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2 novembre 2013 6 02 /11 /novembre /2013 19:11

 

 

lemonde.fr

 

Les députés français approuvent la réalisation du Lyon-Turin

LE MONDE | 01.11.2013 à 16h18 | Par Rémi Barroux

 
 
Une manifestation contre le TGV Lyon-Turin à Chambéry, en janvier 2006.

Le dossier brûlant de l’écotaxe s’invite dans tous les débats. En discutant, jeudi 31 octobre, de la ratification du traité international portant sur l’"Accord entre le gouvernement de la République italienne et le gouvernement de la République française pour la réalisation et l’exploitation d’une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin", signé à Rome le 30 janvier 2012, certains députés, hostiles au projet, n’ont pas manqué de brocarder la volte-face du gouvernement de Jean-Marc Ayrault sur l’écotaxe désormais suspendue.

 

 "UN PROJET PHARAONIQUE"

Comment engager des milliards dans un chantier considérable – la Cour des comptes a estimé à quelque 26 milliards d’euros le coût total du percement d’un nouveau tunnel ferroviaire sous les Alpes et la construction de ses accès français et italiens –, et, dans le même temps, se priver du revenu de l’écotaxe prélevée sur la circulation routière des poids-lourds ?, s’interrogeaient ces députés. "La disparition de l’écotaxe est une double peine, a jugé François-Michel Lambert, élu (Europe Ecologie-Les Verts) des Bouches-du-Rhône. Elle a disparu alors qu’elle aurait permis de freiner ces transits inutiles, plutôt que de dépenser de l’argent dont on a bien besoin par ailleurs, dans un projet pharaonique."

 Ecotaxe ou pas, le projet du Lyon-Turin, un dossier vieux de plus de vingt ans, continue de déchaîner les passions. Pour la grande majorité des députés et des élus locaux – le projet de loi portant ratification du traité a été voté par 57 voix pour et 9 contre –, ce projet va permettre de soulager les vallées alpines d’un incessant et polluant trafic des poids lourds. "Nos vallées alpines, leurs accès et nos agglomérations sont réduites à des couloirs à camions et attendent avec impatience un report massif de la route vers le rail", a plaidé  la socialiste Bernadette Laclais (Savoie). Saturation des infrastructures routière et ferroviaire; émission de CO2 et pollution de l’air; risques d’accident comme la catastrophe du Mont-Blanc en 1999 (39 morts) ; renforcement de l’axe est-ouest et des relations commerciales avec l’Italie ; développement de l’activité économique régionale avec les chantiers à venir… autant d’arguments repris par les députés socialistes, UMP ou encore radicaux.

BAISSE RÉGULIÈRE DU FRET ROUTIER SUR L’AXE FRANCO-ITALIEN

Les opposants, eux, ont démonté, chiffres à l’appui, nombre de ces éléments. Député de Savoie, Dominique Dord, l’un des rares UMP à s’opposer au projet, a exprimé ses doutes. Tout comme le centriste Bertrand Pancher (UDI, Meuse), qui a présenté les chiffres en baisse régulière du fret routier sur l’axe franco-italien : "En 1998, 35 millions de tonnes transitaient entre nos deux pays, 26 millions en 2007, 23 millions en 2011." "Ce projet ne tient pas compte de l’état actuel du trafic, a aussi pointé la député écologiste d’Isère, Michèle Bonneton. (…) Tout démontre que le fret entre la France et l’Italie est en diminution constante depuis quinze ans." Les opposants pointent aussi la sous-utilisation de la ligne existante. "La ligne transalpine actuelle, celle du Mont-Cenis, pourrait absorber l’essentiel des besoins : (…) son trafic se limite actuellement à 3,4 millions de tonnes, soit à peine 20 % de sa capacité reconnue", a précisé Mme Bonneton.

Un nouveau tunnel de 53 km est prévu pour 2020 pour relier Lyon à Turin.

L'argument est retourné par les défenseurs du Lyon-Turin, qui voient dans ce sous-emploi la preuve de la vétusté du tunnel existant et la nécessité d’en construire un nouveau, ainsi que les effets de la crise économique expliquant les baisses du fret. Mais pour Daniel Ibanez, de la Coordination contre le Lyon-Turin, ce traité est une "arnaque". "Le premier traité, signé par la France et l’Italie en janvier 2001, précisait, dès l’article 1, que la "mise en service devrait intervenir à la date de saturation des ouvrages existant", alors qu'on doit être à 17 % d’utilisation du tunnel existant s’agissant du fret ferroviaire, fulmine-t-il. Et les prévisions de trafic ne tiennent pas compte d’une réorientation du transport de marchandise sur un axe sud-nord, plus qu’est-ouest, ce qu’ont compris les Suisses qui modernisent leurs axes dans ce sens. Enfin, on est passé de 12 milliards d’euros à plus de 26 milliards pour le coût global du projet. Et la somme pourrait encore augmenter."

"FAIBLE RENTABILITÉ SOCIO-ÉCONOMIQUE"
 

La bataille est rude sur le coût estimé du projet. L’Europe confirme le financement de 40 % des frais de construction de la partie internationale du projet, soit le tunnel dont le coût est estimé à quelque 8,5 milliards d’euros. La France en paierait 25 %, ainsi que le financement des infrastructures d’accès côté français et d’autres chantiers comme le contournement de Lyon, un dossier mis en avant pour justifier la nécessité du nouveau tunnel. Dans un référé d’août 2012, la Cour des comptes critiquait la "forte augmentation" des coûts prévisionnels. Les seules études et travaux préliminaires, estimés initialement à 320 millions d’euros ont vu leur facture bondir à plus de 900 millions d’euros fin 2010. Les juges de la rue Cambon, à Paris, estimaient "faible la rentabilité socio-économique" du projet et, surtout, regrettaient que "d’autres solutions techniques alternatives moins coûteuses aient été écartées sans avoir été complètement explorées de façon approfondie".

Un argument martelé par les opposants. "Ce grand projet n’a aucune rentabilité, a résumé le député Dominique Dord. Il est l’archétype d’une logique technocratique dépassée, de choix qui remontent à trente ans et qui ne sont plus adaptés, de prévisions qui se sont toutes révélées fausses, de chiffrages qui ont dérapé et déraperont encore."

Le traité ratifié jeudi par les députés français doit encore passer au Sénat, le 18 novembre. L'accord doit aussi être approuvé côté italien où l’opposition sur le terrain est plus virulente, avec le mouvement des "No TAV" (No al treno a alta velocita), opposé à la construction du tunnel. Le 20 novembre, les deux chefs d’Etat, Giorgio Napolitano et François Hollande, se retrouveront à Rome. Le Lyon-Turin sera, bien sûr, au menu du sommet franco-italien.

Rémi Barroux
Journaliste au Monde

 

 


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1 novembre 2013 5 01 /11 /novembre /2013 22:04

 

 

marianne.net

Quand les politiques publiques encouragent les bulles immobilières
Jeudi 31 Octobre 2013 à 14:00

 

Michel Santi*

 

Il semble nul n'ait tiré les enseignements de la crise des subprimes : pas plus les privés que les banques et même les États qui, ayant évacué la catastrophe immobilière US des années 2007 et 2008, participent tous aujourd'hui à gonfler une nouvelle bulle dont l'ampleur semble même dépasser la précédente.

 

FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA
FRANCES M. ROBERTS/NEWSCOM/SIPA

« Il y a eu plus de volatilité sur le marché immobilier ces cinq dernières années que pendant les cinq cent années précédentes ! ». C'est en ces termes significatifs que s'est tout récemment exprimé Glenn Kelman, grand patron de Radfin, une importante société immobilière américaine, qui ne fait qu'exprimer des inquiétudes légitimes par rapport à un marché immobilier devenu - en tout cas aux États-Unis - aussi volatil que les Bourses.

Il semblerait que nul n'ait tiré les enseignements de la crise des subprimes : pas plus les privés que les banques et même les États qui, ayant évacué la catastrophe immobilière US des années 2007 et 2008, participent tous aujourd'hui à gonfler une nouvelle bulle dont l'ampleur semble même dépasser la précédente. Une récente étude de Goldman Sachs n'est-elle pas parvenue à la conclusion aberrante que le P.I.B. américain (attendu à 2% pour 2013) serait, en réalité, de - 1% sans l'escalade du marché immobilier ? Voilà donc les gouvernements britanniques et américains qui rivalisent d'inventivité fiscale afin de promouvoir les acquisitions immobilières sur leurs territoires respectifs. Politique insensée assimilable à une campagne contre l'obésité qui serait menée parallèlement à des subventions accordées aux fast-food
 

L'index « Better Life » de l'OCDE le dit pourtant sans équivoque : il n'existe nulle relation de cause à effet entre l'accès à la propriété et la qualité de vie. De même, ce n'est pas les nations aux économies les plus développées, ni même celles dont les citoyens jouissent des plus hauts revenus, qui ont le pourcentage le plus élevé de propriétaires. En effet, tandis que la France, l'Allemagne et le Japon ont 30 à 50% de leurs citoyens qui sont propriétaires de leur domicile, cette proportion grimpe à 80% dans des pays comme le Mexique, le Népal ou la Russie. Et à 65 - 70% aux USA et en Grande-Bretagne. Ces deux derniers pays se rendent-ils seulement compte des distorsions majeures qu'ils induisent sciemment sur leurs économies en encourageant sans équivoque l'accès à la propriété, voire à la multi-propriété ? C'est effectivement toute la chaîne des intervenants, privés et publics, qui conjugue ses efforts dans ces deux pays : de l'État qui accepte toutes les déductions fiscales corrélées aux prêts hypothécaires et aux rénovations comme aux travaux immobiliers, aux établissements financiers qui n'hésitent pas à solliciter le propriétaire afin de lui augmenter son financement en cas d'appréciation de la valeur de son bien.
 

Dans nombre de pays aux économies dites « intégrées », l'association et les actions actives de la volonté publique et des intérêts privés se traduisent donc en une situation potentiellement catastrophique où les avoirs des ménages se réduisent à leur seul bien immobilier. Ainsi, les pouvoirs publics motivent-ils ouvertement les familles et les individus à placer leur épargne dans un actif souvent volatil, dont la valeur est difficile à quantifier, dont la réalisation (c'est-à-dire la vente) prend parfois plusieurs mois et qui occasionne en outre divers frais d'entretien, charges de copropriété, etc. Quelle est la crédibilité d'une politique publique dont l'objectif est de canaliser l'épargne en direction du marché immobilier, quand il est tellement plus utile à la collectivité d'investir dans la recherche et le développement, dans les infrastructures, ou encore dans la création de nouvelles entreprises ? La pierre est effectivement un placement stérile tant pour l'individu que pour l'ensemble de l'économie, sachant que - par ailleurs - la promotion de l'accès à la propriété immobilière constitue une régression sociale fondamentale.
 

L'accumulation de richesses immobilières ne profite effectivement qu'à celles et à ceux qui ont suffisamment de chance d'avoir des parents et des grands-parents propriétaires, dont ils vont hériter. La propriété immobilière ne fait que perpétuer un système basé sur la succession qui défavorise indiscutablement les laissés pour compte privés d'ascenseur social. Ce faisant, l'État encourage une authentique évasion fiscale - ou à tout le moins une méga niche fiscale - qui renforce les lobbies immobiliers, qui autorise de payer moins d'impôt, et qui déséquilibre la compétition par le mérite en favorisant notoirement les héritiers chanceux. La propriété immobilière décourage indirectement le développement de nouveaux talents qui, d'une part se retrouvent privés de liquidités préférant aller se loger dans la pierre et qui, d'autre part, sont pénalisés par rapport à celles et à ceux ayant la chance d'hériter de l'épargne de leurs parents. Comme la propriété immobilière a, en outre, un impact négatif tout à la fois sur la mobilité géographique du travail que sur la création de nouvelles entreprises, il est possible d'en conclure que l'immobilier constitue une externalité négative sur l'emploi.
 

