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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 16:30

 

Témoignage 04/11/2013 à 15h58
Mon stage d’aide-soignante : « Vous avez une protection, faites dedans »
Babeth l'auxi | Auxiliaire de vie

 

Première semaine du premier stage. Je l’avoue, j’avais un peu peur. Pas des personnes âgées, non, au contraire ça me rassurait de commencer par un EHPAD (Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Non, LE truc qui me faisait flipper, c’était l’équipe. Parce que faut pas rêver hein, chez les aides-soignantes, il y a surtout des filles. Donc des équipes de filles. Et patati et patata, et blablabli et blablabla.

Making of
Babeth (un pseudo) a la trentaine, elle était auxiliaire de vie à domicile et elle vient d’intégrer, après concours, une école d’aide-soignante. Elle raconte ici et sur son blog son premier mois de stage. Rue89

Du coup, pour réussir mon intégration, je me la joue stagiaire candide. Sourires et humilité à fond les ballons. Ecouter, regarder, poser des questions... Noter plein de choses dans mon cahier, celui qui est lu par l’équipe, et noter des petites choses dans mon carnet, celui qui reste dans ma poche. Une petite phrase, un petit geste.

Quelques exemples ?

  • Jour 1. Mme A. : « J’ai envie de faire pipi. » L’aide-soignante : « Vous avez une protection, faites dedans. » (euh... non, rien)
  • Jour 2. Tiens... Bizarre... Certains sont couchés à 15 heures... Oh merde, c’est sérieux là ?
  • Jour 3. Une aide-soignante à un résident : « Ça va pas bien dans votre tête, vous ! »
  • Jour 4. Une aide-soignante, parlant des résidents : « Oh, c’est comme des gosses en fait ! » (ben non, en fait)
  • Jour 5. Une aide-soignante à une personne hémiplégique qui crie de douleur pendant la toilette : « Vous n’avez qu’à la faire toute seule, votre toilette ! » (ha ha, très drôle)

Bon, je vais continuer dans le rôle de la stagiaire candide, je sens que c’est préférable. Et tant qu’à faire, je vais aussi essayer de fayoter un peu, histoire de me faire bien voir. Ben oui, le stage est noté voyons !

Cette phrase, je l’ai reçue comme un uppercut

« Une toilette, c’est quinze minutes, pas plus ! »

Voilà. Cette phrase, prononcée ce matin par une aide-soignante, je l’ai reçue comme un uppercut. Parce que je venais de finir ma première toilette au lit, seule, chez une dame hémiplégique (plus quelques autres broutilles, mais je ne m’étalerai pas sur le sujet, pour son anonymat et le mien), et que j’ai galéré. Parce que je n’étais pas organisée. Parce que je n’étais pas douée. Parce que je n’étais pas pressée.

Parce qu’il y avait le change, et puis la toilette, et puis l’habillage, et puis le coiffage, et puis le brossage de dents... et puis le papotage ! Parce qu’il y avait une rougeur suspecte, et que la crème que j’étais censée appliquer était périmée depuis un an, alors forcément je pouvais pas. Parce que je suis allée chercher l’infirmière, qui est venue, qui a regardé, et qui est revenue avec un pansement.

Parce que forcément, tout ça, ça m’a pris plus que quinze minutes.

Parce que j’aurais pu « oublier » le brossage de dents, « ignorer » la petite rougeur suspecte, « omettre » deux ou trois petites choses (voire plus) et peut-être que oui, j’aurais fini en temps et en heure.

Parce que finalement, malgré mes efforts pour bien faire, je me suis sentie nulle, à côté de la plaque.

Parce que toute la journée, il y a eu plein de choses qui m’ont donné envie de pleurer.

Parce que putain, quand je serai vieille et dépendante, plutôt crever que d’aller dans ce genre d’endroit !

Parce que putain de merde, avoir traversé la guerre, avoir enfanté dans la douleur, avoir travaillé, sué, souffert, et finir là, plus tout à fait vivant mais pas tout à fait mort, non, vraiment, non, non, NON ! ! ! !

« Manque de motivation. Manque de curiosité intellectuelle »

Réunion de crise dans l’office pour parler de la stagiaire (moi). Il y a là l’équipe du matin, celle de l’après-midi et... la cadre. Attention, ça rigole pas. La stagiaire ? Pas conviée. Elle attend dehors, dans le couloir. Elle aurait dû renvoyer sa feuille d’évaluation à l’IFAS (Institut de formation aide-soignant) il y a deux jours mais... l’équipe n’avait pas encore parlé, pas encore coché les petites cases, pas encore mis son appréciation. C’est que ça prend du temps tout ça, il faut savoir choisir ses mots, ceux qui vont faire mal, qui vont laminer la stagiaire, la faire douter, voire pourquoi pas, la faire pleurer.

La stagiaire attend. Dix minutes. Vingt minutes. Une demi-heure. Pour passer le temps, elle va dire au revoir à Madame adorable. Son mari est là, comme toujours, et comme toujours, il se tient à côté d’elle et leurs mains sont entrelacées. En apprenant son départ, il se met à pleurer. C’est malin, elle aussi a envie de pleurer maintenant !

Pendant ce temps, l’équipe écrit : « Manque de motivation. Manque de curiosité intellectuelle. » Ça devrait lui faire passer l’envie de devenir aide-soignante à cette greluche !

Monsieur adorable pleure. La stagiaire pleurniche. C’est pas très sérieux tout ça.

Dans l’office, ça parle encore. Quand même, quel boulet cette stagiaire ! Lente, gauche, effacée... Transparente ?

Dans la chambre de Madame adorable, la stagiaire remarque soudain quelque chose de nouveau : de la musique ! Ce matin, elle avait suggéré à Monsieur adorable de ramener quelques disques à écouter avec sa femme, histoire de changer un peu de la télé qui vomit ses émissions débilisantes à longueur de journée. Sur la commode, elle vient de voir quelque chose : le « Roméo et Juliette » de Gounod ! Elle chantonne : « Je veux vivre dans ce rêve... »

Monsieur adorable sourit, Madame adorable applaudit, la stagiaire rit.

 

 

 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 16:17

 

 

l'humanite.fr

Social-Eco - le 31 Octobre 2013

Fiscalité

Comment Sanofi se soustrait à l’impôt

 

 

Alors que certains crient au ras-le-bol fiscal, les groupes du CAC 40 manient les leviers nationaux et européens d’optimisation fiscale. Des millions d’euros échappent ainsi au fisc en France. Exemple illustré avec le géant pharmaceutique.

Côté lumière, sur les plateaux télé, le Medef et son président, Pierre Gattaz, ne manquent pas une occasion de hurler leur « ras-le-bol fiscal ». En coulisses, les patrons des groupes du CAC  40 rigolent. Pour eux, la fiscalité n’est pas un problème puisque s’ils engrangent de solides bénéfices et en font partager l’essentiel à leurs actionnaires, ils réussissent à en soustraire une part toujours plus grande à l’impôt. Miracle de « l’optimisation fiscale », exercice à multiples facettes dans lequel le groupe pharmaceutique Sanofi est passé maître, comme en témoigne un document confidentiel élaboré par le cabinet d’expertise Syndex et présenté au comité d’entreprise ce mois-ci, que l’Humanité s’est procuré. Ce dossier fait le point sur « les modalités de construction des résultats en France et de la charge d’impôt ». On y apprend comment Sanofi parvient à s’exonérer de l’impôt par millions et en toute légalité. Dans le même temps, le groupe engage un énième plan d’économies avec suppressions de postes à la clé (voir ci-dessous).

 

Cure d’amaigrissement fiscale

En 2012, la charge totale d’impôts (impôt sur les sociétés, taxes sur les salaires, cotisation sur la valeur ajoutée, etc.) du groupe Sanofi s’élevait à 600,6 millions en France. La cure d’amaigrissement fiscal commence dès l’impôt sur les sociétés (IS), qui représente 200,6 millions d’euros. Alors qu’une simple PME est taxée à 39 %, pour le géant pharmaceutique, « le taux d’imposition apparent après crédits d’impôts est de 8 % » !, indique le document. Sur une assiette d’imposition du groupe qui s’élève à 1,974 milliard d’euros en France en 2012, Sanofi profite d’abord d’un taux d’imposition réduit de 15 % qui « constitue une “niche fiscale” spécifique à la France », note le rapport. S’ajoutent à cela des réductions d’impôts en tout genre, la plus importante étant le crédit impôt recherche, pour 129,9 millions d’euros. Et les réductions d’impôts liées au mécénat (10,4 millions) et d’autres crédits d’impôts (famille, apprentissage, etc.) pour 4,3 millions. Total : 144,6 millions de ristourne fiscale, soit presque les trois quarts du montant de l’IS acquitté.

Sanofi fait aussi fondre sa charge fiscale au-delà des frontières. Le groupe pratique ainsi « le prix de transfert » pour ses échanges entre filiales. « Le prix de transfert est le prix qu’une entreprise qui appartient à un groupe fixe à une filiale implantée à l’étranger pour la vente de biens et de services. Il peut être différent du prix du marché », explique Nasser Mansouri-Guilani, responsable des études économiques à la CGT. « L’important avec le prix de transfert, c’est que les mesures fiscales et sociales n’étant pas les mêmes dans les deux pays, le groupe peut choisir le plus profitable pour lui. Par exemple, le taux d’imposition des sociétés est de 34 % en France. S’il est de 10 % ailleurs, le groupe dans son ensemble a intérêt à ce que les bénéfices soient affichés là où le taux est le plus faible », poursuit le spécialiste. Dans le cas de Sanofi, la politique de prix de transfert concerne « la localisation des résultats (…) au travers de la centralisation de la propriété intellectuelle des produits du groupe au sein des entités qui financent la recherche ». En clair, Sanofi vend les licences et les brevets de ses médicaments, fleuron de son industrie, entre ses filiales. Une hypothèse serait qu’elle impute la marge là où elle serait le moins taxée. « Plus l’entreprise est grande et plus elle a une implantation à l’étranger, plus elle joue sur l’optimisation fiscale », poursuit Nasser Mansouri-Guilani. « Ce qu’il faut retenir, c’est que les entreprises s’installent dans plusieurs pays, là où c’est plus profitable en termes d’impôts et d’aides. »

Ce n’est pas tout. Le 21 février 2012, le groupe a créé une nouvelle structure à Bruxelles : Sanofi European Treasury Center (SETC). Une banque interne qui prête à ses filiales pour le financement de leurs investissements. Elle fait aussi figure de plate-forme de paiement des fournisseurs tiers. La Belgique n’est pas un choix anodin car cela permet de « bénéficier du dispositif fiscal dit des intérêts notionnels, qui est une “niche fiscale” en Belgique », écrit Syndex. L’un des principes est que « la charge des intérêts est déductible fiscalement et permet donc une économie d’impôts ». D’après les estimations du cabinet d’expertise, « en localisant le SETC en Belgique, (…) le groupe Sanofi a économisé 22,8 millions d’euros d’impôts par rapport à une localisation en France ». Contactée par l’Humanité, la direction de Sanofi n’a pas donné suite.

