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6 octobre 2013 7 06 /10 /octobre /2013 17:18

 

 

mediapart.fr

Des cobayes humains au rabais : une ONG suisse enquête

|  Par Agathe Duparc

 

 

Ils sont 25 millions d'individus à participer à des essais cliniques. L’ONG suisse, la Déclaration de Berne, a enquêté dans plusieurs pays dont l’Ukraine et la Russie, où les grands laboratoires pharmaceutiques mènent des études à moindre frais, en piétinant les principes éthiques.

 

Genève, de notre correspondante

C’est un constat froid et documenté qui s’ajoute aux nombreux articles de presse, rapports d’ONG, démêlés judiciaires et scandales recensés dans le monde entier. Les grandes sociétés pharmaceutiques, qui depuis une vingtaine d’années délocalisent toujours plus leurs essais cliniques dans les pays en développement ou émergents, continuent de piétiner, dans la plus totale opacité, les standards éthiques internationaux.

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Intitulée « Des cobayes humains au rabais », l’étude récente de l’ONG helvétique la Déclaration de Berne (DB) est le résultat d’enquêtes de terrain menées en Ukraine, en Russie, en Argentine et en Inde, entre juin 2012 à juillet 2013. Quatre pays dans lesquels les géants suisses Novartis et Roche réalisent, à moindre coût, une part importante de tests sur de nouveaux médicaments, profitant des lacunes des systèmes étatiques de santé, de la défaillance des mécanismes de surveillance et de la corruption.

 

 

 Quand on évoque les essais cliniques délocalisés ou sous-traités surgit aussitôt le roman de John Le Carré La Constance du jardinier, réquisitoire magistral contre les pratiques mafieuses d’un secteur avide de profits, et qui n’hésite pas à tester ses molécules sur une population africaine locale misérableÀ l’image du scandale de Kano, au Nigeria. En 1996, le fabricant américain Pfizer, « profitant » d’une épidémie de méningite qui touchait alors 110 000 personnes, décidait de tester le Trovan, un antibiotique non homologué, sur deux cents enfants. Onze d’entre eux mourront, et de nombreux autres resteront invalides...

 Comme le montre l’enquête de la Déclaration de Berne (DB), la réalité est aujourd’hui en apparence moins brutale, mais elle est tout aussi inquiétante. « Au fil des scandales liés à la délocalisation croissante des essais cliniques dans les pays du sud et de l’est, les pharmas ont peaufiné leur stratégie », explique son responsable santé Patrick Durisch. « Ces sociétés mènent désormais majoritairement des tests dans les pays émergents, dans des infrastructures et avec du personnel de santé a priori bien sous tous rapports. Mais cela se passe toujours derrière des portes closes, dans la plus totale opacité, et avec le souci d’aller toujours plus vite », ajoute-t-il.

Pour les pharmas, l’enjeu financier est colossal. Entre 60 et 70 % du budget Recherche et développement (R&D) est consacré aux essais cliniques, soit entre 80 et 90 milliards de dollars sur les 130 milliards dépensés chaque année par le secteur.

 

 
© Novartis

Pour cette étape indispensable qui consiste à tester l’efficacité et l’innocuité d’une substance sur les êtres humains, l’avantage d’une délocalisation dans des pays en développement ou émergents s’est imposé dès les années 1990. En particulier pour les essais de la phase III, la plus coûteuse, qui consiste à réaliser des tests sur un grand nombre de sujets malades avec un dosage choisi, et de la phase IV qui concerne des recherches complémentaires sur un médicament déjà homologué, et qui est « peu supervisée (...) parce qu’elle servirait davantage des buts économiques (marketing) que scientifiques », relève la Déclaration de Berne.   

Jusqu’à la fin des années 1980, la grande majorité des essais cliniques se déroulaient aux États-Unis, en Europe occidentale et au Japon, surtout dans les milieux académiques comme les facultés de médecine. Puis, peu à peu, les laboratoires pharmaceutiques ont fait appel à des entreprises spécialisées, les Contacts Research Organizations (CRO), des sous-traitants qui organisent des études « clés en main ».  En 1991, la part de tests menés dans les pays émergents était de 10 %. En 2005, elle atteignait 40 %. Aujourd’hui, c’est un essai clinique sur deux qui est mené dans un pays pauvre ou émergent, et confié à une CRO.

Des chiffres qui peuvent fluctuer, puisqu’à ce jour, il n’existe toujours pas de registre international exhaustif et contraignant des essais cliniques menés, seulement des bases de données plus ou moins complètes comme celles du gouvernement des États-Unis et de l’Union européenne.

En 2010, l’Afrique (en particulier l’Afrique du Sud) et le Moyen-Orient attiraient 14 % des essais, l’Europe de l’Est 13 %, l’Amérique centrale et du Sud 11 %, la Chine 7 %, l’Inde 5 % et le reste de l’Asie 5 %. Ces pays représentent un énorme marché potentiel pour les pharmas. Y délocaliser des essais cliniques permet une importante réduction des coûts et les risques d’actions en justice onéreuses y sont moindres.

Les « cobayes » « sont plus nombreux et plus enclins à prendre part à un essai qui représente parfois la seule option de traitement. La main-d’œuvre, le recrutement et le suivi sont aussi meilleur marché (...). Les réglementations étant plus lâches, les procédures sont souvent plus rapides », souligne le rapport de la Déclaration de Berne (DB). Résultat : recruter dans des pays en développement peut réduire la durée d’un essai jusqu’à six mois en moyenne et allonger d’autant la phase très lucrative de commercialisation d’un médicament sous brevet.

Cette mondialisation qui profite d’abord aux pays occidentaux s’accompagne « de graves manquements en matière d’obtention du consentement éclairé des participants, d’utilisation problématique de placebo comme preuve d’efficacité, d’absence d’indemnisation en cas d’effets secondaires graves, et d’accès au traitement à la fin du test », écrit l’ONG. La plupart de ces principes éthiques sont énoncés dans la Déclaration d’Helsinki, adoptée en 1964 pas l’Association médicale mondiale (AMM) afin de guider les médecins dans les recherches biomédicales. Le point 17 de ce texte fondateur rappelle ainsi que « la recherche médicale impliquant une population ou une communauté défavorisée ou vulnérable se justifie uniquement si la recherche répond aux besoins et priorités sanitaires de cette population ou communauté et si, selon toute vraisemblance, les résultats de la recherche seront bénéfiques à cette population ou communauté ».  

Europe de l'Est : destination favorite des Big Pharmas

C’est l’une des destinations favorites des grands groupes pharmaceutiques. Depuis 1996, la conduite d’essais cliniques internationaux y est en progression constante. Le pays a tous les atouts souhaités : situé aux portes de l’Union européenne avec « une population majoritairement urbaine (65 %) et génétiquement proche de celle des pays occidentaux. Du fait d’un système sanitaire étatique en très mauvais état et d’une situation économique difficile, les patients sont faciles à recruter et craintifs », écrit la DB, qui précise aussi que les tests sont deux fois moins chers qu’en Europe occidentale. Entre 2001 et 2009, les sites autorisés à mener des tests sur de nouveaux médicaments sont passés de 175 à plus de 1 300. Certains sont des hôpitaux municipaux qui n’ont pourtant pas le niveau requis. En 2012, 314 sites œuvraient pour le compte de Novartis, et 659 pour Roche.

Depuis 2012, ce sont des comités d’éthique locaux (CEL) qui donnent leur aval pour la conduite de tests, le comité d’éthique central dépendant du ministère de la santé ayant été supprimé. Or, comme le montre l’enquête de la DB, ces nouvelles structures composées de médecins et de juristes, sur une base de volontariat, fonctionnent au ralenti, et dans la plus totale opacité. Ce qui créée « un inquiétant vide en matière de contrôle ».

La juriste Marina Kotsyba-Suvalo, du Comité d’éthique locale de l’hôpital régional de Lvov, où plus d’une quarantaine d’essais sont en cours, a refusé de donner tout éclaircissement sur les médicaments testés et les compagnies pharmaceutiques impliquées, expliquant que ces informations relevaient du « secret commercial ». Pas question non plus de montrer les formulaires de consentement type que les patients doivent signer avant de s’engager. « Pourquoi vous intéressez-vous toujours aux informations confidentielles ? » s’est vu répondre l’enquêteur de la Déclaration de Berne.

L’ONG a pu constater que le « consentement libre et éclairé » était dans bien des cas négligé. Selon des témoignages recueillis auprès de familles de patients, certains médecins évoquent « des programmes humanitaires », et tiennent un discours du type : « Ces médicaments sont très chers, mais nous pouvons faire une exception pour vous et vous les obtiendrez gratuitement. » Dans plusieurs cas, la famille ou même un tiers ont pu signer à la place du patient.

Malgré l’amorce d’un débat public sur ces questions, les Ukrainiens restent majoritairement en faveur des essais cliniques, « une opportunité d’accéder à des soins de qualité qu’ils ne pourront jamais s’offrir ».

En mars 2013, un retentissant scandale a secoué le pays. Une quinzaine de députés de différents partis d’opposition dénonçaient la conduite d’essais cliniques menés sur des enfants – dont des orphelins – par trois compagnies pharmaceutiques. De 2011 à 2012, trois médicaments ont été testés : le Doribax, un antibiotique à large spectre de la société britannique Janssen-Cilag (filiale de Johnson &. Johnson), au sein de l’Hôpital régional pour enfants de Poltava ; le Bosetam, du suisse Actelion, utilisé dans le traitement de l’hypertension artérielle pulmonaire, au Centre médical de cardiologie pédiatrique de Kiev ; et enfin la Somatropin, une hormone de croissance de synthèse développée par le chinois GeneScience Pharmaceuticals à l’Institut d’endocrinologie de Kiev.

Les députés affirmaient que, dans plusieurs cas, le consentement des deux parents, ou quand il s’agissait d’un orphelin celui d’un représentant de l’État, n’avait pas été obtenu. Les autorités ukrainiennes ont formellement démenti ces accusations, reconnaissant cependant que des orphelins avaient été enrôlés. Les sociétés pharmaceutiques, elles, sont restées muettes. Une enquête officielle a été menée, mais malgré les promesses ses résultats n’ont toujours pas été rendus publics.

Les essais cliniques internationaux sont en plein essor, malgré une nouvelle loi « sur la circulation des médicaments » promulguée en 2010 et en apparence assez stricte. En 2011, 33 % des médicaments autorisés par la Food and Drug Administration (FDA) américaine et 48 % de ceux homologués par l’Agence européenne des médicaments (EMA) reposaient sur des données générées par des recherches cliniques en Russie et en Ukraine. Comme en Ukraine, les tests se déroulent sur fond de déliquescence du système de santé étatique, avec des candidats toujours plus nombreux. Le personnel médical, sous-payé et peu préoccupé par les problèmes éthiques, y voit une aubaine pour arrondir ses fins de mois.

La Déclaration de Berne a pu recueillir plusieurs témoignages d’acteurs de ce milieu pourtant très fermé. Maya Brodskaya, une ancienne employée de Roche à Novossibirsk qui, jusqu’en 2011, supervisait des études en Sibérie et en Extrême-Orient, explique que les malades russes sont « idéaux pour les compagnies pharmaceutiques suisses : ils veulent participer à des essais cliniques, ils sont nombreux et souvent ce sont des "patients naïfs", cela signifie qu’ils n’ont eu aucun traitement auparavant si ce n’est de l’aspirine ou de l’ibuprofène ». Dans la petite république de Touva, Roche a ainsi pu recruter, en un an, un nombre très important de personnes pour le Mabthera, un médicament contre la polyarthrite rhumatoïde. « S’il avait fallu réaliser cela en Suisse, quelques décennies auraient été nécessaires », conclut-elle.

