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23 août 2013 5 23 /08 /août /2013 15:50

 

 

|  Par Martine Orange

 

 

 

En pointe dans la bataille sur la réforme des retraites, AXA entend bien en profiter pour attirer de plus en plus d’épargnants vers des produits retraite. Pour son seul bénéfice. Le premier groupe d’assurance français n’hésite pas à vendre des contrats avec des mécanismes qui sont désormais interdits par la loi mais qui lui sont si profitables. En toute impunité.

Ce n’est même plus un sous-entendu dans le débat sur la réforme des retraites : pour nombre de représentants patronaux, le système par répartition, instauré depuis plus de soixante ans, n’est plus de mise. Sans même attendre les propositions du gouvernement sur le sujet, le nouveau président du Medef, Pierre Gattaz, a annoncé ses priorités : « Il convient de développer la retraite par capitalisation de manière complémentaire au système par répartition », a-t-il déclaré dès l’une de ses premières interventions.

 

 
© dr

Très en pointe dans ce combat qu’il mène depuis des années, Henri  de Castries, président d’AXA, insistait à son tour dans un entretien au Figaro début août, sur la « bonne » méthode pour réformer les retraites. Allongement de la durée des cotisations, report de l’âge de la retraite, baisse des cotisations patronales, ses préconisations ne manquaient pas. À un moment où l’entrée sur le marché du travail est de plus en plus tardive, où les carrières sont de plus en plus hachées, tout est fait pour installer un climat anxiogène, destiné à  persuader chacun qu’il convient d’épargner pour soi.

Enchaînant les propos, le président d’AXA mettait aussi en garde le gouvernement contre les tentations de toucher au régime de l’assurance-vie, très favorisé fiscalement. Un des véhicules privilégiés justement pour l’épargne retraite qui représente déjà plus de 1 300 milliards d’euros gérés en toute discrétion par les banques et les assurances. « L'assurance-vie, ce n'est pas une caverne d'Ali Baba ! Ni une poche dans laquelle on pourrait puiser pour la simple raison que les impôts ne rapportent plus assez. Il s'agit de l'épargne des Français. Et notre devoir moral et juridique, à nous autres assureurs, est de la protéger », affirmait Henri de Castries, la main sur le cœur.

À voir certaines pratiques et certains contrats du premier groupe d’assurance français, le terme « protéger » est peut-être un peu surfait. Et manifestement, il n’y a pas que l’État qui a la tentation de puiser dans la « caverne d’Ali Baba ».

Depuis 2002, Axa commercialise un contrat d’assurance-vie sous le nom d’Euractiel. « Cela a été notre contrat phare », dit une porte-parole du groupe. Faisant miroiter les avantages de bâtir une épargne sur le long terme – dix ans au moins –, en versant des primes régulières – de 600 à 15 250 euros par an –, le groupe a recruté dans les meilleures années plus de 30 000 souscripteurs par an.

Dans les nombreux forums sur internet consacrés au patrimoine et aux placements, les témoignages de personnes ayant souscrit ce type de contrat et s’estimant flouées abondent (voir ici, ici, ou encore). Les unes racontent comment leur épargne a fondu comme neige  au soleil, étant inférieure au bout de trois-quatre ans à ce qu’ils avaient investi. Une pure arnaque, dénoncent-ils, en récupérant une épargne qui avait parfois été réduite de moitié. D’autres font le calcul qu’au bout de dix ans, leur épargne leur a moins rapporté qu’un livret A, compte tenu des frais multiples et variés qui leur ont été prélevés au passage. Tous protestent sur les mauvais conseils qui leur ont été donnés.

L’ennui est que ce contrat d’Axa n’est pas seulement mauvais, il est illégal. En 2005, les parlementaires ont décidé de réviser, dans le cadre de la directive européenne sur l’épargne, un certain nombre de pratiques des assureurs. Parmi celles-ci figure celle des frais pré-comptés. Il s’agit d’un mécanisme qui permet aux assureurs de prélever sur la première ou les deux premières années de versement la totalité des frais de gestion du contrat perçus normalement sur huit ou dix ans. D’emblée, les épargnants voient disparaître la moitié de leur investissement de départ. S’ils souhaitent partir avant la fin du contrat, ils sont systématiquement perdants : les assureurs ne leur remboursant pas le solde des frais trop perçus et le conservant pour eux. Ces prélèvements finissent par représenter des sommes importantes dans le bilan des groupes d’assureurs.

Lors des discussions parlementaires, Philippe Marini, rapporteur du projet au Sénat, avait expliqué que cette pratique était « très défavorable aux souscripteurs », même en cas de respect des délais prévus, calculs à l’appui. Au bout de vingt ans, un contrat avec frais pré-comptés, reposant sur les mêmes versements et les mêmes frais de gestion, accusait une différence de plus de 5 300 euros par rapport à un contrat normal. Il préconisait donc l’extinction programmée de cette pratique.

20 millions d'euros de frais indus par an

Les assureurs ont tenté par de nombreux moyens à s’opposer à cette réforme. Ils expliquèrent que la pratique ne leur était pas si favorable que cela : selon eux, à long terme, la formule était neutre pour les épargnants. Il convenait de toute façon de développer des mécanismes incitatifs pour favoriser l’épargne longue. Enfin, cette pratique leur permettait de rémunérer les personnes chargées de commercialiser leurs produits, qu’ils seraient obligés en cas de changement de renégocier toutes leurs conventions collectives.

En dépit de la résistance des groupes d’assurance, les parlementaires ont adopté fin 2005 l’amendement Marini, qui entérine la fin des contrats à frais comptés. Le texte stipule que les assureurs ne peuvent plus prélever plus de 5 % des frais sur la totalité de l’épargne accumulée, quelle que soit la date de sortie du contrat (Loi du 15 décembre 2005 article L 132-22-1). Il est donné deux ans aux assureurs pour se mettre en conformité avec la loi et renégocier le mode de rémunération de leurs agents commerciaux. La fin de ce mécanisme semble acquise. Dans l’Argus des assurances, Claude Fath, directeur d’Axa France, déplore cette fin, jugeant que cette réforme va « avoir des conséquences négatives sur l’emploi » chez les assureurs.    

Tous les assureurs, à notre connaissance, se sont mis en conformité avec la loi et ont engagé des négociations pour modifier les conventions collectives et les modes de rémunération de leurs agents commerciaux. Tous sauf AXA, comme l’ont dénoncé à plusieurs reprises des syndicats de la maison, qui s’inquiétent des risques encourus par les salariés en proposant des contrats qui ne devraient plus avoir cours.

 

 
© extrait document interne

Indifférent, AXA continue de faire comme si de rien n’était et de se considérer au-dessus des lois. Son contrat Euractiel indique ainsi : « les frais correspondant à la totalité des dix premières annuités sont prélevés en totalité au cours de la première année sur la part des versements réguliers orientée vers le fonds à capital garanti. Ces frais sont égaux à 5 % du cumul de la totalité des dix premiers versements réguliers annuels prévus lors de la souscription. » Il précise plus loin : « La première année, des frais correspondant à 50 % du montant annuel des versements réguliers sont prélevés sur la partie du versement initial orientée vers le fonds à capital garanti. » Mieux : il est prévu que si les souscripteurs diminuent leurs versements, les frais perçus par avance ne leur seront pas remboursés. En revanche, s’ils augmentent leurs primes, ils devront payer de nouveaux frais. Pile, je gagne, face, je gagne aussi.

Interrogé sur cette pratique qui ne semble pas conforme à la loi, AXA France répond qu’il n’est pas concerné : « Euractiel est un contrat d’assurance-vie encadré par le Code des Assurances, il n’est pas visé par les dispositions légales adoptées suite au débat ouvert par le Sénateur Marini en 2005 et qui laissait en effet deux ans aux distributeurs (assurances, banques…) pour mettre en conformité leurs contrats. Euractiel n’est pas visé car le nouvel Article L132-22-1 du Code des Assurances promulgué par le législateur vise ce que nous appelons la zillmérisation uniquement ; (…) Cette réforme réglementaire, effective depuis le 16 décembre 2007, n’impactait et n’impacte pas EURACTIEL. EURACTIEL prévoit en effet, et ceci depuis son lancement le prélèvement dès la première année de souscription de l’ensemble des frais d’acquisition correspondant aux versements des dix premières années. Les versements suivants du client (pendant la durée d’engagement de 10 ans du client) ne font pas l’objet de frais. »

« C’est une vieille technique des assureurs. Ils entretiennent volontairement l’opacité, en utilisant un langage abscons et technique, mélangeant les sujets, afin de perdre tout le monde », relève un connaisseur du monde de l’assurance, qui dit ne rien comprendre à la réponse d’AXA – la zillmérisation étant une technique comptable d’inscription des engagements futurs de l’assureur au bilan.

