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18 septembre 2013 3 18 /09 /septembre /2013 14:42

 

 

mediapart.fr

Plongée dans un hôpital étranglé par la gestion financière

|  Par Marianne Niosi

 

 


Délabrement des locaux, gardes de week-end non rémunérées, manque de personnel, soins administrés en fonction de leurs tarifs… Voilà le quotidien de l'hôpital Beaujon, à Clichy. La ministre de la santé avait promis une réforme du système de santé, qui s'est muée en simple feuille de route. Et mardi, la Cour des comptes en a remis une couche, sur la nécessaire « maîtrise des dépenses hospitalières ».

 

« Les efforts de meilleure gestion et de réorganisation doivent être amplifiés », « l’ensemble des établissements hospitaliers doit s’engager dans des mutations indispensables ». Dans son rapport sur la Sécurité sociale rendu public mardi 17 septembre, la Cour des comptes consacre pas moins de 6 chapitres, sur 18, à l'hôpital. Sous l'angle, désormais habituel, de « la maîtrise des dépenses hospitalières ». Pourtant sur le terrain, l'hôpital est en souffrance. Et son bourreau connu : la financiarisation.

Dans le service d’hépatologie de l’hôpital Beaujon, à Clichy, la peinture s’écaille, le mobilier tangue et le réseau informatique tombe régulièrement en panne. Le chef du service, le professeur Dominique Valla, est exaspéré : les moyens manquent et la paperasse a envahi ses journées. À 61 ans, il a décidé de renoncer à son poste de chef de service.

« Depuis cinq ans, je suis en colère permanente », déclare ce spécialiste des maladies du foie. Il y a cinq ans, débutait la discussion de la loi Hôpital, patient, santé et territoire (HPST), promulguée en 2009, et décriée par la quasi-totalité des hospitaliers. Et pour cause : alors que Nicolas Sarkozy justifiait la loi en disant « il faut un vrai patron à l’hôpital », les médecins étaient écartés des commissions médicales d’établissement, réduits au rôle de consultant dans l’administration. Cette loi succédait à la généralisation de la tarification à l’activité (T2A) adoptée en 2008. Les hôpitaux ne reçoivent plus de budgets globaux, mais sont rétribués selon le nombre et la nature des soins qu’ils dispensent.

« L'argent passe devant tout », s’exaspère le Pr Valla. Il a entendu, entre espoir et lassitude, la ministre de la santé et des affaires sociales Marisol Touraine promettre de revenir sur certaines des mesures emblématiques de l’ère Sarkozy.

Mais la stratégie nationale de santé, présentée en 2012 comme une « réforme de fond », tarde à se préciser. En juillet, le rapport tant attendu a fait l’objet d’une fuite. Et le ministère promet désormais une feuille de route pour septembre. Pendant ce temps, médecins et soignants, exaspérés par des années de coupes budgétaires assorties de réorganisations diverses, craignent d’en être arrivés au point de rupture.

Dans le service du professeur Valla, il y a sept ans que le budget ne permet plus de payer les gardes du week-end des médecins seniors. Il leur a donc demandé de se relayer pour assurer des gardes bénévoles. Une organisation “de secours”, qui commence à lasser. Sur le bureau du chef de service, le mail d'un collègue annonce qu'il met fin à ces astreintes « qui s'ajoutent à un programme très chargé et probablement excessif »…


Dans les couloirs du service d’hospitalisation de jour, un médecin du service discute avec la famille d’un patient. 
Dans les couloirs du service d’hospitalisation de jour, un médecin du service discute avec la famille d’un patient.© MN / MP

L’efficience, cette chasse ouverte aux économies dans le système de santé, occupe tous les esprits. Car même si les budgets de la santé sont en progression constante en France, passant de 10 à 11,6 % du PIB entre 2000 et 2010, les charges de santé, elles, explosent. Vieillissement de la population, montée en flèche du nombre de malades chroniques (plus de 15 millions) : on estime que les besoins augmentent de 3,5 % par an. Ce décalage entre l'augmentation des charges et celle des budgets force les hôpitaux à se serrer la ceinture un peu plus chaque année.

À l'Assistance publique hôpitaux de Paris (AP-HP), l'effort global demandé cette année est de 155 millions d'euros (sur un total de près de 7 milliards). « Irréalisable », ont tonné les dizaines de médecins signataires d'une lettre ouverte : « Changer de logiciel », au ministère de la santé. « Inatteignable », s'est indigné dans Le Parisien le président du Conseil de surveillance de l'AP-HP, le député socialiste Jean-Marie Le Guen, qui craint que l'hôpital public ne « sombre dans l'anémie ».

« Comment voulez-vous mobiliser les équipes si on donne la priorité aux économies plutôt qu'aux patients ? » s'indigne le Pr Valla. L’ascendant des préoccupations financières sur le médical s’illustre notamment par l’organisation du codage des soins. Pour que l’hôpital soit payé, chaque soin doit être codé en fonction d’un montant remboursé par la Sécurité sociale. C’est le travail d’une secrétaire du service. Or la recherche clinique nécessite un codage distinct afin de passer les traitements administrés au crible des analyses statistiques. Mais il n’y a plus assez d’argent pour payer deux secrétaires…

L’édifice principal de l’hôpital Nicolas Beaujon est un imposant immeuble de briques rouges, construit dans les années 1930. Deux rangées d’immeubles bas complètent le pâté de maisons de ce CHU de banlieue. Avec son service des urgences (30 000 passages par an) et sa maternité (2 000 naissances), il dessert un bassin de population de 600 000 habitants et disposait en 2012 d'un budget de 728 millions. Au bout d’une rue étroite, le secteur d’hospitalisation du service d’hépatologie occupe les deux étages d’un petit immeuble vétuste. Au rez-de-chaussée, les chambres d’hospitalisation de jour et de semaine. Au premier, les équipes se relaient nuit et jour sans relâche.

L’hôpital n'attire plus les professionnels

 

Cécile Grignard attend depuis plus d’un an son binôme. Elle partira alors en formation pour obtenir le titre officiel de cadre. 
Cécile Grignard attend depuis plus d’un an son binôme. Elle partira alors en formation pour obtenir le titre officiel de cadre.© MN / MP

Céline Grignard y « fait office de cadre » depuis plus d’un an. Elle obtiendra officiellement le titre quand son binôme, qui attend lui-même son remplaçant, arrivera et qu'elle pourra partir en formation. Métier-pivot des services hospitaliers, elle applique désormais les méthodes du secteur privé : entretien annuel, objectifs et primes. “La cadre” – communément appelée “la surveillante” – est le relais de l’administration dans les services. C’est aussi elle qui dispense les ressources de plus en plus rares. Un médecin a pris la décision de faire interner un patient sans la consulter. « Qui va rester jusqu’à 20 heures pour trouver un lit ? Pas lui ! » lance-t-elle. Par souci d’économie, la plupart des services ont un taux de remplissage des lits de plus de 90 %. Et la gestion des places, source d’innombrables tensions dans les hôpitaux, est en passe de devenir un métier. La ministre l’a fait savoir en avril, 150 hôpitaux devraient se voir dotés de services de « gestion de lits ».

Autrefois considéré comme le nec plus ultra de la pratique médicale, l’hôpital a perdu de son prestige. « Il y a quelques années, j'avais au moins deux ou trois candidats par poste de médecin. Aujourd'hui, j'en ai souvent un, et quelquefois aucun », constate le Pr Valla. Chez les infirmières, le constat est catastrophique : à l'AP-HP, il y a eu jusqu’à 430 postes non comblés en 2012. Le taux d'absentéisme, dû en grande partie à l'épuisement du personnel, avoisine les 10 %. Les journées de récupération dues excèdent le million. Ces conditions de travail expliquent sans doute le peu d’attractivité du secteur. Mais la différence de salaire entre l’hôpital et le privé y contribue également, constate le Pr Valla. : « On est dans une société du “moi je vaux ça”. On compte tout, et du coup, on n’a plus les sous pour payer. »


Grille des salaires des praticiens hospitaliers 
Grille des salaires des praticiens hospitaliers

 

L'état de délabrement de certains services témoigne de la déshérence de l'hôpital public. « Il n'y a pas eu de travaux d'entretien depuis 20 ans. Je parle de peinture, de plomberie, de visserie, de circuits électriques », constate amèrement Dominique Valla en traversant les couloirs de son service. « Venez, je vais vous montrer. C'est monstrueux ! » On croise le Dr Lebrec, professeur émérite. « Ils n'ont rien touché. Sauf ça ! » Il désigne un seuil en bois qui évite aux chariots de perdre leurs roues à force de se cogner contre une marche malvenue.

 

L'état de délabrement de l'hôpital  
L'état de délabrement de l'hôpital © MN / MP

Hors norme de sécurité

La directrice du Groupe hospitalier du nord parisien, Élisabeth de Larochelambert, nous reçoit dans son grand bureau (à la peinture blanche immaculée) situé au premier étage de l’immeuble principal de l’hôpital Bichat, accompagnée d’un conseiller de l’AP-HP, Pierre-Emmanuel Lecerf. « Monde concurrentiel », « arbitrages difficiles » entre équipements de pointe et rénovations : « on ne peut pas tout payer », explique-t-elle. « On a augmenté le financement des investissements ces dernières années de 500 millions d’euros », ajoute Pierre-Emmanuel Lecerf. « Malgré cela, notre immobilier se dégrade. Aujourd'hui, ce parc, on n'arrive pas à l'entretenir malgré cet effort qui n'a cessé d'augmenter. »

L'idée même qu'il faudrait choisir entre des équipements sophistiqués et la peinture suffit à mettre le Pr Valla hors de lui. « Ce ne sont jamais les politiques ou les administrateurs, ceux qui ont mission de décider cela, qui vont voir les malades pour leur dire : “Votre chambre est dégoûtante. Je viens vous le dire personnellement puisque c'est moi qui décide.” »

L’hôpital de 460 lits ne répond plus aux normes actuelles. Selon la sous-commission départementale contre les risques d'incendie, Beaujon n’est plus conforme depuis cinq ans. Pour la direction, il en coûterait 400 millions d’euros pour rénover les hôpitaux Bichat et Beaujon dont 236 millions pour une seule mise aux normes de sécurité. Si bien que l'hypothèse d'un nouvel hôpital pour le nord parisien est à l'étude. La question devrait être tranchée à l'automne par un arbitrage ministériel.

Après des années de vaches maigres, comment maintenir les hôpitaux à flot ? Depuis la généralisation de la tarification à l’activité, la cagnotte se remplit au gré des soins tarifés. Au groupe hospitalier nord-parisien, le défi de l’année sera de « faire en sorte que les recettes à activité constante soient meilleures », explique Élisabeth de Larochelambert. Autrement dit, les personnels hospitaliers seront priés de partir à la recherche des actes « tarifables » qui auraient échappé à leur attention.

Développée pour encourager les économies, la T2A a donné lieu à toutes sortes de stratégies de contournement. Certains soins étant mieux remboursés que d’autres, on change les parcours de soins pour qu’ils soient plus rentables. Comme le dit le professeur André Grimaldi, porte-parole du Mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) et auteur de La Santé écartelée (éd. Dialogues, 2013), « on coule la Sécu pour renflouer l’hôpital ». En retour, la Sécurité sociale ajuste tous les ans – à la baisse – les montants des remboursements.

 

Le professeur Dominique Valla 
Le professeur Dominique Valla© MN / MP

En ce jeudi d'avril, le Pr Valla examine le dossier d'une patiente. Il est question de l’hospitaliser en priorité. Il a déjà revu le dossier, prescrit des examens, communiqué avec le médecin traitant. Il fera voir les examens à plusieurs collègues radiologistes dans l'après-midi. Ce suivi – qui représente 3 heures de travail de divers médecins – sera facturé le tarif d’une consultation de recours par un professeur, 64 euros, et ce seulement si la patiente est vue dans le service. Une mauvaise affaire pour les gestionnaires…

L’hépatologue, comme ses collègues du MDHP, voudrait avant tout rompre avec une logique d’industrialisation de la médecine qui désespère le personnel hospitalier. « On ne soigne plus les gens, mais une maladie », déplore-t-il. Ce penchant idéologique a profondément modifié le langage des décideurs, souligne André Grimaldi. « Les médecins sont des “producteurs de soins” et les hôpitaux ont un “service-clients”. Les hôpitaux “gagnent des parts de marché”. » Ce fantasme d’une médecine mieux « gérée », le chirurgien urologue Guy Vallancien l’a résumé en affirmant que « l’hôpital est une entreprise comme une autre ».