Aucun cas de dédommagement

Plusieurs des participants à différentes études cliniques sur le Gilenya de Novartis – premier traitement par voie orale de la sclérose en plaques – ont raconté leur douloureux parcours de cobaye volontaire.  

Anna N., une jeune femme de 25 ans qui habite Oufa en Bachkirie, privée de traitement depuis le retrait du marché russe du Betaferon, a participé à un essai de plusieurs mois en mai 2012. Elle raconte avoir été invitée à signer l’accord de consentement éclairé six heures après la première prise du médicament, à l’issue donc de la période d’observation qui se déroulait à l’hôpital. Les effets secondaires ont été nombreux : perturbation du cycle menstruel, et surtout dépression sévère. Elle l’a signalé à son médecin qui l’a fortement dissuadée de sortir de l’étude, lui conseillant d’attendre encore, jusqu’à ce qu’elle développe des envies suicidaires. Elle a finalement décidé elle-même d’arrêter le traitement en octobre 2012, se faisant vertement tancer par son curateur qui craignait ainsi que l’essai clinique ne s’en ressentisse.

De peur de ne plus être acceptés dans d’autres essais et d’être ainsi privés de traitement, rares sont les malades qui claquent la porte. « Dans le pire des cas, les gens ont stocké des médicaments chez eux, en préférant rester sans traitement et ne pas en parler à leur médecin, afin de ne pas amoindrir leur chance d’être retenus pour un prochain essai, qu'ils espéraient meilleur », confie Artyom Golovine, responsable d’une ONG s’occupant de malades atteints de sclérose. 

En cas de complications graves, un système d’indemnité est théoriquement prévu. La Déclaration de Berne a pu se procurer auprès d’une patiente un formulaire de consentement qui comprenait une police d’assurance. Selon les statistiques d’Acto-Russia (l’association des organisations participant à des essais cliniques), sur les 71 089 patients russes assurés entre 2007 et 2009, il n’y a eu aucun cas de dédommagement.

Evgueny Evdoshenko, neurologue à Saint-Pétersbourg, s’occupe ainsi d’une patiente de 19 ans devenue handicapée à la suite d’un essai clinique mené à l’Institut du cerveau de Saint-Pétersbourg, et qui à ce jour n’a reçu aucune compensation. La déclaration de Berne rapporte aussi le cas d’un patient qui, lors d’un essai sur le Gilenya, a contracté une très grave infection en lien avec l’effet immunosuppresseur du médicament, mais n’a pas été indemnisé.

Pour les médecins-investigateurs (ceux qui conduisent les effets cliniques), les retombées financières sont en revanche substantielles. Un spécialiste qui gagne à Moscou entre 600 et 1 000 euros – et aux alentours de 200 euros en province – peut ainsi doubler ou tripler son salaire de base. « Ils oublient tout – leurs pratiques cliniques normales dans les hôpitaux, les conférences dans les universités –, et ils se consacrent uniquement aux études », témoigne Alexandre Globenko, directeur de la CRO « Proxy Research Group ».

Certains praticiens recrutent leurs patients sur Internet, en présentant les tests comme des « programmes d’observation gratuits » avec « soins attentionnés ». La DB cite ainsi le cas d’un certain Alexandre Ilves, un médecin qui rabat des malades pour l’Institut du cerveau et l’Académie militaire de Saint-Pétersbourg. Très actif sur le forum dédié aux personnes atteintes de sclérose en plaques, il laisse son portable et fait savoir que « les places sont limitées ». 

Plusieurs des interlocuteurs de la Déclaration de Berne ont évoqué le problème de la falsification des essais cliniques, qui serait assez fréquent en Russie. Il arrive ainsi que les données d’une étude soient falsifiées soit pour des raisons financières, soit pour masquer le fait qu’un patient n’a pas pris correctement ses médicaments et que cela se voit d’après les analyses.

Les contrôleurs des sociétés pharmaceutiques et Roszdravnadzor – agence russe du contrôle de la santé publique – s’intéressent en priorité à ce type d’abus, délaissant les problèmes d’éthique.

Depuis 2010, des « comités d’éthique locaux » auprès d’hôpitaux et de facultés de médecine ont été mis sur pied. Ils réunissent des experts et des représentants de la société civile, et ne peuvent émettre que des recommandations. Les conflits d’intérêts n’y sont pas rares. La Déclaration de Berne a pu rencontrer, dans un hôpital moscovite, un médecin qui était à la fois en charge d’un essai et président du comité d’éthique local, et ne voyait rien d’anormal dans cette situation.

Parallèlement à ces structures, le comité d’éthique « officiel » rattaché au ministère de la santé reste tout-puissant, seul habilité à interdire un essai clinique ou à donner son feu vert – avec le Centre d’expertise des médicaments – pour la conduite d’une étude.

À ce moment, « la corruption fleurit », affirme Alexandre Globenko, directeur de « Proxy Group ». « L’achat direct d'autorisation pour tel ou tel essai est une pratique courante. Mais je ne dirais pas que les devis non éthiques sont pour autant acceptés. Dans les cas de graves infractions, même s'il y a un pot-de-vin, une compagnie pharmaceutique doit corriger le protocole jusqu’à ce qu’il soit acceptable », ajoute-t-il.

En septembre 2012, un rapport de la commission européenne « sur la coopération en matière d’essais cliniques » estimait pourtant que la pratique des essais cliniques en Russie ainsi que les mesures de contrôles correspondaient globalement à ceux de l’Union européenne.

Argentine et Inde

C’est le troisième plus important pays d’Amérique latine à héberger des essais cliniques internationaux. L’enquête de la Déclaration de Berne a permis de documenter de sérieuses violations éthiques, sur fond de grave défaillance du système de régulation argentin. « Si le niveau d’encadrement des essais cliniques en Argentine est jugé "plutôt bon" par les acteurs de la recherche médicale, il présente des failles importantes : pas de loi nationale, des comités d’éthique privés à l’indépendance très discutable et une agence du médicament, l’ANMAT, qui ne contrôle pas vraiment le respect des normes éthiques », résume la DB.

L’ONG suisse est la première à mettre en lumière un scandale qui n’avait pas encore filtré dans les médias, mais circulait dans le milieu des spécialistes.

Dans le cadre de tests menés dès 2010 par la société Merck sur le saphris (asénapine), des adolescents schizophrènes se sont vu retirer tous leurs traitements (antidépresseurs et antipsychotiques et même interdiction de poursuivre une psychothérapie). Partagés en deux groupes, certains ont reçu de l’asénapine et d’autres un placebo, ce qui les mettaient gravement en danger. À la suite d’une dénonciation anonyme, l’étude a été suspendue par l’agence du médicament argentine (Anmat), qui avait pourtant auparavant donné son accord sans sourciller. Aucune procédure judiciaire n’a jusqu’ici été ouverte.

En 2008, la société Roche a lancé une étude sur un immunosuppresseur, l’ocrelizumab, destiné à traiter le lupus néphrétique, une maladie auto-immune qui s’attaque aux reins. L’essai a été suspendu en raison d’effets secondaires sérieux. La Déclaration de Berne a pu rencontrer une trentenaire qui a reçu ce traitement. Selon le formulaire de consentement qu'elle a signé, il est indiqué que les participants à l’étude doivent recevoir, en plus de l’ocrelizumab ou du placebo, un traitement qualifié de « standard » comprenant le Cellcept. Or, cet autre immunosuppresseur est utilisé en premier lieu pour prévenir les rejets de greffes, bien que les médecins le prescrivent officieusement pour le lupus. Il n’est pas autorisé pour soigner cette maladie, ni en Argentine, ni en Suisse, ni aux États-Unis. La jeune femme aura ainsi servi de cobaye pour une molécule non homologuée pour sa pathologie. Plus encore, alors que les prises de Cellcept se sont avérées efficaces, elle ne pourra plus accéder à ce traitement en cas de rechute.

Le rapport de la DB revient aussi sur un scandale qui a défrayé la chronique en Argentine. Entre 2007 et 2011, GlaxoSmithKline (GSK) a testé son vaccin Synflorix contre la pneumonie, l’otite et la méningite sur 14 000 nouveau-nés, dans trois provinces parmi les plus pauvres du pays. Quatorze bébés sont morts et une enquête officielle a été ouverte. Elle a mis au jour « de graves irrégularités dans les pratiques de recrutement (exploitation de la vulnérabilité de la population) et dans l’obtention du consentement des parents ». Pour chaque bébé recruté, GSK versait 350 dollars aux médecins, alors que le salaire mensuel est d’environ 1 300 euros.

La Déclaration de Berne constate que le coordinateur principal de l’essai, le Dr Miguel Tregnaghi, travaillait à l’époque en parallèle pour Novartis sur des essais cliniques similaires. L’une des responsables provinciales, Dr Anna Ceballos, a même été engagée par le géant bâlois après le scandale. Interrogé Novartis a fait savoir qu’il n’y avait « pas de liste noire » pour recruter les gens.

L’Inde est prête à défendre bec et ongles son industrie des génériques, comme le prouve la victoire remportée en avril dernier sur Novartis qui bataillait depuis sept ans pour que le Glivec – son médicament anticancéreux – reste sous brevet. Mais elle semble moins regardante en matière de réglementation des essais cliniques qui se déroulent sur son territoire. 

 

Manifestation contre Novartis, New Delhi, 2007Manifestation contre Novartis, New Delhi, 2007© MSF

Contrairement aux affirmations des compagnies pharmaceutiques, les populations défavorisées restent « un bassin de recrutement privilégié pour les essais cliniques en Inde », affirme la Déclaration de Berne qui a confié l’enquête de terrain à l’ONG indienne Sama. Ainsi 80 % des participants aux essais « suisses » sont d’origine rurale, et vivent en majorité dans la pauvreté.

« Les questions du recrutement, de consentement et du traitement à la fin des essais sont loin d’être résolues », estime la DB, qui souligne que « les conflits d’intérêts sont monnaie courante » en Inde. Ainsi, la plupart des candidats aux essais cliniques sont recrutés par le biais de leur médecin qui s’avère être souvent le coordinateur principal de l’étude. « Dans un tel contexte, obtenir un consentement éclairé de manière désintéressée est illusoire », relève la DB.

Autre conflit d’intérêts patent, beaucoup de comité d’éthiques sont « rattachés à une infrastructure de santé accueillant – et bénéficiant financièrement – des essais cliniques ». Ces organes « institutionnels » se contentent la plupart du temps de vérifier si les formulaires de consentement existent et sont signés, souvent par des patients analphabètes ou illettrés.

Selon des données jamais publiées et obtenues auprès de sources officielles par l’ONG Sama, entre 2005 et 2012, sur quelque 40 000 participants à des essais cliniques, 2 600 décès ont été enregistrés. Dont 438 patients pour la seule période 2010 et 2011, d’après les chiffres d’un comité parlementaire. « Au total, seuls 22 décès ont été attribués aux médicaments testés en 2010, et 16 en 2011. Les familles indemnisées ont obtenu entre 3 000 et 4 000 francs suisses », écrit l’ONG.

Novartis faisait partie des compagnies concernées, avec 64 décès survenus en 2010 et 2011. Selon le géant bâlois, aucune de ces morts n’est liée aux essais. « Notre partenaire, l’ONG Sama, a eu des informations qui sont en principe ultra-confidentielles. Nous n’avons cependant pas pu obtenir de détails sur les études cliniques qui étaient en cause concernant les personnes décédées », précise Patrick Durish.