Dans le cadre de la discussion à l’assemblée, le rapporteur, Philippe Auberger, pour dire qu'il fallait en finir, avait pris un exemple qui ressemble pourtant à s’y méprendre à celui du contrat d’AXA. Que répond AXA à ce constat ? « Ces éléments concernent le débat en commission à l’assemblée nationale (groupe de travail) et non la loi (Code des assurances) ». En un mot, à en croire l’assureur, les éléments de discussion à l’assemblée, qui normalement donnent le sens de la loi, n’ont ici aucune signification.

Philippe Marini, aujourd’hui président de la commission des finances du sénat, qui a été à l’origine de cette réforme, semble pourtant confirmer les propos tenus au moment des discussions parlementaires : « C’est un peu loin maintenant. Mais il s’agissait bien d’en finir avec les mécanismes des frais pré-comptés dans les contrats d’assurance-vie. Vous voudriez dire que l’on n’a pas assuré le suivi de nos textes… » Les spécialistes à la commission des finances du sénat confirment que le texte, sans interdire expressément la méthode des frais pré-comptés, l’a rendue dissuasive afin d’aboutir à l’extinction de cette pratique. Eux aussi disent ne pas comprendre la réponse d’AXA.

La Cour de cassation confirme cette lecture de l’interdiction de cette pratique, dans un arrêt du 14 décembre 2011 rendu dans le cadre d’un différend entre un groupe d’assurance et un de ses salariés, expliquant « l'amendement Marini (…) a interdit la pratique des frais précomptés dans le domaine de l'assurance sur la totalité desquels les conseillers commerciaux recevaient des commissions, ce paiement s'étalant désormais dans le temps ». Bref, tout le monde semble s’accorder sur le sens à donner au texte législatif, sauf AXA.

Pendant ces cinq ans, le groupe d’assurance a non seulement continué ce contrat mais l’a conservé comme un des produits phares de sa politique de commercialisation. Dans ses stages de formation pour ces nouvelles recrues – AXA embauche des dizaines de commerciaux chaque année, qui ne restent pas très longtemps – , Euractiel est la référence. La vente de ce contrat est donnée comme objectif de base pour les nouveaux entrants. Pour atteindre les performances fixées, ils doivent vendre deux Euractiel par mois avec des primes de 85 euros la première année, trois Euractiel la seconde.

 

 
© extrait document interne

Une des conditions pour être intégré dans le groupe n’est pas une certaine familiarité avec le monde financier et l’assurance, afin de conseiller au mieux, mais le nombre de connaissances ou de relations. Il leur faut présenter une liste d’au moins 200 noms pour commencer. Il leur est demandé de vendre à toutes les personnes qu’ils connaissent : les parents, les grands-parents, les oncles, les tantes, les cousins, les amis. Et naturellement, c’est ce contrat qui doit leur être proposé.

 

extrait de l'argumentaire type fourni pour les commerciaux d'Axa
extrait de l'argumentaire type fourni pour les commerciaux d'Axa

Tant d’efforts pour promouvoir ce contrat, au prix d’en ignorer la loi, ne peuvent pas être totalement désintéressés. AXA ne nous a pas indiqué le nombre de contrats vendus et les montants accumulés. Selon des calculs très approximatifs, des syndicalistes estiment que grâce à la perpétuation illégale des frais pré-comptés, le groupe d’assurance a touché au moins 20 millions d’euros de frais de gestion indus sur les clients par an. Sur cinq ans, cela fait 100 millions d’euros. Mais comme il n’existe aucune procédure d’action collective, AXA est relativement à l’abri : quel épargnant osera affronter un géant de l’assurance et entamer un procès pouvant s’étaler sur une dizaine d’années pour retrouver quelques milliers d’euros ?

Les autorités publiques n’ignorent de cette situation. À plusieurs reprises, des clients, des salariés ont averti différents services de l’administration, ont écrit à des parlementaires, et surtout prévenu le ministère des finances. Ils ont reçu au mieux des accusés de réception polis. Mais rien n’a bougé : brusquement, l’application de la loi ne semble pas être un sujet quand cela concerne une puissance financière de la taille d’AXA et son président, énarque de la promotion Voltaire et inspecteur des finances.

Mais le groupe d’assurances a subi cependant quelque dommage collatéral : en dépit d’une équipe nombreuse travaillant sur internet et les réseaux sociaux pour répliquer aux critiques, AXA ne peut plus inverser l’image de son contrat, jugé partout comme très mauvais. Le groupe a donc décidé de l’enterrer. À la fin du mois, Euractiel ne sera plus vendu. Il sera remplacé par un nouveau contrat nommé Composium.

Hormis le nom, ce dernier va ressembler comme deux gouttes d’eau au précédent : lui aussi aura des frais pré-comptés qui amputeront de moitié l’épargne versée la première année.  Une nouvelle fois, Axa juge donc qu’il peut passer par dessus la loi, en toute impunité.

 

Extrait d'un document interne 
Extrait d'un document interne

Des réunions sont prévues à la fin du mois d’août pour former les équipes commerciales à ce nouveau produit ou plutôt pour leur fournir l’argumentaire clé en main. Le principal angle d’attaque commerciale  est tout trouvé. En substance : « Notre système de retraite est menacé. Vous ne savez pas combien vous toucherez. Il est temps de préparer vous-même votre retraite. » Et naturellement, AXA est tout prêt à les y aider.

 

 

 

 

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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 17:37

 

 

Médiapart - Blog

C’est en définitive un article du journal Le Parisien – dans son édition des Hauts-de-Seine du 22/08/13  – qui a confirmé les informations qui circulaient depuis plusieurs jours : une employée s’est immolée par le feu à Clichy. Les circonstances de ce suicide, dont la victime est restée non identifiée pendant quelques temps, sont désormais connues. La femme, dont seul le prénom, Dominique, a été rendu public, était âgée de 59 ans et elle a accompli son geste le jour même de la fin de son contrat en CDD, dans les parties communes du centre administratif de la mairie de Clichy, alors qu'elle savait que son contrat ne serait pas renouvelé.

Ce nouveau drame du chômage et de l’emploi précaire, intervient quelques mois après les immolations par le feu de chômeurs, à Mantes-la-Jolie et Nantes. Il faut rappeler aussi que la Mairie de Clichy avait été le théâtre d’un suicide par pendaison, un employé s'étant donné la mort sur son lieu de travail.

Une fois de plus il faut refaire le même constat : la précarité salariale et le chômage tuent. La précarité de l’emploi, qui n’est que la forme intermittente du chômage, a des effets particulièrement lourds à supporter pour les personnes touchées. Le Mouvement National des Chômeurs et Précaires (MNCP) a eu beau alerter les pouvoirs publics, le gouvernement et les institutions concernées, dont Pôle emploi et l’Unédic, ont fait le dos rond face à une situation pour laquelle ils ne proposent pas de solution. Sauf à répéter à chaque fois qu’il s’agissait d’une "personne fragile", bla bla bla…

 

 « Tout va bien à la ville ! »

 Il faut dire aussi que l’atmosphère politique délétère qui règne depuis de nombreux mois à la mairie de Clichy n’arrange pas les choses dans un contexte de peur du chômage. Après s’être séparé des adjoints non-PS (FDG, EELV, Lutte ouvrière) de la municipalité d’union pour les remplacer par des personnalités de droite, le maire PS Gilles Catoire, crée dans la ville un climat pesant qui se traduit dans ses services par des mutations et un turn-over importants. Lors du suicide de M. Fernando Lino, sur son lieu de travail en mairie, le 19 janvier 2012, les syndicats avaient déjà dénoncé la situation. Par exemple la CFDT qui écrivait dans un tract :

« Nous avions averti à maintes reprises l'autorité territoriale et ses services sur la souffrance et le mal-être qui règnent au sein de notre collectivité... Des alertes restées sans effet, et avec pour seule réponse : « Tout va bien à la ville » ! ».

Alors si tout va bien… Une rengaine que nous chante aussi le gouvernement, pour qui il est urgent d’attendre « l’inversion de la courbe du chômage » ou 2025, date à laquelle selon le ministre Sapin nous pourrons fêter le plein emploi ! (Déclaration faite le jour du séminaire gouvernemental de prospective réuni le lundi 19 août). Ce même ministre, qui face aux piteux résultats de son gouvernement a refusé de recevoir les associations de chômeurs, de même que le Premier ministre Ayrault, qui n’a pas daigné répondre à la demande des représentants de la Marche des chômeurs qui a sillonné la France du 10 juin au 6 juillet dernier. Dire que le chômage tue est un constat facile à faire. Encore faut-il ajouter que l’indifférence et l’inaction du gouvernement, en regard des propositions des associations de chômeurs et des syndicats, le rend coupable de non-assistance à chômeurs en danger.