Une médecine fordiste, sans imprévus… Tout le contraire de ce que vit le Pr Valla dont les malades porteront à vie les stigmates de leur maladie. Un dimanche d’août, un patient suivi de longue date est tombé gravement malade au Kazakhstan. Le médecin a passé une partie de la nuit à échanger des mails avec ses collègues kazakhs. Le patient, qui avait eu la mauvaise fortune de faire une rechute à des milliers de kilomètres du service de pointe de Beaujon, n’a pas survécu.

 

Redonner de la valeur au temps

 

Djélika Koné est infirmière de coordination au Centre de référence des maladies vasculaires du foie. 
Djélika Koné est infirmière de coordination au Centre de référence des maladies vasculaires du foie.© MN / MP

Parmi les professionnels croisés dans les couloirs de l'hôpital, une infirmière semble heureuse de son sort. Djelika Koné est infirmière de coordination pour le Centre de référence des maladies vasculaires du foie. Ses instruments de travail : le téléphone, la photocopieuse et la parole. Dans son petit bureau tapissé de schémas pédagogiques, elle organise les séjours en hôpital des patients venus de toute la France. Elle prend les rendez-vous chez les divers spécialistes, transfère les dossiers, explique et parle de ce « qu'on n'ose pas demander à son médecin » : des bas de contention mal ajustés, une incompréhension profonde du diagnostic…, ces « petites choses » qui peuvent changer le cours d’un traitement.

Son poste, totalement hors T2A, est financé grâce à une labellisation obtenue par le Pr Valla. Il s'agit pourtant d'un métier “de demain”, particulièrement adapté aux maladies chroniques.

L’un des grands espoirs suscités par la réforme du financement des hôpitaux promise par Marisol Touraine est de voir se multiplier ce type de postes grâce à un financement qui redonnerait de la valeur au temps des soignants plutôt qu’à une addition de soins précis et codables. En attendant, les hôpitaux doivent continuer d’augmenter l’activité, ou restreindre les dépenses.

Pour le groupe hospitalier nord-parisien, les économies pourraient passer par une réorganisation de la restauration. Des économies de ce type, les hôpitaux en ont fait des centaines au cours des dernières années : centralisation de la blanchisserie, du brancardage, externalisation des services de ménage. Les résultats n’ont pas toujours été probants. Pénuries de draps, brancardiers aux abonnés absents… À Beaujon, le ménage laisse franchement à désirer. Les patients le déplorent. Sur le site hopital.fr, les éloges faits aux équipes soignantes côtoient le constat d’une « hygiène déplorable », des « chambres très sales », de « lavabos et W.-C. pas nettoyés ». Le professeur Valla ne les contredirait pas : il vérifie lui-même régulièrement l’état des sanitaires jouxtant son bureau.

Claire Compagnon, représentante des usagers à l'hôpital Georges-Pompidou et co-auteure de L’Hôpital, un monde sans pitié (avec Thomas Sannié, éd. L’Éditeur, 2012), dresse un constat très noir de la qualité de l’accueil à l'hôpital public : patients contraints de porter des couches par manque de personnel disponible pour les accompagner aux toilettes, familles fournissant le linge de lit, personnes âgées lavées une fois par semaine… Elle craint que la qualité des soins ne pâtisse de la lutte contre les déficits hospitaliers. « On était sur des questions d’esthétique ou de confort. Mais les plaintes commencent à remonter concernant des éléments du soin. Par exemple, sur un manque d’appareils qui rend difficile une prise en charge correcte », explique celle qui vient d’être nommée à la tête d’une mission nationale sur la place des usagers à l’hôpital.

L’accroissement des inégalités d’accès aux soins est indiscutable. Le professeur Valla le constate à l’échelle de son service hyper-spécialisé. Si les maladies du foie touchent beaucoup les personnes alcooliques et toxicomanes, ces patients sont devenus rares dans les consultations. « Avec les délais qu’on a, comment voulez-vous qu’ils se battent pour arriver dans ce service ? Je me retrouve à soigner les gens de beaux quartiers alors que j'ai fait ce métier pour traiter les plus vulnérables. »

Pris à la gorge, l’hôpital fait l’objet de pressions croissantes. L’OCDE préconise de réduire de 1,3 % la part des dépenses de santé dans le PIB, soit un retour à leur niveau du début des années 2000. En mai, un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l’Inspection générale des finances a pointé l’endettement massif des hôpitaux français et préconisé une meilleure maîtrise des investissements. Sans compter, donc, le rapport de la Cour des comptes publié ce mardi 17 septembre.

Pour le Pr Valla, si la réforme est souhaitable, il aimerait que le gouvernement aille plus loin. Le Mouvement de défense de l’hôpital public a demandé la tenue d’États généraux de l’hôpital public : une « concertation », qui réunirait les professionnels, leurs représentants institutionnels et syndicaux, et les associations de patients, les élus locaux et plus généralement la population. « Il faut que nous décidions comme société de ce que nous pouvons financer, affirme Dominique Valla. Nous ne pouvons pas, nous les médecins, soigner et en même temps penser aux économies. Qu’on nous dise “tel traitement coûte trop cher, nous ne pouvons pas le payer”, d’accord, mais qu’on ne nous demande pas de prendre ces décisions seuls devant nos patients. »

 

 

 


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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 14:47

 

 

mediapart.fr

Transparence, cumul des mandats: les limites des deux réformes

|  Par Mathieu Magnaudeix

 

 

 

L'Assemblée nationale adopte, mardi 17 septembre, la loi sur la transparence des élus, annoncée après la tempête Cahuzac. Mercredi, le Sénat examine le cumul des mandats, une promesse de François Hollande. Ces textes contiennent des avancées... plombées par les conservatismes.

 

C'est la fin d'un long calvaire parlementaire. Après des mois de navette entre les deux assemblées, les députés adoptent définitivement les lois sur la transparence de la vie politique ce mardi 17 septembre. Les « lois Cahuzac » selon l'opposition : c'est bien en réaction au scandale Cahuzac, et à la hâte, qu'elles ont été écrites au printemps. Mercredi 18 septembre, le Sénat s'empare de la limitation du cumul des mandats, une promesse de François Hollande. Les sénateurs, très hostiles, devraient le rejeter. Mais le texte sera voté cet hiver par les députés qui ont le dernier mot.

Cumul des mandats, transparence : ces projets de lois contiennent des avancées. Mais ils ont aussi des lacunes, fruit du conservatisme des élus et de la frilosité du pouvoir.

 

Transparence : des mois de polémiques

« On ne peut pas sérieusement prétendre (...) que ces textes sont au rabais », affirme le ministre des relations avec le Parlement, Alain Vidalies. Mais les lois sur la transparence auraient pu être bien plus ambitieuses.

  • La transparence des patrimoines

François Hollande l'avait promise, dans la panique de l'affaire Cahuzac. Mais au printemps, les parlementaires se rebiffent. Le président de l'Assemblée nationale Claude Bartolone, part en guerre contre la « démocratie-paparazzi ». Un accord est trouvé. Puis au Sénat, cet été, coup de théâtre : la publication des patrimoines au Journal officiel (ce que réclamait le PS... il y a 25 ans ) est adoptée.

Le texte définitif, repassé une dernière fois par l'Assemblée la semaine dernière, revient au « point d'équilibre » du printemps. Qui ne satisfait pas grand-monde... Le patrimoine et le revenu des élus seront consultables, mais seulement par des habitants du département. Un registre des personnes ayant consulté ces informations sera tenu en préfecture. Les divulguer fera encourir 45 000 euros d'amende (la peine de prison d'un an envisagée a été supprimée). Cette sanction reste « très forte », selon Transparency International, qui a analysé le texte en détail. La Haute Autorité ne publiera au JO que les noms des élus dont elle estime que l'évolution du patrimoine pose problème. François Hollande avait décrété à la hâte la possibilité pour le juge de prononcer une peine d'inéligibilité à vie envers les élus condamnés pour fraude fiscale. Ce sera dix ans, deux fois plus qu'aujourd'hui. C'est ce qu'il avait promis dans son programme présidentiel.

  • Le rôle de la haute autorité pour la transparence (HAT)

Environ 7 000 élus et responsables devront remplir une déclaration de patrimoine. Cette autorité indépendante sera chargée de vérifier l’exactitude des déclarations et publiera sur son site les déclarations d'intérêt. En cas de mensonge, l'élu encourt 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende. Elle pourra s'auto-saisir, être saisie par les associations de lutte contre la corruption, ou par des lanceurs d'alerte dont le rôle est reconnu. Mais si la HAT est censée disposer des « moyens humains nécessaires », elle n'a pas de moyens d'enquête en propre. Elle a un pouvoir d'injonction (demander aux intéressés ou à leurs proches des informations fiscales), mais qui ne s'applique pas aux parlementaires.

Elle peut s'adresser à l'administration fiscale pour obtenir communication de détails sur le patrimoine d'un élu, et lui demander de lancer une procédure d'assistance internationale. Transparency International estime que la formulation alambiquée de la loi pourrait « laisser à l’administration fiscale une marge d’appréciation des éléments à transmettre ». La HAT ne peut pas s'adresser à Tracfin, la cellule de Bercy contre le blanchiment de capitaux.

  • Les incompatibilités

Au départ, l'interdiction de toute activité professionnelle avait été posée en principe. Il fut ensuite question d'interdire certaines professions, à commencer par le conseil (plusieurs élus de gauche ou de droite ont leur société de conseil – voir cet article de Mediapart ou sur Rue89) – ou le journalisme (les sénateurs Baylet et Dassault sont aussi patrons des quotidiens La Dépêche et Le Figaro). Mais un lobbying forcené a eu raison d'une partie des intentions de départ. Du coup, le dispositif est assez complexe. Les nouveaux députés ne pourront pas commencer d'activité professionnelle. Le conseil est banni, mais pas pour les avocats et d'autres professions réglementées. À condition de ne pas travailler pour une entreprise liée à l'État, le métier d'avocat d'affaires (un temps exercé par Jean-François Copé) peut être poursuivi. Les patrons de presse n'ont plus de souci à se faire. Par ailleurs, les membres du Conseil constitutionnel ne pourront exercer d'autres activités. 

  • Les conflits d'intérêts

Une définition du conflit d'intérêts est inscrite dans la loi. Le texte oblige les ministres et élus en situation de conflit d'intérêts de se « déporter » et encadre le pantouflage (le fait de monnayer son carnet d'adresses dans le privé). Les parlementaires devront publier le nom et les fonctions des 2 400 collaborateurs parlementaires, une avancée (voir ici pourquoi).

  • Les micro-partis

Véritables coquilles vides dont la multiplication sert à contourner les lois sur le financement politique, les micro-partis sont vidés de leur substance. Une seule personne ne pourra pas donner plus de 7 500 euros à des partis, cotisations comprises. Les partis seront tenus de déclarer la liste de leurs donateurs.

  • La réserve parlementaire

La distribution, chaque année, de cette énorme masse financière de 150 millions d'euros, jusqu'ici utilisée selon le bon vouloir des parlementaires, sera rendue publique. Une avancée que l'on doit au Sénat (lire ici une série d'articles sur le sujet)

Cumul des mandats : ce qui manque

La loi interdit la détention simultanée d'un mandat de parlementaire et d'un mandat d'exécutif local (maire, maire d'arrondissement et adjoint au maire ; président et vice-président de communautés de commune, de conseil régional et général). C'est une petite révolution. Car aujourd'hui, 338 députés et 211 sénateurs, soit 549 parlementaires sur 925, sont en situation de cumul au regard de ces critères ! D'ici quelques années, le paysage politique devrait donc évoluer, de nouvelles têtes émerger. Il n'est pas sûr pourtant que le paysage politique en soit bouleversé, car pour l'instant en tout cas, les élans les plus réformateurs ont été bridés.