2 000 emplois sont menacés  Le plan actuel qui prendra fin en 2015 réduit la recherche 
et développement à Toulouse et Montpellier. Il y aura 349 suppressions de postes, 350 transferts géographiques et environ 350 salariés toulousains devraient rejoindre des plates-formes dont la direction 
dit vouloir s’en séparer dans les cinq ans. Pour les vaccins, 700 postes seront supprimés en majorité à Lyon. Pour les services partagés, 200 postes seront supprimés ou transférés hors de leur région. 
La filiale R & D concentre 40 % des exonérations fiscales du groupe.

Nicolas Séné

 

 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 16:11

CADTM

 

cadtm.org

Inégalités Sud-Nord et inégalités au Nord, deux faces d’un même système

3 novembre

 

 

L’ONG internationale OXFAM a récemment produit un rapport intitulé Le piège de l’austérité, l’Europe s’enlise dans les inégalités.

Or, OXFAM s’était jusqu’à présent focalisée sur un travail de solidarité avec les peuples du Sud. À priori, on n’aurait pas attendu un tel rapport de la part d’Oxfam. Ce rapport laisse penser à une évolution dans la vision globale du mouvement vers une analyse plus systémique. Même si le mot capitalisme n’apparaît pas dans le rapport, les conséquences pour les populations du Nord de la toute puissance du secteur financier sont bien analysées.

Cette initiative d’OXFAM est à saluer car elle pourrait contribuer - à condition que le travail sur le Nord se poursuive - à renforcer les convergences sur les luttes au Nord.

D’entrée de jeu, OXFAM montre la disparité énorme entre les sommes approuvées par l’Union européenne pour venir en aide au secteur financier (4500 milliards d’euros) - sans compter les aides indirectes par le biais d’interventions des États - et les mesures de relance économique destinées à contrecarrer les effets de la crise que les populations des différents pays européens subissent sans en être en rien responsables (200 milliards d’euros).
Un graphique sous forme de camembert tiré du rapport illustre très bien cette disparité.

Plan de relance économique de l’UE vs aides au secteur financier

L’analyse des répercussions de l’austérité imposée par la Troïka dans différents pays démontre son inefficacité économique pour sortir de la crise. Le rapport mentionne une citation de Joseph Stiglitz qui témoigne de l’absurdité macro-économique des mesures d’austérité au regard des expériences passées : "J’aimerais qu’Angela Merkel comprenne que l’austérité affaiblit l’économie. Elle augmente le chômage, diminue les salaires et creuse les inégalités. Il n’existe aucun exemple de grande économie pour laquelle l’austérité a permis la reprise de la croissance."

Cependant, ce qui n’est pas dit c’est que cela correspond bien à l’effet recherché. L’imposition de ces mesures d’austérité - absurdes du point de vue macro-économique car elles bloquent toute perspective de relance - est bien conforme à l’agenda du patronat et des élites européennes qui veulent faire baisser le coût du travail.
Le rapport donne deux exemples en matière salariale. En Grèce, les mesures d’austérité imposées par la Troïka ont entraîné une baisse des salaires réels de plus de 10% tandis qu’au Royaume-Uni, "les salaires réels sont à présent au niveau de 2003 et représentent une décennie perdue pour le travailleur moyen". Dans ce dernier exemple, les mesures d’austérité ont été imposées sans l’intervention de la Troïka |1|, ce qui montre bien la concordance entre les gouvernements nationaux qui appliquent ces plans et la Commission européenne, la BCE ou le FMI .

Baisse des salaires et privatisations : deux éléments clés dans le développement des inégalités

La crise représente donc une opportunité pour le patronat et les élites de renforcer des mesures déjà bien présentes auparavant visant au maintien et au développement des inégalités. Ce que le rapport signale ainsi : "Même avant la crise financière, de nombreux pays affichaient malgré une croissance forte, un taux croissant d’inégalités de revenus. Le Portugal et le Royaume-Uni se classaient déjà parmi les pays les plus inégaux de l’OCDE, ce qui pose de graves questions concernant le caractère équitable de la croissance dans les pays dans lesquels elle sera finalement relancée".

La citation extraite du rapport parle bien de taux croissant d’inégalités de revenus. Et en effet, la tendance est significative, la part des salaires dans le PIB tant états-unien qu’européen a nettement reculé depuis la seconde moitié des années 1970 : de 65% en 1975 à 61% en 2008 aux États-Unis et de 67% en 1975 à 57% en 2008 comme le met en évidence le graphique suivant élaboré par Michel Husson.

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Source : Michel Husson, à partir d’AMECO, Commission européenne, http://tinyurl.com/ameco8 |2|

Selon le principe des vases communicants, cette baisse qui se chiffre en centaines de milliards de dollars et d’euros se traduit par une hausse de plusieurs points de PIB du taux de profit aux États-Unis et en Europe, comme en témoigne le graphique suivant :

PNG - 63.1 ko

Source : Nacho Alvarez y Bibiana Medialdea, à partir d’AMECO, Commission Européenne, http://tinyurl.com/ameco8 |3|

En termes de revenus, les 10% les plus riches ont un revenu 8 fois plus important que les 10% les plus pauvres. Cet écart déjà fort significatif s’accroît bien sûr considérablement si l’on prend en compte les 5% les plus riches ou les 1%, les différences devenant alors abyssales.

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Source : Le piège de l’austérité, l’Europe s’enlise dans les inégalités, page 15

Lorsque l’on ne prend en compte que le patrimoine, les écarts sont bien plus importants encore, tout bonnement ahurissants et scandaleux !
Oxfam signale que : "La richesse combinée des dix personnes les plus riches d’Europe dépasse le coût total des mesures de relance dans l’UE sur la période 2008 - 2010 (217 milliards d’euros contre 200 milliards d’euros)" |4|.
Le corollaire de tout cet accaparement scandaleux de richesse fait que selon Oxfam "en 2011, 121,2 millions de personnes (soit 24,3% de la population de l’UE) étaient exposées à un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale".

Couplée à la baisse des salaires, la déferlante de privatisations partout dans le monde depuis le début des années 1980 a également substantiellement contribué à un transfert massif vers le capital et l’enrichissement spectaculaire des plus fortunés. La revue Forbes se réjouit chaque année de l’augmentation constante du nombre de milliardaires. Ils étaient 497 en 2001 et leur nombre a presque triplé en l’espace de 12 ans pour se monter à 1426 en 2013. Avec une augmentation de 210 milliardaires par rapport à 2012, leur fortune cumulée en 2013 atteint 5400 milliards de dollars, soit presque les PIB cumulés de l’Allemagne et de la France.

L’absence de rôle correctif de l’impôt

Alors que l’impôt pourrait corriger des inégalités aussi scandaleuses, son rôle visant à diminuer les inégalités est de plus en plus battu en brèche par le développement de l’ingénierie de l’optimisation fiscale.
Selon une source européenne citée par Oxfam : "Tous les ans, mille milliards d’euros environ sont perdus en raison de la fraude et de l’évasion fiscale dans l’UE, soit l’équivalent du budget européen pour sept ans |5|".
Face à ce constat, Oxfam préconise la transparence concernant les informations financières des multinationales, de nouvelles règles fiscales internationales pour les entreprises ainsi que le renforcement de la coopération multilatérale sur les impôts.
La Commission européenne ne peut plus feindre d’ignorer le problème. Cependant, on peut douter de sa réelle volonté de résoudre véritablement le problème, sinon par des mesures à la marge.
L’organisation déplore à raison le "peu de nouveau impôts sur la fortune, alors que ceux-ci pourraient être une source de revenus nouveaux et une façon beaucoup plus progressiste de faire face aux déficits". Pour être plus précis, le terme "peu" devrait être remplacé par "aucun". Bien au contraire, jusqu’au début des années 1990, beaucoup de pays européens avaient un impôt sur la fortune qui a été supprimé au cours des années 1990 et 2000 |6|.

Il faudra certainement un accroissement de la conscience et des mobilisations sociales pour y parvenir.

L’interaction entre dette et budget

Le lien entre la dette et le budget dans les différents pays pose le constat que l’austérité a surtout été synonyme d’une réduction marquée des dépenses visant à réduire les déficits budgétaires.
L’organisation originaire du Royaume-Uni donne l’exemple pour ce pays où on peut mettre en balance d’une part 85% de réduction des dépenses et d’autre part 15% d’augmentation des impôts. L’exemple du Royaume-Uni peut être transposé dans de nombreux autres pays. En effet, les médias entretiennent l’idée de dépenses publiques excessives, surtout en ce qui concerne les dépenses sociales, on serait face à une crise des dépenses. Les dépenses liées aux intérêts de la dette ne sont, elles, par contre pas remises en question. Par ailleurs on entend rarement parler de l’autre face de la pièce, à savoir la crise des recettes en raison des cadeaux fiscaux qui, depuis les années 1980, creusent le déficit budgétaire.
Oxfam conclut avec raison que la réduction des déficits ne s’accompagne pas nécessairement d’une réduction de la dette et que les taux de déficit peuvent chuter alors que la dette continue à augmenter.

Une des grandes faiblesses de ce rapport est que, s’il pointe l’augmentation de la dette comme un problème sérieux, il ne parle nullement de dette illégitime. Pourtant il aurait pu facilement arriver à cette conclusion en faisant davantage le lien avec les aides au secteur financier clairement mentionnées, ainsi que le creusement du déficit budgétaire des différents pays bien avant la crise en raison des politiques fiscales régressives appliquées depuis les années 1980.

Comparaisons avec le Sud

Depuis sa création, le CADTM dénonce les conséquences désastreuses des plans d’ajustement structurel imposés aux pays du Sud.

Oxfam reprend le constat de la Commission économique des Nations unies pour l’Amérique latine (la CEPAL) de "décennie perdue de l’Amérique latine" et établit un parallèle avec l’Europe, qui restera sur le chemin de l’enlisement dans les inégalités et de la régression sociale si les mesures d’austérité se poursuivent encore plusieurs années.
"Au milieu des années 1990, la plupart des pays d’Amérique latine ont vu leurs revenus par personne chuter à des niveaux datant de 15 ans et, dans certains pays, ces chiffres sont retombés à des niveaux disparus depuis 25 ans[...]. Les analystes estiment que la moitié de l’augmentation de la pauvreté basée sur les revenus pendant cette période était due à la redistribution en faveur des plus riches. Lorsque le taux de croissance a commencé à se relever et que l’inflation a commencé à diminuer dans les années 1990, aucune amélioration dans la distribution des revenus n’a été constatée".