 Robert Crémieux

 

 

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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 17:05

 

Médiapart

|  Par Fabrice Arfi et Agathe Duparc

 

La "liste" Condamin-Gerbier : itinéraire d’une non histoire

 

La fameuse « liste » de personnalités françaises détentrices de comptes suisses n'existerait pas, selon des propos prêtés à l'avocat du financier Pierre-Condamin Gerbier, Me Edmond de Braun. La vérité pourrait prêter à sourire si le principal intéressé, témoin clé de l’affaire Cahuzac, n'était pas en prison. Car de « liste », Pierre Condamin-Gerbier n’a en vérité jamais parlé ! « Personne n’en sait rien », convient désormais son avocat.

 

Un étrange phénomène vient de frapper la France et la Suisse : la fumée sans feu. Ainsi, à en croire Me Edmond de Braun, l’avocat du financier français Pierre Condamin-Gerbier, la « liste » de son client comportant des noms de personnalités françaises détentrices de comptes non déclarés en Suisse « n’a jamais existé ». C’est du moins les propos que lui a attribués, le 16 août dernier, le quotidien suisse Agefi, très proche des milieux financiers et bancaires genevois.

Dans la torpeur du mois d’août, l’“information” a eu son petit effet : reprises des agences de presse, articles sur les sites de grands journaux, échos dans leurs éditions papier… C’était entendu, ou presque. L’affaire se dégonflait et Pierre Condamin-Gerbier est un mythomane qui a inventé cette histoire de « liste » explosive pour se sauver d’une mauvaise passe personnelle suite à plusieurs déboires professionnels.

 

Pierre Condamin-Gerbier 
Pierre Condamin-Gerbier© dr

La vérité pourrait prêter à sourire si le principal intéressé, témoin clé de l’affaire Cahuzac et lanceur d’alerte sur les pratiques de fraude fiscale du système bancaire suisse auquel il a longtemps appartenu, n’était pas en train de croupir dans une prison genevoise, après une interpellation qui a suscité l’indignation de plusieurs parlementaires français (ici ou ).

Car de « liste », Pierre Condamin-Gerbier n’a en vérité jamais parlé ! Voici ce qu’il déclarait le 3 juillet devant les députés de la commission Cahuzac : « En vingt ans d’expérience, j’ai été le témoin direct ou indirect d’un certain nombre de dossiers. J’aime peu la terminologie de liste car s’il s’agit de sortir une feuille A4 avec quinze noms dessus, cela ne vaut que le papier sur lequel c’est imprimé ». Cette “liste” n’est rien d’autre qu’une bulle médiatique, qui explose aujourd’hui à la face de ceux qui l’ont créée.

Dans un entretien avec Mediapart le 19 août, l’avocat commis d’office de Condamin-Gerbier s’est d’ailleurs montré nettement moins affirmatif que dans son interview à l’Agefi une semaine plus tôt : « J’ai le sentiment que la liste n’existe pas, mais personne n’en sait rien ». « À ma connaissance, personne n’a sorti de liste, ni les journalistes, ni les députés, ni les magistrats. Or tant qu’on n’aura pas démontré que la liste existe, elle n’existera pas », précise Me de Braun, qui parle d’une « situation qui ne peut pas être résolue à ce stade. »

L’avocat ne se prive pas d’ajouter que « c’est un secret de Polichinelle qu’il y avait parmi la classe politique française des gens qui mettaient leur argent en Suisse ». Aurait-il, lui, une “liste” ? Bien sûr que non.

Mais comme nous l’avons déjà raconté à plusieurs reprises, ce « secret de Polichinelle » a été confié par Condamin-Gerbier à Mediapart, ainsi qu’à notre confrère de La Croix, Antoine Peillon, spécialiste des questions de fraude fiscale, à l’occasion d’un long entretien de six heures qui a eu lieu le 29 mai dans les salons privés d’un grand hôtel de Genève.

Oui, le financier français, ancien directeur associé de la banque genevoise Reyl où Jérôme Cahuzac avait déposé certains de ses avoirs occultes, a livré plusieurs noms de personnalités françaises dont il dit avoir été le témoin direct ou indirect de leurs pratiques d’évasion fiscale. Mais toujours pas de liste. « Dans sa longue histoire, il a croisé des noms. Il n’y a pas de liste, il n’y a pas de listing de noms. Pour nous journalistes, ces noms n’existent pas tant qu’il n’y a pas de vérifications », expliquait ainsi le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, le 17 juin, sur le plateau de l’émission Mots Croisés (la vidéo peut être vue ici).

« Ni fou, ni mythomane »

En prison depuis le 5 juillet, Pierre Condmain-Gerbier n’est pas détenu pour avoir inventé des faits, mais pour avoir trahi le secret bancaire suisse (plus précisément le secret des affaires et commercial de la société Reyl, aujourd'hui banque) en confiant certaines informations sensibles aux autorités d’un pays étranger. C’est ce qui lui vaut d’être poursuivi aujourd’hui pour espionnage économique.

Dans une décision du tribunal pénal fédéral datée du 6 août, on peut par exemple lire que celui qui est parfois surnommé “PCG” a « confirmé aux autorités françaises les noms de certains clients auprès de divers établissements bancaires pour lesquels il travaillait », puis qu’il a fourni certains « éléments de preuves à une partie tiers ».  


Le drapeau suisse flottant sur Genève.  
Le drapeau suisse flottant sur Genève. © Reuters

Pour comprendre le véritable enjeu de ce dossier, la chronologie des faits n’est pas indifférente. C’est seulement trois jours après son audition à Paris devant les juges anti-corruption Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, chargés d’une enquête sur le système Reyl, que Pierre Condamin-Gerbier a été interpellé et enfermé en Suisse, sitôt rentré chez lui.

Le financier avait commencé à livrer ses premiers secrets. Devant les deux magistrats, “PCG” avait donné des informations précises sur les activités offshore de l’homme d’affaires français Alexandre Allard en lien avec l’ancien ministre Renaud Donnedieu de Vabres (UMP). Il avait également cité, mais avec plus de prudence, le nom de Laurent Fabius (PS), sa famille pouvant détenir des avoirs non déclarés en Suisse au travers du marché de l’art. Son arrestation subite, qui a eu lieu le lendemain de la publication d’un article de Mediapart sur ses premières confessions judiciaires (article cité par le tribunal pénal fédéral de Genève pour justifier l'incarcération…), a par conséquent empêché la possibilité de toute autre audition.

C’est pour cette raison que Condamin-Gerbier est à l’ombre. Il ne doit plus parler. Pour cause : dans d’autres affaires traitées par la justice française, son témoignage a été pris très au sérieux.

Sans lui, l’affaire Cahuzac n’aurait probablement jamais abouti. Entendu à Annecy début février par un policier de la Division nationale des investigations financières et fiscales (Dniff), “PCG” a permis aux enquêteurs d’établir le rôle crucial du gestionnaire de fortune Hervé Dreyfus au sein de la banque Reyl, comme étant l’un des principaux organisateurs des montages offshore de plusieurs personnalités françaises. Intime de Cécilia Sarkozy et proche de son ancien mari, Hervé Dreyfus fut en effet le chargé d’affaires de Jérôme Cahuzac.

Et dans l’affaire UBS, où il a travaillé une année durant à Genève, Condamin-Gerbier a livré aux douanes judiciaires de précieuses informations sur les mécanismes de fraude fiscale mis en place au sein du géant bancaire, depuis mis en examen comme personne morale par la justice. « Ce n’est ni un fou, ni un mythomane, assure désormais son avocat. Les enquêteurs français l’ont convoqué et en tant que citoyen français, il a répondu. Le fait est qu’il était choqué par une certaine classe politique française et par certaines situations ».

Le 25 février 1967, la plus journaliste des philosophes, Hannah Arendt, avait senti le coup venir dans un article du New Yorker passé à la postérité, Truth and Politics : « Même dans le monde libre, où le gouvernement n’a pas monopolisé le pouvoir de décider ou de dire ce qui est ou n’est pas factuellement, de gigantesques organisations d’intérêts ont généralisé une sorte de mentalité de la raison d’Etat, qui était auparavant limitée au traitement des affaires étrangères et, dans ses pires excès, aux situations de danger clair et actuel ». En Suisse, la raison d'État porte un autre nom : le secret bancaire. Après avoir été son salarié, Condamin-Gerbier en est aujourd'hui le prisonnier.

