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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 15:47

 

 

blogs.mediapart.fr

 

Allemagne - l'élection de toutes les surprises

Premières impressions. C'est l'élection de toutes les suprises. Angela Merkel manque de peu la majorité absolue, die Linke devient le 3e parti politique allemand, les Libéraux sont éjectés du Bundestag, un parti anti-européen émerge etc...

La CDU d'Angela Merkel avec 41,5% (33,8% en 2009) a obtenu son meilleur score depuis 23 ans et a, oh! surprise! frôlé la majorité absolue. La seule fois où la CDU a gouverné seule, c'etait de 1957 à 1961 sous Konrad Adenauer. Cette victoire est l'oeuvre d'Angela Merkel. Les participants aux soirées électorales des différents partis politiques allemands ont salué sa victoire avec respect.

Mais ce qui a provoqué l'enthousiasme chez les participants aux soirées électorales du SPD, des Grünen et de die Linke, fut l'élimination des libéraux du FDP avec 4,8% (14,6% en 2009). La surprise est que le FDP n'est plus représenté au Bundestag pour la première fois depuis la création de la RFA. Angela Merkel a exprimé ses regrets avec un mélange de pitié. Deux millions de voix sont passées du FDP au parti d'Angela Merkel.

Les Grünen essuient une défaite cinglante 8,4% (10,7 en 2009). Ils etaient à plus de 20% il y a 2 ans et encore à 15% il y a quelques mois. Leur co-president, Cem Özdemir a déclaré: "C'est chez nous - et pas chez les autres que nous devons regarder, pour voir ce qui n'a pas marché.  Nous devons faire une analyse sans pitie, chercher nos erreurs et les combattre". Ceci promet des débats houleux chez les Gruenen dans les semaines à venir.

Le SPD avec 25,7% gagne pratiquement 2 points sur 2009 (23%), cela ne suffit pas pour diriger une coalition avec les Grünen. Par contre le SPD pourrait diriger une coalition avec les Grünen et die Linke, ce qui empêcherait Angela Merkel d'être chancelière.  Mais le SPD refuse toute coalition avec die Linke à l'échelon national depuis la chute du mur de Berlin il y a 25 ans. Sans doute oublie t-il que nous ne sommes plus au 20e siècle.

Die Linke avait 11,9% des voix en 2009. Il a  commencé sa campagne avec 5% dans les sondages suite à des débats houleux internes. Oskar Lafontaine, l'un des leaders de ce parti s'est prononcé pour la sortie de l'euro et contre toute participation gouvernementale avec le SPD. C'est grâce à la figure emblématique de die Linke, Gregor Gysi, qui a mis toutes ses forces et toute son énergie dans la campagne que die Linke obtient aujourd'hui 8,6% des voix. Non seulement il s'est prononcé  contre la sortie de l'euro,  mais pour faire sortir le SPD de ses retranchements, il a sans cesse martelé que die Linke est prêt à ouvrir des négociations avec le SPD pour une participation gouvernementale. Hier soir Gregor Gysi ne boudait pas son plaisir en disant: "Qui aurait cru en 1990 que ce parti serait aujourd'hui la troisieme force politique du pays?", ce qui est une surprise. En effet, le parti communiste de l'ex RDA a donné naissance en 1990 peu de temps après la chute du mur au parti du socialisme democratique dont le premier  président ne fut autre que Gregor Gysi qui, avec ses amis, a mené une analyse sans merci du stalinisme. Puis en 2007, le PDS dans une alliance avec le parti d'Oskar Lafontaine, est devenu die Linke. On ne peut pas dire que ce dernier ait été actif dans cette campagne électorale.

Le parti anti européen AfD marqué à droite a manqué de peu son entrée au Bundestag avec 4,7%, ce qui ne présage rien de bon pour les élections européennes. un quart de ses voix provient des abstentionnistes.

Il faut dire aussi que l'Europe a été la grande absente de cette campagne.

Maintenant, les négociations pour la future coalition gouvernementale  commencent. La constitution prevoit 30 jours maximum. Le SPD refusant une coalition ave  les Gruenen et die Linke, les clefs sont dans les mains d'Angela Merkel.

Deux options s'offrent à elle:

Une grande coalition avec le SPD.
Une coalition avec les Gruenen.

Hier soir, ni les le SPD, ni les Gruenen ne voulaient aller avec Angela Merkel.

Il est clair qu'une grande coalition s'essouffle très vite,  qu'elle n'est pas profitable au 2e parti, en l'occurrence le SPD. Par contre, die Linke qui conduira l'opposition au Bundestag en recoltera les fruits. L'objectif de Gregor Gysi est que des remous aient lieu au sein du SPD et qu'à mi-mandat ce dernier ouvre des négociations avec die Linke pour une participation gouvernementale .

L'autre chambre, le Bundesrat, la chambre des Laender, qui dispose d'une majorité SPD - Grünen - Linke, est en capacité de bloquer toutes les lois. Cela ne va quand même pas être si simple que cela pour Angela Merkel.

 

 

 

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 15:24

 

 

blogs.rue89.com

 

Alerte rouge de la BRI sur le tsunami de la dette mondiale
Le Yéti - voyageur à domicile

Publié le 22/09/2013 à 17h08

 

 


Répartition dette publique mondiale (source : The Economist)

 

Que je vous dise d’abord ce qu’est la BRI (Banque des règlements internationaux). La BRI, c’est en quelque sorte la banque des banques centrales, la banque de toutes les banques, la banque en chef. Une sorte de Météo France du vrai climat de la finance, mais au niveau mondial, et en beaucoup plus secret. Et ses dernières prévisions sont des plus alarmistes.

L’alerte que vient de lancer la BRI la semaine passée dans un rapport signé de son chef Jaime Caruana est rouge cramoisi. Une vague immense, un véritable mur de dette, en train de se ruer sur nous. Un véritable crash cyclonique à nos portes.

Et ce n’est pas le recul mortifié de Ben Bernanke, patron de la Fed américaine, renonçant mercredi à limiter comme promis l’injection massive de 85 milliards de dollars chaque mois pour soutenir l’économie défaillante de son pays, qui va arranger quelque chose.

Célébrée par toutes les places boursières en état hallucinatoire avancé, cette annonce n’a pourtant rien de reluisant : elle reconnaît l’impuissance de l’ex-puissance américaine à redresser sa situation économique compromise sans injections permanentes de stimulants artificiels. Parallèlement, et malgré ces injections massives de liquidités, la Fed revoit une nouvelle fois à la baisse sa prévision de croissance pour 2013.

Le compteur affolé

William White, ancien économiste en chef de la BRI, confirme les prévisions sinistres de Caruana. Nous sommes retournés à une situation pire que celle qui prévalait à la veille de l’effondrement de Lehman Brothers en 2008, affirme-t-il.

« Toutes les déséquilibres antérieurs sont toujours là. Les niveaux d’endettement public et privé ont augmenté de 30 % par rapport à ce qu’ils étaient alors. »

Au final, selon le compteur affolé de The Economist, la dette mondiale court à grand pas vers le chiffre totalement extravagant de 52 mille milliards de dollars :

 


Dette publique mondiale au 21 septembre 2013 (source : The Economist)

 

C’est dire le poids des chaînes qui nous lient à nos prêteurs. C’est dire encore plus l’hécatombe qui menace ces derniers quand déferlera sur eux le tsunami impitoyable de cette dette infernale.

Fuite en avant éperdue

En plein débat mouvementé sur un plafond de la dette une nouvelle fois pulvérisé (au 15 octobre, c’est plié selon leurs propres spécialistes), le Congrès US va probablement voter un nouveau déplafonnement de dernière minute. Que peut-il faire d’autre, sinon exploser instantanément ? Pas grave, même si, aux dires de William White, cette politique de folie scie les pieds aux pays émergents :

« Nous avons ajouté un tout nouveau problème avec des bulles sur les marchés émergents qui ponctuent un cycle d’expansion-récession. »

Le Japon va poursuivre son hara-kirienne fuite en avant. Endetté à 211 % de son PIB, il doit consacrer plus de la moitié de ses rentrées fiscales à rembourser les seuls intérêts de sa dette actuelle. Et 46 % de son budget 2013 ne peut être financé que par de la dette supplémentaire. Mais pas grave tant que les médias fermeront les yeux sur le seul résultat probant de cette politique : une augmentation conséquente du déficit commercial.

En Chine, les dettes privées sont passées de 8 à 23 milliards de dollars depuis 2008. Mais pas grave, tant que les ex-apparatchiks communistes pourront nous refourguer des chiffres de croissance que plus personne n’est en mesure de valider.

En Europe, le ratio d’endettement a augmenté en un an de 88,2 à 92,2 %. Mais pas grave tant que chanteront les sirènes ridicules de quelque président français claironnant que la crise est derrière nous.

Menace sur les comptes des particuliers

Bref, devant nos pieds, des gouffres en pagaille sont en train de s’ouvrir. Les acteurs sont tétanisés, dépassés depuis belle lurette. Que vont-ils faire ? Rien. Rien d’autre que d’assister impuissants au passage du cyclone dévastateur en tentant juste de reculer en catastrophe l’inéluctable trépas de leur système.

Rien d’autre que de se donner le droit, comme vient de le proposer une directive de l’Union européenne dans le plus assourdissant des silences médiatiques, de saisir d’autorité les comptes bancaires des particuliers pour combler, en vain, ses trous béants (la garantie des 100 000 euros a bon dos).

On serait presque tenter de rire de leurs déconvenues. Mais le petit plaisir secret de voir tous ces pignoufs prendre le gadin ne peut hélas faire oublier les dégâts sociaux collatéraux qu’entraîneront leurs pitoyables manigances.

Car la chute est inéluctable, entendue. Désormais, l’issue fatale n’est plus seulement annoncée par quelques observateurs esseulés, mais par les plus hauts responsables au cœur même de l’empire condamné.

 

 

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 15:18

 

rue89.com

 

Lobbies 23/09/2013 à 11h12
Restos : comment l’agro-industrie a grignoté le label « fait maison »

 

 


Une rue de Paris et les cartes de ses restaurants (Daxis/Flcikr/CC)

 

Impossible de savoir si ce qu’on a dans notre assiette au resto a mijoté pendant des heures en cuisine ou sort d’un sachet en plastique réchauffé au micro-ondes.

Selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih principal syndicat du secteur), 80% des restaurateurs utilisent des produits industriels, semi-élaborés voire déjà cuisinés. Et cela concerne jusqu’aux œufs, que le grossiste Davigel, par exemple, propose en omelette, sous forme liquide ou durs :

« Cuisson à point, jaune savoureux et blanc ferme et souple. Conservé en saumure en seau. »

Pour mettre un peu de transparence dans nos assiettes, un amendement a été adopté à l’Assemblée nationale le 27 juin dernier, inspiré par quinze grands chefs. Il visait à rendre obligatoire, pour les restaurants, d’indiquer sur la carte si un plat était vraiment préparé sur place (ou non) à partir de produits bruts.

« Les andouillettes sont faites chez moi »

L’amendement n’a pas survécu à son passage au Sénat, dans la nuit de mercredi 11 à jeudi 12 septembre, face au front commun des sénateurs communistes, UMP et centristes (189 voix contre 157).

Philippe Adnot (sénateur non inscrit) a lancé :

« Les andouillettes de Troyes, elles sont faites chez moi. Le travail de ces ouvriers vaut largement ce que ferait maison un restaurateur quelconque. »

Derrière cela, une idée qui revient : il ne faut pas stigmatiser les produits industriels, parfois meilleurs que le fait maison. Et Mireille Schurch, sénatrice du groupe Communistes, républicains et citoyens, a avancé l’argument :

« On ne pourra jamais contrôler l’utilisation correcte du label dans les 200 000 restaurants de France. »

Pourquoi pas supprimer aussi les stops sur la route, a alors ironisé le sénateur socialiste Martial Bourquin...

