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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 20:03

CADTM

 

cadtm.org

 Bancocratie : de la république de Venise à Mario Draghi et Goldman Sachs

10 novembre par Eric Toussaint

 


Du 12e au début du 14e siècle, l’Ordre des Templiers, présent dans une grande partie de l’Europe, s’est converti en banquier des puissants et a contribué à financer plusieurs croisades. Au début du 14e siècle, il est devenu le principal créancier du roi de France, Philippe le Bel. Face au poids d’une dette qui grevait ses ressources, Philippe le Bel s’est débarrassé de ses créanciers et, par la même occasion, de sa dette en diabolisant l’Ordre des Templiers, l’accusant de multiples crimes |1|. L’Ordre a été interdit, ses chefs exécutés et ses biens confisqués. Il manquait un État et un territoire à l’Ordre des Templiers pour faire face au roi de France. Son armée (quinze mille hommes dont mille cinq cents chevaliers), son patrimoine et ses créances sur les dirigeants ne l’ont pas protégé de la puissance d’un Etat décidé à éliminer son principal créancier.

À la même époque (11e – 14e siècles), les banquiers vénitiens financent aussi des croisades et prêtent de l’argent aux puissants d’Europe, mais ils manœuvrent beaucoup plus habilement que l’Ordre des Templiers. A Venise, ils prennent la tête de l’État en lui donnant la forme d’une république. Ils financent la transformation de Venise, cité-État, en un véritable empire comprenant Chypre, l’Eubée (Négrepont) et la Crète. Ils adoptent une stratégie imparable pour s’enrichir durablement et garantir le remboursement de leurs créances : ils décident eux-mêmes d’endetter l’État vénitien auprès des banques qu’ils possèdent. Les termes des contrats de prêts sont définis par eux puisqu’ils sont à la fois propriétaires des banques et dirigeants de l’État.

Alors que Philippe le Bel avait intérêt à se débarrasser physiquement de ses créanciers pour se libérer du poids de la dette, l’État vénitien remboursait rubis sur l’ongle la dette aux banquiers, qui eurent d’ailleurs l’idée de créer des titres de la dette publique qui pouvaient circuler d’une banque à l’autre. Les marchés financiers commençaient alors à se mettre en place |2|. Ce type d’emprunt est le précurseur de la forme principale d’endettement des Etats tel qu’on le connaît au 21e siècle.

Sept siècles après l’écrasement de l’Ordre des Templiers par Philippe le Bel, aujourd’hui les banquiers d’Europe, tout comme leurs prédécesseurs vénitiens ou génois, n’ont manifestement pas d’inquiétude à avoir à l’égard des gouvernements en place.

Les États nationaux et le proto-État qu’est l’Union européenne d’aujourd’hui sont peut-être plus complexes et sophistiqués que les Républiques de Venise (ou de Gênes) du 13 au 16e siècle, mais ils sont tout aussi crûment les organes d’exercice du pouvoir de la classe dominante, le 1% opposé aux 99%. Mario Draghi, ancien responsable de Goldman Sachs en Europe, dirige la Banque centrale européenne. Les banquiers privés ont placé leurs représentants ou leurs alliés à des postes clés dans les gouvernements et dans les administrations. Les membres de la Commission européenne sont très attentifs à la défense des intérêts de la finance privée, et le lobbying que les banques exercent auprès des parlementaires, des régulateurs et des magistrats européens est d’une efficacité redoutable.

Si une poignée de grandes banques capitalistes occupe le devant de la scène ces dernières années, cela ne doit pas cacher le rôle des grandes entreprises privées de l’industrie et du commerce, qui usent et abusent de leur proximité avec les structures étatiques de manière tout aussi habile que les banquiers. L’interconnexion et l’imbrication inextricables entre les États, les gouvernements, les banques, les entreprises industrielles et commerciales, et les grands groupes privés de communication constituent d’ailleurs une des caractéristiques du capitalisme, dans sa phase actuelle comme dans les précédentes.

Effectivement, dès la victoire du capitalisme comme mode de production et comme formation sociale dominante, le pouvoir est exercé par les représentants des grands groupes privés et leurs alliés.

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CC - World Economic Forum

D’un point de vue historique, le New Deal initié par le président Roosevelt en 1933 et les trente années qui ont suivi la 2e guerre mondiale apparaissent comme une parenthèse pendant laquelle la classe dominante a dû faire des concessions, certes limitées mais réelles, aux classes populaires. Les grands patrons ont dû dissimuler quelque peu leur emprise sur l’État. Avec le tournant néolibéral entamé dès la fin des années 1970, ils ont abandonné la discrétion. Les années 1980 mettent sur le devant de la scène une classe dominante complètement désinhibée qui assume et affiche avec cynisme la course au profit et l’exploitation généralisée des peuples et de la nature. La formule, tristement célèbre, de Margaret Thatcher « There is no alternative » marque jusqu’à aujourd’hui le paysage politique, économique et social, à travers des attaques violentes des droits et des conquêtes sociales. Mario Draghi, Angela Merkel, Silvio Berlusconi (grand patron italien), José Manuel Barroso apparaissent comme des figures emblématiques de la poursuite du projet thatchérien. La complicité active des gouvernements socialistes (de Schröder à Hollande en passant par Blair, Brown, Papandreou, Zapatero, Socrates, Letta, Di Rupo et bien d’autres) montre à quel point ils se sont insérés dans la logique du système capitaliste, à quel point ils font partie du système tout comme Barack Obama de l’autre côté de l’Atlantique. Comme l’a affirmé le milliardaire américain Warren Buffett : « C’est une guerre de classes, et c’est ma classe qui est en train de gagner ».

Le système de la dette publique tel qu’il fonctionne dans le capitalisme constitue un mécanisme permanent de transfert de richesses produites par le peuple vers la classe capitaliste. Ce mécanisme s’est renforcé avec la crise commencée en 2007-2008 car les pertes et les dettes des banques privées ont été transformées en dettes publiques. Sur une très vaste échelle, les gouvernements ont socialisé les pertes des banques afin qu’elles puissent continuer à faire des bénéfices qu’elles redistribuent à leurs propriétaires capitalistes.

Les gouvernants sont les alliés directs des grandes banques et mettent à leur service les pouvoirs et les deniers publics. Il y a un va et vient permanent entre les grandes banques et les gouvernements. Le nombre de ministres des Finances et de l’Économie, ou de premiers ministres, qui proviennent directement des grandes banques ou qui y vont quand ils quittent le gouvernement ne cesse d’augmenter depuis 2008.

Le métier de la banque est trop essentiel à l’économie pour être laissé dans les mains du secteur privé, il est nécessaire de socialiser le secteur bancaire (ce qui implique son expropriation) et de le placer sous contrôle citoyen (des salariés des banques, des clients, des associations et des représentants des acteurs publics locaux), car il doit être soumis aux règles d’un service public |3| et les revenus que son activité génère doivent être utilisés pour le bien commun.

La dette publique contractée pour sauver les banques est définitivement illégitime et doit être répudiée. Un audit citoyen doit déterminer les autres dettes illégitimes ou/et illégales et permettre une mobilisation telle qu’une alternative anticapitaliste puisse prendre forme.

La socialisation des banques et l’annulation/répudiation des dettes illégitimes doivent s’inscrire dans un programme plus large |4|.

Comme pendant la république de Venise, aujourd’hui dans l’Union européenne et dans la majorité des pays les plus industrialisés de la planète, l’État est en osmose avec la grande banque privée et rembourse docilement la dette publique. Le non remboursement de la dette illégitime, la socialisation de la banque ainsi que d’autres mesures vitales seront le résultat de l’irruption du peuple comme acteur de sa propre histoire. Il s’agira de mettre en place, sous un contrôle populaire actif, un gouvernement aussi fidèle aux opprimés que les gouvernements de Merkel et de Hollande le sont aux grandes entreprises privées. Un tel gouvernement du peuple devra faire des incursions dans la sacro sainte grande propriété privée pour développer les biens communs tout en respectant les limites de la nature. Ce gouvernement devra également réaliser une rupture radicale avec l’État capitaliste et éradiquer toutes les formes d’oppression. Une authentique révolution est nécessaire.

Notes

|1| Voir David Graeber, Dette 5000 ans d’Histoire, Paris, Les liens qui libèrent, 2013 ; Thomas Morel et François Ruffin, Vive la Banqueroute !, Paris, Fakir Editions, 2013.

|2| Fernand Braudel, Civilisation matérielle, économie et capitalisme. XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Collin, 1979 ; David Graeber, Dette 5000 ans d’Histoire, Paris, Les liens qui libèrent, 2013.

|3| Le secteur bancaire devrait être entièrement public à l’exception d’un secteur coopératif de petite taille avec lequel il pourrait cohabiter et collaborer.

|4| Voir Damien Millet et Eric Toussaint, « Europe : Quel programme d’urgence face à la crise ? », http://cadtm.org/Europe-Quel-progra..., publié le 10 juin 2012. Voir également : Thomas Coutrot, Patrick Saurin et Éric Toussaint, « Annuler la dette ou taxer le capital : pourquoi choisir ? », http://cadtm.org/Annuler-la-dette-o... publié le 28 octobre 2013. Enfin voir : Que faire de la dette et de l’euro ? http://cadtm.org/Que-faire-de-la-de... publié le 30 avril 2013.

Eric Toussaint, docteur en sciences politiques, est président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org) et membre du conseil scientifique d’ATTAC. Il est l’auteur de Bancocratie, Edition Aden, Bruxelles, 2013 et de Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante, Marseille, 2013. Il a écrit, avec Damien Millet, AAA. Audit Annulation Autre politique, Seuil, Paris, 2012.
L’auteur remercie Pauline Imbach, Stéphanie Jacquemont, Damien Millet et Claude Quémar pour leurs conseils.

 

 

 

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 18:52

 

 

reporterre.net

 

Le système français de gestion de l’eau se dégrade rapidement

Jean-Claude Oliva

samedi 9 novembre 2013

 

 

 

 

Le rapport d’évaluation de la politique de l’eau en France, publié par le député Michel Lesage, dresse un bilan accablant de la situation. Mais les mesures proposées restent cosmétiques face à la crise structurelle du modèle français de l’eau.

 


 

En juin 2013, le député Michel Lesage (PS, Côtes d’Armor), a publié un rapport sur la politique de l’eau en France.

Dès la préface, il pose les limites de son exercice. Exemple significatif, « les activités agricoles, note le rapporteur, sont à l’origine de pollutions dans certaines régions et mobilisent les réserves d’eau l’été pour irriguer les cultures ». Mais ce constat posé, il renvoie dos à dos deux positionnements antagoniques : « ceux qui souhaitent conditionner les aides agricoles aux changements de pratiques » et « ceux qui considèrent que les agriculteurs en situation de crise subissent déjà des règles, normes et zonages environnementaux excessifs ».

 

Lire le rapport

 

Cette absence de choix ne débouche sur rien de tangible : « affirmer une volonté et une mobilisation collective » en prenant... la Bretagne comme le bon exemple à suivre ! Pourtant la qualité de l’eau est particulièrement dégradée dans cette région où de nombreux captages d’eau potable ont dû être fermés ces dernières années. C’est la manifestation criante de l’échec du modèle français de l’eau, dénoncée par ailleurs par M. Lesage.

Celui-ci envisage cependant « une plus grande conditionnalité des aides et une fiscalité incitative » avec des propositions qui concernent les engrais azotés mais ne s’attaquent... ni aux pesticides, ni aux porcheries industrielles (dont le gouvernement a allégé le régime d’autorisation). A la décharge de M. Lesage, on notera qu’il est député des Côtes d’Armor, un département comptant neuf fois plus de cochons que d’habitants humains : ceci explique-t-il cela ?

Le modèle français de l’eau a atteint ses limites

La crise du modèle français de l’eau tient en trois constats mis en évidence par M. Lesage et un quatrième qu’il occulte et sur lequel nous reviendrons.

Premier constat : « la qualité de l’eau ne cesse de se dégrader et les pollutions de se multiplier » dénonce le rapport. Et côté quantité, ce n’est pas mieux : « les conflits d’usages s’intensifient ».

La deuxième partie du rapport, consacrée à la mise en œuvre de la directive cadre sur l’eau, constitue un brûlot. Selon l’engagement contenu dans la loi Grenelle 2, deux tiers des masses d’eau devraient atteindre un bon état écologique en 2015, mais ce ne sera le cas que pour 41,5% des eaux de surface. En outre, les résultats présentés par la France sont sujets à caution : la Commission européenne y relève des lacunes importantes, souligne le rapport. A rapprocher de la quasi absence de contrôle concernant les nitrates, pointée par un autre rapport en février 2013 : dans les zones sensibles, seulement 1% des exploitations par département font l’objet d’un contrôle !