  • 2017 au lieu de 2014

« Je voterai une loi sur le cumul des mandats. » Dans son programme présidentiel, François Hollande n'avait pas donné de date. Mais dès juillet 2012, Jean-Marc Ayrault annonce une application « en 2014 », pour les municipales. Pourtant, face à la bronca d'une partie de la majorité, et au risque de voir se profiler une litanie de démissions de parlementaires préférant leur mandat local (ce qui aurait pu mettre en danger la majorité PS à l'Assemblée), l'Élysée recule. En février 2013, le Conseil d'État préconise de repousser l'application au 31 mars 2017. Il sera donc encore possible de cumuler un mandat de parlementaire et un exécutif local pendant près de quatre ans.

  • Des fonctions pas concernées

En plus des mandats parlementaires, une série de “fonctions” locales ne seront plus compatibles avec un mandat de parlementaire : présidence ou vice-présidence de syndicats intercommunaux (par exemple de gestion des ordures ménagères), de syndicats mixtes et de sociétés d'économie mixte, présidence du conseil d'administration d'un établissement public local (caisse des écoles, CCAS), etc. Mais d'autres fonctions ne sont pas concernées : par exemple la direction des établissements publics d'aménagement (les quatorze “EPAD”, type Défense ou Saclay). « Notre objectif est bien d'étendre l'incompatibilité aux fonctions annexes. S'il y a des manques, on complétera en seconde lecture », promet le rapporteur PS de la loi à l'Assemblée, Christophe Borgel.

  • Pas de plafonnement des indemnités

Pour s'assurer une majorité absolue à l'Assemblée (indispensable pour les lois “organiques” comme celle-ci), les responsables socialistes du texte se sont gardés de proposer un tel plafonnement : pas question de froisser leurs collègues cumulards. Les amendements des écologistes, des radicaux de gauche et de l'UDI ont tous été retoqués. Sans modifications, on en resterait donc à partir de 2017 au régime actuel : impossible pour un parlementaire de toucher, mandats non exécutifs locaux compris, plus d'une fois et demie l'indemnité parlementaire (8 272 euros brut).

La semaine dernière, les sénateurs ont bien adopté en commission un amendement de Gaëtan Gorce (PS) qui propose d'abaisser ce montant maximal à l'indemnité de base du parlementaire (5 514 euros). Mais son avenir semble compromis. Certains sont pour (Laurence Dumont, responsable du texte pour le groupe PS de l'Assemblée, s'y dit « favorable ») mais Christophe Borgel estime que le non-cumul des indemnités « n'est pas le sujet ». Pour de nombreux parlementaires déjà sceptiques, cette nouvelle contrainte est un chiffon rouge.

  • Pas de limitation du cumul dans le temps

Avant l'été, une petite trentaine de députés frondeurs avaient fait voter à la surprise générale un amendement limitant le cumul dans le temps à trois mandats successifs, contre l'avis du gouvernement. Une mesure qui aurait pu contribuer à aérer la vie politique, alors que depuis depuis le milieu des années 1970, entre 20 et 30 % des députés (des hommes dans l'écrasante majorité) en sont à leur quatrième mandat au moins. Mais la porte a été bien vite refermée. Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, a clos le débat « au bazooka ». « J'y suis farouchement opposé, explique Borgel. Ceux qui ont le plus d'autorité ont aussi le plus d'expérience. Ce serait un affaiblissement considérable pour le Parlement. »

  • Pas de limitation des mandats locaux

Les gros barons locaux peuvent dormir tranquilles. À condition d'abandonner à partir de 2017 leur mandat national de parlementaire, ils pourront continuer à cumuler plusieurs fonctions locales, et les indemnités qui vont avec. « La loi fait l'impasse sur le cumul des présidents de région et des grands élus locaux, déplore le sénateur PS Rachel Mazuir. Ils risquent à l'avenir de devenir les interlocuteurs principaux du gouvernement face aux parlementaires. » Et le sénateur de citer un exemple très concret. « Que va peser à l'avenir un parlementaire du Rhône qui ne cumule plus alors que le maire de Lyon Gérard Collomb est localement président de tout ce qui est essentiel ? » Collomb, sénateur PS, maire de Lyon et président de la communauté urbaine, cumule à peu près toutes les fonctions locales d'importance. Et il pourrait demain, tout en n'étant plus sénateur, devenir l'homme fort de la future grande métropole lyonnaise… 

« Il faut évidemment limiter le cumul des mandats locaux, qui est parfois excessif et pose la question des conflits d'intérêts », souligne Laurence Dumont. Mais en réalité, personne ne semble très pressé. « C'est une prochaine étape, mais on ne peut pas le faire alors qu'arrivent des élections municipales », plaide Christophe Borgel. « Nous n'avons pas de projet de non-cumul des fonctions locales au-delà de ce qui existe déjà », a martelé la semaine dernière le ministre de l'intérieur Manuel Valls. 

  • Pas de réforme du Parlement

Sans le cumul, les parlementaires seront-ils moins godillots qu'aujourd'hui ? Oui, affirment les promoteurs de la réforme, puisque les parlementaires auront plus de temps pour faire la loi et exercer leur fonction de contrôle et d'évaluation de la politique du gouvernement, deux prérogatives du Parlement qui restent théoriques.

L'argument est rejeté par Alain Richard, sénateur PS et ancien ministre de Lionel Jospin, qui brandit au contraire le risque de parlementaires “hors sol” bataillant pour rester au contact des électeurs face à leurs concurrents. « La répartition du temps parlementaire restera ce qu'elle est car ils devront assurer leur survie politique en intensifiant leur propagande politique locale. » Selon le constitutionnaliste Olivier Beaud, la réforme du cumul des mandats pourrait même « aggraver la présidentialisation ». « À l'heure actuelle, que cela plaise ou non, l'existence de "grands barons" au sein du Parlement constitue un contre-pouvoir. »

Cette interrogation est partagée par des élus favorables à la loi. Car rien n'est prévu pour muscler les pouvoirs du Parlement. « Abroger le cumul ne renforcera pas la situation des parlementaires si on ne leur accorde pas les moyens humains, matériels et juridiques pour contrôler le gouvernement ou se confronter à l'armada de Bercy ou du ministère de la justice », estime Gaëtan Gorce. Rien n'est prévu non plus pour accroître les moyens des parlementaires.

« Au Sénat américain, les élus ont un "staff" de 10 personnes et donc la capacité de mobiliser de l'expertise. Nous, nous avons deux ou trois collaborateurs, dont un en circonscription… », résume le député PS Matthias Fekl. Ce non-cumulard plaide pour une réduction du nombre de députés « entre 450 et 500, contre 577 aujourd'hui », autant d'économies qui permettraient d'augmenter l'enveloppe consacrée à la rémunération des collaborateurs parlementaires. Un temps évoquée dans l'entourage de François Hollande, cette réduction du nombre de députés semble aujourd'hui enterrée.

  • La victoire des apparatchiks ?

L'argument est souvent brandi par les partisans du cumul. De fait, pour recruter leurs nouvelles recrues, les partis vont aller piocher dans leur vivier militant. Par ailleurs, nul doute que les cumulards qui lâchent leur mandat de parlementaire d'ici 2017 vont garder le siège au chaud pour leurs poulains. « On prépare le remplacement des cumulards par leurs collaborateurs ou leurs camarades d'organisation partisane », s'inquiète Alain Richard. Un exemple parmi d'autres : il y a quelques jours, le sénateur PS Alain Le Vern, président du conseil régional de Haute-Normandie, a annoncé son retrait de la vie politique... et dans le même temps désigné ses successeurs au Sénat et au conseil régional.

D'autant que le texte sur le cumul des mandats va autoriser un suppléant de député ou de sénateur à le remplacer automatiquement en cas de démission. Jusqu'ici, ce cas était réservé à des circonstances exceptionnelles, en cas de nomination au gouvernement ou de décès du titulaire. Et une démission provoquait une élection législative partielle. « Manuel Valls voulait absolument éviter des partielles gênantes », explique un parlementaire. Cette logique partisane peut limiter l'émergence de profils originaux.

 

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 14:25

 

 

mediapart.fr

Cahuzac utilisait son compte IRFM de député pour des dépenses personnelles

|  Par Mathilde Mathieu

 

 

 

Comme député, Jérôme Cahuzac piochait dans ses frais de mandat pour financer des « dépenses personnelles, ce qui paraît contraire à l'esprit de cette indemnité », d'après une note du service Tracfin dont Mediapart a eu connaissance.

 

Il ne s'interdisait donc rien ? Comme député, Jérôme Cahuzac aurait fait un usage parfois abusif de son « indemnité de frais de mandat » (IRFM), cette fameuse enveloppe de 5 770 euros mensuels allouée à tous les parlementaires pour couvrir leurs frais professionnels, versée sur un compte à part, mais trop souvent détournée à des fins privées. Tirées d’un rapport de Tracfin, ces nouvelles révélations décideront-elles l’Assemblée nationale à instaurer enfin un contrôle sur le train de vie de ses membres ?

À l’occasion d’une « note d’information » dont Mediapart a eu connaissance, le service anti-blanchiment du ministère de l'économie a en effet analysé l'ancien compte IRFM de Jérôme Cahuzac et relevé des exemples de « dépenses personnelles, ce qui paraît contraire à l'esprit de cette indemnité », écrivent les enquêteurs.

 

Jérôme Cahuzac lors de son audition par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale 
Jérôme Cahuzac lors de son audition par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale© Reuters

Ce rapport sur l’ancien ministre (par ailleurs essentiellement consacré à la question de la fraude fiscale) a été rédigé au lendemain des aveux de Jérôme Cahuzac sur son magot caché en Suisse et à Singapour, qui lui valent aujourd'hui deux mises en examen pour « blanchiment de fraude fiscale » et « déclaration mensongère de patrimoine ».

S’agissant du compte IRFM de l’ancien député, ouvert chez BNP-Paribas, Tracfin s'est concentré sur les six derniers mois de sa mandature (janvier à juin 2012), repérant plusieurs dépenses sans lien apparent avec l’exercice d’un mandat parlementaire : des emplettes dans des « magasins d’habillement de luxe », des « abonnements à Canalsatellite et Canal Plus », ou même une note de 8 000 euros réglée chez un vendeur de piscines et hammams du Lot-et-Garonne (l’ancienne circonscription du socialiste).

Interrogé sur la nature précise de cet achat (piscine ? spa ? etc.), le gérant de la société, retrouvé par Mediapart, s'est borné à confirmer que « Monsieur Cahuzac est en effet un de (ses) nombreux clients ».

Les enquêteurs précisent que leur passage sur l’IRFM n’a rien d'exhaustif. Comme l’usage de cette indemnité n’a jamais été codifié (ni dans une loi, ni même dans le règlement de l’Assemblée nationale), les risques encourus par Jérôme Cahuzac sur le plan juridique étaient probablement trop minces pour que Tracfin juge utile de passer les cinq années de sa mandature au peigne fin.

Prudents, les auteurs signalent que l’ancien député faisait aussi verser sur ce compte « pro » des reliquats de ses indemnités de maire de Villeneuve (9 100 euros en six mois), qui pouvaient couvrir – dans l'absolu – une partie de ses achats personnels. Sans doute était-il fastidieux, pour Tracfin, d'isoler et de chiffrer les dépenses privées réglées avec le seul argent de l'Assemblée. La justice s'y collera-t-elle ? Sollicités, les avocats de Jérôme Cahuzac, Mes Jean Veil et Jean-Alain Michel, n'ont pas souhaité répondre à nos questions.