L’astérisque qui aurait alourdi les menus

En 2011, déjà, après que la gastronomie française a été inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, un amendement du député UMP Fernand Siré est adopté en octobre. Il propose « d’informer » le client sur ce qu’il y a dans son assiette, mais il reste flou.

Dans la presse, il évoque la possibilité d’introduire sur les cartes des menus un astérisque pour « signaler que le professionnel a élaboré lui-même le plat et qu’il a été fait avec du frais et non pas avec du sous-vide ou de la nourriture en conserve, voire du surgelé ».

Et puis, il se rétracte. Interviewé dans le documentaire « Restauration française, un pavé dans l’assiette », réalisé en 2012 par Rémi Delescluse, il explique que cela aurait trop alourdi les menus dans les restaurants. Pendant qu’il parle, il tient une feuille dans ses mains, sur laquelle on peut lire en gros caractères :

« Attention à ne pas se mettre à dos les lobbyist [sic] de l’agro-alimentaire. »

 


Capture d’écran du documentaire « Restauration française : un pavé dans l’assiette », de Rémi Delescluse, 2012 

 

Mais c’est promis, « il n’y a pas de lobbies dans cette affaire ! » a lancé le sénateur Christian Cambon (UMP), lors des débats récents, alors que Martial Bourquin demandait dans l’arène qui les élus voulaient défendre.

« Meilleure filière agroalimentaire d’Europe »

L’industrie veut en effet convaincre les élus que ses produits ne sont pas mauvais et surtout qu’ils génèrent de l’emploi. Sénateurs et députés sont invités à visiter les usines, comme Fernand Siré convié en 2011 par l’industrie des surgelés. Martial Bourquin commente :

« Concrètement, on vous dit que c’est inapplicable, que cela risque de causer du tort à la meilleure filière agroalimentaire d’Europe qui génère au moins 400 000 emplois... Et ça peut marcher dans tous les rangs politiques. »

Les syndicats pour un label « restaurateur »

Les deux grands syndicats regroupant des restaurateurs traditionnels ont eux aussi participé au débat :

  • le Synhorcat, qui défend l’obligation d’affichage du label « fait maison », propose un label « restaurant » que ne pourraient utiliser que ceux qui transforment des produits frais ;
  • l’Umih (également soutenu dans ce combat par des professionnels de la restauration rapide), propose un label « artisan-restaurateur » qui récompenserait les établissements qui font du 100% fait maison.

Il fait valoir que depuis que des chefs étoilés « apportent leur pierre à l’édifice » de l’industrie agroalimentaire, il y a des choses « pas si mauvaise que ça ». Parmi eux, Joël Robuchon et sa purée magique, ou Alain Ducasse, qui offre son savoir-faire à Sodexo ou à Brake.

Une question de transparence

Xavier Denamur est un adepte du « fait maison ». Lui aussi est un lobbyiste, mais assume. Il s’énerve :

« Le problème, c’est que les grands groupes sont en lien avec des sénateurs-maires au niveau local. Ce sont eux qui font les menus des cantines. Alors les maires voient d’un mauvais œil la transparence, ils se laissent convaincre par l’industrie. »

Et le restaurateur veut rappeler :

« C’est une loi pour consommateurs, pas pour restaurateurs. Il ne s’agit pas de stigmatiser des plats, en affirmant que certains sont meilleurs. C’est une question d’information. La démocratie fonctionne comme ça. »

Le fait maison pas forcément mort

Et la démocratie est souvent surprenante.

La nuit où les sénateurs ont supprimé l’obligation d’indication du label fait maison sur les menus, ils ont laissé passer un autre amendement. Il sauve l’honneur des combattants du fait maison (le label existe), tout en laissant prudemment le soin au gouvernement de préciser par décret ses « modalités de mise en œuvre ».

Les lobbies vont pouvoir continuer à travailler.

 

 

 

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23 septembre 2013 1 23 /09 /septembre /2013 15:08

 

rue89.com

 

Le grand entretien 22/09/2013 à 15h55
Dominique Méda : « Il faut de nouveau réduire le temps de travail »
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

La croissance faible, une bonne nouvelle ? Pour Dominique Méda, sociologue, c’est le moment de s’en libérer pour bâtir une société plus respectueuse de l’humain.

 


« La Mystique de la croissance » de Dominique Méda

 

Nous sommes prisonniers de la croyance en la croissance. Elle est dans les têtes. Nos indicateurs sont tous pointés vers cet objectif. Notre système économique et social est entièrement organisé autour d’elle. Et pourtant, ne serait-ce que pour sauver la planète, il faut sortir de la logique de la croissance.

C’est la thèse que défend la sociologue et philosophe « gorzienne » Dominique Méda, professeure à l’université Paris-Dauphine, dans son dernier essai, « La Mystique de la Croissance » (Flammarion, 2013). Entretien.

Rue89. On a l’impression que les économistes se résignent peu à peu à l’idée que la croissance restera très basse en France, pendant très longtemps.

Dans son livre « Le Capital au XXIe siècle » (Seuil, 2013) par exemple, Thomas Piketty écrit qu’il est illusoire de rêver d’un retour à des taux de croissance de 3%... Avez vous le sentiment que la croissance sort des têtes ?

Dominique Méda. Pour qu’il y ait du changement dans les têtes, il faut que de grands économistes, très réputés, disent autre chose que leurs collègues. Ce qui a été le cas avec le texte de Robert Gordon [qui a prédit une croissance moyenne de 0,5% à l’horizon 2050-2100, ndlr]. D’autres économistes hétérodoxes l’avaient dit avant lui, mais on ne les écoute pas. Je pense à Jean Gadrey, par exemple. Là, c’est Gordon qui parle, alors de plus en plus d’économistes s’accordent à penser que la croissance ne reviendra pas ou que les taux de croissance seront durablement faibles.

Certes, le changement n’est pas complet : de nombreux économistes continuent de penser qu’on peut retrouver de la croissance, notamment en investissant dans la recherche et l’éducation. Mais la doxa selon laquelle il faut absolument plus de croissance et que c’est possible se fissure : les positions sont plus variées. L’idée de la contrainte environnementale a fait son chemin, l’air de rien. De plus en plus d’économistes acceptent qu’elle constitue une limite objective.

Le débat « croissance contre décroissance » semble dépassé, car la réalité qui s’impose, une très faible de croissance, semble réconcilier tout le monde. Est-il trop tôt pour parler de consensus ?



Dominique Méda (Flammarion)

 

Je n’irais pas jusque-là, franchement. S’il y avait un tel consensus –« on n’a plus de croissance, comment on fait ? » – on tomberait beaucoup plus rapidement sur l’idée qu’il faut remettre sur la table la réduction du temps de travail et d’autres politiques de ce genre. On n’y est pas du tout. On est dans un entre-deux : on se dit que peut-être la croissance ne reviendra pas, ou pas comme avant, mais on n’est pas prêt à prendre les mesures qui s’imposent pour s’accommoder de ce nouveau régime de croissance.

Que faut-il pour passer ce stade ?

Il faut que des gens dont la parole porte le disent. Prenez par exemple l’idée qu’il faut changer d’indicateurs de richesse : elle n’a avancé que lorsque la Commission Stiglitz ne s’en est emparée.

C’était Stiglitz, mais aussi Sarkozy : un président de droite.

Oui, mais je pense que le fait qu’un prix Nobel de l’économie l’a portée a joué énormément. Il faut toujours un économiste, et un économiste un peu mainstream, pour porter une idée qui sort du lot, sinon on est pris pour un fou. C’est terrible mais c’est ainsi.

Pour porter l’idée qu’il faut sortir du mythe de la croissance, quel économiste sérieux verriez-vous ?

Ah, je ne sais pas, je ne vais pas donner de noms ! [rire] Daniel Cohen l’a un peu fait il y a quelques années.

Oui, c’est vrai, il était un peu embarrassé, d’ailleurs. Il s’était démarqué de ceux qui prônaient la décroissance, tout en validant l’idée qu’il fallait tenir compte de la finitude des ressources.

Il a surtout admis qu’il fallait peut-être moins de croissance, que l’on remplacerait par plus de bonheur... Il a relayé les travaux de Claudia Senik sur le bonheur. Stratégiquement, c’est malin de le présenter ainsi : peut-être qu’on aura moins de croissance, mais on aura plus de bonheur. Mais c’est une stratégie dangereuse. Le bonheur n’intègre pas l’environnement : on peut être très heureux dans un environnement qui se dégrade. Et c’est une notion individualiste, qui fait l’économie d’un débat sur ce qu’est le bien commun, sur le bien-être collectif, sur ce qu’on veut faire ensemble...

La croissance procure du bonheur (parce qu’elle augmente le pouvoir d’achat, réduit les souffrances sociales, encourage les émancipations...). Si l’on doit tenir un discours alternatif, ne faut-il pas qu’il soit aussi porteur de bonheur ?

Il faut rechercher le bien-être, bien sûr. Mais l’idée d’adopter comme indicateur uniquement des perceptions subjectives renvoyant au bonheur individuel, cela ne me semble pas tenable. On est obligé de se référer à des éléments objectifs, que ce soit sur le patrimoine naturel (les émissions de gaz à effet de serre, par exemple), la qualité de vie, les conditions de travail, la répartition des revenus et de le l’emploi, etc. Ça va de pair avec le bien-être.

 


Des gens se promènent (Garry Knight/Flickr/CC)

 

La commission Stiglitz, aussi excitante fût-elle, n’a pas débouché sur grand chose.

Cela n’a pas entraîné le changement massif que cela aurait dû entrainer. Il y a eu une occasion manquée en 2008-2009, au moment de la crise : à cette époque, en Europe, une vraie réflexion avait été engagée pour une vraie bifurcation. On cherchait alors à trouver des solutions à la fois à la crise économique et à la crise écologique.

De nombreuses initiatives avaient été prises : le Grenelle de l’environnement, la commission Stiglitz, mais aussi, au niveau européen, le manifeste de la Spring Alliance, et puis au Bureau international du travail (BIT) le rapport sur les emplois verts... De nombreux chantiers ont été ouverts.

Et puis tout à coup, la porte se referme. On arrête de vouloir réguler la finance : on considère que cela a été plus ou moins réglé. On ne fera pas les grandes réformes sur lesquelles on avait commencé à réfléchir. La porte se referme, comme elle s’était refermée dans les années 70, au cours desquelles on avait commencé à réfléchir aussi à notre modèle économique.

Vous pensez au Club de Rome, et à la « croissance zéro » ?

Oui, mais pas seulement. En France, Edmond Maire, secrétaire général de la CFDT, remettait en cause la croissance (voir vidéo ci-dessous), de même que le président de la Commission européenne Sicco Mansholt.

 

 

« Nous contestons la conception actuelle de la croissance » 15/04/1973

Il y avait alors une acuité exceptionnelle autour de ces questions. Pensez aussi au discours de Robert Kennedy [le 18 mars 1968, ndlr], quelques semaines avant sa mort, quand il dit : « Le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »

A cette époque, on réfléchit à la fois sur les limites de la croissance (du fait de l’épuisement du patrimoine naturel) et sur le lien entre la croissance et la dégradation des conditions de travail : l’impact sur les gens des gains de productivité. Il y a donc une prise de conscience, très aiguë, mais la porte se referme avec le premier choc pétrolier, puis le second.

Dans votre livre, vous plaidez pour un ralentissement des gains de productivité.

C’est Jean Gadrey qui a ouvert une réflexion sur le sujet : selon lui, il faut ralentir les gains de productivité, car si on doit changer le contenu de la production, il va falloir davantage de travail.