 

 

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5 octobre 2013 6 05 /10 /octobre /2013 14:41

 

marianne.net

 

"Rompre avec la cupidité sans bornes"
Samedi 5 Octobre 2013 à 10:00

 

par Axel Kahn

 

Dans son nouveau livre, "l'Homme, le libéralisme et le bien commun", le généticien retrace l'histoire de notre système économique et parie sur sa faillite à venir s'il ne rompt pas avec ses démons.

 

BALTEL/SIPA
BALTEL/SIPA
Le titre du livre d'Axel Kahn dont nous publions des extraits n'est pas choisi au hasard. Le bien commun n'est pas seulement la volonté générale. Il est ce qui soutient la coexistence de tous et améliore la vie de chacun. C'est une notion que l'on trouve déjà chez Aristote et saint Thomas d'Aquin et que l'on retrouve au cœur des grands courants du libéralisme. Atterré par son dévoiement actuel, Axel Kahn en dresse une généalogie exemplaire dans un style enlevé et efficace. La crise actuelle du capitalisme trouve ses racines aux origines de l'économie marchande. Et il n'est pas de meilleur chemin pour l'appréhender que de retracer son histoire, des temps préhistoriques à l'essor du néolibéralisme.

Car ce chemin est une route à deux voies. La première privilégie le laissez-faire, il trouva en la personne de Mandeville (1660-1733) son expression la plus pure en affirmant que les vices privés font les vertus publiques, et qu'il n'est de meilleure harmonie sociale que celle qui permet à chacun de réaliser ses désirs. La seconde au contraire insiste sur l'intolérance humaine à l'injustice. Ces deux courants se retrouvent au XIXe et au XXe siècle sous des formes variées, le premier puisant chez un Darwin mal compris de quoi alimenter sa caution naturaliste, le second, en France en tout cas, accouchant de la doctrine solidariste, chère à Léon Bourgeois (1851-1925). Pour finir, avec Reagan et Thatcher, et la chute du communisme, par la victoire du premier courant, sous l'impulsion des néoconservateurs Hayek et Friedman. D'où cette question : comment réconcilier aujourd'hui le libéralisme et le bien commun ? Il faut d'abord se repasser le film à l'envers. Ne rien perdre de cette histoire à double voie. Et se rappeler le mot de Goethe : «Au fond, nous avons beau faire, nous sommes tous des êtres collectifs.»


EXTRAITS

Aux origines de la révolution conservatrice

La décennie qui commence avec l'apparition de la stagflation (contraction de «stagnation» et «inflation») au Royaume-Uni puis aux Etats-Unis à la fin des années 70 peut-être considérée comme une période de transition entre les Trente Glorieuses, qui appartiennent déjà au passé, et la contre-révolution libérale néoclassique des années 80. L'inflation et le chômage restent élevés, la croissance est molle, le système financier et monétaire hérité de la Seconde Guerre mondiale s'effondre, les principes du New Deal et de la «théorie générale» de Keynes sont de plus en plus vivement contestés par les économistes néoclassiques, monétaristes, nouveaux classiques, etc. Cependant, en Europe et aux Etats-Unis, les politiques restent conjoncturelles, dans l'ensemble assez interventionnistes (le républicain Nixon bloque temporairement les prix et les salaires, une première fois en août 1971, puis en 1973), et conservent les réflexes hérités de la phase précédente. En revanche, l'arrivée au pouvoir de la conservatrice Margaret Thatcher au Royaume-Uni en 1979 et la victoire du républicain Ronald Reagan à l'élection présidentielle américaine de 1980 marquent le début de la mise en application systématique de politiques directement inspirées par des figures dominantes des nouveaux libéraux, respectivement Friedrich Hayek et Milton Friedman. C'est ce que l'histoire retient sous le nom de révolution conservatrice.

Milton Friedman et les Chicago Boys

Milton Friedman appartient à une famille juive de Brooklyn originaire de Transcarpathie, alors hongroise. Il est un élève doué, en particulier pour les mathématiques. L'essentiel de ses études d'économie se déroule à l'université de Chicago où il revient de façon définitive en 1946. Entre-temps, il occupe différents postes dans l'administration de Roosevelt, au temps du New Deal puis pendant la guerre : entre autres, il est en charge de son financement par les taxes, mission qui rappelle celle attribuée à Keynes durant les deux guerres mondiales. Membre du National Bureau Of Economic Research, il fonde le Workshop In Money And Banking en 1951, cadre du développement des idées monétaristes qu'il va plus que d'autres populariser, et autour desquelles se constituera l'école monétariste d'économie de Chicago. Les cinq prix Nobel d'économie - dont celui de Friedman lui-même - obtenus par ses membres illustrent l'influence de cette école. Les ouvrages de Friedman, auteur prolifique et populaire, traitent bien sûr de ses thèses économiques mais aussi de sa vision générale de la société libérale. Capitalisme et liberté, publié en 1962, se livre à une attaque en règle du New Deal et de l'Etat-providence ; il devient l'un des ouvrages de référence des républicains américains. Dès 1964, Milton Friedman est le conseiller du très réactionnaire Barry Goldwater, adversaire - malheureux de Lyndon Johnson à l'élection présidentielle. Il reprend ensuite du service, sous Richard Nixon, puis sous Ronald Reagan dans les années 80.

L'école de Chicago - ses élèves aussi bien que son maître lui-même - aura une influence internationale considérable. Elle formera l'épine dorsale de la politique économique du général Pinochet, qui lancera en effet, dès son accession à la tête du Chili, un programme de dénationalisations massives, déréglementations tous azimuts, coupes dans les budgets sociaux, diminution drastique du nombre de fonctionnaires. L'influence directe ou indirecte des Chicago Boys se manifestera dans tous les pays d'Amérique latine. Ailleurs dans le monde, on peut citer comme exemple de l'influence de Friedman et de son école, sans être exhaustifs : le Canada de Brian Mulroney, l'Islande de David Oddsson, l'Estonie de Mart Laar...

Hayek, le père spirituel de Thatcher

Friedrich Hayek, auteur favori de la Dame de fer, est, au même titre que Milton Friedman, l'un des économistes les plus emblématiques de la pensée économique postkeynésienne, dont il est en fait un adversaire plus radical encore que l'Américain. Cet esprit brillant aux centres d'intérêt multidisciplinaires naît en 1899 dans une famille intellectuelle à Vienne. Diplômé de droit et de science politique, il fait la connaissance de Ludwig von Mises, tête de file de l'école autrichienne d'économie et, par son intermédiaire, des autres membres de cette école, en particulier Carl Menger, l'un des cofondateurs de la pensée libérale néoclassique. Après un séjour d'études à New York en 1923-1924 et avoir exercé ses talents dans l'administration de la jeune République autrichienne, il est invité en 1931 comme conférencier puis professeur par la prestigieuse London School Of Economics (LSE). Refusant l'Anschluss, il obtient la nationalité britannique en 1938. En 1944 paraît son premier best-seller international, la Route de la servitude, l'un des livres de chevet de Margaret Thatcher. Il y dénonce les totalitarismes. En 1947, il fonde la Société du Mont-Pèlerin, qui réunit des libéraux du monde entier opposés au communisme, au socialisme et au keynésianisme. Après une dizaine d'années passées à l'université de Chicago à partir de 1950, il termine sa carrière d'enseignant en Europe, à Fribourg-en-Brisgau et à Salzbourg. En 1960, il publie son second best-seller, la Constitution de la liberté. Brandissant cet ouvrage pendant une réunion du Parti conservateur britannique, Margaret Thatcher se serait écriée : «Voilà ce que nous croyons !»

Une mécanique implacable

La disparition de l'URSS et la conversion de tous les pays du monde, Corée du Nord et, peut-être, Cuba exceptés, à la logique libérale constituent en première analyse une éclatante victoire du libéralisme. Enthousiasmé par ce triomphe, Francis Fukuyama pouvait annoncer urbi et orbi la fin de l'histoire en 1989, dans la revue américaine The National Interest ; le critère que lui assignait Hegel, un consensus démocratique universel, lui semblait en effet rempli. La chute du concurrent honni et, un temps, redouté a d'un autre côté sans doute fragilisé le système libéral en lui faisant perdre toute mesure et toute prudence dans l'application dogmatique de ses principes idéologiques. En 2006, soit deux ans avant l'effondrement de la banque Lehman Brothers, Milton Friedman était ainsi fort satisfait de la situation à laquelle avait abouti la révolution conservatrice des années Thatcher et Reagan, dont il était l'un des artisans majeurs. Dans une interview à Politique internationale, il répond à Henri Lepage, qui l'interroge sur la conjoncture après la récession des années 2001-2002 : «Pour l'instant les fondamentaux sont plutôt bien orientés. Il n'y a pas de crise financière, les banques ne sont pas en difficulté. Notre situation est plutôt bonne. L'Europe est loin de présenter un bilan aussi positif, en particulier l'Allemagne.» Le vieil économiste oppose à ce dernier pays l'exemple selon lui bien plus favorable de l'Irlande. En cette même année 2006, je présidais le conseil scientifique d'un fonds d'investissement dans des sociétés émergentes en biotechnologies d'une des principales banques européennes et en côtoyais les hauts dirigeants et leur milieu. Là, le son de cloche était tout différent. Tous me faisaient part de leur certitude d'une catastrophe inéluctable ; le système financier, découlant de l'application des 3D, de la globalisation associée et du nouveau partage des activités économiques entre les différentes régions du monde, leur apparaissait intrinsèquement instable. Ils avaient à l'évidence raison, Friedman se trompait, une fois de plus.

Le règne de la cupidité

Les nouvelles règles imposées dans les années 80, la promotion de la cupidité sans bornes au rang de seul moteur crédible d'une croissance aux bienfaits universels, la dénonciation virulente de tout régulateur public capable de poser la question de l'intérêt général, devaient aboutir aux déséquilibres schématisés ci-dessus, qui condamnaient à terme l'ensemble du système. Même après les rafistolages des années 2008-2010, la situation est loin d'être durablement stabilisée, les déséquilibres restent gigantesques, les dettes publiques des anciennes puissances dominantes ont atteint des niveaux insupportables à terme.

Pour ne prendre que l'exemple de la Chine et des Etats-Unis, la première, véritable manufacture à l'échelle du monde, a pour l'instant un intérêt évident à ce que les seconds continuent de consommer ses produits. Elle se sert par conséquent de ses gigantesques réserves de devises pour acheter les bons du Trésor par lesquels la dette américaine est financée. Si jamais la crise s'aggravait encore au point que la solvabilité à terme des Etats-Unis devienne si douteuse que la Chine stoppe la perfusion qui les maintient à flot, le désastre d'une intensité encore inconnue serait planétaire.

Voilà où nous conduit l'abandon explicite de toute finalité à l'économie autre que son propre dynamisme fondé sur la promotion par les individus de leurs intérêts personnels. Or l'évolution darwinienne a doté l'homme de traits particuliers changeant la nature et la manifestation des passions. La lutte pour la vie dans le monde de nature est ainsi marquée chez Homo sapiens par la volonté de puissance, par la capacité de sympathie et d'empathie constitutive du désir de justice et du sentiment de solidarité. Limiter les conséquences de la volonté de puissance et de la gloutonnerie afin de respecter la justice et la solidarité, ce sont des desseins dénués de sens au sein de la nature non humaine, mais à l'évidence essentiels chez nos semblables. n Copyright Stock

L'Homme, le libéralisme et le bien commun, d'Axel Kahn, Stock, 18 €.