En clair, les transformations économiques de transfert de richesse vers les plus riches, imposées par les dictatures latino-américaines à l’aide d’une répression sanglante, n’ont pas été remises en cause malgré la chute de ces régimes.

L’expression " décennie perdue " de la CEPAL est largement en deçà de la réalité puisque d’après Oxfam, "il a fallu 25 ans pour retrouver un niveau de pauvreté équivalent à celui d’avant la crise".

À l’autre bout de la planète, les plans d’ajustement structurel imposés par le FMI suite à la crise de l’Asie du Sud-est en 1997 ont eu les mêmes effets. La différence est qu’au lieu de commencer au début des années 1980 comme en Amérique latine, ils ont commencé une quinzaine d’années plus tard. Lorsqu’on regarde rétrospectivement, c’est le même constat de régression sociale qui peut être posé : " en Indonésie, le nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour est passé de 100 millions en 1996 à 135 millions en 1999, le PIB a décliné de 15% en un an. Il a fallu plus de 10 ans pour retrouver un niveau de pauvreté équivalent à celui d’avant la crise".

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’austérité en Europe n’est pas juste un mauvais moment à passer mais entraînera une régression durable. Le constat est sans appel : "en Europe, 15 à 25 millions de personnes supplémentaires pourraient se retrouver en situation de pauvreté d’ici 2025 si les mesures d’austérité se poursuivent, ce qui équivaut à la population totale des Pays-Bas et de l’Autriche. Au mieux, les pays les plus touchés par l’austérité deviendront les plus sujets aux inégalités du monde occidental. Au pire, ils se classeront parmi les plus inégaux du monde entier".

En se basant sur ce constat fort sombre et les précédents de l’Amérique latine et de l’Asie du Sud-est, Oxfam en conclut que "dix à vingt-cinq ans pourraient être nécessaires pour retrouver des niveaux de pauvreté antérieurs à ceux de 2008".

La nécessité de politiques alternatives

Oxfam en appelle à l’action dans deux domaines principaux : d’une part "la lutte contre une dette publique européenne insoutenable" et "la résolution des défauts sous-jacents du système financier (réglementations inadaptées, fiscalité insuffisante, taille dangereuse des institutions financières et capacité du système financier à influencer le pouvoir politique").
On peut bien évidemment déplorer qu’Oxfam ne parle que de dette insoutenable et ne fasse nullement mention du caractère illégitime d’une partie de la dette.

La Malaisie est citée comme un exemple intéressant pour avoir refusé l’intervention du FMI. L’Argentine est également citée en exemple pour avoir refusé de payer la dette mais la mention d’une annulation de dette à hauteur de 80% est néanmoins beaucoup trop optimiste par rapport à ce qui s’est passé en réalité.

Le rapport préconise d’investir dans l’humain et les services publics en s’appuyant sur l’établissement de systèmes fiscaux justes pour dégager des moyens.
Il prend le cas de l’Espagne pour évaluer le coût et la faisabilité de la généralisation de la politique de couverture universelle du revenu minimum sur base des recettes d’une taxe sur les transactions financières |7|.
Actuellement, cette mesure a un coût de 843 millions d’euros. Sa généralisation aux 407 000 ménages représentant 1 178 000 personnes qui sont en situation de pouvoir en bénéficier coûterait 1,8 milliard d’euros.

Or, 1,8 milliard d’euros ne représenterait que 36% des revenus annuels obtenus par l’Espagne par une telle taxe qui, au taux de 0,05%, devrait rapporter à l’Espagne 5 milliards d’euros par an.

L’intérêt d’une telle simulation est de mettre en regard le coût estimé d’une mesure sociale avec les recettes d’une mesure fiscale pour en montrer la faisabilité.

Cependant, pour garder le cas de l’Espagne, on peut déplorer qu’Oxfam qui parle d’ "une dette européenne insoutenable" n’établisse pas une telle simulation sur base des montants annuels - considérablement augmentés depuis la crise par les aides au secteur financier espagnol - destinés au service de la dette espagnole, car l’enjeu représente bien plus que les potentielles recettes de la taxe sur les transactions financières.

Notes

|1| H. Osborne (2013), « Real wages fall back to 2003 levels in UK », The Guardian, 13 février, http://www.guardian.co.uk/money/201...

|2| Voir Damien Millet et Éric Toussaint, La crise, quelles crises ? Éditions Aden, CADTM, CETIM, 2010 p.35

|3| Idem page 34

|4| Le piège de l’austérité, l’Europe s’enlise dans les inégalités p. 16 283,2 milliards de dollars au total, soit 217,3 milliards d’euros (en juillet 2013).
« Today’s ranking of the world’s richest people », (2013) Bloomberg, 12 juillet,
http://www.bloomberg.com/billionair...

|5| http://europa.eu/rapid/press-releas...

|6| http://fr.wikipedia.org/wiki/Imp%C3...

|7| Cette taxe promue par Attac depuis la fin des années 90 porte sur les transactions purement spéculatives qui représentent l’immense majorité des transactions qui ont lieu chaque jour sur les marchés financiers, qui sont complètement déconnectées du commerce mondial. Adoptée au Parlement européen en décembre 2012, elle devrait probablement entrer en vigueur dans les 11 États européens qui l’ont adoptée en 2015. Ses recettes sont estimées au niveau de ces 11 pays à entre 30 et 35 milliards d’euros.

 

 

 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 15:58

CADTM

 

cadtm.org

 Taxer le capital ou annuler la dette : pourquoi choisir ?

 

4 novembre par Renaud Vivien , Thomas Weyts , Eric Toussaint , Nicole Van Enis , Jean-François Tamellini , Joël Thiry , Yannis Thanassekos , Pierre Robert , Olivier Stein , Claude Semal , Jean-François Ramquet , Daniel Richard , Danièle Ricaille , Laurent Pirnay , Daniel Puissant , Daniel Puissant , Daniel Piron , Emilie Paumard , Christine Pagnoulle , Céline Moreau , Francine Mestrum , Gilles Martin , Paul Lootens , Gilbert Lieben , Alain Leduc , Paul Jorion , Denis Horman , José Gotovitch , Xavier Dupret , Paul-Emile Dupret , Jean Delval , Marcela de la Peña , Vincent Decroly , Nico Cué , Eric Corijn , Sébastien Brulez , Myriam Bourgy , Yannick Bovy , Olivier Bonfond , Thierry Bodson , Georges Henri Beauthier , France Arets

France Arets (déléguée CGSP Enseignement Liège), Georges Henri Beauthier (avocat), Thierry Bodson (secrétaire général de la FGTB wallonne), Olivier Bonfond (économiste CEPAG), Yannick Bovy (réalisateur, militant syndical et associatif), Myriam Bourgy (CADTM), Sébastien Brulez (journaliste à La Gauche), Eric Corijn (professeur à la Vrije Universiteit Brussel), Nico Cue (secrétaire général Métallurgistes Wallonie- Bruxelles – FGTB), Vincent Decroly (ancien député indépendant), Marcela de la Peña (responsable de formations Le Monde selon les femmes), Jean Delval (directeur du Théâtre des Rues), Paul-Emile Dupret (juriste, Parlement européen, Groupe GUE/NGL), Xavier Dupret (chercheur associé Centre Pierre Naville -Université d’Évry-Val d’Essonne-), José Gotovitch (historien, professeur honoraire ULB), Denis Horman (LCR, journaliste à La Gauche), Paul Jorion (chaire Stewardship of Finance à la VUB), Alain Leduc (militant associatif, Bruxelles), Gilbert Lieben (secrétaire wallon de la Centrale générale des services publics wallonne - CGSP wallonne), Paul Lootens (secrétaire général Centrale Générale FGTB), Gilles Martin (éditeur Aden), Francine Mestrum (Global Social Justice), Céline Moreau (formatrice CEPAG), Christine Pagnoulle (présidente ATTAC Liège), Emilie Paumard (CADTM), Laurent Pirnay (secrétaire général adjoint de la CGSP wallonne), Daniel Piron (secrétaire régional de la FGTB Charleroi/sud-Hainaut), Daniel Puissant (membre du groupe de coordination d’ATTAC-Liège), Jean-François Ramquet (secrétaire régional FGTB Liège-Huy-Waremme), Danièle Ricaille (comédienne militante), Daniel Richard (secrétaire régional interprofessionnel de la FGTB de Verviers et Communauté germanophone), Pierre Robert (avocat), Claude Semal (chanteur, auteur, journaliste), Olivier Stein (avocat), Yannis Thanasekos (professeur de sociologie politique, ancien directeur de la Fondation Auschwitz), Jean-François Tamellini (secrétaire fédéral FGTB), Joël Thiry (secrétaire régional FGTB Luxembourg), Éric Toussaint (président du CADTM Belgique), Nicole Van Enis (membre de la coordination liégeoise Marche Mondiale des Femmes), Renaud Vivien (CADTM), Thomas Weyts (SAP).

A l’occasion de la sortie de deux livres importants, Dette 5000 ans d’histoire et Le Capital au XXIème siècle, Mediapart a eu l’heureuse idée d’organiser une rencontre entre leurs auteurs respectifs, David Graeber et Thomas Piketty. Leurs échanges sont accessibles en ligne.

Comment sortir de la dette, cette question centrale posée en préambule à ce dialogue est également au cœur des réflexions et de nos activités militantes respectives. C’est pourquoi nous avons souhaité donner un prolongement constructif à ces échanges en proposant le texte qui suit, fruit d’une réflexion collective qui explicite, commente, questionne et critique les points de vue et les arguments avancés par les deux auteurs.

Annuler la dette ou taxer le capital ?

Les échanges entre T. Piketty et D. Graeber tournent pour l’essentiel autour de la mise en regard des mérites respectifs de l’impôt sur le capital et de la répudiation de la dette publique. D. Graeber, s’appuyant sur une belle érudition historique et anthropologique, souligne que l’annulation de tout ou partie de la dette, privée ou publique, est une figure récurrente des luttes de classes depuis 5000 ans. Considérant que la dette est un mécanisme central de la domination capitaliste aujourd’hui, il ne voit aucune raison qu’il en aille autrement dans les années à venir.

T. Piketty estime pour sa part qu’on peut obtenir un allègement considérable du poids des dettes par un mécanisme fiscal de taxation des grandes fortunes qui serait plus juste socialement, car il éviterait de frapper les petits et moyens épargnants détenteurs (via les fonds communs de placement gérés par les banques et les compagnies d’assurance) d’une grande partie de la dette publique.