Une étude de l'Université de Warwick  étant même parvenue à la déduction selon laquelle l'augmentation du chômage dans un état américain était étroitement corrélée au nombre de propriétaires de biens immobiliers ! S'il va de soi que tout individu est libre d'acquérir une propriété, il ne devrait pas être des attributions de l'état de subventionner de tels investissements, comme il ne permet aucune déduction fiscale pour un achat de bien de luxe. La clémence et la sollicitude fiscales accordées par l'État aux propriétaires de biens immobiliers créent donc une distorsion majeure dans l'allocation du capital, favorisent les lobbies liés au marché immobilier, nuisent aux transferts équitables des richesses, et sapent une mobilité indispensable dans un marché du travail en pleine évolution. Tout en contribuant à la formation de bulles spéculatives aux effets dévastateurs pour l'ensemble de l'économie. Enfin, l'encouragement de l'accès à la propriété ne bénéficie malheureusement pas aux pauvres qui restent - dans leur écrasante majorité- locataires, alors qu'une politique publique digne de ce nom devrait au contraire avoir pour objectif de rendre le marché immobilier accessible à l'ensemble de la société.
 

Au lieu d'aider à siphonner les ressources au profit de l'immobilier, l'Etat devrait donc au contraire s'employer à circonscrire la fièvre spéculative de ce marché afin de le rendre abordable à l'ensemble de la population. C'est effectivement en pesant sur ce marché pour en restreindre l'escalade irraisonnée de ses prix que l'Etat peut matériellement contribuer à augmenter notre pouvoir d'achat. Ainsi, pourquoi l'acquisition d'une propriété immobilière est-elle considérée autrement que celle d'une voiture ? Tout comme les politiques publiques ne font pas la promotion de voitures chères qui entament sérieusement notre pouvoir d'achat, elles ne devraient pas plus encourager les acquisitions immobilières, qui réduisent tout autant notre train de vie. Au lieu de cela, - et en consentant une fiscalité extrêmement avantageuse aux propriétaires et à toute la chaîne alimentaire qui gravite autour de ce marché -, l'Etat participe activement de cette raréfaction immobilière et des flambées de ses prix. S'il coule de source qu'un privé ou qu'une famille bénéficierait pleinement de l'appréciation de son bien immobilier, on voit difficilement comment la hausse du marché immobilier pourrait bien profiter à l'ensemble de la collectivité ?
 

Loin de contribuer à la prospérité de nos pays, les flambées immobilières de ces dernières années pourraient bien au contraire avoir fondamentalement contribué à l'incontestable appauvrissement de notre Occident. Car le but ultime de toute politique publique devrait bien être l'accessibilité des ressources au plus grand nombre, et non les retours sur investissement.


(*) Michel Santi est économiste, auteur de « L'Europe, chronique d'un fiasco politique et économique », « Capitalism without conscience ». Son dernier ouvrage est  «Splendeurs et misères du libéralisme»  (l’Harmattan), 

 

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:53

 

 

reporterre.net

 

L’Allemagne bloque la lutte contre le changement climatique pour protéger son industrie automobile

Marie-Paule Nougaret (Reporterre)

jeudi 31 octobre 2013

 

 

 

La chancelière allemande, Angela Merkel, freine l’application de directives européennes limitant le taux de CO2 autorisé pour les voitures ou l’emploi d’un gaz à fort effet de serre. Son parti a reçu un don de 690 000 € de la famille Quandt, actionnaire majoritaire de BMW. L’Allemagne privilégie son industrie à l’écologie - et le gouvernement français se couche, alors que Peugeot et Renault sont bien placées pour respecter les nouvelles normes.


"Des affaires comme ça, il y en a des milliers. Ça arrive tous les jours que des Etats n’appliquent pas le droit communautaire", soupire au téléphone Carlo Corrazza, porte parole du Commissaire Andreo Tajani, chargé de l’entreprise et de l’industrie dans l’Union Européenne. La presse s’y intéresse rarement, mais Reporterre si.

L’offensive a commencé dès le 23 mars. Ce jour là le Daily mail annonçait que les Mercedes dernier cri risquaient l’interdiction sur les routes anglaises, parce qu’elles ne respectaient pas la directive 2006/40/EC dite MAC, pour Mobile Air Conditioning. En cause, le gaz utilisé dans les climatiseurs, qui exerce un effet de serre mille deux cents fois plus important que le CO2 (gaz carbonique). Or la directive n’admet pour les voitures récentes que des gaz ayant un effet de serre beaucoup plus faible, inférieur à 150 fois celui du CO2.

En conséquence, la France arrêtait en juin dernier l’immatriculation des deniers modèles Mercedes. Mais fin août, le Conseil d’Etat l’autorisait à nouveau, en attendant de statuer sur le fond comme Reporterre l’a raconté.

Mercedes arguait que le nouveau gaz - dont le nom barbare est R1234yF - employé sur la 305 Peugeot, par exemple, avec un effet de serre quatre fois seulement celui du CO2, s’enflammerait au contact du moteur en cas d’accident. Le fabricant du gaz, Honeywell, soutenu par les constructeurs américains, répliquait que c’était une question de conception de circuit. Des expériences de collision ont eu lieu des deux côtés pour établir la réalité des faits, et Mme Merkel aurait demandé à l’organisme d’Etat qui homologue les voitures en Allemagne, de les reprendre. Les résultats n’ont pas été publiés. Mais une chose reste certaine : le gaz aux vieilles normes (R 134) est très nuisible au climat.

Berlin a écrit à la Direction générale de l’entreprise et de l’industrie, qui a rédigé la directive, pour s’expliquer. La lettre date du 14 août. Bruxelles disposait de dix semaines, mais assure aujourd’hui à Reporterre qu’il s’agissait "seulement d’un délai indicatif". Début novembre, donc, les juristes de la Commission auront évalué la réponse allemande. Si celle ci contient "assez d’éléments pour éclairer la situation, il n’y aura pas de suivi". Dans le cas contraire, la Commission doit "poursuivre le dialogue avec l’Allemagne, avec l’objectif de corriger la situation". Ensuite seulement, le Collège des Commissaires de l’Union pourrait engager une procédure d’infraction. On attendait la première décision plus tôt, pour le 28 octobre, mais deux événements ont perturbé le cours des opérations.

Le 14 octobre, le Conseil des ministres de l’environnement s’est réuni pour voter l’accord avec la Commission et le Parlement Européen, obtenu en juin, par l’Irlande, alors présidente de l’Union, sur la limitation à 95 g de Co2 par km des gaz d’échappement en 2020. L’Allemagne a demandé son report à 2024. Sa position et le soutien de la Pologne et du Royaume Uni ont créé la minorité de blocage, qui l’a emporté. Au reste, la France n’a défendu l’accord que très mollement.

On peut s’en étonner, alors que les Renault, Peugeot et Citroën pouvaient appliquer ces normes avec aisance, davantage que les lourds engins allemands, et que Paris avait là une occasion de soutenir avec un bon argument son industrie automobile. Mais Paris a mis la pédale douce. Interrogés par Reporterre à ce propos, ni le ministèrere de l’Ecologie ni celui du Redressement productif n’ont répondu.

D’autres pays, parmi les vingt-huit, ont posé devant le Conseil, en termes poignants, la véritable question en jeu : l’impact sur le climat, dont l’Allemagne aussi devrait souffrir, moins toutefois que la Grèce et le Portugal, soumis aux feux de forêt, ou les Pays Bas, dont les deux tiers sont conquis sur la mer. En réalité, l’affaire était jouée d’avance, Mme Merkel ayant fait campagne sur la défense de l’automobile allemande pour sa réélection.

La surprise est venue de l’annonce, le lendemain, d’un don de 690 000 € à son parti, consenti par la famille Quandt, principal actionnaire de BMW, autre fabricant que cet accord dérangeait quelque peu. "Aucun rapport !" s’est récrié la chancelière, mais peu d’observateurs la croient. On l’appelle désormais "autochancelière" outre Rhin.

"Aucun rapport" insiste aussi Corrazza, le porte parole de la DG Entreprise et l’industrie. L’affaire Mercedes risque tout de même de déboucher sur une procédure à la Cour de justice de l’Europe. Si la Cour constate l’infraction, si l’Allemagne ne s’amende pas et persiste à ignorer la directive, un autre jugement pourrait fixer une amende, ce qui prendra encore des mois. Tout se passera tranquillement, tel est le message aux industriels. Le porte parole se montre confiant : "c’est comme l’Eglise catholique, explique-t- il dans un sourire : il y a toujours moyen de s’améliorer". Mais pas besoin de se presser…


Le commissaire européen… roule en Mercedes

On dira que c’est la faute au hasard. Mais le Commissaire européen à l’Entreprise et à l’Industrie, Antonio Tajani, roule en Mercedes Classe A - le modèle même qui utilise le gaz à fort effet de serre.

C’est ce que révèle sa déclaration d’intérêts, que l’on peut télécharger ici :

PDF - 37.7 ko

Source : Marie-Paule Nougaret pour Reporterre

Photo :
. BMW : Les Echos
. Mercedes : Sulekha.com

Lire aussi : L’Allemagne bloque la lutte contre la pollution automobile

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:21

 

 

mediapart.fr

Le roman noir de l'écotaxe

|  Par Martine Orange

 

 

Un contrat léonin souscrit au détriment des intérêts de l’État, des soupçons de favoritisme et de corruption, la menace d'un montant faramineux de 800 millions d'euros à verser en cas d'annulation, une taxe qui ne répond pas aux objectifs de fiscalité écologique... La mise en place de l’écotaxe en France tourne au scandale d’État.

 

Qui a signé le contrat de l’écotaxe ? Au lendemain de l’annonce de la suspension de la taxe sur les transports de poids lourds annoncés par Jean-Marc Ayrault, la pression politique monte au fur et à mesure que le gouvernement révèle les termes du contrat de partenariat public-privé dans lequel il se retrouve piégé. L’État devrait verser 800 millions d’euros de dédit à la société privée Ecomouv, chargée de la mise en place de cette taxe, si jamais il revenait sur sa décision de l’implanter dans les conditions arrêtées par le contrat.

 

 
© reuters

800 millions d’euros ! La somme a sidéré l’ensemble des Français. « Il n’y a pas un scandale de l’ écotaxe, il y a un scandale Ecomouv », a dénoncé Joël Giraud, député radical de gauche lors de la séance des questions d’actualité. Le sénateur PS François Rebsamen demande une commission d’enquête parlementaire pour mettre au clair les conditions d'attribution de ce partenariat public-privé. Il avoue avoir des « doutes sur la création de cette société censée collecter l’écotaxe ».

Jusqu’alors déterminée à utiliser sur tous les tons politiques le thème du ras-le-bol fiscal, prête à dauber sur le énième recul du gouvernement, la droite se tient silencieuse. C’est elle qui a imaginé, porté, choisi les modalités de la mise en œuvre de l’écotaxe, accepté les termes de la société Ecomouv. Même si le contrat a été officiellement signé le 20 octobre 2011 par le directeur des infrastructures, Daniel Bursaux, la signature a été précédée d’un accord écrit de Nathalie Kosciusko-Morizet, alors ministre de l’environnement, Valérie Pécresse, ministre du budget, François Baroin, ministre de l’économie et des finances.

Mais, brusquement, les uns et les autres se dégagent de toute responsabilité. Tout semble s’être passé ailleurs, sans eux. « Nathalie Kosciusko-Morizet a bien signé. Mais elle ne s’en est pas occupée. Tout était déjà bouclé », assure sa porte-parole, éludant la question de savoir si elle aurait pu remettre en cause le projet. « Moi, je n’ai rien signé. Le seul texte que j’ai approuvé est le décret pour l’application de l’écotaxe, le 6 mai 2012 (le jour même du second tour de l’élection présidentielle - ndlr) », semble presque se féliciter Thierry Mariani, alors ministre des transports et normalement chargé de la gestion du dossier. Lui aussi dit qu’il n’avait aucun pouvoir de modifier les choses, « tout avait été arrêté avant ».

Tous les regards se tournent vers Jean-Louis Borloo, qui a occupé auparavant le poste de ministre de l’environnement. C’est lui qui a lancé l’écotaxe, seul résultat tangible du Grenelle de l’environnement. Très bavard au lendemain de la révolte bretonne, critiquant la mauvaise gestion gouvernementale, l’ancien ministre de l’environnement se tait désormais. Il n’a pas retourné nos appels. Quant à Dominique Bussereau, ministre des transports qui a supervisé lui aussi le lancement du projet, il a disparu des écrans radars.