Parce qu’il va falloir plus de services ?

Oui : dans une société de services, parler de « gains de productivité » n’a plus grand sens, surtout dans certains secteurs. Qu’est-ce que « des gains de productivité » dans une maison de retraite, par exemple ?

Surtout, il souligne que le PIB n’arrive pas à capter les gains de « qualité » et de « durabilité » : si on doit modifier la qualité de notre production, le PIB n’est pas le bon instrument pour le faire. Il y a là un champ de réflexion à la limite de l’économie et de la sociologie qui est passionnant.

Par quoi faudrait-il commencer pour préparer la bifurcation que vous souhaitez ? Par changer l’indicateur, remplacer le PIB par autre chose ?

Ce serait essentiel d’avoir de nouveaux indicateurs pour nous guider. La question de l’indicateur est centrale. Mais il faut engager d’autres chantiers : l’encadrement de la croissance, par exemple, dans des normes environnementales et sociales, si l’on peut au niveau mondial.

Il faudrait donner de nouveaux pouvoirs au Bureau international du travail, des pouvoirs au moins équivalents à ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), pour éviter que les productions les plus sales ou les plus dégradantes pour les travailleurs aillent toujours dans les même pays et que ne s’intensifie le dumping social..

Et puis, évidemment, commencer à engager un vaste programme d’investissement dans la rénovation thermique, le développement des modes de transports collectifs, le verdissement des processus industriels, l’agro-écologie, etc. Une telle transition a été chiffrée à 300 milliards d’euros par an pour l’Union européenne (UE). Ce sont des sommes énormes, qui supposent qu’on imagine des financements nouveaux : il faut créer des fonds européens, et pour cela changer les règles de l’UE (y compris, probablement, celles qui régissent la Banque centrale européenne).

Votre livre rejoint les thèses des « décroissants », mais vous n’utilisez jamais le mot. Est-il complètement décrédibilisé ?

Ce n’est pas un livre prônant la décroissance. L’idée de « décroissance » s’inscrit dans le même cercle intellectuel que la croissance, et je propose justement d’en sortir. Changer d’indicateur, c’est sortir de cette façon de penser, croissance/décroissance : dire que la quantité de produits n’est plus l’essentiel.

Ne serait-il pas plus simple de rester dans ce paradigme de la croissance, mais en la « verdissant » : aller vers une croissance qui ne dégraderait pas l’environnement, et pourrait donc être illimitée.

Pourquoi pas, essayons. Sélectionnons les secteurs qu’on veut voir se développer : la rénovation thermique, par exemple. Si vous me dites « c’est de la croissance », alors d’accord, appelons cela croissance, mais pour moi, une croissance vertueuse est une croissance qui améliore, pas une croissance qui détruit.

Enfin, il faut se garder de faire de la « croissance verte » au prix d’une marchandisation généralisée de la nature. On voit bien que des tas d’entreprises se préparent à ouvrir de nouveaux chantiers de « croissance verte » pour marchandiser des pans entiers de savoirs, de connaissances, de nature... N’allons pas jusque-là.

L’économie numérique, qui se développe, n’est-elle pas plus verte que l’économie industrielle ?

Elle n’est pas pour autant neutre pour les ressources : il faut fabriquer des ordinateurs, avec des matériaux rares, et ils consomment de l’énergie. Le risque, aujourd’hui, c’est d’aller vers des tensions autour de minerais rares ou de lancer de nouvelles exploitations comme le gaz de schiste.

Ma préférence va donc vers des idées d’efficacité, de sobriété, de partage, pour subvenir à nos besoins essentiels en pompant le moins possible sur les ressources naturelles.

Bâtir une « société de sobriété » ?

Je n’aime pas plus ce mot-là : on ne peut pas dire cela aux gens qui ne peuvent pas consommer. Je préfère « une société d’égalité ». Une société qui partage l’emploi et les ressources rares.

La critique que l’on entend parfois contre ceux qui prônent une société de « sobriété » ou de « décroissance », c’est qu’ils se préoccupent de problèmes de riches. L’urgence, c’est en effet la question sociale : le chômage. Or, dans nos sociétés, jusque-là, on ne sait pas trop comment résoudre cette question sociale sans croissance.

Je ne pense pas qu’il faille avoir un raisonnement séquentiel (« On va résoudre d’abord la crise économique, puis quand les choses seront revenues à la normale, on essaiera de résoudre la crise écologique »). Il faut tenir les deux en même temps : commencer à résoudre la crise de l’emploi en s’attaquant à la crise écologique.

C’est en faisant de la rénovation thermique (et donc en baissant la facture de pétrole) et en développant les énergies renouvelables qu’on va créer des emplois. Il faut résoudre la question de l’emploi sans miser sur la croissance : cela passe par la réduction du temps de travail, la répartition des revenus, de la fiscalité, etc.

Sur le temps de travail, on a tenté les 35 heures, mais le succès de cette expérience est loin d’être probant...

Il faudrait tirer un vrai bilan des 35 heures. Il n’a pas eu lieu. Il n’y a eu qu’un numéro spécial d’Economie et statistiques de l’Insee, sorti en catimini [en juin 2005, ndlr]. Il y a eu une offensive idéologique massive, pour dire qu’elles avaient dégradé la valeur travail, ce qui est faux : la valeur travail n’a jamais été si haute dans les enquêtes.

Il est également faux de dire que les Français sont ceux qui travaillent le moins. Le temps de travail a baissé dans tous les pays européens, selon des modalités diverses. Quand on agrège les temps partiels, on se rend compte que les Français travaillent aujourd’hui chaque année plus d’heures que les Allemands [1 559 heures contre 1 432 heures par an, ndlr].

 


La baisse du temps de travail en France et en Allemagne (Insee)

 

Certes, l’opération des 35 heures n’a pas été parfaite, parce qu’on n’est pas allé jusqu’au bout. Avec le passage de la loi Aubry I à la loi Aubry 2, on a cessé d’exiger des créations d’emploi. Aujourd’hui, je pense qu’avec cinq millions de chômeurs, il faut remettre sur la table cette option de la réduction du temps de travail. Pour attaquer l’énorme masse de chômage, et notamment l’énorme masse des chômeurs de longue durée, qui risquent d’être exclus jusqu’à la fin de leurs jours.

Avec quelle méthode ? La méthode Larrouturou/Rocard de la semaine des quatre jours ?

Oui, elle me parait intéressante, même s’il faut examiner si elle est praticable selon les secteurs. Je fais d’ailleurs partie du collectif Roosevelt [animé par l’économiste Pierre Larrouturou, ndlr]. A la fois pour faciliter la transition écologique et pour redonner, dès maintenant, espoir aux gens, il faut de nouveau réduire le temps de travail.

C’est aussi une question d’égalité homme-femme. Les temps de travail annuels des femmes sont en moyenne plus courts, du fait des temps partiels. Si l’on veut permettre aux femmes de faire les mêmes carrières que les hommes, d’accéder aux même responsabilités, d’avoir des retraites équivalentes, il faut raccourcir le temps de travail des temps complets. Avec des modalités différentes selon les secteurs, bien-sûr.

Les Français attendent désespérément le retour d’un peu de croissance, de pouvoir d’achat, de créations d’emplois... Et vous, vous publiez ce livre pour dire « la faible croissance est finalement une bonne nouvelle ». Avez vous le sentiment que votre discours est audible ?

Je sais qu’il est difficilement audible. La bonne nouvelle, c’est que la situation actuelle nous oblige à nous arrêter et nous poser les bonnes questions : si jamais la croissance ne revient pas, que fait-on ? C’est un moment un peu salvateur. La croissance permet, par exemple, d’éviter la question de la redistribution : quand le gâteau s’élargit, tout le monde en profite un peu. Si le gâteau ne grossit plus, comment faut-il le redécouper ?

Par ailleurs, la croissance a un impact sur les émissions de gaz à effet de serre. Si l’on accorde foi à ce que les différents rapports sur les changements climatiques nous disent, ceux du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) ou d’autres, la situation est effrayante : on a une capacité d’aveuglement incroyable.

Peut-être est-ce parce qu’on sait que de toute façon, les ressources fossiles vont disparaître un jour : on fait le pari qu’on les remplacera par d’autres formes d’énergie plus respectueuses de la planète...

C’est un raisonnement d’économiste. Je suis frappée par la manière dont les économistes nous ont aidés à nous aveugler. Je pense à des gens comme Robert Solow [« Nobel » d’économie, ndlr], par exemple. Les économistes sont ceux qui croient le plus aux vertus du progrès technologique. Ils nous disent : j’épuise les ressources, leur prix augmente ce qui me permet d’investir dans d’autres ressources et tout va bien ! C’est invraisemblable.

Comment a-t-on pu laisser les économistes tenir de tels propos ? L’économie ne doit pas être une matière isolée, elle doit commencer par tenir compte des lois de la physique. Les économistes partent de postulat contestables : cette idée, par exemple, que ce qui compte, ce sont les « utilités ». La nature n’est pas très importante, dans leurs raisonnements. Ce qui importe, c’est qu’il y ait « quelque chose » qui nous donne des satisfactions. Trop souvent, ils tiennent un discours prescriptif, presque performatif : et nous les croyons.

Un économiste, René Passet, a mis en garde contre les dangers d’une science économique qui se replie sur elle-même.

Oui, c’est un des premiers à avoir tiré la sonnette d’alarme. Mais dire que l’économie doit être encastrée dans la société, qui est elle même encastrée dans l’environnement, ce n’est pas non plus révolutionnaire : cela devrait aller de soi.

Dans votre livre, vous faites un plaidoyer pour un retour aux vertus grecques, notamment leur propension à se réguler, de fixer des limite à leurs désirs. N’est-ce pas un peu...

Réactionnaire ?

...plutôt à l’encontre de la modernité.

La société grecque décrite par les philosophes présentait des défauts rédhibitoires – les esclaves, le sort des femmes – mais elle a inventé des choses fantastiques, comme la démocratie, le sens de la mesure. Les modernes ont porté au plus haut la promotion de la raison, de l’individu, du progrès mais en oubliant d’y mettre des limites

Aujourd’hui, on peut inventer un troisième moment, en adoptant les avantages des deux mondes. Remettons un peu de mesure dans l’idée du progrès forgée au XVIIIe siècle. Je ne dis pas qu’il faut arrêter de produire, mais qu’il faut produire pour satisfaire nos besoins essentiels plutôt que pour faire du profit. Qu’il faut produire en respectant l’humain, ses conditions de travail et son environnement. Civilisons la croissance.

 

 

 

 

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22 septembre 2013 7 22 /09 /septembre /2013 13:38

 

rue89.com

 

Le grand entretien 12/05/2013 à 10h59
Crise : « Le succès des Allemands n’a rien à voir avec leurs efforts »
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

Coupes budgétaires, marché du travail plus flexible : pour le journaliste Guillaume Duval, les raisons du redressement économique de l’Allemagne sont ailleurs.

Pourquoi la France a-t-elle décroché par rapport à l’Allemagne, en termes de compétitivité, de croissance et d’emploi ?

 


« Made in Germany » de Guillaume Duval

 

On attribue généralement le succès allemand aux réformes engagées en 2000 par le chancelier SPD Gerhard Schröder, dans son « agenda 2010 » : flexibilisation du marché du travail et coupes claires dans les dépenses publiques. C’est cet effort, auquel se refuseraient les Français, qui serait payé de retour aujourd’hui.

Le journaliste d’Alternatives Economiques Guillaume Duval vient de signer chez Seuil un livre très éclairant sur l’Allemagne, « Made in Germany », dans lequel il remet frontalement en question ce diagnostic.

