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Revenus 04/11/2013 à 19h18
Etes-vous riche ou pauvre ? 30 « porte-monnaie » pour vous situer
Vous gagnez plus de 1 712 euros par mois ? La moitié des Français touche moins que vous. Rue89 a classé les revenus d’une trentaine de ménages : comparaisons.
Le bonheur c’est de gagner un euro de plus que son voisin ? Voici venu le temps des comparaisons.
Un dé-quoi ? Un décile
Pour faire simple, on divise le nombre de salariés français par dix et on les classe selon leur salaire. Ainsi, si le premier décile est à 1 170 euros, cela signifie que 10% des salariés gagnent un salaire inférieur à cette somme.
L’Insee a publié le 31 octobre sa mise en perspective annuelle des salaires. En 2011 (il faut un peu de temps pour collecter, trier et nettoyer les données), la rémunération moyenne d’un salarié s’élevait à 2 130 euros net par mois.
Le salaire médian, lui (qui sépare la population salariée en deux, la moitié gagnant plus, l’autre moins) s’établit à 1 712 euros net.
- S vous gagnez moins de 1 170 euros par mois, vous faites partie des 10% les moins bien rémunérés.
- A l’inverse, si vous êtes payés plus de 3 400 euros, vous appartenez aux 10% les mieux rémunérés.
- Pour faire partie du gratin – les 1% les mieux payés –, il faudra afficher une feuille de paie supérieure à 7 817 euros par mois.
Du taulard au trader, en passant par la députée
Le plus instructif est niché au creux de l’étude : l’étalement par décile, qui permet de visualiser les inégalités de salaires.
Pour mettre un peu de chair sur les chiffres, Rue89 a exhumé les « porte-monnaie au rayon X » publiés en 2011. Chaque semaine (ou presque), Rue89 ouvre les comptes d’un volontaire pour faire le point sur ses revenus et ses dépenses.
En 2011, le casting est éclectique. Cela va du taulard sorti du trou au trader scotché à La Défense, en passant par une députée européenne.
Quelques précautions d’usage tout de même. L’Insee parle de salaire mensuel net EQTP (équivalent temps plein) : sont inclus les primes, le treizième mois, mais pas la participation ou l’épargne salariale.
Dans les « porte-monnaie » de Rue89, ce sont les revenus qui sont mis en avant. Nous avons essayé de prendre en compte uniquement le salaire des interviewés mais il a fallu procéder à quelques arrondis. Nos excuses aux puristes.
1 Les galériens du premier décile (moins de 1 170 euros)
Les smicards, les ouvriers, les précaires ou ceux qui ont fait le choix d’un mode de vie alternatif. La France d’en bas comme dirait l’un ; les sans-grades comme dirait l’autre.
Pascal Casanova à Paris, le 28 novembre 2011 (Audrey Cerdan/Rue89)
Plombier de formation, Pascal a beaucoup bourlingué. Du bistrot à la prison, il sort la tête de l’eau et commence à travailler pour les Bâtisseurs d’Emmaüs. Il gagne 735,14 euros net (contrat unique d’insertion) et 130 euros de RSA (revenu de solidarité active).
Ses dépenses ? 600 euros par mois, surtout en courses (300 euros) et en loyer (95 euros). Il ne connaît pas le mot « épargne ».
Certes ce n’est pas un salaire, mais on peut tout de même mentionner la cordée de jeunes (ou moins jeunes) au RSA :
- remonté par les propos de l’ancien ministre Laurent Wauquiez sur l’« assistanat », Kevin, 28 ans, attend un prêt de la banque pour pouvoir réaliser son rêve : être armateur, organiser des croisières. « Dans le rouge de chez rouge », il ne s’en sort pas avec 410,95 de RSA et une indemnité d’élu de 205 euros (il est conseiller municipal Modem à Saint-Nazaire) ;
- Jérémy lance une boîte de promotion d’événements culturels, mais ne parvient pas à se dégager un salaire. Le jeune lyonnais dépend de ses 411 euros de RSA socle et des petits travaux au black. Son compte bascule dans le rouge et, de découverts en prélèvements, il coule ;
- Morgane, 27 ans, se lance dans la création d’une entreprise de mode. Même scénario que pour ses camarades ci-dessus : elle pioche dans son épargne pour solder ses fins de mois. Elle reçoit 413 euros de RSA après avoir démissionné d’un CDI dans une société de prêt-à-porter féminin.
La situation est toute différente pour Djamdaé. Cette mère de huit enfants vivote alors à Mayotte, le 101e département français, gangrené par l’inflation. Les ménages lui rapporte environ 500 euros par mois (non-déclarés), qu’elle dépense presque exclusivement en nourriture. Son fils Kamil, ancien rappeur, s’est mis à la musique reggae, qui a une meilleure image sur l’île.