Deuxième constat, le financement est en crise. « Les déséquilibres structurels dans le financement de la politique de l’eau ne sont pas tenables à terme ». Les recettes reposent quasi exclusivement sur la facture des usagers et sont en régression du fait de la baisse de consommation d’eau potable. Alors que les besoins de financement sont considérables : la production d’eau potable à partir d’eaux de plus en plus polluées, le traitement plus lourd des eaux usées avant leur rejet dans le milieu naturel, la prise en charge des eaux pluviales, la préservation de la ressource, la protection contre les inondations accroissent les dépenses.

Le rapporteur raisonne dans le cadre du système actuel, il n’envisage pas d’alternatives qui pourraient renverser la donne en matière de production d’eau potable, d’eaux pluviales ou d’assainissement...

Les charges des services publics de l’eau et de l’assainissement reposent en majorité sur les consommateurs (69 %), pour l’essentiel les usagers domestiques, puis sur les contribuables (13 %) via les subventions accordées et enfin sur les générations futures (18 %) via l’emprunt. La facture des ménages ne pourra pas indéfiniment tout financer, surtout s’il s’agit de payer la dégradation de la qualité des eaux et le retraitement des eaux usées.

 

 

Le recouvrement intégral des coûts, qui comprend les dividendes versés aux actionnaires des multinationales de l’eau, n’est pas remis en cause par le rapporteur, qui souhaite toutefois qu’il ne soit pas supporté exclusivement par l’usager.

Quelques constats bien sentis concernent les agences de l’eau et le principe du pollueur payeur qui n’est pas appliqué aux activités agro-industrielles. Les rééquilibrages opérés par les comités de bassin pour la période 2013-2018 demeurent dérisoires. Ceux qui prélèvent le plus, qui plus est au moment où la ressource eau est la plus rare, payent la redevance la plus faible ! (En Adour Garonne, c’est huit fois moins que l’usage domestique.)

Mais là encore, ces pages impitoyables ne débouchent sur rien. « Il faut repenser notre modèle économique... ces questions doivent être débattues » ; « un grand débat national doit être lancé »... Des orientations très générales pour « encourager les mesures préventives, développer une fiscalité écologique, rechercher des dispositifs innovants » sont relèvent d’un catalogue de bonnes intentions plus que d’un programme de mesures. La réflexion sur le financement se termine par une attaque en règle contre toute tarification progressive, derrière un pauvre argumentaire "technique" qui cache mal son parti pris idéologique.

Démocratie ou État fort ?

Troisième constat, "la démocratie de l’eau reste à construire". Non seulement les usagers citoyens et leurs associations sont marginalisés dans la gestion de l’eau, un constat que les associations font depuis longtemps, mais le rapport met en évidence que les élus ne s’y retrouvent pas non plus. Le rapport pointe le hiatus existant entre l’organisation par bassins hydrographiques et l’organisation politique territoriale.

Concernant plus particulièrement les usagers citoyens, la création d’un quatrième collège au sein des agences de l’eau est proposée, une mesure qui va dans le bon sens mais qui ne change pas grand chose au système. Des mesures de toute autre nature et ampleur sont nécessaires.

Actuellement, à tous les niveaux, de la commune aux agences de l’eau, les représentants des usagers sont désignés... par l’autorité (maire, président d’agglo ou préfet selon les cas). Du coup, la tendance générale est à placer ses amis ou en tout cas, les moins gênants. Il y aurait là matière à une belle réforme...

Autre exemple, les grandes décisions qui impactent l’eau (privatisation ou retour en régie, construction d’un barrage ou d’une centrale nucléaire...) ne devraient-elles pas faire l’objet d’une consultation systématique de tous les habitants concernés ? De nombreux exemples existent en Europe : du référendum contre les lois de privatisations de l’eau en Italie, aux multiples référendums locaux et votations citoyennes à Berlin et dans d’autres villes allemandes, à Madrid, etc. A chaque fois, les citoyens répondent massivement présents pour défendre le bien commun.

De façon étonnante, malgré une ode à la démocratie, le rapport plaide pour... un État fort ! Pourtant on a vu avec le scandale de l’ONEMA en début d’année, l’incapacité de l’État à assurer la collecte et l’organisation des données sur l’eau. Si on considère que ces données font doublement partie du bien commun, car elles relèvent à la fois des connaissances et de l’eau, il faut envisager que d’autres acteurs (citoyens, associations, collectivités) soient associés à leur gestion, plutôt que renforcer encore le rôle de l’État, responsable de leur perte.

Concrètement le renforcement de l’État se résume pour M. Lesage à la création d’une « autorité nationale de l’eau » !

Un genre d’autorité qui sert à réguler la marché quand l’État renonce à réglementer. Plus que d’un État fort, il s’agit de la consécration du marché. En outre, cette proposition semble désuète, à l’heure où la pléthore d’autorités administratives indépendantes en France, conduit au regroupement voire à la suppression de certaines d’entre elles.

Un constat occulté


 

Enfin le dernier constat, occulté par notre rapporteur, la privatisation à la française qui consiste à confier l’exploitation des services publics de l’eau et de l’assainissement à des entreprises, et qui a fait la fortune des deux multinationales Veolia et Suez, est mise à mal.

Au départ porté par des associations d’usagers ulcérés par les hausses de tarifs exorbitantes, la contestation s’est étendue à de nombreux citoyens et élus et à des sujets nouveaux : transparence, gestion saine des collectivités, démocratie... Paris, siège des deux multinationales, est revenu à une gestion publique en régie, le 1er janvier 2010, pour le plus grand bien de ses habitants. Et de nombreuses villes ont fait de même, en France et dans le monde.

Il s’agit bien de politique de l’eau, car la privatisation s’est faite au niveau local, sur décision des maires, et se défait aujourd’hui de la même façon, sous la pression des citoyens. Mais visiblement, cela reste encore tabou pour une évaluation officielle de la politique de l’eau.

La crise du modèle français de l’eau est patente, ce ne sont plus seulement les activistes de l’eau bien commun qui le disent, mais un rapport officiel au premier ministre ; il faut dorénavant partir des constats critiques et partagés qui sont faits, pour favoriser des alternatives de fond.

 


 

Source : Jean-Claude Oliva pour Reporterre. Jean-Claude Oliva participe à la Coordination eau Ile-de-France.

Dessin : Street Télé virtuelle

Photos :
. Eaux usées : So people
. Régie publique : City local news.

Lire aussi : L’Etat opère un hold-up sur les ressources de la protection de l’eau

 

 

 

 

 

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 18:23

 

marianne.net

 

La crise qui vient sera épouvantable
Samedi 9 Novembre 2013 à 10:00

 

Propos recueillis par Bertrand Rothé

 

L'un des rares économistes à avoir prévu la crise de 2008, François Morin, débat avec François Ruffin, auteur de "Vive la banqueroute !", des alternatives politiques possibles. Tandis que le premier pense que l'issue ne pourra se trouver qu'au niveau international, l'autre croit à des solutions nationales.

 

La ruée vers l'or, de Charlie Chaplin (1925) - Un repas réduit à une vieille semelle pour Charlot
La ruée vers l'or, de Charlie Chaplin (1925) - Un repas réduit à une vieille semelle pour Charlot
Marianne : Vos points de vue partent de la même constatation. Nous venons de vivre une crise exceptionnelle, comparable à celle de 1929, et vous vous attendez à une accélération de celle-ci. Maintenez-vous que, dans quelques mois, au plus quelques années, les Etats seront incapables de faire face au paiement de la dette ?

François Morin : Exactement, la dette est devenue insoutenable dans tous les grands pays développés. On est en situation de précrise, et je pense que nous pouvons tous les deux être d'accord sur ce constat initial. Mais la crise qui va survenir sera encore plus violente que la précédente. L'effet domino risque de jouer plus rapidement à cause des CDS [credit default swaps], la contagion va être en effet presque instantanée. Ces CDS sont des assurances titrisées qui garantissent les dettes des banques ou des Etats. Dès qu'un pays va avoir un incident de paiement, leurs titulaires vont demander aux banques qui les ont émises de les honorer.

Evidement, ces assureurs-banquiers ne vont pas pouvoir faire face et les faillites vont alors se succéder. Lorsque Lehman Brothers a fait faillite, les détenteurs de CDS qui garantissaient la dette de la banque les ont fait jouer. Ces sommes étaient importantes. Ils se sont entre autres tournés vers AIG [American International Group, un des leaders mondiaux de l'assurance] et ont exigé 175 milliards de dollars à l'assureur, le contraignant quasiment à la faillite. Ce dernier n'a dû son salut qu'à l'intervention de l'Etat américain. Aujourd'hui, les Etats sont exsangues : en cas de crise, ils ne pourront plus agir de même.

Cela nous laisse assez peu d'espoir !

François Morin : Il faut à tout prix supprimer ce genre de produits financiers, et cela ne peut se faire qu'à travers une réforme profonde du système monétaire international. Il faut revenir à un système de type Bretton Woods, de parités fixes, où les Etats maîtrisent les taux de change et les taux d'intérêt. C'est la fin de ce système, en 1971, et la libération qui a suivi, synonyme d'abandon de souveraineté des Etats sur ces taux, qui a entraîné l'explosion des produits dérivés dont les CDS sont une des composantes les plus toxiques. Ces titres alimentent l'activité spéculative des banques au détriment de l'activité de crédit.

Il faudrait un sursaut, que des responsables politiques, idéalement appuyés par un mouvement social, se dressent contre cette situation pour exiger une régulation qui ne peut être que mondiale. Où sont les Churchill, Roosevelt ou de Gaulle aujourd'hui ? Le vrai problème est que les Etats-Unis refusent d'aborder la question monétaire, on l'a bien vu dans les dernières réunions du G20.

Donc il n'y a pas d'alternative, pour reprendre un mot tristement célèbre ?

François Ruffin : Je ne suis pas un économiste, donc je ne suis pas prophète. [Rires.] Avant de deviser sur l'avenir, je regarderai donc l'histoire récente, non comme technicien mais comme citoyen. Que s'est-il passé ? En 2008, nous avons connu une crise financière majeure. Les banquiers, les libéraux venaient eux-mêmes battre leur coulpe sur la place publique : « Ce système est fou... C'est notre faute... On ne recommencera pas... »

On se serait cru dans l'après-guerre, en 1918 : promis, juré, cette crise, c'était la « der des ders ». Or, cinq ans après, que voit-on ? Tel le sphinx renaissant de ses cendres, leur système s'est remis sur pied. La faute à qui ? Est-ce parce qu'ils sont trop forts, ou est-ce parce que nous sommes trop faibles ? Avec le recul, je pense que notre responsabilité, celle des citoyens, des syndicats, de la gauche, est lourde. Pour une raison, notamment : nous sommes entrés dans la crise sans avoir des idées claires, décidées, sur un projet dissident.

Le peuple, au printemps 2009, est descendu dans la rue, avec trois grandes manifestations, plus de 1 million de personnes. Mais avec quel slogan ? «Nous ne paierons pas leur crise». Ça ne veut rien dire, « nous ne paierons pas leur crise », c'est complètement creux, c'est assez consensuel pour s'épargner les sujets qui fâchent : fallait-il, ou non, payer la dette ? Etait-on prêt, ou pas, à sortir de l'euro ? Souhaitait-on, contre le libre-échange, recourir à des barrières douanières ? Ces trois questions, décisives, le mouvement social ne les avait pas tranchées. Alors, avant une nouvelle débâcle, que François Morin nous annonce, la priorité du moment me semble d'en discuter, pour les trancher. Et que les esprits soient préparés pour affronter les futures secousses.

A défaut de connaître l'avenir, on peut s'appuyer sur l'histoire. L'endettement de l'Etat, c'est un problème récurrent, en France (et ailleurs), depuis sept siècles. La solution la plus courante, c'est la banqueroute. Toujours partielle : l'Etat cesse de payer une partie de ses dettes. Il en fut ainsi de Philippe le Bel avec les Templiers, mais aussi de François II avec les banquiers italiens, de Sully avec les Suisses, de Colbert avec les 494 plus gros oligarques du royaume, de la Révolution française avec les Genevois, etc.

Cette réponse a aussi été mise en œuvre en Islande...

François Ruffin : Oui, et avec un certain succès, si on veut bien comparer l'orthodoxe Irlande avec cette hérétique Islande. Eux ont utilisé trois outils. Le premier, c'est un défaut partiel ; les dettes ne sont pas payées. Le deuxième, c'est une dévaluation. Le troisième, c'est l'inflation. Autant d'issues qui, aujourd'hui, nous sont interdites par la Banque centrale européenne.

François Morin : Il faudrait ajouter la croissance, sauf que l'Islande est un petit pays de moins de 300 000 habitants. Mais la différence essentielle tient à ce que ce pays n'appartient pas à la zone euro, à la différence par exemple de Chypre et de la Grèce. Compte tenu de la taille de la dette de l'Islande, il y avait très peu de CDS qui garantissaient les créditeurs. En Grèce, il a été envisagé un moment d'effacer une partie essentielle de la dette, ce qui nous aurait rapprochés de la banqueroute.