 

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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 18:54

 

 

cadtm.org

Combien de pauvreté pouvons-nous supporter ?

4 octobre par Esther Vivas

 

 


« Les choses ne peuvent pas être pires ». Combien de fois avons-nous entendu cette phrase ? Nous pensons que plus de pauvreté, plus de précarité, plus de chômage, plus d’expulsions de logement, plus de faim sont impossibles. La réalité, cependant, contredit cette perception.

Ces dernières années, les chiffres et les visages de la misère n’ont fait qu’augmenter dans l’Etat espagnol. Aujourd’hui, le nombre de personnes qui vivent en situation de pauvreté extrême se situe déjà à trois millions. Les revenus des familles sont tombés aux niveaux de l’année 2001. L’explication est aussi simple que brutale : les revenus ont diminué de 4% tandis que les prix ont augmenté de 10%. C’est ce qu’indiquent les chiffres fournis par le rapport « Inégalité et droits sociaux. Analyse et perspectives 2013 » élaboré par la Fondation Foessa.

Les plus touchés sont les plus pauvres parmi les pauvres, ceux qui possèdent le moins. Hier, une personne sans ressources, qui vivait dans la rue, est morte de faim à Séville. D’abord, c’est le chômage, ensuite les difficultés pour boucler les fins de mois, puis on ne sait plus payer l’électricité, l’eau, le loyer ou l’hypothèque et, finalement, la nourriture. La tendance indique que les choses empirent. Selon le rapport de Intermón Oxfam, « Le piège de l’austérité », on estime que pour l’année 2025, le nombre de pauvres dans l’État espagnol pourrait atteindre 8 millions de personnes.

Il ne s’agit pas seulement d’une crise mais bien des mesures qui sont appliquées pour la résoudre. L’austérité, les coupes, la réduction des aides et des allocations, la privatisation des services publics, l’augmentation de la TVA, tout cela retombe principalement sur les secteurs les plus vulnérables.

En conséquence, les inégalités sociales augmentent. La différence entre les plus riches et les plus pauvres dans l’État espagnol se situe déjà à 30%, constituant le sommet de l’inégalité en Europe. Cette position se situe même devant les pays les plus durement frappés par la crise, comme la Grèce, et elle n’est dépassée que par des pays comme la Lettonie, la Bulgarie et le Portugal.

La conclusion est limpide : une petite minorité augmente ses richesses sur le dos de l’appauvrissement de la majorité. La sortie de crise n’est ni impartiale ni idéologiquement neutre ; elle répond aux intérêts d’élites politiques et économiques qui veulent tirer profit – et pas qu’un peu – de cette situation. Notre misère n’est, ni plus ni moins, que leur profit.

Les choses peuvent-elles être pires ? Malheureusement oui. Les politiques de sortie de crise qui sont actuellement appliquées dans les pays de la périphérie de l’Union européenne sont la copie conforme de celles qui ont été menée à bien dans les pays du Sud. Si on les appelait à l’époque « Programmes d’Ajustement Structurel, aujourd’hui elles reçoivent le nom de « sauvetage ». La logique est cependant la même et le résultat est plus que suffisamment connu. Nous allons vers une « tiers-mondisation » de la société. La dynamique centre-périphérie qui s’était déployée ces dernières années à l’échelle globale se reproduit aujourd’hui au sein de l’Union.

Mais combien de pauvreté pouvons-nous supporter ? Combien de misère sommes-nous disposés à accepter ? Jusqu’où permettrons-nous qu’ils nous saignent à blanc ? La soif du profit du capital n’a pas de limites. Et le goût du lucre ne fait qu’augmenter leur avarice. Nous, la majorité, sommes les seuls capables de leur faire front. Quand nous aurons pris conscience de cela et que nous agirons en conséquence, nous aurons gagné la partie.

Traduction française pour Avanti4.be : Ataulfo Riera

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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 17:21

 

 

reporterre.net

Total envahit les écoles avec la bénédiction du ministère de l’Education

Camille Martin (Reporterre)

vendredi 4 octobre 2013

 

 

Une compagnie pétrolière promouvant les gaz de schiste et pratiquant l’évasion fiscale est autorisée par les autorités éducatives à venir faire cours dans les écoles : une pratique courante, comme le révèle Reporterre.

 


 

Le lobbying ne se déroule pas que dans les couloirs des ministères, de l’Assemblée nationale, de la Commission de Bruxelles, voire au sein de l’Elysée. C’est aussi dans les écoles que les grandes entreprises parviennent à s’insinuer, proposant aux enseignants des "outils pédagogiques" pour les aider à remplir le programme éducatif. Mais elles reçoivent l’appui des autorités du ministère de l’Education, comme le prouve le document que nous publions et que nous a envoyé une lectrice scandalisée - elle-même enseignante - à l’adresse planete (at) reporterre.net.

Il s’agit d’une lettre envoyée à en-tête de la République française par le Directeur académique de l’Académie de Bordeaux aux chefs d’établissement du second degré et écoles primaires de son ressort. Il les invite à réserver un bon accueil à l’entreprise Total, dont les "collaborateurs" pourront intervenir dans les classes pour des cours d’1h30.

 

 

"Tout comme les années précédentes" écrit-il, "dans le cadre du programme ’Planète Energies’ mis en place par le groupe Total en 2005, des collaborateurs de l’entreprise pourront intervenir dans les classes de CM1 à la Seconde, à la demande des enseignants, afin d’aborder la problématique énergétique."

Le directeur joint une présentation du programme Planète Energies, qui "propose des clés de compréhension sur toutes les énergies et leurs défis. Cette démarche pédagogique consiste à intervenir gratuitement dans des classes du CM1 à la 2e pour une durée d’1h30 environ afin de traiter de sujets en cohérence avec les programmes scolaires en vigueur :
- les énergies, renouvelables et fossiles
- la nécessité de limiter la consommation des énergies fossiles
- le développement des énergies renouvelables
- la découverte de l’entreprise TOTAL et de ses métiers pour les classes de 3e et de 2nde.

Nous fournissons aux professeurs et aux élèves de la documentation gratuite et adaptée au niveau de chaque classe. Nos animateurs (collaborateurs TOTAL) participent sur la base du volontariat et disposent du matériel informatique nécessaire."


Kit pédagogique de Total


Il va de soi que l’information délivrée par une entreprise qui pratique l’évasion fiscale pour ne pas payer d’impôts en France, qui promeut le gaz de schiste et qui exploite les sables bitumineux en Alberta (Canada) a une vision neutre et désintéressée des questions d’énergie.

 

L’agro-industrie se pose en professeur d’agriculture

Total n’est pas seul à venir faire de la propagande (pardon, de l’enseignement "gratuit") dans les écoles de la République.

La chaîne de distribution E. Leclerc s’insinue elle aussi dans les écoles pour y faire de la publicité sous couvert de mener "des actions environnementales".

Les grandes cultures agro-industrielles viennent de leur côté meubler l’esprit des chères têtes blondes sous le sigle de "L’école des céréales", dont le site internet propose un "partenariat pédagogique" aux enseignants :

"Madame, Monsieur,

Rendre les élèves curieux des nouvelles applications de la biomasse agricole, des incroyables évolutions du monde rural depuis la fin de la seconde guerre mondiale, faire découvrir avec simplicité le fonctionnement de la Politique Agricole Commune, le rôle des céréales dans notre alimentation, réaliser des expériences scientifiques avec de l’amidon, écouter des témoignages des différents acteurs de la filière… sont autant de sujets sur lesquelles la filière céréalière peut vous faire bénéficier de ses connaissances, dans le cadre d’un partenariat pédagogique."


Là encore, on peut être assuré de la neutralité parfaite des supports pédagogiques, puisque “Passion Céréales remercie l’ensemble des acteurs de la filière, les agriculteurs, qui ont contribué à la réalisation de ces outils, notamment l’AGPB, l’AGPM, Alliance 7, l’ANMF, ARVALIS-Institut du Végétal, les Brasseurs de France, le CFSI-SIFPAF, Coop de France-métiers du Grains, Coop de France-Nutrition Animale, la FNA, France Export Céréales, les Malteurs de France, le SNIA, l’USIPA et l’USM" : autant d’acteurs puissants d’une agriculture industrielle et focalisée sur l’exportation.

 


 

Source : Camille Martin pour Reporterre.

Illustrations :
- kit pédagogique de Total : Planète energies
- logo : Ecole des céréales

Lire aussi : Pourquoi l’éducation est-elle fondamentale pour changer le monde ?.

 

 

 

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4 octobre 2013 5 04 /10 /octobre /2013 16:57

 

rue89lyon.fr

par Laurent Burlet

4 octobre 2013 - 17:12

 

Un sans-papiers tunisien s’immole à Lyon : le procureur le poursuit pour « mise en danger de vie d’autrui »

 

Info Rue89Lyon / Lors d’une audience au tribunal de Lyon, un sans-papiers tunisien de 22 ans a tenté de s’immoler par le feu. Quelle a été la réaction du procureur de la République? Le placer en garde à vue et le poursuivre pour mise en danger de la vie d’autrui.


tribunal

Le palais de Justice de Lyon © Calystee / Flickr / CC

 

Ce mercredi 2 octobre, comme pratiquement tous les matins de la semaine au tribunal de Lyon, des étrangers en situation irrégulière ont comparu devant le juge des libertés et de la détention (JLD), qui décide de leur maintien ou non au centre de rétention administrative de Lyon Saint-Exupéry avant une probable expulsion.

Parmi les deux « retenus » du jour, un Tunisien de 22 ans. Pendant que le premier « retenu » était entendu par le juge, le jeune Tunisien a sorti une fiole contenant un liquide inflammable, s’est aspergé et a allumé un briquet. Une des personnes présentes ce jour-là à l’audience (publique) décrit la scène :

« Ça s’est passé extrêmement rapidement. J’ai entendu « il s’est mis le feu ». Je me suis tourné et j’ai vu le jeune homme en flammes « .

Les quatre policiers, qui constituaient l’escorte, sont rapidement intervenus pour éteindre les flammes. Le jeune Tunisien a été conduit à l’hôpital.

Pendant ce temps-là, l’audience reprenait avec un nouveau juge et un nouveau greffier. Les précédents avaient préféré se faire remplacer, choqués.

Le nouveau JLD n’a pas tremblé. Il a maintenu le Tunisien en rétention. Après quelques heures passées à l’hôpital où il a été soigné pour des blessures légères, il a été reconduit au centre de rétention administrative (CRA) de Lyon, à proximité des pistes de l’aéroport.

 

Placé en garde à vue « pour mise en danger de la vie d’autrui »

Arrivé derrière les barbelés du CRA de Lyon, la police l’a placé à l’isolement puis lui a signifié son placement en garde à vue. Motifs invoqués ? Soupçons de « tentative de soustraction à une mesure d’éloignement » et de « mise en danger de la vie d’autrui ».

Ce vendredi matin, le procureur de la République a décidé de mettre en examen le jeune Tunisien. Le parquet demande aussi le placement en détention provisoire.

Il doit être présenté cet après-midi devant le juge d’instruction qui devra confirmer (ou pas) la mise en examen et le mandat de dépôt.

 

« On a atteint les limites du supportable »

Depuis mercredi soir, l’information a circulé dans les couloirs du palais de Justice de Lyon. Les avocats qui assurent les permanences pour les étrangers (notamment lorsqu’ils sont présentés devant le juge des libertés) étaient doublement sous le choc : à cause de l’immolation et à cause des poursuites du parquet.