2 Jeune en apprentissage : deuxième décile (1 305 euros)
Alexandre (DR)
Alexandre, 21 ans à l’époque, est bien seul dans sa catégorie. En apprentissage dans une entreprise toulousaine de télécommunication, il gagne 1 114,56 euros net, à quoi s’ajoute une prime mensuelle de 110 euros. Ses parents lui versent 480 euros par mois.
Entre Brest (ses études) et Toulouse (son boulot), il doit payer deux loyers. Grâce aux APL, il n’a besoin que de 90 euros pour habiter un studio de 27 m2 dans la ville rose. En colocation en Bretagne, il paie 95 euros. Le reste part en courses, sorties et baguettes de batterie...
3 Golden-boy en stage et croque-mort : le troisième décile (1 428 euros)
Deux profils bien différents. D’un côté Clément, jeune trader, crevard de stage, collé à son écran dans les classeurs en béton de la Défense ; de l’autre Charly, croque-mort, « épanoui » dans son métier.
Clément touche 1 400 euros net (indemnité de stage) pour gérer les placements d’une « grande société française ».
Après avoir suivi un cursus « finance d’entreprise » à Lyon, il a travaillé comme un sourd au début de son stage avant de lever le pieds. Pour profiter de la piscine et des macarons servis lors des réunions. Tête froide malgré tout :
« Au départ, j’étais assez excité par tous ces avantages, mais le risque c’est de n’avoir plus de vie en dehors de sa boîte. »
Charly (DR)
Charly, 25 ans, a eu quelques problèmes suite à l’article de Rue89. Il touche alors 1 055,68 euros net, pas mal de primes et un treizième mois (pour un total d’environ 1 320 euros).
Son métier ? « Porte-chauffeur » à Valenciennes (Nord) :
« C’est celui qui s’occupe de la toilette funéraire, qui déshabille le corps, qui le lave, qui l’habille... Mais qui est aussi chargé de transporter le défunt dans le corbillard avant de le présenter aux familles.
On peut nous appeler croque-mort, mais j’aime pas trop ce terme. Je préfère “employé de pompes funèbres”. »
4 Joueur de futsal et cabane au Canada : le quatrième décile (1 559 euros)
Charlotte et Guillaume sur leur balcon (DR)
Charlotte et Guillaume font envie au balcon de leur appartement savoyard (loyer 800 euros).
Elle gagne beaucoup moins que lui, entre 1 200 et 1 500 euros net par mois pour faire la régulation téléphonique au Samu. Guillaume, technicien de maintenance pour une multinationale américaine, draine 1 700 euros net par mois. En faisant la moyenne, on tombe dans ce décile.
Amoureux des grands espaces, ils ont acheté en 2009 un petit chalet de 45 m2 au bord d’un lac au Québec. Coût : 60 000 euros.
« On y va tous les ans, des amis nous aident à le louer de temps en temps (300 dollars canadiens la semaine). On a décidé de le mettre en vente pour financer un nouveau projet : équiper un 4x4 pour voyager en autonomie. »
Dans la même fourchette : Alexandre, 26 ans. Considéré à l’époque comme le meilleur joueur de futsal, il est l’un des rares à vivre de son sport.
Alexandre Teixeira (DR)
Avec son salaire d’éducateur sportif et les primes de match, le jeune homme touche 1 513 euros par mois. Un salaire loin de ceux en vigueur dans le football professionnel (en L1, le salaire moyen est de 34 880 euros). Conscient qu’il faudra un jour se recycler, il prévoit de reprendre la brasserie de son père.
« Je suis limite à chaque fin de mois. Je savais dès le départ que ce n’est pas en faisant du futsal que je deviendrais riche. Je suis souvent dans le rouge. Je ne gagne pas une fortune et en plus, je dois avouer que je suis un gros dépensier !
Mais je ne me plains pas. Cela reste mieux que d’aller à l’usine. Je peux en vivre, et c’est une chose rare dans le milieu. »
5 Petit patron, salarié et comédien : le cinquième décile (1 712 euros)
On monte un peu en gamme. Arthur veut rester discret. Torréfacteur, à la tête d’une petit boutique de café dans l’est de la France, il souhaite montrer que la « vie d’un chef d’entreprise n’est pas toujours rose » et qu’il est obligé de « truander l’Etat ».
Les « comptes » d’Arthur (Martin Untersinger)
En 2010, il a gagné 39 000 euros et n’en a déclaré que 26 000. Chaque mois, Arthur se dégage un salaire de 1 600 euros.