Rue89 : Tu as la conviction que le succès allemand n’a rien n’a voir avec les réformes engagées par Schröder. Explique-nous.

Guillaume Duval : Avec Schröder, c’est la première fois que la gauche arrive vraiment au pouvoir en 140 ans. Il engage des réformes importantes, notamment sur le marché du travail, et il exerce une pression importante sur les dépenses publiques.

Mais le succès actuel des Allemands n’a rien à voir avec ces efforts qu’ils se sont imposés. De telles réformes, importantes, ont même plutôt à mes yeux fragilisé les points forts traditionnels de l’économie allemande.


Guillaume Duval (Alternatives Economiques)

 

Sur le coup d’abord, la politique de Schröder s’est traduite par un recul très significatif du pouvoir d’achat des salariés, qui commencent tout juste à s’en remettre, et par un recul de l’emploi : quand Schröder quitte le pouvoir en 2005, il y a 5 millions de chômeurs. Par ailleurs, alors qu’il y avait autrefois moins d’inégalités et de pauvreté qu’en France, il y en a plus aujourd’hui.

Certains considèrent que ces inégalités et cette pauvreté ont été le prix à payer pour le redressement allemand. Je ne pense pas que ce dernier ait quoi que ce soit à voir avec les réformes Schröder. Selon moi, il est dû à trois facteurs qui préexistaient avant la crise, et à trois autres qui ont joué un rôle pendant la crise.

  1. Trois atouts : la démographie, l’Europe de l’Est, les biens d’équipement
  2. La flexibilité à la Schröder n’a pas été utilisée
  3. Pourquoi les dépenses publiques allemandes sont moins élevées
  4. Ce qu’il faudrait importer du système allemand en France

Commençons par les trois facteurs hors-crise.

L’Allemagne d’abord, a paradoxalement bénéficié de son déclin démographique. Les Français considèrent que c’est très bien d’avoir plein de gamins, plein de jeunes, que c’est une richesse pour l’avenir du pays. C’est sans doute vrai, mais dans l’immédiat, cela coûte très cher. Quand on a des enfants, il faut les loger, les nourrir, les éduquer, leur payer des téléphones portables...

Autant de dépenses privées et publiques en plus que les Allemands n’ont pas eu à dépenser. C’est une des raisons pour lesquelles les dépenses publiques ont été plus faibles et c’est une des raisons qui ont facilité la modération salariale : quand on n’a pas de gamins, on peut tolérer plus facilement une austérité salariale prolongée.

La démographie a surtout favorisé le maintien de prix immobiliers très modérés. Ils n’ont pas bougé depuis quinze ans, et commencent juste à le faire depuis deux ou trois ans. En France, les prix ont été multipliés par 2,5 dans le même temps. Cela se comprend : la France a gagné 5 millions d’habitants depuis le début des années 2000, quand l’Allemagne en a perdu 500 000.

Résultat : alors que l’immobilier neuf valait en France 3 800 euros du m2 en 2011, il valait en Allemagne seulement 1 300 euros du m2 la même année. On est dans un rapport de un à trois. Cela explique pourquoi les Allemands ont pu accepter une austérité salariale prolongée.

 


La démographie en France et en Allemagne (Olivier Berruryer/LesCrises.fr)

 

Deuxième point, les conséquences de la chute du Mur. Les Allemands ont l’habitude de se plaindre du coût que la réunification a représenté. Mais l’Allemagne a été au bout du compte la grande gagnante de la chute du mur, car elle a réintégré très rapidement et très fortement les pays d’Europe centrale et orientale à son système productif.

Avant, le pays à bas coût qui fournissait l’industrie allemande, c’était plutôt la France. Maintenant, ce sont la Tchéquie, la Slovaquie, la Hongrie, la Pologne... La différence, c’est que le coût du travail dans ces pays est cinq fois moindre qu’en France. L’Allemagne, en réorientant sa sous-traitance vers ces pays, a obtenu un gain de compétitivité-coût phénoménal pour son industrie.

La France n’aurait-elle pas pu faire de même ?

Délocaliser sans perdre sa base productive nationale n’est pas si simple. Ce qui est intéressant, dans le cas allemand, c’est de comprendre pourquoi cela s’est bien passé. La réponse à cette question est liée à la codétermination, un des trucs auxquels Schröder n’a heureusement pas touché. Il a fallu négocier tout ce processus avec les syndicats allemands, qui ont, dans les grandes entreprises, beaucoup plus de pouvoir que les syndicats français. Les comités d’entreprise ont un droit de veto sur toutes les grandes décisions et il y a, dans les conseils d’administration, une moitié de représentants des salariés. Ils ont donc négocié étroitement ces délocalisations et n’ont pas dit, comme Tchuruk [ex-patron d’Alcatel, ndlr], « on va faire des entreprises sans usines ».

La France l’a fait un tout petit peu, avec Dacia-Renault, en Roumanie. Mais on n’a pas su le faire à grande échelle. On en discute maintenant avec le Maroc : Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, parle de « colocalisation ». Mais on n’en est pas du tout au même stade que les Allemands, et c’est un inconvénient majeur pour l’industrie française.

Passons au troisième facteur hors-crise

Le troisième facteur est bien connu, mais il a joué à fond pendant les années 2000 : c’est la spécialisation de l’Allemagne dans les biens d’équipement – les machines. Celle spécialisation a correspondu à l’explosion de la nouvelle demande des pays émergents. L’Allemagne, c’est 18% des emplois européens, mais 33% des emplois dans les biens d’équipement européens.

 


Source : « Made in Germany »

 

Mais la France est aussi championne dans certains secteurs, je pense aux biens de luxe, qui rencontrent aussi une forte demande dans les pays émergents, avec l’apparition d’une classe bourgeoise...

C’est vrai. Mais les volumes concernés n’ont rien à voir. Quand la Chine devient l’usine du monde, ce sont des machines allemandes qui sont implantées partout. Idem au Brésil et en Inde... Quand Renault construit une usine à Tanger, ce sont aussi des machines allemandes qui l’équipent. Les nouveaux riches achètent des sacs Vuitton, c’est vrai, mais ils achètent aussi surtout des grosses voitures, et des Mercedes ou des BMW, pas des Peugeot ou des Renault.

Donc, on voit bien que ces trois facteurs puissants – démographie, sous-traitance en Europe centrale et spécialisation – n’ont rien à voir avec les réformes Schröder.

 

2 La flexibilité à la Schröder n’a pas été utilisée


Les atouts constatés pendant la crise, quels sont-ils ?

 


Des voitures Audi et Volkswagen sur le port d’Emdem, dans le nord de l’Allemagne, en avril 2008 (Nigel Treblin/AP/SIPA)

 

Les Allemands ont profité de trois éléments. Le premier, c’est que les réformes Schröder n’ont pas fonctionné du tout ! Schröder était un admirateur de Blair et Clinton, il voulait rapprocher le marché du travail du marché anglo-saxon, il voulait que ce soit plus facile d’embaucher et de licencier, etc. Le fait est que le marché du travail n’a pas été du tout flexible dans la crise.

L’Allemagne a connu une récession de 5% en 2009, contre seulement 2,9% en France. Pourtant, nous avons perdu 350 000 emplois et eux, zéro. Ils ont joué à plein sur la flexibilité interne, le chômage partiel, sur les accords dans les entreprises, etc. Ils n’ont pas utilisé les possibilités offertes par les réformes Schröder pour licencier en cas de crise.

Cela a beaucoup aidé l’économie allemande, en maintenant la demande. Les gens n’avaient pas peur de se retrouver au chômage et donc ont continué à consommer. Et l’industrie allemande a pu redémarrer très vite quand les commandes sont revenues : la main-d’œuvre était là, prête à reprendre la production.

Deuxième avantage : l’Allemagne a bénéficié de taux d’intérêt extrêmement bas depuis 2009.

La France aussi...



Les taux en France et en Allemagne

 

Oui, mais dans des proportions un peu plus faibles quand même. La crise des dettes souveraines en Europe a été une bonne affaire pour l’Etat allemand. Si les taux étaient restés aux niveaux de 2008, l’administration aurait dépensé 70 milliards d’euros de plus en paiement d’intérêts.

Les Allemands pleurent beaucoup sur l’aide apportée aux Grecs, aux Irlandais, aux Portugais, etc. Mais pour l’instant, si on fait le compte, ils sont d’un côté engagés à hauteur de 55 milliards d’euros vers ces pays et ils ont économisé du fait de cette crise 70 milliards d’euros de l’autre ! D’autant que ces 55 milliards d’euros ne sont pas des dons, mais des prêts qui rapportent 4% d’intérêts...

Ceux qui auraient des raisons de se plaindre, ce sont les Italiens. Ils sont engagés à hauteur de 41 milliards d’euros, mais eux, ils empruntent à 6% pour prêter à 4%... Les Allemands, eux, empruntent à quasiment zéro. Même si une partie de cet argent ne sera pas remboursée.

L’Etat allemand n’est pas le seul à avoir profité des taux d’intérêt très bas : les entreprises et les ménages aussi.

L’Allemagne a surtout profité de la seule bonne nouvelle qui a accompagné cette crise de la zone euro, à savoir la baisse sensible de l’euro par rapport au dollar.

Ce qui a « nettoyé » l’industrie européenne, à l’exception de l’industrie allemande, dans les années 2000, c’est d’abord la montée de l’euro par rapport au dollar : il est passé de 0,9 à 1,6 en 2008. En 2000, le coût d’un salarié de l’industrie française était de 14% inférieur à celui d’un salarié de l’industrie américaine ; il était de 17% supérieur en 2010 ! Idem avec les Japonais ou même les Coréens. L’industrie française en a énormément souffert, comme l’industrie italienne ou espagnole.

L’industrie allemande, elle, a survécu, un exploit extraordinaire lié aux trois facteurs que j’ai évoqués tout à l’heure. Et elle profite maintenant de la baisse de l’euro, qui est revenu de 1,6 à 1,3 dollar.

L’excédent extérieur allemand était de 170 milliards d’euros en 2007, mais il était fait aux trois quarts dans la zone euro ; il était de 180 milliards l’an dernier, mais aux trois quarts hors zone euro. Grâce à la baisse de l’euro, on le voit, l’Allemagne a gagné davantage d’exportations supplémentaires en dehors de la zone euro qu’elle n’en a perdu, du fait de la crise, à l’intérieur de la zone.

 

3 Pourquoi les dépenses publiques allemandes sont moins élevées

 

Quel bilan ferais-tu des réformes de Schröder ? Elles ont été neutres ? Négatives ?

Avec la pression qu’il a exercée sur les dépenses publiques, il a fait prendre un retard important à l’Allemagne sur des questions essentielles : la mise en place de crèches ou d’écoles, par exemple. Merkel essaye aujourd’hui de rattraper ce retard. Surtout, l’investissement public a souffert. L’Allemagne est un des seuls pays de l’OCDE à connaître un désinvestissement public : cela signifie, concrètement, que l’investissement ne compense pas l’usure des infrastructures existantes. Ce ne sont pas des politiques que l’on peut mener durablement. C’est un vrai problème pour le pays.

Quand on compare les dépenses publiques françaises et allemandes, on observe un écart de 8 points de PIB. Pourtant, on n’a pas l’impression d’une énorme différence en termes de prestation...

Plusieurs raisons expliquent la différence :

  • la question démographique, d’abord, que j’ai déjà évoquée ;
  • on dépense par ailleurs plus pour le chômage en France qu’en Allemagne, parce qu’on a plus de chômeurs ;
  • ensuite, l’Allemagne est un pays fédéral, géographiquement plus équilibré : chez nous, les dépenses publiques servent beaucoup à compenser l’écart entre les déserts français et les zones productives ;
  • sur les dépenses de santé, il est probable qu’il y ait moins de gaspillage en Allemagne : la France est l’un des pays qui dépensent le plus pour la santé.

