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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 17:02

 

 

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

La rentrée est marquée par la revalorisation ou le lancement de diverses allocations et l'entrée en vigueur d'une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières.

 

La rentrée est marquée par la revalorisation ou le lancement de diverses allocations et l'entrée en vigueur d'une réforme de la fiscalité des plus-values immobilières. Voici ce qui change au 1er septembre.

Le revenu de solidarité active (RSA) est revalorisé de 2 % à partir du 1er septembre 2013. Cette hausse est la première étape de la revalorisation exceptionnelle de 10 % du RSA-socle d'ici 2017, adoptée dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale du 21 janvier 2013. Le montant du RSA varie selon la composition et les ressources du foyer du demandeur. Pour les personnes sans revenu d'activité, le RSA prend la forme d'un revenu minimum garanti égal à un montant forfaitaire. Si le bénéficiaire du RSA et/ou son conjoint travaillent mais que les ressources du foyer sont inférieures à un niveau minimum garanti, le RSA prend la forme d'un complément de revenu. Le montant forfaitaire mensuel du RSA pour une personne seule sans enfant par exemple passe de 483 à 493 euros. L'allocation pour une mère isolée avec un enfant de moins de 3 ans s'élève à 844 euros par mois, contre 827 auparavant. Et elle est portée à 1 035 euros pour un couple avec deux enfants.

Dans le cadre du plan gouvernemental de lutte contre la pauvreté, l'allocation adulte handicapé (AAH) est relevée de 1,75 % au 1er septembre. Le montant pour une personne seule sans ressources passe à 790,18 euros par mois contre 776,59 auparavant. Pour y avoir droit, il faut présenter taux d'incapacité d'au moins 80 %, soit un taux d'incapacité compris entre 50 et 79 % et une restriction substantielle et durable d'accès à un emploi.

La « garantie jeunes » a pour objectif d'aider quelque peu les 18-25 ans en situation de précarité à trouver un emploi ou une formation. L'accompagnement vers l'emploi est renforcé par une allocation d'un montant équivalent au RSA-socle pendant les périodes sans emploi ni formation. Elle est lancée dans dix départements pilotes à partir du 1er septembre : Allier, Bouches-du-Rhône, Réunion, Vaucluse, Lot-et-Garonne, Finistère, Eure, Aude, Seine-Saint-Denis et Vosges. 10 000 jeunes pourraient en bénéficier dans le cadre de cette expérimentation, un chiffre qui pourrait être porté à 100 000 à terme.

Le tarif réglementé du gaz de GDF Suez baisse en moyenne de 0,18 % au 1er septembre, soit une baisse de 0,01 centime d'euro par kilowattheure. Pour les 1,3 million de ménages français qui n'utilisent que le gaz pour la cuisson et les 1,1 million qui s'en servent pour cuisson et eau chaude, le recul pour la facture est d'environ 0,1 %. Pour la principale catégorie de clients qui s'en sert également pour le chauffage (6 millions), le recul est de 0,2 %. Depuis la mise en place d'une nouvelle formule fixant mensuellement le prix réglementé du gaz offert par l'opérateur historique et un important rattrapage en janvier (+ 2,4 %), le tarif a entamé un mouvement de reflux.

Dans le cadre de la réforme du régime d'imposition des plus-values immobilières sur les résidences secondaires, les cessions réalisées entre le 1er septembre 2013 et le 31 août 2014 bénéficient d'un abattement exceptionnel de 25 %. Autre modification entrant en vigueur le 1er septembre, la durée minimale de détention d'une résidence secondaire, au terme de laquelle elle est exonérée d'impôt sur le revenu au moment de sa cession, est abaissée à 22 ans contre 30 ans jusqu'ici. Dans le détail, l'exonération d'impôt sur le revenu est de 6 % pour chaque année de détention à compter de la 6e et jusqu'à la 21e, puis 4 % au terme de la 22e et 100 % à l'issue de la 22e. Par ailleurs l'exonération au titre des prélèvements sociaux, CSG et CRDS, est modifiée dans le sens d'une plus grande dégressivité pour devenir totale au bout de 30 ans.

 

 

 

 

 

Tous les commentaires

 

Nouveau 02/09/2013, 02:03 | Par vieille dame

"Autre modification entrant en vigueur le 1er septembre, la durée minimale de détention d'une résidence secondaire, au terme de laquelle elle est exonérée d'impôt sur le revenu au moment de sa cession, est abaissée à 22 ans contre 30 ans jusqu'ici."

ça c'est une mesure qu'elle est sociale !!! c'est vrai, les résidences secondaires font partie intégrante de la vie des pauvres !!!  mais je vous l'avais déjà prédit : tous ces ministres, tous ces députés qui ont au moins trois maisons, ils sont évidemment les mieux placés pour juger du caractère social, de gauche, d'une mesure ! ça s'appelle pas un conflit d'intérêt ? non ?

 

Nouveau 02/09/2013, 11:57 | Par Annie Lasorne

"Forfait logement" Le calcul du montant du RSA tient compte également des aides au logement que vous percevez ou des avantages en nature procurés par l'occupation d'un logement : Si vous êtes propriétaire, logé à titre gratuit, si vous percevez l'allocation de logement familial (ALF), l'allocation de logement sociale (ALS), l'aide personnalisée au logement (APL).

On enlève de votre RSA d'un montant de 483€/mois pour une personne seule, la somme de 57,99€ de "forfait logement", il vous reste donc la somme de 425,01€ /mois qui revalorisée de 2%, vous donne 8,50€ d'augmentation par mois

Un foyer de 2 personnes va se voir enlever 115,98€/mois, un foyer de 3 personnes et plus se vera enlever 143,52€ de son RSA mensuel.

http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F502.xhtml

C'est sûr qu'une personne seule, qui va recevoir (très généreusement) 8,50€ de plus par mois au lieu de 10€... C'est dérisoire, mais je tenais à rétablir les choses.

Juste pour rétablir quelques notions d'équité... Un peu comme le prix du carambar sur le Smic, cette (très généreuse) augmentation que la "gauche" faucialiste accorde aux indigents...

Les inégalités de revenus se sont accrues au cours des dix dernières années. Le revenu annuel moyen des 10 % les plus modestes s’est élevé de 400 euros entre 2000 et 2010, celui des 10 % les plus riches de 8 950 euros.

http://www.inegalites.fr/spip.php?article632

Tout de suite, ça cause un peu plus, non ? 22 fois plus !!!

Donc quand mon pauvre touche 8,50€ par mois, mon riche en palpe 187€ par mois. Explicite, non ?

Je ne suis pas économiste, juste ménagère ! Mais je sais compter et surtout, on ne fais pas prendre des vessies pour des lanternes.

En 2013, avec la "criiise" gageons que l'écart s'est encore un peu plus creusé, à l'avantage de qui, d'après vous ?...

 

Nouveau 02/09/2013, 18:24 | Par Pierre Magne

Rappelons qu'environ 3 personnes sur 4 qui pourraient demander le RSA, ne le demandent pas, car il y a beaucoup de papiers à remplir, de documents à donner. Ceux qui pourraient le demander ne sont pas en effet  d'anciens élèves à Polytechnique ou de l'ENA ! Ces formalités pour une population souvent illettrée sont odieuses ! Mais les solfériniens n'y voient pas malice !
Normal ils sont de droite !

 

 

 

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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 16:43

 

 

Médiapart - Blog

L’avenir de nos retraites n’est pas une question anecdotique, ni une affaire d’« experts ». Il s’agit d’un choix de société qui nous concerne tous et toutes, jeunes et vieux, femmes et hommes, salariés, indépendants, précaires ou chômeurs.

Au moment où le gouvernement annonce une nouvelle réforme des retraites qui s’inscrit dans la continuité des réformes précédentes menées par la droite, et où les experts du MEDEF nous expliquent qu’« il n’y a pas le choix », il est essentiel que les citoyens aient toutes les cartes en main pour permettre un véritable débat de société.

Ce petit guide d’autodéfense publié par Attac, et auquel a collaboré les Dessous de Bruxelles, a pour vocation de déconstruire les idées toutes faites ressassées à longueur d’antenne dans les grands médias, et de montrer que d’autres perspectives sont possibles pour sortir de l’impasse et financer des retraites de qualité et solidaires.

(version PDF disponible ici)

Argument n°1 : « La réforme des retraites sera une réforme juste »

Hollande annonce que la mesure phare de la réforme des retraites, l’allongement de la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite complète, était « la mesure la plus juste à condition qu’elle soit appliquée à tous » et qu’elle devait permettre que les efforts soient « équitablement répartis ».

Mais cet allongement de la durée de cotisation s’accompagne d’une diminution du montant des pensions pour chaque trimestre manquant, à laquelle s’ajoute une sanction appelée décote qui pénalise la pension à hauteur de 5 % par année manquante.

Pour les femmes, qui ont des carrières plus courtes et qui sont nombreuses à travailler en temps partiel, pour les précaires ou pour ceux qui ont connu des périodes de chômage, cet allongement va donc être synonyme de diminution du montant des pensions.

Ainsi, selon une étude officielle, les contre-réformes cumulées de 1993, 2003 et 2010 conduiraient à une réduction du montant des pensions d’environ 15 à 25%. Elles aggravent les inégalités déjà fortes entre les retraites des femmes et celles des hommes. La diminution des pensions font les bonnes affaires des banques et assurances : de plus en plus de Français ont recours à des assurances retraites complémentaires pour pallier la faiblesse des pensions.

Pour les jeunes, c’est la double peine. Peine de court terme : avec le chômage de masse, si les séniors sont contraints de cotiser et donc de travailler plus longtemps, il ne reste aux jeunes que des stages peu ou pas rémunérés ou le Pôle emploi. Et ce alors qu’un jeune actif sur quatre ne parvient pas à trouver un emploi…

Peine de long terme : les jeunes générations commencent à travailler plus tard, à cause du chômage et de l’allongement des études. Un nouvel allongement reporterait à un âge improbable leur départ en retraite. Ainsi, exiger 44 ans de cotisations – alors qu’on estime à 35 ans l’espérance de vie professionnelle de la génération née en 1974 – est une véritable provocation !

D’après les chiffres du gouvernement, le coût de la réforme serait estimée à 3,8 milliards d’euros en 2014. Sur ce montant, 2,8 milliards, soit 73% environ du coût total, seront supportés par les salariés et les retraités.

Alors qu’en l’espace d’une génération, depuis les années 1970, notre système de retraite a permis aux retraités d’atteindre quasiment le niveau de vie des actifs, c’est un retour de la paupérisation des retraités que prépare cette réforme, à travers la diminution des pensions... qui va frapper plus durement les plus faibles : drôle de conception de la justice et de l’équité !

Argument n°2 : « On vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps »

L’argument-phare du gouvernement, repris à tort et à travers dans les grands médias, était déjà celui de la droite en 2010 : « on vit plus longtemps, il faut travailler plus longtemps ».