Les premières trouvailles de Tracfin suffisent en tout cas à relancer le débat sur l’usage incontrôlé de cette enveloppe « destinée à couvrir forfaitairement les dépenses liées à l’exercice du mandat de député » (dixit le site de l'Assemblée), accordée aux élus en plus de leur traitement de base de 7 100 euros mensuels et de l'allocation dédiée à leurs collaborateurs (9 500 euros). La nature des dépenses engagées n'est jamais examinée par les fonctionnaires du Palais-Bourbon, ni d’ailleurs par la Cour des comptes, ni même par le fisc qui n’a plus le droit d'y fourrer son nez depuis 2002 – « (L'IRFM ne peut) donner lieu à aucune vérification de la part de l'administration », précise le Code général des impôts.

Un système opaque

À l'arrivée, ce système opaque facilite – sinon favorise – les dérives. Au printemps 2012, Mediapart a déjà dévoilé que le député Pascal Terrasse (PS) avait pioché dans son IRFM pour financer des vacances en Égypte et en famille, des voyages en Espagne, des billets de train pour son épouse et ses enfants, sa cotisation au PS, ou encore des charges liées à son mandat de conseiller général. Nous avons ensuite raconté comment des parlementaires profitaient de leur IRFM pour acheter leur permanence électorale (voire un pied-à-terre à Paris), avec la perspective d'une plus-value à l'issue de leur mandat. Quant au sénateur Bruno Retailleau (UMP), président du conseil général de Vendée, il a puisé 2 000 euros en 2012 sur son compte « pro » pour financer la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy – un don jugé irrégulier par la commission des comptes de campagne, comme nous le révélions en juillet dernier.

 

Mme Thoraval 
Mme Thoraval© DR

En fait, dès qu'on creuse, on trouve. Mediapart vient encore de découvrir que Marie-Hélène Thoraval, députée UMP jusqu'en juin 2012, avait financé sur son IRFM une croisière en Méditerranée du 18 au 21 août 2011, louant un voilier dans une agence du Var, pour un coût d'environ 2 000 euros. À bord du bateau : ses deux assistants parlementaires de l'époque (accompagnés d'une copine), son mari et sa fille. On voit mal pourquoi l'argent de l'Assemblée – tiré de la poche des contribuables – devrait alimenter ce type de dépenses.

Gênée, Marie-Hélène Thoraval assure qu'il s'agissait d'un « séminaire de travail pour préparer la rentrée parlementaire dans un cadre sympathique », que réserver « des nuits d'hôtel sur la Côte (lui) aurait coûté plus cher », que son mari était simplement venu piloter le bateau (« il est plus averti que moi et ça m'évitait l'embauche d'un skipper »). Et sa fille ? « Ça ne coûtait pas plus cher d'embarquer une personne de plus... » Tout juste Marie-Hélène Thoraval concède-t-elle qu'il serait opportun de fournir aux parlementaires qui arrivent au Palais-Bourbon des consignes officielles sur l'usage de l'IRFM.

Bizarrement, aucun code de ce genre n'existe à ce jour, pour la simple et bonne raison que l'Assemblée ne s'est jamais coltiné la question clef : quels frais peuvent être considérés – ou non – comme professionnels ? Chacun trace en fait la ligne jaune où bon lui semble.

Dans l'instruction marseillaise qui vise Alexandre Guérini, le frère de Jean-Noël (sénateur et président du conseil général des Bouches-du-Rhône), les gendarmes ont épluché les multiples relevés bancaires de l'élu socialiste et repéré plusieurs débits effectués depuis son compte IRFM dans des « boutiques de luxe », d'après un procès-verbal de janvier 2012 consulté par Mediapart. « Les dépenses que j'effectue avec mon IRFM sont toujours d'ordre professionnel », nous assure, en réponse, Jean-Noël Guérini. En l'absence de tout système de contrôle, on est contraint de le croire sur parole – lui comme les 924 autres parlementaires.

 

 

 

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17 septembre 2013 2 17 /09 /septembre /2013 14:13

 

mediapart.fr

Le système Dassault raconté de l'intérieur

|  Par Pascale Pascariello

 

 


Un habitant de Corbeil-Essonnes décortique pour Mediapart le système Dassault auquel il a participé avant d'être lâché. Alors que le sénateur milliardaire est convoqué par les juges le 2 octobre prochain dans une enquête criminelle, Athman livre dans un long témoignage sonore, les détails, les circuits financiers et les arrangements du « système D ». Et il en appelle à la justice, son témoignage mettant aujourd'hui sa vie en danger.

 

«  J’ai vécu et grandi avec Monsieur Dassault, autour du monde de Monsieur Dassault, je n’ai connu que le monde Dassault. » Athman, 32 ans, est un ancien témoin devenu un acteur de ce qu’il nomme le « système D ». Il a « goûté » à l’argent du sénateur, en particulier lors des élections municipales, pour « inciter » des habitants à voter pour l’avionneur. N’ayant pas été payé pour les élections de 2010, il détaille et dénonce aujourd’hui ce système dont Serge Dassault reconnaît l’existence dans les enregistrements que Mediapart a rendu publics dimanche.

Ce n’est pas Athman qui nous a transmis l’enregistrement clandestin dans lequel Serge Dassault reconnaît avoir acheté la campagne électorale de 2010. Il n’est pas non plus l’une des deux personnes qui faisaient face au sénateur milliardaire ce jour de novembre de 2012. Mais, comme il l’explique, il fait partie de ceux qui ont initié cet enregistrement. Il a demandé que son prénom soit modifié pour des raisons de sécurité, car il sait très bien ce qu’on risque quand on dénonce le système Dassault, quand on enraye une machine qui a notamment fait la fortune de tous, dont certains malfrats.

Un ami de sa bande, un des deux hommes qui faisaient face à Dassault lors de l’enregistrement, s’est en effet fait tirer dessus trois mois plus tard, en février 2013. Il a réchappé par miracle aux balles qui ont été tirées, selon des sources policières, par un certain Younès B., précisément l’homme qui n’aurait pas redistribué correctement le 1,7 million d’euros versé par Dassault pour les seuls quartiers-sud de la ville… Les avocats de Serge Dassault, Mes Pierre Haïk et Jean Veil, ont annoncé lundi 16 septembre la convocation du sénateur, le 2 octobre prochain, comme “témoin assisté” par des juges d'Évry qui enquêtent sur cette tentative de meurtre. Initialement, les juges voulaient l'entendre sous le régime de la garde à vue, mais le bureau du Sénat s'était opposé à la levée d'immunité du milliardaire.

 

Serge Dassault, milliardaire, sénateur et ancien maire de Corbeil-Essonnes, est au centre de plusieurs enquêtes judiciaires. 
Serge Dassault, milliardaire, sénateur et ancien maire de Corbeil-Essonnes, est au centre de plusieurs enquêtes judiciaires.© Reuters

Conscient de la nécessité de crédibiliser son témoignage, « Athman » a cependant accepté que sa vraie voix soit diffusée dans cette longue interview séquencée de 20 minutes que nous publions aujourd’hui, et qui constitue une mine d’informations, précises et documentées, permettant de détailler une machine que plusieurs de nos confrères, comme Le Canard enchaîné, Libération et Le Parisien, avaient déjà commencé à décrire.

Athman a rencontré pour la première fois Serge Dassault en 1996. À l’époque, le milliardaire vient de remporter, en 1995, les élections municipales de Corbeil-Essonnes, une ville qu’il traverse régulièrement pour se rendre sur son terrain d’aviation de Melun-Villaroche et dont il veut faire une vitrine de ses engagements politiques. Il veut, par la même occasion, prouver à ses détracteurs qu'il est capable de réussir sans hériter.

Cette victoire, il la savoure d'autant plus qu'il met fin, du coup, à trente-trois ans de communisme. Ville ouvrière de 42 000 habitants, Corbeil ne s’est pas relevée de la crise économique. À son arrivée, le nouveau maire promet de tout moderniser ; de se servir de son carnet d'adresses et de son savoir-faire de businessman pour relancer l'économie de la ville. Dix-huit ans plus tard, Serge Dassault n’a pas fait revenir l’emploi. Le taux de chômage n’a cessé d’augmenter, passant de 9,7 % en 1995 à 13,8 % en 2012, allant même jusqu'à 40 % dans certaines cités.

Pourtant « SD », comme l’appellent les jeunes de Corbeil, est parvenu à garder la ville sous son giron. « C’est comme chez Coluche. Chez Coluche, vous avez des pâtes, du riz, des tomates, des pommes de terre, du pain, des raviolis… Eh ben, chez Monsieur Dassault, vous avez des billets de 100, des billets de 200, des billets de 500, du bien immobilier… (…) et Monsieur Dassault, on ne peut pas dire que c’est Picsou. Il est généreux envers les habitants de Corbeil-Essonnes. » Qui, en échange, le lui rendent bien lors des élections, comme le raconte Athman.

  • « On craint pour notre personne »

Athman explique avoir peur parce qu’il dénonce un système « par lequel des générations et des générations de personnes ont touché de l’argent. À cause de nous, tout ça va s’arrêter. » Selon lui, « tous les gens qui sont à Corbeil ont goûté à l’argent de Monsieur Dassault ». Pourquoi le dénoncer ? « On n’a pas été rémunérés, on nous a négligés, on nous a maltraités et c’est pas bon de faire des promesses qu’on ne peut pas tenir. »

 

  • « On va pas lui dire : “Ah non, Monsieur, vous rajoutez une autre enveloppe !” »

En 2009, c’est aux Pinsons, le QG électoral de Dassault à Corbeil-Essonnes, que les habitants sont invités à déposer leur demande en tout genre. Ils défilent dans le bureau de « SD » et les enveloppes sont distribuées. En 2009, Athman fait la connaissance des lieux lors de l’entre-deux tours des élections municipales. À l’époque il demande une somme « modeste » : 10 000 euros.

Dans cet extrait, Athman parle de Jacques Lebigre comme de l’homme de main de Serge Dassault. Ancien militant du SAC, ancien directeur de cabinet de Serge Dassault à Corbeil et secrétaire départemental de l’UMP de l’Essonne, il est le fidèle parmi les fidèles, surnommé à Corbeil-Essonnes, le « porteur de valises ». Lorsque Serge Dassault remet l’argent à Athman, celui-ci ne prend pas la peine de vérifier la somme devant le milliardaire. « Quand on est devant, on est réservé, on a honte un peu, on se croit pas tout permis devant lui. On va pas lui dire : “Ah non, Monsieur, vous rajoutez une autre enveloppe !”. »

 

  • « Ils ont d’abord voulu acheter la paix sociale. Puis ils nous ont fait des promesses… »

Un BEP d’électro technique en poche, après quelques petits boulots et un détour par la case prison pour trafic de drogue, Athman est approché par l’équipe Dassault pour réaliser un « travail », certes particulier mais lucratif. Athman explique qu’on est venu le chercher : « On était soi-disant des voyous. Ils voulaient acheter la paix sociale. Ils sont venus vers nous, ils nous ont fait des promesses. Ils connaissaient ma situation, ils m’ont dit : “On peut t’aider.” Nous, on n’est jamais venu taper à la porte de SD, c’est SD qui est venu et qui veut s’entourer de gens comme nous. (…) SD veut récupérer les plus agressifs. Ce qui fait qu’on devient tous des loups. On se dit qu’en étant brebis on va se faire bouffer, qu’en étant calme on n’aura rien, et en étant voyou, là, vous vous achetez une crédibilité. »

  • « Pour moi et mon groupe, on a demandé 120 000 euros »

À la tête de la ville de 1995 à 2009, Serge Dassault a dû confier les rênes de la commune à son bras droit et employé de son groupe de presse, Jean-Pierre Bechter, à la suite de l’invalidation par le Conseil d’État, en juin 2009, de la municipale de 2008 pour dons d’argent. Inéligible, il présente donc son poulain qui remporte les élections en octobre 2009 de 27 voix. À l’époque, le mot d’ordre lors de la campagne dans les cités des Tarterêts, de la Nacelle, ou de Montconseil, est clair : « Votez Bechter, c’est voter Dassault. »