« “Truander”, c’est toute la différence entre pouvoir acheter sa maison, payer ses travaux et ne pas pouvoir faire de projets. Et je n’ai pas de voiture, pas de portable et pas d’enfants. Sinon, je serais beaucoup moins à l’aise. »
Il y a aussi Franck. Le trentenaire s’occupe d’une cave à vin dans un restaurant parisien et pense être un « privilégié ». Avec 1 700 euros net, il approche du salaire médian (1712 euros en 2011).
« Je n’ai pas fait d’études. J’ai toujours joué la carte du culot et j’ai toujours eu des postes à responsabilité. »
Dimitri, 22 ans, ex-étudiant en agriculture à Nantes, a atterri dans l’audiovisuel. Pour une chaîne dont il tait le nom, il s’occupe d’écrire les conducteurs (le déroulé des publicités entre les différents programmes de la chaîne). 1 560 euros net mensuel.
Alexia (DR)
Comédienne inquiète et standardiste, Alexia cumule un salaire net et stable (769,87 euros) et des cachets de tournages (860 euros en moyenne). Elle peut gagner beaucoup plus, mais c’est très aléatoire :
« Je suis inscrite dans plusieurs agences qui me trouvent des castings pour de la publicité. Pour les téléfilms ou les films, mon agent m’envoyait les propositions.
Mon salaire peut monter à 4 000 euros par mois, comme c’était le cas il y a quelques années. »
6 Fonctionnaire footeuse : le sixième décile (1 902 euros)
Adepte du foot féminin, Laëtitia Tonazzi joue dans l’équipe de football de Juvisy (dans le haut du tableau de la première division). Ses revenus sportifs ? 191 euros de la part du club et 188 euros de subvention du conseil général de l’Essonne (on les a comptés, même si ce ne sont pas stricto-sensu des salaires).
Elle a trouvé un poste au conseil général. Fonctionnaire territoriale de catégorie C, elle a un salaire de 1 380 euros (avec des primes de 134 euros par mois)
Laëtitia Tonazzi dans son bureau au conseil général de l’Essonne le 3 octobre 2011 (Yann Bouchez)
7 Cadre sobre, pompier, marin et assistante parlementaire : le septième décile (2 156 euros)
Ça commence à se débrouiller très, très bien. Du bobo, du cadre et de la fin de carrière.
Après ses études à Grenoble, Alix rêvait d’être journaliste. Elle s’est finalement orientée vers la communication. Un peu écolo dans l’âme, elle a demandé à réduire de 10% son temps de travail pour ralentir le temps. Elle touche du coup un peu moins qu’auparavant : 1 750 euros net (soit 1 944 euros en équivalent temps plein).
« S’épanouir dans la vie, c’est avoir du temps pour soi : je skie, je bricole, je prends l’air. »
Alexis, caporal-chef des sapeur-pompiers dans les Ardennes, touche 1 934 euros net (en comptant par mal de primes : l’indemnité de feu, de responsabilité, le supplément familial...).
« On monte vite, mais ça stagne vite ».
Il prépare à l’époque le diplôme de sergent. Il peut finir adjudant-chef en fin de carrière, pour un salaire de 2 600 euros. Avant de rejoindre la caserne, il travaillait dans une usine :
« Je me disais que je rendrais service aux gens, que j’aurais plus de copains au boulot, et que le rythme 24 heures de travail/deux jours de repos serait plus confortable. »
Thérésa (Mathieu Deslandes/Rue89)
Assistant parlementaire, Thérésa, 28 ans, reçoit 2 100 euros par mois de son député, ami de ses parents. Son loyer (830 euros) et la danse (229 euros) sont ses plus gros postes de dépenses.
Elle se défend :
« Je n’ai pas l’impression d’être une sangsue de la République. »
A mi-chemin entre Quimper et Brest, Ludovic est marin. Employé depuis dix ans dans la marine nationale pour un salaire net de 1 789,34 par mois. En plus de son salaire de base, Ludovic touche des primes variables : 250 euros par mois. Il veut prouver que « c’est possible de bien vivre et même d’épargner », avec un salaire et cinq personnes à charge (trois enfants et sa femme).
Marie et Ludovic dans leur jardin en Bretagne (Marie Kostrz/Rue89)
8 Personne dans le huitième décile (2 569 euros)
Honte, personne n’est dans cette catégorie. Si c’est là que vous vous trouvez, c’est ici que ça se passe.
9 Le poker, la Suisse ou le bureau : le neuvième décile (3 400 euros)
Tu peux t’estimer heureux. C’est de la fin de carrière ou du début sur les chapeaux de roues. Là on a définitivement quitté le boulot manuel. Le bureau est ton univers.