Cet argument est simpliste. On vit plus longtemps, certes, mais dans quelles conditions ? Car l’espérance de vie en bonne santé, elle, diminue : en 2010, elle était de 61,9 ans pour les hommes et de 63,5 ans pour les femmes, contre respectivement 62,7 et 64,6 en 2008. Alors que les années au travail les plus dures sont entre 60 et 65 ans, il faudrait travailler plus longtemps pour arriver à la retraite usé et malade, et même travailler au-delà de la limite où l’on est en bonne santé ?

Les réformes précédentes ont ainsi contraint nombre de salariés âgés à retarder leur départ : le taux d’emploi des seniors a augmenté, certes, mais dans des conditions de plus en plus dures, affectant leur santé et réduisant leur espérance de vie sans incapacité. Un grand nombre de salariés placés dans des conditions de travail difficiles mettent fin à leur activité professionnelle et liquident leur retraite sans avoir la durée de cotisation requise, parfois après de longues périodes de chômage ou d’inactivité. Ils subissent ainsi une diminution flagrante de leur pension.

En 2012, l’espérance de vie a baissé en France. Cela n’est pas anodin : si la durée de vie des français n’a cessé d’augmenter depuis 1945, c’est entre autres raisons grâce à la possibilité pour tous et toutes d’avoir une retraite décente avant d’être usé par le travail, et de gagner du temps pour vivre et jouir d’une vieillesse heureuse, libérée de la misère et de la dépendance.

Depuis 200 ans l’espérance de vie augmente et la durée du travail diminue, pourquoi cela ne serait-il plus possible aujourd’hui ? Le progrès social consiste à travailler moins longtemps, et à profiter de la retraite plus tôt et en meilleure santé. Cela suppose un meilleur partage des richesses... un partage qui ne fait pas les affaires des plus riches et des grandes entreprises ! C’est pourquoi il a fallu d’importantes mobilisations sociales pour imposer le système de retraites par répartition.

Argument n°3 : « La population vieillit et les retraites coûtent trop cher »

Autre argument « technique » avancé par le gouvernement : la population française vieillissant, les déficits seraient mécaniques car il y aurait désormais trop de retraités en comparaison du nombre de travailleurs actifs ; les cotisations des uns seraient ainsi insuffisantes pour payer les pensions des autres.

Le rapport Moreau le reconnait pourtant : c’est « la durée et l’ampleur de la crise depuis 2008 » qui expliquent les déficits supplémentaires, les données démographiques n’ayant pas bougé depuis 2010. Et quand bien même : il y a plus de retraité-es ? Il est normal de financer leurs retraites et de leur dédier une part plus importante de la richesse produite...

D’après le Conseil d’orientation des retraites, 1% de la richesse nationale supplémentaire suffirait en 2020 pour équilibrer le système de retraites à législation constante : alors que 8% de la richesse nationale a basculé des salaires vers les revenus financiers au cours des quatre dernières décennies, cela est loin d’être impossible ! (voir idée reçue n°4)

Et ceux qui ne cessent de pointer le coût des retraites par répartition feraient bien de s’intéresser au coût des retraites privées, par « capitalisation ». A l’inverse du principe de répartition qui organise la prise en charge solidaire – et sans surcoût – des pensions de chaque génération par les générations suivantes, la retraite par capitalisation s’avère risquée et coûteuse : risquée parce qu’elle dépend des marchés financiers ; coûteuse parce qu’il faut rémunérer les intermédiaires et les actionnaires...

Elle est aussi coûteuse pour l’économie : pour garantir des taux à deux chiffres, les fonds de pension multiplient les opérations boursières brutales qui mettent les entreprises sous pression, en les rachetant puis en imposant des plans sociaux pour faire bondir leur valeur financière. C’est la finance qui coûte trop cher, pas nos retraites !

Argument n°4 : « C’est la crise : il n’y a plus d’argent dans les caisses »

Aux arguments démographiques du gouvernement s’ajoutent les arguments économiques : en période de crise et de récession, il faut désormais « faire des efforts », explique-t-on, et cela passe par faire des coupes budgétaires dans les retraites.

La réforme des retraites s’inscrit donc dans la lignée des politiques d’austérité imposées partout en Europe par la Commission européenne et les gouvernements européens. Ainsi dans certains pays d’Europe du Sud, à la suite de réformes successives, les pensions ont baissé de 30% et l’âge de la retraite est sans cesse reculé. Pour la première fois en France, le gouvernement a envisagé de baisser la valeur réelle des pensions (en les revalorisant en dessous de l’inflation) et d’accroître la fiscalité sur les retraités.

Et pourtant, ce sont ces politiques qui entretiennent la crise et la récession en Europe… Même le FMI le reconnaît désormais ! Le rapport Moreau reconnaît quant à lui que c’est la spirale récessive entretenue en Europe qui est la cause des déficits du système de retraites. La crise est instrumentalisée pour approfondir les réformes mise en œuvre depuis des années. Pourtant ce ne sont pas les retraites et les dépenses sociales qui en sont à l’origine… mais plutôt les cadeaux fiscaux aux plus riches et aux grandes entreprises, ainsi que l’impunité des banquiers !

Pour financer les retraites, il faut d’urgence en finir avec l’austérité et s’attaquer à la finance. Des solutions existent pour équilibrer les comptes des caisses de retraites sans couper dans les pensions versées, à commencer par soumettre à cotisations les revenus financiers et dividendes distribués. En effet, ce n’est pas la crise pour tout le monde : en 2012, les 500 français les plus riches ont vu leur fortune croître de 25 %, et les dividendes atteignent aujourd’hui leur plus haut niveau historique.

Face à la crise, sacrifier les retraites n’est pas une solution. De véritables alternatives existent : une lutte sans merci permettrait d’en finir avec l’évasion fiscale des hauts revenus et des entreprises qui représente plus de 60 milliards d’euros de manque à gagner pour la collectivité. A plus long terme, des politiques monétaire et budgétaire alternatives, tournées vers les besoins de la société, permettraient de financer des plans publics d’investissement social et éco¬logique pour relancer l’emploi, avec réduction du temps de travail et augmentation des revenus… Mais cela suppose d’engager une véritable confrontation avec la finance !

Argument n°5 : « Il faut réformer les retraites pour améliorer la compétitivité des entreprises »

Pour le gouvernement, il n’y a qu’une issue à la crise : plus de croissance économique ! Et une seule solution pour stimuler cette croissance : une politique aux petits soins pour les (grandes) entreprises. Une politique de « compétitivité » qui a un coût pour la collectivité… La réforme des retraites en est un exemple.

Le système de retraites par répartition repose sur les cotisations des salariés et des employeurs. Or non seulement le gouvernement se refuse à toute augmentation significative des cotisations patronales, mais il en multiplie les exonérations (notamment via le « pacte de compétitivité ») quitte à creuser les déficits publics.

Dès lors, pour rééquilibrer les comptes, le gouvernement souhaite mettre à contribution les salariés et les retraités. C’est précisément le sens de l’allongement de la durée de cotisation, qui revient à diminuer les pensions, et de la hausse annoncée de la CSG. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fatalité, mais d’un choix idéologique.

Car les politiques de « compétitivité » montrent leur inefficacité : la lutte économique de tous contre tous revient à promouvoir une baisse des salaires, la dégradation des conditions du travail et des retraites, l’abandon des services publics, la main-mise du privé sur les biens communs, … qui contribuent à la régression et à l’aggravation des crises sociale, écologique et démocratique.

Argument n°6 : « La réforme des retraites sera le fruit de la consultation et du dialogue »

De « consultations » en « conférences sociales », le gouvernement ne cesse de communiquer sur son « dialogue » avec les partenaires sociaux. Tout porte à croire qu’il s’agit pourtant d’un dialogue de sourd : malgré l’opposition des organisations syndicales aux principales mesures du rapport Moreau, il continue de le considérer comme base de discussion pour la réforme des retraites. Comme le résume diplomatiquement un dirigeant syndical, « le gouvernement nous écoute beaucoup, je n’ai pas le sentiment pour autant que nous soyons entendus ».

Mais les retraites ne sont pas qu’une affaire de syndicats : c’est l’affaire de tous. Or la parodie de consultation des syndicats s’accompagne d’un calendrier qui court-circuite le nécessaire débat citoyen sur l’avenir de nos retraites. Présenté en septembre, le projet de loi devrait figurer à l’ordre du jour du Parlement dès l’automne pour un vote définitif souhaité en décembre 2013. Avec un calendrier plus expéditif que lors de la précédente réforme du gouvernement Fillon, cette adoption à la hussarde masque mal une volonté d’esquiver tout débat !

Conclusion : Contre la résignation, mobilisons-nous !

« Il n’y a pas d’alternative », c’est l’argument suprême pour provoquer la résignation. Mais à moins de vouloir paupériser les retraités, il est normal de couvrir les besoins sociaux liés au vieillissement de la population. La richesse produite par l’économie française n’a jamais été aussi élevée mais elle est de plus en plus mal répartie. Financer des retraites solidaires et égalitaires, notamment entre les femmes et les hommes, c’est possible… à condition de s’attaquer non aux retraités et futurs retraités, mais aux vraies causes de la crise – hégémonie de la finance et des banques, inégalités croissantes…

Pour ce faire, il faut partager le travail et partager les richesses. Ce n’est pas seulement une exigence de justice sociale, mais aussi une nécessité écologique. C’est une condition indispensable pour permettre de changer nos modes de vie, et faire primer la satisfaction des besoins essentiels et la préservation de la vie et des écosystèmes, et non l’illusion d’une production et d’un enrichissement sans fin.

Partager signifier tourner le dos à la logique néolibérale qui exige toujours plus de profit, de production, d’exploitation des ressources naturelles, de pollution. Il permettrait de construire une société fondée sur un autre rapport au travail, dans laquelle la course à l’accumulation et à la productivité céderait le pas à des modes de vie à la fois solidaires et écologiques.

Ce n’est pas une utopie ! C’est une condition nécessaire pour sortir de l’impasse, et une option à la portée d’un gouvernement doté d’une vraie volonté politique… ou placé sous une forte pression citoyenne.

La retraite par répartition n’est pas un fardeau, elle est une transmission solidaire de la prise en charge de chaque génération par les suivantes. Le fardeau, c’est le coût de la finance, de l’austérité et de la compétitivité, pas celui du travail, ni celui des retraites.

Nous ne pouvons accepter la paupérisation programmée des futurs retraité-es, la relégation des jeunes générations, l’idéologie absurde du « travailler toujours plus » et la destruction des solidarités sociales. Cet engrenage favorise l’extrême droite et menace la démocratie.

Quelle société voulons-nous ? Les pistes alternatives existent pour garantir une retraite de qualité, en bonne santé, sur la base d’une répartition juste des richesses, dans le cadre d’une société soutenable où il fait bon vivre : pour les promouvoir, les développer et les imposer, expérimentons, construisons et mobilisons-nous !