Mais, à cause des CDS, et pour éviter l'effondrement du système bancaire avec un effet domino sur la zone euro, cette hypothèse n'a pas été envisagée très longtemps. La troïka et les plus grandes banques ont tout mis en œuvre pour éviter la réaction en chaîne. Imaginons ce qui se serait passé dans un pays plus important, par exemple les Etats-Unis ! On irait tout droit à une catastrophe mondiale. Le président Obama a pu déclarer que cela provoquerait une crise thermonucléaire sur les marchés financiers. Mon analyse diffère sans doute de celle de François Ruffin : les plus grandes banques sont devenues des monstres financiers extrêmement organisés à l'échelle internationale, ce qui leur donne la capacité de dominer les Etats et, cerise sur le gâteau, qui les rend intouchables car leur faillite entraînerait ipso facto une catastrophe mondiale.

François Ruffin : On ressort du nouveau livre de François Morin, la Grande Saignée, pardonnez-moi, et de son propos d'aujourd'hui, avec un sentiment de fatalisme. Devant la puissance de la finance, on serait saisis de paralysie, tétanisés sur place, n'osant plus rien essayer.

A l'inverse, je fais mienne cette citation de Roosevelt, dans les années 30 : « Il faut essayer quelque chose... Et si ça ne marche pas, avouons-le et essayons autre chose. »

Or, les Grecs auraient mieux fait d'essayer la banqueroute : le FMI lui-même l'a admis, cet été, reconnaissant que le pays avait enduré cinq années d'austérité, c'est-à-dire de régression, de souffrances, pour rien. Cet été, à plusieurs reprises, même les organes de presse patronaux, la Tribune autant que les Echos, ont envisagé sérieusement l'hypothèse d'une banqueroute, d'abord pour le Portugal, ensuite pour les autres pays du Sud, puis éventuellement pour la France. C'est un choix dont il faut alors peser, ensemble, les risques et les avantages.

François Morin : Je ne partage pas ce point de vue. Je reconnais que certains économistes, comme Bernard Maris, l'autre jour sur France Inter, évoquent l'idée d'une restructuration de la dette, mais, apparemment, ils ne voient pas sa conséquence immédiate : un cataclysme financier mondial.

L'inflation vous paraît-elle une alternative ?

François Ruffin : La Banque centrale européenne nous en empêche. L'inflation conduirait, nous affirment les sages de Francfort, directement à l'hyperinflation, c'est-à-dire à la ruine. Et de nous rappeler, sans cesse, ces Allemands qui, dans les années 20, allaient acheter un poireau avec une brouette de billets, et qui se sont alors tournés vers les nazis. Au passage, cette lecture de l'histoire est factuellement fausse.

Quand la crise de 1929 arrive en Allemagne, l'hyperinflation n'est déjà plus qu'un mauvais souvenir. Et c'est la politique inverse que mène alors le chancelier centriste Heinrich Brüning, une politique de récession, d'austérité : il réduit de 20 à 25 % les salaires des ouvriers, des fonctionnaires, supprime les allocations chômage pour les femmes, bref, plonge les travailleurs dans la misère. En 1928, le parti nazi faisait 2,7 % des voix. Grâce à l'austérité, il grimpe à 38 % en 1932. Cette même austérité que la BCE impose aujourd'hui. Dès lors - et sans que je l'aie personnellement tranchée, j'en débats encore avec moi-même -, la question de la sortie de l'euro doit être publiquement, sérieusement débattue.

François Morin : La démarche de François Ruffin est légitime mais elle n'intègre pas une notion fondamentale. Depuis vingt ans, nous avons changé de planète économique, nous ne sommes plus dans la même histoire. A partir du milieu des années 90, on est entré dans l'ère de la globalisation financière. Les flux financiers circulent à la vitesse de la lumière, les arbitrages se font à la milliseconde. Tous les modèles qu'il propose sont importants symboliquement, mais ils ne trouveront potentiellement leur validité qu'après la crise, au même titre que les échanges solidaires dans le domaine de l'économie sociale, mais pas avant.

Alors, que devrons-nous faire après la crise ?

François Morin : Je pense que cette crise sera épouvantable. Elle va tout déstabiliser, avec les conséquences dramatiques que l'on peut imaginer. Il peut en sortir Roosevelt ou Hitler. C'est pour cela que mon dernier livre appelle à lutter «contre le cataclysme financier à venir». Dans cet univers dévasté, la nationalisation des banques sera le seul trait de lumière et permettra d'effacer une grande partie des dettes. Et, entre autres, d'envisager sérieusement le financement à long terme de la transition énergétique.

François Ruffin : Avec François Morin, à tous les coups on perd ! Si on paie la dette publique, c'est l'austérité et donc la crise. Mais si on ne paye pas, c'est une déflagration mondiale. Nous voilà dans un étau. Naturellement, je conviens avec lui, et avec Attac, les altermondialistes, voire les altereuropéens, que ça serait beaucoup plus chouette de s'entendre au niveau international, de résister au niveau européen, etc.

Travaillons en ce sens, soit, mais sans trop rêver : comment espérer, franchement, qu'une Europe fondée sur le libéralisme, qui répète toutes les trois lignes dans ses traités «libre circulation des capitaux et des marchandises, y compris avec les pays tiers», change soudain son fusil d'épaule ? D'autant que les intérêts divergent, entre les pays de l'Est, ceux du Sud, l'Allemagne, etc. Alors, de façon plus réaliste, et plus immédiate, il faut songer à une expérience nationale. Peut-être que ça viendra d'Espagne, ou du Portugal, ou d'Italie, et alors, il faudra les défendre contre la troïka, organiser la contagion.

Peut-être que ça viendra de chez nous, également. Tantôt j'entends que la France serait un pays trop grand - l'Islande pourrait, elle, se permettre ces fantaisies -, tantôt qu'elle serait trop petite. Mais l'ordre international pense toujours là où il a mal, là où on lui dit non. Le Venezuela, c'était quoi, dans le monde ? Rien, mais, sans idéaliser Chavez, quand il a dit «non», le Venezuela s'est mis à exister sur le planisphère. Mieux, la Guadeloupe, c'était quoi pour la métropole ? Rien, un petit caillou perdu au fin fond des Caraïbes. Mais, quand la Guadeloupe a dit «non», elle s'est mise à exister pour la métropole. Aujourd'hui comme hier, nous avons toujours, je crois, la possibilité de dire «non».

A lire :

François Ruffin a écrit avec Thomas Morel Vive la banqueroute ! (Fakir Editions, 6 euros).
François Morin vient de publier la Grande Saignée. Contre le cataclysme financier à venir (Lux, 10 euros).

 

 
François Morin, né en 1945, est économiste. Il a été membre du conseil général de la Banque de France et du Conseil d'analyse économique. Il est aujourd'hui professeur émérite de sciences économiques à Toulouse. Son nouveau livre vient de paraître chez Lux : la Grande Saignée. Contre le cataclysme financier à venir.

 

 
François Ruffin, né en 1975, est le fondateur de Fakir, journal d'enquêtes sociales «fâché avec tout le monde ou presque». Il est notamment l'auteur de Leur grande trouille, journal intime de mes pulsions protectionnistes (2011), et participe à l'émission «Là-bas si j'y suis» de Daniel Mermet sur France Inter.

 

 

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 18:11

 

rue89.com

 

Global Voices Online 09/11/2013 à 10h56
Le quinoa cartonne mais ne fait pas le bonheur des paysans andins

 

Juan Arellano, traduit par Pauline Ratzé

Global Voices"

 

Le quinoa s’est fait une place dans les cuisines du monde entier, et la croissance de la demande internationale a des répercussions sur la consommation locale dans les pays andins qui le produisent, auprès de populations pauvres habituées à en consommer régulièrement.

L’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a déclaré l’année 2013 « année internationale du quinoa » et nommé Nadine Heredia, épouse du président péruvien Ollanta Humala, et Evo Morales, président de la Bolivie, ambassadeurs spéciaux de cet événement.

Ce faisant, la FAO reconnaît la grande valeur nutritive du quinoa, une pseudo-céréale originaire des Andes qui contient les huit acides aminés essentiels à l’alimentation, mais aussi des protéines, des glucides et des minéraux, tout en étant pauvre en lipides.


Geronimo Blanco, producteur de quinoa en Bolivie, février 2013 (AP Photo/Juan Karita)

Ces qualités nutritionnelles ont suscité peu à peu l’intérêt des consommateurs du monde entier pour ce produit andin ancestral.

Il y a quelques années encore, le quinoa était peu exporté. Mais en 2012, les deux premiers producteurs mondiaux ont expédié à l’étranger une part importante de leur production :

  • 59% pour la Bolivie, pour une production totale de 44 000 tonnes,
  • 17% pour le Pérou (43 600 tonnes).

Inaccessible pour les plus pauvres

Le succès grandissant de la gastronomie péruvienne a également contribué à faire connaître le quinoa dans le reste du monde. Divers plats péruviens et des classiques de la cuisine internationale ont été réinterprétés par des chefs, qui y ont incorporé du quinoa. Peu commun hors des cuisines des Andes il y a quelques années, le quinoa a fait une entrée en force dans les restaurants gastronomiques de Lima.

 

 

 

La FAO sur le quinoa

En espagnol, sous-titré en anglais

Ce panorama prometteur cache une situation inquiétante : l’augmentation de la demande internationale, qui pousse la Bolivie à exporter plus de la moitié de sa production, se traduit par une hausse du prix de ce produit sur le marché national, qui n’est par conséquent plus accessible pour les populations les plus pauvres.

Bientôt du quinoa transgénique ?

Au vu du niveau de demande insatisfaite sur le marché international, Etats-Unis et Chili étudient actuellement les possibilités de cultiver le quinoa hors des Andes.

A ce sujet, le blog Todo sobre la quinua reproduit un article de l’anthropologue Mauricio Mamani Pocoaca, publié dans plusieurs journaux boliviens, dans lequel il considère qu’à l’heure de la mondialisation, les paysans doivent s’adapter aux chaînes de production agricoles ou se résigner à abandonner leurs terres cultivables.

Il ajoute que les espoirs de revenus liés à l’exportation ne sont que supercherie :

« La demande extérieure va augmenter et les pays andins ne pourront pas y répondre. Les pays industrialisés produiront donc à des fins industrielles en se reposant sur la haute technologie. Les sous-produits du quinoa arriveront chez nous de l’étranger, en boîtes, en paquets, dans diverses préparations, avec des agents conservateurs.

Notre quinoa fera partie de la nourriture industrielle et nous serons les consommateurs dépendants : voilà pourquoi les paysans pleurent en silence et savent que dans le futur, ils ne seront plus maîtres de la graine de quinoa, conscients, en outre, que certaines variétés disparaîtront alors qu’elles avaient des utilisations spécifiques.

Avant les semailles, chaque année, ils achèteront à des commerçants des graines transgéniques appelées “graines certifiées”. »

Dans le même article du blog, Rubén Miranda répond :

« Le mieux serait que le producteur, en plus de vendre le quinoa, en consomme plus, que l’intermédiaire paye et vende à un prix juste la céréale et que les entreprises qui bénéficient de ce marché et transforment les grains investissent dans le marché national et se chargent de l’exportation puisqu’elles doivent récupérer leur investissement et améliorer leurs processus de travail.

De qui dépend-il que les différentes variétés ne disparaissent-pas ? Des producteurs. De qui dépend la “conscientisation” visant à éviter les semences transgéniques ? […] De nous tous, des personnes intéressées à conserver notre variabilité génétique. »

Au Pérou, des pâtes plutôt que du quinoa

Dans le magazine en ligne PuntoEdu de l’université catholique du Pérou, l’anthropologue péruvien Carlos Eduardo Aramburu publie un article qui étudie le dilemme entre la croissance de l’exportation et la rareté pour le marché intérieur.

Il partage ses conclusions suite à des recherches sur le terrain à Ayacucho et à Puno :

« Les habitants ont arrêté de manger du quinoa car ils préfèrent le vendre. Ils ont remplacé cet aliment par les pâtes, plus rapides à cuisiner et plus nourrissantes, mais également plus pauvres en termes nutritionnels.

En conclusion, nous assistons à une augmentation de l’offre gastronomique dans un pays où, bien que la malnutrition infantile chronique ait baissé, les indices d’anémie sont toujours élevés. Nous ne mangeons pas moins, mais mal. »

Certaines régions du Pérou, où le quinoa est généralement consommé en grande quantité, comme Puno, font état de pénurie, confirmant les propos ci-dessus. Le blog Sociedad Peruana de Derecho Ambiental explique que cette situation est préoccupante car 80% du quinoa péruvien est produit à Puno et ajoute :

« Depuis juillet, la région de Puno souffre d’une pénurie de quinoa causée par l’augmentation de la demande de plus de 143% entre 2008 et 2012. Parmi les facteurs de cette augmentation, soulignons la promotion de cette céréale dans d’importants marchés, tels que le marché chinois. »

« Aucune mode ne vient sans problèmes »

Certains habitants se plaignent de la hausse de prix du quinoa au Pérou, où parfois le quinoa bolivien est meilleur marché que le péruvien.