 

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22 août 2013 4 22 /08 /août /2013 16:54

 

Marianne

 

Jeudi 22 Août 2013 à 05:00

 

Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre En savoir plus sur cet auteur

 

 

La chaîne de montage du Renault Master à l'usine SOVAB de Batilly, France - POL EMILE/SIPA
La chaîne de montage du Renault Master à l'usine SOVAB de Batilly, France - POL EMILE/SIPA

En ces temps de délocalisations généralisées, la nouvelle est quasiment passée inaperçue, et c’est bien dommage. Renault Trucks, ancienne division de poids lourds de Renault,  aujourd’hui possession du groupe suédois Volvo, a décidé de faire le chemin inverse et de rapatrier la fabrication des camions de Turquie en France. Dommage que Renault-Nissan a fait le choix contraire en allant produire la Clio en Turquie.  

Pour les 10.000 salariés de Renault-Trucks, installés notamment à Bourg-en-Bresse (Ain), à Blainville (Calvados) et à Vénissieux (Rhône), la nouvelle est plutôt rassurante. Comme nombre d’autres, ces salariés vivent avec le couperet de la délocalisation au-dessus de la tête, dans l’attente d’investissements souvent promis mais toujours compromis. Aucun dirigeant du Medef n’a cru bon de saluer l’événement. Les médias ont à peine relaté l’info, comme s’il valait mieux se concentrer sur le énième épisode de la longue marche de Manuel Valls vers le pouvoir suprême.  

Pourtant, la relocalisation de Renault-Trucks mérite réflexion. En effet, elle prend à contre pied le discours en vogue sur le sujet. Que nous dit la vulgate dominante à droite, mais aussi parfois au PS, ce qui est bien regrettable ? Que la France est en manque d’ « attractivité », comme on dit chez ces gens-là.  Qu’elle est une machine à faire fuir les capitaux. Que le problème numéro 1 du pays s’appelle le « coût du travail ». Que les contributions sociales qui font l’originalité (et la force) du modèle français ne sont que des « charges » à alléger au plus vite. Que le code du travail est digne de la Russie Soviétique. Que les syndicats bloquent tout progrès.  

En un mot comme en cent, on ne pourrait plus rien faire dans ce fichu pays pourri par l’esprit des Sans-culotte, de la Commune et de la Résistance. Il faudrait donc aller faire fructifier ses capitaux ailleurs, là où l’Eden de la  « mondialisation heureuse » (merci Alain Minc) permet à tout un chacun de s’épanouir sans entrave.  C’est ce qu’avait écrit Maurice Taylor, le PDG de l’américain Titan, à Arnaud Montebourg, en traitant au passage les salariés français de fainéants et d’ivrognes.             

Ce discours, dépouillé ou non de ses oripeaux les plus caricaturaux, est comme un mantra. On l’entend aussi bien dans les travées du Medef que dans la bouche de Pierre Moscovici. Il a justifié tous les virages successifs du gouvernement Ayrault, qu’il s’agisse de l’accord sur l’emploi, de l’austérité héritée du traité européen, de la non réforme des banques, ou du cadeau accordé au patronat au nom de la « compétitivité ». Il a pour résultat de conférer à la politique économique de l’équipe Ayrault une couleur qui n’est pas sans rappeler celle de l’équipe précédente. Il nourrit une désespérance sociale propre à tous les débordements. 

Or le raisonnement est erroné de A jusqu’à Z. Il est faux de dire que le problème de l’économie française est le « coût du travail ». La réalité est inverse. C’est le coût du chômage (donc du non travail) qui pèse, d’autant qu’il est alourdi par celui du capital (dividendes, frais financiers etc… ). Comparé à ses principaux partenaires, la France est à peu près au même niveau de revenus salariaux, sauf à vouloir concurrencer des pays plus pauvres – comme par exemple la Turquie, dans le cas qui nous concerne. 

Mais l’exemple de Renault Trucks prouve que même dans ce cas de figure, il est d’autres atouts à mettre en avant, comme le savoir faire de la main-d’oeuvre, la formation, les services publics, les infrastructures, la recherche…Ce sont ces atouts qu’il faut développer pour donner à la marque France un label de qualité, quoi qu’en disent  les pleureuses de la famille décliniste. Encore faudrait-il ne pas se laisser piéger par le chantage de la petite école néolibérale qui a gangrené la gauche social-démocrate de l’intérieur. Sinon les imprécations volontaristes d’un Montebourg resteront lettre morte. Dans ce cas, l’affaire Renault Trucks ne sera qu’une hirondelle masquant la réalité d’un exode industriel pernicieux.

 

 

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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 14:58

 

Le nouvel observateur

 

 

WikiLeaks : Bradley Manning condamné à 35 ans de prison

 

Créé le 20-08-2013 à 18h56 - Mis à jour le 21-08-2013 à 16h49

Le jeune soldat âgé de 25 ans avait reconnu avoir transmis quelque 700.000 documents confidentiels au site internet WikiLeaks.

 

Bradley Manning risque un maximum de 90 ans de prison au total. (Patrick Semansky/AP/SIPA)

Bradley Manning risque un maximum de 90 ans de prison au total. (Patrick Semansky/AP/SIPA)

 


 

Le soldat américain, Bradley Manning a été condamné, mercredi 21 août, à 35 ans de prison. 

Après plus de deux mois de procès, la juge militaire Denise Lind a en outre décidé son renvoi de l'armée pour "déshonneur", notamment pour des faits d'espionnage, de fraude et de vol de quelque 700.0000 documents diplomatiques et militaires confidentiels, transmis au site WikiLeaks. 

Le procureur militaire avait requis 60 ans minimum de prison à son encontre, lundi après-midi, sur la base de Fort Meade, près de Washington, où se tient depuis le 3 juin le procès en cour martiale.

Au vu de sa "jeunesse", sa "santé émotionnelle" et "la pureté de ses intentions", son avocat David Coombs avait demandé à la juge Lind de punir son client, certes, mais d'une peine qui lui donne la "possibilité de vivre" et lui permette de se réinsérer dans la société.

1.293 jours de remise de peine

La juge a précisé pendant une audience de cinq minutes, mardi, que le soldat bénéficierait d'un total de 1.293 jours de remise de peine (près de trois ans et demi), correspondant à sa détention préventive depuis son arrestation en mai 2010, dont neuf mois sous un régime d'isolement strict.

Le jeune homme de 25 ans a reconnu avoir transmis quelque 700.000 documents confidentiels au site internet WikiLeaks, qui les a publiés. Il a plaidé coupable pour une dizaine de charges qui lui valent d'encourir un minimum de 20 ans de prison, mais la juge Denise Lind l'a reconnu coupable en outre de faits d'espionnage et de fraude.

 

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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 13:48

 

 

bastamag

Par Sophie Chapelle (21 janvier 2013)

 


Relier Lyon et Turin en deux heures, une belle idée… au coût pharaonique de 26 milliards d’euros ! C’est pourtant bien ce que comptent dépenser les gouvernements français et italien pour creuser une ligne à grande vitesse sous les Alpes. Prévisions de trafic marchandises à la baisse, conflits d’intérêts, perte de foncier agricole, absence de débats publics, pollutions de la vallée de l’Isère et de la Maurienne... Les opposants dénoncent un « grand projet d’inutilité publique ». Enquête.

 

    C’est un projet d’infrastructure gigantesque, déjà vieux de vingt ans. La réalisation de la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin prévoit notamment de creuser sous les Alpes le plus long tunnel d’Europe (57 km). Initié au début des années 90 par François Mitterrand, le projet a été remis au goût du jour ces derniers mois par François Hollande. Le 3 décembre, aux côtés du président du conseil italien Mario Monti, il a réaffirmé l’intérêt du projet transalpin avec la signature d’une « déclaration commune relative au tunnel Lyon-Turin ». François Hollande vient ainsi d’engager l’État français à financer 42 % du projet. Soit 11 milliards d’euros ! Objectif de cette dépense : relier Lyon et Turin en 2h, Paris et Milan en 4h30.

    Côté italien, le projet suscite une vaste opposition de la part des « No Tav » (pour Treno a alta velocità, train à haute vitesse). Entre occupations de chantier, batailles rangées contre les forces de l’ordre et manifestations de milliers de personnes, ils sont parvenus à retarder de plusieurs années le lancement des travaux. « Notre-Dame-des-Landes et No Tav sont deux luttes sœurs. On retrouve le même activisme des gouvernements à empêcher toute expression par la force militaire », estime Paolo Prieri, l’un des coordinateurs italiens de la lutte. En France, la contestation monte. Mais la militarisation de la répression va bon train.