Le jeu de défausse des responsables de droite traduit leur inquiétude. Les uns et les autres flairent le danger. Tout est en place pour un scandale d’État. Car il n’y a pas que les 800 millions d’euros de dédit qui sont hors norme. Des choix du contrat aux conditions d’implantation en passant par la sélection de la société, tout a été fait dans des conditions extravagantes, au détriment de l’État. Sous couvert d’écologie, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et l’administration ont accepté des mesures exorbitantes du droit commun, allant jusqu’à revenir sur le principe républicain que seul l’État perçoit l’impôt. Chronique d’un naufrage.

Dans l’opacité du PPP

Cela n’a jamais fait l’objet d’un débat. D’emblée, il était évident pour Jean-Louis Borloo que la mise en place de l’écotaxe se ferait dans le cadre d’un partenariat public-privé. « Il y a un consensus dans la haute fonction publique sur ces contrats. Elle ne jure que par eux, avec toujours les mêmes arguments. D’abord, le privé est toujours mieux et sait toujours mieux faire. Et maintenant, l’État est ruiné. Il ne peut plus s’endetter pour mener les projets par lui-même. Désormais, tout passe par les PPP. Cela a coûté dix fois plus cher, comme l’a démontré la Cour des comptes, engagé la Nation et les finances publiques pour des décennies, et on continue. Depuis dix ans, on est ainsi en train de découper tranquillement tous les biens publics pour permettre à des privés de se constituer des rentes à vie », explique un ancien trésorier payeur général.

Dans le cadre de l’écotaxe, un autre argument est ajouté : celui de la technicité. Il faut implanter des portiques de détection, diffuser des équipements embarqués à bord des camions pour permettre de les identifier, gérer les données, percevoir la taxe. Tout cela demande des équipements, des hommes, des logiciels, des traitements de données. Qui mieux que le privé peut gérer une telle complexité ? s’interroge le ministre de l’écologie, qui pas un instant n’imagine faire appel à des prestataires de services au nom de l’État. Toute la charge doit être déléguée au privé.

Il y a bien un problème, malgré tout. C’est la perception de l’impôt. Depuis la Révolution, l’impôt ne peut être perçu que par l’État. Mais si le privé n’est pas assuré de mettre la main sur les recettes, jamais il n’acceptera de participer au projet. Qu’à cela ne tienne, on habillera le procédé d’un nouveau terme en novlangue : on parlera « d’externalisation de la collecte de l’impôt ». Une grande première qui sera confirmée dans les articles 269 à 283 quater du Code des douanes. Jamais l’État n’a confié au privé la perception des impôts. « C’est le grand retour des fermiers généraux », dénonce Élie Lambert, responsable de Solidaires douanes, qui redoute le précédent.

Très tôt, le syndicat s’est élevé contre les conditions obscures et léonines de ce partenariat public-privé en décortiquant avec précision tous les enjeux de ce contrat, mais sans rencontrer jusqu’à maintenant beaucoup d’audience (lire ici son analyse). « Non seulement, ce contrat tord tous les principes républicains. Mais il le fait dans des conditions désastreuses pour l’État. En exigeant 240 millions d’euros par an pour une recette estimée à 1,2 milliard d’euros, le privé a un taux de recouvrement de plus de 20 %, alors que le coût de la collecte par les services de l’État, estimé par l’OCDE, est d’à peine 1 %, un des meilleurs du monde », poursuit-il.

Soupçons de corruption

Dès le 31 mars 2009, Jean-Louis Borloo lance donc un appel d’offres pour la mise en place d’un télépéage sur l’écotaxe, dans le cadre d’un partenariat public-privé. Mais il le fait dans le cadre d’une procédure spéciale, uniquement possible pour les PPP : le dialogue compétitif. Cette procédure, dénoncée par des parlementaires dès la première loi sur les PPP en 2004, permet tous les détournements de la loi. L’État et les parties privées ne sont plus tenus par rien, ni par le code des marchés publics, ni par la loi Sapin. Les offres peuvent évoluer au gré des discussions. Une solution proposée par un candidat peut être reprise par l’autre. Officiellement, cela permet à l’État de garder la main sur toute la procédure et prendre les meilleures idées partout. Dans les faits, cela peut donner lieu à tous les tours de passe-passe.

Vinci, premier groupe de BTP et premier concessionnaire autoroutier en France, qui était très attendu, choisit de ne pas répondre à l’appel d’offres « jugé trop compliqué » selon un de ses dirigeants. Trois candidatures demeurent : celle du groupe italien autoroutier, Autostrade, au départ tout seul ; celle de Sanef, deuxième groupe autoroutier français contrôlé par l’espagnol Abertis, accompagné par Atos et Siemens ; enfin un troisième consortium est emmené par Orange. Les enjeux sont si importants qu’ils vont donner lieu à une bataille féroce.

 Soupçons de corruption

Pierre Chassigneux 
Pierre Chassigneux© Dr

Le 13 janvier 2011, Pierre Chassigneux, préfet, ancien responsable des renseignements généraux, ancien directeur de cabinet de François Mitterrand, devenu président de Sanef, écrit à Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet du premier ministre François Fillon. Il est inquiet. Par de multiples bruits de couloirs, si fréquents dans l’administration, la même information lui revient : la proposition de Sanef qui, jusqu’alors semblait en tête, est en train d’être distancée par celle d’Autostrade. Celui-ci fait maintenant figure de favori.

Dans sa lettre, Pierre Chassigneux met en garde le directeur de cabinet sur la candidature d’Autostrade, qui n’a aucune référence en matière de télépéage à la différence de Sanef. Il le prévient aussi qu’au vu d’un certain nombre de distorsion dans l’appel d’offres, son consortium n’hésitera pas à porter le dossier devant le tribunal administratif. Son courrier est explicite : « Ajouté au risque politique évident que présente déjà l’instauration d’une taxe poids lourds, celui d’un cafouillage de mise en place dû à l’incapacité de l’opérateur choisi, additionné d’un contentieux (…)  dont le résultat ne fait aucun doute, me paraît présenter une forte accumulation de facteurs négatifs. » Il ajoute : « Le groupe est tout à fait prêt à s’incliner devant une offre concurrente jugée meilleure, à condition que les règles de fair-play et de saine concurrence soient respectées, ce qui n’est hélas ici manifestement pas le cas. »

Car le consortium emmené par Sanef a noté tous les changements intervenus depuis le dépôt des candidatures à l’appel d’offres. Le groupe italien qui était tout seul au départ s’est « francisé » en s’adjoignant le concours de la SNCF, Thalès, SFR et Steria comme partenaires très minoritaires (Autostrade détient 70 % du consortium). De plus, l’État a introduit des critères très imprécis pour évaluer les offres, comme celui de la crédibilité. Il a  aussi changé les critères du coût global de l’offre. Enfin, le consultant extérieur, Rapp Trans, chargé d’aider l’État à évaluer les candidatures, est aussi conseiller d’Autostrade dans de nombreux projets. Cela fait beaucoup de transgressions par rapport aux règles usuelles.

Mais il y a un autre fait qui alarme Pierre Chassigneux. Des rumeurs de corruption circulent autour de ce contrat. Sanef se serait vu conseiller d’appeler un grand cabinet d’avocats, rencontré dans de nombreuses autres affaires, s’il voulait l’emporter. L’ancien directeur des RG décide alors, comme cela a déjà été raconté par Charlie Hebdo et Le Point, de faire un signalement auprès du service central de prévention de la corruption.

Tous ces faits ne semblent pas retenir les pouvoirs publics. Le 14 janvier 2011, le classement des appels d’offres, signé par Nathalie Kosciusko-Morizet, est publié : Autostrade, comme l’a annoncé la rumeur, est en tête. Sans attendre les deux mois de réflexion accordés par les textes, la ministre de l’écologie choisit de retenir tout de suite l’offre du candidat italien.

Furieux, le consortium emmené par Sanef  dépose une requête en référé devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise pour contester l’appel d’offres. Il reprend tous les griefs qu’il a déjà relevés pour souligner la distorsion de concurrence. Une semaine après, le tribunal administratif lui donne raison sur de nombreux points, notamment le changement de la candidature d’Autostrade avec l’arrivée de la SNCF, le caractère discrétionnaire des critères, le conflit d’intérêts avec le conseil de l’État, Rapp Trans, et casse l’appel d’offres.

 

Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon  
Jean-Paul Faugère, directeur de cabinet de François Fillon © dr

Dans ses attendus, le tribunal administratif souligne notamment un point intéressant, celui du prix : « L’État ne paierait pas le prix stipulé dans l’offre du candidat mais un prix qui se formerait dans des conditions qu’il ne maîtrise pas et qu’un candidat peut, le cas échéant, manipuler ; que le critère du coût global a été privé de signification par le pouvoir adjudicateur en introduisant la modification tendant à ne plus rendre comme objectif obligatoire le pourcentage d’abonnés ; qu’ainsi des soumissionnaires tels qu’Alvia (nom du consortium dirigé par Sanef) ont été défavorisés », écrivent les juges.

Sans attendre, Thierry Mariani, ministre des transports, fait appel de la décision du tribunal administratif auprès du conseil d’État, au nom du gouvernement. Le 24 juin 2011, le conseil d’État casse le jugement du tribunal administratif, déclare l’appel d’offres valable et confirme la candidature retenue d’Autostrade. Ce jour-là, selon des témoins, Jean-Paul Faugère, ancien magistrat au conseil d’État, serait venu exceptionnellement assister à la délibération.

Affaire d'Etat

Mais tout ce remue-ménage a laissé des traces. Au ministère des transports et de l’équipement comme dans les milieux du bâtiment, on n’a guère apprécié les initiatives de Pierre Chassigneux. D’autant qu’après avoir saisi la direction de la prévention de la corruption, il a aussi signalé le dossier à la brigade de la délinquance économique. Dans le monde discret du BTP, ce sont des choses qui ne se font pas. Et on le lui fait savoir. « On a fait pression sur moi pour que j’arrête. Certains sont venus me voir en me disant de tout stopper, sinon (dixit) "des gens risquaient d’aller en prison" », raconte Pierre Chassigneux aujourd’hui. Un de ses amis préfets, proche du pouvoir, lui confirmera en juillet 2011 : « C’est une affaire d’État. »

Les représailles ne tarderont pas à son encontre. Dès le printemps, le milieu du BTP décide de le rayer de la présidence de l’association des autoroutes de France qui lui était destinée. Plus tard, profitant de ce que Pierre Chassigneux est atteint par la limite d’âge, l’actionnaire principal de Sanef, l’espagnol Abertis, qui a aussi des liens étroits avec l’italien Autostrade – ils voulaient fusionner en 2007, mais la direction de la concurrence européenne s’y est opposée –, optera pour un candidat nettement moins turbulent pour le remplacer : il nommera Alain Minc.

Lorsqu’il était président de la commission des finances à l’Assemblée nationale, Jérôme Cahuzac s’était intéressé aux conditions d’obtention du contrat de partenariat public-privé et avait auditionné Pierre Chassigneux. Il y fera référence lors d’un débat à l’Assemblée sur l’écotaxe le 17 juillet 2012  : « La régularité des procédures qui ont suivi l’adoption de la loi a été contestée devant les juridictions administratives. En première instance, l’appel d’offres qui avait attribué le marché à une entreprise italienne aux dépens d’une entreprise française, la société des autoroutes du Nord et de l’Est de la France, a été annulé. Le Conseil d’État a rétabli en appel la décision. Il ne m’appartient pas de juger les raisons pour lesquelles la Haute assemblée a désavoué la première instance, mais ceux qui s’intéressent à ce sujet seraient sans doute intrigués par certaines des modalités qui ont présidé à cette conclusion », déclare-t-il alors. 

Le ministère du budget, cependant, ne semble jamais s’être vraiment penché sur le sujet. Lorsque Pierre Chassigneux s’est enquis des suites données au dossier, un conseiller lui a répondu que c’était désormais dans les mains de la justice.

