Atterré » par l’enfermement idéologique des dirigeants politiques en Europe, il coécrit un manifeste en mettant au débat 22 mesures alternatives pour « sortir de l’impasse ». Le livre est un véritable succès, traduit en plusieurs langues, il fait le tour de l’Europe. En 2011, il publie l’Empire de la valeur, aux éditions du Seuil, en invitant à « refonder l’économie ». En 2012, avec 120 économistes, il dénonce le pacte budgétaire européen. C.M.

Comment expliquer l’ahurissante défaillance des dirigeants politiques depuis le déclenchement 
de la crise en 2008 ?

André Orléan. Si vous en jugez par rapport aux intérêts du capital, on ne saurait parler de défaillance. Ce qui frappe, tout au contraire, c’est l’ampleur des politiques de soutien, monétaire et budgétaire, mises en place pour faire en sorte que les structures de base du capitalisme néolibéral soient maintenues malgré l’extrême violence de la crise financière 2007-2008. Le diagnostic s’inverse si l’on prend comme critère les intérêts du salariat, comme l’illustrent dramatiquement les records historiques que connaît actuellement la zone euro en matière de chômage. En la matière, l’action des gouvernements européens n’est pas à la hauteur des enjeux. Il faut en trouver la raison essentielle dans le fait que ces gouvernements n’ont d’autres boussoles intellectuelles que le modèle néolibéral qui leur commande de s’en remettre au capital privé, perçu désormais comme le seul acteur apte à produire des richesses véritables ; ce qu’on appelle aussi la politique de l’offre. Cette croyance condamne l’Europe à la stagnation.

Qu’appelez-vous « capitalisme néolibéral » ?

André Orléan. L’analyse économique de longue période montre que le capitalisme, invariant en ses rapports de production fondamentaux, prend cependant des formes variables selon les époques et les pays. À la fin des années 1970, nous avons assisté à la fin du capitalisme des Trente Glorieuses et à l’émergence d’un capitalisme fort différent, dérégulé, mondialisé et qui accorde un rôle central aux marchés financiers.

Vous expliquez que ces marchés 
sont intrinsèquement instables 
et que leurs comportements 
ne peuvent qu’engendrer des bulles…

André Orléan. Le capitalisme néolibéral fait jouer un rôle pivot à la concurrence mise en avant comme la clef de la prospérité et de la stabilité de l’économie. Elle est au cœur de la théorie économique : si le prix d’un produit s’accroît, alors les consommateurs diminueront leurs achats au profit d’un produit meilleur marché, en même temps que de nouveaux producteurs entreront sur ce marché pour bénéficier des prix élevés. Ces deux mécanismes, la baisse de la demande et la hausse de l’offre, pèseront à la baisse sur les prix. Au tournant des années 1970, il a été considéré qu’il en allait de même pour les marchés financiers : « Il faut déréguler la finance car la finance est apte à s’autoréguler comme le font les marchés de biens ordinaires. » Ce fut une véritable révolution intellectuelle car, jusqu’à cette date, les économistes regardaient avec une grande méfiance la spéculation financière dont ils avaient vu les effets dramatiques lors de la grande dépression. Dans mes travaux, j’ai tenté de montrer qu’il n’en était rien. Pour le dire en deux mots, ce qui intéresse le spéculateur financier, c’est justement la hausse des prix qui lui permet de faire des profits. En conséquence, sur ces marchés, la demande ne baisse pas quand le prix augmente. Au contraire, la demande peut s’accroître car les investisseurs voudront acheter les titres dont le prix monte car ils y voient la possibilité d’importantes plus-values futures. Pour cette raison, la hausse nourrit la hausse. Il y a là la source d’une instabilité intrinsèque que les économistes d’avant 2007 n’ont pas comprise.

Justement, votre livre appelle à refonder l’économie en l’appuyant sur les relations plutôt que sur le calcul des grandeurs.
Que voulez-vous dire ?

André Orléan. À l’évidence, les économistes accordent une attention très grande aux grandeurs quantitatives. Pour s’en rendre compte, il n’y a qu’à lire les rapports que produisent périodiquement les grandes institutions comme le FMI, la FED et la BCE, ou les rubriques économiques des journaux. Les statistiques y occupent une place centrale. Cette approche, que je nomme « l’économie des grandeurs », est fort utile : elle est même indispensable, mais elle conduit à d’importantes erreurs si l’économiste perd de vue le contexte social et statistique qui entoure la production des chiffres et leur donne sens. La critique de Marx à l’encontre du « fétichisme de la marchandise » s’applique mutatis mutandis à ce fétichisme du nombre : si la marchandise « paraît au premier coup d’œil quelque chose de trivial et qui se comprend de soi-même », il en va de même pour le chiffre. Cependant cette apparence est trompeuse, et pour les analyser avec justesse l’une comme l’autre, il faut en revenir à la structure sous-jacente des rapports sociaux. En économie, ce qui est premier, ce sont les relations, les rapports de production ; et non pas les grandeurs. Il s’agit de substituer « l’économie des relations » à « l’économie des grandeurs ».

Pourquoi citer Marx en référence alors 
que vous le critiquez dans votre ouvrage ?

André Orléan. S’il est vrai que je critique Marx pour sa conception de la valeur, je ne m’en sens pas moins marxiste. L’analyse du rapport salarial que Marx propose dans le Capital constitue, à mes yeux, le paradigme même de cette économie des relations que j’essaie de diffuser. Mon désaccord est ailleurs. Il porte sur la manière dont Marx analyse le rapport marchand et la valeur. Rappelons que, pour Marx, les deux relations sociales au fondement du capitalisme sont le rapport marchand et le rapport salarial. Ces deux rapports de production, fort distincts par ailleurs, ont en commun de donner à voir la division du corps social, soit entre propriétaires des moyens de production et salariés, soit entre les producteurs indépendants eux-mêmes. Si, dans le cas du rapport salarial, cette division donne lieu chez Marx à des conflits bien réels, la lutte des classes, dans le cas du rapport marchand, rien de tel. Il semble que l’action de la valeur et des échanges suffise à elle seule à aplanir la division des producteurs et à assurer, ce faisant, l’intégrité de l’économie marchande. C’est là mon point de désaccord. Je propose de traiter le rapport marchand de la même manière que Marx traite le rapport salarial, en soulignant que l’économie marchande ne se stabilise que temporairement par le jeu de ses luttes internes. Sur quoi portent-elles ? Sur ce qui est vital à la survie de tous les producteurs : l’accès à la monnaie. Rappelons l’âpre combat aux États-Unis dans les années 1870 entre partisans de l’or et partisans de l’argent. Ces luttes monétaires échappent totalement à la pensée de Marx parce que, pour lui, l’or est l’équivalent général universel qui s’impose à tous. Dans le cadre théorique que je propose, une monnaie n’existe que si elle réussit à maîtriser les séditions monétaires qui ne manquent jamais de se faire entendre. C’est un processus tout à la fois économique, politique et social. Il me semble que cette conception de la monnaie enrichit notablement la théorie marxiste.

Quelle est alors votre analyse sur l’euro ?

André Orléan. La monnaie renvoie à la possibilité pour un groupe social de s’accorder sur une représentation commune de la valeur économique. Pour s’en faire une idée, il n’est que de penser aux symboles et formules présents sur les billets. Il s’agit d’en appeler à une autorité supérieure, investie de la confiance du corps social, par exemple « In God We Trust » aux États-Unis d’Amérique ou la reine Elizabeth au Royaume-Uni. En ce sens, la monnaie est toujours étroitement liée à la souveraineté. Si on examine l’euro sous cet angle, il vient immédiatement à l’esprit que l’euro est une monnaie incomplète. On y chercherait en vain le symbole d’une quelconque appartenance européenne qui n’existe pas. Toute la question de l’euro est dans cette absence de souveraineté. L’Union européenne n’est pas un corps politique ; elle est la réunion de 28 corps politiques distincts et séparés. Pour l’essentiel, elle repose sur une technocratie et non sur une politique. L’énigme consiste à comprendre comment, dans de telles conditions, il a pu paraître possible à cette technocratie de lier tous ces pays séparés par une monnaie unique. Cette question est complexe mais un élément de réponse se trouve dans la doctrine néolibérale en ce qu’elle croit que la monnaie est inutile parce que la concurrence à elle seule suffirait à produire une économie efficace. On a vu son absurdité en 2008-2010.