Le point sur lequel les Allemands protègent moins leur population que nous, ce sont les retraites. Ils commencent d’ailleurs à s’inquiéter des conséquences des réformes qu’ils ont faites. Ils ont stabilisé leurs dépenses de retraites, malgré une poussée du nombre de retraités, et ils entendent poursuivre cette stabilisation. Cela va se traduire par une paupérisation massive des vieux.

 


Les dépenses publiques en France et en Allemagne (OCDE/Sénat)

 

La ministre des Affaires sociales a publié un rapport en septembre dernier qui établit qu’un salarié qui gagne aujourd’hui 2 500 euros touchera en 2030 une retraite de 688 euros. Soit le niveau du minimum vieillesse en Allemagne ! C’est un autre sérieux problème à venir.

Il y a actuellement des grèves salariales dans la métallurgie en Allemagne. On évoque par ailleurs l’idée d’un salaire minimum... As-tu l’impression que cela bouge un peu ?

Oui, cela bouge, mais le risque c’est que ce mouvement soit déjà terminé. Les Allemands commencent à en avoir marre des petits boulots mal payés : il y a 3 millions de personnes qui travaillent pour moins de 6 euros de l’heure.

Par ailleurs, un consensus se dessine sur l’idée de salaire minimum, même s’il y a des divergences sur les modalités : le SPD veut un salaire minimum national uniforme, les chrétiens-démocrates préfèreraient un salaire minimum fixé au niveau des Länder ou des branches. Dans l’industrie, le syndicat IG Metall demande des augmentations de salaires importantes. Idem dans les services...

Le problème, c’est que la crise de la zone euro est en train d’atteindre l’Allemagne. Les perspectives économiques pour cette année ne sont pas très souriantes : à peine meilleures que pour la France. Le risque est donc que les Allemands se remettent à se serrer la ceinture et à refaire de l’austérité.

Les Allemands sont-ils responsable de la crise en Europe ?

La situation est tragique de ce point de vue. Le comportement des Allemands et de leurs dirigeants est parfaitement compréhensible. Ils ont beaucoup souffert avec Schröder, en termes de pouvoir d’achat et d’emploi. Ils se disent – à tort selon moi – que c’est grâce à cela qu’ils s’en sortent moins mal que les autres. Dans ce contexte, ils considèrent évidemment qu’ils ne peuvent aider les autres que si ceux-ci font les même efforts qu’eux – pour leur bien. Mais si cette attitude est compréhensible, elle est parfaitement suicidaire sur le plan européen.

La politique Schröder aurait pu avoir des effets bien pires si, à l’époque, les Allemands n’avait pas été les seuls à l’appliquer : heureusement qu’il y avait les autres pays européens, y compris les Italiens, les Espagnols ou les Grecs, pour s’endetter et acheter les produits allemands...

Si tout le monde applique cette politique – ce qui est en train de se passer –, la demande chute, le chômage explose et personne n’arrive à se désendetter dans un contexte de récession. Et le risque aujourd’hui, est que cette situation mène à l’explosion de l’euro et de la construction européenne.

Elle est, en tout cas, contraire aux intérêts de l’économie allemande : une zone euro en récession, ce sont en effet des débouchés en moins pour l’industrie. Et cela ne peut pas non plus être dans l’intérêt des épargnants.

La situation conforte toutefois le leadership politique des Allemands...

C’est plus un emmerdement pour eux qu’autre chose. Ils ont le leadership, mais ils ne savent pas quoi en faire. Ils sont comme une poule qui aurait trouvé un couteau. Ils ne savent pas comment exercer ce leadership, notamment parce qu’ils sont embarrassés par les traces de leur dernier leadership. C’est une partie du problème d’aujourd’hui : une partie des Allemands pensent qu’ils auraient moins de problèmes s’ils sortaient de l’euro.

A cela s’ajoute un problème Merkel personnel. C’est quelqu’un qui est entré dans l’Union européenne à 35 ans [après avoir vécu en Allemagne de l’Est, ndlr]. Elle n’a découvert l’Europe occidentale qu’à travers des voyages officiels et des sommets internationaux. Elle ne comprend rien à ce qui se passe en Europe.

Il semble pourtant qu’ils commencent à prendre conscience que l’austérité ne fonctionne pas : en témoigne le délai accordé il y a quelques jours à la France pour atteindre les 3% de déficit public...

Dans une partie des élites, il y a une prise de conscience de l’impopularité de l’Allemagne. Tant que c’était chez les Grecs ou les Espagnols, c’était supportable, mais le développement d’un sentiment anti-allemand en France a été un choc. C’est, je pense, ce qui les a décidés à mettre les pouces et à faire des concessions.

Est-ce que la crise européenne ne pourrait pas se résoudre en laissant des chômeurs grecs ou espagnols aller travailler en Allemagne, pays qui a une industrie solide et qui est victime d’une implosion démographique ?

La tentation existe, mais je pense que cela ne peut pas marcher. Je connais bien la théorie : une zone monétaire est optimale si la main-d’œuvre peut bouger d’une région à l’autre de cette zone.

Mais le problème, c’est que la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal sont déjà en situation de crise démographique. Ils ont peu de jeunes. Si les jeunes qualifiés partent pour l’Allemagne, cela veut dire qu’il ne se passera plus rien pendant 50 ans dans ces pays-là. On aura créé le Mezzogiorno puissance dix... L’Europe ne pourra survivre à une telle situation que si les Allemands acceptent de payer pour entretenir les gens qui seront restés en Grèce, en Italie, en Espagne ou au Portugal. On n’en prend pas le chemin...

Ne peut-on pas imaginer que l’industrie allemande fasse avec ces pays ce qu’elle a fait avec la Pologne, la Slovaquie ou la République tchèque ?

La culture industrielle n’est pas forcément la même en Allemagne et en Grèce et je vois mal les industriels italiens accepter facilement de passer sous la coupe d’entreprises allemandes. Avec l’Espagne, la question peut se poser davantage. Ils le font déjà dans l’automobile.

Angela Merkel semble vouloir favoriser l’activité des femmes, par la création de crèches par exemple : ce serait une autre façon de réduire les conséquences du déclin démographique sur le marché du travail.

Oui, sur le terrain de la place des femmes dans l’économie, elle joue un rôle moteur. Schröder lui-même avait favorisé l’arrivée des femmes sur le marché du travail, mais sous des formes très inégalitaires, par le développement de temps très partiels.

Un Allemand travaille autant qu’un Français chaque semaine. Mais si un homme allemand travaille une heure de plus qu’un homme français, une femme allemande travaille trois heures de moins qu’une femme française. Et l’Allemagne est l’un des pays où les écarts de salaires sont les plus importants.

 

4 Ce qu’il faudrait importer du système allemand en France

 

Si l’on avait à importer quelques éléments du système allemand, quels devraient-ils être ?

J’en vois trois :

  • le premier, c’est la décentralisation du pays. L’Allemagne est un pays plus équilibré : on trouve des entreprises qui exportent dans la moindre vallée perdue, ce qui n’est pas le cas chez nous. Mais c’est l’élément le plus difficile à importer. Un changement institutionnel, qui passerait par l’augmentation des budgets des régions, ne suffirait pas ;

 

  • deuxième chose dont on pourrait s’inspirer, c’est leur intérêt pour l’écologie. C’est l’avenir qu’ils préparent ! Ils ont fait plus d’efforts sur l’efficacité énergétique et sont plus avancés sur les technologie. Nous ne devons pas louper les différents coches qui se présentent ;

 

  • la dernière chose à importer, la plus importante à mon avis, c’est la gouvernance des entreprises, et notamment la codétermination. On avait une occasion unique d’avancer sur ce terrain avec la loi sur l’emploi et l’accord national interprofessionnel, mais on est en train de la rater.

Par ailleurs, il y a un élément important de la gouvernance des entreprises dont on pourrait s’inspirer. En Allemagne, il n’y a pas de PDG : il y a un président du directoire et un président du conseil de surveillance. Ces deux chefs doivent s’entendre pour les grands tournants stratégiques. Ainsi, si un jour un président du directoire qui dirige une compagnie vendant de l’eau et des services publics locaux s’ennuie, qu’il ne trouve pas cela rigolo et qu’il veut acheter une major d’Hollywood et avoir un appartement à New York, eh bien il ne pourra rien faire de tout cela [allusion à Jean-Marie Messier, ex-patron de Vivendi, ndlr].

A travers ce système et à travers le pouvoir donné aux salariés, il y a dans les entreprises allemandes des systèmes de contre-pouvoirs que nous ne connaissons pas dans notre pays.

 

MERCI RIVERAINS ! Pierrestrato

 

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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 17:32

 

 

 

 LE MONDE

21.09.2013 à 09h55 • Mis à jour le 21.09.2013 à 17h24 | Par Jérémie Baruch, Jean-Baptiste Chastand et Alexandre Léchenet

 

 

La grande inégalité des chômeurs face à Pôle emploi

 

 
Que vous soyez chômeur à L'Ile-Rousse, en Haute-Corse, ou à Douai, dans le Nord, vous ne serez pas reçu de la même manière à Pôle emploi. Les données locales détaillées, publiées pour la première fois par l'organisme le vendredi 20 septembre, faisant suite à la demande du Monde, montrent à quel point le nombre de conseillers est inéquitablement réparti sur le territoire.

Lire aussi : Une bataille de six mois pour obtenir des données jugées sensibles

Au 1er septembre, à Douai, chaque conseiller suivait en moyenne 192 chômeurs, contre seulement 32 à L'Ile-Rousse.

La moyenne nationale est de 116 chômeurs par conseiller, mais l'écart varie de un à sept selon les agences. Ces chiffres ne comprennent que les chômeurs qui font l'objet d'un suivi effectif. Ils ne tiennent pas non plus compte d'éventuels conseillers en temps partiel, Pôle emploi n'ayant pas souhaité fournir de données ajustées. Mais ils n'en restent pas moins un bon indicateur de la charge de travail des 1 000 agences que compte la France.

Infographie "Le Monde"
  • De considérables différences régionales

Les disparités entre régions vont du simple au double. En Picardie, la moyenne est ainsi de 150,2 chômeurs par conseiller, contre 66 en Corse. Le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine, malgré leurs taux de chômage élevés, affichent respectivement 136,4 et 127 chômeurs par conseiller. A l'opposé, en Basse-Normandie et en Midi-Pyrénées, deux régions au taux de chômage inférieur à la moyenne nationale, chaque conseiller suit moins de 100 chômeurs.

Selon les données fournies par Pôle emploi, la région qui dispose du moins de moyens par chômeur est La Réunion. Mais comme l'organisme n'a pas été en mesure de donner des chiffres pour la Guadeloupe et la Martinique, nous avons décidé de nous concentrer sur la métropole. Les départements les moins bien lotis sont alors l'Aisne, la Creuse et la Somme. Les mieux dotés sont les deux départements corses et l'Orne.

Les cinquante agences qui disposent du moins de moyens sont situées dans des communes du quart nord de la France (Picardie et Nord-Pas-de-Calais) ou des territoires en difficulté, comme Marseille, Beauvais, Cambrai ou Vierzon. Des agences situées en zones urbaines sensibles comme à Cenon, dans l'agglomération de Bordeaux, ou à Bron, près de Lyon, affichent aussi un nombre de chômeurs par conseiller qui grimpe au-delà des 150. A l'inverse, plusieurs agences en Corse, ou en centre-ville de grandes agglomérations comme Toulouse, Lyon ou Nantes, font partie des agences avec le moins de chômeurs par conseiller.