     

    Des milices privées pour protéger le chantier ?

    Le gouvernement italien, soucieux de démarrer rapidement le chantier – à cause d’une possible annulation de subventions européennes – a mobilisé 2 000 carabinieri en juin dernier pour protéger les débuts des travaux : le percement de la galerie de la Maddalena, à proximité de Suse. Le coût du dispositif policier avoisinerait les 868 millions d’euros, pour 56 mois de travaux, rapporte le site La voix des Allobroges. Les travaux sur cette galerie sont estimés à 143 millions d’euros...

    Le chantier de la ligne Lyon-Turin pourrait-il prendre la tournure d’une « zone militaire d’intérêt stratégique » des deux côtés de la frontière ? Une filiale commune de Réseau Ferré de France (RFF), qui gère le réseau ferré national, et de son homologue italien Rete Ferroviaria Italiana, la société LTF (Lyon Turin Ferroviaire) est « en charge des études et des travaux de reconnaissance » pour la section transfrontalière de la ligne de chemin de fer. Ses prérogatives semblent aller plus loin. En septembre 2012, cette société a émis un appel d’offre d’une valeur d’1,8 million d’euros pour « le support logistique aux forces de l’ordre présentes dans la zone de chantier ».

     

     

    Via ce marché, RFF va donc contribuer à la rémunération de forces de l’ordre privées pour sécuriser le chantier côté italien. « C’est très grave, souligne Paolo Prieri, d’autant que cela se fait dans l’opacité la plus totale. Mais les pressions n’auront pas de prise sur nous, nous sommes résolus. »


    Un coût similaire au déficit de la Sécurité sociale

    Le coût de la sécurité du chantier alourdit une note déjà bien salée. Le tunnel entre l’Italie et la France a été d’abord évalué à 8,5 milliards d’euros. Mais les « coûts prévisionnels sont en forte augmentation », pointe la Cour des comptes, qui a adressé un référé au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en août dernier. L’estimation du coût global est passée de 12 milliards d’euros, en comptant les accès au tunnel côté français et le renforcement des règles de sécurité dans les tunnels, à 26 milliards !

    Le coût de la seule partie française serait supérieur à 11 milliards d’euros, soit l’équivalent des prévisions du déficit de la Sécurité sociale en 2013. La Cour des comptes prévoit une réévaluation, car ce budget ne prend pas en compte les difficultés géologiques, révélées par les premiers forages. Plus grave : « Les données disponibles concernant le projet ferroviaire Lyon-Turin ont difficilement permis d’apprécier l’évolution des coûts », relève la Cour des comptes. Plus de dix millions d’euros auraient été versés pour le creusement de la galerie de Venaus qui n’a jamais vu le jour, pointe l’hebdomadaire Politis. Une illustration de la gestion douteuse du projet par son maître d’ouvrage, la société Lyon-Turin Ferroviaire.

    Malgré ces réserves, Jean-Marc Ayrault persiste et signe. Dans sa réponse à la Cour des comptes, datée du 8 octobre, il réaffirme la volonté du gouvernement de réaliser le tronçon de ligne grande vitesse. Il reconnaît pourtant que « le budget nécessaire à la réalisation de ce grand projet est considérable, spécialement à un moment où le niveau des dépenses publiques doit être maîtrisé. En conséquence, une participation importante de l’Union Européenne au financement du projet est indispensable ». La participation financière européenne dépend du futur budget européen 2014-2020. Parallèlement, l’Élysée envisagerait un recours aux crédits de la Banque européenne d’investissement et à des emprunts obligataires. Bref, s’endetter davantage dans le seul but de relier Lyon et Turin en 2h...

     

    Un projet écologique ?

    Le gouvernement Ayrault justifie cet investissement faramineux par sa volonté de réduire le trafic routier – et les émissions de CO2 – avec un transfert vers le rail. « Toutes les études ont tablé sur une croissance inéluctable du trafic routier. Mais dans les faits, le trafic des marchandises diminue sur l’axe Lyon-Turin », rétorque Daniel Ibanez, de la coordination des opposants. En 2011, le transport des marchandises était effectivement équivalent à celui de 1988 [1]...

    « Le risque de saturation des infrastructures existantes n’est aujourd’hui envisagé qu’à l’horizon 2035 », confirme la Cour des Comptes. De quoi remettre sérieusement en question la pertinence du projet. La ligne existante n’est utilisée qu’à 20 % de sa capacité, renchérissent les opposants. Qui suggèrent de construire des plateformes de chargement, de favoriser le transport combiné, ou d’imposer le remplissage des camions... La Cour des comptes va dans le même sens en proposant « de ne pas fermer trop rapidement l’alternative consistant à améliorer la ligne existante ». Les opposants à la LGV Lyon-Turin soulignent que 90 % des émissions de CO2 en Savoie et Haute-Savoie proviennent des automobiles et poids lourds de desserte régionale, contre 10 % pour le trafic poids lourds franco-italien. « Il ne s’agit pas de ne rien faire mais au contraire de faire immédiatement, en commençant par investir dans les transports collectifs de proximité », estiment les No Tav. Les 11 milliards n’y seraient-ils pas mieux investis ?

     

    Utilité publique pour business privé

    Le jour où la Cour des comptes confirmait un coût supérieur à 11 milliards d’euros pour la France, la commission d’enquête rendait son avis favorable. L’aspect financier étant essentiel pour l’appréciation de l’utilité publique, pourquoi la commission d’enquête n’a-t-elle émis aucune réserve ? Plusieurs conflits d’intérêts entachent le dossier. Dans son rapport, la commission d’enquête incite fortement RFF, le maître d’ouvrage, à passer un marché avec une entreprise de travaux publics dirigée... par le frère d’un des commissaires enquêteurs ! Le Canard enchaîné, qui a révélé l’affaire le 3 octobre dernier, indique que le coût de cette opération pourrait générer « un chiffre d’affaires de 20 à 50 millions d’euros »

    .

     

    Les opposants pointent d’autres conflits d’intérêts chez les membres de la commission d’enquête [2]. Son président, Pierre-Yves Fafournoux, a également participé au travail sur le contournement ferroviaire autour de Lyon (CFAL), dont la rentabilité dépend de la réalisation de la LGV Lyon-Turin [3]. « Comment avoir une appréciation impartiale des projets CFAL et Lyon-Turin en ayant instruit dans une décision récente une forte dépendance économique entre les deux projets d’investissements d’un même maître d’ouvrage ? », interrogent les opposants. Dans son référé du 5 novembre, la Cour des Comptes rappelle que les intervenants ne devaient avoir « eu à travailler sur le dossier et [n’avoir] pas de conflit d’intérêt au regard des suites du projet ». Les No Tav demandent l’annulation de l’enquête publique.

     

    3 millions de m3 de déchets entassés dans les villages

    Trois descenderies et des couloirs de forage ont déjà été creusés sur le territoire français, dont une à Villarodin-Bourget (Savoie). « 400 000 m3 de déblais sont stockés en contrebas de notre commune alors qu’il ne devait en rester aucun », s’emporte le maire Gilles Margueron. « Avec le creusement de la ligne de train, on va se retrouver avec 3 millions de m3 sur les bras ». Résultat : un paysage défiguré, avec des conséquences sur l’activité économique et touristique du village. « Quand on demande à ce que ces déblais soient entreposés plus loin, on nous répond que cela alourdirait le bilan carbone du projet », ironise le maire, désabusé.

    Sur la commune savoyarde d’Avressieux, on se demande aussi où seront stockés les millions de mètres cubes de remblais. Certaines maisons de la commune ont été détruites, d’autres deviendront invivables. « Des voies avec 100 mètres d’espacement vont être construites dans la zone humide afin de protéger les grenouilles », remarque Richard Mangeolle engagé dans le collectif local d’opposition. « Franchement, il vaut mieux être une espèce protégée qu’un être humain pour ce projet ! En saucissonnant les financements par tronçons, ils saucissonnent aussi les luttes ».

     

    11 milliards d’euros pour 3 000 emplois précaires

    Les défenseurs de la LGV ont annoncé jusqu’à 30 000 emplois directs générés par le chantier, entre 2014 et 2021 [4]. Des chiffres revus à la baisse par Louis Besson, président de la Commission intergouvernementale Lyon-Turin : après avoir promis 10 000 emplois, il a admis qu’il n’y aurait que 3 000 emplois créés. Soit, rapporté au coût du projet, 3,7 millions d’euros par emploi... Des emplois qui ne dureront que le temps du chantier, quand ceux dans le tourisme et l’agriculture seront détruits. « Le foncier est l’outil de travail des paysans, souligne dans un communiqué la Confédération Paysanne de Savoie et de Haute-Savoie, fermement opposée au projet. Il en va dans le cas du projet Lyon-Turin de la dévastation de 1 500 hectares sur l’ensemble d’un tracé qui éliminera les paysans, détruira l’activité économique et la vitalité d’un territoire ».