Enfin, le site Carro de Combate publie un article sur les risques liés à l’essor du quinoa :

« Aucune mode, aussi écologique et durable qu’elle puisse paraître, n’est exempte de problèmes. La consommation massive peut s’accompagner de déséquilibres pour les communautés locales et d’impacts écologiques, même lorsque le produit cultivé est “l’aliment des dieux”. »

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 17:27

 

Vos questions 09/11/2013 à 15h41
La « fronde bretonne » pour ceux qui débarquent
Rémi Noyon | Rue89

 

 

Les poulets surgelés, le « Breizh Power », le vrai état de l’économie, l’« arnaque » Ecomouv, ce qu’on découvre sous les bonnets rouges... : on fait le point.

 

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Manifestation devant un portique écotaxe à Montauban-de-Bretagne (JEAN-SEBASTIEN EVRARD/AFP)

Détournons la phrase fameuse de l’historien Henry Laurens : si vous avez compris quelque chose à la Bretagne, c’est qu’on vous l’a mal expliqué.

La fronde contre l’écotaxe occupe la une des journaux depuis deux semaines sans qu’on saisisse forcément le lien entre les ratés de l’agroalimentaire breton et le « scandale » Ecomouv. De comprendre ce qui fait défiler ensemble les patrons et les licenciés. D’autant que, devant les ultimatums et les destructions de portiques, l’Armorique commence à perdre son capital de sympathie dans le reste de l’Hexagone.

Pour traduire crûment ce que pensent nombre d’éditorialistes (je ne regarde personne) :

« Qui sont-ils pour cramer des portiques payés avec nos impôts et venir ensuite réclamer des subventions pour produire de la sous-bouffe à bas coût (et des algues vertes) ? »

On vous a concocté un résumé.

 

  1. Mais en fait, c’est quoi l’écotaxe ?
  2. Qui sont les manifestants ?
  3. La Bretagne est-elle si mal lotie ?
  4. Qu’arrive-t-il aux portiques ?
  5. Les casseurs vont-ils être condamnés ?
  6. Qui est Troadec, héraut du mouvement ?
  7. Existe-t-il un lobby breton ?
  8. Pourquoi les bonnets rouges ?
  9. Les médias sont-ils parisiens ?
  10. Que fait le gouvernement ?
  11. Ecoumouv, est-ce une arnaque ?
  12. Et maintenant ?

 

1 - Mais en fait, c’est quoi l’écotaxe ?

 

La taxe poids lourds (c’est son autre petit nom) est née...

  • sous Nicolas Sarkozy, comme le rappellent aujourd’hui les socialistes,
  • avec le soutien de la gauche, comme le souligne l’UMP.

En 2008, le Grenelle de l’environnement [PDF] instaure une taxe kilométrique sur les poids lourds. L’idée ? Pousser les entreprises à se tourner vers le fluvial ou le ferroviaire, plus écolos que la route. Le principe est celui du « pollueur-payeur » : le produit de la taxe doit servir à développer et entretenir les infrastructures (rails, canaux…).

L’Europe n’est pas étrangère à l’affaire. La directive « Eurovignette » harmonise les péages liés aux transports de marchandises. Sans donner d’obligations immédiates aux Etats, elle cadre les dispositifs de type « taxe poids lourds ». Six pays européens ont mis en place l’écotaxe.

En France, le projet de loi est adopté le 21 octobre 2008. La mise en pratique s’avère complexe. Le système doit être compatible avec celui de nos voisins. L’Etat décide donc de recourir à un partenariat public privé (PPP).

Les modalités de la taxe :

  • Elle concerne les poids lourds (plus de 3,5 tonnes). Que le camion soit vide ou plein. Qu’importe sa nationalité.
  • Le niveau de la taxe est en moyenne de 13 centimes par kilomètres. Le prix est modulé en fonction de la taille du véhicule (nombre d’essieux) et de son âge (les plus récents polluent moins).
  • Certains régions bénéficient d’une ristourne. C’est le cas de la Bretagne (50%), de l’Aquitaine et du Midi-Pyrénées (30%), qui sont éloignées de la banane bleue, le cœur économique de l’Europe.
  • Des boîtiers GPS doivent être disposés dans 600 000 poids lourds. Avec les bornes et les portiques, ils permettent de détecter les trajets des camions.

En moyenne, le prix du transport doit augmenter de 4,1%. Cette hausse peut être répercutée tout le long de la chaîne de production, jusqu’au consommateur. Ouest-France a calculé que, sur un camembert, l’augmentation ne serait que d’un centime d’euro.

Le produit de la taxe devait rapporter 1,15 milliard d’euros par an. Et voilà ce qu’on devait faire avec. cliquer ici 

 

2 - Qui sont les manifestants ?

 

bonnets_rouges.jpg

Les bonnets rouges avant la manif de Quimper, le 2 novembre (Maël Fabre)

C’est la question sur laquelle tout le monde s’étripe. Pour qualifier les opposants à l’écotaxe, on parle d’ « assemblage hétéroclite », de « cohorte bigarrée » ou de « rassemblement baroque ». Et puisque l’on arrive pas à coller une étiquette sur la colère, on termine en invoquant le « ras-le-bol ».

Sans souci d’exhaustivité, il y a des paysans, des syndicalistes, des ouvriers, des chefs d’entreprise, des indépendantistes, des autonomistes, des identitaires, des anars, le Medef, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), Force ouvrière (FO), le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), des frontistes, l’Union démocratique bretonne (UDB), l’Union professionnelle artisanale (UPA), etc.

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Assemblée générale du CELIB le 18 juin 1962 à Lorient (coll priv&eacute ;e)

Une telle « union sacrée » rappelle le Comité d’études et de liaison des intérêts bretons (CELIB) constitué dans les années 50 pour faire pression sur l’Etat.

Le lobbying fonctionne et précède le miracle économique breton : un mélange d’industrie automobile et d’agroalimentaire, aujourd’hui en crise. A l’époque, seul le Parti communiste français refuse de suivre le mouvement. Aujourd’hui, la Confédération générale du travail (CGT) et le Parti de gauche prennent leurs distances.

Les commentateurs peinent à trouver du sens à ce magma.

  • les journalistes. On les sent un peu déroutés. A lire : le reportage de Mediapart à Quimper, lors de la manifestation. Y est décrite la « confusion en action » d’un « rassemblement indéfinissable ».

    On y dénonce pêle-mêle, les taxes, l’Etat central, les licenciements. Le tout sous-tendu par une « colère identitaire confuse » noyée dans un fond musical éclectique : Renaud, Trust et la Blanche Hermine. Seul réel point commun : la « fierté de se retrouver debout tous ensemble ».

  • les politiques. Jean-Luc Mélenchon a qualifié la manif de Quimper de « rassemblement de nigauds » et d’« esclaves manifestant pour leurs maîtres ».

« Il aura en effet suffit que quelques centaines de patrons et de militants du syndicat agricole FNSEA fassent une démonstration de violence pour que le gouvernement Ayrault cède. »

Et de souligner que la CGT, SUD et la FSU ont pris leur distance, en manifestant à Carhaix plutôt qu’à Quimper. Ces dernières n’apprécient guère le « détournement du mécontentement réel » à « des fins politiciennes ».

  • la DGSE. Dans une note rédigée avant la manifestation du 2 novembre, les services pointent du doigt les identitaires de Jeune Bretagne et les socialistes radicaux de Breizhistance. Mais ces groupuscules restent ultra-minoritaires.

Quelques grands noms ont tout de même émergé dans cette masse de bonnets rouges. Survolez l’image ci-dessous.

 

cliquer ici pour voir la photo

Photos : Fr3 Bretagne, iTélé

 

 

3 - La Bretagne est-elle si mal lotie ?

 

Depuis les débuts de la « crise bretonne », chercheurs et économistes s’épuisent à rappeler que la Bretagne ne va pas si mal. En réalité, elle s’en sort plutôt bien si on la compare à d’autres régions. Las, son modèle économique, fondé sur l’agroalimentaire, les télécoms et l’automobile, est sérieusement secoué.

Depuis les années 70, la Bretagne s’est positionnée comme la première région de France pour l’agroalimentaire [PDF]. Aujourd’hui ce secteur est concurrencé par le Brésil, l’Allemagne et le Danemark. Orientées vers le bas de gamme, les filières du porc et du poulet perdent des parts de marché.

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Capture d’écran de la série Borgen, épisode sur le porc danois

On compte 14,5 millions de porcs en France, dont 8 millions en Bretagne. Il faut consacrer 45 à 50 minutes de temps de travail par an par animal. Au Danemark (fan de Borgen, clique ici) et aux Pays-Bas, ce chiffre est de 35 à 40 minutes. La productivité y est donc bien meilleure.

En Allemagne, les éleveurs utilisent de la main d’œuvre des pays de l’Est, trois fois moins payée que les salariés français. Bref, la Bretagne ne peut pas lutter.

Les plans sociaux s’accumulent, précipités par la fin des subventions européennes. L’arrêt des ces aides était programmé de longue date, mais les grands groupes n’ont pas su se réorienter vers de la boustifaille haut de gamme.

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La répartition des emplois dans l’agroalimentaire en 2010 (Insee)

  • Doux (volaille). En redressement judiciaire depuis 2012, Doux a déjà supprimé un millier d’emplois. Le groupe saoudien Almunajem et la holding de la famille Calmels D&P s’apprêteraient à racheter les dettes de l’entreprise.
  • Tilly-Sabco (volaille). Autre volailler qui a annoncé l’arrêt de sa production destinée à l’exportation (en 2014). L’entreprise est asphyxiée par la fin des aides européennes. L’exportation représente 90% de son chiffre d’affaire et occupe 300 personnes.
  • Marine Harvest (saumon). Le groupe norvégien est rentable, mais n’est pas épargné par la crise. Certaines filiales sont en mauvaise posture financière. C’est le cas de la transformation (la découpe en petit pavé graisseux que tu achètes sur un coup de folie). Le groupe souhaite réduire le nombre de ses sites en France.
  • GAD (abattage et découpe de porc). Le tribunal de commerce de Rennes a validé à la mi-octobre le plan de restructuration, prévoyant la suppression de 889 emplois.
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Carte des distances en train depuis Paris

L’Etat a longtemps choyé la Bretagne. Le plan routier breton (1969) prévoit ainsi la gratuité des quatre voies et les aides du plan Marshall sont généreusement fléchées vers la péninsule. Mais la région reste enclavée.

Et la timidité du gouvernement sur le projet de ligne à grande vitesse entre Rennes et le Finistère renforce le sentiment d’abandon.

De l’avis de beaucoup, la solution réside dans une montée en gamme : le bio, l’appellation d’origine et le circuit court (c’était le but de l’écotaxe).

Eric Le Boucher, l’un des fondateurs de Slate, résume bien la situation :

« Dans ces grands vents de face, la Bretagne retrouve ses handicaps naturels. Elle est loin. Sa capitale, trop petite. Sa terre ingrate. Sa mer mal exploitée. L’économie bretonne héritée des années 60 est morte, elle ne renaîtra pas. Son avenir est complètement à réinventer. »

 

 

4 - Qu’arrive-t-il aux portiques ?

 

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Dessin de Baudry

Entendez-vous la révolte des bornes ? Ces petits appareils, posés sur le bord des routes, en ont leur claque : il n’y en a que pour les portiques, plus grands, plus classes, plus coûteux.

Pourtant le ministère des transports a compté onze bornes et quatre portiques détruits. Sans compter les radars routiers qui servent de punching-ball à la colère bretonne.

Les portiques vandalisés :

 

 

 

 

 

 

 

        
    
original
Photos : Fr3 Bretagne

 

 

Les bornes (en réalité des appareils en forme de « totem » pour ne pas dire autre chose) :

  • borne.jpg

    La borne écotaxte incendiée à Castillonnès (J&eacute ; r&ocirc ; me Schrepf)

    Castillonnès, dans le Lot-et-Garonne (7 novembre) ;

  • Losse, deux bornes incendiées dans les Landes (4 novembre) ;
  • on ne sait pas pour les autres.

Bref, les Bretons ont développé une bonne maîtrise du méchoui métallique, mais certaines régions commencent à se faire la main sur les bornes.

Si certains veulent parfaire leur technique, il reste 158 portiques debout sur le territoire (173 prévus). Quant aux bornes, 200 devaient être installées. Pas fou, le ministère est plutôt discret sur l’emplacement des bestioles.

Pour cause :

  • un portique coûte entre 600 000 et un million d’euros ;
  • une borne environ 250 000 euros.

Le calcul est vite fait. Les destructions reviennent environ à 5 millions d’euros.

 

 

5 - Les casseurs vont-ils être condamnés ?

 

C’est Jean-Marc Ayrault qui le promet : les auteurs des dégradations font l’objet de « convocations devant le tribunal correctionnel de Quimper ».

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Capture d’écran i Télé de l’incendie du portique de Lanrodec

Sauf que, selon le Figaro, seules cinq personnes ont été interpellées lors de la manifestation du 2 novembre. Elles devront répondre de faits de violence contre des gendarmes.