Mais en mars 2010, le scrutin d’octobre 2009 est lui aussi annulé au motif que Serge Dassault figurait sur les bulletins de vote de Bechter. Il faut repartir en campagne, et cette fois Athman est pleinement de la partie. Il raconte le démarchage et décortique comment la victoire a été rendue possible : « On leur expliquait que s’ils avaient besoin de quelque chose, d’un changement de logement, d’un appartement plus grand, un travail au SMIC dans les espaces verts ou dans le milieu associatif, il fallait voter Dassault. C’est tout simple. »

Il faut cependant faire le travail jusqu’au bout. « Monsieur Dassault ne paye qu’une fois le résultat obtenu. Si les gens ne font pas ce qu’il faut dans l’isoloir, personne n’a sa part. » Et après la victoire, il faut attendre. « Les liquidités arrivent au bout de 9 mois, 10 mois… »


Serge Dassault a admis avoir acheté l'élection municipale de 2010 dans un enregistrement réalisé en novembre 2012.  
Serge Dassault a admis avoir acheté l'élection municipale de 2010 dans un enregistrement réalisé en novembre 2012. © Reuters
 
  • « En 2010, on me fait ouvrir des comptes »

« En 2010, on m’a fait une promesse. Cette promesse n’a pas été tenue. » Sans détour, Athman accuse Younès B., « le bras armé » de Serge Dassault, de ne pas avoir redistribué l’argent comme convenu. Ancien habitant de la cité des Tarterêts, Younès B., fait figure de « caïd » pour certains, de « toutou » pour d’autres. Il reste un des principaux bénéficiaires du « système D », système qui lui aurait permis notamment de devenir propriétaire d’un café et d’une entreprise à Corbeil-Essonnes. « Il a jugé bon de ne pas payer un petit quartier comme le mien. C’est pour cela qu’on n’a pas été réglé. »

Tout avait été pourtant préparé. Pour être rémunéré, il est demandé aux petites mains du système d’ouvrir des comptes à l’étranger. Dans l’enregistrement, Serge Dassault lui-même évoque le Liban, une piste déjà retenue dans le cadre de l’enquête de la Brigade de répression de la délinquance sur la personne (BRDP) ouverte à Paris, en avril 2012, suite à la plainte déposée par la fille de Serge Dassault, Marie-Hélène Habert, et de son frère Laurent, pour « harcèlement ». Un habitant de la cité des Tarterêts, Mamadou K., aujourd’hui en Belgique, aurait en effet récupéré dans une banque au Liban une somme d’argent importante provenant d’un compte lié à Serge Dassault.

 

  • « Nos parents, eux, n’ont pas réussi à économiser 100 000 euros »

Les sommes en jeu font tourner les têtes. « Mon père a travaillé toute sa vie, il a juste eu de quoi payer ses factures, ci et ça, faire grandir ses enfants et basta. Et avoir 1 000 euros pour son enterrement. Vous imaginez maintenant, quelqu’un vient et vous propose 100 000 euros… »

Dans ces conditions, il n’est pas difficile d’obtenir des voix : « J’allais voter à droite parce que c’est un système de corruption… Tout en sachant que la droite, elle prend les immigrés avec des pincettes. »

 

Serge Dassault avec Nicolas Sarkozy, le 23 juin 2007, au Bourget.  
Serge Dassault avec Nicolas Sarkozy, le 23 juin 2007, au Bourget. © Reuters
  • « On ne se fait plus la guerre : on sait comment prendre l’argent. On attend les élections. »

La paix entre quartiers est le seul point positif que trouve Athman au système. Ce qui ne l’empêche pas de s’interroger sur sa fin. « On se retrouve avec un milieu associatif et un milieu éducatif dans le chaos total. Quand tout ça sera fini, qu’est-ce qu’ils vont faire les jeunes ? (Les employeurs) leur demanderont : Vous n’avez rien fait pendant 10 ans ? »

 

  • « On a investi à plusieurs dans une caméra cachée. Et on les a piégés. »

Fin 2012, Athman et ses acolytes parviennent indirectement à piéger un certain nombre d’élus. Ils veulent utiliser ces bombes mais obtenir en échange une protection pour ne pas être pris pour cibles. « En janvier 2013, on a vu les policiers de Nanterre. On leur explique la tension, on leur dit que des vies sont en danger. Ils ont pris ça avec des pincettes. Je leur dis qu’on a d’autres preuves (à leur disposition) mais seulement si on a une protection d’éloignement. La police nous répond qu’ici, c’est pas l’Amérique. »

Un mois plus tard, un de leurs amis qui avait piégé Dassault se fait tirer dessus par Younès B., l’homme qui n’a pas redistribué l’argent comme convenu. « Ils l’ont massacré pour rien, et on veut que ça ne se reproduise plus. C’est pour ça qu’on demande des garanties. »

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 17:55

 

 

lemonde.fr

 

 

Derrière les 400 Américains les plus riches, les inégalités explosent

Le Monde.fr | 16.09.2013 à 18h43 | Par Stéphane Lauer

 
 
On peut lire ce palmarès comme un bottin mondain, en pointant ceux qui gagnent des places (Bill Gates, Warren Buffett, Carl Icahn ou Mark Zuckerberg) et ceux qui en perdent.

New York, correspondant

Au moment où chacun tire un bilan de la crise financière, cinq ans tout juste après la faillite de la banque Lehman Brothers, le palmarès des Américains les plus riches, publié lundi 16 septembre par le magazine Forbes, donne un éclairage instructif sur les principaux bénéficiaires de la reprise. Alors qu'aux Etats-Unis le taux de chômage peine à reculer et que les salaires stagnent, la fortune des 400 Américains les plus fortunés n'a jamais été aussi importante. En 2012, elle a passé la barre des 2 000 milliards de dollars, soit l'équivalent du PIB de la Russie. C'est 300 milliards de dollars de plus qu'en 2011 et plus du double qu'il y a dix ans, constate Forbes.

On peut lire ce palmarès comme un bottin mondain, en pointant ceux qui gagnent des places (Bill Gates, Warren Buffett, Carl Icahn ou Mark Zuckerberg) et ceux qui en perdent. Les aléas du classement, en somme. Mais l'enseignement le plus précieux est que, pour cette catégorie des 400 plus riches, la crise financière n'est qu'un lointain souvenir du point de vue de leur fortune, puisque celle-ci est globalement supérieure à ce qu'elle était en 2007.

Trois facteurs ont contribué à rendre les plus riches encore plus riches. La hausse de la Bourse, d'abord. Le Dow Jones a plus que doublé depuis 2009. L'économie sort de sa convalescence, mais surtout, la Bourse a bénéficié d'un afflux de liquidités sans précédent grâce aux politiques accommodantes de la Banque centrale américaine. Or 90 % des actions aux Etats-Unis sont détenues par les 10 % les plus riches. Deuxième facteur, la reprise des prix de l'immobilier, qui a créé un effet richesse, dont les plus fortunés ont été les principaux bénéficiaires. Enfin l'augmentation des profits des entreprises a permis de distribuer des dividendes généreux, tandis que la montagne de cash qu'elles ont accumulé les a incitées à racheter leurs propres actions, pour ensuite les annuler et augmenter ainsi mécaniquement la valeur de la part des actionnaires.

 

 UNE PART GRANDISSANTE DE LA RICHESSE NATIONALE

Dans la dernière édition de leur étude sur les inégalités aux Etats-Unis, les économistes Emmanuel Saez et Thomas Piketty notent que 1 % des Américains les plus riches captent un cinquième du revenu total de la nation. Il s'agit du taux le plus élevé depuis 1913, date de la création par le gouvernement américain d'un impôt sur le revenu. Dans cette analyse, parue début septembre, M. Saez, économiste à l'université de Berkeley (Californie), explique que la Grande récession n'a que temporairement affecté les revenus les plus élevés et qu'elle n'a pas remis en question la part grandissante qu'ils occupent dans la richesse nationale depuis les années 1970. Le revenu des 0,01 % les plus riches a augmenté de plus de 32 % rien qu'en 2012. Les 1 % les plus privilégiés ont vu leur richesse plonger de 36 % pendant la récession, pour ensuite augmenter de 31 % en moyenne au cours de la reprise.

Les Américains sont donc loin d'être tous égaux face à la reprise. Pour les 99 % autres pour cent, le revenu a plongé de 12 %, mais ne s'est regonflé que de 0,4 % depuis. C'est-à-dire que le pourcentage le plus privilégié a capté 95 % des gains de la reprise, pointe encore M. Saez. Pis, quand on affine le panel, on se rend compte que 0,1 % des plus riches (ceux qui ont un revenu annuel supérieur à 1,9 million de dollars) ont capté plus de 60 % des gains de la reprise.

A titre indicatif, pour entrer dans le classement de Fortune, il faut gagner au minimum 1,3 millions d'euros.

 

Peu de surprise dans le peloton de tête

 

 

Bill Gates, la famille Walton (Walmart), le charismatique président d'Oracle, les frères Koch, le maire de New York Michael Bloomberg... Les têtes du peloton de tête du palmarès de Forbes ne changent guère depuis quelques années, même si l'ordre des premiers de la classe varie d'année en année.

 

Une vingtaine de nouvelles têtes font leur entrée, parmi eux un spécialiste du refinancement de prêts immobiliers (William Erbey), un spécialiste de la vente d'articles sportifs (Michael Rubin), un créateur d'outils de "networking" (Robert Pera), l'inventeur de la caméra GoPro (Nicholas Woodman) ou encore l'héritier d'une brasserie (Richard Yuengling).

 

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 16:53

 

decodeurs.blog.lemonde.fr

  Hollande sur TF1 : trois petits arrangements avec la vérité

 

 

 

 

François Hollande était interrogé, dimanche 15 septembre, sur TF1 ; une première interview télévisée depuis le 14 juillet. Lors de celle-ci, il n'y eut que peu d'annonces, mais beaucoup de"pédagogie" sur les chantiers mis en œuvre depuis son élection, proférant au passages quelques imprécisions et petits arrangements avec la vérité. Les Décodeurs ont choisi de revenir sur trois d'entre eux.

 

>> Lire la synthèse : Fiscalité, Syrie... François Hollande a voulu rassurer et s'expliquer

>> Lire l'analyse : François Hollande, général assiégé


  • François Hollande a oublié qu'il avait fait campagne contre une hausse de la TVA

Ce qu’il a dit : "La TVA avait été portée par François Fillon à 21,2 %. On l'a annulée. On l'a reportée au 1er janvier 2014 et relevée à 20%. C'est moins que le gouvernement précédent. Il n'empêche que c'est beaucoup."

Pourquoi c’est oublier rapidement le passé : Ce que dit le président de la République est exact : la précédente majorité avait fait voter, en fin de mandat, une TVA dite antidélocalisation ou encore TVA sociale afin de dégager une marge de manœuvre pour baisser le coût du travail.

Le taux normal de TVA, qui s’applique à la plupart des produits et services –  exceptés les produits de premières nécessité ainsi que certains secteurs – avait ainsi été porté à 21.2 %. Il devait être appliqué à l’automne 2012.

Le candidat Hollande et la gauche à l’unisson avait fait de cette hausse de la TVA un axe fort de la campagne arguant que c’était un impôt injuste puisque payé par tous, sans distinction de revenus.  "Si demain je suis appelé aux responsabilités alors que cette augmentation de la TVA est adoptée, je demanderai qu'elle soit annulée", avait-il promis, lors d’un discours prononcé le 30 janvier 2012 à Brest.

En arrivant aux responsabilités, les parlementaires socialistes ont voté la fin de cette TVA anti délocalisation, version Sarkozy.

Mais la majorité, confrontée aux déficits et à la nécessité de financer ses réformes, est revenues sur la question. Et elle a choisi ce même levier pour financer, en partie, le pacte de compétitivité, qui doit permettre de diminuer de 20 milliards d'euros les cotisations payées par les entreprises. La hausse est certes moindre que celle initialement prévue, comme l’a rappelé le chef de l’Etat lors de son allocution, mais en augmentant la TVA à 20 %, la majorité socialiste utilise un levier qu’elle conspuait jadis. Ce n’est pas qu’une "baisse" c'est aussi un renoncement à une promesse de campagne.