Attac France

Lexique :

Retraite par répartition : système collectif qui est financé par prélèvement de cotisations sur le travail des actifs, reversées immédiatement aux retraités sous forme de pensions. Il est foncièrement équilibré si les cotisations évoluent en fonction des besoins et de l’activité productive.

Retraite par capitalisation : système où l’épargne individuelle est placée sur les marchés financiers via des fonds de pension ou des compagnies d’assurance. Mais, contrairement à une légende tenace, ce système dépend tout autant que le précédent de l’activité économique courante au moment du versement des pensions. Il n’est donc pas susceptible par nature de faire face au vieillissement de la population. Au contraire, il est plus risqué et il est plus coûteux.

Conseil d’orientation des retraites : organisme d’État chargé d’élaborer des rapports techniques pour préparer les décisions des gouvernements (http://www.cor-retraites.fr). En 2013, ceux-ci ont été complétés par le rapport de la commission présidée par Mme Yannick Moreau chargé de faire des recommandations (http://www.gouvernement.fr/presse/r...).

Rapport Moreau : Le rapport remis en juin 2013 par Yannick Moreau va servir de base de discussion pour projet de loi que le gouvernement présentera dès septembre au Parlement. Il reprend à son compte les recommandations de la Commission européenne qui demandait en mai 2013 de "prendre des mesures d’ici à la fin de l’année 2013 pour équilibrer durablement le système de retraite en 2020 au plus tard, par exemple en adaptant les règles d’indexation, en augmentant encore l’âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation pour bénéficier d’une retraite à taux plein et en réexaminant les régimes spéciaux, tout en évitant une augmentation des cotisations sociales patronales".

Pacte de compétitivité : le pacte de compétitivité est un ensemble de mesure mises en oeuvre par le gouvernement Ayrault inspiré par les mesures préconisées par le rapport Gallois. Selon celui-ci, la France souffrirait d’un déficit de compétitivité dû, entre autres, à un coût du travail trop élevé. Il s’agit dès lors de trouver les moyens de réduire les "charges" qui "pèsent" sur les entreprises : salaires, cotisations sociales, droit du travail... Ces mesures constituent un ralliement du gouvernement aux dogmes néolibéraux selon lesquels la puissance publique doit prendre toutes les mesures pour renforcer le secteur privé... au détriment du public.

A lire

    Attac et Fondation Copernic, Retraites, l’alternative cachée, Paris Syllepse, 2013
    Attac et Fondation Copernic, Retraites : l’heure de vérité, Paris, Syllepse, 2010
    Attac et Fondation Copernic, En finir avec la compétitivité, Paris Syllepse, 2012
    Laurent Cordonnier, « Coût du capital, la question qui change tout », Le Monde diplomatique, Juillet 2013.
    COR, « Retraites : perspectives 2020, 2040 et 2060 », Onzième rapport, 19 décembre 2012, http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf....
    COR, « Retraites : un état des lieux du système français », Douzième rapport, janvier 2013, http://www.cor-retraites.fr/IMG/pdf....
    Yannick Moreau, « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », 14 juin 2013, http://www.gouvernement.fr/presse/r...

 

 

 

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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 16:33

 

 

Marianne

 

 Lundi 2 Septembre 2013 à 05:00

Par Henri Sterdyniak*

 

 

Manifestations contre la réforme des retraites, Lyon - FAYOLLE PASCAL/SIPA
Manifestations contre la réforme des retraites, Lyon - FAYOLLE PASCAL/SIPA
Sous la pression des marchés financiers et des institutions européennes, le gouvernement présente une nouvelle réforme des retraites, trois ans après celle de 2010. Pourtant, la question des retraites ne devrait pas être aujourd’hui la priorité de la politique économique française : retrouver une croissance satisfaisante, réorienter la stratégie macroéconomique de la zone euro, donner une nouvelle impulsion à la politique industrielle française dans le cadre de la transition écologique sont autrement plus urgents. Ce n’est ni le moment de réduire le pouvoir d’achat des ménages (actifs ou retraités), ni celui d’imposer aux séniors de rester sur le marché du travail.

Ce sont surtout les retraités qui seront mis à contribution. En raison de l’accord AGIRC-ARRCO de mars 2013, les retraites des régimes complémentaires devaient déjà perdre 2,5 à 2,8% de pouvoir d’achat. S’y ajoutait la hausse des cotisations pour la dépendance (0,3%) en avril ; puis, maintenant, le report d’avril à octobre de l’indexation des retraites (une perte de 0,9% de pouvoir d’achat en moyenne annuelle). Enfin, une fois de plus, les parents de familles nombreuses sont frappés : leurs majorations de retraite, qui récompense leur contribution au renouvellement des générations et donc au financement des retraites, deviennent imposables. Au total, les retraités perdent 2,3% de pouvoir d’achat contre 0,3% pour les actifs.

Est-il juste que la perte de pouvoir d’achat frappe surtout les salariés du privé ? L’Etat laisse les partenaires sociaux, gestionnaires des régimes complémentaires, se débrouiller seuls. Il leur reste encore 4 milliards à trouver d’ici 2020, ce qu’ils risquent de faire au détriment des retraités, tandis que l’Etat promet d’équilibrer les régimes publics (sans dire comment il trouvera les 8 milliards manquant).

Les entreprises voient leurs cotisations augmenter de 2,2 milliards. Mais, le gouvernement s’est empressé de les rassurer. Elles bénéficieront d’une baisse des cotisations familles qui compensera cette augmentation. Une fois de plus, le gouvernement se couche dès que le patronat hausse la voix. Où trouvera-t-il les 2,2 milliards qui manqueront ainsi à la branche famille ? Que ce soit par la CSG ou par la baisse des dépenses publiques ou sociales, ce sont les ménages qui risquent de payer.

Etait-il vraiment nécessaire d’annoncer immédiatement une hausse de la durée de cotisation requise dans 12 ans, sans savoir quels seront, en 2025, la situation du marché du travail, les besoins d’emplois, les désirs sociaux, les contraintes écologiques ? Cette annonce risque de désespérer les jeunes qui peuvent penser qu’ils n’auront jamais droit à une retraite. Les jeunes commencent aujourd’hui à valider des trimestres à 22 ans et peuvent faire le calcul : 22+43=65 ans. Les années manquantes sont fortement pénalisées actuellement : 2 ans de moins de cotisation font perdre 14,3% de pension. Aussi, faut-il rappeler que le système de retraite est réformable en permanence et que l’allongement de la durée requise de carrière pourra ne pas avoir lieu, s’il aboutit à une baisse trop importante des pensions.

Le point positif de la réforme est la mise en place d’un compte individuel de pénibilité. Un salarié ayant effectué 25 années de travaux pénibles aura ainsi le droit à six mois de formation et 2 années de retraite précoce. Ceci obligera les entreprises à distinguer et à enregistrer les travaux pénibles ; ceux-ci donneront lieu à une cotisation supplémentaire ; les entreprises seront donc incitées à réduire le nombre de postes de travaux pénibles. Mais la réforme, valable pour l’avenir, fait l’impasse sur les périodes de travaux pénibles des salariés qui arriveront à l’âge de la retraite dans les années à venir. Elle ne jouera à plein que dans 25 ans.

La réforme n’a pas été vraiment négociée avec les syndicats ; elle ne favorise pas la convergence des régimes et un pilotage commun. L’équilibre financier n’est assuré que sous deux hypothèses : une croissance vigoureuse, ramenant rapidement à un taux de chômage de l’ordre de 5%, peu compatible avec les politiques économiques actuellement mises en œuvre en Europe ; une baisse du niveau relatif des retraites de 2020 à 2040 (qui n’auraient aucun gain de pouvoir d’achat alors que celui des salaires augmenteraient de 1,5% par an).

Il est dommage que le gouvernement n’est pas proposé une réforme s’attaquant plus vite aux inégalités (en augmentant immédiatement la retraite des mères, alors que la hausse est reportée après 2020 ; en permettant aux ouvriers de reconstituer leurs périodes de travaux pénibles ; en évitant la perte de pouvoir d’achat des retraites complémentaires). Dommage qu’il ne donne pas clairement des objectifs pour le niveau futur des retraites (du genre 75% du salaire net pour le salarié moyen), qu’il ne dise pas clairement que l’allongement de la durée de cotisations dépendra de la situation du marché du travail et des besoins en emplois, que le système sera équilibré, si nécessaire, par hausse des cotisations.

 

Quelles sont les alternatives ?
Les économistes atterrés organisent une conférence-débat sur la réforme des retraites,
Mercredi 4 septembre 2013, de 20h à 23h, au FIAP, 30 rue Cabanis, 75014 Paris, M° Glacière.
Une table ronde réunira : Pierre-Yves CHANU, CGT, membre du Conseil d’orientation des retraites ; Christiane MARTY, fondation Copernic, membre du conseil scientifique d’ATTAC ; Jean-Marie HARRIBEY et Henri STERDYNIAK, économistes atterrés.

 

Henri Sterdyniak*, Membre des Economistes Atterrés

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2 septembre 2013 1 02 /09 /septembre /2013 14:59

 

Rue89

 

Dans la lettre 31/08/2013 à 15h07
Mathieu Deslandes | Rédacteur en chef adjoint Rue89

 

 


Josef Ackermann à Francfort, le 31 mai 2012 (Michael Probst/AP/SIPA)

 

Josef Ackermann, 65 ans, est l’un des banquiers les plus célèbres d’Europe. L’un des plus controversés, aussi.

Ancien patron de la Deutsche Bank, il était depuis l’an dernier président du Zurich Insurance Group (ZIG). Il a démissionné jeudi.

Une décision qui fait suite au suicide, trois jours plus tôt, du directeur financier du groupe d’assurances suisse.

Avant de se donner la mort, cet homme, Pierre Wauthier, un Franco-Britannique de 53 ans, a rédigé une lettre. Le ZIG a admis que le nom de Josef Ackermann y est mentionné.

Des « pressions démesurées » ?

Dans le communiqué par lequel Ackermann annonce sa démission, motivée par sa volonté de « ne pas porter atteinte à la réputation de Zurich », il écrit :

« La mort inattendue de Pierre Wauthier m’a profondément bouleversé. J’ai des raisons de croire que sa famille considère que je dois prendre ma part de responsabilité, en dépit du caractère totalement injustifié que peuvent avoir de telles allégations. »

Vendredi, le successeur par intérim de Josef Ackermann a indiqué que le conseil d’administration du ZIG essayait de vérifier si des « pressions démesurées » avaient pu être exercées sur le directeur financier.

C’est tourné de façon très diplomatique.

En Suisse, il reste considéré comme un enfant du pays qui a réussi à l’étranger, comme le rappelle le New York Times, il est vu comme l’homme qui est devenu le banquier le plus puissant d’Allemagne (au point d’être invité par Angela Merkel à fêter son anniversaire à la Chancellerie !).

La presse allemande retient davantage son arrogance et ses méthodes de management très musclées. Un style qui a fait l’objet de critiques récurrentes quand il était à la tête de la Deutsche Bank.