 

L'Ile-de-France a la particularité de compter à la fois des agences parmi les plus chargées du pays et celles parmi les mieux dotées. La géographie des inégalités franciliennes respecte presque parfaitement celle des différences économiques. Les agences de Saint-Denis, Tremblay-en-France, Sevran, Bobigny, La Courneuve, situées en zones urbaines sensibles en Seine-Saint-Denis, affichent toutes plus de 160 chômeurs par conseiller. La Seine-Saint-Denis et le Val-de-Marne se classent d'ailleurs parmi les vingt départements les moins pourvus.

A l'opposé, dans six agences situées dans des arrondissements parisiens favorisés et des villes aisées comme Versailles ou Rambouillet, les conseillers n'ont pas plus de 80 chômeurs à suivre, soit deux fois moins ! Paris affiche le 10e meilleur chiffre national. Si quelques territoires en difficulté, comme Les Ulis ou Trappes, font partie des agences favorisées, il apparaît globalement que la logique de Pôle emploi qui est "de faire plus pour ceux qui en ont le plus besoin" est loin d'être applicable en Ile-de-france.

Consulter les données chiffrées agence par agence : Quel portefeuille pour les conseillers dans votre agence Pôle emploi ?

  • Des inégalités en voie de correction

L'organisme ne nie pas les disparités territoriales et promet que les 2 000 CDI supplémentaires attribués au printemps par le gouvernement permettront justement de les résorber. "Par exemple, la Picardie, qui représente 3,5 % des demandeurs d'emploi en portefeuille, a bénéficié de 5,5 % des renforts", affirme Pôle emploi.

L'agence de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), parmi les moins favorisées, devrait bientôt profiter de 5 postes supplémentaires. Pour l'instant, seuls 35 % des 2 000 renforts sont opérationnels. Par ailleurs, la convention collective empêche quasiment toute mobilité forcée. Comme pour tous les organismes publics, il est plus facile de trouver des agents volontaires pour travailler dans le Sud-Est que dans le Nord ou dans les quartiers difficiles.

  • 6 % des chômeurs en "suivi renforcé"

Pôle emploi a par ailleurs publié des chiffres sur les modalités de suivi des chômeurs. Depuis janvier, l'organisme a choisi de différencier son suivi en fonction des difficultés des demandeurs d'emploi. Ces derniers sont désormais classés en trois catégories, selon leur éloignement du marché du travail. Pôle emploi affirme qu'un peu plus de 130 000 chômeurs, soit 6 % de ceux suivis par l'organisme, bénéficient d'un suivi renforcé, avec des conseillers qui ne s'occupent pas de plus de 70 chômeurs. 55 % des chômeurs ont un suivi guidé avec en moyenne 105 demandeurs d'emploi par conseiller. Le reste des chômeurs, normalement les plus autonomes, peuvent être suivis par des conseillers qui encadrent jusqu'à 350 chômeurs.

Mais ces chiffres sont fondés sur les seuls chômeurs "en portefeuille", soit 2371000 personnes, près d'un million de personnes en moins que les chiffres officiels du chômage. En tout, Pôle emploi a exclu de cette étude près de 2,3 millions de personnes inscrites dans ses listes, mais actuellement en formation, en contrat aidé ou inscrites depuis moins de quatre mois. En incluant ces chômeurs, la moyenne de demandeurs d'emploi par conseiller grimpe à 230 et il n'est pas rare de voir sur le terrain des conseillers avec plus de 500 chômeurs à suivre.

 Alexandre Léchenet
Journaliste au Monde

 

 


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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 17:11

 

 

marianne.net

 

Série noire chez JP Morgan
Vendredi 20 Septembre 2013 à 20:15

 

Adrien Francius

 

Après une perte de 6,2 milliards de dollars en 2012 et les dissimulations qui s’en sont suivies, le mastodonte de Wall Street croule sous les condamnations.

 

Mark Lennihan/AP/SIPA
Mark Lennihan/AP/SIPA
Malgré une faible baisse de l’action JP Morgan ce jeudi, la condamnation de la banque à 920 millions de dollars est un coup dur pour ce roi de la finance. La condamnation porte essentiellement sur le défaut de surveillance des actions menées par les traders et les tentatives de dissimulation des pertes de la firme. « L’état major de JP Morgan a violé une règle cardinale du gouvernement d’entreprise en privant son conseil d’administration d’informations critiques qui auraient été nécessaires pour pouvoir évaluer correctement les problèmes » fustige l’autorité des marchés financiers américains (SEC). Les régulateurs américains et britanniques empochent eux, un sacré-pactole, entre 200 et 300 millions de dollars pour chacune des quatre autorités.
 
En charge d’une unité de trading à la City, Bruno Iksil, le trader français, qui avait acquis une position de force sur le marché des assurances sur crédit (CDS, une invention de JP Morgan), a vu pourtant son portefeuille fondre suite à un revirement des marchés financiers. Rien d’illégal jusque là. Les infractions commises par JP Morgan viennent ensuite avec la dissimulation des pertes, les falsifications de la valeur des transactions et les mensonges.

La hiérarchie de l’établissement est également dans la combine en ayant couvert, sans vérifications, les agissements des traders. Pour faire face au scandale, Jamie Dimon, le PDG de la banque s'est voulu rassurant en indiquant qu’il allait destiner un milliard de dollars « au renforcement des procédures de contrôles », notamment pour éviter de futurs amendes.
 
Ayant coopéré avec les autorités de régulation, Bruno Iksil bénéficie d'une l’immunité. En revanche deux de ses collègues sont inculpés pour dissimulation des pertes, fraude boursière, etc. Pour l’heure, les dirigeants de la banque n’ont pas été inculpés, mais les suites de l’enquête pourraient en décider autrement.
 
Outre le scandale lié à « la baleine de Londres », JP Morgan a également escroqué ses clients en leur facturant des services de protection de carte bancaire dont ils ne profitaient pas en réalité. Cette dernière devra par conséquent indemniser ses clients à hauteur de 309 millions de dollars. Pour faire face à ses procès en cascade, l’établissement de crédit a augmenté son budget de frais de justice, pour une somme atteignant 1,5 milliard de dollars. Une bagatelle qui pourrait être compensée par un bénéfice devant atteindre les 25 milliards de dollars en 2013.
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21 septembre 2013 6 21 /09 /septembre /2013 15:52

 

leparisien.fr

 


Lobby du tabac : Philip Morris fiche les eurodéputés

Des documents internes montrent que Philip Morris fiche les euro députés, notamment français, pour mieux les approcher. Tout y est détaillé.

 

MARC PAYET | Publié le 21.09.2013, 07h37

Extraits de deux documents confidentiels rédigés par le géant du tabac dans lesquels Philip Morris fiche les 74 députés français du Parlement européen.
Extraits de deux documents confidentiels rédigés par le géant du tabac dans lesquels Philip Morris fiche les 74 députés français du Parlement européen.

 

 
Le lobby du tabac est l’un des mieux pour défendre ses intérêts. On en a un nouvel exemple aujourd’hui, alors qu’une directive examinée le 9 octobre au européen a pour but de mieux protéger les consommateurs (renforcement des avertissements sanitaires, restriction de la commercialisation des menthols et des slims). Pour la combattre, les méthodes des géants du secteur tournent au roman d’espionnage.


Des soupçons sur leur budget

Des documents confidentiels datant de 2012 et 2013 montrent comment Philip Morris International, le leader mondial du secteur avec la marque Marlboro, a fiché les 74 députés français (et les autres aussi) qui siègent au Parlement européen. Les classant selon leur proximité supposée avec l’industrie cigarettière et en spécifiant le degré d’urgence de les approcher. « L’existence de ce fichier est une atteinte aux libertés publiques. Il faut que Philip Morris donne des explications », s’exclame Stéphane Le Foll, le ministre de l’Agriculture, dont le nom — alors qu’il était député européen — apparaît dans le fichier comme « à voir d’urgence ».

Ces méthodes semblent très efficaces. Le report de septembre à octobre de l’examen du texte combattu par l’industrie constitue, en effet, une victoire pour elle. Car la discussion parlementaire pourrait traîner en longueur et la directive ne pas être votée avant les de 2014. Après, estiment les entreprises du tabac, tout espoir sera de nouveau permis…

Même si aucune trace de corruption n’apparaît, certaines données financières sont troublantes. Dans les documents, la liste complète des 161 lobbyistes montre que chacun se voit affecter un budget spécifique pour l’organisation « d’événementiels ». Au total, pas moins de 548927 €. « Il y a un trou noir sur les destinations de cet argent. Il faut savoir où cela va vraiment », s’interroge Emmanuelle Beguinot, présidente du Comité national contre le tabagisme. Au début de l’année, le commissaire européen à la Santé, John Dalli, était tombé pour suspicion de corruption avec un cigarettier.

>> Lire l'intégralité de notre enquête dans l'édition de ce samedi du Parisien-Aujourd'hui en France


Le Parisien

 

 

                                                                            ***************************************

 

 

 Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 21.09.2013 à 15h23 • Mis à jour le 21.09.2013 à 17h11

 

 Tabac : des députés européens fichés par Philip Morris
 

Pour défendre ses intérêts, le numéro un mondial du tabac, Philip Morris, a adopté des méthodes similaires à celle du lobby des armes à feu aux Etats-Unis. Le cigarettier classe les députés européens en fonction de leur sensibilité aux arguments du lobby du tabac, en vue de l'examen imminent de la prochaine directive européenne antitabac. Des documents confidentiels datant de 2012 et 2013, révélés samedi 21 septembre par Le Parisien, montrent que l'ensemble des eurodéputés, dont soixante-quatorze Français, font l'objet d'une telle classification.

Des ennemis farouches (Corinne Lepage, Michèle Rivasi) aux alliés (Christine de Veyrac, Constance Le Grip), en passant par les responsables rencontrer d'urgence" (Stéphane Le Foll, Brice Hortefeux, José Bové), chaque nom est associé à un commentaire. Dans quel but ? Si Le Parisien n'a pas trouvé trace évidente de corruption, le quotidien affirme que les cent soixante et un lobbyistes travaillant pour Philip Morris disposent d'un budget total de 548 927 euros pour l'organisation d'"événementiels". Invitations à des matches de football, à des conférences, l'influence du lobby passerait par ces "programmes d'hospitalité".

 

 LE REPORT DU VOTE, UNE VICTOIRE POUR LE LOBBY

En ligne de mire des cigarettiers, la directive européenne antitabac qui doit être examinée le 9 octobre au Parlement européen, et que le lobby entend bien combattre au nom des "libertés publiques". Or, des associations avaient dénoncé au début de septembre l'influence des lobbyistes dans la décision des eurodéputés de repousser l'examen du texte d'un mois – ce qui pourrait empêcher une adoption avant les élections européennes de 2014.

Le 7 septembre, le quotidien britannique The Observer avait également révélé que Philip Morris avait dépensé des millions d'euros pour financer le travail de ses lobbyistes auprès des eurodéputés. En 2012, le commissaire à la santé européen John Dalli avait déjà été poussé à la démission en raison de soupçons de corruption par des lobbyistes du tabac qu'il aurait secrètement rencontrés.

Dans un communiqué, Philip Morris qualifie d'allégations les informations du Parisien et les conteste formellement. Le groupe dit respecter les règles en matière de lobbying et de respect de la vie privée. "Les dossiers dont il est fait mention reflètent simplement une perception des opinions exprimées par les élus amenés à discuter et adopter des textes de lois", lit-on dans le communiqué. "Ceci est en adéquation avec les usages et conforme à ce que font d'autres entreprises, ONG ou autres groupes d'intérêt dans le cadre d'un processus législatif normal afin de porter à la connaissance des élus les problématiques et enjeux."