Considérant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre un geste de désespoir, la « commission droit des étrangers » du barreau de Lyon suit avec une attention toute particulière les suites judiciaires. Un avocat a notamment été spécialement désigné pour assurer la défense du prévenu.

Le Syndicat de la Magistrature s’en est également ému auprès du procureur de la République. Et l’affaire est remontée au plan national. La présidente du syndicat, Françoise Martres, estime qu’on atteint « les limites du supportable » :

« Le parquet fait preuve d’incohérence. Le procureur nous dit que la tentative de suicide est bidon. Mais à ce compte-là pourquoi le poursuivre pour mise en danger de la vie d’autrui ? Après avoir poursuivi ceux qui aident les étrangers en situation irrégulière, on pénalise désormais un comportement qui marque le désespoir. La justice pénale a d’autres choses à faire, surtout sous un gouvernement de gauche ».

Il y a trois mois, ce Tunisien avait déjà fait l’objet d’une tentative d’expulsion. Mais il avait refusé d’embarquer dans l’avion à destination de Tunis. Il avait alors été condamné à trois mois de prison ferme pour « soustraction » à une reconduite à la frontière. Il venait de sortir de la prison de Villefranche-sur-Saône, quand il a été reconduit au centre de rétention. Cinq jours plus tard, il tentait de s’immoler devant le juge.

 

 

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 18:19

 

Passage à l’acte 03/10/2013 à 18h30
Des jurys citoyens tirés au sort pour distribuer les subventions ?
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

 

 

La « réserve parlementaire » est une des pratiques les plus bizarres qu’on puisse imaginer dans une démocratie : c’est une enveloppe de subventions, destinées à des projets menés par des collectivités locales ou des associations, dont la répartition est confiée aux députés et sénateurs.

Ceux-ci peuvent distribuer cet argent comme ils le souhaitent (souvent plus de 100 000 euros) et ils le faisaient jusqu’à une date récente dans l’opacité la plus complète. La répartition de la réserve est désormais plus transparente : chaque élu doit publier la liste des bénéficiaires de ses largesses. Mais le risque de saupoudrage clientéliste n’a pas disparu, surtout à la veille d’élections.

Désir d’impartialité

Mode d’emploi
Chaque groupe parlementaire se voit attribuer une somme au prorata du nombre de députés qu’il comporte, soit 130 000 euros par député et par an. Chaque député distribue une enveloppe, dont le détail de l’utilisation est désormais public. Les ministères concernés avalisent et débloquent les sommes.

Certains députés ou sénateurs ont décidé d’aller plus loin pour rendre le mode d’attribution de cette réserve plus impartial.

Le sénateur Europe écologie-Les Verts (EELV) Ronan Dantec, par exemple, a composé un jury de personnalités associatives pour l’aider à distribuer les projets. De même, le socialiste Olivier Véran, député de l’Isère organise la réunion samedi à Grenoble d’un comité d’attribution de sa réserve parlementaire, composé des associations qui en ont déjà bénéficié. Il explique :

« J’ai convié les responsables des associations qui ont déjà été retenues, et qui ne peuvent plus être candidates. Ils sont une quinzaine à m’aider à choisir les prochains projets bénéficiaires. Ils ont tous répondu présent. Ma voix ne compte que pour une : cela permet de dépersonnaliser le processus. Ces personnes, impliquées dans la vie associative, sont les mieux à même de prendre ce genre de décisions. »

Celle qui est allé le plus loin est Isabelle Attard, députée EELV du Calvados au CV bien rempli. Elle considère que s’appuyer sur un simple jury ne va pas assez loin :

« Si j’avais composé le jury, j’aurais désigné des gens qui pensent comme moi. Ce n’est pas une bonne façon de créer une instance impartiale ».

Elle a donc décidé de recourir à un système au cœur des réflexions actuelles sur la démocratie participative : le tirage au sort.

Un seul écologiste sorti du chapeau

Elle a défini neuf « collèges » (agriculteurs, artistes, associatifs, profs, élus, entreprises, étudiants, fonctionnaires, professions libérales) au sein desquels une personne allait être sélectionnée.

En mars dernier, 60 personnes ont accepté d’être candidates et en juin, neuf personnes ont été tirées au sort. Dans cette liste, un seul écologiste est sorti du chapeau et toutes les tendances politiques sont représentées, selon Attard.

Celle-ci a donné à son jury citoyen une feuille de route : ils ont été chargés de choisir des projets selon certains critères (aménagement du territoire, insertion, solidarité, développement durable, etc.). Les associations ont été invitées à remplir des formulaires détaillés. A partir de là, la députée n’est plus intervenue du tout.

 


Isabelle Attard, le 13 juin à Bayeux, des enfants tirent au sort le jury (IsabelleAttard.EELV.fr)

« Ils ont été géniaux »

Le jury a été invité à étudier chaque dossier, puis il s’est réuni deux fois, pendant quatre heures, pour délibérer et répartir une enveloppe de 117 000 euros. Le 26 septembre, la semaine dernière, ils ont livré leur verdict. Isabelle Attard est plus que ravie du résultat :

« Cela a marché au-delà de mes espérances. Ils ont été géniaux, je n’aurais pas rêvé mieux. Les projets qu’ils ont retenus sont sérieux et répondent bien aux critères fixés. Cela a été un exercice de démocratie pur. »

Elle craint pourtant de ne pas être énormément suivie par les autres parlementaires : mettre sur pied ce jury citoyen a pris à son équipe beaucoup de temps. « Cela peu effrayer les collègues. »

 

 

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 17:07

CADTM

 

 

cadtm.org

Procès d’un homme exemplaire

 

3 octobre par Eric Toussaint

 

 

Au gré des scandales politico-économiques qui ponctuent l’actualité internationale, les noms de personnalités importantes sortent régulièrement dans la presse. De ces protagonistes on ne retient souvent que quelques éléments épars.
Jacques de Groote, dont il est question dans ce livre, est un exemple intéressant. Ex-directeur exécutif du FMI et de la Banque mondiale représentant la Belgique pendant une vingtaine d’années, il est accusé par la justice suisse de « blanchiment d’argent aggravé », « escroquerie » et « faux dans les titres ». L’impact médiatique a été très important en 2013, en Europe et au-delà.
Ce qui intéresse tout particulièrement Éric Toussaint dans ce récit, c’est qu’à travers le parcours de cet ancien haut responsable se dessine un morceau d’histoire de deux grandes institutions financières internationales – le FMI et la Banque mondiale – qu’il critique radicalement depuis de nombreuses années.
Les grands médias font la part belle à ces deux institutions. Impossible de les critiquer, de remettre en cause leur action, encore moins leur existence. Tout se passe comme si elles faisaient partie d’une autre dimension, où leurs échecs répétés et les graves dégâts qu’elles provoquent ne peuvent leur être imputés. Elles jouissent d’une légitimité intrinsèque et sans limite. Jamais leurs dirigeants ne sont poursuivis en justice car ils bénéficient d’une immunité pour les faits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Depuis leur création en 1944, la Banque mondiale et le FMI n’ont fait l’objet d’aucun procès malgré des violations répétées des droits humains.
La raison est simple : ces deux institutions sont au service des gouvernements des pays dominants et des grandes sociétés privées multinationales. Leur boussole oscille entre les intérêts privés (qu’ils soient politiques, économiques ou financiers) et ceux des grandes puissances.
Ce livre passionnant, qui se lit comme un roman historique, met en lumière ces différents éléments à travers la vie de Jacques de Groote. L’auteur ne pratique ni l’insinuation ni la diffamation envers Jacques de Groote. Il s’en tient aux faits, basant son travail d’investigation sur des sources citées de manière précise.
Nous suivons notre personnage principal au Congo Kinshasa auprès du dictateur Mobutu , qui restera célèbre pour sa féroce dictature et pour la fortune personnelle qu’il a amassée sur le dos du peuple congolais.
Nous partons ensuite au Rwanda où notre personnage principal rend des services à son ami Van den Branden, baron et patron d’une grande société minière. Là, d’une pierre trois coups, de Groote va agir en fonction des intérêts des institutions qu’il représente, le FMI et la Banque mondiale, de ceux de son ami et du régime du général Juvénal Habyarimana.
L’épopée se poursuit en République tchèque où éclate « l’affaire » de la privatisation frauduleuse de MUS (Mostecká Uhelná Spolecnost), une des principales mines de charbon. La Belgique fait également partie du décor, puisque se dessinent les intérêts géostratégiques du royaume, la généralisation de la politique néolibérale à partir des années 1980, les groupes de pression, les alliances et amitiés politiques.
Le théâtre des opérations est mondial : procès aux États-Unis, en Suisse, pipe-line en Inde, success story de la Banque mondiale et du FMI au Mexique, connexions avec des grandes banques privées internationales... À plusieurs reprises, des conflits d’intérêts sont avérés.
La toile de fond de la narration reste les institutions financières internationales qui sont responsables de violations répétées des droits humains. Lever le voile sur leurs agissements est primordial. Il va de soi qu’elles doivent rendre des comptes, tout comme les personnes qui les dirigent et les représentent. Il est essentiel de démonter le puissant mécanisme de domination que ces institutions imposent aux peuples de la planète depuis bientôt 70 ans. Le CADTM s’attelle à ce travail de critique radicale depuis plus de 20 ans et toutes ses publications regorgent d’analyses approfondies permettant de comprendre la logique mortifère des choix qui sont faits au niveau mondial.
La chute n’est pas écrite mais ce récit jette une pierre dans le jardin néolibéral et fournit de précieux éléments à toutes celles et tous ceux qui souhaitent comprendre et combattre ce système injuste.
Il est temps de vous laisser découvrir cet ouvrage très documenté qui doit provoquer en chacun de nous un besoin de révolte salutaire et renforcer la conviction qu’il faut agir.

Pauline Imbach & Damien Millet


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88 pages - 9 €
Éditions Al Dante : www.al-dante.org
Imprimerie : Clip / Marseille, Europe.
Dépôt légal : 4e trimestre 2013
Issn : 1626-1798 / Isbn : 978-2-84761-782-5

  • Avant-propos d’Aminata Traoré
  • Introduction par Pauline Imbach & Damien Millet
  • Procès d’un homme exemplaire
  • Épilogue
  • Annexes
    1/ Jacques de Groote > Chronologie
    2/ Plaidoyer en 30 points contre la Banque mondiale et le FMI
    3/ La Banque mondiale
    4/ Le Fonds monétaire international (FMI)
  • Postface > Éric Toussaint, lanceur d’alerte par Jean Ziegler
  • Bibliographie

 

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3 octobre 2013 4 03 /10 /octobre /2013 17:00

 

CADTM

cadtm.org

Les chômeurs saignent l’État ou l’État saigne les chômeurs... ?

2 octobre par CAC Liège

 


Groupe de travail sur la sécurité sociale du comité liégeois d’audit citoyen de la dette publique en Belgique.

La presse papier est en crise. Les hebdomadaires se plient en quatre pour arriver à se vendre. Du coup, Marianne Belgique a fait fort avec sa ligne éditoriale « indépendante, intelligente et irrévérencieuse » : Les chômeurs saignent l’État, tel est le titre du dossier, signé Pierre Jassogne, de son numéro du 21 septembre. Mais ne nous inquiétons pas, ce jeune journal veut fournir une information nuancée à ses lecteurs et lectrices : malgré eux apparaît en sous-titre ! Et ceux qui ouvriront le journal – et vogue la galère pour l’écrasante majorité des personnes qui ne verront, et ne retiendront, que le titre racoleur de la couverture croisée furtivement dans leurs libraires – pourront y lire une analyse bienveillante tentant de démontrer que ce n’est pas le coût des allocations de chômage qui est directement visé ici mais le coût... de leur inactivité. Il nous est apparu important d’apporter, à notre tour, certaines « nuances ».