Sans que les deux interlocuteurs ne l’explicitent, on peut sans doute attribuer leur différend à des présupposés philosophiques et politiques opposés. Pour Graeber, de tradition anarchiste, l’annulation de la dette est préférable parce qu’elle ne suppose pas nécessairement de s’en remettre à l’État national, et encore moins à un État ou une institution supranationale : elle peut résulter de l’action directe des débiteurs (cf. le projet de « strike debt » |1| porté par Occupy Wall Street aux États-Unis), ou bien de la pression populaire imposant une décision à un gouvernement. Pour Piketty, de tradition social-démocrate, c’est une fiscalité mondiale sur le capital qui est nécessaire, et des mesures fiscales nationales portées par des gouvernements réformistes peuvent déjà permettre d’avancer.

Au vu précisément des arguments des deux auteurs, nous pensons qu’il n’est pas nécessaire de choisir entre imposition du capital et annulation de dettes, mais qu’il est judicieux de mettre en œuvre ces deux mesures simultanément.

Annuler la dette, une mesure injuste socialement ?

T. Piketty rejette les annulations de dette au motif que les créanciers seraient en majorité des petits épargnants qu’il serait injuste de faire payer, alors que les très riches n’auraient investi qu’une faible part de leur patrimoine dans les titres de la dette publique. Mais nous lui objectons que l’audit de la dette que nous préconisons a non seulement pour vocation d’identifier la dette légitime (c’est-à-dire la dette au service de l’intérêt général) de celle qui ne l’est pas, mais également d’identifier précisément les porteurs afin de pouvoir les traiter différemment selon leur qualité et le montant détenu. En pratique, la suspension de paiement est la meilleure manière de savoir exactement qui détient quoi car les détenteurs de titres sont forcés de sortir de l’anonymat.

En Belgique la grande majorité de la dette publique est détenue par des investisseurs institutionnels (banques et assurances, fonds de pension,…) étrangers ou belges. Les petits porteurs (qui gèrent directement leur portefeuille de titres) ne représentent qu’une infime minorité des détenteurs de dettes publiques |2|. À l’occasion d’une annulation de dettes publiques, il conviendra de protéger les petits épargnants qui ont placé leurs économies dans des titres publics ainsi que les salariés et les retraités qui ont vu une partie de leurs économies (épargne pension, assurance groupe, assurance vie) placé par les institutions ou les organismes gestionnaires dans ce même type de titres.

L’annulation des dettes illégitimes doit être supportée par les grandes institutions financières privées et les ménages les plus riches. Le reste de la dette doit être restructuré de manière à réduire drastiquement tant le stock que la charge de la dette. Cette réduction/restructuration peut notamment s’appuyer sur l’impôt sur le patrimoine des plus riches comme évoqué par T. Piketty |3|. Annulation des dettes illégitimes et réduction/restructuration du reste de la dette doivent aller de pair. C’est un vaste débat démocratique qui doit décider de la frontière entre les épargnants petits et moyens qu’il faut indemniser et les gros qu’on peut exproprier. On pourrait alors mettre en place une taxe progressive sur le capital, frappant durement les très grandes fortunes, celles des 1 % les plus riches, dont T. Piketty a montré qu’ils possèdent aujourd’hui plus du quart de la richesse totale en Europe et aux États-Unis |4|. Cette taxe prélevée en une seule fois permettrait de terminer d’éponger l’ensemble des dettes publiques. Par la suite, une fiscalité fortement progressive sur les revenus et le capital bloquerait la reconstitution des inégalités patrimoniales dont Piketty estime à juste titre qu’elles sont antagoniques avec la démocratie.

Annulation de la dette : au bénéfice de qui ?

Si nous ne pouvons pas suivre T. Piketty quand il affirme que l’annulation de la dette « n’est pas du tout une solution progressiste », il a cependant raison de remettre en cause le type d’annulation partielle de dettes conçue par la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI) pour la Grèce en mars 2012. Cette annulation a été conditionnée par des mesures qui constituent des violations des droits économiques, sociaux, politiques et civils du peuple grec, et qui ont enfoncé encore un peu plus la Grèce dans une spirale descendante. Il s’agissait d’une entourloupe visant à permettre aux banques privées étrangères (principalement françaises et allemandes) de se dégager en limitant leurs pertes, aux banques privées grecques d’être recapitalisées aux frais du Trésor public, et à la Troïka de renforcer durablement son emprise sur la Grèce. Alors que la dette publique grecque représentait 130 % du PIB en 2009, et 157 % en 2012 après l’annulation partielle de la dette, elle a atteint un nouveau sommet en 2013 : 175 % ! Le taux de chômage qui était de 12,6 % en 2010 s’élève à 27 % en 2013 (50 % pour les moins de 25 ans). Avec T. Piketty nous refusons ce type de « haircut » prôné par le FMI, qui vise seulement à maintenir en vie la victime pour pouvoir la saigner encore et toujours plus. L’annulation ou la suspension du paiement de la dette doit être décidée par le pays débiteur, à ses conditions, pour lui donner un vrai bol d’oxygène (comme l’ont fait par exemple l’Argentine entre 2001 et 2005 et l’Equateur en 2008-2009).

La dette et l’inégalité des fortunes ne sont pas les seuls problèmes

Graeber et Piketty s’opposent pour déterminer si c’est la dette ou l’inégalité des patrimoines qui est la cible politique prioritaire. Mais pour nous, les problèmes que rencontrent nos sociétés ne se limitent pas au problème de la dette publique ni à celui de l’inégalité des fortunes privées. Tout d’abord, il est bon de rappeler – et Graeber le fait systématiquement – qu’il existe une dette privée bien plus importante que la dette publique |5|, et que l’augmentation brutale de cette dernière depuis cinq ans est due en bonne part à la transformation de dettes privées, celles des banques notamment, en dettes publiques. Ensuite et surtout, il faut replacer la question de la dette dans le contexte global du système économique qui la génère et dont elle n’est qu’un des aspects.

Pour nous, imposition du capital et annulation des dettes illégitimes doivent faire partie d’un programme bien plus vaste de mesures complémentaires permettant d’enclencher une transition vers un modèle post-capitaliste et post-productiviste. Un tel programme, qui devrait avoir une dimension européenne tout en commençant à être mis en pratique dans un ou plusieurs pays, comprendrait notamment l’abandon des politiques d’austérité, la réduction généralisée du temps de travail avec embauches compensatoires et maintien du salaire, la socialisation du secteur bancaire, une réforme fiscale d’ensemble, des mesures pour assurer l’égalité hommes-femmes, le développement des services publics et de la protection sociale et la mise en place d’une politique déterminée de transition écologique.

Graeber met l’accent sur l’annulation de la dette car il croit, comme nous, qu’il s’agit d’un objectif politique mobilisateur ; mais il ne prétend pas que cette mesure se suffise à elle-même, et il s’inscrit dans une perspective radicalement égalitaire et anticapitaliste. La critique essentielle qu’on peut faire à Thomas Piketty est qu’il pense que sa solution peut fonctionner en demeurant dans le cadre du système actuel. Il propose un impôt progressif sur le capital pour redistribuer les richesses et sauvegarder la démocratie, mais n’interroge pas les conditions dans lesquelles ces richesses sont produites et les conséquences qui en résultent. Sa réponse ne remédie qu’à l’un des effets du fonctionnement du système économique actuel, sans s’attaquer à la véritable cause du problème. Tout d’abord, admettons qu’on obtienne par un combat collectif une imposition du capital, à laquelle nous aspirons, les recettes générées par cet impôt risquent d’être largement englouties par le remboursement de dettes illégitimes si nous n’agissons pas pour leur annulation. Mais surtout, nous ne pouvons pas nous contenter d’un partage plus équitable des richesses, si celles-ci sont produites par un système prédateur qui ne respecte ni les personnes ni les biens communs, et accélère sans trêve la destruction des écosystèmes. Le capital n’est pas un simple « facteur de production » qui « joue un rôle utile » et mérite donc « naturellement » un rendement de 5 %, comme le dit Piketty, c’est aussi et surtout un rapport social qui se caractérise par l’emprise des possédants sur le destin des sociétés. Le système capitaliste en tant que mode de production est à l’origine non seulement d’inégalités sociales de plus en plus insoutenables, mais de la mise en danger de notre écosystème, du pillage des biens communs, de rapports de domination et d’exploitation, d’aliénation dans la marchandise, d’une logique d’accumulation réduisant notre humanité à des femmes et des hommes incapables de sublimer, obsédés par la possession de biens matériels et oublieux de l’immatériel qui pourtant nous fonde.

La grande question que Piketty ne se pose pas, mais qui saute aux yeux de qui observe les rapports de pouvoir dans nos sociétés et l’emprise de l’oligarchie financière sur les États, est la suivante : quel gouvernement, quel G20 décidera d’un impôt mondial progressif sur le capital, sans que de puissants mouvements sociaux n’aient d’abord imposé le démantèlement du marché financier mondialisé et l’annulation des dettes publiques, instruments majeurs du pouvoir actuel de l’oligarchie ?

Comme David Graeber, nous pensons qu’il faudra imposer l’annulation des dettes sous « l’impulsion des mouvements sociaux ». C’est pourquoi nous agissons dans le cadre du collectif d’audit citoyen de la dette en Belgique |6| afin que l’annulation de la dette illégitime résulte d’un audit auquel les citoyens participent comme acteurs. Nous sommes cependant dubitatifs face à son idée selon laquelle « le mode de production actuel est fondé sur des principes moraux plus qu’économiques », car « le néolibéralisme a privilégié le politique et l’idéologique sur l’économique ». Pour nous, il n’y a pas d’opposition entre ces trois champs mais il y a un système, le néolibéralisme, qui les articule à sa manière. Le capitalisme néolibéral n’a pas privilégié le politique et l’idéologique sur l’économique, il les a utilisés et mis au service de la recherche du profit privé maximum, avec un certain succès jusqu’à présent si l’on en juge d’après les données fournies par Piketty dans son ouvrage. Certes, ce système a engendré de monstrueux déséquilibres – dont les dettes privées et publiques – et n’est pas compatible à terme avec une société émancipée, mais dans l’immédiat sa domination se perpétue.

Au-delà des divergences – secondaires avec Graeber, plus profondes avec Piketty – que nous venons d’expliciter, nous sommes bien sûr prêts à emprunter ensemble le chemin de l’annulation des dettes illégitimes et de l’impôt progressif sur le capital. Lorsque nous arriverons à un carrefour dont une des voies indiquera la sortie du capitalisme, il nous appartiendra alors, tous ensemble, de reprendre le débat en tirant les leçons de l’expérience du chemin parcouru.