Lire : "Comment le lobby du tabac a subventionné des laboratoires français"

 

 

 

 

 

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20 septembre 2013 5 20 /09 /septembre /2013 21:58

 

reporterre.net

 

Reporterre
La croissance, c’est dépassé

Dominique Méda

vendredi 20 septembre 2013

 

 

 

Alors que les experts économiques s’extasient à l’idée d’un frémissement de la croissance, la sociologue Dominique Méda propose une démarche totalement inverse : oublier notre obsession de la croissance et de la performance maximale pour ouvrir une autre voie de développement.


La Mystique de la croissance, qui vient de paraître chez Flammarion, n’est pas un énième plaidoyer pour la décroissance. Pour Dominique Méda (Photo AFP), professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine, la reconversion écologique n’est pas une punition. Elle n’a de sens que si elle s’articule autour de la justice sociale, avec des bienfaits pour tous comme l’exigence de biens et d’emplois de qualité mais aussi la jouissance de plus de temps libre.

Libération - Jamais la préoccupation écologique n’a été aussi grande, on n’a jamais autant parlé de modes alternatifs de production, pourtant la croissance reste la référence absolue de notre modèle économique. Pourquoi ?

Dominique Méda - Parce que la plupart de nos dispositifs économiques et sociaux dépendent aujourd’hui de la croissance et que nous sommes des « sociétés fondées sur la croissance ». Depuis Adam Smith et ses Recherches sur la nature et la cause des richesses des nations, nous considérons que la production est au centre de la fabrique du lien social. Nous pensons que sans croissance nos sociétés vont s’effondrer.

Depuis la fin des Trente Glorieuses, nous implorons le retour de la croissance, nous scrutons l’horizon, nous consultons fiévreusement les augures. Malgré tous les discours sur un autre développement possible, nous continuons à croire dans la mystique de la croissance. Pourtant, si la croissance est nécessaire pour sortir de la grave crise économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons, elle accentue la crise écologique avec son cortège de pollutions, d’écosystèmes dégradés, d’émissions de gaz à effets de serre susceptibles d’entraîner un dérèglement climatique majeur. Nous découvrons - ou plutôt nous redécouvrons, car les années 70 avaient une conscience aiguë de cette situation -, que la croissance ne génère pas que des bienfaits mais aussi des maux.

Ce que nous oublions chaque jour quand nous prenons notre voiture ou nous achetons le dernier smartphone ?

C’est ce que j’appelle l’invisibilité des coûts de la croissance : le produit intérieur brut (PIB) occulte, par construction, les coûts de l’augmentation de la production sur le patrimoine naturel et les conditions de vie. Ce que les années 70 appelaient les « dégâts du progrès ». Edmond Maire, le secrétaire général de la CFDT, écrivait en 1972 que la croissance et l’idéologie de la consommation obsession « non seulement ne répondent plus aux besoins humains fondamentaux mais ne peuvent plus être poursuivies sans conduire le monde à la catastrophe ». Le lien était déjà établi à l’époque entre la recherche effrénée de gains de productivité et l’exploitation intensive des ressources naturelles, d’une part, et la dégradation des conditions de vie, du sens du travail et de l’environnement, d’autre part.

Mais remettre en cause la consommation obsession ne relève-t-il pas de la punition dans une société où la qualité de vie vient aussi de la richesse et de la disponibilité des biens…

En effet, le discours de la reconversion écologique apparaît souvent comme la double peine : il faudrait se serrer la ceinture une première fois du fait de la crise et des mesures d’austérité puis une seconde fois pour prévenir la crise écologique. La question de la consommation est donc centrale. Impossible de demander aux pays les moins développés ou à ceux de nos concitoyens, nombreux, qui n’ont pas accès à des moyens convenables d’existence de réduire leur consommation au nom d’un changement climatique susceptible d’intervenir en 2050.

Il faut reconnaître de surcroît le caractère addictif et profondément gratifiant de l’acte de consommation. Il apparaît plus que jamais porteur de libertés pour des individus qui sont de plus en plus contraints, notamment au travail : par le choix infini qu’il semble leur offrir et par l’usage de cet instrument majeur d’émancipation qu’est l’argent.

Il semble donc urgent d’associer l’écologie au plaisir et non à la pénitence, comme vient de le dénoncer Pascal Bruckner dans Libération (1)…

Le ralentissement de la croissance et la fin des énergies fossiles bon marché n’impliquent en aucune manière une régression. Ils peuvent au contraire constituer une nouvelle voie, n’exigeant en rien le sacrifice de la prospérité et du progrès. Il faut parvenir à mettre en évidence le caractère profondément désirable de ce nouveau modèle de développement, dont l’objectif serait non plus de maximiser les quantités produites mais de satisfaire les besoins humains en prenant soin des « facteurs » de production, c’est-à-dire des travailleurs et du patrimoine naturel.

Raisonner « au-delà de la croissance », en se référant non plus au PIB (dont la commission Stiglitz a montré qu’il ne constituait pas une boussole fiable) mais à de nouveaux indicateurs de richesse prenant en considération la qualité du travail, la répartition des revenus et des protections, l’accès à l’emploi et au temps libre, en plus des évolutions du patrimoine naturel me semble de nature à emporter l’adhésion des citoyens, et pas seulement en France ! Le Parlement allemand a publié, en mai, un rapport de 800 pages consacré exclusivement à ces questions et proposé l’adoption de nouveaux indicateurs.

Dans le milieu de l’entreprise, on évoque souvent les notions de bonheur et de bien-être ? Une possible voie ?

Gardons-nous de tomber dans les pièges du bonheur. Les nouveaux indicateurs de bien-être qui font une large place aux perceptions subjectives et aux variations de la satisfaction personnelle présentent trop souvent la double limite de négliger les déterminants sociaux et les inégalités, d’une part, et les dimensions environnementales, d’autre part. Ces approches continuent de mettre au cœur de leur raisonnement et de leur vision du monde l’anthropocentrisme dans sa version la plus individualiste et la plus utilitariste.

C’est pourquoi, il est indispensable de proposer une reconversion qui ne fasse pas l’impasse sur la justice sociale. La santé sociale, aux côtés des préoccupations écologiques, devrait ainsi constituer l’une des deux principales dimensions d’un nouvel indicateur de progrès : la manière dont les chances d’éducation, l’emploi, les revenus sont en permanence redistribués et ré-égalisés est une composante majeure de la santé de la société, de sa capacité à résister à l’éclatement et à l’anomie.

Le point fondamental me semble être notre capacité à construire une cause commune et une alliance entre le mouvement écologiste, les travailleurs, les syndicats, les entreprises de bonne volonté et les gouvernements pour promouvoir un nouveau mode de développement dans lequel la croissance des quantités de biens et services produits ne constituerait plus l’alpha et l’oméga de la performance et la figure centrale du progrès.

On vous dira que cette cause commune est généreuse humainement mais totalement irréalisable.

Paul Ricœur écrit qu’une société sans utopie serait une société sans dessein. Nous devons de toute façon savoir ce que nous ferions si la croissance ne revenait pas. Subsisteraient deux solutions pour faire en sorte que le plus grand nombre ait accès à l’emploi : réduire la durée du travail ou la productivité du travail telle qu’elle est mesurée, au bénéfice de gains de qualité et de durabilité. Ces deux solutions restent, dans l’état actuel du débat public, presque inaudibles. On se souvient de la violence du débat au moment de la discussion de la RTT…

Mais là vous parlez aussi de ralentir les gains de productivité… une hérésie pour les entreprises, pire que les 35 heures, non ?

De plus en plus, l’augmentation obsessionnelle des gains de productivité dans tous les secteurs apparaît en partie responsable non seulement de la perte de sens du travail mais aussi de la dégradation de la qualité des services. Bertrand de Jouvenel avait attiré l’attention dès les années 60 sur le fait qu’avec les progrès de l’efficacité productive et de la productivité, « s’il gagne des satisfactions comme consommateur, l’homme en perd comme producteur ».

Ralentir considérablement les gains de productivité dans certains secteurs peut être une piste. C’est la voie proposée en France par Jean Gadrey, qui, non sans faire écho à l’économiste américain Robert Gordon (pour lequel les freins sont désormais trop nombreux pour que la croissance revienne), indique que le concept de gains de productivité ne correspond plus à nos économies de service. Notre PIB est incapable d’enregistrer les gains de qualité.

Par exemple, il ne fait pas la différence entre 1 kilo de fraises, goûteuses, cultivées sans pesticides, exigeant une importante main-d’œuvre travaillant à proximité et 1 kilo de fraises ramassées dans des conditions sociales médiocres, bourrées de pesticides et ayant parcouru des milliers de kilomètres avant d’atterrir dans l’assiette du consommateur. C’est évidemment dans cette double prise en considération de la qualité, du travail et des produits, que réside l’intérêt suscité par sa démonstration.

Depuis longtemps, vous militez pour une notable réduction du temps de travail. Pourquoi considérez-vous que le travail est aussi une composante majeure d’une reconversion écologique ?

Il nous faut reconsidérer les liens entre la pression de plus en plus forte actuellement exercée sur le monde du travail, précisément au nom des gains de productivité et de rentabilité, et le fort malaise au travail qui s’est développé en Europe et notamment en France, comme nous l’avons mis en évidence avec Patricia Vendramin dans Réinventer le travail (PUF, 2013).

Dès lors, une alliance entre des consommateurs soucieux de la qualité de ce qu’ils achètent et des travailleurs désireux de retrouver du sens à leur travail peut sans doute permettre de constituer la cause commune dont je parlais précédemment.

Une réduction du temps de travail permettant d’accommoder le choc d’un changement de rythme de croissance sur l’économie (mais aussi de réintégrer dans celle-ci les millions de chômeurs qui en sont exclus et de contribuer à améliorer l’égalité professionnelle) peut ainsi être une voie pour répondre aux travaux mettant en évidence que les objectifs fixés par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (réduction de 85 % des gaz à effet de serre d’ici à 2050) sont inaccessibles sans une forte réduction du PIB mondial.

Si l’on se souvient qu’en additionnant les temps partiels (majoritairement féminins) et les temps complets, la France a une durée du travail annuelle supérieure à celle de l’Allemagne. Une réduction de la norme de travail à temps complet, favorable à l’égalité hommes-femmes, est ainsi parfaitement envisageable.

Et l’autre bénéfice d’une réduction du travail serait de valoriser des activités jugées jusqu’à maintenant futiles voire inutiles...

Nul doute qu’un tel modèle permettrait une reconsidération d’activités radicalement méprisées qui, parce qu’elles ne sont pas recensées par le PIB, comptent pour zéro. Toutes ces activités « improductives », consistant à contempler, se promener, être avec les autres, discuter, aimer, s’occuper de ses enfants et de son couple, se reposer, rêver, discuter des conditions de vie communes, faire de la politique contribuent éminemment au bien-être et au lien social et présentent de plus l’immense avantage d’être… infiniment légères (du point de vue de l’empreinte écologique). Ces activités que Françoise Héritier considère comme « le sel de la vie ».

- Propos recueillis par Cécile Daumas.


Note

(1) « Libération » du 6 septembre.

 

 

 



Source et photos : Libération.fr

Lire aussi : Pourquoi rien ne change-t-il alors qu’on sait qu’il faut changer ?

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20 septembre 2013 5 20 /09 /septembre /2013 21:26

 

 

cadtm.org

 

CADTM

 

La doctrine « trop grandes pour être condamnées » ou comment les banques sont au-dessus des lois

20 septembre par Daniel Munevar


Dans une période caractérisée par le pouvoir économique et politique croissant du système financier au niveau mondial, l’utilisation de ressources publiques pour sauver des entités bancaires est devenue un lieu commun. Que ce soit à Chypre, en Grèce, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, les sauvetages bancaires d’institutions impliquées dans des affaires de corruption, de fraude et de spéculation sont, les uns après les autres, justifiés par le fait qu’elles sont trop grandes pour faire faillite (Too Big to Fail). Selon ce raisonnement, la banqueroute de grandes banques menace la stabilité financière et économique de leur pays de résidence, d’où l’utilisation nécessaire de l’argent public afin d’éviter une mise en faillite.