Pour ce qui concerne les portiques, le parquet de Rennes se contente d’indiquer que « des investigations sont en cours » afin « d’identifier puis d’interpeller les auteurs de ces infractions ».

En théorie, les saboteurs risquent jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.

En attendant, les actions coup-de-poing continuent. Comme ici, avec le dégommage au bulldozer du portail de la sous préfecture de Morlaix par les salariés de Tilly-Sabco.

 

 

 

 


6 - Qui est Troadec, héraut du mouvement ?

 

Lorsque Christian Troadec a émergé du coulis de bonnets rouges, la presse lui est tombée dessus, heureuse d’avoir trouvé l’incarnation du mouvement.

L’« homme aux grands pieds » (c’est la signification de son nom) a co-fondé le collectif « Vivre, décider et travailler en Bretagne » avec le patron local de la FNSEA, Thierry Merret, producteur d’artichauts. Depuis, il fait la tournée des usines bloquées, saisit les micros qu’on lui tend et lance des ultimatums à François Hollande.

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Le pont du XVIIIe sur l’Hyères et le Petit Carhaix (CC/Wikip&eacute ; dia)

Le maire de Carhaix, petite ville de 7 700 habitants surtout connue pour le festival des Vieilles Charrues, n’est pas un perdreau de l’année.

Cet ancien journaliste, passionné d’histoire locale, est un inclassable de gauche, tendance hermine, grande gueule et « régionaliste » (pour ne pas dire autonomiste).

En bisbilles quotidiennes avec le PS local, il prend langue et parti pour d’autres identités « menacées », comme la culture basque. Le salon du livre 2013 de Carhaix a pour président d’honneur la ville de San-Sébastian, située dans le Pays Basque sud. Son maire est un grand adversaire de l’Etat espagnol.

Cela fait des années que Troadec s’illustre dans les manifestations visant Paris. Lorsque sa ville est menacée de voir partir la maternité, il remue ciel et terre, ceint de l’écharpe de la provoc’ : le pavillon à croix noire herminée. La maternité est sauvée. On en sortira un film : Bowling.

 

 

 

 

Dès 2009, Christian Troadec s’oppose à la taxe poids lourds :

« Ce n’est pas une question de droite ou de gauche, c’est une question de bon sens. »

Pourtant la logique de la relocalisation ne pouvait que lui plaire. Outre la création des Vieilles Charrues, Christian Troadec est connu pour avoir fait fructifier les bières artisanales Coreff. Lorsqu’il rachète l’entreprise, en 1999, nous sommes au tout début de la mode des micro-brasseries régionales.

Mais le trublion, habitué des « rapports de force », voit plutôt dans l’écotaxe une nouvelle contrainte imposée par des technocrates parisiens et des bobos écolos qui n’ont jamais senti l’embrun.

« Paris se déplace à Rennes et va parler aux Bretons. Non ! La politique de la Bretagne doit être faite par les Bretons et pour les Bretons. »

L’écotaxe n’est qu’un prétexte, l’occasion d’obtenir (peut-être) plus de pouvoir de décision pour la Bretagne. Dans un long entretien publié sur Mediapart, le maire de Carhaix raconte :

« 95 % de nos finances proviennent des dotations de l’Etat ! Nous n’avons quasiment aucune autonomie financière et aucune marge de manœuvre pour répondre à l’urgence et aux préoccupations concrètes des gens. »

 

7 - Existe-t-il un lobby breton ?

 

Les bretons sont solidement installés dans le quinquennat Hollande. C’est le « Breizh Power ».

  • Quatre ministres et demi : Jean-Yves Le Drian, Marylise Lebranchu, Benoît Hamon, Stéphane Le Foll (et Jean-Marc Ayrault, diront certains, même si Nantes et la Loire-Atlantique ne font plus partie de la Bretagne depuis Vichy).
  • 21 députés : de quoi former un groupe parlementaire, comme le note Le Monde.
  • Une poignée de conseillers de l’ombre, le principal étant Bernard Poignant, le maire PS de Quimper, surnommé « l’oreille du président ».

Terre modérée, imprégnée par la démocratie-chrétienne, la Bretagne a voté à plus de 56% pour François Hollande le 6 mai 2012. Entre les deux tours, Nicolas Sarkozy lâche : « Je me fous des Bretons. »

A l’inverse, l’itinéraire de François Hollande a croisé la Bretagne à plusieurs reprises : les « transcourants » du PS, puis les deloristes, se retrouvaient à Lorient.

Avec un tel réseau, il est étonnant que le gouvernement n’ait pas pris les devants. Cela fait des mois que les élus de l’Ouest murmurent que l’écotaxe est un casus belli. Tous ont poussé un ouf de soulagement lorsque le projet a été suspendu.

Au-delà de la gauche, les élus bretons réussissent souvent à accorder leurs violons. Par exemple, sur le projet de protection des langues régionales, la décentralisation, la pêche et l’agriculture...

A lire pour ceux qui se méfient de l’Armorique : le bouquin de la journaliste Clarisse Lucas, « Le Lobby breton. Lobi Breizh » (éd. Nouveau monde).

 

8 - Pourquoi les bonnets rouges ?

 

Le 26 octobre, les manifestants se massent devant le portique de Pont-de-Buis. La société Armor Lux leur distribue 900 bonnets rouges. On dirait une armée de grands schtroumpfs.

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Papier timbré en date du 9 Avril 1674 produit avant la révolte du Papier Timbré (CC/Wikip&eacute ; dia)

Le couvre-chef fait référence à la révolte fiscale qui agite l’Ouest de la France en 1675. Louis XIV a décidé d’imposer une taxe sur le papier-timbré, obligatoire pour établir un testament ou un registre d’état-civil. En Basse-Bretagne, la gronde, antiseigneuriale, est surnommée la « révolte des Bonnets rouges ».

L’historien Serge Duigou explique :

« C’était juste la coiffe habituelle, celle de tous les jours. Tout de suite, les paysans se la sont appropriées comme signe de ralliement, même si le rouge n’avait pas le symbolisme révolutionnaire d’aujourd’hui. »

Depuis, le bonnet écarlate ressurgit ponctuellement comme symbole d’une Bretagne résistante. Le parallèle entre 1675 et 2013 est cependant hasardeux.

« Il y a un point commun : la colère contre les taxes. Mais c’est de nature différente. A l’époque, c’était le peuple contre les nantis ; aujourd’hui, les patrons, les ouvriers, les paysans défilent ensemble. Et puis surtout, la révolte du papier timbré s’est soldée par un échec total. »

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La couverture du Parisien, Montebourg en marinière (DR)

Aujourd’hui, le bonnet est un business. Le dirigeant PDG d’Armor Lux, Jean-Guy Le Floch, n’a jamais caché son soutien au mouvement. Dommage pour Arnaud Montebourg, qui, vêtu de la marinière, a fait d’Armor Lux le bon élève du Made in France.

Des milliers de bonnets ont été commandés par les organisateurs des manifs (FNSEA notamment), pour un chiffre d’affaire de 60 000 euros depuis le début de la manif (autour de 15 000 bonnets vendus).

Scandale ! Un responsable d’Armor Lux a reconnu que 7 500 bonnets vendus lors de la manifestation de Quimper ont été importés d’Ecosse...

D’autres entreprises tentent de s’engouffrer dans l’aubaine :

 

 

9 Les médias sont-ils parisiens ?

 

En Bretagne, les manifestants ont le sentiment de ne pas être entendus et d’être caricaturés par les rédactions parisiennes. L’incompréhension mène à quelques aigreurs. Et à des insultes fleuries. On vous conseille vraiment la vidéo ci-dessous, comme exemple extrême.

 

 

 

 

Le site de France 3 Bretagne a réalisé un petit guide à destination des journalistes parisiens. Ce qu’il faut savoir avant de débarquer à Quimper :

  • En Bretagne, les patrons boivent des coups au bistro. Du coup, les salariés les aiment bien. Un sondage publié dans Ouest-France conclut que 80% des Bretons font confiance à leur patron plutôt qu’au gouvernement pour les sortir de la crise. Symbole de ce patronat sympa, Jean-Guy Le Flo’ch, PDF d’Armor Lux. Un documentaire sur le bonhomme a réuni 16,7% d’audience le 19 octobre sur la télé régionale.

 

 

 

  • On ne plaisante pas avec l’agriculture. Les Bretons n’aiment pas trop qu’on critique la « production intensive ». Qui leur a demandé de faire du bas de gamme ? L’Etat français, le général de Gaulle et son ministre de l’agriculture, le breton François Tanguy Prigent.
  • Les Bretons se sentent délaissés, bafoués, outragés. Vous savez d’où vient le verbe « baragouiner » ? Du breton « bara » (pain) et « gwin » (vin). Et la « bécassine », cette « jeune fille sotte ou naïve » ? De l’immigration bretonne montée à Paris dans l’entre-deux guerres.

Le billet n’a pas fait sourire les journalistes, écrit Jean-Hervé Guilcher, secrétaire du CE France 3 Nord-Ouest à Rue89 :

« Cet éditorial émane en réalité du directeur de l’antenne. Il a été mis en ligne sans le moindre débat au sein de la rédaction. La thèse et les propos qu’il véhicule ont suscité l’indignation des journalistes et de beaucoup de salariés de France 3 Bretagne. »

Le texte de Bertrand Rault « enchaîne les poncifs les plus niais et les plus éculés sur ces prétendus “irréductibles bretons” », estime le SNJ-CGT dans un communiqué

 

 

10 - Que fait le gouvernement ?

 

Il a reculé. Le mot à faire buzzer, c’était « apaisement ». Le gouvernement a eu peur de la manifestation prévue à Quimper le samedi 2 novembre. Il faut dire que la mairie avait pris l’initiative de mettre à l’abris le mobilier urbain. Et dans une précédente bagarre rangée un certain Mikaël avait eu a la main arrachée ( !).

Pour ne pas perdre complètement la face, le Premier ministre n’a fait qu’évoquer la « suspension » de l’écotaxe. Le temps de « renouer le dialogue ». Les écologistes, humiliés, ont une nouvelle fois passé l’éponge.

 

france_regions_political_map_03_2010-fr_

Tendance politique des conseils régionaux (2010) (CC/Wikipédia)

On imagine mal les socialistes remuer une oreille avant les municipales. Et même avant les européennes (neuf eurodéputés pour la région Ouest) et les régionales en 2015 (83 conseillers régionaux).

D’ailleurs le gouvernement est tiraillé sur la question. Le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian a senti très tôt se lever les vents mauvais tandis que le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, était plutôt partisan d’un maintien du dispositif. Il l’est toujours d’ailleurs.

En plus du retrait de l’écotaxe, les patrons de l’agroalimentaire breton aimeraient que le gouvernement lutte contre le dumping social dans les pays concurrents, impose le label « Made in France » et simplifie les réglementations encadrant leur industrie. Rien de moins.

Pour étouffer la colère, les ministres planchent sur un « pacte d’avenir pour la Bretagne » [PDF]. A cette occasion, on a découvert l’existence du ministre délégué à l’agroalimentaire, Guillaume Garot. Il appuie Stéphane Le Foll, en charge de l’agriculture.

Les grandes lignes :

  • la modernisation de l’agriculture et de l’agroalimentaire ;
  • le développement du numérique haut-débit ;
  • la mise aux normes énergétiques des logements ;
  • une enveloppe de 15 millions d’euros pour aider les entreprises qui tanguent.

Pour le moment, l’Etat a promis de débloquer près d’un milliard d’euros (450 millions par la banque publique d’investissement (BPI) et 555 millions par l’Etat).

 

11 - Ecoumouv, est-ce une arnaque ?

 

C’est la question qui fait frissonner l’Assemblée. Le député écolo François-Michel Lambert évoque un « scandale d’Etat ». Bigre.

Le déroulé, en cinq tableaux :

  • L’Etat a décidé très vite d’avoir recours à un partenariat public privé. Un appel d’offre est lancé en mars 2009 par Jean-Louis Borloo et Dominique Bussereau, les ministres de l’écologie et des transports.
  • signature.png

    Les signatures de NKM et Mariani en bas du document (DR

  • Le 14 janvier 2011, Nathalie Kosciusko-Morizet et Thierry Mariani signent le classement des offres reçues (PDF). Comme le rappelle Le Monde, un communiqué de presse publié le 18 janvier 2011 précise bien que le « coût de la collecte tel qu’il ressort de l’offre la mieux classée est de l’ordre de 20% des recettes ».

  • Les concurrents attaquent en justice. La Société des autoroutes du nord de la France (Sanef) tente de faire annuler la décision [PDF], évoquant un conflit d’intérêts entre Autostrade, l’autoroutier italien principal acteur d’Ecomouv, et Rapp Trans, un cabinet de conseil qui a participé à la sélection des candidatures.
  • Le tribunal administratif reprend les arguments de la Sanef mais le Conseil d’Etat estime que le « préjudice n’est pas de nature à justifier l’annulation de l’appel d’offres ». Une enquête pour corruption est instruite à Nanterre et fermée début octobre 2013.
  • Aujourd’hui, tout le monde semble découvrir la lune. Une commission parlementaire devrait enquêter sur le contrat. Le parquet de Nanterre décide le 6 novembre de rouvrir l’enquête pour corruption.