Une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Paris. En juin 2011, le dossier a été transmis au parquet de Nanterre, territorialement compétent. À l’époque, ce parquet est dirigé par le juge Philippe Courroye.  Depuis, il n’y a plus aucune nouvelle sur le sujet.

Un contrat en or

Au fur et à mesure des discussions avec l’État, le contrat de partenariat public-privé a beaucoup évolué par rapport à ce qui était envisagé au moment de l’appel d’offres. De dix ans au départ, celui-ci est passé à treize ans et trois mois. Comment ? Pourquoi ? Rien n’a été dit à ce sujet. Est-ce que cela seul ne remet pas en cause le contrat ?

 

Thierry Mariani 
Thierry Mariani© dr

Mais ce changement est tout sauf anodin : au lieu de 2,4 milliards, ce sont 3,2 milliards d’euros qui sont promis à la société Ecomouv, société formée par le consortium dirigé par Autostrade. Jamais l’État n’a signé un PPP aussi ruineux. À titre d’exemple, le contrat de PPP pour la cité judiciaire de Paris, fortement contesté lui aussi, prévoit une rétribution de 3 milliards d’euros pour Bouygues qui a gagné l’adjudication. Mais c’est sur une période de trente ans.

« Vous ne pouvez pas comparer la construction d’un bâtiment à un marché d’équipements où il faut des investissements, des remises à niveau, du personnel », objecte Thierry Mariani. Parlons-en justement des équipements, des investissements. Sous prétexte qu’il s’agit d’un contrat privé, peu de détails sont donnés. La société Ecomouv a pour mission d’assurer la surveillance de quelque 15 000 kilomètres de routes nationales. Elle affirme avoir investi 600 millions pour l’installation des portiques de télépéage, les boîtiers de géolocalisation, les logiciels. Un terrain a été acheté à Metz auprès du ministère de la défense pour installer des centres d’appels.

Mais la société va aussi bénéficier de l’aide des douaniers, comme le confirme Élie Lambert de Solidaires douanes : « Nous sommes dans une complète confusion des genres. D’un côté, cette société va percevoir l’impôt, aura le droit de mettre des amendes, ce qui est aussi du jamais vu dans l’histoire de la République. Mais de l’autre, les services de Douanes vont être requis pour poursuivre et arrêter les contrevenants. C’est-à-dire que la tâche la plus coûteuse et la plus difficile est mise à la charge du public, pour des intérêts privés. » 

Côté recettes, l’État s’est engagé à verser 20 millions par mois à la société à partir du 1er janvier 2014, quelle que soit la date de départ de l’écotaxe. « Il faut bien commencer à rembourser les investissements et les frais financiers », a expliqué Michel Cornil, vice-président du groupement au Figaro. Ecomouv n’a pas retourné nos appels.

On comprend que la société soit impatiente de réaliser très vite des rentrées d’argent. Car tout son montage financier repose sur une lévitation : une pincée de capital et une montagne de dettes. Créée le 21 octobre 2011, juste après la signature définitive du contrat, la société dominée par Autostrade – ils ont sept représentants sur dix – a constitué un capital de 30 millions d’euros. Pour un projet évalué autour de 800 millions d’euros, c’est peu. Il est étonnant que cet aspect n’ait pas attiré l’attention de l’État. Comment confier un tel projet à une société si peu solide même si elle a des actionnaires puissants derrière elle ? Que se passe-t-il si tout dérape ? Qui intervient ? On craint de connaître la réponse.

Dès la première année, compte tenu des pertes liées aux investissements de départ, elle n’avait plus que 9 millions de capital. Depuis, à notre connaissance, aucune augmentation de capital n’a été réalisée. En face, il n’y a que des dettes. Au 31 décembre 2012, la société avait déjà un endettement de 300 millions d’euros. Selon ses déclarations, celui-ci s’élève à 485 millions d’euros aujourd’hui.

L’effet de levier est donc gigantesque. Le financement est apporté par un consortium de banques emmené par le Crédit agricole, les banques italiennes Unicredit et Mediobanca, la Deutsche Bank, le Crédit lyonnais et la Caisse des dépôts. Le taux moyen est de 7,01 %. L’État, lui, emprunte à 2,7 %.

Goldman Sachs en percepteur ?

Le montage est conçu de telle sorte que la société qui va dégager une rentabilité hors norme – sur la base des versements prévus, les investissements seront remboursés en moins de trois ans – ne fera jamais de bénéfices. Enfin, officiellement. Ce qui lui permettra de ne jamais payer d’impôts. Un comble pour celui qui se veut percepteur au nom de l’État.

Un alinéa prévoit que Autostrade est libre de revendre toutes ses actions après deux ans de fonctionnement, après en avoir informé l’État qui n’a rien à dire sur le changement de contrôle, selon les statuts de la société. Là encore, pourquoi l’État a-t-il consenti une telle libéralité ? Compte tenu du dispositif, il n’est pas impossible que dans les prochaines années, Ecomouv repasse, avec fortes plus-values à la clé pour ses anciens propriétaires, dans d’autres mains attirées par cette rente perpétuelle. Un Goldman Sachs par exemple, qui prendrait ainsi un contrôle direct sur les impôts des Français. 

Curieusement, à entendre la société Ecomouv, elle n’a que des droits vis-à-vis de l’État. Il lui doit 800 millions de dédit si le contrat est cassé, 20 millions d’euros au 1er janvier 2014, même si l’écotaxe est retardée. Mais il n’est jamais évoqué ses propres engagements. Dans tout contrat, il est normalement prévu des dates de mise en exécution, des pénalités de retard ou si les recettes ne sont pas à la hauteur espérée, faute d’une mise en place satisfaisante. Dans celui d’Ecomouv, il n’en est jamais question.

Les retards pourtant sont nombreux. L’écotaxe devait être mise en place en avril 2013 en Alsace et en juillet 2013 dans toute la France. Cela n’a pas été possible. Ecomouv n’était pas prêt. Le système technique était toujours défaillant. Comment se fait-il que l’État n’invoque pas des pénalités de retard, des amendes pour manque à gagner des recettes, voire n’ait pas envisagé la mise en œuvre d'une clause de déchéance ? Faut-il croire que le contrat a été rédigé de telle sorte que l’État soit dépourvu de toute arme ? Dans ce cas, qui a accepté de telles clauses ?

Fin octobre, le système de télépéage n’a toujours pas reçu l’attestation de validation par l’administration. Cette attestation est espérée en novembre. De même, il était prévu afin que le système de perception fonctionne bien que 800 000 abonnements de télépéage soient souscrits au moment du lancement. Fin octobre, les abonnements ne dépassaient les 100 000. « La suspension de l’écotaxe décidée par Jean-Marc Ayrault est une vraie bénédiction pour Ecomouv. Car il n’est pas prêt pour entrer en service au 1er janvier. Cela lui permet de cacher ses défaillances », dit un connaisseur du dossier.

Une taxe qui n’a plus d’écologique que le nom

Il existe tant de problèmes autour de ce contrat de PPP que cela semble impossible qu’il demeure en l’état. Mais le pire est que l’écotaxe, telle qu’elle a été conçue, ne répond en rien aux objectifs d’une véritable fiscalité écologique souhaitée officiellement par l’État.

Lorsque Jean-Louis Borloo présente son projet d’écotaxe à l’Assemblée, le 17 juin 2009, le texte est adopté à une quasi-unanimité. À droite comme à gauche, chacun se félicite de cette avancée écologique. Chacun alors semble avoir compris qu’une nouvelle fiscalité écologique est en train de se mettre en place sur la base du pollueur-payeur, et que les recettes vont servir au développement des transports durables. Erreur !  Car le ministère des finances veille. L’écotaxe pour lui, ce sont des recettes nouvelles pour remplacer les 2 milliards d’euros évaporés à la suite de la perte des autoroutes, bradées au privé. Un moyen aussi de récupérer en partie la TVA sociale que le gouvernement n’a pas réussi à mettre en place.

« Quand l’Allemagne a instauré une taxe sur les transports routiers, les élus alsaciens ont vu tous les camions passer chez eux. Ils ont alors demandé l’instauration d’une taxe pour freiner les nuisances et compenser les dégâts. L’idée a soulevé l’enthousiasme. Taxer les poids lourds était une idée de financement qui circulait depuis 2000. Alors qu’il y avait des autoroutes payantes, les routes nationales restaient gratuites. Pour les camions, c’était un moyen d’échapper aux taxes. Dans l’esprit de Bercy, cette taxe devait être récupérée par les camionneurs et payée par les consommateurs. Ensuite, on habillait tout cela de vert », raconte un ancien membre de cabinet ministériel à Bercy. C’est bien cela qui s’est passé : on habillait de vert sur les routes gratuites jusqu’alors.

Lorsque le Conseil d’État approuve le 27 juillet 2011 le schéma futur de taxation du réseau routier soumis à l’écotaxe, il y a une première surprise : les autoroutes, principaux points de transit de tous les transports internationaux, n’y figurent pas. Motif avancé par les intéressés : les camions paieraient déjà la taxe au travers des péages. Dans les faits, ils ne paient rien du tout. Les sociétés privatisées d’autoroutes reversent juste une redevance d’utilisation du domaine public. Alors que la Cour des comptes dénonce l’opacité des tarifs et l’enrichissement sans cause des sociétés d’autoroutes, la redevance n’a jamais été réévaluée depuis leur privatisation : elle est de 200 millions d’euros par an pour 7,6 milliards de recettes en 2011. Le gouvernement vient de l’augmenter de 50 % pour la porter à 300 millions d’euros.

« Ne pas inclure les autoroutes, c’est donner une super-prime au privé. Tout est fait pour créer un effet d’aubaine et ramener du trafic sur les autoroutes privées, au détriment de l’État et des principes écologiques », dénonce Élie Lambert.

Mais il n’y a pas que cela qui choque dans le schéma retenu. La Bretagne, qui n’a aucune autoroute payante, se voit imposer une taxation sur l’essentiel de son réseau routier. Comme le relevait un excellent billet de blog sur le sujet, l’Aveyron, grand lieu de passage de camions s’il en est, se voit taxé en plusieurs endroits. En revanche, a pointé le député Joël Giraud, toutes les routes nationales empruntées par les camions entre la France et l’Italie, et qui sont un cauchemar pour certains villages, n’ont aucun portique de taxation. « Nous sommes dans un scandale absolu. Cette taxe qui devait servir à limiter les transports internationaux, réduire les nuisances, a été conçue et détournée de telle sorte qu’elle va en fait être payée par les seuls transporteurs locaux, tandis qu'une partie des transports internationaux en seront exemptés. Une fois de plus, le monde politique et le monde administratif tuent le pays réel », accuse Jean-Jacques Goasdoue, conseiller logistique.

La fureur des clients et des transporteurs est d’autant plus grande qu’ils se sentent totalement piégés. Dans cette période de crise, alors que la pression des clients et en particulier de la grande distribution est très forte, ils ne peuvent pas répercuter la taxe qui varie entre 3,7 % et 4,4 % en moyenne, quelle que soit la valeur de la marchandise transportée, et qui va venir s’ajouter au prix de transport. Autant dire que pour nombre d’agriculteurs et de transporteurs, c’est leur marge qui risque de disparaître dans cette taxe.

Le pire est qu’ils n’ont aucun choix. Depuis l’annonce de l’écotaxe en 2009, rien n’a été fait pour développer des transports alternatifs, mettre en place des solutions de ferroutage, de transport multi-modal. La faillite de la SNCF en ce domaine est pointée du doigt. « Nous sommes en matière de transport ferroviaire dans une situation pire qu’en 2007. Alors que le fret en Allemagne ne cesse de se développer, chez nous il régresse à vue d’œil », accuse Jean-Jacques Goasdoue. « En 2008, il y avait eu un accord entre Sarkorzy et Pepy (président de la SNCF). Le gouvernement aidait la Sncf à conforter son pôle marchandise, en regroupant le fret et les transports routiers sous l’enseigne Geodis. Geodis a été confié à Pierre Blayau. Ce président qui a déjà ruiné Moulinex dans le passé est en train de ruiner Geodis. Sous sa présidence, le fret n’a cessé de régresser. Il a supprimé le transport wagon par wagon, fermé certaines gares de triage. Il a été incapable de mettre en place une offre sur les grandes lignes, d’aider au développement du transport multi-modal », poursuit-il. 