>> Lire : TVA de droite, TVA de gauche : le jeu des différences selon Hollande


  • Quand François Hollande "annule une augmentation"... Pour la remplacer par une autre

Ce qu’il a dit : "J'ai annulé l'augmentation de la CSG qui était annoncée, la presse s'en faisait écho."

Pourquoi c’est exagéré : François Hollande a cherché, tout au long de son entretien, à répondre à la grogne populaire face à la montée des impôts et taxes. Quitte à parfois tomber dans l’exagération. Ici, il a cherché à rassurer, en expliquant qu’il avait "annulé" une hausse annoncée de la contribution sociale généralisée (CSG).

La presse s’en "faisait-elle l'écho" ? En réalité, la presse avait surtout relaté que le gouvernement réfléchissait à une augmentation de cette taxe, prélévée depuis 1990 sur quasiment tous les types de revenus... pour financer les retraites. L’hypothèse a été évoquée, notamment par Le Monde au mois de juillet.

Le chef de l’Etat n’a donc pas tort : il a bien, selon ses dires en tous cas, refusé de céder sur un financement des retraites via une hausse de CSG. Mais il oublie de préciser qu’il a bien fallu financer les retraites ailleurs. Le gouvernement et François Hollande ont choisi de faire reposer ce financement avant tout sur les actifs, avec une hausse de 0,3 point des cotisations vieillesse d’ici 2017 ; hausse qui serait compensée au niveau des entreprises par des baisses de fiscalité.

On peut donc dire que M. Hollande a épargné une hausse de CSG aux Français, mais pas une hausse de taxes. Et il faut rappeler également que la question centrale de la "piste CSG" était celle d’une taxation accrue des retraités aisés, que M. Hollande a repoussé en partie.

Par ailleurs, comme l'indiquait le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger "les recettes de la CSG doivent être attribuées en priorité à la santé et à la perte d'autonomie". En n'augmentant pas cette contribution pour financer les retraites, l'exécutif se laisse une marge de manœuvre pour financement de la dépendance qui sera un gros chantier du quinquennat.

 

  •  Rénovation thermique : une mesure nouvelle… qui existe déjà

Ce qu’il a dit : "Très prochainement sera mis en place un crédit d’impôt pour la rénovation thermique."

Pourquoi c’est une fausse annonce : Ce "crédit d’impôt rénovation thermique" est l’une des rares annonces de l’interview présidentielle. Et en réalité, ce n’en est pas vraiment une... En effet, il existe déjà une panoplie assez complexe de dispositifs fiscaux incitant les particuliers à effectuer des travaux en ce sens.

Premier dispositif existant, le crédit d’impot développement durable (CIDD), mis en place dans la foulée du Grenelle de l’environnement, permet déjà d’obtenir des réductions, voire du crédit d’impôt pour les particuliers qui investissent soit dans des travaux d’isolation, soit dans des économies d’énergie ou des énergies alternatives (chauffe-eau solaire), soit.. dans la mise en place d’une chaudière plus écologique. Le CIDD doit normalement se terminer en 2015, mais le gouvernement pourrait le prolonger ou le fondre dans un autre dispositif.

Le CIDD n’est pas la seule manière d’etre aidé pour remplacer son système de chauffage par un dispositif plus "vert". Il est possible, sous condition de revenu, de souscrire à un "éco-pret à taux zéro", qui permet de financer des travaux de rénovation thermique. On peut également, pour ce type de travaux, bénéficier d’une TVA réduite, ou d’une aide locale dans certaines communes… Au total, l’Agence nationale de l’habitat recense pas moins de neuf aides à la rénovation thermique selon les publics. L’annonce de M. Hollande n’en est donc pas vraiment une.

 

Jonathan Parienté et Samuel Laurent

 

 


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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 16:46

 

 

Le Monde.fr avec AFP | 16.09.2013 à 17h58 • Mis à jour le 16.09.2013 à 17h59

 
  Patrick Le Lay condamné pour abus de CDD
 

 

L'ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay.

 

Pour la première fois, lundi 16 septembre, un patron de l'audiovisuel français a été reconnu coupable à titre personnel de recours abusif à des contrats à durée déterminée.

La cour d'appel de Versailles a confirmé le jugement en première instance condamnant Patrick Le Lay, ancien PDG de TF1, pour avoir utilisé ce type de contrat de mai 2002 à mars 2003 au sein de la chaîne. Il devra verser 3 500 euros d'amende et 5 000 euros de dommages et intérêts au Syndicat national de radiodiffusion et de télévision (SNRT-CGT), partie civile dans le dossier.

 

 "RESPONSABILITÉ PERSONNELLE"

Cette condamnation correspond au cas des cinq intermittents du spectacle mis en lumière par le syndicat, à savoir une maquilleuse, un documentaliste, une opératrice synthétiseur, un chef opérateur son et un assistant de plateau. Ces personnes avaient cumulé de cinq à dix-neuf ans d'ancienneté, dont plusieurs de CDD, selon le syndicat.

"Aujourd'hui, on ne peut plus commettre impunément des infractions. Les directions des médias et de l'audiovisuel mettent en jeu leur responsabilité personnelle. Cela va considérablement modifier le paysage social dans l'entreprise", s'est félicité l'avocat du syndicat, Oury Attia.

Contactée, la direction de TF1 n'a pas souhaité faire de commentaire.

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 16:39

 

 

LE MONDE.fr

16.09.2013 à 11h20 • Mis à jour le 16.09.2013 à 17h49 | Claire Gatinois

 

 
 En Basse-Saxe, la "ceinture de graisse" du pays prospère grâce à des salaires de misère

 

 
Les raisons qui ont poussées Stefan Petrut et sa femme à quitter la Roumanie pour venir travailler en Allemagne sont simples. "L'argent".

Les raisons qui ont poussées Stefan Petrut à quitter la Roumanie pour venir travailler en Allemagne sont simples. "L'argent". L'homme épais, à la figure bonhomme, qui ne laisse rien transparaître de trente ans de travail à la chaîne à découper les viandes dans les abattoirs, ne s'en cache pas. L'argent lui manquait tellement à Buzau, sa ville natale à 100 kilomètres de Bucarest.

Alors, en 2008, quand son ami Nicolaï, lui a parlé de ce travail d'équarrisseur en Basse-Saxe, à Essen-Oldenburg payé 1 600 euros par mois. "J'ai dit oui. J'arrive". Quelques jours plus tard, Stefan, quarante-six ans à l'époque, laisse sur place un fils déjà grand mais emmène sa femme, Luminata, couturière. Elle lâche ses travaux d'aiguilles pour se convertir à la découpe de bestiaux. De 16 heures à deux heures du matin, pauses comprises. L'affaire est trop belle. Au début, tout va bien. Si ce n'est cet appartement sommaire dans une maison de briques de Quakenbrück, à dix kilomètres de l'abattoir que Stefan et Luminata doivent partager avec deux autres couples. Une seule salle de bains. Une toilette pour tout le monde. Le tout pour 175 euros par personne et par mois payés "au patron". Celui-là même qui dirige l'abattoir.

Mais au bout de quelques mois, l'entreprise change le fonctionnement. Fini le salaire fixe, désormais Stefan et sa femme seront payés à la pièce : 1,31 centime (0,0131 euro) par cochon découpé pour lui, 0,98 centime pour elle. "Normalement, ça va, je suis un spécialiste", explique-t-il, fier. Solide et rompu à l'exercice, Stefan peut faire 700 bêtes par heure, donc, toucher un peu plus de 9 euros de l'heure. Mais Luminata ne tient pas la cadence. Pis au bout de quelques jours, les porcs n'arrivent plus. Danish Crown, un gros industriel de la viande qui achetait la pièces à l'abattoir de Stefan, veut changer de sous-traitant pour un autre, moins cher.

"Plus de cochons, plus d'argent", résume Stefan dans un français qu'il a appris à l'école. Sa femme et lui vivotent alors avec 500 euros mensuels. Puis, plus rien. L'abattoir fait faillite. Eux sont licenciés sans toucher les 5 000 euros et quelque qu'on leur doit encore.

 

 "NATIONALITÉS INVITÉES"

En Basse-Saxe, le cas de ces Roumains n'est qu'un exemple parmi d'autres de l'exploitation de la main-d'œuvre étrangère, peu au fait de ses droits, et souvent maintenue à dessein dans l'ignorance. Depuis un an, la presse locale se fait l'écho d'histoires plus ou moins sordides recensées dans "la ceinture de graisse" de l'Allemagne, championne européenne de l'exportation de viandes.

Got Ilie, le visage mat et l'air encore espiègle de ses 24 ans en témoignent. Arrivé en Allemagne en 2010, il a passé un an payé 5 euros de l'heure, sans sécurité sociale, et avant déduction des 70 euros à régler chaque mois à son employeur pour le logement : une chambre à partager avec cinq autres Roumains.

Au fil des ans, les nationalités "invitées" évoluent mais le scénario reste le même. Un salaire de misère qui frise parfois les deux à trois euros de l'heure et des conditions de logement indécentes. "Il y a quelques semaines, j'ai été alerté par un Espagnol employé dans une découpe de volailles qui n'avait pas reçu son salaire. J'ai découvert que lui et d'autres Espagnols vivaient à soixante-dix dans 180 mètres carrés dans un restaurant désaffecté", raconte Matthias Brümmer, responsable régional du syndicat de l'alimentaire NGG.

"Des Grecs, on n'en a pas encore vus. Mais l'industrie cherche et trouve toujours ce qu'elle veut là où la misère est la plus grande, dit-il, écœuré. Ces industriels se vantent de traiter correctement les animaux, mais eux traitent leurs salariés comme des bêtes !" M. Brümmer, un ancien des abattoirs, s'est rendu compte il y onze ans, grâce à un journaliste du Rheinische Post, que ces scènes dignes d'un roman de Zola existaient dans son propre pays, ce super modèle de l'Europe.

Interrogé sur de telles pratiques, Danish Crown explique que c'est le marché du travail allemand qui implique de tels niveaux de salaires. Quant aux sous-traitants, le groupe peut difficilement les contrôler, explique Jens Hansen, le porte-parole de l'entreprise danoise, ajoutant que le groupe, basé dans un pays réputé pour la générosité de son système social, ne rechigne pas à payer correctement ses propres salariés. Une stratégie d'évitement, certes, qui n'est toutefois pas éloignée de la réalité. Pour M. Brümmer, la réglementation du marché du travail allemand a permis ces dérives et l'émergence de ce qu'il appelle un "capitalisme de Manchester".

 

 PAS DE SALAIRE MINIMAL

Outre-Rhin, aucun salaire minimal n'est imposé dans la filière de la viande. En outre, sous le gouvernement de Gerhard Schröder (SPD) une clause a été introduite permettant à un employeur allemand de "louer" de la main d'œuvre à une entreprise étrangère, roumaine ou bulgare par exemple. Dans ce cadre, les employés sont soumis au droit du travail de leur pays d'origine, souvent moins disant.

En permettant aux industriels d'avoir recours à une main d'œuvre bon marché, la Basse-Saxe est devenue un aimant aux multinationales de la viande. Danish Crown, mais aussi le néerlandais Vion y sont représentés aux côtés des allemands Tonnies, Westfleisch, entre autres.

Résultat, dans cette région agricole, le chômage est au ras des pâquerettes (6,5 % en août selon l'agence pour l'emploi), et en dépit de l'automatisation du métier, l'industrie emploie encore 142 000 personnes, et plus de 200 000 en comptant ces travailleurs "loués", indique M. Brummer. "Aujourd'hui, si l'Allemagne arrête de produire de la viande, l'Europe fait famine !", plaisante-t-il.

Pour lui comme pour nombre d'Allemands, ce résultat n'a pourtant rien d'une réussite. "J'ai honte. Quand je voyage à l'étranger et qu'on m'interroge à ce sujet, je suis incapable de justifier cela", confie Alexander Herzog-Stein, spécialiste du marché de l'emploi à l'institut IMK, proche des syndicats.