Notes

|1| Voir le site www.strikedebt.org

|2| Voir notamment Olivier Bonfond, Et si on arrêtait de payer, Bruxelles, Aden, 2012. http://www.aden.be/index.php?aden=e...

|3| T. Piketty, Le capital au XXIe siècle, Le Seuil, 2013, p. 887.

|4| T. Piketty, idem, p. 556.

|5| En 2011, dans la Zone Euro, la dette brute des États représentait 82 % du PIB, la dette des ménages 61 %, la dette des sociétés non financières 96 % et la dette des sociétés financières 333 % (Base de données Base de données de recherche Morgan Stanley : http://www.ecb.int/stats/money/aggr...

|6| Voir la « Déclaration pour le lancement du collectif d’audit citoyen de la dette en Belgique » http://cadtm.org/Declaration-pour-l...

Nota Bene : Ce texte est une version adaptée à la Belgique de l’article « Annuler la dette ou taxer le capital : pourquoi choisir ? » rédigé par Thomas Coutrot (membre du Conseil scientifique d’Attac France), Patrick Saurin (un des porte-parole du syndicat SUD à la banque BPCE, la 4e banque en France) et Eric Toussaint (président du CADTM Belgique). La version originale a été publiée notamment sur le site de médiapart le 28 octobre 2013 (voir http://blogs.mediapart.fr/blog/cadt... et sur http://cadtm.org/Annuler-la-dette-o...

 

 

 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 15:50

 

 

agoravox.fr

par patdu49 lundi 4 novembre 2013

 

Survivre au RSA en 2013, étude de cas : foyer célibataire

Mission quasi impossible en restant dans la légalité.

 

 

Exemple pour la démonstration :

Karim, 35 ans, locataire à Marseille 13000, se retrouve au RSA (comme 2,23 millions de foyers), privé d'emploi.

Loyer Nu : 500€

Charges locatives ( entretien parties communes immeuble, ascenseur ) : 50€

Droit à l'APL maximum soit : 254,79€

Reste à payer logement : 550 - 254,79€ = 295,21€

Montant RSA socle célibataire, sans enfant, non SDF : 433,75€

433,75 - 295,21 = 138,54€ de reste à vivre pour payer :

  • EDF GDF, chauffage, eau
  • Assurance habitation
  • Téléphonie / Internet
  • Alimentation
  • Hygiène corporelle et domestique
  • Prêt à porter, chaussures, sous-vêtements, linge de maison
  • Frais de recherches d'emploi
  • Frais bancaires

 

Heureusement il bénéficiera de la CMU complémentaire en cas de maladie.

Il a la chance d'habiter grande ville où le bus est gratuit, et où pas une nécéssité absolue, comme dans bon nombre de petits villages, d'avoir un moyen de locomotion (assurance, carburant etc).

Il a la chance d'avoir + de 25 ans, sinon il aurait : zero€

IMPOSSIBLE de survivre dans la légalité, dans ces conditions, tout simplement IMPOSSIBLE ...

et encore je n'ai pas évoqué :

  • Vie sociale, cadeaux aux proches, aux enfants si séparé, divorcé ..
  • Tabac ou e-cigarettes
  • Parer aux pannes, renouvellement électroménagers, multimédias
  • Entretien logement, consommables (ampoules, piles, papeterie .. )
  • Parapharmacie
  • Loisirs
  • Culture, sport

Déclaration universelle des droits de l'homme :

Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.

Aux informations, vous entendez souvent parler de trafics de drogues, de clopes, de règlements de comptes, de vols avec violences, de cambriolages, de prostitution, de prisons surchargées etc etc etc, rarement des situations sociales des personnes, à la base ...

Les vrais criminels, sont à mes yeux, toutes les personnes qui cautionnent ces hommes et femmes politiques absolument dégueulasses et leurs collabo-rateurs, qui font de la répression sur la pauvreté etc et qui ne changent rien pour un partage vraiment plus équitable des richesses.

On est pourtant pas dans un pays spécialement pauvre, on a même le record mondial, il me semble, du nombre de millionnaires ( en million de dollars ) par habitants ( 1 personne sur 30 ) fortunes et patrimoines.

 


 

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4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 15:44

 

bastamag.net

 

Fraude et évasion fiscales : ces 2 000 milliards qui plombent l’Europe

par MyEurop.info 4 novembre 2013

 

 

 

    « Un problème énorme », alerte la Commission européenne. 2 000 milliards d’euros, selon ses dernières estimations, sont chaque année soustraits aux budgets publics du fait de l’évasion fiscale pratiquée par les plus fortunés. De quoi rendre dérisoires les sacrifices rendus au nom de l’austérité. Et inciter les États à entrer en guerre – médiatique ou juridique – contre la fraude fiscale. Comment la France et ses voisins luttent-ils contre ce fléau ? Les stratégies déployées sont-elles à la hauteur de la situation ? Petit tour d’Europe.

    « Un scenario interminable, truffé de flash-backs » : si la fraude fiscale [1] était le thème central d’une mauvaise série TV, cela pourrait être la critique de nombre d’Européens ayant suivi le feuilleton. La dénonciation des infractions aux impôts ne date pas d’hier. En 2006 déjà, la Commission européenne déplorait l’ampleur de la fraude en Europe [2], qu’elle estimait alors entre 2 et 2,5 % du PIB de l’Union, soit entre 200 et 250 milliards. Elle était loin du compte.

    Depuis, les révélations de l’ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists) sur Offshore Leaks, l’affaire Cahuzac en France, le cas Uli Hoeness en Allemagne, les condamnations des stylistes Dolce et Gabbana en Italie ou encore les faibles impôts payés par les multinationales comme Apple et Google sont passés par là. En mai 2013, la Commission revoit son évaluation à la hausse : la fraude fiscale représenterait 1000 milliards d’euros... Une manne financière rendue plus faramineuse encore par les politiques d’austérité budgétaire observées sur le continent.

    En septembre, le chiffre grimpe à 2000 milliards. Pas très loin des estimations du réseau mondial pour la justice fiscale, Tax Justice Network. Rencontres au sommet et déclarations de bonnes intentions accompagnent ces évaluations. Mais pas seulement. Laborieux, le développement de dispositifs anti-fraude est pourtant bien réel, et fait bouger les lignes en Europe.

    Des outils déjà existants sont renforcés. C’est le cas notamment de la directive « Epargne » (2003), qui doit être révisée d’ici la fin de l’année. De la même manière, le texte sur la coopération administrative (2011) sera complété et imposera à l’Union européenne, dès le 1er janvier 2015, un échange automatique d’informations entre administrations fiscales sur une nouvelle gamme de revenus financiers des particuliers (dividendes, plus-values et autres).

    De nouvelles directives ont été adoptées cet été (22 juillet 2013) par le Conseil de l’UE pour lutter contre la fraude à la TVA. Un détail loin d’être négligeable : celle-ci représenterait à elle seule une perte de 193 milliards d’euros par an au niveau européen.

    « Notre réforme du système de TVA, les actions de l’UE pour lutter contre la fraude fiscale (...) sont orientées dans la bonne direction. Nous connaissons le problème ; nous avons identifié des solutions, et le moment est venu pour les États membres d’agir », exhortait récemment Algirdas Šemeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité. « La culture de l’impôt, c’est aussi la culture de la démocratie, cela témoigne du fait que les citoyens sont prêts à contribuer à la vie publique », rappelle Daniel Lebègue, président de la section française de Transparency International, dans les colonnes du Monde.

    Avec quel succès ? En Allemagne, en France, en Italie ou au Royaume-Uni, la lutte contre la fraude fiscale s’impose dans les débats nationaux.

    L’Allemagne en croisade

    - Evasion fiscale : entre 150 milliards d’euros par an (selon le SPD, parti social démocrate) et 165 milliards (Tax Justice Network)
    - Fraude à la TVA : près de 27 milliards d’euros par an, soit 1% du PIB (Eurostat, 2011)

    Ces dernières années, Berlin s’est lancé dans une véritable croisade contre l’évasion fiscale, passant notamment en 2011 un accord avec la Suisse. La CDU (Union chrétienne-démocrate) a par ailleurs été ébranlée en début d’année par un scandale concernant le président du club de football Bayern de Munich, fervent supporteur de la formation politique d’Angela Merkel. Celui-ci a reconnu avoir négligé de payer des impôts sur des intérêts engrangés par des avoirs en Suisse.

    La lutte contre l’évasion fiscale a depuis été l’un des principaux thèmes de la campagne électorale. Mise en avant par la CDU, qui prône davantage de lutte au niveau européen et international, elle a surtout été l’un des chevaux de bataille du SPD. Dont le projet en la matière a été porté par le candidat à la présidence de l’État de Hessen, Thorsten Schäfer Gümbel. Il estime que, pour ce seul Etat, le manque à gagner s’élève à 800 millions d’euros par an.

    Au niveau fédéral, selon le SPD, l’évasion fiscale atteindrait plus de 150 milliards d’euros par an, soit 16% des rentrées fiscales totales. Le parti appelle à une tolérance zéro en la matière et soutient l’idée de la mise en place d’une autorité de contrôle fiscal au niveau fédéral.

    Le thème est aussi central dans les négociations actuellement en cours entre le SPD et la CDU en vue de former un gouvernement. Les sociaux-démocrates voient dans la lutte contre l’évasion fiscale une manière de financer des projets d’infrastructures sans trop augmenter les impôts. Certains experts estiment que 50 milliards d’euros pourraient être récupérés chaque année.

    En France, « l’accélérateur Cahuzac »

    - Évasion fiscale : 132 milliards d’euros par an (Tax Justice Network)
    - Fraude à la TVA : plus de 32 milliards d’euros par an, soit 1,6% du PIB (Eurostat, 2011)

    En France, « l’affaire Cahuzac » a favorisé l’inscription de la thématique anti-fraude dans le calendrier politique et législatif. Premiers concernés : les principaux responsables politiques et administratifs du pays. Dans la foulée de la tempête médiatique ciblant l’ex-ministre du Budget, François Hollande annonçait le 3 avril 2013 les projets de loi sur la transparence de la vie publique. Ils ont finalement été adoptés le 17 septembre, non sans de houleux débats, et sous une forme édulcorée. Une semi-victoire.

    Au-delà de la vie publique, d’autres avancées ont été réalisés récemment : la loi du 26 juillet 2013, relative à la séparation et la régulation des activités bancaires (qui obligent les banques à publier des données concernant leurs activités dans les paradis fiscaux), la signature de la convention de l’OCDE contre les paradis fiscaux (que la Suisse vient de signer également), ou encore l’augmentation des compétences allouées à la Brigade nationale de répression de la délinquance fiscale (BNRDF).

    Le temps de l’impunité est terminé. Celui de l’opacité est en voie d’extinction, mettait en garde le Président de la République, en mai dernier. Mais à l’heure actuelle, la fraude reste bien présente : le récent rapport d’information parlementaire, rédigé par les deux députés Alain Bocquet et Nicolas Dupont-Aignan, chiffre entre 60 à 80 milliards d’euros le manque à gagner annuel lié à la fraude fiscale. Il n’en faudrait pas beaucoup plus pour combler le déficit public national, qui s’élève à quelques 98 milliards d’euros en 2012... Ce document très critique a été suivi d’un avis de la Cour des comptes, qui observe des évolutions significatives – mais insuffisantes – et propose des recommandations.