Comment vous situez-vous dans le débat sur la sortie de l’euro ?

André Orléan. La première chose qu’il faut dire est à quel point la technocratie européenne a failli en raison même de son libéralisme. Les forces concurrentielles, loin de produire une union harmonieuse, ont exacerbé les déséquilibres entre pays du Nord et du Sud comme elles ont accentué notre désindustrialisation. Par ailleurs, à force de s’en remettre au seul capital privé, on a négligé les grands projets communs seuls susceptibles d’apporter de la croissance en Europe. Enfin, le taux de change actuel de l’euro est pénalisant. Il faut avoir la lucidité de dire qu’aujourd’hui l’euro est un poids pour nombre de pays qui, comme la France, iraient bien mieux sans lui. Cependant, la sortie de l’euro a également des coûts qui peuvent s’avérer dirimants. Et puis, sans changement de politique, elle n’apporterait rien.

Face à cette crise de la science économique, n’y a-t-il pas une offensive pour tuer tout ce qui peut être hétérodoxe à la pensée dominante ?

André Orléan. On constate en économie, depuis une vingtaine d’années, une mise à l’écart de toutes les traditions de pensée qui ne sont pas le courant néoclassique, par exemple keynésienne, marxiste, autrichienne ou institutionnaliste. Cette dérive néfaste est due à un système international d’évaluation des chercheurs qui identifie l’excellence aux seules revues néoclassiques états-uniennes ! Le chercheur qui publie, par exemple, dans une revue post-keynésienne se trouve mécaniquement pénalisé. Cette situation pose problème car une vie démocratique véritable ne peut exister que si une pluralité de diagnostics et de solutions est offerte au débat civique. En 2010, l’Association française d’économie politique (Afep) s’est créée pour faire en sorte que ce pluralisme soit défendu dans les institutions d’enseignement et de recherche. Je suis très honoré d’en être le président.

 

C’est aussi le rôle des Économistes atterrés ?

André Orléan. Le déclic à l’origine des Économistes atterrés date de 2010, à savoir le retour des politiques de rigueur en Europe dans une conjoncture marquée par une croissance du chômage. Comment se pouvait-il que les gouvernements de la zone euro ignorent avec une telle naïveté ce qui fut la grande leçon d’économie du XXe siècle, la pensée de Keynes ? En période de récession, on ne diminue pas la dette publique en augmentant la pression fiscale. Malgré cet enseignement, on a assisté à un remake des années trente. Il nous a paru impossible que les économistes ne réagissent pas. C’est pourquoi Philippe Askenazy. 
Thomas Coutrot, Henri Sterdyniak et moi-même avons décidé de rédiger ce manifeste de façon à fédérer le plus grand nombre d’économistes, quelles que soient leurs convictions idéologiques.

Aujourd’hui les Économistes atterrés sont une organisation importante qui génère beaucoup de débats à travers toute la France et l’Europe, et travaille à la formulation de politiques alternatives. Grâce aux Atterrés, des économistes jusqu’alors inconnus ou mis à l’écart ont pu se faire connaître du grand public. Parce qu’elle a favorisé le pluralisme des débats, cette initiative me semble être un grand succès.

Est-il possible de dépasser le système capitaliste ?

André Orléan. Aujourd’hui comme hier, les méfaits de l’économie capitaliste sont visibles. Peut-être même encore plus visibles car, à côté de l’exploitation, des inégalités ou de l’instabilité financière s’ajoute désormais la destruction programmée de notre planète. Cependant, l’expérience dramatique du socialisme réel démontre que l’alternative proposée a pu être pire. La nationalisation des moyens de production n’a en rien supprimé l’exploitation ; elle a favorisé l’émergence d’une nouvelle classe dominante. L’idée marxienne d’un approfondissement des contradictions du capitalisme conduisant à son inéluctable dépassement et à la société sans classes demande à être révisée sérieusement. Le capitalisme n’est plus, pour l’instant, porteur d’un projet alternatif même s’il ne cesse de revendiquer de meilleures conditions de vie. On peut en mesurer le poids lors des élections, toutes gagnées sur des mots d’ordre de « gauche » du type : « contre la fracture sociale » (Chirac, 1995), « travailler plus pour gagner plus » (Sarkozy, 2007), « mon ennemi, c’est la finance » (Hollande, 2012). Face à cette persévérance, on ne peut qu’être abasourdi de voir avec quelle régularité, sans la moindre vergogne, les directions politiques trahissent leurs promesses, une fois au pouvoir. Voilà les origines de la maladie politique française !

  • Conférence d'André Orléan et Frédéric Lordon : Comment penser la crise

 

   

 

Entretien réalisé par Clotilde Mathieu et Marc Bertrand

 

 

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10 août 2013 6 10 /08 /août /2013 17:13

 

 

Médiapart - Blog

UBS passe à la caisse !

 

 


Pour mettre fin à la poursuite d’investisseurs grugés par UBS dans les années 2007/2008, ils recevront 120 millions de dollars, selon la Tribune de Genève, ICI.


Voici ce que je publiais en 2009 à propos des agissements délictueux de UBS, dans « Dis, Papy, c’est quoi la crise », coédité avec Mediapart. Et ses malversations continuent, notamment en France.

…UBS, Union de Banque Suisse, la première banque du pays, la troisième du monde, ayant pourtant la réputation d’être un établissement de toute confiance, annonce une perte cumulée, au cours des années 2007 et 2008, de 50 milliards de francs suisses ! Cette perte équivaut au montant de son capital et elle devait logiquement déposer son bilan et se déclarer en faillite.

Pour faire face à une situation désespérée, l’UBS émet un emprunt de 13 milliards, puis un deuxième de 15 milliards, remboursables en actions auprès du Gouvernement de Singapour, d’un investisseur du Proche-Orient et de diverses banques. Mais cela ne suffit pas car elle s’est engagée, via sa filiale américaine, dans les subprimes jusqu’à concurrence de 200 milliards !

Afin d'éviter la banqueroute, la Confédération Suisse lui octroie, en octobre 2008, un crédit de 6 milliards et la Banque Nationale Suisse prend en portage pour 46 milliards de placements douteux, l’équivalent du budget annuel de la Suisse ou de 7.000 francs par habitant ! De peur de tout perdre, des milliers de clients se précipitent à ses guichets pour retirer plus de 226 milliards en quelques semaines. Le cours de l’action UBS passe de 80 francs en 2007 à 10 francs en février 2009 ! Merci pour les 130.000 petits actionnaires qui ne représentent que 2,3% du capital et n’ont forcément rien à dire lors de l’Assemblée générale. Pour tout viatique, ils recevront une pomme et un sandwich !

En matière de « bonus », les gnomes de Zurich font encore plus fort ! Malgré la perte de plus de 4 milliards en 2007, l’UBS versera 12,5 milliards de bonus à ses cadres et à ses employés. En 2008, elle promet une somme inférieure de 80% : la modique somme de 2 milliards... soit 25.000 francs au lieu de 156.000 par salarié ! Sur le dos des contribuables helvétiques car, selon certaines rumeurs, la perte de l’année 2008 serait de l’ordre de 20 milliards !

Le responsable de cette débâcle n’est autre le que président du conseil d’administration de la banque, Marcel Ospel, qui, depuis son arrivée au pouvoir, en 2004, n’a eu de cesse d’assouvir son ambition de faire de l’UBS la plus grande banque du monde. Il coule des jours heureux dans sa propriété des bords du lac de Zurich, à la tête d’une fortune de plus de 100 millions ! Dans son livre: Marcel Ospel, L’homme qui est allé trop loin, Editions Favre, Jacques Neirynck dresse un portrait sans concession du “fossoyeur” de l’UBS ! …

 


 


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10 août 2013 6 10 /08 /août /2013 17:05

 

Marianne

 Samedi 10 Août 2013 à 17:00

 

Olivier Philippe

 

Les alternatives locales à l’euro sont en pleine expansion à travers la France. Gadget folklorique ou «volonté de réappropriation de l’usage de la monnaie par le citoyen» ?