Dans la région, aussi, on a honte. Depuis plus d'un an, à Vechta, une petite ville tranquille, le prêtre Peter Kessen mobilise les foules pour que cesse ce "dumpig social", dénoncé également par la France et la Belgique. Pour son action, le prêtre a reçu des menaces : une peau de lapin, déposée devant sa porte en novembre dernier.

C'est que le combat de ce religieux dérange. Son objectif est d'obliger l'instauration d'un salaire minimum à 8,50 euros de l'heure, pour tous. Une lutte à la frontière entre religion et politique : la mesure figure dans le programme du SPD, en lice face à la CDU d'Angela Merkel pour les élections législatives du 22 septembre."C'est notre responsabilité sociale", sourit-il. Et pour ceux qui redouteraient de voir alors la compétitivité de l'industrie s'effondrer, le prêtre a déjà fait les calculs. Avec ce niveau de salaire, le kilo de viande ne serait renchéri que de 5,7 centimes, dit-il. Reste que les entreprises pourraient déguerpir, à la recherche d'une main-d'œuvre meilleur marché. "Qu'ils s'en aillent !", lâche M. Brümmer.

Depuis quelques jours, la région a bon espoir de mettre fin à tout cela. A la suite d'une table ronde, mardi 10 septembre, les grands industriels se sont mis d'accord pour l'instauration d'un salaire minimum. Mais M. Brümmer se méfie. "Ce n'est pas la première fois qu'en période préélectorale on nous fait des promesses. Attendons le 23 septembre !".

Et puis après la viande viendra le combat pour les employés de l'hôtellerie, de la restauration et pour les garçons coiffeurs, dont les salaires, dit-on, ne dépassent pas 2 à 3 euros de l'heure...

Claire Gatinois
Journaliste au Monde

 

 


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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 14:42

 

blogs.mediapart.fr

 

Les inégalités se creusent dangereusement

En ces jours de septembre, les études sur la pauvreté, confirmant sa progression, pleuvent comme à Gravelotte. Les inégalités s’accroissent irrémédiablement. C’est le moment que choisissent les Pinçon-Charlot pour publier La violence des riches.

 Les pauvres c’est maintenant

L’étude sur les niveaux de vie publiée par l’INSEE (1) le 13 septembre constate la progression des inégalités en France (le taux de pauvreté est monté en 2011 à 14,3 % de la population, soit son plus haut niveau depuis 1997). La ministre actuelle chargée de la lutte contre l’exclusion voit là « l’échec économique, social et moral des années Sarkozy ».

 

Sauf que la veille, le 12 septembre, l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCASS) a annoncé que son dernier « baromètre » indiquait un « enkystement de la précarité » en constatant qu’en 2013 les demandes d’aide, présentées par les populations défavorisées dans ces centres rattachés aux communes, ont augmenté de 77 % (2).

 

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[Photo YF]

 

Parallèlement, les associations de défense des sans-abris et des mal-logés revendiquent une meilleure place dans le projet de loi Duflot sur le logement, en faveur de ces laissés pour compte (au moment même où l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale, l’ONPES, révèle que « l’âge moyen au décès de la population sans domicile est de 49 ans » (soit 30 ans de moins que la population générale)(3).

 

Louis Marin, le directeur de l’Observatoire des inégalités, de son côté, a publié un article le 10 septembre (4) dans lequel il montre comment le discours orchestré contre l’impôt (le fameux « ras le bol fiscal ») aboutit à une pause fiscale, qui profitera aux plus fortunés (« le bluff des plus aisés a marché »). La critique contre l’impôt et les dépenses publiques est biaisée : « les comparaisons internationales de prélèvements obligatoires n’ont aucun sens », car on compare « des services rendus totalement différents selon les pays » : « la France a choisi de répondre collectivement à certains besoins, pour garantir un accès universel ». L’impôt sur le revenu (en y incluant la CSG) ne représente en France que 7,3 % du PIB en 2010 (la France est en 14ème position pour les pays de l’OCDE, après l’Allemagne qui collecte davantage avec 8,8 % du PIB). Les ressources publiques viennent d’ailleurs, en particulier de la TVA, impôt injuste s’il en est.

 

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Affiche dans le métro parisien [Photo YF]


A l’approche de l’automne, les feuilles d’impôts, elles, se ramassent à la pelle. Car elles sont lourdes : même Philippe Dessertine, « spécialiste de la finance », a reçu la sienne et a confié à C dans l’air (France 5) le 12 septembre qu’elle était douloureuse. Cet « expert » dispense ses sermons à longueur d’année sur la nécessité de sabrer dans les dépenses sociales pour réduire la dette et relancer la compétitivité (sans jamais évoquer les causes de la crise dues essentiellement à la folie du monde de la finance, ce monde qu’il est sensé tellement bien connaître) : on se surprend du coup à se réjouir que le fisc ne l’ait pas oublié. Lui et tant d’autres qui sont chargés de mener campagne contre le principe de solidarité nationale. Mais ce qui est inquiétant c’est que des revenus bien plus modestes soient taxés gravement (en partie du fait du gel des barèmes de l’impôt instauré par Nicolas Sarkozy et prorogé pour cette année par François Hollande) : certains perdent même la prime pour l’emploi. Cette injustice non seulement révoltera les « petites » classes moyennes ainsi que les classes populaires, mais encore les plus aisés (ceux qui avaient tant profité des baisses d’impôt du précédent quinquennat) auront le culot de s’en servir pour défendre leur cause. C’est ce que fait Guillaume Roquette, du Figaro Magazine, le défenseur de l’économie libérale, le représentant de l’oligarchie (c’est-à-dire cette classe qui prône une économie sans entraves, sans Etat  pour assurer la justice sociale) qui se plaint soudain que les ménages modestes, en payant des impôts, perdent du coup des aides sociales qui leur permettaient de tenir le coup jusqu’alors !

 

La violence des riches

Les sociologues Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot sortent le 12 septembre en librairie La violence des riches, chronique d’une immense casse sociale (Zones, 2013). Les auteurs du président des riches, pas tendres avec le précédent président, ne ménagent pas l’actuelle majorité. Pour eux, la pauvreté des uns et la richesse des autres constituent, dans notre société, une réelle violence. Ils décrivent comment l’élite gangrène la démocratie, en s’accaparant tous les avantages, en se concertant, en défendant âprement ses intérêts (face aux autres classes sociales éclatées, mal organisées). Et une partie du personnel politique de gauche est compromis dans ces alliances de caste, tout en feignant de s’opposer aux leaders de la droite (le combat que mènent certains est davantage un combat pour les places qu’un combat pour la justice sociale).

 

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Ils écrivent : « La classe dominante, lorsqu'elle devient système oligarchique, présente une violence accrue dans les rapports sociaux qui permet à des individus lucides et cupides de faire valoir leurs intérêts particuliers en aménageant de surcroît la légalité à leur convenance. Les oligarques qui mènent la France, l'Europe et peut-être la planète tout entière à sa perte n'ont jamais reconnu leur responsabilité dans la crise financière de 2008. Ils accusent les peuples de coûter trop cher, d'être trop gourmands, de dépenser trop pour leur santé et leur éducation. Ils cherchent ainsi à se défausser sans jamais, eux, remettre en cause leur cupidité financière ».

 

Ils ajoutent : « la déréglementation de la vie économique a donc permis l'éclosion d’un cynisme individuel et collectif. L'exilé fiscal assume au grand jour sa volonté d'échapper à la loi et de ne pas s'acquitter des impôts dont il est redevable. Il le proclame haut et fort. Depardieu révolte, mais fait aussi rire, fascine et obtient un certain soutien, y compris populaire. C'est en affichant ouvertement son déni de la règle que le dominant prend le pas sur les dominés, eux-mêmes tentés de se replier sur un individualisme de dernier recours en abandonnant utopies et luttes collectives. Ce renoncement est une sorte de fatalisme particulier qui associe d’une manière contradictoire acceptation et non-consentement ».

 

Ce livre fourmille d’informations. Il a le mérite de mettre en lien diverses données, et assure une chronologie d’évènements qui, comme le disait une journaliste de France Inter le 12 septembre en recevant Monique Pinçon-Charlot, révèle une cohérence troublante. Lors de l’émission Mots croisés sur France 2 le 9 septembre, Monique Pinçon-Charlot a déclaré : « les riches avec la complicité de la droite et de la gauche libérale font la guerre aux classes moyennes et aux classes populaires ». Un de ses interlocuteurs, Laurent Wauquiez, s’étranglait : « il faut arrêter de prendre les riches pour des ennemis ». Et de répéter comme un enfant dans une cour d’école : « Il faut ar-rê-ter ! ». Quant à Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’IFRAP (plus violemment « libéral » que ce think tank, tu meurs) regardait notre sociologue avec condescendance et s’égosillait en reprochant à la gauche de vouloir augmenter la prime pour l’emploi (PPE) et les minima sociaux !

 

L’étrange capitulation

Laurent Mauduit a, quant à lui, publié cette année un livre percutant L’étrange capitulation, le changement c’était maintenant ! (éditions Jean-Claude Gawsewitch, 2013) plus directement orienté vers une critique implacable de la politique menée par la gauche, qui, selon lui, n’a pas attendu quelques mois avant de se renier, mais l’a fait dès son arrivée au pouvoir. Ainsi, il reproche à François Hollande d’avoir choisi d’appliquer la politique économique de Nicolas Sarkozy. Il montre comment certains économistes sont des « agents doubles » (servant les deux camps à la fois). Entre autres trahisons, il suspecte l’Elysée de vouloir un jour « contourner le Smic au profit du Revenu de solidarité active (RSA) » quitte à majorer quelque peu ce dernier. Et bien d’autres capitulations (le titre est emprunté à Marc Bloch, célèbre historien, auteur d’un essai écrit à l’été 1940, mais publié en 1946, intitulé L’étrange défaite). On pourrait se demander, s’il en est ainsi, pourquoi tant de haine à l’encontre d’un président qui accomplirait les vœux les plus chers du pouvoir économique dominant : certainement pour qu’il ne s’arrête pas en chemin. S’il y a reprise (que j’évoquais dans un précédent article), les « experts » mettront longtemps à l’admettre car cela n’arrangera pas leurs affaires et les contraindra à réfréner leur propagande.

 

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Le risque d’explosion

L’économiste Thomas Piketty, si rarement invité dans les médias, fait le point dans le Capital au XXIème siècle, véritable somme de près de 1000 pages, qui vient de paraître, sur l’augmentation considérable des inégalités dans notre pays. Il note par exemple que 10 % de la population reçoivent, grâce à l’héritage, beaucoup plus que ce que 50 % des Français gagnent pendant toute la durée de leur vie (700 000 euros). Thomas Piketty a précisé à Télérama ( 31 août ) : « si vous prolongez la tendance actuelle jusqu'aux années 2040 ou 2050, les inégalités deviennent insoutenables. Même les plus fidèles défenseurs du marché devraient s'en inquiéter. Aussi concurrentiel soit-il, ce marché n'empêchera pas, dans les décennies à venir, le rendement du capital d'être supérieur au taux de croissance, et donc les inégalités de se creuser, mécaniquement. Avec le risque qu'un repli national brutal – nationalisme politique ou protectionnisme exacerbé – finisse par servir de soupape de sécurité aux tensions sociales. » La solution : « Taxer le capital, donc, non pas pour se venger des plus riches, comme le craignent certains, mais pour éviter que les plus hauts patrimoines ne progressent, structurellement, trois ou quatre fois plus vite que l'économie. » Sinon, dit-il, il y a un risque d’explosion sociale, à l’échelle mondiale.

 

_____

(1) http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?reg_id=0&ref_id=ip1464

(2) www.uncass.org

(3) www.onpes.gouv.fr

(4) http://www.inegalites.fr/spip.php?page=analyse&id_article=1832&id_rubrique=28&id_mot=30&id_groupe=9

 

 

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16 septembre 2013 1 16 /09 /septembre /2013 14:19

 

 

mediapart.fr

 Dassault : l'aveu de la corruption

|  Par Fabrice Arfi et Michaël Hajdenberg et Pascale Pascariello

 


Pour la première fois, l’industriel et sénateur UMP Serge Dassault reconnaît dans un enregistrement réalisé fin 2012, et dont Mediapart publie des extraits, avoir acheté la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes. Une somme de 1,7 million d’euros est en jeu. Les deux hommes à l’origine de l’enregistrement se sont fait tirer dessus trois mois plus tard.