C’est le coût de la collecte qui a attiré les projecteurs. 20% du produit total de la taxe... Cela semble faramineux, mais ce n’est pas si scandaleux lorsque l’on compare avec d’autres pays européens. Le coût élevé s’expliquerait par la logistique complexe à mettre en oeuvre. C’est en tout cas la conclusion du Sénat :

« Au regard des exigences exposées par l’Etat et par les règles communautaires et des contraintes technologiques du système, le coût global du contrat de partenariat, bien qu’élevé, ne semble pas surestimé. »

Certaines dispositions du contrat posent toutefois question. L’Etat s’est engagé, sur une période de treize ans, à verser 18 millions d’euros par mois au consortium. Plutôt généreux. Autre source de soupçons : Ecomouv n’a qu’un capital de 30 millions d’euros. Un chiffre ridicule à côté de la facture du projet (800 millions d’euros). Ce qui mène Mediapart à flairer un loup :

« Il n’est pas impossible que dans les prochaines années, Ecomouv repasse, avec fortes plus-values à la clé pour ses anciens propriétaires, dans d’autres mains attirées par cette rente perpétuelle. Un Goldman Sachs par exemple, qui prendrait ainsi un contrôle direct sur les impôts des Français. »

Au-delà des chiffres, certains (comme Rachida Dati) s’étonnent qu’une société privée puisse collecter une taxe. Serait-ce le retour des fermiers généraux ?

  1. Et maintenant ?

Maintenant, c’est pas le changement. Le gouvernement finalise son « pacte d’avenir pour la Bretagne », promet des sous, joue l’essoufflement.

Les réunions et les promesses sont loin de satisfaire Christian Troadec, qui continue de réclamer la suppression de l’écotaxe. Une partie des bonnets rouges n’apprécie guère la banque publique d’investissement (BPI), taxée de jacobinisme.

Les élections municipales approchent et on imagine mal le gouvernement ressortir le projet. En attendant, il va falloir mettre la main à la poche pour payer :

  • les portiques et les bornes abîmés (5 millions d’euros et la note pourrait s’alourdir) ;
  • le manque à gagner (750 millions d’euros par an, la part de l’Etat) ;
  • l’entretien des portiques (entre 40 et 50 millions d’euros par trimestre) ;
  • la location si le gouvernement ne sucre pas l’écotaxe (18 millions d’euros par mois) ;
  • un dédommagement en cas de rupture définitive de contrat (800 millions d’euros, mais un tribunal pourrait alléger la facture).

Une nouvelle manifestation est prévue pour le 30 novembre. Il y a quelques jours, les Français soutenaient la décision de couper l’écotaxe (seul un quart des sondés était pour le maintien). Mais à la longue la grogne bretonne pourrait agacer le reste du pays, fatigué de la péninsule qui résiste encore et toujours à l’apaisement.

 

 

 

 

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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 19:15

 

filoche.net

Cet article a été écrit par Gérard Filoche, publié le 6 novembre 2013 à 1:19

 

 

Mon intervention au BN du mardi 5 novembre : qu’est ce qui se passe en Bretagne et ailleurs ?

ANI de « sécurisation de l’emploi » ? 1017 plans sociaux en un an…

Oui, Guillaume Balas, Patrick Hardouin, Marie Noëlle Lienemann qui ont parlé avant moi, ont raison. On ne va pas se répéter.

Oui, ce sont les grosses entreprises, le CAC 40, qui nous font échouer et qui coulent les PME de Bretagne et d’ailleurs. Oui, Malek Boutih, on a, en France 1000 entreprises de plus de 1000 salariés, qui font travailler 3,5 millions des salariés, et qui produisent 48 % du PIB.  Tout est là. Ils sabotent et ne produisent qu’à 70 % de leurs capacités productives. Ils préfèrent la finance à l’emploi. Ca rapporte plus pour eux de spéculer que d’embaucher.

En dessous, les PME sont dépendantes. Une PME sur 2 n’a qu’un seul donneur d’ordre. Et quand la marge ne paraît plus suffisante au donneur d’ordre, il ferme et va placer ses finances ailleurs. C’est ce qui arrive dans la vague de plans sociaux en Bretagne, les boites qui ferment ce sont des grands groupes, les grandes chaines comme Sanders, qui les font fermer. Même si elles sont viables ! Même si elles font du profit ! Ce sont des rapaces, ils veulent de plus en plus de marges ! Il n’y a pas qu’en Bretagne, c’est partout, regardez La Redoute, Sanofi, etc…

Car ces grands groupes nous font la guerre. Ils font la guerre à la gauche. Ils travaillent au retour de Copé qui leur donnera beaucoup plus que nous, qui promet par ordonnance en six mois de leur donner tout ce qu’ils veulent.

Et nous, il faut arrêter de faire tous ces cadeaux au Medef. Ca ne sert à rien, le Medef lui, ne nous fait pas de cadeau.

On lui donne 20 milliards de CICE, il encaisse, en réclame 100 milliards et nous déstabilise autant qu’il peut.

« 1000 plans sociaux » en un an titre Le Monde. A quoi ça servait de faire l’ANI et d’en faire une loi dite de « sécurisation de l’emploi » ? On a sécurisé quoi ? Doux ? Gad ? Marine Harvest ? Tilly-Sabco ? Alcatel Lucent ? Au contraire les patrons se ruent sur les nouvelles facilités pour accroitre, accélérer, multiplier les plans sociaux, faire des plans de mutations internes forcées, baisser les salaires, moduler les horaires. Même Le Monde le reconnait ce soir : « L’hémorragie a repris. Petroplus, PSA ou Arcelor Mittal ont démontré l’impuissance de l’état à inverser la tendance ». « Force est de constater que la loi du 14 juin…relative à la sécurisation de l’emploi…produit peu de fruits » développe Le Monde.

Or c’est faux, on n’est pas impuissants, c’est nous qui nous sommes privés d’une loi pour contrôler les licenciements, et pire qui les avons facilité ! L’ANI nous coule ! C’était pour amadouer le Medef mais c’est en vain ! Ce ne sont pas nos alliés mais nos ennemis irréductibles. Et on y perd la confiance de nos amis les salariés, qui nous ont élu ! Malek, t’as raison, on y perd sur les deux terrains, les patrons nous combattent, les salariés nous engueulent. Des millions de gens sont désespérés et désespèrent de nous, de la gauche, des socialistes.

On ne va pas encore aussi faire des cadeaux au Medef, en cassant l’inspection du travail comme c’est en train de se faire, non ? J’en ai parlé la semaine dernière et à la télé avec Karine Berger, mais comment peut on faire ça, cette réforme est indéfendable sauf pour plaire au Medef.

On ne va pas non plus continuer à faire trainer l’amnistie des syndicalistes toujours pour faire plaisir au Medef ? Comment ca se justifie ? Il y a aujourd’hui à Roanne, une grande manifestation pour l’amnistie des syndicalistes. Qu’est ce qu’ils avaient fait ? Cassé trois meubles à cent sous ? Et ils ont été arrêtés, maltraités, condamnés. En ce moment, des portiques à un million d’euros se font casser partout, une sous préfecture est envahie, des manifestations violentes nombreuses ont eu lieu. On ne fait rien.  On apaise. Evidemment qu’on ne poursuit pas les manifestant bretons. On a raison de chercher à discuter. Car il faut entendre le pourquoi de cette violence chez ceux qui perdent leur emploi, leur salaire, leur retraite. Pas un jour sans qu’on n’entende sur les télés et les radios, les salariés, les chômeurs, les pauvres dire « je n’en peux plus, je ne supporte plus ».

On ne va pas non plus encore faire un cadeau au Medef, rassurez moi, en autorisant le travail le dimanche ? Parce que le gouvernement a reçu les fraudeurs ! Il faut être patron et fraudeur pour être reçu par le gouvernement, priorité aux poussins, pigeons, rapaces ? Casser des portiques, bruler des cageots, barrer des routes, mais si des salariés font ça à Michelin, PSA, ils ont les CRS  et ils ne sont pas entendus ?

Ca va venir le travail le dimanche, il y a un rapport qui se prépare et je n’aimerai pas qu’on entende encore qu’on cède du mauvais coté ! Ca n’a rien d’économique l’ouverture le dimanche. C’st totalement idéologique. C’est pour flexibiliser, casser les horaires, casser les 35 h, déréguler. Ca ne rapportera pas un sou, encore moins un emploi ! Les portemonnaies ne sont pas extensibles, surtout dans la crise actuelle avec les salaires bloqués ! Ce qui est vendu le dimanche ne le sera pas le lundi. Un emploi du dimanche c’est un chômeur de plus le lundi. Les chaines de la grande distribution ouvertes le dimanche, c’est des femmes pauvres et précaires qui travailleront sans voir leurs enfants ce jour là. C’est des étudiants qui y viendront comme à Mac Donald en turn over, une courte période de leurs vie, tandis que 4 millions de salariés seront astreints à des boulots ingrats (et perdront leurs primes « exceptionnelles » des que l’ouverture du dimanche sera banalisée).. Pendant ce temps là 30 000 emplois seront perdus dans le petit commerce. Et ça cassera l’indispensable jour de repos commun, social, familial, culturel, associatif, sportif ou même religieux. Ca sera du vandalisme social, ça remplacera la civilisation du loisir par celle du caddy. Le gouvernement a nommé Jean-Paul Bailly, l’ex PDG de l’ex Poste publique, pour faire un rapport dont on peut craindre le pire. Va t on céder encore ? Va t on avoir la mauvaise nouvelle bientôt ? Parce que d’un point de vue de gauche, des bonnes nouvelles, y’en a pas beaucoup.

Et pour revenir à l’écotaxe. Je suis content de voir que cette semaine on s’en est pris à l’escroquerie de l’écomouv’ dont je parlais la dernière fois. Ce PPP « partenariat public privé » (sic) (Benetton, Goldman Sachs et cie) nous volait 440 millions pour collecter 1,2 milliard. Une honte. Bien sur que tous ces portiques doivent être abattus ! Ils n’auraient jamais du être montés ! Je me permets de répéter qu’il est possible quand même de lutter contre le tout camion et de trouver de l’argent pour le ferroviaire ! Oui, on peut imposer ce choix économique et écologique ! En taxant les camions au kilomètre, selon la taille des camions et la taille des entreprises de camionnage. C’est facile. Cela peut être rapide. Il faudrait qu’on ne reste pas en panne, qu’on dise ce qu’on veut, où on va… comment on remplace une mauvaise histoire de l’UMP par un devoir écologique accompli correctement.

 

 

 

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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 18:54

 

laprovence.com

Les militants anti-LEO délogés de force

Avignon / Publié le Mardi 05/11/2013 à 11H11

 


La préfecture de Vaucluse a mobilisé, ce matin sur les coups de 6 heures, 68 gendarmes mobiles et des forces de police pour procéder à l'expulsion de cinq jeunes militants anti-LEO d'une maison appartenant à l'Etat.

Opposés à la liaison Est-Ouest, un vaste projet de contournement routier de l'agglomération avignonnaise passant par des terres cultivables, les "Leopart" avaient fait de cette grande bâtisse leur QG et y organisaient d'ailleurs hier soir encore un ciné-débat.

Le projet de la LEO a pourtant du plomb dans l'aile puisque l'Etat est revenu sur ses engagements financiers initiaux mais la lutte des "Leopart" n'avait pas cessé pour autant. Le tribunal d'instance d'Avignon a autorisé hier l'expulsion ainsi que la démolition du squat, qui est actuellement en cours.

Plus d'informations demain dans La Provence édition Vaucluse.