 

Crédits: What's Up Productions pour ARTE Journal
Crédits: What's Up Productions pour ARTE Journal
Le «Galléco» en Ille-et-Vilaine, la «Sol-violette» à Toulouse, une future «Pêche» à Montreuil, dans l’est francilien… Qui a dit que la France ne faisait pas marcher la planche à billet? Toutes ces appellations désignent des monnaies locales complémentaires (MLC). Le principe se développe depuis trois ans sur des secteurs bien définis : un quartier, une ville, un département entier. Tout dépend du degré d’implication des commerçants et habitants. Dix-huit de ces monnaies alternatives sont déjà en circulation, une trentaine sont en projet.

«La mondialisation a conduit à désertifier nos bourgs et nos villages, à financiariser l'économie à l'excès, de sorte que sa finalité n'est plus de répondre aux besoins des êtres humains, mais de gagner de l'argent comme si l'argent était en soi LA richesse», explique Philippe Derudder, spécialiste des économies alternatives. «Le mouvement des monnaies locales complémentaires cherche à promouvoir une économie visant l'amélioration de la qualité de la vie pour tous au lieu d'une économie orientée sur la seule recherche du plus gros profit possible à court terme. Les intérêts sont donc moins quantitatifs que qualitatifs.»

«Voilà le type de société que nous voulons»

A Villeneuve-sur-Lot, à l’image d’un ancien député-maire de la ville (un certain Jérôme Cahuzac), on aime les fantaisies monétaires. Fin janvier 2010, des billets-coupons de 1, 2, 5, 10, 20 et 50 «abeilles» ont fait leur apparition dans la commune et ses environs. La monnaie locale est échangeable contre des euros et utilisable dans 112 commerces et entreprises du coin (alimentaire, coiffeur, imprimerie, etc.). Pour éviter les problèmes de double comptabilité, une abeille équivaut à un euro. «Le but est de redonner un sens à notre monnaie, relocaliser les échanges, favoriser le circuit court et redynamiser ainsi la vie locale. C’est dire : «voilà le type de société que nous voulons», argumente une des responsables du concept. 

Pour adhérer au réseau «Abeille», une entreprise doit attester d’une démarche écologique, pour tendre vers le «zéro déchet, zéro pollution, autant que possible. C’est un engagement.» La MLC permet également de tisser des liens entre la clientèle et les entreprises. «L’Abeille amène de nouveaux clients qui ne seraient pas venus autrement. Les commerces peuvent entrer en contact les uns avec les autres, découvrir l’existence d’un possible partenaire à 5 kilomètres plutôt qu’importer ou de commander des services à l’autre bout du pays», s’enthousiasment les créateurs de la monnaie

L’exemple bavarois du Chiemgauer

«Comme leur nom l'indique, ces monnaies sont complémentaires et ne visent pas à remplacer la monnaie nationale, ni à se substituer à l'économie globale», développe Philippe Derudder. Pour justifier les contraintes inhérentes au concept -devoir échanger contre des euros, utilisable uniquement dans certains commerces locaux-, les spécialiste comme les créateurs de l’Abeille en appellent à «l’acte citoyen». Au-delà de l’aspect éthique, il y a des facteurs économiques : le refus de contribuer, souvent inconsciemment, à la spéculation ; le fait de dynamiser l’économie locale et d’augmenter la capacité d’épargne en doublant la masse monétaire. Ce dernier point est un argument fort des partisans de la monnaie locale. «L'épargne constituée par les euros échangés n'aurait pas existé s'ils avaient dû servir aux achats ; mais comme ils ont trouvé leur équivalent en monnaie locale, ils deviennent alors disponibles.»

L’effet de mode est-il à craindre ? «Certainement. Voici quatre, cinq ans, lorsque je parlais de monnaies locales complémentaires, on me regardait avec des yeux ronds. C'est la crise financière qui a conduit beaucoup de gens à se poser des questions sur cet outil qu'est la monnaie qui peut servir ou asservir, poursuit M. Derudder. Mais les pièges ne sont pas absents. Nous sommes en effet formatés à considérer la monnaie comme une fin et non un moyen. La tentation est grande de réduire l'usage d'une MLC à la recherche de croissance locale ou d'y voir l'outil qui permettra de traverser la crise plus "confortablement".»

A Villeneuve-sur-Lot, pas de folie des grandeurs. «Nous sommes encore petits, ça ne fait que trois ans, mais l’Abeille se développe», sourit l’une des responsables. L’exemple à suivre se trouve en Allemagne, où le Chiemgauer, monnaie régionale bavaroise lancée en 2003, était utilisé en 2012 par plus de 3300 personnes et 600 entreprises. 550 000 Chiemgauer (soit 550 000 euros, conversion facile) étaient en circulation l’an passé. Mais la plus ancienne expérience toujours en cours a démarré aux Etats-Unis. La ville d’Ithaca, dans l’état de New York, dispose de sa propre monnaie locale, le Ithaca Hour, depuis 1991. A Paris, un projet de MLC pour le dixième arrondissement est dans les tuyaux. Date théorique de mise en circulation : septembre 2014.

 

 

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 13:57

 

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3 juillet 2013 04:52

 

 

 

 

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9 août 2013 5 09 /08 /août /2013 13:48

 

 


  • Par Ruben Curiel
  • Mis à jour le 08/08/2013 à 18:39 Publié le 08/08/2013 à 14:37

 

 

Le partenariat signé entre Kellogg's et Wilmar fait débat: l'entreprise indonésienne est accusée de détruire des forêts en Indonésie. <i>Crédits photo: Flickr.com</i>

Le spécialiste américain des céréales a signé un partenariat avec Wilmar, entreprise indonésienne accusée de détruire des forêts en Indonésie et de menacer l'environnement de centaines de tigres de Sumatra.

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En signant ce partenariat avec Wilmar, John Bryant, patron du géant de l'agroalimentaire Kellogg's, ne s'imaginait certainement pas s'attirer les foudres des associations environnementales. L'accord prévoit que Kellogg's utilise l'huile de Wilmar pour ses snacks bon marché. Mais cette entreprise indonésienne est accusée de déforestation en Indonésie: en effet, Wilmar plante ses palmiers sur des milliers d'hectares de forêts tropicales, l'habitat des quelques centaines de tigres de Sumatra, espèce en voie d'extinction. Le Huffington Post ironise en évoquant «une destruction massive des forêts tropicale au nom des Pringles».

Ce partenariat fait polémique outre-Atlantique. Wilmar, fournisseur d'huile de palme, s'est hissé au dernier rang d'un classement - publié par Newsweek - des entreprises les moins «vertes», derrière des groupes comme Monsanto ou ExxonMobil.

Le PDG de Kellogg's interpellé par un écologiste

Campagne lancé par SumOfUs pour arrêter la déforestation. <i>Capture d'écran du site de SumOfUs.</i>

 

Wilmar se défend en assurant au Washington Post que plus de 60% des plantations sont certifiées durables, avec un objectif de 100% en 2016. Le journal - détenu depuis le début de la semaine par Jeff Bezos - ajoute que «Kellogg's est la dernière cible des groupes environnementaux qui cherchent à arrêter la destruction des forêts tropicales en Asie du Sud-Est». Le président et directeur général de Kellog's a été interpellé par une militante écologiste lui reprochant cette collaboration avec l'entreprise indonésienne: «En tant qu'entreprise engagée publiquement pour le développement durable, comment est-ce que Kellogg's peut assurer ne pas être lié à la déforestation illégale, puisque son partenaire Wilmar en est accusé?» a demandé la femme, qui travaille pour le groupe Green Century Capital Management Inc. «Comment allez-vous prouver que la marque demeure durable?» a-t-elle ajouté. John Bryant lui a répondu qu'il «ne (savait) rien des pratiques de Wilmar en Indonésie». Et d'ajouter: «C'est une chose que les activistes doivent aborder avec Wilmar pour déterminer le meilleur chemin à prendre.» Une façon osée de lever le discrédit qui pèse sur son entreprise.