Cette fois, Serge Dassault ne pourra pas nier. L’industriel milliardaire et sénateur UMP admet dans un enregistrement clandestin réalisé fin 2012, que Mediapart a pu écouter en intégralité et dont nous diffusons des extraits, avoir payé pour s’assurer de la victoire de son successeur à la mairie de Corbeil-Essonnes, Jean-Pierre Bechter, lors de la campagne municipale de 2010.

 

Serge Dassault, le 14 juillet 2013, à la Bastille (Paris).  
Serge Dassault, le 14 juillet 2013, à la Bastille (Paris). © Reuters

Pour la première fois, on entend Serge Dassault admettre avoir payé, et c’est tout un système de corruption aux conséquences criminelles qui se fait jour. Durant cette conversation accablante pour le milliardaire soupçonné par la justice d’avoir mis en place un système de corruption électorale dans sa ville, Serge Dassault dit ouvertement avoir commis des actes illégaux et, en creux, avoir opéré des paiements occultes depuis le Liban, s’inquiétant d’être désormais « surveillé par la police ».

La rencontre a eu lieu en novembre 2012. Deux hommes, habitants de Corbeil-Essonnes, décrochent un rendez-vous dans le bureau du célèbre avionneur et propriétaire du Figaro, en prenant soin de dissimuler leur matériel (voir la Boîte noire). Durant la discussion, qui dure au total vingt-quatre minutes, ils se plaignent qu’un acteur clé du « système Dassault » n’ait pas redistribué comme prévu 1,7 million d’euros destinés à des personnes qui ont participé à la campagne victorieuse de 2010 dans des quartiers populaires du sud de Corbeil.

L’existence de cet enregistrement avait déjà été évoquée par Le Canard enchaîné en décembre 2012. Libération (ici ou ) et Le Point ont de leur côté raconté comment banditisme et politique étaient étroitement mêlés à Corbeil. Mais pour la première fois, dans les documents que nous publions, Dassault confirme lui-même la folie du système mis en place, dont les conséquences sont aujourd'hui incontrôlables.

Nous avons pu entendre cet enregistrement de bout en bout, connaître les conditions de sa réalisation et authentifier la voix de Serge Dassault. Nos sources nous ont autorisés à en publier trois extraits.

Dans le premier d’entre eux, Serge Dassault, 88 ans, lui-même ancien maire de Corbeil (1995-2010) où il est surnommé « le Vieux », vend rapidement la mèche, montrant la conscience qu’il a du caractère illégal de ces pratiques électorales. Ses interlocuteurs lui réclament leur dû et le sénateur lâche : « Là, je ne peux plus rien donner. Je ne peux plus rien sortir, c’est interdit. (…) Je suis surveillé. Je suis surveillé par la police. »

 


 

Dans un autre extrait, alors que les deux individus évoquent le fait que l’argent a été versé depuis le Liban, le milliardaire, 69e fortune mondiale selon Forbes, ne nie pas, bien au contraire, prenant seulement soin de préciser : « L’argent a été donné, complètement. Moi, j’ai donné l’argent. Je ne peux plus donner un sou à qui que ce soit. Je ne peux plus sortir l’argent pour qui que ce soit. Y a plus de Liban. Y a plus personne là-bas, c’est terminé. Moi, j’ai donné l’argent. »

 


 

Dans un troisième extrait, le milliardaire se défend d’être responsable de la mauvaise répartition de son propre argent noir : « Si c’est mal réparti, dit-il, ce n’est pas de ma faute. Je ne vais pas payer deux fois. Moi, j’ai tout payé, donc je ne donne plus un sou à qui que ce soit. Si c'est Younès, démerdez-vous avec lui. Moi, je ne peux rien faire. »

 


 

Contacté, Serge Dassault nous a fait savoir que « compte-tenu de la situation », il ne souhaitait pas s’exprimer. Quant à Jean-Pierre Bechter, son successeur à la mairie, il explique avoir déjà entendu parler de cette vidéo, ne pas l’avoir visionnée, mais refuse de l’entendre : « Je n’en ai rien à foutre de cette vidéo cachée. En bon chiraquien, je vous dirai que ça m’en touche une sans faire bouger l’autre. »

L’actuel maire, qui assure n’avoir jamais parlé de cet enregistrement avec Serge Dassault, tente par avance de le discréditer en expliquant que « les Tarterêts (nom d’une cité de Corbeil – ndlr), c’est Hollywood. Il y a plein de vidéos et de montages qui circulent. » Quand nous lui expliquons que nous avons authentifié la bande et que nous détaillons son contenu, il répond : « Ce que raconte Serge Dassault deux ou trois ans après… Je n’ai pas d’explication. Il dit ce qu’il veut. Ce n’est pas moi qui suis en cause. »

Quelle explication apporter à ces propos ? « Je n’en sais rien, confie-t-il. Peut-être qu’il se fout d’eux. Moi, j’ai été élu sans verser un euro. Je n’ai jamais entendu parler d’achat de voix. Il y avait un magistrat dans chaque bureau de vote. J’ai été élu avec 750 bulletins d’avance. Comment voulez-vous acheter 800 voix ? Ça coûterait une fortune. Et de toute façon, un mois avant l’élection, grâce aux sondages, on savait que j’allais gagner. Je ne vois pas pourquoi il aurait dépensé un euro. Et aucun de mes adversaires politiques n'a d'ailleurs contesté mon élection. »

Un tireur en cavale

L’affaire est pourtant fâcheuse. Il apparaît, d’après plusieurs enquêtes de police actuellement en cours, que trois mois après la réalisation de cet enregistrement clandestin, les deux personnes qui sont venues réclamer leur dû auprès de Serge Dassault se sont fait tirer dessus, à Corbeil. Les faits remontent au 19 février dernier. Le tireur présumé ? Younès B., selon des sources proches de l’enquête. Soit précisément l’homme cité par Dassault dans l’enregistrement et accusé de ne pas avoir comme convenu réparti l’argent.

Si les enquêteurs sont aussi certains de l’identité du tireur, c’est que celui-ci ne s’est pas caché au moment de son forfait, commis en pleine rue non loin d’un bar dont il est le propriétaire, agissant à visage découvert devant de nombreux témoins. Identifié très rapidement, le tireur a toutefois réussi à quitter la France après sa tentative de meurtre et, selon des sources policières, résiderait aujourd’hui en Algérie.

La principale victime des coups de feu est un boxeur de 32 ans. Il a reçu trois balles de calibre .38, le blessant grièvement. Un mois plus tôt, en janvier, un autre acteur du système Dassault, Rachid T., qui avait dénoncé une dérive « mafieuse » dans la ville, a été victime lui aussi d’une tentative de meurtre par balles.

La justice cherche à déterminer s’il existe un éventuel lien de causalité directe ou indirecte entre la tentative d'assassinat de février et l’enregistrement clandestin qui accable Dassault sur l’achat de votes. Elle enquête sur ces deux volets, de façon distincte. À Évry (Essonne), sous l'autorité de plusieurs juges d'instruction, les policiers de la brigade criminelle s’intéressent à la tentative d'homicide, tandis qu'à Paris, une information judiciaire a été ouverte fin mars sur des soupçons d’« achats de vote », « corruption », « blanchiment » et « abus de biens sociaux » lors des campagnes municipales de 2008 à 2010. L’enquête a été confiée à la Division nationale des investigations financières et fiscales (Dniff), basée à Nanterre.

 

Le 22 octobre 2010, au Sénat.  
Le 22 octobre 2010, au Sénat. © Reuters

En juillet dernier, Jean-Pierre Bechter, l’actuel maire de Corbeil et homme lige de Serge Dassault sur place, a été placé en garde à vue et entendu dans le volet criminel du dossier, tout comme le directeur du service jeunesse et sports de la mairie. Les deux hommes sont ressortis de leur audition sans avoir été déférés devant les magistrats. Jean-Pierre Bechter affirme à Mediapart connaître Younès B., mais pas la victime des coups de feu. « Tout a été réglé par mon audition », assure-t-il.

Les juges d’Évry auraient également voulu entendre Serge Dassault. Mais le 3 juillet, le bureau du Sénat (voir ici sa composition) a refusé de lever son immunité parlementaire, au motif que « la demande présentait un défaut de motivation ». La décision a permis à Serge Dassault de ne pas avoir à répondre devant l’autorité judiciaire. Mais les enregistrements clandestins révélés par Mediapart pourraient changer la donne. Ils apparaissent dans tous les cas comme une pièce à conviction centrale dans le volet financier du dossier, celui portant sur la corruption électorale de Corbeil.

Les pratiques locales de Serge Dassault ont déjà valu en 2009 au milliardaire l’invalidation par le Conseil d'État de son élection municipale à Corbeil pour fraude électorale. C’est donc faute de pouvoir se représenter qu’il avait placé l’année suivante à la tête de la ville un de ses proches, Jean-Pierre Bechter, ancien député RPR de Corrèze et administrateur de son groupe de presse, la Socpresse. À l’évidence, les pratiques d’achats de votes sous Serge Dassault, telles qu’elles ont été rapportées par de très nombreux habitants de Corbeil, ont continué après sa chute. Mais toujours avec son argent, dont il va falloir, pour les policiers, désormais reconstituer le cheminement.

Or une troisième enquête judiciaire, menée à Paris par les policiers de la Brigade de répression de la délinquance sur la personne (BRDP), pourrait y aider. Engagées pour des faits de « harcèlement » suite à une plainte de l’un des fils Dassault, Laurent, et de son épouse, victimes ces derniers mois de multiples coups de téléphone menaçants, les investigations ont d’ores et déjà permis de remonter la piste de trois frères originaires de Corbeil.

Selon les témoignages recueillis lors de l'enquête, l’un d’entre eux, Mamadou K., aujourd’hui réfugié en Belgique, aurait perçu par le passé de l’argent au Liban depuis un compte bancaire lié à Serge Dassault, en relation avec les activités politiques du milliardaire. Exactement comme le patron de l’empire Dassault le laisse entendre lui-même dans l’enregistrement pirate que nous révélons aujourd’hui.

Près de vingt ans après la conquête de Corbeil par Serge Dassault en 1995, c’est tout un système qui est donc en train d’imploser dans l’Essonne. Même si, pour l’heure, les différentes enquêtes judiciaires ouvertes sur les diverses ramifications du dossier n’ont pas été regroupées.

 

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                             LA BOÎTE NOIRE

Cela fait plusieurs années que Pascale Pascariello, journaliste indépendante (France Inter, France Culture, Le Canard enchaîné, Arte Radio…), travaille à Corbeil-Essonnes sur le système Dassault. Certains de ses contacts nous ont proposé il y a quelques semaines de visionner l'enregistrement de 24 minutes cité dans l'article. Il s'agit d'une vidéo réalisée en caméra cachée. Nous l'avons visionné de bout en bout, puis nous avons pris le temps nécessaire pour l'expertiser, authentifier les voix, et nous assurer de l'absence de montage. 

Nos sources n'ont cependant pas souhaité que nous le diffusions en intégralité. Elles ont seulement accepté que nous en publiions trois extraits.

L'image fixe étant sans intérêt, nous avons décidé de nous en tenir à la bande-son. Nous avons légèrement poussé la voix de Serge Dassault afin qu'il soit mieux entendu, ajouté des photos et des sous-titres pour aider à la compréhension.

Mercredi 11 septembre, en début de matinée, nous avons contacté Serge Dassault et Jean-Pierre Bechter. Le premier nous a fait savoir qu'il ne souhaitait pas nous répondre « compte-tenu de la situation ». Ses avocats, Me Jean Veil et Me Pierre Haïk, ne nous ont pas plus répondu. 

Jean-Pierre Bechter, lui, nous a rappelés. Ses explications figurent dans l'article.

 

 

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