    Des avancées : c’est aussi le constat que dresse le syndicat national Solidaires Finances Publiques... sans pour autant conclure à un bilan positif. Car si la bonne volonté se fait sentir au niveau juridique, le syndicat déplore la baisse des moyens humains (ressources humaines) et matériels (notamment en termes de dématérialisation de l’information) alloués à la lutte contre la fraude fiscale.

    Royaume-Uni, plaque tournante de la finance en quête de respectabilité

    - Évasion fiscale : 82 milliards d’euros par an (Tax Justice Network)
    - Fraude à la TVA : plus de 19 milliards d’euros par an, soit 1,1% du PIB (Eurostat, 2011)

    La fraude fiscale fait largement débat au Royaume-Uni, plaque tournante de la finance européenne, réputée pour être aussi celle de l’évasion fiscale sur le continent. Suite aux accusations venues d’Autriche selon lesquelles les îles Anglo-Normandes, les îles Caïmans et les îles Vierges servent de centres de blanchiment d’argent, le gouvernement britannique a entamé des négociations avec Jersey et Guernesey. Objectif : la signature d’un accord d’échange automatique d’informations, comme celui signé en décembre avec l’île de Man. Possessions de la couronne britannique, ces deux îles ne sont intégrées ni au Royaume-Uni ni à l’Union européenne, ce qui leur accorde une marge de manœuvre légale certaine.

    Parallèlement, le responsable des Finances George Osborne assure que « plus de cent individus ont déjà été identifiés comme ayant bénéficié de ces structures frauduleuses ».

    Des enquêtes sont menées à l’encontre de plus de deux cents comptables, avocats et autres conseillers. « Le message est simple », a assuré le chancelier de l’échiquier : « Si vous esquivez les impôts, nous vous poursuivrons. »

    Chasse aux mauvais payeurs en Italie

    - Évasion fiscale : de 180 millliards (selon le ministère du Trésor) à 184 milliards d’euros par an (Tax Justice Network)
    - Fraude à la TVA : plus de 36 milliards d’euros par an, soit 2,3% du PIB (Eurostat, 2011)

    Alors que Silvio Berlusconi, condamné pour fraude fiscale, s’apprête à purger un an et demi de travaux d’utilité publique pour éviter les arrêts domiciliaires, le ministère du Trésor publie les derniers chiffres sur le produit de l’évasion. L’an dernier, l’État a perdu 180 milliards d’euros à cause des spécialistes de la voltige fiscale.

    Les agents du fisc organisent des descentes ponctuelles et sur échantillon, dans les localités touristiques, les bars et les restaurants des villes de la péninsule.

    L’instauration d’un système d’information croisée entre les banques et le fisc en 2012 devrait permettre au fisc de débusquer les mauvais payeurs en comparant leurs entrées et leurs dépenses. Par ailleurs, pour inciter les Italiens à payer leurs impôts, le président du Conseil Enrico Letta veut diminuer graduellement les taux d’imposition, proche de 40% (sur les salaires par exemple) en Italie.

    Tristan de Bourbon (Londres), Ariel Dumont (Rome), Christelle Granja (Paris) et Delphine Nerbollier (Berlin)

    Article initialement publié par MyEurop, le 16 octobre 2013.

    Notes

    [1La fraude fiscale est une forme de contournement délibéré de l’impôt, qui est généralement punie pénalement. Elle englobe les situations dans lesquelles on présente exprès de fausses déclarations ou bien on produit de faux documents. L’évasion fiscale désigne généralement des mécanismes illicites par lesquels l’assujettissement à l’impôt est caché ou ignoré, c’est-à-dire que le contribuable paie moins d’impôts que ce qu’il est légalement tenu de payer, en dissimulant des revenus ou des informations aux autorités fiscales. Source : la Commission européenne.

    [2Les estimations de la Commission européenne comprennent le coût de l’évasion fiscale et de la fraude fiscale.

     

     

     

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    4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 15:20

     

    i.itele.fr

    J'étais ce matin sur le plateau d' I>TELE. Heureuse de voir que les interrogations autour du Partenariat Public-privé, désastreux, passé entre l’État et le consortium Ecomouv pour prélever la taxe Borloo (écotaxe) prennent de l'ampleur.

     

    L''eurodéputée EELV était l'invitée de Christophe Barbier sur le plateau de la matinale info d'i>TELE.

     

     

     

     

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    4 novembre 2013 1 04 /11 /novembre /2013 15:11

    CADTM

     

    cadtm.org

     La crise de l’euro et de l’Union européenne

    3 novembre par Eric Toussaint

     


     

    La crise qui a démarré aux États-Unis en 2007-2008 a frappé l’Union européenne de plein fouet à partir de 2008 et a provoqué de graves perturbations dans la zone euro à partir de 2010 |1|. Les banques des pays les plus forts de l’Europe sont à l’origine de cette contagion depuis les États-Unis vers l’Europe car elles avaient massivement investi dans les produits financiers structurés. Ceci étant dit il est important d’expliquer pourquoi cette crise frappe plus durement l’Union européenne et en particulier la zone euro que les États-Unis.

    Parmi les 28 pays de l’Union européenne, 18 pays ont une monnaie commune, l’euro |2|. L’UE compte environ 500 millions d’habitants |3|, soit presque la moitié de la Chine, de l’Afrique ou de l’Inde, les 2/3 de l’Amérique latine et 50 % de plus que les USA.

    On constate une grande disparité entre les pays de l’Union européenne. L’Allemagne, la Grande Bretagne, la France, les Pays-Bas, l’Italie, la Belgique et l’Autriche constituent les pays industrialisés et les plus forts de l’UE. 11 pays proviennent de l’ex Europe de l’Est (3 républiques baltes- Estonie, Lituanie, Lettonie-, Pologne, Rép. Tchèque, Slovaquie, Hongrie, Bulgarie, Roumanie qui ont fait partie du bloc soviétique, la Slovénie et la Croatie qui faisaient partie de la Yougoslavie). La Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne, Chypre sont percutés très fortement par la crise de la zone euro.

    Disparité salariale dont profitent les grandes entreprises privées

    La disparité salariale est très forte : le salaire minimum légal de la Bulgarie (156 euros de salaire brut mensuel en 2013) est 8 à 9 fois inférieur à celui de pays comme la France, la Belgique ou les Pays Bas |4|. Les disparités salariales à l’intérieur de chaque pays de l’Union européenne peuvent être également fort élevées. En Allemagne, 7,5 millions de salariés doivent se contenter d’un salaire mensuel de 400 euros alors que normalement le salaire mensuel en Allemagne dépasse 1200 Euros (il n’y a pas de salaire minimum légal national en Allemagne).
    Cette disparité permet aux grandes entreprises européennes, notamment les entreprises industrielles allemandes d’être très compétitives car elles font réaliser une partie de leur production par les ouvriers et ouvrières de pays comme la Bulgarie, la Roumanie ou d’autres pays d’Europe centrale et de l’Est, rapatrient ensuite les pièces en Allemagne pour les assembler et réaliser le produit final. Enfin elles exportent à l’intérieur de l’UE ou vers le marché mondial en ayant comprimé au maximum les coûts salariaux. Tout cela sans payer à l’intérieur de l’UE de taxe d’import/export.

    Des disparités renforcées entre pays


    Le refus de l’UE de développer de véritables politiques communes pour aider les nouveaux membres à réduire leurs désavantages économiques par rapport aux pays européens les plus forts a largement contribué à renforcer ces disparités structurelles préjudiciables au processus d’intégration. Les traités européens ont été conçus pour servir les intérêts des grandes entreprises privées qui profitent des disparités entre les économies de l’Union pour augmenter leurs profits et renforcer leur compétitivité.

    Le budget de l’Union européenne est minuscule, il représente 1% du Produit intérieur brut de l’UE alors qu’un budget normal dans une économie d’un pays industrialisé représente 45-50 % ou plus du PIB. C’est le cas du budget fédéral des États-Unis administré par Barrack Obama ou de celui de la France. Pour donner une indication sur à quel point le budget géré par la commission européenne est minuscule il suffit de dire qu’il est comparable à celui de la Belgique qui compte 10 millions d’habitants soit un cinquantième de la population de l’UE. Il faut ajouter que la politique agricole commune représente près de 50% du budget de l’UE.

    La crise n’a pas été provoquée par la concurrence étrangère

    La crise n’est pas due à la concurrence de la Chine, de la Corée du Sud, du Brésil, de l’Inde ou d’autres économies de pays en développement.

    Au cours des 10 dernières années, l’Allemagne (mais aussi les Pays-Bas et l’Autriche) s’est lancée dans une politique néo-mercantiliste : elle a réussi à augmenter ses exportations notamment au sein de l’Union européenne et de la zone euro en comprimant les salaires des travailleurs d’Allemagne |5|. Elle a donc gagné en compétitivité par rapport à ses partenaires et en particulier ceux de pays comme la Grèce, l’Espagne, le Portugal et même la Roumanie, la Bulgarie, la Hongrie (qui ne font pas partie de la Zone euro). Ceux-ci ont vu s’installer ou se creuser un déficit commercial par rapport à l’Allemagne et d’autres pays du Centre.

    L’euro comme camisole de force

    Lors de la création de l’euro, la monnaie allemande a été sous-évaluée (à la demande de l’Allemagne) et les monnaies des pays les plus faibles ont été surévaluées. Cela a rendu les exportations allemandes plus compétitives sur le marché des autres pays européens et les plus faibles d’entre eux ont été particulièrement touchés (Grèce, Portugal, Espagne, pays d’Europe centrale et de l’Est…).

    En gros, l’endettement des pays de la périphérie au sein de l’UE est essentiellement dû au comportement du secteur privé (les banques, les entreprises de construction immobilière, le reste de l’industrie et du commerce). Incapables de rivaliser avec les économies les plus fortes, les secteurs privés se sont endettés, auprès des banques du Centre (Allemagne, France, Pays-Bas, Belgique, Autriche, Luxembourg,…) mais aussi auprès d’agents internes, l’économie de ces pays s’étant largement financiarisée depuis l’adoption de l’euro. La consommation a connu un boom dans les pays concernés et, dans certains d’entre eux (Espagne par exemple), s’est développée une bulle immobilière qui a fini par éclater. Les gouvernements de ces pays sont venus au secours des banques ce qui a provoqué une forte augmentation de la dette publique.