SumOfUs, mouvement citoyen américain, a lancé une pétition utilisant l'image du fameux tigre de Kellogg's.

 

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 17:06

 

 

Médiapart

|  Par Martine Orange

 

 

Les craintes de la Cour des comptes sur Dexia pourraient se concrétiser plus vite que prévu. Mercredi, la banque, ou plutôt la bad bank car elle porte tous les actifs en voie d’extinction de l’ancien groupe bancaire après son démantèlement, a annoncé une nouvelle perte nette de 905 millions d’euros au premier semestre.

 

Les craintes de la Cour des comptes sur Dexia pourraient se concrétiser plus vite que prévu. Mercredi, la banque, ou plutôt la bad bank car elle porte tous les actifs en voie d’extinction de l’ancien groupe bancaire après son démantèlement, a annoncé une nouvelle perte nette de 905 millions d’euros au premier semestre.

La banque invoque des éléments non récurrents liés à la liquidation ou l’arrêt d’activités pour expliquer une partie de ces pertes. Ces opérations lui ont coûté 173 millions d’euros de pertes.

Mais il y a plus inquiétant. Comme le redoutaient certains observateurs au moment du démantèlement de la banque, la structure est conçue de telle sorte qu’elle n’a aucune recette pour compenser la gestion de son portefeuille et doit assurer le financement de ce dernier sur le marché. Résultat ? Le produit net bancaire, qui s'apparente au chiffre d'affaires, a été négatif de 522 millions d'euros au premier semestre : les recettes tirées de la gestion du portefeuille ayant été inférieures aux coûts de refinancement du groupe. Ce qui entraîne des pertes en cascade.

La banque espère une amélioration au second semestre, en pariant sur une détente sur les marchés des capitaux. Elle sait déjà qu’il faudra assumer les pertes liées à la faillite de la ville de Detroit. La banque – qui n’a pas loupé une seule bonne occasion ! – est une des plus exposées d’Europe dans cette faillite. Selon les chiffres cités par la presse, son exposition aux obligations municipales de la ville s’élèverait à quelques 270 millions de dollars.

En décembre dernier, les États belge et français avaient dû apporter en urgence 5,5 milliards d’euros pour renflouer Dexia, qui n’avait plus de fonds propres. Selon la Cour des comptes, Dexia a déjà coûté 6,6 milliards d’euros à la France. L’institution redoute que la France ne soit obligée dans un temps plus ou moins rapide de recapitaliser à nouveau l’entité, compte tenu de ses pertes récurrentes. L’État payant en lieu et place de la banque pour assurer les contreparties accordées par Dexia à d’autres investisseurs financiers.

Les engagements obligataires pris étant sur une très longue période, le portefeuille de Dexia devrait être définitivement éteint dans 63 ans. 

Didier Migaud, président de la Cour, avait présenté un rapport accablant pour la banque le 19 juillet (lire ici). « Au-delà des coûts constatés à ce jour, Dexia représente des risques importants et durables pour les finances publiques françaises », écrivent les auteurs du rapport, rappelant que les engagements pris par Dexia s’étalent sur une très longue période. La Cour des comptes ne donne pas de date précise. En juin, un article des Échos évoquait un délai de 63 ans – c’est-à-dire jusqu’en 2076 ! – pour arriver jusqu’à l’extinction complète du portefeuille de prêts de 266 milliards d’euros de Dexia.

Le plan de démantèlement de la banque, validé par la Commission européenne, n’est prévu que jusqu’en 2020, laissant la suite dans l’inconnu. Mais d’ici là, il peut se passer tellement de choses. Le rapport relève que tout a été bâti à partir d’hypothèses bien optimistes. Il est prévu qu’après une période de récession en 2012 et 2013, la croissance reviendra. Les taux longs, qui sont anormalement bas, retrouveraient alors des niveaux plus élevés, soulageant d’autant la structure de financement des structures (Sfil et Caffil) chargées de l’extinction de la banque. Dans ce scénario idéal, les conditions de financement seraient sensiblement améliorées, et ces structures de défaisance pourraient retrouver un accès normal au marché.

Et si rien ne se passe comme prévu ? L’État français est actionnaire de Dexia aux côtés de l’État belge et il a donné des garanties à hauteur de 38,75 milliards d’euros. Celles-ci seraient appelées en cas de difficulté. De même, le bilan de la banque a été replâtré de telle sorte que la moindre dépréciation d’actifs supplémentaires pourrait amener la banque à se retrouver à nouveau sans fonds propres, obligeant l’État à la recapitaliser en urgence, comme il a déjà dû le faire en décembre dernier en lui apportant 2,5 milliards d’euros. La Caisse des dépôts n’est pas non plus en reste, puisque c’est elle qui assure en ce moment le financement des structures de défaisance, en empruntant quelque 12 milliards d’euros sur les marchés en son nom avant de les leur re-prêter à un taux dérisoire.

Enfin, il reste le dossier des emprunts toxiques. Les impayés s’alourdissent – environ 100 millions d’euros – alors que les collectivités locales contestent ces prêts toxiques devant la justice. Le tribunal de Nanterre a déjà donné une fois raison à des collectivités de la Seine-Saint-Denis qui avaient plaidé l’absence de conseil et le non-respect de la loi sur les crédits. « Cette jurisprudence, si elle devait être confirmée en appel, porte un risque de plus de 9 milliards d’euros pour la SFIL, ce qui excède très largement ses fonds propres », rappelle en mémoire, Pierre Mariani, ancien dirigeant de Dexia entre 2008 et 2012, dans sa réponse au rapport.

La simple addition de ces conditions donne le vertige : ce sont des dizaines de milliards d’euros, correspondant à plusieurs points de PIB, qui sont en risque, à la merci des aléas de la conjoncture et des événements. Et on comprend pourquoi la Cour des comptes s’en inquiète. Elle est bien la seule. Au ministère des finances, pourtant si prompt à traquer les dépenses sociales ou quelques avantages collectifs, le dossier Dexia semble à peine exister. Personne n’en parle. Les milliards perdus paraissent brusquement peser bien moins lourd que ceux de la retraite, de la santé, ou de l’éducation. Il ne faut pas revenir sur les erreurs de l’oligarchie.

 

 

Bousculant la bienséance, le rapport de la Cour des comptes, lui, y revient longuement. Car la faillite de Dexia n’est pas simplement due à une crise financière historique. Elle est liée aussi – surtout – à des erreurs stratégiques majeures, à des dirigeants emportés par la folie des grandeurs et leur volonté d’enrichissement personnel, à des structures de contrôles allant du conseil d’administration aux autorités prudentielles muettes et inconsistantes.

La fragilité de Dexia était inscrite dès sa création, rappelle le rapport. La banque, d’abord spécialisée dans les prêts aux collectivités locales, consentait des crédits à très long terme mais n’ayant que peu de dépôts, était obligée de se financer constamment à court terme sur les marchés. Tout cela fonctionnait quand le Crédit local de France, l’ancêtre de Dexia, était placé sous la puissance tutélaire de la Caisse des dépôts. Mais, après la privatisation arrachée par effraction par son dirigeant, Pierre Richard, les conditions avaient radicalement changé. L’association avec le Crédit communal de Belgique pour fonder Dexia ne pouvait remplacer la protection de la CDC. 

Loin de tenter de corriger cette fragilité, l’équipe dirigeante l’a encore accentuée. Tout au long des années 2000, elle a mené une expansion tous azimuts, la partie belge et la partie française poursuivant chacune dans son coin sans grande concertation, et surtout sans intégration, ses projets. Dexia se rêve alors comme le premier banquier des collectivités locales dans le monde. La banque se lance au Japon, aux États-Unis, en Italie, en Espagne. Elle se veut à la pointe de l’innovation financière, se gorge de subprimes, rachète un réhausseur de crédit. Son bilan explose, passant de 245 à 651 milliards d’euros en moins de dix ans. Faisant jouer l’effet de levier à plein – le ratio est de 41 fois ses fonds propres, souligne le rapport –, elle affiche une rentabilité surprenante, verse des dividendes colossaux. En 2007, la direction se donne pour objectif une croissance annuelle de 10 % de ses bénéfices et de 15 % de ses dividendes sur les dix années à venir.