 

« Les chômeurs saignent l’État, malgré eux », ah oui ?

Le magazine nous prévient d’emblée : attention aux idées reçues et prétend poser une question dérangeante et subversive. Celle du coût réel des chômeurs, non pas de leurs allocations de chômage (plus ou moins 7 milliards d’euros par an, pour un PIB de près de 370 milliards environ, soit moins de 2% !) mais bien, grosse différence qui mérite réflexion, de ce qu’entraîne leur situation de non-emploi (plus ou moins 13 milliards d’euros, soit près de deux fois plus, un peu moins de 3,5 % du PIB) : c’est-à-dire les pertes de rentrées supposées en cotisations de sécurité sociale et en impôts prélevés par le fisc sur leur salaire potentiel. On apprend alors que le coût annuel moyen d’un demandeur d’emploi serait de 33.443€ alors que ce que donne l’État a un demandeur d’emploi (frais d’accompagnement et administratifs compris dans ce « don ») s’élèverait à 11.176€ par an. Et d’en conclure que l’étude d’IDEA Consult |1| devrait pourtant mettre tout le monde d’accord : l’emploi doit être une priorité, quitte à le subsidier . CQFD.

Tout le monde d’accord ? Suivant cette lecture de la question, on pourrait d’abord être tenté de dire que ce coût, du chômage, devrait être assumé par les seuls employeurs puisqu’ils sont à l’origine du non-emploi. Dans notre régime économique, c’est eux qui sont censés le créer, l’emploi, et ils le revendiquent, ils disent même qu’ils créent des entreprises pour ça ! Or, le taux de chômage officiel en Belgique est de 8,7% de la population active, soit 610.893 demandeurs d’emploi (août 2013). Bon, en réalité, il y a en fait dans ce pays plus de 1.000.000 de personnes totalement ou partiellement sans emploi |2| (ce qui donnerait un taux proche des 15%). Personnes à qui on exige de courir après de l’emploi qui n’existe pas, de mille et une façons, plus ou moins humiliantes selon les cas. Il y a en Belgique de 60 à 70 000 offres d’emplois par mois en moyenne (dont des emplois à temps partiels, intérimaires, à durée limitée, ou même comme... indépendants), soit 1 offre pour 14 personnes en moyenne.

On devrait alors conclure que l’État doit mettre en place, pour des emplois utiles, sains, convenables et émancipateurs, une réduction collective du temps de travail (RTT) – avec embauches compensatoires et sans pertes de salaire – puisque la productivité du travail ne cesse d’augmenter, qu’une partie toujours plus grande de celui-ci est effectuée par des machines et que nous sommes nombreux-ses à pouvoir participer à « l’effort » collectif utile. Mais les employeurs ne seront pas d’accord, leur objectif est d’accumuler du profit privé, pas de répartir le travail utile entre tout le monde. Le dossier propose pourtant de renforcer les subsides à l’emploi privé (financés en partie par les propres caisses de la sécurité sociale !), sans exigence ni d’embauche ni de qualité de travail, alors que tant et tant de ces cadeaux sont déjà offerts aux employeurs, depuis plus de trente ans... Sans aucun effet en termes de réduction du chômage mais avec de multiples effets en termes de dégradation continue des conditions d’emploi...

Mais changeons de lecture. Finalement, la question de l’emploi est-elle une question (un problème) d’employeur ou de salaire, de reconnaissance de la valeur économique de ce que nous produisons ? Le chômeur, comme le retraité, ne coûtent pas, ils produisent de la richesse hors emploi, et leur allocation/retraite sont la reconnaissance collective de cette production. Travail domestique, soins aux personnes âgées, éducation des enfants, travail bénévole dans l’associatif ou partout ailleurs, potagers collectifs, friperies, ateliers de récup’ et de réparation en tout genre, animation de réseaux et de sites d’informations, créations et diffusions artistiques, ou tout autre travail souvent invisible – car non rémunéré dans le cadre d’un emploi – mais qui produit de la valeur d’usage. On ne pourrait qu’inviter ici l’auteur à aller relire, ou revoir, toute la connaissance existante sur la distinction entre emploi (capitaliste) et activité productive.

Pourtant, en Belgique comme ailleurs, on attaque les chômeurs (et la sécurité sociale en général) par différentes mesures d’austérité. Pour remplir les caisses d’une collectivité exsangue ? Pas vraiment... En PIB par habitant, la Belgique se classe 17e mondiale, et 10e au niveau européen. Le gouvernement Di Rupo a estimé le gain lié à sa mesure de dégressivité des allocations de chômage à 167 millions d’euros... À titre de simple comparaison, cela représente moins d’1 % des impôts sur les sociétés que celles-ci ne paient pas – légalement – chaque année (voir plus bas). Non, ce qui pose problème avec la sécurité sociale, pour les réformateurs libéraux et leurs alliés sociaux-démocrates actuels, pour Marianne aussi visiblement, ce n’est pas son coût pour la collectivité (inexistant) mais son coût pour les capitalistes : les 50 milliards d’euros de cotisations sociales, collectés directement sur la valeur ajoutée produite collectivement, qui échappent donc au profit et qui rémunèrent du travail produit « hors emploi », donc hors contrôle capitaliste. Partout, les périodes de crise sont l’occasion pour le capital d’attaquer cette institution anticapitaliste qu’est la sécurité sociale et de s’en approprier chaque fois plus le contenu.

L’État saigne les chômeurs, volontairement

Non, les chômeurs ne saignent pas l’État, ils produisent de la richesse hors emploi. Par contre, oui, l’État saigne les chômeurs, et consciemment, main dans la main avec le patronat – qui, rappelons-le, a besoin d’une armée de chômeurs mal rémunérés et « activés » pour pouvoir faire pression sur les salaires et les conditions de travail. La dégressivité des allocations de chômage est un moyen, cette mesure permet de rendre plus grande la différence entre le salaire et l’allocation de chômage (Daphné Valsamis, auteure de l’étude)... Voici donc l’intelligence que voulait nous faire partager Marianne Belgique. Il ne s’agit donc pas de RTT, d’augmenter collectivement les salaires (allocations de chômage comprises) en diminuant la part revenant au capital ou de conditionner les cadeaux fiscaux faits aux entreprises par de la création d’emplois utiles, non, il s’agit de diminuer une partie des allocations de chômage et de limiter dans le temps une autre partie (allocation dite d’insertion)... La première mesure est déjà entrée en application. La seconde portera, elle, ses effets au 1er janvier 2015 et touchera 35.000 personnes dans un premier temps |3|... En 2011, le taux de pauvreté officiel en Belgique était de 15,3 %, il était de 37,8 % chez les chômeurs. Avec cette mesure, ce taux va irrémédiablement exploser (particulièrement chez les « chômeuses »). Malgré cela, on préfère détruire des milliers de foyers et communautés et renforcer la pression du sacro-saint « marché de l’emploi » sur toute la population plutôt que d’aller voir du côté de ce qui saigne vraiment les caisses de l’État.

Ce simple graphique montre ce qui représente réellement un gouffre financier en Belgique : un cinquième du budget de l’État est dédié aux comptes en banques des créanciers de la dette publique. Le service de la dette constitue en fait la première dépense de l’État (45 milliards par an), dont 13 milliards d’euros – le même chiffre que le soit-disant coût du « non-emploi » des chômeurs – pour les seuls intérêts.

Parlant d’intérêts, demandons-nous si les taux d’intérêts sur la dette que la Belgique paie ne saignent pas également les caisses de l’État ? Pour rappel, l’architecture européenne impose aux pays de la zone euro de passer par les marchés financiers pour s’endetter, et non plus par leurs banques nationales. Les marchés financiers empruntent, eux, à la Banque centrale européenne à des taux d’intérêts bien moins élevés (0%-1%) et empochent ainsi la différence. Sur la période 1992-2011, l’État belge a remboursé, en intérêts de la dette uniquement, un montant équivalent à 313 milliards d’euros (s’il avait pu emprunter auprès de sa banque centrale à un taux de 1% il aurait alors économisé 250 milliards d’euros... ) |4|.

Parlant de marchés financiers, les banques n’ont-elles pas saigné les caisses de la collectivité avec leur crise – qui a fait passer la dette publique belge de 285 milliards d’euros en 2007 à 395 milliards aujourd’hui) |5| – et le renflouement inconditionnel de leurs propres dettes par la même collectivité (33 milliards d’euros injectés dans Fortis, Dexia, KBC et l’assureur Ethias jusqu’à maintenant) ?

Si d’après ce dossier nos chômeurs sont les plus chers d’Europe (et comment retourner le discours en nous expliquant qu’il faut être gênés de cette conquête... ), c’est aussi en Belgique – paradis fiscal faut-il le rappeler – que les patrons coûtent particulièrement... cher. Pour ne citer qu’un exemple de tous les cadeaux concédés à la partie la plus riche de la population, et ce depuis des décennies, le contournement de l’impôt sur les sociétés (qui est officiellement de 33,99%) représente une perte annuelle pour l’État de plus ou moins 20 milliards d’euros |6| (et on ne parle même pas ici de l’évasion fiscale illégale). Mais bon, il paraît que ces cadeaux fiscaux aux grosses entreprises ont pour but de créer de l’emploi. Combien ? On n’en sait trop rien puisque ce n’est pas une condition. Par contre, on sait que les 50 sociétés qui ont bénéficié des plus grosses déductions fiscales en 2009 ont diminué leurs emplois de 2.504 équivalents temps plein... (comme Arcelor Mittal qui, la même année, a payé 496 euros d’impôts pour un bénéfice de 1,39 milliards) |7|. Rappelons également que les exonérations de cotisations sociales, accordées aux entreprises sans retours non plus en termes d’emploi, saignent – elles – la sécurité sociale : entre 6 et 7 milliards par an... !

Enfin, lorsque l’on se pose cette question dérangeante et subversive d’ « où va l’argent ? », il n’est pas inutile de rappeler qu’en Belgique, les 20 % les plus riches de la population se partagent plus de 60 % du patrimoine national, alors que les 20 % les plus pauvres, eux, s’en partagent 0,20... |8| ? Les impôts sur les grosses fortunes qui n’ont pas arrêté de baisser dernièrement accentuent de fait ces inégalités. L’ensemble de la valeur ajoutée produite collectivement en Belgique (le PIB, avec tous les défauts que cet indicateur contient par ailleurs) est de plus ou moins 370 milliards d’euros par an. La richesse ne vient pas de nulle part. Toutes les richesses accumulées ont, un jour, été produites par les producteurs, or elles sont de plus en plus accaparées par les détenteurs de capitaux (et non par le « non-emploi » des chômeurs... ).

Et si au lieu de saigner jusqu’à en crever...

Ce sont les employeurs et les actionnaires qui coûtent cher à la collectivité, pas l’inactivité imaginaire, très minoritaire en tout cas et fort bien entretenue (ne serait-ce que par les termes officiels d’« inactifs », d’« inoccupés ») du chômeur stéréotypé, davantage à plaindre qu’à jalouser, oisif dépressif, vautré dans son divan, devant sa télé, canette à la main.