Le Süddeutsche Zeitung l’avait même décrit comme « un des patrons les plus détestés d’Allemagne ».

 

 

 

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30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 21:23

 

 

 

Publié le 30-08-2013 à 08h20 - Mis à jour à 18h59

Un "réseau mafieux belge" rachetait des chevaux de selle à des centres équestres ou des particuliers pour les faire abattre.

 

 

Un nouveau scandale sanitaire impliquerait de la viande de chevaux de selle (ALAN CROWHURST / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP)

Un nouveau scandale sanitaire impliquerait de la viande de chevaux de selle (ALAN CROWHURST / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP)

 


 

Une enquête a été ouverte après la découverte d'un trafic de chevaux de selle écoulés frauduleusement dans l'alimentation humaine dans l'est de la France, a-t-on appris jeudi 29 août de sources concordantes.

Ce nouveau scandale alimentaire qui concernerait 3.000 chevaux, selon le parquet de Marseille.

Un "réseau mafieux belge" serait parvenu "à contourner frauduleusement notre réglementation sanitaire" en rachetant à des centres équestres ou des particuliers des chevaux de selle pour les faire abattre après avoir soigneusement falsifié leurs carnets de santé, rapportent de concert la Coordination rurale (syndicat agricole minoritaire) et la Fédération nationale des éleveurs professionnels d'équidés (FNEPE).

Des maquignons complices promettaient aux propriétaires concernés une "retraite paisible" à leurs montures - qui finissaient en réalité à l'abattoir. Les animaux partaient alors en Belgique où leurs carnets de santé étaient falsifiés, puis ils revenaient en France pour y être abattus.

Traitement médicamenteux

Leur viande était bien vendue comme viande de cheval mais le problème est que "les trois quarts des chevaux de selle ont reçu un traitement médicamenteux qui les rend impropres à la consommation humaine", rappelle à l'AFP Jacques Largeron, président de la FNEPE.

Selon l'éleveur, le trafic aurait été découvert dans l'abattoir d'Alès (Gard). Des abattoirs à Pézenas (Hérault) et Valenciennes (Nord) seraient également concernés.

"La filière de production de viande de cheval n'est pas touchée par ce trafic", tient aussi à préciser Jacques Largeron. Le ministère de l'Agriculture confirme qu'une enquête est en cours, sans pouvoir préciser à ce stade où elle a été ouverte.

Aucun détail sur l'ampleur de ce trafic n'a pu être non plus précisé pour l'instant. Le parquet de Charleville-Mézières n'a pu corroborer l'existence d'un trafic de viande de cheval, mais a confirmé qu'une enquête avait été ouverte visant une personne localisée dans les Ardennes, après le dépôt d'une plainte.

Celle-ci avait été déposée par le centre équestre de Rethel (Ardennes), a indiqué à l'AFP son avocat, Me David Boscariol.

Le fichier d'identification unique non mis en place

Selon lui, un maquignon domicilié dans les Ardennes s'était présenté au printemps dernier au centre qui avait posté une annonce pour placer deux chevaux en retraite.

L'homme aurait indiqué que les chevaux serviraient à encadrer des poulains dans un haras, mais le centre équestre a découvert que les chevaux avaient été revendus à un abattoir, a affirmé Me Boscariol.

Le ministère souhaite par ailleurs rappeler qu'au moment du scandale de la viande de cheval, la Commission européenne s'était engagée à mettre en place un fichier d'identification unique et centralisé des équidés dans l'Union européenne. Ce fichier n'est toutefois toujours pas mis en place, a-t-il précisé.

L'hiver dernier, des courtiers et entrepreneurs peu scrupuleux avaient vendu de la viande de cheval (moins chère) en la présentant comme du boeuf. Cette viande avait atterri dans des plats préparés, notamment des lasagnes, censés contenir uniquement de la viande bovine.

 

 

 

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30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 18:57

 

 

Médiapart

Le pétrole, un acteur politique en pleine crise

|  Par Jade Lindgaard

 

 

Le pétrole est aussi un acteur politique majeur qui a façonné notre démocratie occidentale. L’abondance de cette énergie a forgé l’idée de croissance éternelle, et accordé un rôle crucial à l’économie. Telle est la thèse provocatrice du chercheur américain Timothy Mitchell dont le livre Carbon democracy paraît en France. Entretien exclusif pour Mediapart.

Le dioxyde de carbone, cet acteur politique inconnu. Alors que l’on s’apprête cet automne à reparler de CO2 et de changement climatique à l’occasion du nouveau rapport du Giec, paraît en France un livre majeur qui raconte l’histoire politique et économique du XXe siècle à partir des énergies fossiles.

Dans Carbon democracy, L’historien, politiste et anthropologue Timothy Mitchell, titulaire de la chaire d’études du Moyen-Orient à Columbia University, fait du pétrole un acteur politique majeur qui a façonné notre démocratie occidentale et notre conception du rôle de l’économie.

Une précédente version, très abrégée, de ce livre était parue en 2011 aux éditions è®e sous le titre Petrocratia (voir ici notre recension). Mediapart a rencontré l’auteur à New York. Dans l’entretien exclusif qu’il nous a accordé, il expose les principaux arguments de son livre et s’attache aussi à analyser le rôle des énergies fossiles dans la crise financière de 2008, ainsi que dans les printemps arabes.

 

 

Dans votre livre, vous vous inscrivez contre l’idée d’une dématérialisation de l’économie. Pour vous, nous vivons sous un régime de pouvoir particulier que vous appelez la « démocratie carbone ». Comment le définissez-vous ?

Timothy Mitchell.- J’utilise cette expression avec des sens différents car j’essaie de relier entre elles diverses choses : l’énergie et plusieurs aspects de notre vie collective, l’énergie et des formes de démocratie, l’énergie et l’économie et son histoire, l’énergie et la guerre, en particulier au Moyen-Orient. J’essaie de suivre la trace de liens qui s’entrecroisent et s’ajoutent les uns aux autres. Plutôt que d’affirmer que la démocratie, « c’est cela… ».

Avec ce titre, je voulais réunir des notions qui habituellement restent à part. Elles sont même souvent opposées et considérées comme contradictoires. D’un côté, il y aurait le pétrole, et de l’autre, la démocratie. Et l’un est censé être mauvais pour l’autre. En les réunissant dans une même expression, je voulais dévoiler des éléments inhabituels concernant l’histoire du pétrole et la nature de la démocratie dans laquelle nous vivons.  

Vous estimez significative cette perception – paradoxale – de la dématérialisation de l’économie ?

Oui. C’est très intéressant. D’une certaine manière, on pourrait décrire mon livre comme une histoire de la délocalisation industrielle. Une part de cette économie dématérialisée, dans les dernières décennies, est la conséquence de la délocalisation des emplois industriels dans de nombreux pays occidentaux, notamment des États-Unis vers le Mexique, la Chine ou L’Inde. L’apparente dématérialisation de la vie économique provient de la relocalisation de l’industrie là où le droit du travail est moins protégé. Ce n'est donc pas que l’on est moins dépendant des biens manufacturés, ou que notre économie est moins tournée vers les processus de fabrication. Mais qu’elle s’étire sur des distances beaucoup plus importantes.

D’une certaine façon, l’histoire de l’énergie en a été la première manifestation dès les années 1970. L’énergie a été le premier objet de délocalisation. Parce que l’essor du pétrole était l’essor d’une énergie si facile à transporter que, pour la première fois de l’Histoire, vous pouviez faire venir votre énergie de très loin, sans avoir à en payer le prix en terme de contestation politique, par exemple.  

 

Puits pétroliers, Summerland, Californie vers 1915 (Wikicommons). 
Puits pétroliers, Summerland, Californie vers 1915 (Wikicommons).

Dans ce contexte, la « démocratie carbone » est-elle constituée par l’interaction entre la richesse venue du pétrole, la démocratie représentative et le modèle social de l’État-providence développé après la Seconde Guerre mondiale ?

On peut partir de l’histoire du charbon. L’essor d’une forme de démocratie de masse, en Europe du Nord et dans d’autres parties du monde, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, a été rendu possible par le charbon. Pas seulement grâce à l’industrialisation qu’a permis le charbon, avec la naissance des grandes villes, mais aussi parce que la dépendance à très grande échelle à une seule source d’énergie, a donné aux travailleurs syndiqués le pouvoir de bloquer toute une économie. Un pouvoir qu’ils n’avaient jamais eu jusqu’alors. Cela crée une situation politique particulière, qui n’était pas le produit d’idées ou de croyances, mais la capacité opérationnelle d’exercer un pouvoir de blocage. Les oligarques se retrouvaient obligés d’écouter ce que leur disaient de vastes masses de personnes.

Pourquoi cela a-t-il changé avec le pétrole ? L’une des différences est précisément ce mouvement de délocalisation de la production de l’énergie, qui a un effet de « dé-démocratisation ». Mais dans la transition d’une économie au charbon vers une économie du pétrole, la pensée économique s’est aussi transformée et a été amenée à un jouer un rôle de plus en plus central dans les expériences démocratiques. Du coup, le livre commence avec le charbon, puis étudie l’histoire du pétrole et enfin, celle de la politique économique.

Car si vous regardez les accords de Bretton Woods en 1944, les dirigeants politiques qui les signent sont les mêmes qui créent les Nations unies et participent à des conférences internationales sur le pétrole. Ils comprennent très bien que le contrôle de la finance internationale entraîne forcément des mouvements de marchandises. La plus grosse de ces marchandises est le pétrole. En 1945, nombreux étaient ceux qui pensaient que les systèmes financiers avaient détruit la démocratie dans les années 30, et que donc, si l’on voulait bâtir de nouvelles formes de démocratie après 1945, il fallait un nouvel ordre financier. Pour cela, il fallait prendre en compte les mouvements des marchandises énergétiques.

Le pétrole, laboratoire de la financiarisation de l'économie

 

Affiche pour le plan Marshall, Berlin Ouest, 1949 (Wikicommons). 
Affiche pour le plan Marshall, Berlin Ouest, 1949 (Wikicommons).

 

Cette « démocratie carbone » qui s’ébauche au sortir de la Seconde Guerre mondiale, n’est pas si démocratique telle que vous la décrivez, puisqu’elle semble servir avant tout les intérêts des grands industriels.

C’est probablement plus clair aux États-Unis, où les propriétaires des grosses compagnies ont cherché à détruire le « New Deal ». Dans la crise qui a suivi l’effondrement du système financier en 1929, ils avaient dû faire des concessions aux organisations syndicales, ce qui a permis l’introductions des politiques de l’État-providence … Après la guerre, ils ont voulu affaiblir ces forces, et exporter ce modèle à l’Europe occidentale. C’est l’histoire du plan Marshall, qui est habituellement présenté comme motivé par la peur de la Russie et du communisme, mais qui vient surtout d’une peur de la gauche, une gauche déjà au pouvoir en Europe de l’Ouest.