 « Le modèle de Dexia supposait un fonctionnement normal des marchés, un accès sans difficulté aux financements extérieurs », notent les rapporteurs. Mais les marchés ne fonctionnent pas toujours normalement. En 2007, tout commence à se dérégler. Très impliqué dans le marché municipal américain et les produits dérivés, Dexia est normalement aux premières loges pour voir venir la crise des subprimes. Pourtant, la banque ne fait rien. Au contraire, elle augmente encore ses expositions, en se félicitant d’être préservée de la crise. Cette année-là, ses engagements progressent encore de 17 %.

Silences et complaisances

« Le conseil d'administration, qui comptait peu d'experts ou de professionnels aguerris des questions bancaires, ne s'est pas opposé à une telle stratégie, qui a perduré jusqu'au milieu de l'année 2008, c'est-à-dire bien trop longtemps compte tenu de la montée des risques et de la dégradation rapide du résultat du groupe », relève, assassin, le rapport. Celui-ci insiste sur le dysfonctionnement patent de ce conseil : à partir de 2006, toutes les interventions des administrateurs sont retranscrites de façon anonyme dans les comptes-rendus des conseils. Les procès-verbaux ne sont d’ailleurs que des synthèses succinctes des discussions du conseil.

Malicieusement, la Cour des comptes a mis en annexe du rapport la composition de ce conseil sourd, muet et aveugle. On y retrouve les noms de Gilles Benoist, très lié à Pierre Richard depuis l’époque de la privatisation du Crédit local de France, directeur pendant des années de la CNP – le groupe d’assurance dépendant de la CDC – et qui ambitionnait d’en prendre la présidence l’an dernier, en tant que président de comité d’audit ; celui de Denis Kessler, président de la Scor et membre influent du Medef, comme président du comité de rémunérations ; celui d’André Levy-Lang, ancien président de Paribas, comme membre du comité d’audit et du comité stratégique. Des sommités dans le monde financier et patronal français, qui ne se privent pas de donner des conseils sur la gestion de la France. Qu’ont-ils fait, qu’ont-ils dit pendant tout ce temps ?

En matière de complaisance et d’aveuglement, les autorités prudentielles ne sont pas en reste. Officiellement, il est vrai, tous les chiffres sont là pour confirmer la bonne santé de Dexia. La banque affiche une des meilleures rentabilités du secteur. Même si elle utilise des effets de leviers gigantesques, son ratio de fonds propres est même plus élevé que la moyenne. Pour les autorités de contrôle, il n’y a donc aucune raison d’aller voir plus loin. Le questionnement est d’autant plus malvenu que la France et la Belgique se partagent le dossier. Dexia joue de cette complexité et des susceptibilités nationales qui existent encore : l’autorité prudentielle belge a refusé de transmettre ses rapports à la Cour des comptes. Mais au bout du compte, lorsque ces établissements supranationaux qui contestent toute entrave des États se retrouvent en difficulté, c’est vers les États d’origine que tous se tournent pour présenter la note. Cela a été le cas pour Dexia comme pour toutes les banques en faillite pendant cette crise.

Alors que la planète financière tremble après l’écroulement de Lehman Brothers en septembre 2008, Dexia se retrouve en crise de liquidité et au bord de l’écroulement, moins de quinze jours plus tard. La Cour des comptes revient longuement sur les péripéties qui entourent le sauvetage de la banque, les États étant appelés en urgence à la rescousse. La panique, l’impréparation, l’absence totale de données fiables sur la réalité des engagements de la banque dominent ce plan de sauvetage, le tout pimenté par des considérations de politique intérieure de chaque État.

Mais le plus surprenant est l’attitude de la commission européenne. Les secours de la Belgique et de la France apportés à Dexia sont considérés comme des aides publiques, radicalement prohibées par les traités européens. Comme il est impossible de laisser tomber Dexia, considérée comme un risque systémique – elle a toutes les grandes banques mondiales en contrepartie –, la commission accepte que les États belge, français et luxembourgeois fournissent argent et garanties à l’établissement bancaire. Mais tout cela est considéré comme des aides faussant la concurrence. Alors, elle exige des contreparties. La commission demande naturellement que la banque diminue ses engagements et son bilan. Mais elle fait tout surtout pour que les États ne puissent pas revendiquer un pouvoir allant de pair avec leurs aides financières.

En fin de compte, les actionnaires précédents de Dexia, qui auraient dû être lessivés, seront préservés et n’auront rien à apporter. Les États sont mis à contribution mais circonscrits. Surtout, la solution négociée aboutit à un plan bancal et ruineux, qui ne tient pas trois ans.

La nouvelle équipe de direction, mise en place fin 2008, s'est essayée à circonscrire l’incendie. Elle a liquidé tout ce qu’elle pouvait aux États-Unis, diminué les expositions aux subprimes, tenté de réduire les besoins de financement à court terme – ils sont passés en trois ans de 220 à 96 milliards d’euros. Mais en 2011, elle se retrouve piégée par la crise des dettes souveraines en Europe.

Dexia a un énorme portefeuille obligataire, plus de 100 milliards d’euros. Même si jusqu’à la crise de l’euro, ces titres sont considérés comme les plus sûrs, les révélations de la Cour des comptes sur la structuration de son portefeuille laissent songeur : Dexia a la plus forte exposition de toutes les banques internationales aux dettes grecques, italiennes, espagnoles, portugaises.

 

 

© rapport Cour des comptes

 

Pourquoi les dirigeants de la banque n’ont-ils pas cherché à diminuer cette exposition avant la crise ? Dans sa réponse, Pierre Mariani se justifie en expliquant que les dettes souveraines n’étaient pas un problème à l’époque. Les vendre aurait conduit à accepter de prendre des pertes supplémentaires. Enfin, ajoute-t-il, la priorité de la banque était d’assurer sa liquidité, les titres obligataires lui permettaient de déposer les garanties demandées par la banque centrale pour obtenir des financements, alors que tous les marchés lui étaient fermés. Certes. Mais on ne peut s’empêcher de penser que Dexia a fait office dès cette date de bad bank pour le monde bancaire, qui tenait déjà pour acquis que toutes les pertes seraient transmises à la collectivité.

Une nouvelle fois étranglée, Dexia s’est écroulée. Cette fois-ci, les gouvernements ont jugé qu’il n’y avait plus qu’une issue : le démantèlement de la banque.

«La Cour n'a pas relevé d'actions de mise en cause des anciens dirigeants»

Qui est responsable ? Compte tenu de l’ampleur de la faillite, des risques qui pèseront encore longtemps sur les finances publiques, le rapport de la Cour des comptes estime qu’il est impossible d’éluder cette question. « La question des responsabilités n’a été que peu évoquée. Elle est néanmoins centrale au vu des interventions publiques dont a fait l’objet la société. La Cour n’a pas relevé d’actions de mise en cause de la responsabilité des anciens dirigeants, que ce soit à l’initiative des actionnaires ou des États, entrés au capital à compter de 2008. Elle n’a pas eu connaissance d’études juridiques ou de réflexions menées en ce sens au sein de l’Agence des participations de l’État. Interrogés sur la possibilité de mettre en jeu la responsabilité du précédent management, les dirigeants, nommés en 2008, ont indiqué ne pas avoir reçu d’instruction en ce sens de la part des États actionnaires. De leur point de vue, un contentieux avec le précédent management était porteur de risques : il pouvait ternir encore davantage l’image publique de Dexia », écrit le rapport.

Tout est dit : ni l’État, ni les actionnaires, ni l’administration, ni la direction n’ont eu envie ni même imaginé de soulever la périlleuse question de la responsabilité. L’éviction de l’ancienne équipe dirigeante était déjà une sanction assez lourde, brutale même. Il convenait de ne pas en rajouter. Tous sont partis en conservant naturellement tous les avantages acquis – et quels avantages ! –, comme le détaille le rapport.