Rabâché inlassablement par tous les médias possibles, cet argument est malheureusement devenu un élément rebattu du discours politique dans une bonne partie du monde. Il n’est dès lors plus surprenant d’entendre un fonctionnaire public en Espagne, au Portugal ou en Irlande signaler qu’il n’y a pas d’alternative à l’application de coupes drastiques dans les dépenses publiques, ceci afin d’assurer la solvabilité et la stabilité des banques. Le comble, c’est que transférer de l’argent public aux banques ne suffit plus, il faut en outre protéger les banques et leurs dirigeants des conséquences légales et juridiques des activités illégales et criminelles menées par nombre d’entre eux. Aujourd’hui, les banques sont non seulement trop grandes pour faire faillite, mais aussi trop grandes pour être condamnées.

Le point clef de la nouvelle doctrine visant à offrir un blanc-seing aux banques, indépendamment des activités illégales dans lesquelles elles sont impliquées et des conséquences sociales de celles-ci, a été résumé par Eric Holder, procureur général des États-Unis. Interrogé au sein du Sénat étasunien sur la position de la Cour des Comptes quant à la condamnation des banques étasuniennes et de leurs dirigeants pour des actes de corruption et de fraude, Holder souligna que « ces institutions sont si grandes qu’il est difficile de les poursuivre en justice, et le faire montre qu’effectivement, si on les inculpe pour activités criminelles, cela peut avoir des répercussions négatives pour l’économie nationale, voire mondiale » |1|.

Les retombées de cette position sont claires. Le fait que les excès et la spéculation financière aient causé la pire crise économique du siècle dernier n’a aucune importance. Que de tels excès soient associés a une épidémie de fraudes |2|, à tous les niveaux d’opérations des entités financières, est insignifiant. Et ce n’est qu’un détail si, suite aux pratiques frauduleuses des banques, 495 000 personnes au moins aux États-Unis ont été expulsées illégalement de leurs logements |3| et les fonds de pensions des pays développés ont perdu près de 5400 milliards de dollars |4|. Le rôle des banques est apparemment si important et indispensable que leur fonctionnement transcende les requêtes légales et constitutionnelles des sociétés modernes. Dès lors, la justice détourne le regard des banques et des dirigeants responsables d’actes de corruption et de fraude pour leur éviter de passer ne serait-ce qu’un jour en prison. En fin de compte, on ne peut tout de même pas poursuivre en justice un dirigeant d’une institution bancaire qui « ne fait que le travail de Dieu » |5|, des mots de Lloyd Blankfein (CEO de Goldman Sachs).

Les arguments ci-dessus pourraient prêter à sourire si les conséquences de la doctrine « trop grandes pour être condamnées » n’étaient pas régulièrement visibles par le biais de plusieurs affaires judiciaires très médiatisées, ces derniers mois, des deux côtés de l’océan. Les affaires se suivent et la justice se borne à des amendes qui représentent bien souvent une maigre fraction des bénéfices issus d’activités illégales, sans qu’aucun dirigeant ne soit inquiété. Trois exemples suffisent pour témoigner de l’absurdité de la situation actuelle : le jugement sur les expulsions illégales de logement (« foreclosures ») aux États-Unis, HSBC épinglée pour blanchiment d’argent des cartels de la drogue également aux États-Unis, et l’affaire sur la manipulation du taux LIBOR au Royaume-Uni.

Premier exemple. En janvier 2013, Bank of America, aux côtés de neuf autres banques (parmi lesquelles Citigroup, J.P. Morgan Chase, Goldman Sachs), a convenu avec des régulateurs fédéraux étasuniens de payer une amende de 9,3 milliards de dollars (9 300 000 000 dollars) pour clore l’enquête sur la responsabilité des banques dans les expulsions illégales de maisons |6|. L’affaire contre ces institutions financières se basait sur leur incapacité à fournir les documents justifiant l’expulsion de propriétaires en retard de paiement d’un crédit hypothécaire. La régulation inexistante et le volume élevé de crédits de ce type, accordés dans la période précédant la crise, ont mené les banques à embaucher du personnel chargé de signer quotidiennement des centaines de documents approuvant les expulsions sans suivre la procédure légale. Les banques se sont saisies de logements sans justification économique ou légale dans au moins 450 000 cas. En dépit des dommages massifs causés par les pratiques frauduleuses des banques, l’amende ne s’élève qu’au paiement de moins de 300 dollars par foyer affecté |7|. Malgré les preuves, aucune arrestation ni charges criminelles n’ont été retenues à leur encontre, et l’accord exempte les banques de leur responsabilité à répondre financièrement ou légalement à des accusations similaires survenues au cours de la période antérieure.

Le cas de la banque HSBC illustre le deuxième exemple de la doctrine « trop grandes pour être incarcérées ». Au cours de la dernière décennie, HSBC a collaboré avec les cartels de la drogue du Mexique, de Colombie et avec d’autres organisations terroristes dans le blanchiment d’argent pour un montant de près de 880 milliards de dollars |8|. Les relations commerciales de la banque britannique avec les cartels de la drogue ont perduré malgré les centaines de notifications et avertissements du Département de la Justice des États-Unis. Les bénéfices obtenus ont non seulement conduit HSBC à ignorer les avertissements mais, qui plus est, à ouvrir des guichets spéciaux dans ses locaux à Mexico, où les narcotrafiquants pouvaient déposer des caisses emplies d’argent liquide, pour faciliter le processus de blanchiment |9|. Malgré l’attitude ouvertement provocante de HSBC envers la loi, les conséquences de sa collaboration directe avec des organisations criminelles furent pratiquement nulles. HSBC dut payer une amende de 1,2 milliards de dollars - soit l’équivalent d’une semaine de recettes de la banque - pour clore l’affaire de blanchiment. Pas un seul dirigeant ou employé n’eut à essuyer de poursuites criminelles, bien que la collaboration avec des organisations terroristes ou la participation à des activités liées au narcotrafic requièrent des peines d’au moins cinq ans de prison. Être employé de n’importe quelle grande banque à travers le monde semble être un blanc-seing pour participer au trafic de drogue sans crainte d’être poursuivi en justice.

Le 3ème et dernier exemple est lié à la manipulation du taux LIBOR (London Interbank Offered Rate) par un groupe de dix-huit banques. Le LIBOR est le taux d’intérêt de référence sur base duquel se calculent les taux de retour de 700 000 milliards (700 millions de millions) de dollars d’actifs et de dérivés financiers, ce qui en fait le taux de référence sans doute le plus important au monde. Ce taux est calculé sur base de l’information fournie par dix-huit banques quant à leurs coûts individuels de financement sur les marchés interbancaires. En 2012, des preuves ont révélé la collusion entre de grandes banques, comme UBS et Barclays, afin de manipuler le LIBOR conformément à leurs intérêts. Comme dans les cas précédents, le résultat fut prévisible. Aucune poursuite criminelle à l’encontre des responsables et des amendes d’un montant ridicule en comparaison de l’ampleur de la manipulation : un total de 450 millions de dollars pour Barclays, 1500 millions pour UBS et 615 millions pour RBS |10|.

Bien que les banques en question ont accepté les accusations de manipulation et par conséquent les sanctions imposées par la justice britannique, la justice étasunienne a statué différemment. Le 29 mars, Naomi Buchwald, juge du District de New York, a exempté les banques impliquées dans le scandale de toute responsabilité légale face à des personnes ou institutions affectées par la manipulation du LIBOR |11|. Pour protéger les banques de possibles plaintes pour collusion et pratiques monopolistiques, elle basa son argumentation sur le fait que la fixation du taux LIBOR ne relève pas des lois sur la concurrence. Les banques peuvent dès lors s’accorder sur le taux sans que cela ne constitue une violation des lois antitrust aux États-Unis. La fixation des taux sur les marchés des Swaps et des CDS étant similaire - via l’envoi des taux par les participants, dont on fait la moyenne pour obtenir le résultat final -, ce verdict crée un dangereux précédent, ouvrant la porte à la manipulation manifeste par de grandes institutions financières des prix et taux clefs qui régissent le fonctionnement des marchés financiers globaux.

Il apparaît clairement que les banques et autres grandes institutions financières de portée mondiale tendent vers un niveau totalement méconnu de cynisme et d’abus de pouvoir. Aujourd’hui, mettre l’argent public à disposition des entités financières dès que leurs paris spéculatifs tournent mal ne suffit plus. Désormais, la loi s’adapte afin de protéger les responsables et de justifier a posteriori toute conduite illégale ou criminelle dont ils se seraient rendus coupables. Un tel contexte, où règne l’impunité, encourage les dirigeants des firmes financières à davantage d’abus et de prises de risque. Ils sont confrontés à une situation dans laquelle, au meilleur des cas, le montant de leurs bonus augmente suite à l’augmentation des revenus de la banque, indépendamment de l’origine illégale des ressources ou du fait qu’elles soient issues d’activités financières spéculatives extrêmement risquées. Dans le pire des cas, s’ils sont découverts, ils n’ont qu’à quitter l’institution, ils ne seront pas poursuivis par la justice et conserveront sur leurs comptes bancaires l’entièreté des bénéfices obtenus. Tant que ce genre d’incitants pervers est maintenu, les abus et le pillage des ressources publiques de la part du système financier ne peuvent qu’aller croissants au fil du temps.

Traduit par Cécile Lamarque

Notes

|1| Voir “Holder admits some Banks too big to jail”, disponible sur : http://www.huffingtonpost.com/2013/...

|2| Une étude récente sur les pratiques de crédits des banques aux Etats-Unis signale qu’en dépit de leur hétérogénéité, les irrégularités et les faux sont présents à divers degrés dans toutes les institutions financières analysées. Voir “Asset Quality Misrepresentation by Financial Intermediaries : Evidence from RMBS Market”, disponible sur : http://papers.ssrn.com/sol3/papers....

|3| Voir “Banks to pay $8,5 billion to speed up housing relief”, disponible sur : http://dealbook.nytimes.com/2013/01...

|4| Voir OECD (2010) “The Impact of the Financial Crisis on Defined Benefit Plans and the Need for Counter-Cyclical Funding Regulations”, disponible sur : http://www.oecd.org/insurance/priva...

|5| Voir “Goldman Sachs Blankfein : Doing Gods work”, disponible sur : http://blogs.wsj.com/marketbeat/200...

|6| Voir “The Top 12 Reasons Why You Should Hate The Mortgage Settlement”, disponible sur : http://www.huffingtonpost.com/yves-...

|7| Voir “The Banks penalty to put robbosining behind them : 300 dollars per person”, disponible sur : http://www.zerohedge.com/news/2013-...

|8| Voir “Elizabeth Warren Savaged A Treasury Official During A Hearing On HSBC’s International Money Laundering Scandal” disponible sur : http://www.businessinsider.com/eliz...

|9| Voir “Gangster Bankers : Too Big to Jail”, disponible sur : http://www.rollingstone.com/politic...

|10| Voir “Everything is rigged : The biggest price fixing scandal ever”, disponible sur : http://www.rollingstone.com/politic...

|11| Voir “Judge dismisses antitrust claims in LIBOR suits” disponible sur : http://online.wsj.com/article/SB100...

Daniel Munevar, économiste, est membre du CADTM Colombie et du Réseau CADTM AYNA.

 

 

 

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