Aucun changement ne se dessine. Les 750 millions d’euros de recettes que l’État est censé percevoir par le biais de l’écotaxe doivent normalement servir à l’amélioration des infrastructures de transport. C’est l’agence de financement des infrastructures de transports qui a la responsabilité de gérer cet argent. Une agence parfaitement inutile, a dénoncé la Cour des comptes, mais qui a tenu lieu de sinécure pour certains : Gérard Longuet puis Dominique Perben, ancien ministre des transports, en ont eu la présidence depuis sa création en 2005. C’est le maire de Caen, Philippe Duron, qui la dirige depuis novembre 2012.

Cette agence n’a aucun pouvoir de décision. Elle ne fait que verser l’argent à des projets qui ont été sélectionnés ailleurs. Dans son rapport sur le sujet, le député UMP Hervé Mariton ne cachait pas quelle serait la principale utilisation de cet argent : tout devait être fait pour conforter l’offre routière et autoroutière française. Pas étonnant que la fédération des travaux publics ait été la première à s’émouvoir de la suspension de l’écotaxe. Elle devrait être la première bénéficiaire de cette manne. Cette fédération est dominée par les grands du BTP, qui (hasard...) sont aussi, à l’exception notable de Bouygues, les grands bénéficiaires de la privatisation des autoroutes.

Pour l’avenir, Bercy a déjà un schéma tout arrêté sur le futur de l’écotaxe. « Dans l’esprit des finances, il est évident que les recettes de l’écotaxe sont appelées à augmenter. En fonction de son acceptabilité, il est possible de jouer sur différents leviers : son taux, son périmètre – on peut très bien imaginer inclure certaines départementales dans la taxe – et son assiette. Pour l’instant, la taxe est payée par les camions au-dessus de 3,5 tonnes, mais il est possible d’abaisser ce seuil, d’aller jusqu’aux fourgonnettes », dit cet ancien haut fonctionnaire des finances. Un vrai projet écologique !

 

 

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 22:13

 

mediapart.fr

Travailleur au noir en France pour une banque suisse

|  Par Agathe Duparc

 

 

 

La banque privée genevoise Syz & Co a été mise en examen le 2 octobre dernier pour travail dissimulé et vente illégale de produits financiers. L'ancien employé français qui a tout déclenché témoigne : durant cinq ans, il a dans la plus totale illégalité vendu en France des fonds de placements à une clientèle institutionnelle.

Après les ennuis d’UBS, de Reyl & Cie et d’HSBC, c’est au tour de la banque privée genevoise Syz & Co d’être rattrapée par la justice française. Mais, cette fois-ci, il n’est pas question de démarchage illicite de clients sur le territoire français, ni de blanchiment de fraude fiscale, mais de travail dissimulé et de fourniture de services financiers en France sans autorisation.

Le 2 octobre dernier, la banque a été mise en examen par le juge Renaud Van Ruymbeke sur ces deux chefs d’inculpation, comme le révélait récemment La Tribune de Genève. L’instruction est close et le procureur de la République doit prononcer ses réquisitoires, pour un possible renvoi devant le tribunal correctionnel. La banque risque une amende ou l’interdiction d’exercer certaines activités en France.

 

Renaud Van Ruymbeke, Paris, octobre 2012 
Renaud Van Ruymbeke, Paris, octobre 2012© Reuters

L’affaire aurait pu passer relativement inaperçue, si Jérôme G., un ancien vendeur de fonds de placement chez Syz & Co, l’homme qui a tout déclenché en déposant une plainte en septembre 2009 et en se constituant partie civile, ne s’était juré de mener jusqu’au bout le combat contre une banque qui, selon lui, « se croit au-dessus de toutes les lois et lui a fait tout perdre ». Et de briser l’omerta qui règne dans le secteur bancaire.

Mediapart a pu rencontrer ce Français quadragénaire qui, pour des raisons professionnelles et personnelles, témoigne sous couvert d’anonymat.

Son récit, très détaillé et documenté, permet de lever le voile sur les pratiques d’un établissement suisse qui, pendant cinq ans, a fait fonctionner un bureau dissimulé à Paris pour commercialiser des fonds de placement sans agrément, ne payant ainsi ni charges sociales ni impôts en France.

L’affaire tombe à point nommé, au moment où les banques suisses, estimant qu’elles ont fait de nombreuses concessions en matière de secret bancaire, réclament avec insistance l’accès aux marchés européens : la possibilité par exemple de diffuser des produits financiers sans demander une autorisation dans chaque pays. Sur ce point, la banque Syz avait apparemment pris les devants.

En mai 2004, Jérôme G., diplômé de l’université de Lyon, est engagé par Syz & Co comme « vendeur sur la France » au sein du département « Oyster » (fonds communs de placement). Son contrat de travail ne mentionne aucun lieu de travail. Sa mission est de placer auprès d’une clientèle institutionnelle (banques, caisses de retraite ou compagnies d’assurances) des produits financiers, en l’occurrence des Sicav luxembourgeoises « Oyster Funds ». Titulaire d’un permis G (permis frontalier) et disposant d’une adresse à Bellegarde à 40 km de la frontière suisse, le commercial a en principe l’obligation d’exercer son activité à partir de Genève.

La réalité est bien différente. Pendant cinq ans, Jérôme G. a vendu des produits financiers depuis son appartement parisien, puis dans un petit bureau qu’il louait lui-même, passant plus de 90 % de son temps en France et se rendant trois à quatre fois par mois à Genève. Au vu et au su de sa hiérarchie, contrairement à ce que prétend aujourd’hui la Banque, qui s’est fendue, le 3 octobre, d’un communiqué de presse pour annoncer sa mise en examen et indiquer que son ancien collaborateur, « contrevenant à ce que prévoyait son contrat de travail, a, de sa propre initiative et pour des raisons d’ordre personnel, passé plus de temps en France que demandé ».

Cette version fait bondir Jérôme G. Elle n’a, à ce stade, pas non plus convaincu la justice française.

« Avant mon embauche, on m’a demandé si j’avais un appartement à Paris et si je pouvais y travailler et y habiter. La banque recherchait clairement quelqu’un qui avait mon profil », raconte-t-il. « À Genève, au siège de la banque, la place de travail qui m’était réservée était située en face de celle de mon supérieur direct, dans un espace ouvert de 14 personnes. Croyez-vous vraiment qu’un employé puisse pendant cinq ans ne pas venir au travail sans que personne fasse une réflexion ? » ajoute l’ancien vendeur. 

Il fait également valoir le fait qu’on lui remboursait ses frais de téléphone en France et qu’il recevait tous les documents marketing à son adresse parisienne.

Pour être dans la légalité, la banque aurait dû soit vendre ses produits à partir de la Suisse, soit ouvrir une succursale déclarée en France. Ni l'un ni l'autre n'a été fait. Jérôme G. dénonce ainsi la mise en place d’un « système » qui a permis pendant cinq ans à Syz & Co, qui ne déclarait donc aucune activité commerciale, ni chiffre d’affaires en France, d’échapper au paiement des charges sociales et des impôts sur les sociétés. Et d’écouler des produits financiers, sans avoir reçu l’autorisation du comité des établissements de crédit et des entreprises d’investissement.  

« Mon chiffre d’affaires annuel était en moyenne de 50 millions d’euros. Cela représente d’importants montants », explique le Français. Il précise qu’un autre Français, lui aussi frontalier, était dans le même cas, logé fictivement chez un cadre de Syz à Annemasse alors qu'il travaillait la plupart du temps à Paris, mais « ce collègue a préféré partir avec des indemnités après que j’ai déposé plainte, et sans faire de remous, car il continue à travailler dans ce secteur ».

Travail dissimulé en France

Jérôme G., lui, a vu sa vie chamboulée. En mai 2009, alors que depuis quelques mois il envisage de quitter la banque car ses conditions de travail se détériorent, il fait appel à un avocat suisse pour négocier un départ à l’amiable avec des indemnités.

Ce conseil de la grande étude genevoise Lalive lui apprend qu’il est dans la plus totale illégalité. « Il m’a alors très rapidement dit : “Attention, vous êtes complètement en travail dissimulé en France !” Je ne suis pas à l’origine de cette découverte comme le prétend aujourd’hui la banque, qui veut me faire passer pour un maître chanteur », explique-t-il.

Des soupçons, l’ancien commercial en a eu dès le début : « Tous les ans, j’envoyais un mail à ma DRH (Direction des relations humaines) en leur demandant si ma situation était bien légale. Chaque année la banque me répondait, comme par hasard par oral, que tout était en ordre. » Et puisque la mention « vendeur sur la France » figure dans son contrat, Jérôme G. est convaincu que son employeur a effectué toutes les démarches légales auprès des autorités boursières et administratives en France.

Fin 2008, le Français demande à transférer sa résidence principale de Bellegarde à Paris, et pose la question de la licéité de ce changement. À juste titre, on lui explique que depuis 2004, il est possible d’avoir un permis frontalier avec une adresse parisienne et non plus seulement en zone frontalière. Mais la banque se garde bien de soulever la question du temps de travail passé en France…

Quelques mois plus tard, devant les questions un peu trop pressantes de son employé, Syz & Co finit par se raviser. Fin avril 2009, elle exige que son « vendeur sur la France » passe désormais dix jours par mois à Genève, au lieu des trois à quatre jours jusqu’alors demandés.

Parallèlement à cela, le commercial songe de plus en plus à quitter son poste. C'est alors qu'il apprend par son avocat genevois qu'il travaille dans la plus totale illégalité. Des discussions s’engagent avec la banque pour sortir de cette situation. 

Mais, le 17 juillet 2009, le Français est licencié avec effet immédiat, entre autres choses pour « attitude insolente à l’égard de la hiérarchie » et « harcèlement à l’égard d’un collègue de travail », alors que, fait-il remarquer, il travaillait « seul à Paris depuis des années ».

Les avocats des deux parties s’expliquent pas voie de courrier. Mediapart a pu consulter certaines de ces lettres. Dans l’une d’elles, Syz & Co se dit victime d’une « tentative d’extorsion », ce qui aurait été la cause du licenciement de l’ancien vendeur, alors que ce motif ne figure nullement dans sa lettre de licenciement.

L’avocat genevois de Jérôme G. rétorque que, « dans le contexte de négociations à caractère prud’homal, qu’un employeur avisé a exercé une activité soumise à déclaration et autorisation sans respecter plusieurs lois et règlements en vigueur dans le pays concerné ne relève pas de la menace, mais d’une constatation purement factuelle ». 

En septembre 2009, les ponts sont rompus. L'ancien employé dépose une plainte auprès du procureur de la République du tribunal de grande instance de Paris et intente une action devant les prud’hommes en France pour licenciement abusif, réclamant des dommages et intérêts de deux millions d’euros. « C’est une somme importante, mais qui couvre les dommages que j’ai subis », estime-t-il.

Il explique comment Syz & Co, outre des bonus impayés, refuse de lui verser l’argent des cinq ans de retraite cotisés via la prévoyance professionnelle, en Suisse. Au chômage de 2009 à 2011, il travaille aujourd’hui à son compte : « Ils veulent m’assécher financièrement pour que je ne puisse plus payer les avocats et témoigner », estime-t-il.

Entre 2010 et 2011, Jérôme G. a été entendu à plusieurs reprises par les policiers de la Brigade financière de Paris, les Douanes et la direction du fisc. Épinglée, Syz a déjà fait l’objet d’un redressement fiscal pour un montant qui n’a jamais été communiqué.

Puis dans le cadre d'une instruction pénale ouverte en 2012, il a été auditionné en mars et juin 2013 par le juge Van Ruymbeke, qui a également interrogé la responsable du service juridique de la banque.