Car à partir du début des années 2000, les dirigeants sont très attachés à assurer leur avenir personnel. Outre leur rémunération confortable, ils pensent à leur retraite. Le régime de retraite du Crédit local de France leur assurait déjà une rente complémentaire de 20 % de leur salaire à partir de 65 ans. Mais 20 %, ce n’est pas assez. Alors avec l’agrément du conseil, le taux est porté à 30 % puis à 60 % puis à 75 %, voté chaque fois avec le plein soutien des administrateurs. « Le régime n’a jamais concerné qu’un petit nombre de bénéficiaires aisément individualisables (…) Il a évolué en phase avec les intérêts des principaux dirigeants. Il n’a cessé d’être amélioré jusqu’en 2005, peu de temps avant la liquidation des droits de l’administrateur délégué (Pierre Richard, ndlr) », notent les rapporteurs. Ils insistent : « Le capital initial mobilisé par la société, pour six bénéficiaires, s’est élevé au total à 20 595 129 €, allant d’un capital individuel de 1 338 883 € à 11 838 964 €. Ces capitaux permettaient à l’origine le versement de rentes brutes annuelles allant de 60 872 € à 563 750 € », ajoutant que dans le calcul des pensions, les retraites de la fonction publique ont été exclues. La plupart pourtant en viennent. Certains même y retourneront après la débâcle de Dexia, comme Bruno Deletré et Rembert von Lowis qui réintégreront leur corps d’origine. L’Inspection des finances n’a pas pour habitude de renier les siens.

La Cour des comptes s’étrangle devant cette impunité et se demande comment l’État a pu accepter de tels faits, ne pas contester ces retraites chapeaux injustifiées. Elle rappelle la mauvaise volonté mise par chacun pour envisager une procédure. À chaque étape, chacun soulève une objection : une fois, c’est l’image de la société, une fois c’est un contrat privé qui ne peut être attaqué, une autre fois c’est l’absence de responsabilité évidente. Ce n’est qu’en octobre 2011 qu’un administrateur représentant l’État français va demander qu’un recours juridique contre les anciens dirigeants soit examiné.

Le rapport raconte la suite de l’histoire. Édifiante. « Le principe de ce recours a été décidé en conseil d'administration du 14 décembre 2012 si aucune transaction avec M. Pierre Richard n'était finalisée avant la date du 13 mars 2013 (date ultime pour la remise en cause avant 10 ans de la décision de 2003). Une transaction a concerné M. Pierre Richard, le 11 mars 2013. Il renonçait à la moitié de sa rente, limitée à compter du deuxième trimestre 2013, à 300 000 € par an. Le montant calculé ne prend pas en compte les retraites de l’intéressé au titre des années passées dans la fonction publique. Le conseil d’administration a accepté cette transaction, et a renoncé à tout recours. » Un geste symbolique avait été fait. Cela suffisait.

Choquée par la négligence de l’État et de la haute administration publique, la Cour des comptes demande que le gouvernement examine très vite tous les recours juridiques possibles dans cette affaire, avant la date très proche de la prescription. « L'exemple de Dexia montre que, sur le sujet de la mise en cause des responsabilités, les rigidités sont fortes quand il s'agit de tirer des conséquences, aux plans juridique et pratique, des fautes de gestion du management », insiste le rapport.

La Cour des comptes préconise la prise de nombreuses mesures pour corriger cela à l’avenir. « En France, la réflexion sur l'équilibre entre la part laissée à l'application volontaire de l'autorégulation par les codes professionnels et celle relevant des obligations d'intérêt général de la loi mérite d’aller dans le sens d’un renforcement du contrôle des règles de gouvernance, notamment celles relatives aux politiques de rémunération des dirigeants. (…) Si la période précédente a, avec succès, mais aussi avec des effets pervers regrettables, aligné l'intérêt des dirigeants sur ceux des actionnaires, un changement de paradigme s'impose en alignant l'intérêt des actionnaires et des dirigeants sur celui de la collectivité, un mode de gestion trop risqué et finalement imprudent compromettant cet intérêt, lorsque l'entreprise fait appel aux deniers publics », dit-elle avant de préconiser l’instauration d’une disposition permettant de mettre en cause la responsabilité pénale des dirigeants de banques et d’assurance. « Une telle loi a été votée en juin 2013 en Allemagne », note le rapport.

Ces recommandations vont à l’opposé des décisions récentes de Pierre Moscovici. Sur les rémunérations, il a opté pour l’auto-régulation plutôt que la loi (voir Un enterrement de première classe). Sur la responsabilité des dirigeants, il a exclu tout texte. La réponse du ministre des finances au rapport de la Cour des comptes se trouve donc un peu embarrassée. Il assure être très vigilant sur les risques que fait peser Dexia sur les finances publiques. Il promet d’engager les recours juridiques nécessaires, avant qu’il ne soit trop tard. Pour le reste, toutes les failles, tous les manquements qui ont pu être relevés dans l’affaire Dexia sont en passe d’être corrigés. La grande loi sur la réforme bancaire pourvoit à tout.

 

 

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 16:57

 

 

Médiapart - Blog

Francis DASPE est secrétaire général de l’AGAUREPS-Prométhée (Association pour la gauche républicaine et sociale – Prométhée). http://agaurepspromethee.wordpress.com/

Il est aussi membre du Parti de Gauche à Perpignan.

 

 

Les mots utilisés ont-ils encore un sens ? La lecture du rapport annuel sur la France publié ce 5 août par le Fonds monétaire international (FMI) conduit à entretenir un puissant doute. Tout du moins peut-on dire que l’agencement et la transmission des mots de ce document volontiers présenté comme de référence révèlent une véritable supercherie.

Ce rapport du FMI est initialement présenté par les médias comme une remise en cause des politiques d’austérité dont le FMI a été un infatigable et zélé propagateur. Faire amende honorable en reconnaissant ses erreurs ne correspond pas au genre de la maison de cette institution de premier plan de l’ordre néolibéral. Voilà pourquoi cette nouvelle livrée de la sorte occasionne un mélange de surprise, de perplexité et de curiosité. L’urgence à voir de quoi il en retourne réellement s’impose alors. L’examen un tant soit peu approfondi conduit à une conclusion totalement opposée : l’austérité n’est nullement contestée, une forme encore plus radicale y est au contraire préconisée.

 

En effet, le FMI se contente de proposer un arrêt de l’augmentation des impôts appelé dans son jargon « pause fiscale ». Le dogme de la réduction compulsive des déficits n’est nullement battu en brèche. Il conviendra au gouvernement français d’adopter des chemins de traverse pour parvenir à un objectif globalement maintenu. Que le levier des impôts ne soit plus prioritaire, devant être manié avec prudence selon le FMI, signifie automatiquement et clairement que la réalisation de l’objectif passera par une baisse drastique des dépenses publiques. Il s’agit rien moins que d’une autre forme d’austérité aussi injuste d’un point de vue social et en terme d’impact sur la vie quotidienne. Et au final parfaitement inefficace.

Moins de dépenses publiques équivaudra à tailler à la hache dans les budgets sociaux garantissant une solidarité et une redistribution minimales. Les victimes en seront les plus fragiles de nos concitoyens déjà durement éprouvés par la crise. Bref, une sorte de double peine. Une diminution de l’investissement en découlera pareillement qui, pour peu qu’une conditionnalité sociale et écologique y soit associée, serait de nature à relancer la machine économique dans le sens de la création d’emplois et de la satisfaction des intérêts du plus grand nombre. Au lieu de cette inflexion pourtant urgente, le choix est fait d’alimenter les effets d’aubaine en faveur des entreprises, aussi dispendieux que sans effets avérés.   

 

Des craintes identiques peuvent être formulées en examinant le volet pause fiscale. Posons-nous les deux questions essentielles en la matière. Comment est-il envisagé et à qui les bénéfices sont-ils destinés ? Ce moins d’impôt s’inscrit dans la logique de compétitivité considérant le travail comme un coût et pourchassant les cotisations sociales (improprement appelées à cet effet charges). Une phrase du rapport est à cet égard significative. En vue de restaurer la confiance, il est indiqué que « les entreprises seront sensibles notamment à un effort fait sur les dépenses plutôt que sur les impôts ». Ce sont donc bien les entreprises et les revenus les plus élevés qui en seront les principaux bénéficiaires.