 

 

                                                                        ******************************************

 

 

Violente expulsion de la GangGraine et de la Vis-la-Résistance à Avignon Depuis février 2013, nous occupions deux maisons à la périphérie d'Avignon en ceinture verte : la GangGraine, un collectif d'habitant-e-s, et la Vis-la-Résistance, un espace autogéré d'activités. Elle avaient été rachetées par l'état en 2007 dans le cadre du projet autoroutier LEO (Liaison Est-Ouest), Ce mardi 5 novembre à 6h du matin, pour expulser ces deux maisons, des machines de démolition, ainsi que plus d'une centaine de représentant-es des forces de l'ordre ont débarqué : huissier-es, policier-es, gardes mobiles, RG, agent-es municipal-es, déménageur-euses, ouvrier-es, dépanneur-euse, et autres représentant-es de l’État. Alors qu'à ce moment là, nous n'étions que 6 personnes, 2 poules et un chat... cet arsenal était complètement démesuré. Les flics ont forcé violemment la porte au bélier et nous ont sorti-es de la maison. Il-elles ont donné l'ordre de quitter les lieux immédiatement ; dans un second temps seulement, nous avons obtenu de prendre quelques objets, mais pas la totalité. Alors qu'on rassemblait des affaires, les keufs s'amusaient à casser des vitres en se foutant de nos gueules ouvertement. Afin de nous empêcher de prévenir du monde, un brouilleur d'ondes rendait les téléphones inutilisables. Toute la ceinture verte étaient encadrée de flics. En fin d'après-midi, les deux bâtisses, le jardin, les cabanes, le poulailler et les arbres environnants n'étaient plus qu'un tas de gravats. Cette expulsion était totalement innatendue : un procès en appel devait avoir lieu en février (demandé par la DREAL, Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement). Au moyen d'une magouille particulièrement vicieuse (mais légale), l'expulsion s'est faite au titre d' « occupants non identifiables » alors qu'il suffisait de lire les noms présents sur la boite aux lettres depuis plus d'un mois. Le traitement médiatique de cette expulsion a été déguelasse et ridicule. Nous sommes révoltés d'avoir vu des photos de mises en scènes de l'expulsion avec la complicité des gendarmes mobiles. Aussi, le lendemain, une photo non floutées d'un des habitants a été publiée (évidemment) sans son accord en première page d'un quotidien local. Une fois les occupant-e-s expulsé-e-s, le préfet en a profité pour se pavaner devant la maison se positionnant comme garant irréprochable du maintien de l'ordre. Il a insisté sur l'aspect strictement légal de cette expulsion alors qu'il-elles manipulent les lois et les faits à leur avantage par ommission. Cette expulsion arrive à point nommé pour les élu-e-s locaux, à quelques mois de la mascarade électorale des municipales, dans une période teintée de scandales et de pressions politiques pour la LEO. Cette ocupation s'est réalisée dans le cadre de la lutte contre le projet autoroutier LEO. Ce dernier prévoit de rejoindre les autoroutes A7 et A9, en passant par la ceinture verte, l'une des dernières zones agricoles extrêmement fertiles, en périphérie d'Avignon. Le 27 avril 2013, une manif-occup a eu lieu pour faire connaître la lutte, suivie de 5 jours d'occupation sur la zone. Depuis février, nous étions une quinzaine d'habitant-e-s à la GangGraine, et depuis l'inauguration de la Vis-la-Résistance, début mai, le collectif organisait de nombreux événements : projections, concerts, cantines, débats, réunions... Le collectif l'Horta cultivait des terres dans la zone. La particularité de ce lieu était de se situer à 15min à vélo de la ville, tout en étant en zone rurale. De nombreux liens avaient été tissés avec les voisin-e-s de la zone. Alors que les financements de la LEO n'arriveront qu'en 2030-2050, des maisons sont rasées. En effet, cet été, une commission gouvernementale a décidé de retirer les financements de l'état pour ce projet, le jugeant non prioritaire, jusqu'à 2030 à 2050. Les élu-e-s locaux restent malgré tout fermement attaché-e-s à ce projet. Terres agricoles et bâtiments sont désormais expropriés alors que peut-être la LEO ne verra jamais le jour. Une maison avait déjà été rasée en juillet 2013. Malgré le report des financements, à coup de bulldozers, le tracé de la LEO se dessine, anéantissant tout sur son passage. Cette expulsion, malgré sa violence, ne sonne pas le glas de notre collectif. On garde la patate !!! le collectif la GangGraine
Violente expulsion de la GangGraine et de la Vis-la-Résistance à Avignon Depuis février 2013, nous occupions deux maisons à la périphérie d'Avignon en ceinture verte : la GangGraine, un collectif d'habitant-e-s, et la Vis-la-Résistance, un espace autogéré d'activités. Elle avaient été rachetées par l'état en 2007 dans le cadre du projet autoroutier LEO (Liaison Est-Ouest), Ce mardi 5 novembre à 6h du matin, pour expulser ces deux maisons, des machines de démolition, ainsi que plus d'une centaine de représentant-es des forces de l'ordre ont débarqué : huissier-es, policier-es, gardes mobiles, RG, agent-es municipal-es, déménageur-euses, ouvrier-es, dépanneur-euse, et autres représentant-es de l’État. Alors qu'à ce moment là, nous n'étions que 6 personnes, 2 poules et un chat... cet arsenal était complètement démesuré. Les flics ont forcé violemment la porte au bélier et nous ont sorti-es de la maison. Il-elles ont donné l'ordre de quitter les lieux immédiatement ; dans un second temps seulement, nous avons obtenu de prendre quelques objets, mais pas la totalité. Alors qu'on rassemblait des affaires, les keufs s'amusaient à casser des vitres en se foutant de nos gueules ouvertement. Afin de nous empêcher de prévenir du monde, un brouilleur d'ondes rendait les téléphones inutilisables. Toute la ceinture verte étaient encadrée de flics. En fin d'après-midi, les deux bâtisses, le jardin, les cabanes, le poulailler et les arbres environnants n'étaient plus qu'un tas de gravats. Cette expulsion était totalement innatendue : un procès en appel devait avoir lieu en février (demandé par la DREAL, Direction Régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement). Au moyen d'une magouille particulièrement vicieuse (mais légale), l'expulsion s'est faite au titre d' « occupants non identifiables » alors qu'il suffisait de lire les noms présents sur la boite aux lettres depuis plus d'un mois. Le traitement médiatique de cette expulsion a été déguelasse et ridicule. Nous sommes révoltés d'avoir vu des photos de mises en scènes de l'expulsion avec la complicité des gendarmes mobiles. Aussi, le lendemain, une photo non floutées d'un des habitants a été publiée (évidemment) sans son accord en première page d'un quotidien local. Une fois les occupant-e-s expulsé-e-s, le préfet en a profité pour se pavaner devant la maison se positionnant comme garant irréprochable du maintien de l'ordre. Il a insisté sur l'aspect strictement légal de cette expulsion alors qu'il-elles manipulent les lois et les faits à leur avantage par ommission. Cette expulsion arrive à point nommé pour les élu-e-s locaux, à quelques mois de la mascarade électorale des municipales, dans une période teintée de scandales et de pressions politiques pour la LEO. Cette ocupation s'est réalisée dans le cadre de la lutte contre le projet autoroutier LEO. Ce dernier prévoit de rejoindre les autoroutes A7 et A9, en passant par la ceinture verte, l'une des dernières zones agricoles extrêmement fertiles, en périphérie d'Avignon. Le 27 avril 2013, une manif-occup a eu lieu pour faire connaître la lutte, suivie de 5 jours d'occupation sur la zone. Depuis février, nous étions une quinzaine d'habitant-e-s à la GangGraine, et depuis l'inauguration de la Vis-la-Résistance, début mai, le collectif organisait de nombreux événements : projections, concerts, cantines, débats, réunions... Le collectif l'Horta cultivait des terres dans la zone. La particularité de ce lieu était de se situer à 15min à vélo de la ville, tout en étant en zone rurale. De nombreux liens avaient été tissés avec les voisin-e-s de la zone. Alors que les financements de la LEO n'arriveront qu'en 2030-2050, des maisons sont rasées. En effet, cet été, une commission gouvernementale a décidé de retirer les financements de l'état pour ce projet, le jugeant non prioritaire, jusqu'à 2030 à 2050. Les élu-e-s locaux restent malgré tout fermement attaché-e-s à ce projet. Terres agricoles et bâtiments sont désormais expropriés alors que peut-être la LEO ne verra jamais le jour. Une maison avait déjà été rasée en juillet 2013. Malgré le report des financements, à coup de bulldozers, le tracé de la LEO se dessine, anéantissant tout sur son passage. Cette expulsion, malgré sa violence, ne sonne pas le glas de notre collectif. On garde la patate !!! le collectif la GangGraine

 


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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 18:26

 

 

marianne.net

Allemagne : nouveau record d’exportations et de … pauvreté

 

Rédigé par Thomas SCHNEE le Vendredi 8 Novembre 2013 à 11:45 | 6 commentaire(s)

 

Il ne faut pas oublier que si l’Allemagne vient d’enregistrer un nouveau record historique à l’exportation, le niveau de pauvreté outre-Rhin va lui aussi de sommet en sommet.

Un nouveau record à l'exportation

Le solde commercial allemand a été excédentaire de 20,4 milliards d’euros en septembre 2013. Le précédent record historique, établit en juin 2008 était de 19,4 milliards d’euros. Cette annonce ne va pas manquer de relancer le débat sur la stratégie de l’Allemagne a qui l’on ne peut guère reprocher sa spécialisation ancienne et payante sur les biens d’équipement industriels haut de gamme, mais qui continue à défendre son important secteur d’emplois à bas salaires et a très peu investi dans ses infrastructures ces dernières années. Cette situation pèse toujours sur les importations et la consommation intérieure. Sur le mois de septembre 2013, par rapport à août de la même année, les exportations ont progressé de 1,7 % pendant que les importations reculaient de 1,9 %. Quant à la consommation intérieure, elle progresse lentement. Une comparaison intéressante, quoiqu’un peu ancienne, montre qu’en 2009, les dépenses des Allemands avaient augmenté de 13 % par rapport à 1995, contre 37 % pour les Français, 45 % pour les Britanniques et 47 % pour les Espagnols. Les USA et la Commission européenne viennent d’ailleurs de critiquer très vivement l’Allemagne pour cette politique qui, selon eux, continue à accentuer les déséquilibres au sein de la zone euro.
Chancellerie fédérale, été 2013 : la campagne « Tax against poverty » demande que les leaders européens s'attaquent vraiment à la pauvreté grandissante © Markus Schreiber/AP/SIPA
Chancellerie fédérale, été 2013 : la campagne « Tax against poverty » demande que les leaders européens s'attaquent vraiment à la pauvreté grandissante © Markus Schreiber/AP/SIPA

Record de pauvreté et de surendettement

Pour les Allemands, tout ceci conduit à l’approfondissement de la fracture sociale.  L’Agence fédérale des statistiques vient ainsi de publier les derniers chiffres (2011) sur la pauvreté. En 2011, 1 allemand sur 6, soit 13 millions de personnes, vit sous le seuil de pauvreté (revenu inférieur à 60 % du revenu national médian, soit environ 980 euros brut par mois pour un célibataire). La proportion passe ainsi de 15,8 % de la population en 2010 à 16,1 % en 2011. Par ailleurs, le principal groupe de sociétés de recouvrement de créances allemand Creditreform, qui publie régulièrement des statistiques sur l’endettement des Allemands, précise dans son Atlas de l’endettement 2013 que 9,81 % des Allemands adultes sont surendettés, ce qui représente 6,58 millions de personnes (6,59 millions en 2012).
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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 17:22

 

mediapart.fr

Les Balkany visés par une enquête pour « blanchiment de fraude fiscale »

|  Par Fabrice Arfi et Mathilde Mathieu

 

 

 

Le parquet de Paris a ouvert une enquête visant le député et maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, et sa femme Isabelle, première adjointe. Cette décision fait suite à l'audition de l’ancien élu des Hauts-de-Seine Didier Schuller qui avait remis à la justice quatre documents accablants sur les montages offshore et la fortune de Patrick Balkany en Suisse, au Liechtenstein et à Saint-Martin.

Une affaire de plus pour les Balkany. Le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour « blanchiment de fraude fiscale » visant le député et maire de Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Patrick Balkany, et sa femme Isabelle, première adjointe de la commune, annonce Le Monde. Les époux sont suspectés d'avoir dissimulé depuis plusieurs décennies une importante fortune au fisc français.

Cette offensive judiciaire est la conséquence directe du témoignage de l'ancien élu des Hauts-de-Seine Didier Schuller, qui avait porté bien seul le chapeau judiciaire dans l’affaire des HLM 92, de laquelle Patrick Balkany était miraculeusement sorti blanchi. Didier Schuller avait remis aux juges anti-corruption Renaud Van Ruymbeke et Roger Le Loire, mercredi 23 octobre, pluieurs preuves du patrimoine caché et des comptes offshore de Patrick Balkany, comme l'avait rapporté Mediapart.

 

Didier Schuller a été condamné dans l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine. Pas Patrick Balkany... 
Didier Schuller a été condamné dans l'affaire des HLM des Hauts-de-Seine. Pas Patrick Balkany... © dr

À l’origine, l’ancien conseiller général RPR de Clichy-la-Garenne, où il se présente pour les prochaines élections municipales, était entendu sur des confidences du marchand d’armes Ziad Takieddine dont il a dit, dans le livre French Corruption (Stock), avoir été le destinataire concernant le financement de la campagne d’Édouard Balladur en 1995.

Mais n’étant qu’un témoin très indirect dans ce dossier, c’est sur une tout autre affaire que Didier Schuller a apporté aux juges des éléments probants, sous la forme de documents bancaires, traces de versements et rapports de police édifiants, que Mediapart publie en intégralité (voir page 2 de cet article). Tous portent sur les montages offshore et la fortune en Suisse, au Liechtenstein ou à Saint-Martin, de l’actuel maire et député de Levallois-Perret, Patrick Balkany (UMP).