    Ce front agricole s’est élargi fin novembre aux Jeunes agriculteurs et à la FDSEA de Savoie qui « confirment leur position de rejet du projet Lyon-Turin et mettent en cause le bien fondé de ce projet inutile ». Des organisations environnementales rejoignent l’opposition, comme France Nature Environnement, pourtant inflexible défenseur du transport ferroviaire de marchandises. Dans une lettre, ils demandent au ministère de l’Écologie l’ouverture d’un débat public sur les transports alpins.

     

    EELV, le Parti de gauche et des élus UMP s’inquiètent

    Côté PS, on demeure inflexible. « Il serait incompréhensible que la France renonce au Lyon-Turin pour lequel 800 millions d’euros ont déjà été mobilisés », peste Jean-Jacques Queyranne, le président (PS) de la région Rhône-Alpes. Autant donc dépenser les 10,2 milliards d’euros qui restent. Plusieurs élus et partis politiques commencent cependant à sérieusement s’inquiéter. Les écologistes de la région Rhône-Alpes, d’abord favorables au projet, font volte-face. « Les infrastructures nouvelles sont prédatrices d’espace, d’énergie et de deniers publics, déclare Europe Écologie dans un communiqué, elles doivent être proportionnées aux besoins présents et raisonnablement estimables à l’avenir. » Le Parti de Gauche demande un moratoire sur le projet. Le député UMP de Savoie Dominique Dord, maire d’Aix-les-Bains, se demande aujourd’hui s’il n’y pas eu « abus de conscience ». Il demande à RFF de se prononcer sur les hypothèses d’augmentation du trafic de marchandises. « S’il n’y a pas d’augmentation, voir même une légère baisse, je considérerai que j’ai été abusé par les experts ».

    Un projet « très ambitieux », « un pilotage insuffisant », des coûts prévisionnels « en forte augmentation », des prévisions de trafic « revues à la baisse », une « faible rentabilité socioéconomique », un financement « non défini » : autant de réserves émises par la Cour des comptes et appuyées par le travail de fond mené par les membres de No Tav. Si le projet n’a fait jusqu’ici l’objet d’aucun débat public, François Hollande devra néanmoins passer par le Parlement pour ratifier l’accord signé entre Mario Monti et Nicolas Sarkozy en janvier 2012. Pour l’italien Paolo Prieri, « le problème qui est posé n’est pas seulement celui d’une ligne à grande vitesse mais d’un grand projet d’inutilité publique ».

    Sophie Chapelle

     

    @Sophie_Chapelle sur twitter

    Photos : © Tempi / © Romain388

    © Carte : Ministère de l’Ecologie

    Notes

    [1Selon l’Office fédéral des transports suisse, le tonnage de marchandises transportées entre la France et l’Italie en 2011 est égal à celui de 1988 dans les Alpes du Nord. Lire à ce sujet la contribution rédigée par le collectif BOLGV, membre de la coordination contre la ligne nouvelle.

    [2Les membres de la commission d’enquête sont les suivants : Pierre-Yves Fafournoux (Président), Anne Mitault (remplaçant le Président en cas d’empêchement), Pierre Blanchard, Raymond Ullamann, Guy De Vallée, Claude Chevrier, Gérard Blondel, Guy Truchet, Yves Cassayre, Philippe Gamen, Alain Kestenband, Guy Gastaldi, Jean-Paul Gout.

    [3Le rapport d’enquête qui en est issu donnait un avis favorable en estimant que le taux de rentabilité interne du CFAL était « très dépendant (...) en particulier de la réalisation de la voie Lyon-Turin »

    [4Source : Journal Rhône-Alpes - N°25 - été 2012. Numéro spécial Grands projets.

     

     

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    20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 17:51

     

     

     

    20.08.2013 à 04h41 • Mis à jour le 20.08.2013 à 07h34
     
     
    Le système de monnaie virtuelle bitcoin s'appuie sur un réseau pair à pair pour échanger des unités de compte.

    Inventé en 2009 dans le sillage de la crise financière mondiale, le Bitcoin conquiert peu à peu une reconnaissance internationale. L'Allemagne a ainsi annoncé la reconnaissance officielle de la monnaie virtuelle comme "monnaie privée", explique lundi 19 août le Huffington Post.

    Grâce à ce statut juridique, tous les "échanges multilatéraux" pourront être réalisés dans cette devise virtuelle en Allemagne. En contrepartie, Berlin ne cache pas son intérêt dans l'opération : l'administration fiscale pourra en effet désormais prélever une taxe sur toutes ces transactions, qui échappaient jusque-là à l'impôt.

    Et la part de Berlin est loin d'être négligeable, puisque les prélèvements se feront à hauteur de 25 % sur les bénéfices la première année. "Cela fonctionnera exactement comme la taxation sur les plus-values immobilières. Concernant les entreprises, elles devront intégrer un taux de TVA dans toutes leurs transactions en bitcoins", explique encore le Huffington Post.

     

    21 MILLIONS DE BITCOINS D'ICI À 2030

    Le Bitcoin a été lancé par Satoshi Nakamoto, pseudonyme d'un informaticien qui souhaitait créer une monnaie ne dépendant d'aucune banque centrale ou institution financière. Pour pouvoir échanger des bitcoins, les internautes doivent installer un logiciel sur leur ordinateur. Ces utilisateurs allouent dès lors une partie de la capacité de calcul de leur machine et contribuent au processus de sécurisation des transactions. Ce système permet également de générer, au compte-gouttes, de nouveaux bitcoins, un algorithme gratifiant au hasard un internaute pour sa contribution.

    Lire nos explications : Bitcoin, BitTorrent, TOR : un Internet décentralisé pour des usages centralisés ?

    Au total, Satoshi Nakamoto a prévu qu'environ 21 millions de bitcoins devraient être émis d'ici à 2030, selon une courbe prévisible. Outre la "génération spontanée" de cette monnaie virtuelle, une plateforme comme Mt. Gox permet de réaliser des échanges contre des dollars ou des euros. En août 2013, il s'échange ainsi pour environ 105 dollars, soit deux fois moins qu'au plus fort de la crise chypriote, où il avait atteint un pic à 266 dollars. 

     

      "LE FBI ET LA BCE CONSIDÈRENT LE PRODUIT COMME DOUTEUX"

    Par sa nature décentralisée et son système de chiffrement, le bitcoin a d'abord suscité l'interêt des technophiles. Mais ces dernières années le bitcoin a peu à peu conquis un public plus large. La plateforme de blogs Wordpress a ainsi annoncé qu'elle accepterait le système de monnaie Bitcoin pour l'achat de certaines de ses fonctionnalités payantes. Certaines boutiques en ligne permettent aussi d'acheter des objets réels...

    Mais depuis sa médiatisation, le spectre d'une bulle liée au bitcoin est régulièrement agité. Malgré les variations de cours, les bitcoins semblent continuer à aiguiser les appétits, y compris de nombreux investisseurs. D'autres pays se sont également récemment montrés intéressés par une reconnaissance du bitcoin, notamment l'Australie et les Etats-Unis.

    "A contrario, le FBI et la BCE considèrent le produit comme douteux, tandis que la Thaïlande a carrément banni son utilisation", explique le Huff Post. Il existe en effet des failles de sécurité qui présentent un risque non négligeable pour les utilisateurs de la monnaie virtuelle. Les porte-monnaies hébergés sur Android ont par exemple subi des attaques récemment, rappelle le site d'information.

     

     

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    16 août 2013 5 16 /08 /août /2013 18:51

     

     Médiapart

     

    |  Par lorraine kihl

     

     

     

    La chaîne de magasins hard discount Aldi profite de la précarité de ses salariés pour leur faire faire des heures supplémentaires à l’œil. Malgré un sévère redressement de l’Urssaf, il est plus intéressant pour l’entreprise de payer les amendes plutôt que de se conformer au droit du travail. Des syndicalistes ont écrit au ministre.

    La note avait été salée. En janvier 2012, l’Urssaf priait Aldi de lui verser 5,5 millions d’euros au titre des cotisations sociales non versées pour les milliers d’heures de travail que l’entreprise avait omis de déclarer. L’organisme de la sécurité sociale, alerté par des incohérences comptables, avait mené une vaste opération de contrôles dans tout le pays, vérifiant la comptabilité des années 2007 à 2009. Il apparaissait alors que la chaîne de magasins avait recours de manière généralisée et systématisée au travail dissimulé.