Depuis sa mise en examen, Syz & Co – qui s'est finalement décidée à ouvrir un bureau à Paris en 2011 – tente de minimiser l’affaire. Contacté par Mediapart, son porte-parole refuse de s’exprimer, renvoyant au seul communiqué de presse du 3 octobre, qui explique que « la procédure en cours se limite aux agissements d’une seule personne (sic) et n’a aucun impact sur la commercialisation des fonds de la banque en France, ni d’ailleurs sur ses autres activités ».

La banque n'a pas ménagé sa peine pour que Jérôme G. ne retrouve pas d’emploi salarié en France. Deux semaines après son licenciement, une société française de distribution de fonds l’engage. « Le responsable du département “Oyster” s’est alors déplacé à deux reprises à Paris pour expliquer à mon nouveau patron que j’étais un escroc. J’ai été viré », raconte le Français. La banque parvient ainsi à faire capoter plusieurs embauches. La réputation de l’ancien commercial est peu à peu ruinée, au point de pousser un jour un célèbre chasseur de têtes parisien à le convoquer en lui expliquant qu’il voulait juste « voir en personne celui qui s’est complètement grillé à Genève et dont tout le monde parle ».

 

 

 

 

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31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 21:36

 

rue89.com

Inversion des rôles 31/10/2013 à 15h41
Taxe Tobin : l’Allemagne double la France par la gauche
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

 


Des manifestants favorables à une taxe Tobin déguisés en François Hollande et Angela Merkel à Berlin, le 7 mai 2012 (ZINKEN/DAPD/SIPA)

 

Coucou, la revoilà, s’extirpant de l’ornière où elle s’était embourbée. La taxe sur les transactions financières européennes, surnommée tantôt « taxe Tobin » (en hommage à l’économiste James Tobin qui rêvait de « jeter du sable dans les rouages » de la spéculation), tantôt « taxe Robin des Bois » (en hommage à l’économiste du début du XIIe siècle qui a le premier théorisé et mis en pratique la redistribution du capital aux fins de justice sociale), ressurgit là où on ne l’attend pas : en Allemagne.

Le prochain gouvernement de la chancelière Angela Merkel, qui doit naître des actuelles négociations qu’elle mène avec les socio-démocrates allemands, s’apprête à relancer le projet, qui a du plomb dans l’aile depuis quelques mois.

Trois grands partis pour la taxe Tobin

Comme on le sait, la CDU/CSU d’Angela Merkel n’a pas la majorité absolue au Parlement et doit discuter avec le SPD. Or, celui-ci a exigé, entre autres, que l’Allemagne se montre plus audacieuse dans la mise en place de la « Tobin tax ».

Depuis quelques mois, Merkel faisait plutôt partie de ceux qui, dans l’eurozone, freinaient sur ce dossier. Les banques ont mené contre ce projet un « furieux lobbying », pour reprendre les mots de l’agence Reuters, et des experts européens ont mis en garde contre les risques du projet. Mais la négociation pour une grande coalition en Allemagne lui redonne des chances.

« Nous sommes tombés d’accord pour aller de l’avant sur la taxe sur les transactions financières », a déclaré mercredi Martin Schulz, négociateur du SPD (et président du Parlement européen).

Herbert Reul, le négociateur de la CDU pour l’Europe, a commenté :

« Ce qui est nouveau, c’est que trois grands partis d’une grande coalition vont mettre cela au programme et le pousser. »

Inversion des rôles

Par une bizarrerie de l’histoire, en France, l’heure est plutôt au coup de froid sur la taxe Tobin.

Il y a un an, onze des dix-sept pays de la zone euro avaient accepté le principe de cette taxe poussée depuis longtemps par la France. Mais le ministre des Finances Pierre Moscovici est devenu beaucoup plus réservé. La promesse de François Hollande – « Cette taxe, nous ne pouvons plus en parler uniquement, il faut la faire » (juin 2012) – semble bien lointaine. En juillet, Moscovici a même parlé, à propos de cette ponction de 0,1% sur les échanges d’actions et d’obligations, et de 0,01% sur les produits dérivés, de mesure « excessive ».

Dans une interview au Financial Times, dimanche encore, le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, a fustigé la « Robin Hood tax » : telle qu’elle est conçue, elle ferait courir un risque énorme aux pays qui l’adopteraient et elle menacerait la stabilité financière. A l’écouter, le projet de la Commission est un « non starter » (ce qu’on peut traduire par « ni fait, ni à faire ») et doit être entièrement révisé :

« Je ne pense pas qu’il ait jamais été dans l’intention du gouvernement français de faire quelque chose qui entraînerait la destruction de pans entiers de l’industrie de la finance française, une externalisation massive des emplois et, du même coup, endommagerait l’économie dans son ensemble. »

Selon lui, la taxe Tobin telle qu’elle est conçue par la Commission entraînerait une hausse du coût des emprunts publics et privés, amoindrirait la liquidité sur les marchés et affecterait l’efficacité de la politique monétaire de la BCE.

Pas d’avancées sur les autres dossiers

L’Allemagne pourrait prendre, au sein de l’eurozone, la place de la France dans le rôle du héraut de la taxe sur les transactions financières.

Mais si Merkel a accepté la taxe Tobin, elle est restée fermée aux autres demandes du SPD :

  • sur le dossier de l’union bancaire européen : les socio-démocrates et les chrétiens-démocrates n’ont pu se mettre d’accord sur la nécessité de renforcer le contrôle européen sur les grandes banques, en cas de difficulté d’un établissement. Ils se sont donnés jusqu’à mi-novembre pour trouver un compromis. Le gouvernement Merkel traîne des pieds sur ce dossier pourtant capital. Mardi 15 octobre, à Luxembourg, les ministres n’ont pas avancé d’un orteil ;
  • sur la mutualisation des dettes publiques européennes, qui permettrait selon le SPD de casser la spéculation contre tel ou tel pays, la CDU/CSU est restée inflexible.

SPD et CDU/CSU se sont donnés jusqu’à Noël pour former leur grande coalition.

 

 

 

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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 19:30

 

marianne.net

 

Ecotaxe : l’enfant de la privatisation des autoroutes
Mercredi 30 Octobre 2013 à 17:55

 

Journaliste économique à Marianne En savoir plus sur cet auteur

 

Suspendue par Jean-Marc Ayrault face à la colère montante des agriculteurs bretons, la genèse de l'écotaxe est directement liée aux autoroutiers. Dans les deux cas, un même objectif: facturer l'usage d'une route et parfois aussi les mêmes opérateurs.

 

Illustration, autoroutes Vinci - MEIGNEUX/SIPA
Illustration, autoroutes Vinci - MEIGNEUX/SIPA
Chercher la femme, dit le proverbe. En France, pour les nouvelles taxes, mieux vaut chercher du côté des opérateurs de l’Etat, ces agences et autres hautes autorités qui ont pullulé ces dernières années. L’ecotaxe, votée dans le cadre du Grenelle de l’environnement de 2008, répond parfaitement à ce principe.

Le gros du produit prévu, (1,2 milliard d’euros prélevés sur les transporteurs routiers moins les 240 millions que conservera Ecomouv, la société collectrice) doit alimenter l’AFIFT. Derrière ce sigle se dévoile l’Agence de financement des infrastructures de transport de France. Routes, autoroutes urbaines gratuites, mais aussi lignes à grande vitesse... la liste des courses de l’agence fait d’elle un monstre budgétivore.

Face à ces milliards d’euros de dépenses, l’Etat avait mis des recettes: l’énorme flux de dividendes que lui procurait la détention des autoroutes. Sauf qu’en 2005, Dominique de Villepin, décide d’encaisser la manne en une seule fois en privatisant le solde des participations de l’Etat dans ASF, APRR ou la Sanef. Une solderie qui permettra d’encaisser 15 milliards d’euros dont seulement 4,7 seront affectés à AFIFT. Ainsi privée de sa rente annuelle, quelques 40 milliards cumulés sur la trentaine d’années de concessions restantes, l’agence se trouve dans l’incapacité de tenir son programme d’investissements. Qu’à cela ne tienne, l’écotaxe y pourvoira.

Mais la présence des autoroutes dans l’histoire de l’écotaxe ne se limite pas à sa genèse. Car facturer l’usage d’une route, qu’est ce donc sinon un péage, et ça, les autoroutiers savent faire. On les retrouve d’ailleurs un peu partout dans la chaine de l’écotaxe. Ainsi d’Autostrade, le concessionnaire des autoroutes italiennes aujourd’hui montré du doigt pour ses importants coûts de fonctionnement (un Partenrait public privé sur 10 ans). C’est lui à travers Ecomouv, sa filiale française, qui est en effet en charge de la collecte de cette taxe. Moins visibles que Autostrade, les principaux acteurs des autoroutes françaises sont aussi dans ce bateau.

La raison en est simple, un camion ça emprunte non seulement les routes nationales et départementales sur lesquelles s’appliquent la taxe, mais aussi les autoroutes. Outre Total, il n’est donc pas étonnant de trouver parmi les premières et principales sociétés habilitées de télépéages (ces SHT qui fournissent le boitier embarqué sur les camions pour calculer et facturer la taxe), les sociétés Axxes et Eurotoll. Axxes ? Cette société par actions simplifiée, n’est autre qu’une filiale d’Autoroutes du sud de la France (35,5 % du capital), d’Autoroutes Paris Rhin Rhone (28,10 %), et du Crédit Mutuel (25 %), et se présente comme le leader des SHT. Quant à Eurotoll, c’est le bébé de la SANEF et la SAPN, le troisième autoroutiers Français. Evidemment ces boitiers sont interopérables avec le télépéage sur les autoroutes françaises et certaines de leurs homologues européennes.

Pour les autoroutiers cette taxe constitue donc un double bénéfice. Primo, et c’est une règle simple d’économie : la facturation de l’usage des routes auparavant gratuit reportera une part significative du trafic sur les sections à péages des autoroutiers. Quitte à payer 13 cts le kilomètre sur une route nationale pourrie, autant payer 50% voire le double sur des routes droites rapides et moins encombrées. Secundo, la généralisation de boitier préfigure celle du télépéage. En substituant des portiques aux casemates de péages où il faut payer en trois huit des agents, les compagnies autoroutières dégagent d’importantes économies et de là augmentent leur marges déjà très confortables.

 

Autrement dit, si vous avez quelques économies et que vous croyez que l’Etat ne mettra pas fin à cette folie, il n’y a pas à hésiter : acheter des actions Vinci.
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30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 16:21

 

bastamag.net

 

 

Fiscalité écologique

Les dessous de l’écotaxe : quand Benetton et Goldman Sachs collectent l’impôt français

par Agnès Rousseaux 30 octobre 2013

 

 

     

    En reportant l’entrée en vigueur de l’écotaxe pour les poids lourds, le gouvernement Ayrault vient une nouvelle fois de capituler face à des intérêts privés. Mais derrière cette taxe écologique se cache une autre question, qui n’a jamais été soumise au débat public : c’est la première fois que la collecte de l’impôt est confiée à des entreprises privées. Un consortium emmené par Benetton, Goldman Sachs, Thalès et SFR empochera 20% des recettes de la taxe pour assurer son recouvrement. Du jamais vu ! Enquête.

    Après six ans de reports et d’atermoiements, l’écotaxe poids lourds est devenue un sujet explosif. Et le gouvernement n’en finit plus de s’empêtrer dans des reculades qui le décrédibilisent. Les critiques se focalisent sur le coût de la taxe pour les transporteurs et les agriculteurs. Pourtant, l’essentiel est ailleurs : pour la première fois, la collecte d’un impôt est confiée à des entreprises privées. L’État a fait le choix de déléguer le recouvrement de l’écotaxe à un prestataire, par le biais d’un contrat de partenariat public-privé. Le produit de la perception de la taxe, estimée à 1 200 millions d’euros par an, sera reversé à l’administration des douanes. Une première en matière de fiscalité ! Un système choisi sous Sarkozy et mis en œuvre par un gouvernement socialiste et écologiste... L’écotaxe « s’appuie sur un mode de recouvrement entièrement nouveau et automatisé. A bien des égards, c’est une taxe du XXIe siècle ! », s’enthousiasme la sénatrice UMP Marie-Hélène Des Esgaulx, dans un rapport remis la Commission des finances en février dernier.