Cette supercherie orchestrée par le FMI constitue bien un supplément d’austérité. Elle se révèle pour l’occasion « une et indivisible » par delà les détours empruntés. La finalité est claire : elle vise en fait à accentuer le gigantesque transfert de richesses que les libéraux organisent depuis plusieurs décennies. C’est ainsi que la baisse de la fiscalité redistributive et solidaire sera en partie compensée par la hausse de la fiscalité la plus injuste qui soit, celle des taxes à la consommation ne prenant pas en compte le revenu des personnes. On sait qu’en France la TVA constitue la source première du budget de l’Etat, loin devant l’impôt progressif sur le revenu. Pire, le FMI fournit les armes d’une dégradation significative du sort des salariés les plus modestes. Les salaires, jugés trop élevés, sont rendus responsables des déficits de compétitivité et de la balance commerciale ; le salaire minimum est promis à un gel temporaire au motif d’exclure les jeunes les moins qualifiés de l’emploi ; le déploiement d’une « flexisécurité » sur les bases déséquilibrées de l’accord national interprofessionnel de janvier 2013, que les syndicats majoritaires n’ont pas signé, est présenté comme la panacée. N’en jetez plus !

 

Ce rapport du FMI n’est décidément pas objectif, et encore moins une autocritique. Il est une simple manipulation n’ayant pour obsession que la poursuite d’une politique de classes décomplexée. En s’inspirant de la fameuse formule de Michel Audiard, on peut affirmer que décidément les possédants et les oligarques ne reculent devant rien. Leur absence de scrupules et de vergogne permet de les reconnaître et de les distinguer à coup sûr. Suprême ironie : la publication de ce rapport coïncide avec le lendemain de l’anniversaire de l’abolition des privilèges par la Révolution française…

 

 

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 16:38

 

Rue89 - Blog

Noël Mamère - Député de Gironde

Publié le 07/08/2013 à 16h55

 

 

Les désobéissants du cyberspace sont-ils des traîtres ? Bradley Manning, Edward Snowden, Julian Assange, ces trois hommes sont devenus les symboles de la lutte pour la transparence sur Internet.

Le procès de Bradley Manning, la semaine dernière, a levé l’accusation de trahison, qualification qui aurait pu se traduire par la peine de mort encore en vigueur aux Etats Unis. Quant à Edward Snowden, il a enfin obtenu l’asile politique dans la Russie de Poutine.

 


Montade de photos d’Edward Snowden (à g.) et Bradley Manning (Ewen MacAskill/THE GUARDI/SIPA et Patrick Semansky/AP/SIPA)

 

Faut-il soutenir ces lanceurs d’alerte ? D’évidence oui. Mais à condition de comprendre et d’expliquer les implications de ce nouveau combat pour les libertés civiles.

Régression démocratique

Première observation : il se situe dans la tradition américaine de la désobéissance civile.

Il est individuel, comme celui de David Henry Thoreau, le père de la « désobéissance civile » qui a inspiré Gandhi et Martin Luther King. Les adeptes de Wikileaks se situent dans cette tradition libérale-libertaire de Thoreau ; Ils résistent à un Etat qui organise l’injustice, hier contre l’esclavage, aujourd’hui contre les guerres en Irak ou en Afghanistan, qui veulent imposer un nouvel ordre international refusé par les peuples.

Deuxième observation : ce combat s’inscrit dans la lutte de la société contre l’Etat qui surveille tout, qui veut tout contrôler.

« Big Brother is watching you », écrivait Georges Orwell dans « 1984 ». Sa prédiction est largement dépassée. Nous sommes tous fichés. La surveillance généralisée de nos vies est devenue la règle et nos espaces de liberté, l’exception. Les fichiers se sont multipliés, interconnectés, développés à un point tel que pas un pan de notre vie ne peut échapper aux grandes entreprises et à l’Etat. Le quadrillage des caméras de surveillance, qui se multiplient sur toutes les latitudes, coexiste avec le système des écoutes. Jusqu’où irons-nous dans cette marchandisation de notre intimité ?

La lutte pour les droits fondamentaux sur le Net est dans la continuité de la lutte voltairienne pour la liberté d’expression. Qu’elle soit mise en doute aux Etats-Unis, pays du cinquième amendement, montre à quel point la régression démocratique chez les successeurs d’Abraham Lincoln et de Georges Washington

Lutte mondiale pour les libertés numériques

Troisième observation : ce combat pour la transparence contre le secret est indissolublement lié à la lutte pour la démocratie.

Rendre transparent l’espace public a été à l’origine de la révolution française, quand la monarchie de droit divin gouvernait dans l’opacité la plus totale. Aujourd’hui, les réseaux qui nous gouvernent fonctionnent dans l’entre-soi et les élites politiques contrôlent l’information. Le « tiers-Etat », celui qui regroupe les 99% de la population est dans l’impossibilité de connaître les véritables enjeux du monde contemporain.

Dès lors, à partir du moment où une poignée « d’hacktivistes » se révoltent contre ces pouvoirs de l’ombre et construisent des zones de liberté numérique au niveau planétaire, ils constituent l’avant-garde d’une nouvelle citoyenneté active, en faisant passer du même coup leurs actes individuels au statut d’une action collective. Ils sont les nouveaux défenseurs de la liberté d’expression combattue par tous les pouvoirs, y compris en France.

La récente interdiction de diffuser les enregistrements liés à l’affaire Bettencourt sur le site Mediapart, comme les pressions sur les journalistes du temps de Sarkozy, montrent que nous ne sommes pas à l’abri de ce nouvel ordre numérique.

Quatrième observation : Ce combat pour la transparence aujourd’hui est global, à la différence du XVIIIe siècle.

La lutte pour les libertés numériques se déroule au niveau de la planète. L’Etat- nation, même quand il s’agit des Etats-Unis, ne peut plus embastiller le désobéissant pour la vie. Il doit tenir compte d’une société civile mondiale qui est maintenant une force politique à part entière.

De ce point de vue, l’agitation mondiale déclenchée par nos trois « guerilleros » de Wikileaks et la réponse des Etats concernés, est un cas d’école pour l’avenir de nos sociétés.

Perte de repères en termes de droits et de libertés

L’affaire Snowden a débouché sur un acte de piraterie caractérisé des Etats occidentaux et en particulier de la France contre l’avion du Président Morales soupçonné à tort – mais ce n’est pas le problème – d’avoir permis à Snowden de sortir de sa cage dorée de Russie. Le fait que la France, qui se réclame des droits de l’homme, ait réagi dans cette affaire comme le caniche des USA montre notre dépendance à l’égard de la puissance américaine.

Au lieu de proposer à Snowden l’asile politique, ce qui aurait été dans sa tradition politique, la France de François Hollande a non seulement refusé d’aider le pirate informatique mais a été jusqu’à refuser l’espace aérien au premier président indien d’Amérique latine, un ami personnel de Danielle Mitterrand. Cet épisode tragicomique montre non seulement notre dépendance à l’égard des USA mais aussi la perte de nos repères en termes de droits de l’homme et de libertés fondamentales.

Bien sûr, ces trois dissidents du nouvel ordre informationnel ne sont pas des militants de gauche au sens classique du terme. Ils sont plutôt mus par des idéaux libertariens et n’ont pas de références déontologiques bien établies. Il n’empêche, les défendre contre la tyrannie du secret du Pentagone, contre la paranoïa des adeptes du secret défense, toujours utilisé contre la vérité et la justice, est bien le minimum à faire lorsque l’on se prétend le pays des droits de l’homme. Voltaire, reviens !

 

 

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8 août 2013 4 08 /08 /août /2013 16:29

 

Médiapart

|  Par Thomas Cantaloube et lorraine kihl

 

 

Malgré l'économie stagnante, David Cameron se vante d'avoir contenu le taux de chômage en Grande-Bretagne. Mais cela s'est fait grâce au recours massif à des contrats de travail précaires : 3 % de la population active serait embauchée sous contrat ne stipulant aucune durée de travail.