    Aldi et ses clones ont conquis environ 40 % du marché allemand de la grande distribution, contre seulement 12 % en France. Fondée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la chaîne a fait de ses deux fondateurs, les frères Albrecht, les hommes les plus riches du pays. La success story de la consommation à très bas coût s’est faite au prix des conditions de travail de ses salariés, dévoilées progressivement, au fil des années, par la presse allemande.

    Si l’Urssaf a recouvré les sommes qui lui étaient dues, les salariés, eux, n’ont pas vu la couleur de l’argent qui aurait dû leur revenir. Selon les syndicats, plus d’un an plus tard, la situation demeure inchangée. Début juillet, l’inspection du travail a de nouveau épinglé la centrale de Toulouse du discounter allemand pour travail dissimulé.

    Le travail dissimulé comprend aussi bien le travail au noir (le « salarié » est payé mais pas déclaré) que le travail non rémunéré. Le seul moyen pour le salarié d’être indemnisé est de porter le litige aux prud’hommes. En cas de rupture de contrat, un dispositif lui permet de récupérer une indemnité forfaitaire de six mois de salaire. L’employeur peut être redressé par l’Urssaf – comme dans le cas d’Aldi – mais aussi sanctionné pénalement, avec une amende de 250 000 euros. Voilà pour la théorie.

     

     

    « Les outils législatifs ne manquent pas vraiment, en matière de travail dissimulé, explique un avocat spécialisé dans le droit du travail. Le problème, c’est qu’un texte n’est pas auto-réalisateur. Même lorsque l’inspection du travail fait un PV, il est rare que le parquet entame des poursuites. » Le procès-verbal établi par l’inspection du travail permettra aux syndicats de se porter partie civile, mais ils ont peu d’espoir que le procureur donne suite. « On essaie d’encourager les salariés à faire de même mais la plupart ne peuvent pas prendre le risque d’être courageux », regrette Daniel Auseski, délégué syndical à Ennery (Moselle) et secrétaire du comité d’entreprise (CGT).

    D’après les syndicats, Aldi favorise le recrutement d’une population fragile (mères célibataires, femmes en instance de divorce, jeunes) qui ne pourront pas s’offrir le luxe de jouer leur place. « Intenter une action représente non seulement un risque mais demande de l’argent et du temps, note un avocat. Or quand on travaille jusqu’à 19 ou 20 heures, que l’on doit ensuite s’occuper des enfants, il ne reste que les week-ends. Et alors les permanences syndicales et les cabinets d’avocats sont fermés. Sans compter que les procédures ont un coût. »

    Dans un documentaire diffusé en janvier, Frédéric Brunnquell décrivait les conditions de travail des salariés d’Aldi et de son jumeau et concurrent Lidl : horaires insensés, harcèlement, suspicion permanente… (voir l'émission d'Arrêt sur image).

    Ainsi, pour retenir les employés, Aldi utilise la paie. Réputé meilleur payeur que la concurrence, la chaîne joue sur la prime d’intéressement pour encourager ses salariés à faire des heures supplémentaires non déclarées. Le bonus est calculé en fonction du chiffre d’affaires du magasin et ramené au nombre d’heures travaillées, afin de juger de l’efficacité de vente des employés. Du coup, en notant les heures réellement effectuées le ratio diminue et la prime avec. « Mais même dans un magasin qui fait beaucoup de chiffre, la prime est loin de représenter l’équivalent des heures supplémentaires effectuées », assure Daniel Auseski.

    Les responsables des magasins sont les plus touchés. Caisse, rayonnage, stocks, contrôles qualité, comptabilité, sécurité, propreté, ils doivent gérer tout le magasin avec, généralement, un seul autre employé et sur des plages horaires pouvant aller de 8 heures à 20 heures. 

    Sapin « botte en touche »

    © Reuters
    

     

     

     Nos vies discount, le documentaire de Frédéric Brunnquell

    « Tant qu’il n’y aura pas de pointeuse, les abus continueront, estime Daniel Auseski. Mais la direction répond que les machines ne sont pas fiables. C’est sûr que remplir une feuille de papier sur laquelle les employeurs pourront ensuite passer un coup de correcteur est beaucoup plus fiable… » À l’Urssaf, on confirme à mots couverts que des signalements pour travail dissimulé continuent de leur parvenir.

    Tous les acteurs interrogés le reconnaissent : il est plus rentable pour certaines entreprises de continuer d’ignorer le droit du travail, en payant des amendes ponctuelles que de s’y conformer.

    Depuis quelques mois des syndicalistes tentent de faire voter une loi plus dissuasive pour les entreprises et protectrice pour les salariés. Le principe serait d’instaurer une indemnisation systématique des salariés lorsqu’une entreprise est convaincue de travail dissimulé, que ce soit par l’Urssaf, l’inspection du travail ou la justice. Avec une pareille loi, ce n’est pas 5,5 mais 11 millions d’euros qu’Aldi aurait dû débourser.

    « On a tapé à toutes les portes, contacté députés et sénateurs qui tour à tour ont affirmé prendre le projet en main, avant de laisser tomber. On est allé jusqu’au ministre du travail, assure Daniel Auseski. Il a dit qu’il étudierait le dossier avec attention. » Il a pourtant fallu quatre mois à son cabinet pour répondre à une question écrite d’un député qui portait sur le sujet. Marc Dolez y demandait si Michel Sapin envisageait « de déposer un projet de loi pour permettre aux salariés victimes (de travail dissimulé, ndlr) d'être dédommagés automatiquement », sans que ceux-ci aient besoin de mettre un terme à leur contrat et d’aller aux prud’hommes. Dans le bref texte publié en retour le 6 août, le ministère s'en tient au droit et répond sur le seul travail au noir : « Si le contrat de travail se poursuit, l'objectif central doit être le rétablissement des droits du salarié par régularisation des cotisations dues. Aussi, l'indemnisation forfaitaire du préjudice n'a principalement de sens que dans l'hypothèse d'une rupture de la relation de travail. »

    « Le ministère botte en touche ! » s’emporte Serge Matha. Ce syndicaliste retraité n’a jamais travaillé à Aldi mais il mène une croisade contre l’enseigne allemande depuis qu’il a découvert les conditions de travail de son fils et le harcèlement dont il était victime. « On va essayer de saisir la commission des loi », poursuit Serge Matha. Qu’il s’agisse d’une esquive ou de simple méconnaissance du sujet, le fait est que la lutte contre le travail dissimulé ne mobilise pas. Dans la plupart des métiers le travail dissimulé ne représente que quelques heures cumulées sur l’année. « Les députés devraient se sentir un peu plus concernés, reproche l’ancien syndicaliste. On parle de 4 200 employés à travers tout le pays et d’une réelle menace : le système Aldi devient un modèle pour toute la grande distribution. »

    Contacté, Aldi s’en tient à sa ligne : on ne communique pas avec la presse (voir sous l'onglet Prolonger).

     

     

     

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    14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 21:28

     

    Médiapart - Blog

    |  Par Corinne N

     

     

     

     

    Court-métrage d'animation sur la mainmise des marchés financiers sur la nature et les réelles alternatives portées par la société civile.
    Une initiative de : SOMO, European Attac Network, Food&Water Europe, Friends of Earth Europe, Les Amis de la Terre France, Carbon Trade Watch, WEED, Ecologistas en Acción, Aitec and Campagna per la riforma della Banca Mondiale.
    Produit par La Antena, AttacTV. Animé par Desarme s.c.

     

     

     

     

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    14 août 2013 3 14 /08 /août /2013 21:16

     

    Médiapart

    |  Par Martine Orange

     

     

    En quelques mots, Pierre Moscovici a réduit à néant des semaines de communication présidentielle sur la fin de la crise. Cette controverse politique masque le vrai sujet : si l’économie française, comme le reste de l’Europe, cesse de baisser, rien n'assure qu'elle puisse rebondir.

    En dépit de tous les contre-feux et circonlocutions des services de communication, cela ne peut s’appeler autrement qu’un sérieux couac politique. En une déclaration, le ministre des finances, Pierre Moscovici, est parvenu à ruiner plusieurs semaines de communication de François Hollande. Depuis mai, le président de la République va répétant que « la crise est derrière nous ». « Quelque chose se passe », assurait-il encore dernièrement. « Il faut tout faire pour accompagner le mouvement. »

    Pour prendre le pouls du pays, et redonner un peu de confiance, il avait même décidé de sacrifier une partie de ses vacances pour faire son tour de France. Début août, on le vit donc à Arles, en Dordogne, à Marly-le-Roi, à La Roche-sur-Yon, multipliant les messages de confiance et d’encouragement, parlant de la reprise au coin de la rue, des efforts du gouvernement pour la soutenir, ici avec des mesures en faveur de l’innovation, là avec tout un arsenal de plans de lutte contre le chômage.