    « Un retour à la Ferme Générale de l’Ancien Régime ! », dénonçait la CGT, lorsque le gouvernement Fillon a validé cette option, peu après le Grenelle de l’environnement. Cette externalisation entraine un surcoût pour le contribuable. « L’écotaxe est incontestablement coûteuse », admet Marie-Hélène Des Esgaulx. Sur un total de 1,2 milliard d’euros collectés, environ 280 millions d’euros sont consacrés à la rémunération du prestataire privé qui assure le recouvrement. Soit 23 % [1] ! C’est la taxe la plus coûteuse jamais mise en place ! « A titre de comparaison, ce pourcentage ne dépasse pas 1,2 % pour l’impôt sur le revenu », poursuit le rapport. « Le recouvrement d’un impôt coûte souvent moins de 1% du montant de celui-ci, confirme Philippe Bock, secrétaire général du syndicat Solidaires Douanes. « Pour les services des douanes, la masse salariale coûte un milliard d’euros, pour des rentrées fiscales de 67 milliards d’euros. Le coût de recouvrement de l’écotaxe est complètement prohibitif ! » Cette taxe poids lourds, « c’est service public minimum et profits maximum », résume le syndicat.

    Benetton, Goldman Sachs, Thales et SFR, collecteurs d’impôt

    « Le coût global du contrat de partenariat, bien qu’élevé, ne semble pas surestimé », conclut Marie-Hélène Des Esgaulx devant la commission des Finances. Il est de toute façon bien tard pour s’en apercevoir. Le contrat de partenariat a été signé en octobre 2011, pour une durée de 13 ans et 3 mois. L’État se trouve lié jusqu’en 2025, sans qu’aucune étude n’ait été menée sur l’opportunité de confier cette mission au secteur privé. « Les Douanes n’étaient pas capables de faire un tel montage technique », tranche le député UMP Hervé Mariton. Au terme du contrat, l’ensemble du dispositif doit être remis à l’État.

    Qui va toucher ces 280 millions par an (desquels sont déduits 50 millions de TVA) pour mettre en œuvre le dispositif ? Un consortium d’entreprises baptisé Ecomouv’, mené par le groupe italien Autostrade. Celui-ci est une filiale d’Atlantia, la société qui gère la plupart des autoroutes italiennes. Elle est détenue (à 48 %) par le fonds d’investissement Sintonia, propriété de la famille Benetton [2]. La banque états-unienne Goldman Sachs est entrée au capital de ce fonds en 2008. Autostrade, qui détient 70 % d’Ecomouv’, s’est allié avec les groupes français Thales, SNCF, SFR et Steria, une entreprise qui vend des services informatiques aux entreprises. Visiblement, personne ne s’est demandé comment la SNCF appréhendera d’éventuels conflits d’intérêt, alors que les 3 300 camions de sa filiale Geodis, spécialisée dans le transport de marchandises, seront concernés par l’écotaxe. Rappelons également que l’objectif initial de l’écotaxe est de développer des transports plus écologiques, notamment le fret ferroviaire, sur lequel la SNCF a quelques intérêts financiers.

    Les rentrées fiscales passeront-elles par les paradis fiscaux ?

    Ecomouv’ prévoit des recettes de près de 2,8 milliards d’euros pour les 11,5 années d’exploitation du dispositif. Les véhicules de plus de 3,5 tonnes – environ 600 000 immatriculés en France et 200 000 étrangers – devront s’enregistrer auprès d’Ecomouv’, notamment via des sociétés de télépéages habilitées : Axxes, DKV, Eurotoll, Ressa, Telepass et Total. Les poids lourds devront se doter d’un boîtier, type GPS, qui permettra de retracer leur parcours sur les 15 000 km de tronçons routiers concernés par la taxe. Des portiques installés sur ces routes serviront uniquement à contrôler que les camions sont bien dotés de boîtiers. Les sociétés de télépéage collecteront une partie des taxes, versées sous forme d’abonnement [3]. En contrepartie, elles seront rémunérées par Ecomouv’ à hauteur de 60 millions d’euros par an. Les transporteurs pourront, s’ils le souhaitent, s’acquitter de la taxe directement auprès d’Ecomouv’.

    « Nous osons tout de même espérer que le cahier des charges a formellement interdit à Ecomouv’ de disposer comme il l’entend des sommes avancées par les redevables, sous peine de voir celles-ci reversées aux actionnaires, ou bien servir à quelque spéculation ou encore transférées dans quelque paradis fiscal », s’interroge Solidaires. Que le collecteur d’impôts joue en bourse les sommes collectées serait en effet une nouveauté ! Le syndicat s’inquiète également des usages possibles des données recueillies sur les transporteurs et leurs pratiques.

    « Pour le prestataire privé, c’est gagnant-gagnant, résume Philippe Bock, de Solidaires Douanes. Mais pour l’État, c’est un fiasco sur le plan fiscal et sur le plan environnemental. L’objectif écologique a été complètement perdu en route. L’écotaxe devait promouvoir les circuits courts, en taxant les transports, et comme les autoroutes sont exonérées, cela incite les camions à se reporter vers les grands axes routiers ! » Un travers pointé dans le rapport de la sénatrice Marie-Hélène Des Esgaulx : avec l’écotaxe, le ministère des Transports s’attend à une augmentation de 15 à 20 % du trafic poids lourds sur les autoroutes. Une recette supplémentaire estimée à 400 millions d’euros par an pour les sociétés gérant les autoroutes, principalement Vinci et la Sanef !

    Ecotaxe : quels profits pour le privé, quelles recettes pour l’État ?

    C’est ce type de partenariat public-privé qu’a choisi l’Allemagne pour son écotaxe poids lourds. Celle-ci permet de collecter près de 4,4 milliards d’euros par an, autoroutes comprises. Toll Collect, le consortium qui gère le dispositif, regroupe Deutsche Telekom, le constructeur automobile Daimler et Cofiroute, filiale du groupe français Vinci. Il est rémunéré à hauteur de 600 millions d’euros par an. L’affaire semble juteuse, puisque Toll Collect annonce un bénéfice net de 80 millions d’euros en 2012 [4]. Un peu moins évident pour l’État allemand, qui, depuis 2004, lui réclame 3,3 milliards d’euros de dommages-intérêts pour manque à gagner, du fait de nombreux retards subis par le projet, et 1,7 milliard de pénalité pour non-respect du contrat. Un contentieux qui dure depuis huit ans. A ce tarif, autant gérer soi-même la collecte.

    En Slovaquie, c’est également un consortium privé, SkyToll, qui a signé un contrat d’exploitation pour 13 ans. Ce consortium, détenu à 10% par le concessionnaire d’autoroutes français Sanef, dirigé par Alain Minc, a gagné l’appel d’offres en 2007. Il avait pourtant fait l’offre la plus élevée… Douze recours [5] et deux enquêtes de la commission européenne plus tard, le dispositif mis en place est loin d’avoir fait ses preuves. La taxe a rapporté 141 millions d’euros en 2010. Sur lesquels Sky Toll ponctionne 110 millions d’euros ! Résultat : l’État slovaque a touché à peine le quart de la somme collectée [6]. « Les coûts de fonctionnement par rapport au rendement de la taxe seront nettement inférieurs en France à ce qu’ils sont en Slovaquie », explique le député UMP Hervé Mariton, auteur d’un rapport à l’Assemblée nationale sur le sujet en 2011. Voilà qui est rassurant. Difficile d’avoir beaucoup de recul : seuls six pays européens ont mis en place un système de taxe similaire [7].

    Contentieux et présomption de corruption

    Le service des douanes sera chargé de gérer les contentieux et les recouvrements forcés, mais aussi d’assurer le contrôle du dispositif. « Quel accès aurons-nous au système informatique ?, interroge Philippe Bock. Il sera impossible pour nous d’avoir une vue globale du système. » Les risques de défaillance sont grands. La France se prépare-t-elle à des désillusions ? Car la bataille entre sociétés privées pour le marché de l’écotaxe est rude. L’appel d’offre a déjà été marqué par plusieurs contentieux. En janvier 2011, la Sanef – qui a perdu l’appel d’offre – dépose un recours devant le tribunal administratif de Pontoise afin d’empêcher la signature du contrat. Motif : l’État a été conseillé durant la procédure par la société RAPP, qui a travaillé pour la société Autostrade sur la mise en place d’une taxe poids lourds en Autriche. L’indépendance de ce conseil est donc contestée. La procédure a été annulée par le juge administratif, mais validée par le Conseil d’État.

    La Sanef a également saisi le service central de la prévention de la corruption du ministère de la Justice pour « faits relevant du délit de favoritisme, de trafic d’influence et d’incitation à la corruption ». Selon ses dirigeants, la société « a été approchée » et « on lui aurait fait comprendre que le résultat de l’appel d’offre serait fonction de ce qu’elle pourrait accepter de "faire" ou de qui elle pourrait "gratifier" ». L’affaire a été transmise au Parquet de Paris, puis de Nanterre. Qu’importe. Le contrat entre l’État et Ecomouv’ est signé en octobre 2011, sous le gouvernement Fillon. Commence alors un « délai contractuel » de 21 mois au terme duquel le dispositif devra être prêt et la collecte lancée. Jean-Marc Ayrault profitera-t-il du nouveau report annoncé le 28 octobre pour renégocier les modalités de collecte de l’écotaxe ? Pieds et poings liés au partenariat public-privé, le nouveau gouvernement dispose d’une faible marge de manœuvre.

    Déjà un demi-milliard de perdu

    Le lancement de la taxe, prévue en juillet 2013, est repoussé une première fois en octobre, puis en janvier 2014. Chaque report signifie une perte de recettes pour l’État. Un préjudice évalué à 90 millions d’euros par mois, selon L’Officiel des Transporteurs. Soit un manque à gagner de plus de 500 millions d’euros rien qu’en 2013. Le nouveau report sine die laisse présager une accumulation des pertes. Selon Ecomouv, entre 800 millions et un milliard d’euros d’investissements ont déjà été engagés. Un montant que devra rembourser le gouvernement en cas d’annulation du projet, estime le consortium. Celui-ci n’obtiendra sans doute pas les 800 millions d’euros prévus en cas d’annulation du contrat – puisque celui-ci est seulement suspendu – mais il pourrait demander des indemnités de plusieurs dizaines de millions d’euros.

    Des agents des douanes chargés de superviser les contrôles ont déjà été mutés au centre de Metz, où travailleront 130 agents au sein du service taxe poids lourds. Plusieurs centaines de personnes ont été recrutées par Ecomouv’ pour son centre d’appel et de traitement des factures, également basé à Metz. Autant de personnes qui risquent de se retrouver en chômage technique si la situation ne se débloque pas.

    La Bretagne, quasi exemptée d’écotaxe

    Reste que les opposants à l’écotaxe – Medef et FNSEA de Bretagne en tête – semblent avoir fait plier le gouvernement. Ce qui agace profondément les associations écologistes. Seule une partie du réseau routier est concernée par l’écotaxe [8]. Et la Bretagne en est grandement exemptée en raison de son caractère « péninsulaire », avec un taux de réduction de 50%, rappellent le Réseau action climat et la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT) dans un communiqué. La contribution des transporteurs bretons est évaluée à 42 millions d’euros par an, alors que la région devrait recevoir annuellement 135 millions d’euros pour l’amélioration de ses infrastructures de transport [9], expliquent les associations. De cela, FNSEA et Medef locaux n’en ont cure.

    Derrière les arbitrages sur l’écotaxe et la capitulation permanente du gouvernement, une interrogation plus grave subsiste : l’État français a-t-il encore les moyens et l’autorité nécessaires pour assurer la collecte des impôts, sans céder à des intérêts privés ? En matière de fiscalité devraient primer la cohérence et l’intérêt général, et non la sous-traitance au plus offrant d’une fonction régalienne déjà bien mise à mal.

    Agnès Rousseaux

    (@AgnesRousseaux)

    Photo : CC Liquid Oh

    Notes

    [1« En termes nets, il convient cependant de soustraire 50 millions d’euros qui sont versés au titre de la TVA acquittée sur le loyer de PPP et qui revient donc à l’Etat. Le coût de recouvrement s’établit alors à un peu moins de 20 % ». Source : Rapport à la Commission des finances du Sénat, 5 février 2013.