Avec toi, il y a Guillaume, 29 ans, avocat, juste marié. Sur son compte, tombent chaque mois 3 200 euros net (après avoir retiré des dépenses comme ses déjeuner du midi). Sa femme gagnant 1 750 euros net par mois, il paie, grand seigneur, un peu plus pour les dépenses. Et épargne tout de même 1 406 euros par mois…
Simon (DR)
Ce n’est pas du salaire, mais du gain de jeu. Simon joue au poker sur Internet.
« Je sais que je ne sers à rien. Je suis totalement improductif. A l’arrivée, je n’ai pas construit une table ou une chaise. Mais j’ai besoin d’argent. »
En moyenne, il brasse 3 000 euros par mois. C’est réalisé par un professionnel, n’essayez pas chez vous.
Mieux vaut partir en Suisse. Rejoindre Claire et les 54 100 frontaliers qui vivent en France mais travaillent en de l’autre côté de la frontière, dans le canton de Genève. « Technicienne supérieure de laboratoire », elle gagne 3 403 euros net et revient les dépenser en France.
« En Suisse, la vie est plus chère. Si je vivais là-bas avec mon salaire, je n’aurais pas le même train de vie. »
Consultant informatique dans le secteur bancaire, Laurent est le mage du tableur Excel. Il a une maîtrise chirurgicale de son budget. C’est un cérébral qui bouffe du chiffre, à la maison comme au boulot. Chaque euro est localisé. Salaire : 3 045 euros. Primes : 290 euros.
Alexandra est « contrôleur interne » dans l’industrie pharmaceutique. Avant de crier au « bullshit job », lire son explication :
« Je vérifie le respect de la réglementation et des processus internes. Le code de la santé publique est très strict, mais le labo, américain, l’est encore plus. Par exemple, quand on organise un congrès, je regarde si les intervenants ne dépassent pas la limite de rémunération, si les médecins qui viennent assister ne sont pas intéressés financièrement, je vérifie les déclarations au Conseil de l’ordre... »
Pour cela, elle gagne un salaire net de 2 865 euros par mois et des primes (dont la participation et l’épargne salariale, non prises en compte par l’Insee).
10 Le gratin du dixième décile (7 817 euros)
C’est Dallas. Là on tape dans le très gros poisson. Le type de personne que tu voudrais épouser pour ne plus prendre le métro. En plus, ils sont tous beaux.
Jérôme à Paris, en octobre 2011 (Emilie Brouze/Rue89)
Sans surprise, du cadre et de l’entrepreneur. Jérôme qui travaille à la Défense. David, trentenaire coolos parti s’enrichir sur un confetti de l’archipel indonésien. Et puis, un peu étonnée d’être-là, Karima Delli, députée écolo au Parlement européen.
Commercial pour un « grand groupe français », Jérôme a sauté plusieurs échelons en passant par Sciences-Po Grenoble. De famille plutôt modeste (père éducateur spécialisé, mère infirmière), il se sait « parmi les 5% de Français les plus fortunés ». Il touche 3 310 euros net, plus un treizième mois et des primes importantes (1 000 euros net par mois).
Faute de patrimoine, il explique :
« Je suis riche sans l’être. »
David à Paris, le 30 août (Sophie Verney-Caillat/Rue89)
Si vous allez sur l’île de Gili Trawangan, en Indonésie, vous engraisserez David. « Bac -3 », cet entrepreneur en tee-shirt a ouvert un hôtel, un deli, un bar restaurant, un glacier. Pour arrondir ses fins de moi, il loue de temps en temps sa maison. Bon, il gagne tout de même 29 886 euros par mois (en juillet, saison haute). Pas un salaire, plutôt un revenu. Et une philosophie de vie plutôt détendue :
« Le but, c’est de mettre un manager et de ne s’occuper de rien. »
La députée européenne Karima Delli n’appréciera sûrement pas de se retrouver en si bonne compagnie. Ce n’est pas un salaire, mais une indemnité, pas un métier, mais une fonction. Reste qu’elle touche 6 080,33 euros et des indemnités journalières, s’élevant à 2 500 euros par mois. Précisons tout de même qu’elle verse une contribution mensuelle de 1 800 euros à Europe Ecologie - Les Verts.
« Je gagne très bien ma vie, je n’ai pas à me plaindre. Et je ne verrais pas de problèmes à ce que l’on gagne un peu moins en tant que député européen : entre 3 500 et 4 000 euros. Je serais déjà contente. »
Karima Delli dans les bureaux du Parlement Européen à Paris, en janvier 2011 (Audrey Cerdan/Rue89)