Votre thèse est provocatrice car la période qui commence dans les années 50 est entrée dans l’histoire comme étant celle des « Trente glorieuses », marquée par la prospérité et l’amélioration du sort des classes populaires.

Je crois que c’est vrai, en partie, en comparant avec ce qui va suivre. Il y a eu des progrès significatifs de niveau de vie pour une grande partie de la population, et certainement pour les professions syndiquées aux États-Unis et en Europe de l’Ouest. C’est à la fois une période de croissance et de prix de l’énergie incroyablement bas. Mais c’est justement ça le « deal ».

En 1945, les États-Unis connaissent leur plus grande période d’agitation et de grèves. Les industriels sont obligés d’accepter le droit de se syndiquer et les négociations collectives. La contrepartie, c’est que le seul sujet de ces négociations est le salaire, et pas la propriété du capital des industries. Cela va durer quelques décennies, jusqu’à la fin des années 60, quand les luttes sociales reprennent. Ce moment est souvent décrit en terme de « crises », comme par exemple « la crise pétrolière de 1973 ». Mais je pense qu’il faudrait interroger cette idée. Car nos dirigeants ont utilisé cette idée pour réorganiser les choses à leur convenance.

 

Annonce d'un plan de rationnement de l'essence aux États-Unis, janvier 1974 (Wikicommons) 
Annonce d'un plan de rationnement de l'essence aux États-Unis, janvier 1974 (Wikicommons)


Vous pensez qu’il n’y a pas eu de crise pétrolière en 1973 ?

Au centre de ce que l’on appelle la crise de 73/74, qui en fait est un peu plus longue car elle commence à partir de 68, on trouve la finance et le pétrole. Le système de Bretton Woods s’effondre, en tant qu’il essayait d’organiser les valeurs des monnaies nationales en les reliant toutes au dollar, dont la valeur était adossée à l’or. Cela avait été rendu possible après la guerre par le fait que les États-Unis possédaient la plupart des réserves d’or du monde.

Ce système est sous pression pour diverses raisons et, notamment, la pression sur l’offre de pétrole. Les pays pétroliers du Moyen-Orient, qui sont devenus de très gros producteurs après la seconde guerre mondiale, veulent taxer beaucoup plus fortement les recettes des compagnies pétrolières. Une interprétation prétend qu’ils ont voulu augmenter le prix. Mais ce n’est pas cela qui s’est passé : ils voulaient augmenter le taux d’imposition du pétrole. Cette hausse était très importante, dans le but de rediriger les profits faramineux que faisaient les compagnies pétrolières. Cela eut bien sûr un effet sur les prix jusque là relativement bas de l’énergie en occident.

Ces problèmes se manifestent en même temps qu’éclatent de nouveaux conflits dans le monde du travail : le bon deal que les syndicats ont obtenu après guerre est remis en question par d’autres groupes à partir des révoltes de 1968, qui marquent l’émergence de nouveaux acteurs politiques : les étudiants, les femmes, les minorités raciales aux États-Unis, tous ceux qui ne profitaient pas du bon deal entre les syndicats et les propriétaires des principales industries. Tout cela joue.
Si bien que pour moi, la description de cette période en tant que « crise énergétique » plus ou moins liée à une crise monétaire, occulte la perspective sociale. En mettant tout sur le dos de l’énergie, vous passez à côté des enjeux posés par certaines des luttes de ce moment.

Comment analysez-vous la crise financière actuelle, qui semble découplée du pétrole dont la production et la consommation se portent plutôt bien ?

Je ne suis pas tout à fait d’accord. Je ne dis pas que tout est de la faute du pétrole, d’autres facteurs interviennent à l’évidence depuis l’éclatement de la crise de 2008, à commencer par la financiarisation de l’économie aux États-Unis, avec la suppression des contrôles sur la spéculation et le crédit. Mais le pétrole a été un laboratoire de l’effacement de ces contrôles. À partir des années 70, apparaît un trading de plus en plus spéculatif sur les matières premières, et en particulier sur le pétrole.

Parmi les causes plus immédiates de la crise de 2008, le pétrole joue un rôle central. En 2004/2005, le prix du pétrole commence à augmenter. Depuis 2005, la production de pétrole stagne. On parle de « plateau » pétrolier. L’autre événement sur cette période c’est que de gros pays producteurs se mettent à consommer de plus en plus de pétrole, ce qui réduit les stocks disponibles pour l’exportation. L’Arabie Saoudite réussit à maintenir à peu près ses niveaux de production, mais ses exportations stagnent voire déclinent. Tandis que la demande de l’Inde et de la Chine ne cesse de croître. Tout cela concourt à faire beaucoup progresser le cours du pétrole. Ce qui déstabilise le marché de l’immobilier : les gens ne peuvent plus rembourser leurs énormes dettes.  
Mais avec la récession, la demande mondiale de pétrole retombe, et le prix chute. Le prix du pétrole suit de drôles de courbes.

Le pétrole reste invisible"

 

Manifestation contre le projet d'oléoduc Keystone XL, aux Etats-Unis, 7 octobre 2011 (Wikicommons).Manifestation contre le projet d'oléoduc Keystone XL, aux Etats-Unis, 7 octobre 2011 (Wikicommons).

Malgré son omniprésence dans les économies industrialisées, le pétrole est curieusement invisible. En France, il est toujours oublié des débats sur le modèle énergétique, occulté par la question nucléaire, alors qu’il représente de loin notre première dépense énergétique. Comment l’expliquez-vous ?

Quand les systèmes énergétiques étaient surtout basés sur le charbon, beaucoup de travailleurs  y contribuaient : les mineurs, les cheminots qui le transportaient, les dockers… La différence avec le pétrole, c’est qu’il est liquide. Il peut être pompé, donc plus besoin d’envoyer des gens l’extraire sous la terre, il peut être transporté par oléoduc et il est facile à stocker. Il reste invisible jusqu’au stade de la pompe à essence qui déverse du carburant dans votre voiture. C’est le seul moment de contact avec le pétrole, et encore il faut en renverser un peu à côté pour vraiment voir à quoi il ressemble.

L’une des caractéristiques du pétrole au XXe siècle, à la différence du XXIe,  c’est la perception qu’il y en a toujours eu trop. Il sortait du sol beaucoup trop facilement, et les compagnies pétrolières risquaient toujours la faillite. Elles ont donc tout fait pour le rendre rare. D’abord en jouant sur l’offre, en créant des monopoles sur la production. Mais aussi sur la consommation, en créant de nouveaux usages de leur produit. Ainsi elles collaborent depuis le début avec les fabricants automobiles, pour « fabriquer » des modes de vie : toutes les cartes que les gens utilisent pour se repérer en voiture sont produites par les compagnies pétrolières aux États-Unis.

C’est un peu le même type de discussion qui naît aujourd’hui autour du rôle d’Apple : incroyable entreprise qui ne fabrique pas ses propres produits mais ses consommateurs. Ses produits, ce sont les modes de vie. En fait, les compagnies pétrolières le font depuis les années 30 ! Les pétroliers ont travaillé très dur à construire un monde où les consommateurs profitent de l’énergie sans même s’en rendre compte.

Cette invisibilité sociale s’est brusquement rompue avec la marée noire provoquée par la plateforme de forage de BP, Deepwater Horizon, dans le golfe de la Floride en 2010. Barack Obama évoque alors un « 11 Septembre de l’environnement et de l’énergie ». Mais quelques années plus tard, les effets de cette catastrophe semblent minces sur la société américaine.

Oui et non. Cela n’a pas causé les transformations majeures que certains craignaient ou espéraient. Mais cette marée noire participe à un schéma général qui veut que les questions environnementales sont plus importantes qu’elles ne l’étaient aux États-Unis il y a quelques décennies. Et c’est lié à ces problèmes d’offre de pétrole et « peak oil ». Comme il est de plus en plus difficile de trouver du pétrole facile d’accès, les technologies d’extraction deviennent de plus en plus extrêmes : offshore, sables bitumineux, huiles de schiste…

Avec la fracturation hydraulique, l’industrie pétrolière revient à l’âge minier d’une certaine façon. Sauf que cette fois-ci, vous n’avez plus besoin d’envoyer des humains sous la terre. Vous avez ces petits dispositifs explosifs à votre disposition. Si la seule façon d’extraire le gaz naturel et le pétrole est de provoquer toutes ces explosions sous la terre, vous contaminez les réserves d’eau, vous provoquez des tremblements de terre, détruisez des régions rurales à coup de passages incessants de camions… C’est un processus incroyablement destructeur. La production de pétrole conventionnel a été destructive, mais la plupart du temps, sur des terres isolées. Là, les forages se rapprochent des lieux de vie !

Les restes en feu de la plateforme Deep Water Horizon, 20 avril 2011 (Wikicommons). 
Les restes en feu de la plateforme Deep Water Horizon, 20 avril 2011 (Wikicommons).

L’ère de la « démocratie carbone » que vous décrivez touche-t-elle à sa fin, ou peut-elle se réinventer avec le solaire et l’éolien ? Il est très frappant de voir qu’en France, les grands acteurs des renouvelables sont les géants des énergies « anciennes », électricité, gaz et pétrole.

C’est très intéressant car il existe des antécédents dans l’histoire de l’industrie pétrolière. Rockerfeller et Standard Oil ont acheté des champs de charbon depuis le début du XXe siècle, et dans les années 60, les compagnies pétrolières rachètent les industries nucléaires aux États-Unis, plus précisément les producteurs d’uranium. À l’époque, on pensait que le nucléaire serait une énergie éternellement abondante et sans coût. L’enjeu pour les pétroliers était de la garder suffisamment chère pour qu’elle ne déstabilise pas le marché du pétrole.

C’est un peu la même histoire aujourd’hui, sauf qu’ils ont un gros problème : ils ne trouvent plus suffisamment de nouveau pétrole. Donc ils doivent vraiment trouver des alternatives, qu’il s’agisse de pétrole non conventionnel, ou de renouvelables. C’est déterminant pour leur valorisation boursière. Wall street évalue ces entreprises en fonction de leur capacité à renouveler leurs stocks d’énergie. Donc elles achètent des réserves de pétrole, même si elles ne sont pas vraiment exploitables, quitte à les forer un peu.

 

Champs pétrolifères en Egypte (Energean oil & gas) 
Champs pétrolifères en Egypte (Energean oil & gas)

Comment analysez-vous le rôle du pétrole dans les printemps arabes ?

Si vous dessinez la carte du pétrole au Moyen-Orient, et que vous colorez les pays en fonction de la quantité de pétrole qu’ils produisent, vous pourriez avoir trois catégories: ceux qui ne produisent presque pas de pétrole (Israël, Palestine, Jordanie, Liban, Maroc) ; une autre pour les gros producteurs (Iran, Irak, Arabie Saoudite, les autres pays du golfe). Et il y a les pays intermédiaires : ils produisent un peu de pétrole, en exportent un peu, et depuis 4 ou 5 ans, leurs réserves déclinent. Ce groupe là, c’est la périmètre du printemps arabe : la Tunisie, l’Égypte, la Syrie, le Yemen, Bahrein – la Libye est un peu entre les deux.