    Évidemment, les pays qui font partie de la zone euro ne peuvent pas dévaluer leur monnaie puisqu’ils ont adopté l’euro. Des pays comme la Grèce, le Portugal ou l’Espagne sont donc coincés par leur appartenance à la zone euro. Les autorités européennes et leur gouvernement national appliquent dès lors ce qu’on appelle la dévaluation interne : ils imposent une diminution des salaires au grand profit des dirigeants des grandes entreprises privées. La dévaluation interne est donc synonyme de réduction des salaires. La dévaluation interne est utilisée pour augmenter la compétitivité mais on constate qu’elle est très peu efficace pour retrouver de la croissance économique car les politiques d’austérité et de répression salariale sont appliquées dans tous les pays. Par contre, les patrons des entreprises sont contents car cela faisait longtemps qu’ils voulaient réduire radicalement les salaires. De ce point de vue, la crise de la zone euro qui a pris un caractère très aigu à partir de 2010-2011 constitue une aubaine pour les patrons. Le salaire minimum légal a été réduit fortement en Grèce, en Irlande et dans d’autres pays.

    Marché unique des capitaux et monnaie unique

    Alors que la crise est née aux États-Unis en 2007, l’impact sur l’Union européenne a été beaucoup plus violent que sur les institutions politiques et monétaires états-uniennes. En fait, la crise qui secoue la Zone euro n’est pas une surprise, elle est un avatar des deux principes qui régissent cette zone : marché unique des capitaux et monnaie unique. Plus largement, elle est la conséquence des logiques qui dominent l’intégration européenne : la primauté donnée aux intérêts des grandes entreprises industrielles et financières privées, la large promotion des intérêts privés, la mise en compétition à l’intérieur de l’espace européen d’économies et de producteurs qui ont des forces tout à fait inégales, la volonté de retirer aux services publics un nombre croissant de domaines d’activité, la mise en concurrence des salariés qui implique le refus d’unifier vers le haut les systèmes de sécurité sociale et les règles afin de protéger les travailleurs. Tout cela poursuit un objectif précis, celui de favoriser l’accumulation maximum de profits privés, notamment en mettant à disposition du Capital une main d’œuvre la plus malléable et précaire possible.

    Le monopole du crédit aux Etats est réservé aux banques privées

    Face à cette explication, on pourrait rétorquer que ces logiques dominent aussi largement l’économie des États-Unis. Il faut donc prendre en compte également d’autres facteurs : alors que les besoins de crédit des gouvernements des autres pays développés, dont celui des États-Unis, peuvent être satisfaits par leur banque centrale, notamment par l’intermédiaire de la création monétaire, les pays membres de la Zone euro ont renoncé à cette possibilité. De par ses statuts, la Banque centrale européenne a l’interdiction de financer directement les États. De plus, en vertu du traité de Lisbonne, la solidarité financière entre les États membres est formellement interdite. Selon son article 125, les États doivent assumer seuls leurs engagements financiers, ni l’Union ni les autres États ne pouvant les prendre à leur charge |6|. L’article 101 du traité de Maastricht |7|, repris intégralement par le traité de Lisbonne |8|, ajoute : « Il est interdit à la BCE et aux banques centrales des États membres […] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions ou organes de la Communauté, aux administrations centrales, aux autorités régionales, aux autres autorités publiques ».

    L’UE se place donc volontairement au service des marchés financiers puisque, en temps normal, les gouvernements des pays de la Zone euro dépendent totalement du secteur privé pour leur financement. Les investisseurs institutionnels (banques, fonds de pension, assurances) et des hedge funds se sont rués en 2010 sur la Grèce, maillon le plus faible de la chaîne européenne d’endettement, avant de s’attaquer à l’Irlande, au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie. En agissant de la sorte, ils ont réalisé de juteux profits car ils ont obtenu de ces pays une rémunération importante en termes de taux d’intérêt versés par les pouvoirs publics pour pouvoir refinancer leurs dettes. Parmi ces investisseurs institutionnels (les zinzins), ce sont les banques privées qui ont fait le plus de profit car elles pouvaient directement se financer auprès de la Banque centrale européenne en lui empruntant des capitaux à 1% de taux d’intérêt |9| alors que dans le même temps, elles prêtaient sur une durée de trois mois à la Grèce à des taux de l’ordre de 4 ou 5%. En lançant leurs attaques contre les maillons les plus faibles, les banques et autres zinzins étaient également convaincus que la Banque centrale européenne et la Commission européenne devraient d’une manière ou d’une autre venir en aide aux États victimes de la spéculation en leur prêtant les capitaux qui leur permettraient de poursuivre les remboursements. Ils ne se sont pas trompés. En collaboration avec le FMI, la Commission européenne a plié et a octroyé via les fonds européen de stabilité financière (FESF) et le mécanisme européen de stabilité (MES) des prêts à certains États membres de l’Eurozone (la Grèce, l’Irlande, le Portugal et Chypre) afin qu’ils puissent en priorité rembourser les banques privées des pays les plus forts de l’UE. Elle n’a donc pas respecté à la lettre l’article 125 du Traité de Lisbonne cité plus haut. Mais elle a respecté l’esprit néolibéral du Traité : en effet le FESF et le MES empruntent sur les marchés financiers les moyens financiers qu’ils prêtent aux États. De plus, des conditions draconiennes sont exigées : privatisations, réductions des salaires et des retraites, licenciements dans les services publics, réduction des dépenses publiques en général, sociales en particulier.

    Petit rappel : tandis que les règlements de l’UE ne permettent pas que la Banque centrale européenne prête aux États de l’UE, la situation est très différente aux États-Unis où la Réserve Fédérale prête en moyenne 40 milliards de dollars par mois à l’administration Obama en achetant des bons du trésor (cela représente 480 milliards de dollars par an). De même, au Royaume Uni qui ne fait pas partie de la zone euro, la Banque d’Angleterre prête massivement au gouvernement britannique. Les règles appliquées dans la zone euro rendent la crise encore plus grave qu’aux États-Unis ou au Royaume Uni.

    Des politiques qui aggravent la crise

    Depuis 2010, les politiques appliquées par la commission européenne et les gouvernements nationaux n’ont fait qu’aggraver la crise et ce plus particulièrement dans les pays les plus faibles de la zone euro. En comprimant la demande publique et la demande privée, les ressorts de la croissance économiques sont réduits à néant ou presque.

    La politique des dirigeants européens n’est pas un échec du point de vue des patrons

    Les dirigeants européens des pays les plus forts et les patrons des grandes entreprises se félicitent de l’existence d’une zone économique, commerciale et politique commune où les transnationales européennes et les économies du Centre de la zone euro tirent profit de la débâcle de la Périphérie pour renforcer la profitabilité des entreprises et marquer des points en terme de compétitivité par rapport à leur concurrents nord-américains et chinois. Leur objectif, au stade actuel de la crise, n’est pas de relancer la croissance et de réduire les asymétries entre les économies fortes et les faibles de l’UE. Ils considèrent en outre que la débâcle du Sud va se traduire par des opportunités de privatisations massives d’entreprises et de biens publics à des prix bradés. L’intervention de la Troïka et la complicité active des gouvernements de la Périphérie les y aident. Le grand Capital des pays de la Périphérie est favorable à ces politiques car il compte bien lui-même obtenir une part d’un gâteau qu’il convoitait depuis des années. Les privatisations en Grèce et au Portugal préfigurent ce qui va arriver en Espagne et en Italie où les biens publics à acquérir sont beaucoup plus importants vu la taille de ces deux économies.

    Considérer que la politique des dirigeants européens est un échec parce que la croissance économique n’est pas de retour, c’est largement se tromper de critère d’analyse. En effet, les objectifs poursuivis par la direction de la BCE, par la Commission européenne, par les gouvernements des économies les plus fortes de l’UE, par les directions des banques et des autres grandes entreprises privées, ce n’est ni le retour rapide à la croissance, ni la réduction des asymétries au sein de la zone euro et de l’UE afin d’en faire un ensemble plus cohérent où serait de retour la prospérité.

    Il ne faut surtout pas oublier un point fondamental : la capacité des gouvernants, qui se sont mis docilement au service des intérêts des grandes entreprises privées, à gérer une situation de crise, voire de chaos, pour agir dans le sens demandé par ces grandes entreprises. Le lien étroit entre les gouvernants et le grand Capital n’est même plus dissimulé. A la tête de plusieurs gouvernements, placés à des postes ministériels importants et à la présidence de la BCE, se trouvent des hommes directement issus du monde de la haute finance, à commencer par la banque d’affaires Goldman Sachs. Certains hommes politiques de premier plan sont récompensés par un poste dans une grande banque ou une autre grande entreprise une fois qu’ils ont accompli leurs bons offices pour le grand Capital. Ce n’est pas nouveau mais c’est plus évident et régulier qu’au cours des 50 dernières années. On peut parler de véritables vases communicants et transparents.

    Les effets sociaux de la crise

    Ce que vivent les salariés et les allocataires sociaux de Grèce, du Portugal, d’Irlande et d’Espagne aujourd’hui a été imposé aux travailleurs des pays en développement à la faveur de la crise de la dette des années 1980-1990. Au cours des années 1980, l’offensive a également visé les travailleurs en Amérique du Nord à partir de la présidence de Ronald Reagan, en Grande-Bretagne sous la férule de Margaret Thatcher, la Dame de fer, et chez ses émules sur le vieux continent. Les travailleurs de l’ex-bloc de l’Est ont également été soumis au cours des années 1990 aux politiques brutales imposées par leurs gouvernements et le FMI. Ensuite, d’une manière certes nettement moins brutale que celle qui a affecté les peuples du tiers-monde (des pays les plus pauvres jusqu’aux économies dites émergentes), l’offensive a pris pour cible les travailleurs d’Allemagne à partir de 2003-2005. Les effets néfastes pour une partie significative de la population allemande se font sentir encore aujourd’hui même si les succès des exportations allemandes |10| limitent le nombre de chômeurs et qu’une partie de la classe ouvrière n’en ressent pas directement les conséquences.