Ce fantasme masque le vrai débat : La richesse collectivement produite est accaparée par un petit pourcentage de la population, propriétaire des moyens de production et détentrice des capitaux, nous faisant accepter de baisser la part des salaires (directs et indirects) dans celle-ci depuis des décennies. S’attaquer à la sécurité sociale, c’est en réalité rendre possible l’accaparement, par une toute petite minorité de profiteurs, de la richesse produite hors emploi capitaliste. Mais l’auteur préfère conclure son semblant d’analyse avec une proposition au service du capitalisme : En effet, il faut bien se rendre compte que, face à ces milliards qui pourraient rentrer chaque année dans les caisses de l’État, responsables politiques, partenaires sociaux, patrons devraient s’accorder une fois pour toute, et faire feu de tout emploi, fût-il subsidié... Propos qui seront appuyés par la notre sinistre (sic) de l’emploi « socialiste » Monica De Coninck : Car soyons honnêtes, face aux critiques que l’on peut entendre sur les emplois subsidiés, il faut rappeler que le système qui nous coûte le plus cher, ce sera toujours le chômage ! |9| C’est marrant, nous en penserait plutôt que c’est le système capitaliste qui coûte cher, très cher... En maladies de toutes sortes par exemple, en assuétudes, en burn-out, en suicides au travail, en dépressions, en courses quotidiennes ou amertumes cultivées au plus profond de soi-même qui se paient un jour cash... faut-il rappeler l’Histoire !

Soyons honnêtes, le fait de laisser l’Emploi (c’est-à-dire l’activité, le travail, l’œuvre collective reconnus) être géré par les intérêts privés des détenteurs de capitaux nous envoie droit dans le mur. Si on attend qu’ils nous « offrent » des emplois à tou-te-s |10|, avec des conditions de travail et un salaire convenables, qui ont du sens pour nous, qui ne soient pas nuisibles socialement, ne détruisent pas l’environnement dont nous dépendons, ne nous détruisent pas nous-mêmes au fil des années comme des outils qui s’usent, et bien on n’a pas fini de pleurer... Et n’oublions pas que ce genre de discours coûte également très cher en termes de fracture sociale, car il alimente l’idée selon laquelle ce mur qui se rapproche et les souffrances et injustices déjà bien présentes dans la société seraient le fait de boucs émissaires |11| et non d’un système économique mortifère. Du travail pour tout le monde il y en a, de la tâche à accomplir il y en a, ne serait-ce que pour se donner une chance de vivre une transition écologique viable, nous sortir de la m... où ils nous ont mis en définitive. Mais l’emploi meurt, et nous avec. Le capitalisme se porte mieux que jamais et la richesse produite n’est toujours pas utilisée pour mettre en œuvre les investissements dont la société a urgemment besoin.

Et si au lieu de saigner (à en crever |12|), on arrêtait l’hémorragie en répudiant la dette illégitime et en reprenant le contrôle de la sécurité sociale ? Celle-ci, avant le Pacte social de 1944, était gérée par les travailleurs eux-mêmes. Depuis, ils ont laissé l’État en prendre le contrôle en très grosse partie. Au regard de ce qui précède, le Pacte social n’est plus respecté, et ce depuis longtemps. Il est donc temps de reprendre le contrôle de ces caisses, de nos caisses, de supprimer ou contrôler totalement des institutions aujourd’hui illégitimes telles que l’ONEM et d’allouer les allocations via un processus démocratique appartenant aux seuls producteurs de richesse que sont les travailleurs dans et hors l’emploi. De manière plus générale, notre audit citoyen sur la sécurité sociale propose non seulement d’analyser la dette illégitime qu’on nous fait payer chaque jour à coup de milliards, mais aussi de reprendre le contrôle de l’orientation économique de toute la richesse produite collectivement. C’est ce à quoi nous conduit une analyse « dérangeante et subversive » du chômage, et de la sécurité sociale dans son ensemble : (re)prendre le contrôle de la production |13|.

BONUS : Extrait du « café serré » de Thomas Gunzig du mardi 24 septembre sur la Première

[…]

Et là, Rudy Demotte qui se lance dans la campagne nous annonçant un truc génial : en 2025, 2025, un gros 10 ans, en Wallonie, eh bien, ce sera le plein emploi. Oui, je sais, la presse en a peu parlé. C’est bizarre parce que c’est pourtant une super nouvelle. Dans 10 ans, plus de chômage en Wallonie.

Alors évidemment, les éternels mauvais coucheurs ont ricané. Et c’est vrai qu’à première vue, c’est ambitieux. 200 000 chômeurs en Wallonie. 13% de la population active. Si on veut le plein emploi, sur 10 ans, il faut donc 20 000 chômeurs trouvant un travail chaque année. Ça veut dire 1666 chaque mois. Ça veut dire 55 par jour pendant 10 ans. Donc, c’est vrai que ça a l’air beaucoup comme ça.

Mais en réfléchissant, on se rend compte que ce n’est pas impossible. Quoi ? Vous voulez quelques pistes ? Eh bien, par exemple, sachant qu’en moyenne dans un Carrefour Market, il y a 10 employés, il suffirait d’ouvrir en Wallonie, 5 Carrefour Market par jour. Tous les jours. Pendant 10 ans. Vous voyez ? Par exemple, le lundi, on en ouvre un à Fosse-la-Ville, un à Walcourt, un à Houyet, un à Walhain et un à Gouvy. Et puis le mardi, on en ouvre un à Paliseul, un à Libramont, un à Sombreffe, un à Brugelette et un à Dour. Voilà. Et puis le mercredi, même chose, jusqu’au dimanche. Et le lundi, eh bien on recommence. Tout ça pendant 10 ans tous les jours. Bon, je suis désolé, c’est vrai que c’est du boulot mais ce n’est pas impossible. Il a fallu 20 ans à des Égyptiens en sandales pour faire une Grande Pyramide, on peut bien ouvrir 5 Carrefour Market par jour en Wallonie.

Cela dit, Rudy Demotte n’a jamais dit qu’on allait créer de l’emploi de manière progressive. Peut-être que, dans les 10 ans à venir, ça va rester un peu comme maintenant, un peu sinistre, des petites Rosetta partout. Trainings, caravanes, marché noir. Il pleut, les TEC sont en grève. Et puis, paf, 31 décembre 2024, il se passe un truc, je sais pas quoi et on engage les 200 000 chômeurs d’un coup. Peut-être qu’on a ouvert un super grand Carrefour Market ou alors une énorme intercommunale avec un énorme conseil d’administration. Ou alors on les mange tous pour la Noël, du râble de chômeur. Bon, sans doute qu’à force d’avoir été chassés, la viande sera un peu dure. Mais enfin si c’est pour le plein emploi wallon, il ne faudra pas trop faire la fine bouche.
À demain.

Notes

|1| Étude commandée (ben oui !) par une fédération patronale de travail à domicile : l’EFSI, la Fédération européenne des entreprises de services à la personne, dont le rôle est de représenter et de promouvoir le développement de ce secteur en Europe.

|2| Voir « A tomber mort » de Riposte-CTE

|3| Voir des témoignages portant sur cette mesure ici.

|4| BONFOND Olivier, et si on arrêtait de payer ? 10 questions/réponses sur la dette publique belge et les alternatives à l’austérité, Aden, 2012, p.45

|5| Pour plus d’information, lire « Leur crise, 5 ans après... » du CADTM, septembre 2013.

|6| Pour plus d’information, voir le site Internet du collectif « Dites 33 ! »

|7| VAN HEES Marco, Les riches aussi ont le droit de payer des impôts, Aden, 2013.

|8| Voir Banque nationale de Belgique : « Structure et répartition du patrimoine des ménages », septembre 2013.

|9| Cette idéologie libérale est particulièrement installée en Allemagne, où l’emploi est fortement subsidié et que l’on nous présente souvent comme modèle avec son taux de chômage proche des 5 %. Chez nos voisins, il n’y a pas de salaire minimum. Du coup, 20 % des salariés (soit 5 millions de travailleurs) gagnent un maximum de 400€ par mois... Et les milliers de « bénéficiaires » contraints du système Hartz 4 (travail rémunéré à 1 euro de l’heure) sont retirés des statistiques... Qui dit mieux ?

|10| Rappelons qu’il est illégal pour un chômeur de travailler sans autorisation préalable (autorisation possiblement limitative) de l’ONEM. Vous ne pouvez a priori pas vous livrer à une activité utile aux autres et émancipatrice pour vous mêmes.

|11| À ce sujet, voir la campagne contre la stigmatisation des chômeurs du PAC et des Équipes Populaires « Tous des glandeurs » lancée le 24 septembre 2013.

|12| En Grèce, depuis le début des mesures d’austérité, le taux de chômage est passé à presque 30 % (60 % chez les jeunes) et un tiers de la population n’a plus accès à la sécurité sociale...

|13| Cette vidéo « Pour un statut politique du producteur » du réseau salariat, avec ses défauts et ses qualités, essaie de mettre des images sur cette proposition.

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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 15:14

 

 

mediapart.fr

Emprunts toxiques : les élus dénoncent le marché de dupes proposé par l'Etat

|  Par Martine Orange

 

 

 

Alors que les contentieux sur les emprunts toxiques aux collectivités locales enflent, le gouvernement propose un remède. Mais le dispositif, fait pour protéger l’État et les banques, risque de priver les collectivités locales de tout recours juridique face aux banques. Inacceptable pour les élus.

 

« Un marché de dupes. » Une semaine après avoir découvert le projet de loi pour aider les collectivités locales confrontées aux emprunts toxiques, les élus ne cachent pas leur déception. Réunis au sein de l’association acteurs publics contre les emprunts toxiques, ils ont fait la première analyse du texte présenté par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances 2014. Et pour eux, le compte n’y est pas : « C’est la première fois que le gouvernement affiche une volonté de traiter le dossier, ce qu’il convient de saluer. Mais les dispositions prévues soulèvent des inquiétudes et des questions. L’État dans cette affaire est en position de juge et partie », explique Maurice Vincent, sénateur-maire de Saint-Étienne et président de l’association. 

 

Notre ebook sur l'affaire Dexia (Cliquer sur l'image pour accéder au livre) 

L’enjeu est lourd : environ 1 500 collectivités locales et établissements publics sont concernés par les emprunts toxiques. L’addition pourrait s’élever entre 10 et 15 milliards d’euros. Plus de 300 contentieux sont en cours touchant principalement Dexia, mais aussi le Crédit agricole, la Société générale, Royal bank of Scotland

Dans cette affaire, la question de savoir où se place l’État se pose à chaque instant. Est-il le garant de l’ordre général ? Le soutien des collectivités locales ? Ou l’actionnaire de Dexia, la banque la plus exposée aux emprunts toxiques, qu’il a dû sauver en catastrophe de la faillite ? À lire le projet de loi, l’impression nette se dégage que le gouvernement, inquiet des risques pesant sur Dexia, qui a déjà coûté 6,6 milliards d’euros aux finances publiques, ait cherché à limiter la casse, en rédigeant un texte qui va faire le bonheur du monde bancaire.

 L’article 60 du projet de loi de finances prévoit en effet la création d’un fonds doté de 100 millions d’euros sur une durée de quinze ans afin d’aider les collectivités locales et les autres établissements publics à rembourser leurs prêts toxiques par anticipation. L’État se propose d’apporter la moitié des sommes, le reste étant abondé par le biais de la taxe systémique payée par les banques, qui doit être relevée. Comment ont été calculées ces sommes ? Sont-elles suffisantes pour aider les communes qui se voient parfois demander l’équivalent du capital à rembourser au titre d’indemnités pour remboursement anticipé ? Mystère. « Je fais confiance à la qualité des hauts fonctionnaires de Bercy », dit très diplomatiquement Maurice Vincent.