Cela ne suggère pas que les révolutions ont été possibles grâce au pétrole, mais qu’elles sont liées au déclin des recettes pétrolières, couplé avec l’énorme hausse des prix de l’alimentation, elle-même liée à la crise financière de 2008. À cause de la raréfaction du pétrole, ces pays ont dû expérimenter des politiques économiques, ce qui a ouvert des espaces aux oppositions politiques. On le voit en Égypte, où une forme de libéralisation de l’économie a rendu le régime vulnérable aux mobilisations sur le travail, pas ce qu’on a vu sur la place Tahrir, mais ailleurs dans le pays, les mobilisations massives de salariés de l’industrie textile, de fonctionnaires…
Donc il existe bien un lien avec le pétrole.

Dans la mesure où les réserves pétrolières continuent de s’épuiser, des perspectives s’ouvrent pour des formes de politique plus démocratique. Il y a 100 ans, on a institué la démocratie par le biais des réformes agraires. Aujourd’hui, comment démocratiser ce flux des rentes du Canal de Suez pour l’Égypte, ou du tourisme ? Cela ne se résume pas à l’élection d’un parlement. Les nationalisations peuvent être une solution. Mais le vrai enjeu ce sont les  droits des travailleurs, et le droit aux syndicats, la bataille est là.

 

Carbon Democracy. Le pouvoir politique à l'ère du pétrole.
Editions La Découverte, 280 pages, 24,50 euros.

 


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30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 18:46

 

 

Médiapart

Continental: une amère victoire pour les salariés

|  Par Rachida El Azzouzi

 

 

 

Le conseil des prud'hommes de Compiègne a invalidé ce vendredi le licenciement de près de 700 anciens salariés de l'usine Continental de Clairoix (Oise). C'est une décision majeure, qui sonne comme un avertissement pour le patronat comme pour le gouvernement qui a mis en place les accords sur l'emploi.

En invalidant ce vendredi 30 août le licenciement de 678 anciens salariés de l'usine Continental de Clairoix dans l’Oise, pour défaut de motif économique, et en ouvrant ainsi la voie aux indemnisations des personnes licenciées, le juge départiteur du conseil des prud'hommes de Compiègne a rendu un jugement majeur (que vous pouvez lire ici ) sur le plan des luttes sociales à l’heure où celles-ci ont tant de mal à exister.

Certes, cette victoire judiciaire, accueillie dans les larmes plus que dans la joie après des mois de bataille sur tous les fronts, a un goût amer pour les Contis, car l’argent (de 18 000 à 100 000 euros d'indemnités, soit entre deux et quatre ans de salaire selon les cas) ne leur rendra pas leur emploi, ne réparera pas le désastre humain et social qu’ils endurent depuis la fermeture de leur usine en 2009. En cas d'appel du groupe Continental, par ailleurs, ces versements seront suspendus dans l'attente d'une nouvelle décision.

 

 
© reuters

Comme le rappelle Xavier Mathieu, le leader CGT de ce conflit social qui a tant défrayé la chronique sous le quinquennat Sarkozy, Continental-Clairoix, « c’est d’abord un sacré paquet de cadavres » et une tout autre réalité des plans de reclassement. En tout, sur les 1 120 personnes concernées par la fermeture, seules 300 ont trouvé un CDI et quelques-unes ont réussi leur reconversion, quand la plupart se sont cassées les dents au bout d'un an à gérer un tabac ou un salon de coiffure. Six cents sont encore inscrites à Pôle Emploi, plus d’une centaine ont divorcé, des dizaines ont plongé dans la dépression, l’alcoolisme, etc. dans une région, la Picardie, sinistrée économiquement et socialement.

Mais il n’empêche que cette décision de justice, dans la suite logique de celle rendue en février dernier par le tribunal administratif d'Amiens, qui a contesté le motif économique du licenciement de 22 salariés protégés, fera date. Car elle constitue un camouflet cinglant pour l’équipementier automobile Continental et sa maison-mère allemande, reconnue comme co-employeur et donc comme responsable des licenciements.

Non seulement les prud’hommes de Compiègne jugent que le site de Clairoix n’aurait jamais dû fermer en mars 2009, qu’il n’y avait aucune cause réelle et sérieuse économiquement pour laisser sur le carreau un millier d’employés mais il livre une analyse très exigeante de la notion de sauvegarde de la compétitivité en estimant que Continental n’a pas respecté l’accord de 2007 sur le temps de travail.

Cet accord de compétitivité avant l’heure, qui prévoyait un retour aux 40 heures hebdomadaires contre la garantie d’un maintien de l'emploi dans le site jusqu'en 2012, a volé en éclats en mars 2009 lorsque le groupe a annoncé la fermeture de l’usine, la présentant comme inéluctable du fait de la crise historique qui a frappé dès 2008 la filière automobile et qui a entraîné une surcapacité de production de pneus.

Pour l’avocate Marie-Laure Dufresne-Castets, qui défend 540 Contis, « cette décision courageuse sonne même aujourd’hui comme un avertissement aux partenaires sociaux et au gouvernement », à l’heure où le Code du travail a été entièrement revu avec l'ANI. Signé en janvier, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur l'emploi, désormais transcrit dans la loi, limite notamment les possibilités de recours contre les plans sociaux et généralise les accords de maintien dans l’emploi, ces fameux accords de compétitivité, au cœur du dossier Continental, que François Hollande a fait.

« Alors qu’en matière de lutte dans les entreprises, nous sommes dans une phase de régression pour les salariés, ici, un juge vient désavouer les partenaires sociaux et le gouvernement qui ont consacré dans le Code du travail une pratique qui ne fait pas ses preuves, celle des accords donnant-donnant dits de maintien dans l’emploi. Les Conti y ont cru, ils ont fait des sacrifices, accepté de revenir aux 40 heures, mais leur employeur n’a pas respecté le contrat », conclut l’avocate.

Le groupe allemand, lui, étudie très sérieusement la possibilité de faire appel, estimant ces décisions « juridiquement infondées » et « incompréhensibles, notamment parce que le plan de sauvegarde de l'emploi de Clairoix est l'un des plus généreux de ces dernières années en France », écrit-il dans un communiqué.

 

 

 

 

 

 

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30 août 2013 5 30 /08 /août /2013 18:30

 

Médiapart

|  Par Lénaïg Bredoux

 

 

Selon des documents consultés par Mediapart, l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et ambassadeur de France en Tunisie a été interpellé par la douane à la gare du Nord le 31 juillet, sans document d’identité. Il transportait 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide et partait pour Bruxelles.

Il est 16 h 30, ce 31 juillet 2013. Les douaniers de la gare du Nord contrôlent des passagers prêts à monter dans le train Thalys, direction Bruxelles. Parmi eux, un homme athlétique, vêtu d’un jean et d’un polo. Les agents ne le reconnaissent pas, mais il s’agit de Boris Boillon, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy à l’Élysée et ex-ambassadeur de France en Irak et en Tunisie. Ils lui demandent s’il transporte des devises. Boillon nie, mais la fouille est concluante. Dans son sac, les douaniers découvrent des « enveloppes contenant des billets de banque de 500 euros ».

Selon le procès-verbal que Mediapart a pu consulter, Boris Boillon transporte ce jour-là 350 000 euros et 40 000 dollars en liquide. Ces sommes correspondent à 3 190 billets de 100 euros, 32 billets de 500 euros, 100 billets de 50 euros et 50 billets de 200 euros (voir document ci-dessous), ainsi qu'à 400 billets de 100 dollars. Il n’a sur lui ni pièce d’identité ni téléphone portable, mais trois cartes bleues à son nom.

La loi interdit le transfert, sans déclaration préalable dans un autre pays de l'Union européenne de sommes supérieures à 10 000 euros (c’est l’article 464 du Code des douanes). En cas d’infraction, la somme saisie doit être consignée pendant six mois – durée renouvelable par le procureur de la République –, et le contrevenant peut être puni « d'une amende égale au quart de la somme sur laquelle a porté l'infraction ou la tentative d'infraction ».

Le service de police judiciaire de la douane (SNDJ) a été saisi et une enquête est en cours. Elle devrait notamment déterminer l'origine des fonds.

 

Quittance de consignation des sommes en liquide transportées par Boris Boillon 
Quittance de consignation des sommes en liquide transportées par Boris Boillon

Lors de son audition, Boris Boillon tente de se justifier : il est désormais résident belge, dans la chic banlieue de Bruxelles, à Uccle ; son bureau est installé dans les beaux quartiers parisiens, mais il veut créer en Belgique une nouvelle filiale de sa société de consulting international, Spartago. L’argent, explique l’ancien diplomate reconverti dans les affaires, devait servir pour créer cette filiale. Boillon affirme aux douaniers : « Je pensais qu’il était plus facile depuis la Belgique de régulariser la situation de ces fonds. »

Celui qui se vantait d’être surnommé « mon fils » par Mouammar Kadhafi jure aussi que ces paquets de billets proviennent de sa nouvelle activité de consultant. « Il s’agit de sommes que j’ai touchées cette année dans le cadre de mes activités en Irak qui correspondent aux prestations que j'effectue avec des sociétés irakiennes. En l’absence de système bancaire développé en Irak, ces entreprises m’ont réglé à Paris en numéraire », explique Boillon aux agents de la Douane. Il affirme gagner 500 000 euros par an – « c'est une estimation puisque c'est la première année de mon activité de consultant », précise-t-il.

« J'ai oublié mes documents d'identité en Belgique. Je suis venu ce matin à Paris, juste pour la journée parce que justement je n’étais pas à l’aise avec cet argent qui était stocké en partie dans mon bureau et une autre partie dans une mallette qui était enterrée à côté de ma cave, et je voulais régulariser la chose au plus vite », confie aussi l’ex-ambassadeur, selon le procès-verbal de son audition que Mediapart a pu consulter.

Et quand les douaniers lui demandent pourquoi il a nié, avant la fouille de son sac, transporter plus de 10 000 euros en liquide, l'ancien conseiller de Nicolas Sarkozy répond: « J'ai été surpris et effrayé, j'ai répondu par réflexe. »

Contacté par Mediapart, Boris Boillon a indiqué ne pas vouloir répondre à nos questions.

Débarqué de Tunis peu après l’élection de François Hollande l’an dernier, Boris Boillon a quitté le Quai d’Orsay pour monter deux sociétés de conseil dont il est le président. La première, Spartago, fondée en novembre 2012, propose, selon ses statuts, « conseil et fourniture de prestations de services et formation dans le domaine de relations internationales, de stratégie politique et de gestion administrative », ainsi que « l’organisation et la coordination de réceptions, soirées, événements, opérations de relations publiques et de communication ». « Plus spécifiquement dans les zones de l’Afrique et du Moyen Orient », est-il précisé sur le réseau Linkedin.