    Au cours de 2012-2013, la crise s’est aggravée en Grèce, en Irlande, au Portugal, en Espagne, en conséquence des politiques d’austérité brutale appliquées par des gouvernants complices des exigences de la Troïka. En Grèce, la chute cumulée du PIB depuis le début de la crise atteint 25%. Le pouvoir d’achat d’une grande majorité de la population a baissé de 30 à 50%. Le chômage et la pauvreté ont littéralement explosé. Alors qu’en mars 2012, tous les grands médias ont relayé le discours officiel qui affirmait que la dette avait été réduite de moitié |11|, la réalité est toute autre : la dette publique grecque qui représentait 130 % du PIB en 2009 et 157 % en 2012 après l’annulation partielle de la dette, a atteint un nouveau sommet en 2013 : 175 % ! Le taux de chômage qui était de 12,6 % en 2010 s’élève à 27 % en 2013 (50 % pour les moins de 25 ans). Au Portugal, les mesures d’austérité sont d’une telle violence et la dégradation économique est si grave qu’un million de Portugais ont manifesté spontanément le 15 septembre 2012, chiffre qui n’avait été atteint que le 1er mai 1974 pour fêter la victoire de la Révolution des œillets. L’échec de la politique d’austérité a provoqué une crise gouvernementale. En Irlande, dont les médias parlent beaucoup moins, le chômage a pris des proportions énormes, conduisant 182.900 jeunes âgés de 15 à 29 ans à quitter le pays depuis que la crise a éclaté en 2008. Un tiers des jeunes qui avaient un emploi avant la crise s’est retrouvé au chômage. Le sauvetage des banques a représenté jusqu’ici plus de 40 % du PIB (près de 70 milliards d’euros sur un PIB de 156 milliards en 2011). Le recul de l’activité économique a atteint 20% depuis 2008. Le gouvernement de Dublin a réaffirmé qu’il supprimerait 37 500 postes de travail dans le secteur public d’ici 2015. En Espagne, le taux de chômage atteint 50% chez les jeunes. Depuis le début de la crise, 350.000 familles ont été expulsées de leur logement à cause des impayés de dette hypothécaire. En 2012, le nombre de familles dont tous les membres sont sans emploi a augmenté de 300 000 pour atteindre un total de 1,7 million, soit 10% de toutes les familles d’Espagne. La situation se dégrade de manière continue dans les pays de l’ancien bloc de l’Est membres de l’UE, à commencer par ceux qui ont adhéré à l’Eurozone.

    Une Europe des peuples et de la solidarité internationale

    Seules de puissantes mobilisations populaires pourront venir à bout de la stratégie des classes dominantes. Il est impératif pour les mouvements populaires de construire une stratégie continentale. Partout, le remboursement de la dette publique est le prétexte invoqué par les gouvernants pour justifier une politique qui s’en prend aux droits économiques et sociaux de l’écrasante majorité de la population. Si les mouvements sociaux et, parmi eux, les syndicats veulent victorieusement affronter cette offensive dévastatrice, il faut prendre à bras le corps la question de la dette publique afin d’enlever au pouvoir son argument principal. L’annulation de la partie illégitime de la dette publique, l’abandon des politiques d’austérité, la taxation massive du grand capital, l’expropriation des banques pour les intégrer à un service public de l’épargne et du crédit, la réduction du temps de travail, la fin des privatisations et le renforcement des services publics sont des mesures essentielles d’un programme alternatif à la gestion capitaliste de la crise |12|. Leur mise en œuvre peut commencer pays par pays mais le processus ne pourra pas s’arrêter aux frontières nationales, il faudra une authentique constituante des peuples d’Europe afin d’abroger une série de traités européens et faire naître une fédération où la garantie des droits humains dans toutes leurs dimensions sera l’objectif principal. Il faudra simultanément pratiquer une politique de rupture avec le modèle productiviste consumériste afin de respecter la nature et ses limites. Émergera au cours de ce processus une Europe des peuples qui remettra à plat ses relations avec le reste du monde en restituant aux populations des autres continents victimes des siècles de pillage et de domination européenne ce qui leur est dû.

    Notes

    |1| Ce texte émane de la conférence donnée par Éric Toussaint le 31 octobre 2013 à la faculté d’ethnologie de l’université de Port au Prince (Haïti) sur le thème de la crise de l’euro. L’auteur remercie Michel Carles pour la prise de notes qui l’ont stimulé dans la rédaction de cet article.

    |2| La zone euro a été créée en 1999 par onze pays : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal. Ils ont ensuite été rejoints par la Grèce en 2001, la Slovénie en 2007, Chypre et Malte en 2008, la Slovaquie en 2009, l’Estonie en 2011 et la Lettonie au 1er janvier 2014.

    |3| http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A...

    |4| Voir notamment http://www.inegalites.fr/spip.php?a... qui contient des données s’arrêtant en 2011 malheureusement.

    |5| Voir Éric Toussaint, « Le couperet sur les acquis sociaux : l’exemple allemand », http://cadtm.org/IMG/pdf/06.pdf

    |6| Article 125 du Traité de Lisbonne (2009) : « L’Union ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un État membre ne répond pas des engagements des administrations centrales, des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre État membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. » (C’est nous qui soulignons.)

    |7| Il s’agit du Traité instituant la Communauté européenne.

    |8| Article 123 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

    |9| Depuis mai 2013, le taux auquel la BCE prête aux banques a été baissé à 0,5%. Il faut ajouter que la BCE a assoupli ses exigences de qualité (notation) des titres apportés par les banques en garantie pour obtenir des liquidités. En effet, le seuil minimal de notation des titres admis par la BCE est supprimé « jusqu’à nouvel ordre »…

    |10| L’Allemagne a connu une croissance économique portée par ses exportations alors que la plupart de ses partenaires de l’UE et, en particulier, de la zone euro ressentent durement la crise. Vu que dans toute l’UE, on assiste à la baisse de la demande des ménages décrite plus haut, à laquelle s’ajoute une réduction de la demande publique, les débouchés pour les exportations allemandes se réduisent nettement. L’effet boomerang sur l’économie allemande est déjà en cours.

    |11| Le CADTM a dénoncé dès le départ l’entreprise de propagande de la Troïka et du gouvernement grec. Voir « Le CADTM dénonce la campagne de désinformation sur la dette grecque et le plan de sauvetage des créanciers privés », http://cadtm.org/Le-CADTM-denonce-l..., publié le 10 mars 2012. Voir également Christina Laskaridis, « La Grèce a déjà fait défaut aux conditions des créanciers ; leur crainte est de voir celle-ci imposer ses propres conditions », http://cadtm.org/La-Grece-a-deja-fa... , publié le 31 mai 2012.

    |12| Pour un développement de ces propositions voir : Damien Millet, Éric Toussaint, « Europe : Quel programme d’urgence face à la crise ? » http://cadtm.org/Europe-Quel-progra..., 10 juin 2012. Voir également : Thomas Coutrot, Patrick Saurin et Éric Toussaint, « Annuler la dette ou taxer le capital : pourquoi choisir ? », http://cadtm.org/Annuler-la-dette-o... Enfin voir : Que faire de la dette et de l’euro ? http://cadtm.org/Que-faire-de-la-de...

    Éric Toussaint, docteur en sciences politiques, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org). Il est l’auteur de Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013. Il a écrit, avec Damien Millet, AAA. Audit Annulation Autre politique, Seuil, Paris, 2012.

     

     

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    3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 18:16

     

     

    tempsreel.nouvelobs.com

     

    Conférences des ex-politiques : jusqu'à 150.000 euros la demi-heure

     

    Publié le 03-11-2013 à 11h43 - Mis à jour à 16h14

    En un an, Nicolas Sarkozy a donné une douzaine de prestations, qui lui auraient rapporté plus de 1 million d'euros. Autre champion du genre : DSK.

     

     

    Le 27 septembre, Nicolas Sarkozy a donné une conférence à Cannes pour le groupe indien Tata. (Valéry Hache/AFP)

    Le 27 septembre, Nicolas Sarkozy a donné une conférence à Cannes pour le groupe indien Tata. (Valéry Hache/AFP)

    Qu'est-ce qui a bien pu attirer François Fillon au Kazakhstan, pays où les principaux médias d'opposition ont été interdits fin 2012 ? Les 8 et 9 octobre, l'ancien Premier ministre a donné une conférence au 8e forum eurasiatique KazEnergy à Astana, la capitale, où il a croisé un autre invité de marque, l'Espagnol José María Aznar. "Le monde est entré dans le siècle des énergies multiples", a déclaré en anglais Fillon, pour un cachet qu'il refuse de communiquer. Le 23 juillet, c'est Jean-François Copé qui s'exprimait à une table ronde "sur le développement africain et ses enjeux économiques" organisée à Brazzaville (Congo) par Forbes Afrique, qui avait déjà attiré l'an passé Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin. Certains ont dit que sa prestation de vingt-cinq minutes, "truffée de banalités", selon un observateur, a été payée 30.000 euros. "Beaucoup moins", a répliqué l'intéressé.

    Sarkozy : plus de 1 million d'euros en un an

    Dans le domaine des conférences comme dans celui du rapport à l'argent, Nicolas Sarkozy a décomplexé la classe politique française. Après sa défaite, l'ancien président a été recruté par le prestigieux Washington Speakers Bureau (WSB), un pionnier du genre depuis les années 1970, où il côtoie Tony Blair, George Bush et le général Colin Powell. En un an, Nicolas Sarkozy a déjà donné plus d'une douzaine de prestations qui lui ont rapporté, selon nos calculs, plus de 1 million d'euros. La dernière en date était à Cannes le 27 septembre pour le compte de l'industriel indien Tata.

    L'activité des "ménages" ne date pas d'hier. Avant même les politiques, les journalistes ont, eux-mêmes, beaucoup pratiqué l'exercice... En leur temps, Valéry Giscard d'Estaing et Raymond Barre s'étaient offert quelques extras. Mais la demande a explosé en provenance des pays émergents, en mal de respectabilité sur la scène internationale. Les conférences sont devenues un véritable business structuré autour de quelques agences phares, dont WSB, GlamSpeak et Plateforme en France.

    DSK : 50.000 à 150.000 euros la demi-heure

    Nos élus, présents ou passés, de Michèle Alliot-Marie à Xavier Bertrand, en passant par Hervé Novelli, Xavier Darcos ou Luc Ferry, y trouvent un moyen aisé d'arrondir leurs fins de mois, même s'ils ne peuvent prétendre toucher entre 150.000 à 300.000 euros la prestation comme Bill Clinton ou Gerhard Schröder. Pour eux, c'est plutôt entre 5.000 et 30.000 euros maximum. La seule exception est Dominique Strauss-Kahn, qui parlera le 31 octobre à Séoul pour le constructeur automobile local Hyundai. Grâce à son anglais parfait et à son expertise financière, il obtient facilement des cachets de 50.000 à 150.000 euros la demi-heure...

    > Lire le dossier "Le business des ex-politiques" :

     

     

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    3 novembre 2013 7 03 /11 /novembre /2013 16:59

     

     

    ccfd-terresolidaire.org

    Paradis Fiscaux : l’infographie du scandale !

     

     

    Les uns après les autres les pays du Nord sont invités à se serrer la ceinture car les caisses sont vides. Pour les populations des pays pauvres, la question dépasse la qualité des services publics. Leur survie est en jeu. Pourtant, au Nord comme au Sud, les hommes produisent des richesses. Mais celles-ci disparaissent dans les paradis fiscaux et ne bénéficient qu’à quelques uns.

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    Paradis Fiscaux : l’infographie du scandale !



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