     

    © Reuters

    En quelques m

    ots, tous les efforts du président de la République ont été réduits en cendres. Dans un entretien à Nice-Matin, Pierre Moscovici annonçait une révision à la baisse de la croissance, officiellement fixée jusqu’alors à 0,1 % : « Nous connaissons les tendances et cette année, la croissance sera faible voire étale, entre moins 0,1 et plus 0,1. » Il poursuivait en annonçant de nouvelles hausses des prélèvements obligatoires, afin de reprendre en main un déficit budgétaire, qui devrait aller bien au-delà de 3,7 % du PIB, comme espéré : « Nous devons réduire les déficits légués par la droite, mais le faire à un rythme qui ne contrarie pas la croissance. Nous le ferons d’abord, comme le recommande le Fonds monétaire international, par des économies sur les dépenses publiques et, ensuite, par une hausse limitée des prélèvements obligatoires, de 0,3 % du PIB, toujours dans la justice sociale », expliquait-il.

    Le décor pour septembre était planté. Les prévisions de croissance allaient être révisées à la baisse lors de l’élaboration de la loi de finances 2014, qui doit être arbitrée d’ici à la fin septembre : les Français devaient s’attendre encore à la poursuite de la stagnation économique et à de nouvelles hausses d’impôt. Des propos en totale contradiction avec le message d’optimisme que s’efforce de faire passer l’Élysée.

    Pendant tout le week-end, Pierre Moscovici s’est efforcé de rattraper sa bourde : on ne l’avait pas compris, il était en parfait accord avec l’analyse du président de la République. La révision à la baisse de la conjoncture ? « Je n’ai fait aucune révision de la prévision de croissance de la France », a assuré le ministre des finances, dimanche, lors d’une visite à Roissy. Il eut ce lapsus révélateur : « C’est une simplification qui ne trahit pas… qui ne traduit pas ma propre pensée. »

    Pour se défendre, le ministre des finances a expliqué qu’il n’avait fait que reprendre les principales études de conjoncture publiées ces dernières semaines. Dans sa note de juin, l’Insee table sur une croissance entre 0,1 % et –0,1 % sur l’ensemble de l’année. Pour leur part, l’OCDE prévoit une chute de 0,3 % et le FMI de 0,2 %.

    Même marche arrière sur les prélèvements sociaux : « Il n’y a pas eu d’annonce de nouveaux impôts, nous sommes en phase de redressement. Il n’y a eu aucun chiffre nouveau qui a été annoncé », a-t-il insisté. « Là encore, on se sert de chiffres qui sont dans le domaine public pour assimiler prélèvements obligatoires et impôts, ce qui n’est pas la même chose », a-t-il expliqué avant d’annoncer que « les arbitrages fiscaux seraient rendus fin août ». Mais déjà, des projets circulent faisant état d’une hausse de la CSG de 0,3 % pour les retraités dans le cadre de la réforme des retraites, de la suppression ou de l’encadrement de niches fiscales, de la hausse de la taxe sur les dividendes. Le gel du point d’indice en 2014 pour le calcul des salaires de la fonction publique, lui, est acté. Il n’a pas été revalorisé depuis 2010.

    Interrogé sur ce nouvel accroc, Matignon se refuse à tout commentaire tant politique qu’économique et donne rendez-vous à la fin septembre, au moment de l’établissement de la loi de finances de 2014. « Ce sera à ce moment là que les arbitrages seront rendus », explique-t-on chez le premier ministre.

    Sans dynamique

    Ce nouvel impair du ministre des finances, en tout cas, ne peut que relancer le débat entre ceux qui, comme François Hollande, pensent que le rebond de l’économie se dessine, et ceux qui n’y croient pas du tout.

    Ces derniers pointent les chiffres de la production industrielle en baisse de 1,4 % en juin, après un recul de 0,6 % en mai ; le nombre de faillites d’entreprises – 61 544 entre juin 2012 et juin 2013, en hausse de 4 % ; la montée inexorable du chômage – 3,5 millions de demandeurs d’emploi à plein temps, plus de 5 millions toutes catégories confondues en dépit des radiations et de l’augmentation inquiétante des personnes qui renoncent à chercher ; la baisse de la consommation.

    Les tenants de la fin de la crise, eux, mettent en avant la remontée des indices de confiance tant chez les industriels que dans les services, les taux d’activité qui augmentent notamment dans la construction et les travaux publics, la légère montée des contrats à l’exportation, le déficit commercial qui baisse très légèrement, une stabilisation de la crise dans toute l’Europe. Venant à l’appui de la thèse présidentielle sur les “frémissements”, l’Insee devrait publier mercredi 14 août sa première estimation de la croissance française au deuxième trimestre faisant état d’un chiffre légèrement positif, de l’ordre de 0,2 %, en dépit de la chute de la production industrielle.

    L’annonce de la fin de la récession ne peut provoquer qu’un soulagement au gouvernement. Après vingt-six mois de dégradation continue de l’activité et une récession sur deux trimestres, le pire semble être passé en France, comme dans toute l’Europe. « La fin de la chute ne signifie pas une reprise », avertissent cependant de nombreux économistes.

    Le débat sur l’ampleur de l’activité est là pour le prouver. Tout est dans l’effet d’annonce politique : entre 0,1 % de baisse et 0,1 % de hausse du PIB, il n’y a que l’épaisseur du trait, évoluant selon la comptabilisation ou non de certaines données. Ce qui n’empêchera pas une réalité gênante : si l’économie française termine à zéro, le PIB français se retrouvera à son niveau de 2007. Depuis six ans, la France fait du surplace.

    Plus grave, ces six années de crise ont abouti à une destruction et à un appauvrissement de l’économie. Des entreprises ont fermé qui ne rouvriront plus. Les dépenses d’investissement et d’innovation n’ont cessé de reculer. Des centaines de milliers d’emplois ont été détruits, laissant sur le carreau les anciens salariés, comme l'a rappelé une chômeuse au président de la République à La Roche-sur-Yon. Toute une jeunesse formée arrive sur le marché du travail avec pour seule perspective d’avoir des petits boulots ou des CDD.

     

     

    Dès lors, compter sur les exportations pour repartir risque d’être illusoire. L’offre française, déjà très handicapée avant la crise, ne s’est pas modernisée. Elle reste totalement dépendante des coûts – ce qui n’a pas changé depuis plus de trente ans – et des niveaux de l’euro face aux autres monnaies. Alors que la zone euro, même s’il n’y a pas de nouvel accident, reste promise au marasme, que les pays en développement comme le Brésil ou la Chine ralentissent à leur tour, la fragilité de la situation française est patente.

    Parier sur une reprise de la consommation interne est tout aussi factice. La baisse continue du pouvoir d’achat des salariés depuis dix ans, les effets conjugués du chômage et de la crise, l’augmentation incessante des charges et des impôts ont fini par avoir raison du dernier moteur de l’économie. Les Français consomment de moins en moins. Le marché de l’automobile en est une illustration : il a encore chuté de 11,3 % au premier semestre 2013. Les ventes sont revenues au niveau de 1997, la production en France au niveau de 1965. Ce qui est vrai dans l’automobile se vérifie partout ailleurs, dans le textile, le tourisme, la restauration, l’équipement de la maison. Cette inversion historique a toutes les chances de se prolonger.

    Si l’économie arrête de chuter, elle ne recèle donc en elle-même aucune dynamique. Le FMI prévoit une augmentation du chômage au moins jusqu’en 2016, touchant alors plus de 12,5 % de la population active. Les nombreux projets évoqués – retraite, flexibilité salariale, impôts, réduction des investissements publics –, pour arriver à un mythique 3 % du déficit, pourraient encore détériorer la situation.

    Pour l’instant, le gouvernement reste dans un schéma ancien : le cycle classique récession-reprise. Une erreur qui lui a déjà joué des tours en 2012 où il pariait sur un rebond qui n’est pas arrivé. Plutôt que changer d’approche, il préfère s’en tenir là et aux messages d’optimisme. Mais cela risque de ne pas suffire. La crise a modifié profondément et durablement les mécanismes économiques. La France, comme le reste de l’Europe – à l’exception de l’Allemagne peut-être –  paraît promise à une croissance zéro pendant encore de longs mois.

     

     

     

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