 

Boris Boillon 
Boris Boillon© Reuters.

La seconde, French group, est beaucoup plus récente : elle a été fondée en juin 2013 avec un Irakien Adil Hamdan Alkenzawi, consul honoraire de France à Nassiriyah (Irak) – sur le site de l’ambassade, on retrouve une photo des deux hommes datant de 2010. Cette société offre elle aussi des prestations de conseil, mais « dans les domaines liés notamment à la construction, au développement d’infrastructures dans les secteurs principalement du bâtiment et des travaux publics, de l’environnement, de l’eau, de l’agriculture et de l’énergie », d’après les statuts déposés au tribunal de commerce.

Selon le site d’informations Intelligence Online, Boillon a signé un contrat avec Suez Environnement, et il a multiplié ces derniers mois les déplacements en Irak, à Bagdad et dans les régions kurdes, d’après Le Figaro.

Des relations troubles avec le clan Kadhafi

Boris Boillon est un symbole de la “génération Sarkozy”. À 37 ans, diplomate et arabophone, il devient conseiller de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, puis brièvement de François Baroin. En 2007, il intègre l’Elysée comme conseiller Maghreb-Moyen-Orient. Il fait partie des hommes de confiance de Sarkozy qui l’appelle affectueusement « mon petit Arabe », selon le magazine Challenges. À; la même époque, Mouammar Kadhafi le surnomme « mon fils ».

À l’époque, on parle surtout de son rôle dans la libération des infirmières bulgares. Mais nos révélations  sur les relations entre le régime de Kadhafi et les proches de Nicolas Sarkozy – jusqu’au soupçon du financement de la campagne électorale de 2007 – ont jeté une nouvelle lumière sur cette proximité. Mediapart a découvert que Boris Boillon était directement intervenu pour obtenir la naturalisation de l’épouse de Bachir Saleh, l’ancien directeur de cabinet de Kadhafi.

En 2009, Boillon bénéficie d’une promotion éclair en devenant ambassadeur en Irak. Deux ans plus tard, il part pour Tunis où son prédécesseur, Pierre Ménat, a été débarqué quelques semaines après la chute de Ben Ali et en pleine polémique sur la complicité de la France avec la dictature.


 

Sitôt arrivé, mi-février 2011, Boris Boillon ruine une partie des espoirs placés en lui par l'Élysée, invectivant des journalistes tunisiens francophones lors de son premier déjeuner avec la presse (voir la vidéo ci-dessus). Il devient aussitôt la risée des réseaux sociaux et réussit le tour de force d'être la cible de plusieurs manifestations organisées devant l'ambassade, aux cris de « Boillon dégage ».

 

 

À Tunis, son attitude de « Sarkoboy » a aussi choqué quand les internautes ont découvert une photo du diplomate en maillot de bain ou quand il a posé en James Bond à la Une du magazine tunisien Tunivisions. L’arrivée de la gauche au pouvoir lui a été fatale : il a été rappelé à Paris quelques semaines après l’élection de François Hollande.

 

 

 

 

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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 16:02

 

Médiapart

|  Par Laurent Mauduit

 

 

La réforme des retraites présentée mardi par le premier ministre prolonge et accentue une politique économique et sociale qui fait la part belle aux entreprises et surtout à leurs actionnaires, et qui ne se soucie guère du monde du travail. Elle va aussi creuser un peu plus l'inégalité du système fiscal français. Parti pris.

« Le capitalisme noie toute chose dans les eaux glacées du calcul égoïste. » À examiner de près la réforme des retraites que le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a dévoilé mardi soir, on en vient presque à éprouver l’envie d’interpeller le gouvernement socialiste en usant de la formule célèbre de Karl Marx. Car s’il faut dire les choses brutalement et user d’une phraséologie qui est depuis longtemps passée de mode, c’est une réforme de classe qui a été dévoilée. Une réforme qui fait, encore une fois, la part belle au capital et qui fait bien peu de cas du travail.

On peut, certes, se consoler en pensant que la réforme aurait pu être plus violente. Que l’allongement de la durée d’activité de 41,5 ans actuellement à 43 ans aurait pu intervenir non pas de 2020 à 2035, mais beaucoup plus tôt ; que le gouvernement aurait pu dans la foulée remettre en cause le principe même de la retraite à 60 ans ; qu’il aurait pu aussi envisager d’engager à la hache une réforme des régimes spéciaux de retraite ; ou encore qu’il aurait pu aussi appliquer aux régimes de retraites de base la violente désindexation que les partenaires sociaux ont décidé de mettre en œuvre pour les régimes complémentaires…

Dans la logique libérale qui est la sienne, le gouvernement aurait pu, en somme, être plus brutal. Et c’est ce dont lui font grief, en chœur, depuis que la réforme est connue, les milieux patronaux et la grande majorité des éditorialistes de la presse bien pensante : comme souvent, François Hollande a la main qui tremble ; il va dans le bon sens, mais il pourrait manifester plus d’entrain…

Dans ces applaudissements, assortis d’invitations à réformer plus vite et plus fort, transparaissent pourtant ce qui est le constat central à laquelle invite cette réforme : envers et contre tout, elle tourne radicalement le dos aux aspirations des milieux populaires qui ont assuré la victoire de François Hollande. Pour tout dire, c’est une réforme pro-patronale ou si l’on préfère une réforme antisociale, qui va accentuer les inégalités, au lieu de les réduire. On en trouvera confirmation en se reportant à l’article de Mediapart qui présente le détail de la réforme : Retraite : ce sera cotiser plus et plus longtemps.

En somme, le seul grand mérite de cette réforme, c’est qu’elle aurait pu être… bien pire ! Et pour sévère qu’il soit, ce constat est facile à étayer. Il suffit de chercher les réponses aux principales questions que pose cette réforme :

1. Qui va payer ?

La réponse est stupéfiante dans sa simplicité : ce sont les salariés qui supporteront la quasi totalité du poids de la réforme. Pas l’essentiel du poids, non… effectivement, sa quasi totalité ! Et les entreprises, elles, seront quasiment exonérées, en bout de course, de toute contribution.

On peut le vérifier en se reportant au dossier de presse que les services du premier ministre ont diffusé, mardi soir, lors de l’annonce de la réforme (on peut le télécharger ici) ou en consultant le tableau ci-dessous qui en est extrait :

 

 

Concrètement, sur les 16 milliards d’euros qui doivent être financés d’ici à 2040, les salariés vont d’abord prendre à leur charge 5,6 milliards d’euros via l’allongement de 41,5 ans actuellement à 43 ans de la durée d’activité, qui va commencer en 2020 et qui s’échelonnera jusqu’en 2035. Beaucoup d’observateurs ont relevé l’habileté d’un dispositif qui n’entrera pas en vigueur tout de suite, et qui pourrait donc ne pas susciter une fronde sociale immédiate. Les mêmes observateurs oublient souvent de relever ce qu’était le dernier vote émis par un congrès socialiste sur cette question de la durée d’activité. C’était en 2003, à l’époque de la réforme Fillon : à l’époque, les militants socialistes avaient estimé que la justice sociale exigeait que la durée d’activité n’aille pas au-delà de 40 ans d'activité.

François Hollande a donc décidé de violer cet engagement. Plus grave que cela ! La supposée habileté du dispositif à retardement est en réalité une injustice puisque la mesure revient à faire payer la réforme par les salariés… les plus jeunes. C'est en effet la génération née en 1973 et après qui, à partir de 2035, passera aux 43 ans d'activité exigibles pour une retraite à taux plein.

Quant aux hausses de cotisations sociales, elles sont optiquement équilibrées, puisque les salariés vont apporter 3,2 milliards d’euros sous la forme d’une hausse de 0,3 point des cotisations retraite, échelonnées de 2014 à 2017 ; et les entreprises vont aussi apporter 3,2 milliards sous la forme d’une hausse de leurs propres cotisations retraites. Mais on sait que cet équilibre n’est qu’apparent, puisque Jean-Marc Ayrault a, dans la foulée, promis aux entreprises de prolonger le « choc de compétitivité » engagé l’an passé.

Après les 20 milliards d’euros de crédit d’impôt offerts aux entreprises l’an passé, sans la moindre contrepartie, ces mêmes entreprises vont donc profiter d'une nouvelle mesure d’allègement de charges sociales, visant à compenser les 3,2 milliards d’euros découlant de leurs hausses de cotisation retraite. De telle sorte que la réforme des retraites, mise à part quelques mesures annexes, comme sur la pénibilité, soit pour elles quasiment indolore et que le coût du travail reste inchangé.

Or qui va donc, en bout de course, payer cette somme de 3,2 milliards d’euros, qui seront prélevées dans un premier temps sur les entreprises sous la forme d’une hausse de leurs cotisations retraite, et qui leur sera tout aussitôt restituée sous la forme d’un autre allègement de charges sociales ? Pour l’heure, le gouvernement n’a pas encore dit précisément les modalités de cette réforme complémentaire. Mais on sait qu’il réfléchit dans la foulée à une réforme du financement de la protection sociale, au terme de laquelle les cotisations familiales employeurs pourraient être allégées ou supprimées.

Il n’est donc pas besoin d’être grand clerc pour deviner le tour de bonneteau qui se prépare : via la CSG ou l’impôt, ce devraient donc être les salariés qui, en fin de compte, seront les dindons de la farce, puisque, au total, ce sont eux qui paieront en lieu et place des entreprises.

Ce choix est donc économiquement et socialement hautement contestable, pour de très nombreuses raisons. Parce que le pouvoir d’achat des Français enregistre déjà actuellement une chute historique, depuis 1984, et que cette rafale de nouvelles ponctions vont encore contribuer à le dégrader. Et puis parce que ce dispositif va contribuer à déformer encore un peu plus le partage des richesses entre capital et travail ; et va contribuer aussi à creuser les inégalités des Français face au système fiscal français.

2. Pourquoi les entreprises sont-elles épargnées ?

C’est évidemment une question-clef car au travers de cette réforme des retraites, qui protège le capital et accable le travail, le gouvernement vient confirmer (s’il en était besoin !) qu’il entend mener une politique de l’offre, celle préconisée de longue date par la droite et les milieux d’affaires, et tourner le dos à une politique de la demande, qui a longtemps été le cap privilégiée par la gauche. Et cette soumission à la doxa libérale est dangereuse, pour plusieurs raisons majeures.

La première raison a trait au partage des richesses entre capital et travail, qui s’est de plus en plus déformé ces dernières décennies, à l’avantage du premier et au détriment du second. C’est la politique dite de « désinflation compétitive » (en clair, la politique des salaires bas et du chômage élevé) lancée par les socialistes en 1982-1983 qui a inauguré cette déformation historique. Et puis le basculement progressif du capitalisme français vers un modèle à l’anglo-saxonne, avec pour règle un primat des actionnaires, a encore creusé la tendance.