Mais ce n’est qu’une toute petite partie du problème. Pour avoir droit à ces aides, les collectivités locales doivent au préalable avoir conclu un accord transactionnel avec la banque portant sur l’ensemble des prêts structurés et toxiques en cause et renoncer à tous les contentieux. Tout ceci doit être fait avant le 15 mars 2015. Ce n’est qu’après que les collectivités locales sauront si, et à quelles conditions, elles pourront être éligibles au fonds. Les modalités étant fixées par un décret ultérieur, dont tous ignorent le détail, le ministre des finances et le ministre des collectivités locales étant les seuls arbitres des choix. Un dispositif digne de la technostructure de Bercy, préoccupée de ses seuls intérêts et qui ignore complètement les réalités, accusent les élus.

« Cet article 60 nous met une pression pour que nous payions et nous nous taisions. C’est un chantage complet. On nous demande de renoncer à contester tous nos emprunts litigieux et à toute action en justice en contrepartie d’une aide hypothétique, alors qu’aucune assurance n’a été apportée ni sur le principe de ce fonds, sur son montant et sa durée », réagit Noël Segura, maire divers gauche de Villeneuve-les-Maguelone (Hérault). Élu en 2008, il doit gérer un emprunt toxique dont le seul remboursement anticipé avec les pénalités coûterait aux finances de la commune plus de 4 millions d’euros, alors que le budget total ne dépasse pas les 9 millions.

Le député et maire socialiste d’Asnières, Sébastien Pietrasanta, souligne lui combien le fait de renoncer à tout recours juridique en contrepartie de cette aide peut être dangereux pour les finances publiques locales. « J’ai des emprunts qui sont indexés sur un indice de la banque publique des collectivités locales américaines. Pour l’instant, tout va bien. Mais comment puis-je savoir l'évolution à l’avenir ? Comment renoncer par avance à tout moyen juridique », souligne-t-il. D’autres élus insistent sur la complexité des dossiers. Pour eux, une négociation globale est inenvisageable, c’est ligne à ligne, prêt par prêt, qu’il faut mener les renégociations.

Désarmement unilatéral

La colère des élus face à ce qui leur paraît être un désarmement unilatéral et sans condition est d’autant plus grande que le gouvernement a prévu de priver les collectivités locales des moyens juridiques sur lesquels ils pourraient s’appuyer. Le projet de loi prévoit de valider de façon rétroactive les contrats de prêt et des avenants aux contrats de prêt conclus avant la loi entre une personne morale et un établissement de crédit, lorsque ces prêts sont contestés pour défaut de mention du taux d’intérêt effectif global (TEG).

Or c’est la seule arme dont disposent actuellement les collectivités locales face aux banques dans la contestation des prêts toxiques : tous les autres motifs (défaut de conseil, taux usuraires, imprévisibilité des frais…) n’ont pas été retenus par les tribunaux. Dans un jugement du 8 février, le tribunal de grande instance de Nanterre a annulé les taux d’intérêt de trois contrats de prêts toxiques consentis par Dexia au département de la Seine Saint-Denis, au motif que le taux effectif global – qui doit synthétiser les frais financiers, mais aussi les frais d’assurance et les frais de dossier afin de faire apparaître le vrai coût du crédit – n’avait pas été signifié sur le contrat. À la place, le tribunal de grande instance leur a substitué le taux d’intérêt en vigueur de 0,71 %.

Depuis ce jugement, c’est le branle-bas de combat dans le monde bancaire, qui craint de voir fleurir une multitude de contentieux, faute d’avoir respecté ses obligations d’information. Les banquiers ont trouvé des oreilles tout à fait attentives à Bercy, soucieux de l’intérêt des banques mais aussi des siens, en raison de Dexia. Le gouvernement ne s’en cache même pas. Dans l’exposé de ces motifs, il écrit : « Cette décision (du TGI de Nanterre), bien que non définitive dans la mesure où elle fait l’objet d’un appel, a déjà conduit à un accroissement important du nombre de contentieux à l’encontre d’établissements de crédit (début septembre 2013, au total, SFIL faisait l’objet de 196 assignations et Dexia 54, soit un triplement depuis le 8 février 2013). (…) Ces assignations visent, pour une majorité d’entre elles, un défaut de mention du TEG, pour d’autres, une stipulation erronée du TEG, et parfois ces deux motifs en même temps. La décision fait donc naître un risque très significatif pour l’ensemble des établissements de crédit ayant utilisé des documents précontractuels pouvant présenter des caractéristiques identiques ou comparables de celles sanctionnées par le juge en première instance, particulièrement dans le cas de contrats portant sur des produits structurés. Certains établissements bancaires présentent en effet un risque de perte susceptible de mettre en péril leur respect des normes de solvabilité. De plus, cette jurisprudence fait peser un risque majeur sur les finances publiques, dans la mesure où l’État est actionnaire à 75 % de la Société de financement local (SFIL) et à 44 % de Dexia SA qui détiennent à leur bilan une part très significative de crédits conclus conformément au processus sanctionné par cette jurisprudence. » Au nom des banques et des finances publiques, il est donc urgent de revenir de manière rétroactive sur ces jugements.

« Il n’est pas admissible que l’État intervienne dans des procédures judicaires en cours », tonne Maurice Vincent. Pour certains élus, cette disposition n’est même pas envisageable : elle est tout simplement anticonstitutionnelle. C’est la lecture qu’en a l’avocat Christophe Leguevaques, qui représente certaines communes prises dans des emprunts toxiques : « Ce dispositif est une atteinte à la sécurité juridique. Il n’est pas possible de décider de façon rétroactive de modifier des contrats. De plus, alors qu’il y a des procédures en cours, ce projet méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs entre l’exécutif et le judiciaire, qui est un principe constitutionnel. »

Le texte, insiste de son côté l’avocate Hélène Feron-Poloni, citée par le Point, aurait une portée bien plus grande que celle des seules collectivités prises dans les emprunts toxiques. « Les personnes morales, cela vise non seulement les collectivités, mais aussi les sociétés, petites ou grosses, et les particuliers eux-mêmes qui peuvent être concernés lorsqu'ils s'endettent via des sociétés civiles immobilières (SCI) », explique-t-elle. « Ces derniers ne bénéficieront donc plus de la protection que les textes leur apportaient jusqu'ici. C'est une loi spoliatrice : pendant des années, des banques n'ont pas respecté leurs obligations d'informations dans les contrats de prêt. » D’autant, souligne-t-elle, que « le Code de la consommation sera lui aussi modifié dans un sens plus favorable aux établissements financiers, lorsque le taux effectif global aura été sous-estimé ».

Rien d’étonnant à ce que les représentants du monde bancaire gardent le silence, après ces dispositions qui s‘annoncent si favorables à leurs intérêts. Dans un premier temps, la fédération bancaire française avait fait savoir son mécontentement après avoir découvert le projet d’alourdissement de la taxe systémique. « La création d'une taxe pour alimenter ce fonds créerait des distorsions entre établissements et ne bénéficierait en fait qu'à une activité en extinction, celle de Dexia, au détriment du reste du secteur bancaire, qui doit pourtant maintenir sa capacité à financer l'économie », avait-elle écrit en juin au ministre des finances Pierre Moscovici. Depuis que le projet de loi de finances a été dévoilé, le lobby bancaire est aux abonnés absents. Manifestement, la règle du donnant-donnant telle qu’aime la pratiquer Bercy lui convient parfaitement.

Les élus le constatent dès maintenant : les choix de Bercy jouent contre eux et les fragilisent. « La perspective de voir ce projet adopté crée une vraie distorsion en faveur des banques. Elles se retrouvent dès aujourd’hui en position de force pour négocier les conditions de sortie. » Les élus s’en rendent parfaitement compte sur le terrain : les choix de Bercy les fragilisent en les plaçant presque au dos au mur, dit Christophe Faverjon, maire communiste d’Unieux (Loire). « Le projet a failli faire échouer les négociations que j’avais entamées pour renégocier certains emprunts », raconte Stéphane Troussel, maire socialiste de La Courneuve qui a succédé à Claude Bartolone à la présidence du conseil général de la Seine Saint-Denis.

Énervé, l’élu a écrit ces derniers jours au premier ministre pour lui demander si le gouvernement avait l’intention de remettre en cause la retraite chapeau de 300 000 euros accordée à Pierre Richard, l’ancien président de Dexia, qui jusqu’à présent a échappé à toute mise en cause, comme le recommandait la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la banque, publié en juillet. Matignon n’a pas encore répondu.

« Ce texte est inacceptable en l’état », prévient Maurice Vincent. « Il est trop déséquilibré. Il oublie complétement la responsabilité des banques dans ce dossier, au détriment de collectivités locales. Il comporte trop d’inconnues sur ces modalités d’application, les engagements financiers », pointe-il avant de mettre en garde le gouvernement :« Il n’y aura pas de majorité pour le voter. »

 

 

 

 

 


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2 octobre 2013 3 02 /10 /octobre /2013 15:11

 

reporterre.net

 

La première AMAP de France menacée d’expulsion

Nathalie Giraud (JNE)

mercredi 2 octobre 2013

 

 

 

Daniel et Denise Vuillon, fondateurs de la première Amap dans le Var en 2001, sont menacés d’expropriation. Le tramway, à l’origine de la menace d’expulsion, pourrait passer sur le parking de la grande surface voisine, mais les autorités en ont décidé autrement, quitte à saccager cette ferme historique.

 


 

Daniel et Denise Vuillon tiennent la ferme Les Olivades sur les communes de Toulon, Ollioures et la Seyne/Mer, dans le Var : après avoir été une propriété agricole dans la famille Vuillon depuis 1804, c’est devenu la première Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) en 2001, pour préserver les savoir-faire des paysans, ainsi que les terres nourricières proches des villes.

Aujourd’hui, le partenariat Amap(s) a dépassé les frontières françaises, notamment à Saint-Pétersbourg, à Timisoara en Roumanie, à Bamako, à Rabat, au Sénégal, en Nouvelle Calédonie et en projet au Liban.

La première menace d’expropriation date de 1988 : la situation géographique de la ferme étant exposée à la pression foncière du fait de sa proximité avec les villes, donc de l’implantation des zones commerciales, des hypermarchés et autres merveilles du monde financier. C’est un projet de tramway qui menace maintenant ces terres agricoles.

Pourtant, en 2004, les commissaires enquêteurs venus inspecter les lieux avaient proposé une alternative pouvant contenter tout le monde : le passage du tramway sur le parking de la grande surface voisine. Mais non, le tribunal administratif de Nice avait choisi de rejeter le recours. Cette injustice et les multiples rejets perdurent jusqu’à aujourd’hui.

 

 

"Quand on se rend aux Olivades, après avoir passé l’autoroute, les parkings, les files de voitures, la zone commerciale et divers dépotoirs, bref, les stigmates de la société de consommation, le visiteur cherche les Olivades et se dit : je me suis trompé de chemin.

Et pourtant, une fois franchies la haie protectrice de roseaux de Provence, la couleur apaisante et la diversité des verts des cultures et les formes harmonieuses des grands arbres dominants, qui n’a pas eu le plaisir de découvrir le site ? Le contraste avec l’extérieur saute aux yeux et chaque visiteur nous exprime spontanément cette sensation de havre et cette vision qui leur fait du bien. Nous partageons aussi ces valeurs-là, qui nous aident à préserver ce lieu." (extrait du livre L’histoire de la première Amap, par Denise Vuillon, édition L’Harmattan).

 


 

Source : JNE (Journalistes et écrivains pour la nature et l’écologie)

Photo : Bio consom’acteurs

Lire aussi : "1000 vaches" : paroles de paysans contre l’usine à vaches en Picardie

 


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