    [2Voir le détail des actionnaires d’Atlantia ici

    [3Un abattement de 10 % sur le versement de la taxe sera offert pour les transporteurs qui passeront par l’intermédiaire de ces sociétés de télépéage.

    [4Source : Cofiroute, Rapport financier annuel au 31 décembre 2012, p.10.

    [5Le consortium mené par Autostrade (qui pilote l’écotaxe française via Ecomouv’) accuse son concurrent d’un flou sur l’actionnariat – une partie du consortium serait une coquille vide semblant appartenir à des actionnaires chypriotes.

    [6En 2009, le système de vignette rapportait 50,6 millions d’euros, soit 19,4 millions d’euros de plus. Et était moins lourde pour les sociétés de transport. Source : Rapport d’information par la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, présenté par Hervé Mariton, le 4 octobre 2011.

    [7Cela fait notamment suite au vote de la surtaxe kilométrique poids lourds adoptée par les eurodéputés à l’été 2011. Les pays européens qui n’ont pas encore mis en place cette taxe peuvent appliquer la directive "Eurovignette" de 1999, révisée en 2006. Voir le détail dans cet article, Le monde, 30/10/2013.

    [80,5% du réseau routier local est concerné, mais presque la moitié du réseau routier national est éco-taxé (10 000 km sur 21 157 km).

    [9Les recettes de l’écotaxe seront versées en grande partie à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) qui a pour mission d’investir dans les transports.

     

     

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    30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 16:03

     

     

    lesechos.fr

     

    Les rémunérations des patrons européens en forte hausse
    Par Les Echos | 29/10 | 07:01

    Les rémunérations totales ont progressé de 6,9% sur les douze derniers mois, grâce notamment aux plans d’intéressement financiers à long-terme.

     

    La valeur des plans d’intéressement financiers à long-terme des dirigeants d’entreprises a bondi de 8,5 %. - AFP
    La valeur des plans d’intéressement financiers à long-terme des dirigeants d’entreprises a bondi de 8,5 %. - AFP

     

    La hausse des rémunérations des dirigeants d’entreprises en Europe a largement dépassé la progression de l’inflation, grâce au développement des plans d’intéressement à long-terme, selon une étude du cabinet Hay Group publiée mardi. Les rémunérations totales ont ainsi progressé de 6,9% sur les douze derniers mois, indique la société de conseil américaine, qui s’est intéressée à la paie de plus de 1.500 cadres dirigeants travaillant pour des grandes entreprises dans 21 pays européens.

    Leur salaire de base a progressé de seulement 2,5%, soit 0,1 point de moins que l’inflation, mais la valeur des plans d’intéressement financiers à long-terme ont de leur côté bondi de 8,5%, selon cette étude. Plus d’entreprises ont eu recours à ce type de rémunération et pour des montants plus importants. Il s’agit le plus souvent d’actions versées pour partie après une certaine durée et à condition d’avoir rempli certains objectifs financiers.

    Cette tendance cache des disparités importantes entre les pays et les secteurs. Les paies étaient ainsi en moyenne plus élevées en Espagne et en Suisse, alors qu’elles sont plus modérées dans les pays nordiques. « Les comités de rémunération sont soumis à un casse-tête: comment les entreprises peuvent-elles limiter la hausse des paies face aux critiques et en même temps attirer et fidéliser les meilleurs? », souligne Carl Sjöström, de Hay Group.

    « Ils sont en réalité pris entre le marteau et l’enclume. Avec la reprise économique en Europe et une chasse aux talents plus intense, on devrait assister à un plus grand hiatus entre les entreprises et les investisseurs », a-t-il ajouté. Les actionnaires font en effet de plus en plus souvent pression pour que la rémunération des dirigeants reste sous contrôle et liée à la réussite de l’entreprise.

     

    Source AFP

     

     

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    30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 15:37

     

     

    rue89.com

     

    demonte-rumeur 12/03/2013 à 19h33
    La fable bidon de la famille RSA qui gagne plus que la famille salariée

     

    Elsa Ferreira | Journaliste

     

    Mieux vaut être au RSA que travailler, selon un tableau posté sur Facebook et partagé 100 000 fois en deux jours. Sauf que le tableau est truffé d’erreurs.

    L’auteur du tableau, « Reynald Pais », précise qu’il l’a réalisé « à partir d’infos brutes trouvées sur le site du gouvernement ».

     


    Le tableau comparatif

     

    Il compare la situation financière d’une famille de cinq personnes gagnant un très petit salaire à une autre famille de même taille vivant du RSA. Sa conclusion : la seconde famille, celle qui vit du RSA, s’en tire mieux, avec 500 euros par mois de plus.

    Une connerie pour faire rire les copains

    Le tableau a été fait sans réfléchir, il est donc complètement faux, comme on va le voir plus loin. Mais apparemment tout le monde s’en fiche : les idées reçues sur le RSA se sont offertes une belle pub grâce à « une connerie destinée à faire sourire quelques amis Facebook », selon l’auteur de cette campagne de désinformation, premier surpris de son succès.

    L’idée qu’on peut mieux s’en sortir « sans travailler » n’est pas nouvelle. Il y a deux ans déjà, Laurent Wauquiez déclarait sur BFM :

     

     

    « Aujourd’hui, un couple qui ne travaille pas, qui est au RSA, en cumulant les différents système des minima sociaux, peut gagner plus qu’un couple dans lequel une personne gagne un smic. Ce n’est pas logique, c’est la société française qui tourne à l’envers. »

    Laurent Wauquiez sur BFM

    Et ça énerve Martin Hirsch, le père du RSA, auquel nous avons soumis le tableau :

    « Ce sont toujours les mêmes conneries. Ça marche parce que les gens ont envie d’entendre ce genre de choses. Ça arme leur aigreur. »

    Ça ne pas fait rire non plus Jean-Christophe Sarrot, de l’association ATD Quart-Monde. Il estime que l’on « tape sur les pauvres », leur infligeant ainsi une « double peine » :

    « Ça fait souffrir beaucoup de gens. Ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts à partir du 15 du mois et on leur dit qu’ils gagnent plus que les gens qui travaillent. »

    Jean-Christophe Sarrot prévient : il n’est pas facile de calculer le montant du RSA. C’est d’ailleurs un problème pour les familles. Mais il a essayé quand même, et nous aussi. Et sans surprise, les résultats ne sont pas les mêmes que ceux qui ont été partagés sur des dizaines de milliers de pages Facebook.

                                                                                                                                                                                                                                  1 Les revenus

     

    • L’oubli du RSA activité

    Première ligne, première erreur. Et elle est de taille : avec un salaire de 1 200 euros par mois pour un ménage de cinq personnes, la famille est en droit de toucher le RSA activité. Un revenu créé justement « pour que dans tous les cas, on ait un intérêt à travailler », explique Jean-Christophe.

    La famille gagnerait donc 18 132 euros par an au lieu de 14 400.

    • Le RSA prend en compte les allocations familiales et logement

    Les allocations, dans l’esprit de l’auteur, ce seraient donc le RSA + les allocations familiales. A noter aussi que l’allocation au logement entraîne une réduction de 143 euros du RSA.

    La famille touchera donc 1 065 euros par mois de RSA , soit 12 780 par an au lieu de 14 496.

    • La prime de Noël est plus élevée que prévue

    Il faut croire que la famille de « fainéants » a été sage, puisque ce n’est pas 154 euros qu’elle touchera à Noël mais 380 euros...

    • Allocations logement : un peu plus pour les uns, un peu moins pour les autres

    L’allocation logement est relativement difficile à calculer, et d’autant plus lorsqu’il s’agit d’une famille hypothétique dont on ne connaît ni le lieu d’habitation, ni la superficie du logement. Jean-Christophe Sarrot a quand même fait son estimation sur le site de la CAF, avec un logement en province au loyer de 500 euros (comme dans le tableau Facebook).

    Pour la famille au RSA, ce serait donc 450 euros d’allocations logement (au lieu de 500 euros) et pour les salariés, 350 euros (au lieu de 200).

    • Au total, les revenus annuels de la famille salariée seront de 25 812 euros (au lieu de 20 280) et ceux de la famille au RSA de 18 560 euros (au lieu de 20 650).

                                                                                                                                                                                                                                 2 Les dépenses

     

    • Loyer : 500 euros chacun. Pour cette donnée arbitraire, pas d’erreur.
    • La complémentaire universelle pour tous

    Selon l’auteur du tableau, la famille de salariés payerait 50 euros par mois pour leur mutuelle santé. Pour la seconde famille, on leur offre la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), et donc, c’est gratuit.

    Mais là encore, il n’a pas bien fait ses devoirs : la famille de salariés est en droit de demander la CMU-C puisqu’elle se trouve en dessous du plafond de 19 835 euros pour un foyer de 5 personnes (tous les revenus n’étant pas pris en compte).

    C’est donc 0 euro pour les deux familles pour l’assurance complémentaire.

    • Impôts locaux et redevance télé

    La famille qui touche un smic plus le RSA activité peut être exonérée de ces frais, puisqu’elle se situe en dessous du plafond de revenus.

    0 euro encore, pour les deux familles.

    • Cantine des enfants et transports

    Pas de frais de cantine, ni de frais de transport (« pas de boulot ! », précise l’auteur), pour la famille au RSA.

    Là encore, les données sont arbitraires, et pas forcément justes. L’exonération des frais de cantine dépend non pas de l’attribution du RSA mais de la volonté d’une commission académique. Les deux familles sont donc susceptibles ou non de bénéficier d’un tarif. Pour notre exemple, nous avons donc gardé l’hypothèse d’une exonération totale de cantine pour les deux familles.

    Quant au transport, même sans travail, il faut se déplacer : pour chercher du travail, pour accompagner ses enfants à l’école, pour faire ses courses... Nous avons donc rétabli une dépense transport pour la famille RSA.

     

    • Electricité, eau, gaz

    Les tarifs sociaux pour l’énergie sont calés sur l’éligibilité à la CMU-C. Les deux familles en bénéficient de la même façon.

                                                                                                                                                                                                                                 3 Conclusion

     

    La famille vivant du smic et du RSA activité gagne 25 812 euros et ses dépenses contraintes (en considérant qu’elle ne paye pas la cantine) sont de 8940 euros environ par an. Il lui reste donc, après paiement des factures, 16 872 euros par an (1406 euros par mois) pour se nourrir, se vêtir et de divertir.

    Pour celle vivant uniquement du RSA, le revenu annuel est de 18 560 euros pour les mêmes dépenses contraintes. Il lui reste donc 9620 euros (soit 801 euros par mois) pour les autres dépenses.

     


    O/20 !

     

    PS : Martin Hirsch a de son côté refait les calculs, à notre demande. Il arrive au résultat suivant, très proche de celui d’ATD Quart-Monde dans son versant « revenus » :

    Famille salariés :

    • 26 256 de revenus ;
    • 12 910 de dépenses contraintes ;
    • 13 346 de dépenses autres.

    Famille RSA :

    • 18 810 de revenus ;
    • 7300 de dépenses contraintes ;
    • 11310 de dépenses autres.

    Voir le tableau détaillé ci-contre. Son commentaire :

    Voir le document

    (Fichier PDF)

     

    « Le calcul est complètement faux :

    • la famille “ salariés ” a le droit à 300 euros par mois de RSA activité ;
    • le RSA de la famille “ RSA ” a été surévalué (oubli de la déduction du forfait logement) ;
    • l’allocation logement de la famille “ salariés ” est largement sous-évalué (j’ai vérifié en faisant des simulations sur le site de la CAF) ;
    • la comparaison part du principe que la famille “ salariés ” n’a droit à aucun droit connexe ; hors étant donné son bas niveau de ressources, elle ne paye surement pas la cantine à taux plein par exemple. »

    Pour Martin Hirsh, cette affaire montre surtout que peu de personnes savent qu’on peut avoir le RSA activité en plus de son salaire, y compris quand on travaille à plein temps. Si vous dans votre entourage des personnes qui auraient la possibilité de compléter leur revenus en faisant valoir leurs droits, n’hésitez pas à le leur dire...

     

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