Résultat : la France est entrée dans un nouveau capitalisme, beaucoup plus tyrannique que le précédent; un capitalisme où les actionnaires comptent beaucoup, et les salariés très peu – un capitalisme donc qui ignore le compromis social. C’est en quelque sorte cette soumission à ce capitalisme patrimonial de la part des socialistes que révèle donc cette réforme des retraites.

Car, le gouvernement avait, avec ce difficile dossier, une formidable occasion pour redessiner ce partage entre capital et travail. Mais finalement, il y a donc renoncé. Et la reculade, comme on vient de le voir, est totale. Pas la moindre esquisse de compromis entre le monde des employeurs et celui du monde des salariés ! Cette réforme des retraites révèle le partage radicalement inégal qui est la règle sous ce capitalisme d’actionnaires : tout à la charge des salariés ! Rien à la charge des entreprises et de leurs actionnaires ! C’était la règle sous Nicolas Sarkozy ; tristement, cela reste la règle sous François Hollande. Et il n’y a pas même un petit geste, fut-il symbolique, sauf dans le cas de la pénibilité, pour faire illusion.

Et le plus grave dans ce renoncement, c’est que le gouvernement n’a pas la moindre explication à avancer pour le justifier. Ou plutôt si, il en a une : ce serait la compétitivité des entreprises qui exige ce choix. Mais cette excuse, en vérité, n’en est pas une. A l’automne 2012, Matignon et l’Elysée avaient en effet déjà usé de cette argutie, pour justifier le cadeau de 20 milliards d’euros apporté aux entreprises sous la forme d’un crédit d’impôt – c’est-à-dire la mise en œuvre, sous des modalités à peine différentes, du plan défendu pendant la campagne présidentielle par Nicolas Sarkozy, et vivement contesté par… François Hollande.

Mais de nombreuses études ont, à l'époque, établi que, contrairement à ce que prétendaient le patronat et la droite, la France ne souffrait d’aucun problème de coût du travail, notamment vis-à-vis de l’Allemagne, et qu’il y avait une véritable campagne d’intox autour de ce soi-disant problème de compétitivité des entreprises françaises. Toutes ces études, il est possible de les retrouver en consultant les analyses que j’avais écrites à l’époque : Economie : Hollande se renie et copie Sarkozy ou Compétitivité : sous le choc, l’intox.

L’intox autour de cette question de la compétitivité est d’autant plus avéré que le cadeau de 20 milliards d’euros fait aux entreprises, sur le dos des consommateurs assujettis à la TVA, n’a donc été assorti d’une aucune contrepartie. En clair, pas d’accord contractuel pour favoriser l’emploi ou l’investissement : le crédit d’impôt ne va générer que des effets d’aubaine. Un groupe du CAC 40 peut tout bonnement profiter des bonnes grâces du gouvernement et s’en servir pour arrondir… les dividendes servis à ses actionnaires. C'est la mise en garde lancée à l'époque par de nombreux économistes : cet immense transfert de charges au profit des entreprises et au détriment des salariés va générer seulement des effets d'aubaine, mais pas d'effets économiques.

En clair, c’est une politique de redistribution pour laquelle les socialistes ont opté. Mais une redistribution à l’envers : les consommateurs modestes, et même pauvres, vont partiellement financer des cadeaux dont pourront éventuellement profiter les actionnaires des groupes les plus riches. Les bras vous en tombent !

C’est donc dans cette même logique que s’inscrit totalement la nouvelle réforme des retraites. Elle vient couronner ce que, dans un livre récent, j’avais appelé une « étrange capitulation » (ici le compte-rendu sur Mediapart), dans un clin d’œil à l’essai célèbre du grand historien Marc Bloch, L’Étrange défaite.

3. Les inégalités sociales vont-elles encore se creuser ?

C’est la seconde très grave inquiétude que soulève cette réforme des retraites, car elle vient prolonger une autre démission, celle face à la réforme fiscale qui avait été promise par François Hollande pour corriger les inégalités.

Cette réforme des retraites comprend en effet une autre surprise : le gouvernement fait donc appel aux cotisations retraite et non pas un autre prélèvement, par exemple la Contribution sociale généralisée (CSG) pour boucher les trous du régime. Or, on le sait, les cotisations sociales, même déplafonnées, sont socialement beaucoup plus injustes que la CSG, qui, elle,  a une assiette d’imposition très large et frappe non seulement les revenus du travail mais aussi ceux, partiellement, de l’épargne.

Le choix des cotisations retraite est donc socialement très contestable. D’autant que cette priorité donnée par le gouvernement aux prélèvements les plus inégalitaires n’est pas franchement une nouveauté. Déjà, François Hollande a donc pris la très lourde responsabilité de recourir partiellement à une hausse de la TVA pour financer le « choc » de compétitivité – TVA que les socialistes ont toujours dénoncé dans le passé comme figurant parmi les impôts les plus injustes. Et puis, il y a donc vraisemblablement dans les tuyaux une nouvelle hausse de prélèvements, sans doute du même type, pour financer la compensation promise au Medef pour annuler la hausse des cotisations retraites.

En résumé, les socialistes sont donc en train de remodeler le système français des prélèvements sociaux et fiscaux de la pire des manières qui soit : en privilégiant les prélèvements les plus inégalitaires, ceux qui sont les plus dégressifs, c’est-à-dire, ceux qui pèsent le plus sur les salariés les plus modestes, sinon même les pauvres.

Or cette cascade de prélèvements nouveaux intervient alors que le gouvernement a renoncé dans le même temps à la « révolution fiscale » promise pendant la campagne présidentielle, visant à refonder en France, un grand impôt citoyen et progressif, assujettissant enfin un peu plus les hauts revenus, et redonnant du pouvoir d’achat aux plus modestes, sur le modèle de ce que préconisait par exemple l’économiste Thomas Piketty.

Tout cela est évidemment pathétiquement logique : puisque le gouvernement, dès l’alternance, a renoncé à une grande réforme fiscale, pour rendre le système fiscal un peu plus juste, il en est réduit à piocher désormais dans les prélèvements sociaux les plus inégalitaires. Et le résultat de tout cela est accablant : comme l’avait établi une étude dès l'an passé (lire Impôts : les injustices n’ont (presque pas été corrigées), la France reste un pays qui a des allures de paradis fiscal pour les plus riches tandis que le travail est accablé. En somme, la fameuse « Nuit du 4-Août » promise par la gauche n’a jamais été engagée. Et les privilèges, fiscaux mais pas seulement, n’ont en rien été ébranlés par l’alternance.

Bref, la réforme des retraites aurait certes pu être encore plus violente. Il n’empêche ! Sa philosophie est toute entière empruntée aux cercles dominants des milieux d’affaires et de la droite. Dans l’Étrange défaite, à laquelle je faisais à l’instant allusion, Marc Bloch a ces mots terribles : « Il est bon, il est sain que, dans un pays libre, les philosophies sociales contraires s’affrontent. Il est, dans l’état présent de nos sociétés, inévitable que les diverses classes aient des intérêts opposés et prennent conscience de leurs antagonismes. Le malheur de la patrie commence quand la légitimité de ces heurts n’est pas comprise. »

C’est un peu le malheur de nos socialistes d’aujourd’hui, qui gouvernent la France comme des notaires tristes…

 

 

 

 

 

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29 août 2013 4 29 /08 /août /2013 15:47

 

Marianne

  Mercredi 28 Août 2013 à 18:19

 

 Olivier Philippe

 

Mis en cause pour sa participation au programme PRISM de la NSA, Facebook joue depuis la transparence. Le site américain a publié un rapport sur les pays qui ont formulé des demandes d’exploitation de données personnelles durant le premier semestre 2013. La France aurait cherché à se renseigner sur 1598 utilisateurs.

 

Kin Cheung/AP/SIPA
Kin Cheung/AP/SIPA
Facebook suit les traces de Google, Yahoo, Microsoft et Twitter. Comme ses congénères du monde informatique, le réseau social a dévoilé un « rapport international des demandes gouvernementales », qui recense le nombre de requêtes formulées par les pays désireux de récupérer les données personnelles de certains de ses utilisateurs. Soixante-et-onze pays sont concernés. En juin déjà, Facebook avait communiqué sur la nature de ces pratiques pendant le second semestre 2012. Cette fois, le document porte sur les six premiers mois de l’année 2013.

Le site crée par Mark Zuckerberg aurait reçu, du 1er janvier au 30 juin 2013, 26 000 demandes portant sur 38 000 comptes d’utilisateurs. Sans surprise, plus de la moitié de ces réclamations émanent des Etats-Unis, qui ont cherché à accéder à 20 000 profils. La position de la France est plus intrigante et surprenante (quoique) : 1547 sollicitations, portant sur 1598 comptes, ce qui en fait le sixième demandeur le plus important. Mis à part les Etats-Unis, écrasant champion du Big Brother, l’Inde (qui s’est intéressé à 4 144 profils), la Grande-Bretagne (2 337), l’Italie (2 306) et l’Allemagne (2 068) font mieux que la France. A titre de comparaison, l’Australie a adressé 546 requêtes au réseau social, la Belgique 150, et les Pays-Bas…11 seulement.

« Facebook n’a jamais fait partie » du programme PRISM, selon son fondateur

Facebook garantit qu’il s’agit, en général, d’informations basiques, tel que le nom de la cible. Les demandes ne seraient d’ailleurs pas nécessairement liées au programme PRISM de la NSA, révélé par l’Américain Edward Snowden. Mark Zuckerberg lui-même a juré en juin que « Facebook ne fait pas et n’a jamais fait partie d’un programme donnant, aux Etats-Unis ou tout autre gouvernement, un accès direct à ses serveurs. »

La proportion de demandes acceptées par l’entreprise californienne est également intéressante, car elle représente le cœur de sa communication. 79% des sollicitations américaines ont été reçues favorablement, contre 39% des réclamations françaises. Facebook accorderait-il un passe-droit à son pays d'origine, ou bien les demandes nord-américaines sont-elles plus pertinentes que celles des Français ?

Un plan de communication qui ne lève pas les doutes

En tout cas, il ne faut pas compter sur une quelconque fibre libertaire de Facebook. Mark Zuckerberg souhaite uniquement s’éviter un exode d’utilisateurs excédés par la porosité du site sur la protection de la vie privée. En communiquant ainsi, la firme tente de montrer qu’elle régente fermement l’accès à ses données. Colin Stretch, son avocat général, a déclaré que Facebook « place très haut la barre juridique à franchir », donnant en outre sa vision de la nature des demandes gouvernementales : « La grande majorité de ces requêtes est liée à des affaires criminelles, comme des vols ou des enlèvements. »

Il est permis de douter des bonnes intentions de l’entreprise d’un côté, de la réalité des chiffres avancés de l’autre. Après tout, les géants du net impliqués dans le scandale des écoutes de la NSA – Yahoo, Google, Facebook… - n’ont décidé de se lancer dans cette opération « transparence » qu’une fois l’affaire révélée, et leurs pratiques mises en cause.
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