 

Depuis le début de la crise financière, en dépit de son économie stagnante, la Grande-Bretagne se targue d’avoir maintenu un taux de chômage relativement bas (8 %) au regard de ses homologues européens. Mais, comme le montrent une série de révélations dans la presse britannique depuis une dizaine de jours, ce succès est en partie imputable à l’utilisation croissante de contrats de travail dits « zéro heure » (« zero-hours contracts »). Dans un pays qui possède déjà un marché du travail extrêmement flexible (lire ce billet de l’économiste Jacques Freyssinet), les contrats « zéro heure » représentent une nouvelle étape dans la dérégulation des rapports entre employeurs et employés, au détriment de ces derniers.

Les contrats « zéro heure » existent depuis longtemps en Grande-Bretagne. Leur mouture actuelle découle des lois sur l’emploi et les salaires de 1996 et 1998. Ils stipulent qu’un salarié est lié par un contrat à son employeur, mais que ce dernier ne lui fournit aucun horaire fixe ni aucune garantie quant au nombre d’heures travaillées. Dans le meilleur des cas, les entreprises fournissent à leurs employés une prévision de planning avec une ou deux semaines d'anticipation. Pour autant, ils ne sont pas à l’abri d’une modification de dernière minute ou d’être renvoyés chez eux – sans salaire – s’il n’y a pas assez de travail ce jour-là.

L’idée originelle de ces contrats était de permettre à des entreprises qui ont parfois des pics d’activité ou une demande ponctuelle d’y répondre sans avoir à embaucher des salariés permanents. D’ailleurs, l’exemple fourni sur le site officiel du gouvernement britannique est éclairant : il s’agit du recours à des traducteurs-interprètes. Mais, aujourd’hui, ces contrats sont utilisés par de nombreuses grandes entreprises – généralement des commerces – pour avoir sous la main une main-d’œuvre disponible et docile. Les chaînes de magasins de sport Sports Direct, de cinémas Cineworld, de pharmacies Boots, de restauration rapide McDonald’s, Burger King ou Subway, sont parmi les plus gros employeurs de contrats « zéro heure ».

 

Sports Direct, qui promet la livraison 24h sur 24, emploie 90% de son personnel avec des contrats &quot;zéro heure&quot; 
Sports Direct, qui promet la livraison 24h sur 24, emploie 90% de son personnel avec des contrats "zéro heure"

Nombre de ces entreprises fonctionnent « on call » : l'employé fournit ses plages de disponibilité lors de la signature de son contrat. Il est alors sous astreinte permanente, susceptible d'être réquisitionné pour quelques heures de travail. Difficile dans ces conditions de compléter ses revenus avec un second job. Certaines entreprises interdisent d'ailleurs à leurs employés d'avoir une seconde activité, ou imposent des restrictions dissuasives. La chaîne Boots se réserve même la possibilité d'envoyer ses salariés « on call » dans n'importe quel magasin du pays. Quant aux employés de Subway, leurs contrats de travail stipulent un renoncement à la limitation légale du temps de travail (48 heures par semaine).

Les « zero hour contracts » « créent une situation de stress et de précarité pour les familles, vous n’avez pas de congés payés, pas de repos professionnel, vous devez souvent vous tenir prêt pour travailler et attendre », explique une responsable du syndicat majoritaire Unison, citée par la Deutsche Welle. « L'armée de réserve de la main-d’œuvre », résume le Guardian. Les sociétés qui utilisent ces contrats justifient cette flexibilité en disant qu’elles font appel à des étudiants ou à des semi-retraités qui ont besoin de ces arrangements et qui ne s’en plaignent pas. Mais il est clair qu’il y a aussi de nombreux salariés qui subissent ces contrats : ils sont dans l’impossibilité d’organiser leur vie de famille ou d’avoir un rythme de vie régulier. De plus, les employés qui travaillent sous ce régime hésitent à prendre des congés ou à se déclarer malades, car l’employeur est en position de force pour distribuer les heures comme bon lui semble – ou les restreindre par mesure de rétorsion…

La vraie nouveauté de ces contrats est l’usage massif qui en est fait depuis quelques années. Le bureau national des statistiques – qui dépend du gouvernement – a d’abord évalué à 250 000 le nombre de travailleurs concernés en 2012, avec une hausse de 25 % en un an, avant de déclarer que ce chiffre était probablement sous-estimé. De son côté, le Chartered Institute of Personnel Development a avancé le chiffre d’un million de personnes à l’échelle nationale, soit 3 % de la population active.

Le recours massif à ces contrats précaires fleure le XIXe siècle

D’après le Guardian, qui recense les mauvais payeurs depuis une dizaine de jours, pratiquement toutes les grandes chaînes de restauration rapide ont recours à ce type de contrats pour leurs employés non-cadres. Mais des institutions font aussi leur affaire de la précarité de leurs employés. Buckingham Palace emploie ainsi 350 personnes pour des postes saisonniers, les musées Tate proposent ce statut à l’ensemble de ses temps partiel et même… le gouvernement, qui embauche ainsi 144 personnes.

Et, depuis que le gouvernement de David Cameron a décidé de couper dans les budgets des collectivités locales, ces dernières ont désormais de plus en plus recours à des prestataires privés qui utilisent ces contrats « zéro heure ». Les services municipaux d’assistance aux personnes âgées ou les services d’accueil au public sont fréquemment remplis par des employés soumis à ces contrats. Le recours à ce système aboutit à des entreprises (ou des services publics) à deux niveaux. À Sports Direct, par exemple, 90 % des 23 000 employés ont des contrats « zéro heure » payés au salaire minimum, alors que les 10 % restants sont des salariés à plein temps pouvant gagner des primes allant jusqu’à 120 000 euros annuels. Une employée a d'ailleurs porté plainte. Selon le Guardian, le cas pourrait faire jurisprudence.

 

« Si on ne nous libère pas de toutes ces lois sur le droit du travail, on ne parviendra jamais à une croissance durable » 
« Si on ne nous libère pas de toutes ces lois sur le droit du travail, on ne parviendra jamais à une croissance durable »© Matin Rowson dans The Guradian

Face aux révélations sur l'ampleur du recours aux contrats zéro heure, la classe politique s’est faite relativement discrète. Les syndicats sont bien entendu montés au créneau pour dénoncer cette pratique, mais le parti travailliste est demeuré en retrait. Seul le shadow minister en charge de l’éducation, Andy Burnham, s’est prononcé pour une interdiction de ces contrats, alors que le leader de son parti, Ed Milliband, s’est contenté d’annoncer que, s’il parvient au pouvoir, il encouragera les entreprises qui paient leurs employés au-delà du salaire minimum. Les députés de base du parti travailliste ont, de leur côté, organisé un débat sur le sujet au Parlement. Débat auquel aucun député conservateur n’a pris part. Comme l’a fait remarquer l’hebdomadaire de droite The Spectator, « si les députés Tories sont favorables à ces contrats, pourquoi ne le disent-ils pas ? ».

Quant aux Liberal-democrats, le parti centriste qui gouverne aux côtés des conservateurs dans la coalition de David Cameron, leur leader Nick Clegg a condamné le recours à ces contrats qui, selon lui, « sont une source d’insécurité pour les salariés ». Et c’est justement un ministre lib-dem, le Business secretary Vince Cable, qui est désormais en charge de mener une vaste enquête sur l’utilisation de ce régime.

Face aux sociétés qui ont justifié ces pratiques, le British Retail Consortium, l’organisation qui regroupe des commerces un peu plus haut de gamme, a dénoncé le recours massif à ces contrats. Un certain nombre de patrons se sont exprimés en estimant que, dans une société de service, la stabilité et la satisfaction des salariés étaient des éléments de croissance sur le long terme.

Comme l’a résumé Larry Elliot, l’éditorialiste du Guardian, le recours massif à ces contrats précaires fleure le XIXe siècle : « De la pure exploitation – le genre de conditions de travail qui ont donné naissance aux syndicats (…) C’est comme si la Grande-Bretagne avait remonté le temps, retournant à un âge où l’employeur avait le fouet en main et où les droits dont jouissaient les travailleurs sous le système féodal avaient été supprimés. »

 

 

 

 

 

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