Dès le lendemain de cette audition, les juges avaient transmis au procureur de la République de Paris une "ordonnance de soit communiqué", réclamant au parquet de « requérir ce qu'il appartiendra au vu de l'audition du témoin M. Didier Schuller ». La décision est désormais connue : ce sera une enquête pour blanchiment de fraude fiscale. Les investigations ont été confiées à l'Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), basé à Nanterre.

Président de l’Office des HLM des Hauts-de-Seine quand Didier Schuller en était le directeur général (1988-1995), Patrick Balkany, un intime de l’ancien président Nicolas Sarkozy, est aujourd’hui – et plus que jamais – dans le viseur de son ancien complice.

Didier Schuller, qui a connu la prison et le bracelet électronique après avoir été condamné en 2005 puis en 2007 en appel, contrairement à Patrick Balkany, relaxé, n’a pas caché sa rancune devant les magistrats : « J’ai payé ma dette, je constate aujourd’hui que le président de l’office des HLM de l’époque, M. Balkany, a été relaxé. Il s’en est bien mieux sorti que moi. Je n’ai aucun patrimoine si ce n’est un quart d’appartement en indivision, ayant appartenu à ma mère », a-t-il dit sur procès-verbal.

 

Patrick Balkany, le 26 novembre 2007, à Pekin, devant l'œuvre “Suicide Serie" de l'artiste Wei Guangqing 
Patrick Balkany, le 26 novembre 2007, à Pekin, devant l'œuvre “Suicide Serie" de l'artiste Wei Guangqing © Reuters

« Par contre, a-t-il ajouté, M. Balkany, comme la presse le relate et comme semblent le confirmer les documents que je vous ai remis en copie et qui étaient à la disposition de la justice, aurait à sa disposition un palais à Marrakech, une résidence de luxe à Saint-Martin et l’usufruit du Moulin de Giverny. »

Il a terminé sa déposition d’une phrase assassine : « Je suis heureux de voir que ce que je pensais être du financement politique a pu profiter à d’autres fins et sans doute personnelles. » Lui qui fut de tous les secrets de Patrick Balkany dans les années 1980 et 90 sait de quoi il parle. Au terme de l’audition, les juges ont donc annexé quatre documents accablants pour l’actuel député et maire de Levallois, que leur a remis le témoin.

Fait surprenant : tous ces documents sont issus de la procédure judiciaire sur l’affaire des HLM, vieille de quinze ans, mais, étrangement, n’ont pas provoqué la mise en cause de Patrick Balkany sur les faits précis qu’ils révèlent. « C’est extravagant ! Je n’ai jamais été interrogé dessus, ni à l’instruction, ni lors des procès en première instance ou en appel, alors que c’était dans le dossier », s’étrangle aujourd’hui Didier Schuller, interrogé par Mediapart. « C’est évident : Balkany, dont ces documents montrent qu’il a quand même blanchi 33 millions de francs et qu’il possède un patrimoine caché, a été protégé », poursuit-il. Se pose désormais la question de l’éventuelle pérennité d’un tel système ou de sa transformation grâce à d’autres montages, toujours au profit de Patrick Balkany, qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien.

Des preuves deux fois entre les mains de la justice...

Voici le détail des documents remis par Didier Schuller à la justice :

  • 1) UN RAPPORT DE POLICE DE 1998

Après une « série de vérifications bancaires », un officier de police judiciaire résume en juin 1998 ses trouvailles, à l’intention du juge d’instruction Philippe Vandingenen : une holding suisse baptisée “Supo” apparaît avoir versé en trois fois, sur le compte bancaire parisien de Patrick Balkany, quelque 31,5 millions de francs (soit 4,8 millions d’euros entre 1989 et 1991) pour acheter « près de 50 % » de la société de prêt-à-porter familiale des Balkany, Laine et soie Réty.

Une drôle d’affaire pour Supo, puisque l’entreprise d’habillement est « endettée à hauteur de 28 millions d’euros » et ne vaut pas grand-chose – ces actions seront d’ailleurs revendues « un franc symbolique » quelques années plus tard. Conclusion de l’enquêteur : cette belle opération commerciale « peut avoir servi à masquer le versement de fonds à M. Patrick Balkany, alors président de l’Office départemental HLM du 92 ».

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  • 2) UN VERSEMENT DU LIECHTENSTEIN VERS LA SUISSE

Saisi par un magistrat suisse à la demande du juge Vandingenen, ce document inédit révèle un versement de 11,025 millions de francs (soit 1,7 million d’euros), ordonné en 1991 par la société Lecaya basée au Liechtenstein au profit de la société “Supo”, dans une banque suisse de Zurich. Celle-ci semble avoir ensuite transféré l'argent sur le compte parisien de Patrick Balkany, dans le cadre du rachat de Laine et soie Réty.

Dans le livre French Corruption, Didier Schuller assure que « l’ayant droit de Lecaya était… Patrick Balkany ». « C’est par cette discrète société au Liechtenstein que transitaient les fonds issus des marchés publics destinés à Patrick Balkany », affirme-t-il. En clair, l’étrange vente des actions de Laine et soie aurait permis à l’élu UMP de blanchir l’argent détourné sur les marchés publics du 9-2. De fait, ce versement de 1991 doit bien bénéficier indirectement à Patrick Balkany, puisque le juge helvète qui a saisi le document bancaire prend soin de lui communiquer la pièce (voir page 2).

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  • 3) UN RAPPORT DE POLICE DE 2001

En 2001, la police judiciaire s’est déplacée sur l’île antillaise de Saint-Martin, où Patrick Balkany a ses habitudes. Et dans une synthèse destinée à la juge d’instruction Michèle Vaubaillon, jamais publiée, l’officier rapporte que « Monsieur Balkany possède un compte bancaire dans la partie hollandaise de l’île (…) qu’il utilise pour ses besoins personnels ». A-t-il jamais été déclaré au fisc français ? L’enquêteur estime surtout que Patrick Balkany, officiellement locataire d'une villa avec piscine baptisée Maison du soleil, « est dans les faits propriétaire ». Grâce à des informations préalablement recueillies sur une société « paravent » liée à l'élu UMP, Atlas Finanz service, il se permet même « de supposer que M. Balkany est également propriétaire » d'un second bien sur Saint-Martin, la villa Serena.

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  • 4) UN COMPTE EN SUISSE

Déjà publiée par Le Point, cette quatrième pièce atteste de l’ouverture d’un compte en Suisse par Patrick Balkany, au sein de la banque ABN Amro, en juillet 1994. Dès lors, se pose la même question que pour le compte à Saint-Martin : a-t-il bien été déclaré ? Dans le livre French Corruption, Didier Schuller croit se souvenir qu’à un moment, « il y avait au moins 18 millions de francs, il me l’avait dit ».

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Sollicité par Mediapart, Patrick Balkany n’a pas souhaité répondre à nos questions. Dans un communiqué publié sur Twitter après les révélations du Point, il était tout de même revenu sur l’opération concernant Laine et soie Réty, affirmant : « J’ai vendu à un investisseur suisse, en toute légalité, mes actions de l’entreprise familiale de prêt-à-porter, à la fin des années 1980. Le produit de la vente de ces actions a été intégralement transféré à l’époque au CCF de Levallois. »

Les autres affaires Balkany en cours

Plus d’un an après le départ de son ami Nicolas Sarkozy de l’Élysée, Patrick Balkany apparaît désormais de plus en plus cerné par la justice, qui investigue en outre sur plusieurs affaires liées à son mandat de maire de Levallois-Perret.

Le procureur de Nanterre, Robert Gelli, vient certes de classer sans suite l’enquête ouverte en 2012 sur certaines dérives au sein de la police municipale, en particulier sur les écoutes illégales mises en place par la ville à l’insu des agents – « la régularisation de la situation est intervenue », a bien voulu considérer le parquet. Mais deux autres dossiers plus encombrants, explorés par la police judiciaire parisienne, ont de quoi donner des sueurs froides à l’élu UMP.

Dans le cadre d’une enquête préliminaire, les enquêteurs de la PJ s’intéressent en effet aux chauffeurs du maire (des policiers municipaux pour la plupart), que Patrick Balkany a embarqués lors de plusieurs vacances à Saint-Martin. Ils cherchent à savoir qui a payé leurs billets (de l’élu ou de la municipalité), si les agents ont conduit sur place ou fait bronzette, s’ils ont voyagé sur leur temps de travail (en clair aux frais de la collectivité) ou bien posé des vacances.

Début octobre, lors d’une visite surprise à la mairie de Levallois, les policiers ont ainsi saisi plusieurs documents administratifs, plannings et feuilles de congés, susceptibles d’étayer – ou non – le scénario d’une prise illégale d’intérêts. (Voir notre enquête ici.)

Par ailleurs, comme l’a révélé Le Parisien le 17 octobre, une information judiciaire a été discrètement ouverte en 2012 par le parquet de Paris, qui vise l’emploi présumé fictif d’un certain Jean Testanière, recruté par la ville de 2006 à 2010, bizarrement injecté dans l’organigramme du Levallois Sporting Club en 2009, avec pour mission officielle la préparation psychologique des athlètes du pôle olympique. Surnommé « Le Mage » pour des dons supposés de guérisseur (dont il aurait fait profiter Isabelle Balkany), Jean Testanière s’est surtout retrouvé accusé d’« abus de confiance » et d’« association de malfaiteurs » au récent procès du cercle Wagram, cet établissement de jeux parisien lié au grand banditisme corse.

Si l’instruction a été prudemment ouverte « contre X... », elle menace aujourd'hui le maire, qui a défendu lui-même cette embauche devant son conseil municipal. 

 

 

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8 novembre 2013 5 08 /11 /novembre /2013 17:06

 

 

rue89.com

 Des emplois verts pour faire baisser le chômage : ça marche

Karima Delli

Publié le 08/11/2013 à 15h53

 

 

De l’Organisation internationale du travail [PDF] à la Commission européenne, en passant par Barack Obama, chacun a conscience qu’un développement réellement soutenable passera par une transformation profonde de notre économie et de notre industrie. La relocalisation d’activités industrielles faiblement émettrices de carbone et la production d’énergies renouvelables sont les deux moteurs de cette transformation.

A rebours des politiques d’austérité qui nous emmènent dans le mur, nous devons dès aujourd’hui mener la transition écologique.

Avec l’enracinement de la crise, les secteurs économiques en bonne santé se font rares, y compris dans les filières vertes. Mais la crise n’est pas seule responsable : le soutien des pouvoirs publics à la transition écologique est instable et défaillant. Les filières éoliennes et solaires ont ainsi souffert des politiques d’austérité, mais aussi et surtout, d’un manque de vision politique à long-terme.

Une opportunité d’emploi durable

Selon l’OIT, des emplois sont « verts » lorsqu’ils réduisent les retombées environnementales et aboutissent à des entreprises et des systèmes économiques qui soient durables en termes économiques, mais aussi sociaux. Ils contribuent notamment à réduire la consommation d’énergie et de matières premières, à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à réduire au minimum les déchets et la pollution. Ce sont des emplois non-délocalisables, car la production et la distribution d’énergies renouvelables, l’isolation des bâtiments ou encore le tri des déchets sont des activités locales par essence.

En somme, pas de grande révolution en vue : les métiers verts de demain seront en grande partie les métiers d’aujourd’hui. Nous parlons ici d’ingénieurs, de cadres administratifs et commerciaux, d’enseignants, de cuisiniers, de comptables, de chauffeurs routiers... Pour la production d’éoliennes par exemple, les techniques et les métiers existent depuis longtemps, même s’il faut développer de nouvelles formations.

En matière de qualifications, il n’y a pas de crainte à avoir sur la mise à l’écart des travailleurs peu qualifiés, car tous les niveaux de qualification seront concernés : architectes formés au « zéro émission »..., installateurs de matériel isolant ou encore opérateurs de tri des déchets.

En Europe et en France, des exemples qui marchent !

Quel bilan des emplois verts peut-on dresser aujourd’hui ? Chez nos amis autrichiens par exemple, le secteur de l’environnement et de la protection des ressources naturelles représente 7 % des emplois, avec un volume d’activité en forte hausse et un chômage quasi-inexistant.

L’Allemagne de son côté, s’est engagée dans la sortie du nucléaire et est en pointe dans le domaine du renouvelable avec plus 330 000 emplois verts dès 2009.

En France, on en comptait seulement 136 000 emplois en 2008, soit moins de 1% des emplois, même si les métiers « verdissants », c’est-à-dire dont les compétences intègrent progressivement une dimension de protection de l’environnement, atteignent 3,6 millions de personnes (selon une publication conjointe de la Dares et du SoeS de mars 2012). Et que des secteurs comme celui de l’éolien connaissent un bel essor dans différentes régions comme en Picardie ou en Champagne-Ardenne.

Dans cette optique, le Conseil d’analyse stratégique envisageait début 2012, une baisse structurelle du chômage à 6,3% grâce, notamment, à la « transition verte ». Celle-ci s’appuierait sur des « gains d’efficience » (notamment énergétiques), sur « l’éclosion de nouveaux besoins et services », et « des investissements publics spécifiques » (infrastructures de transports…).

Au vu des engagements internationaux de réduction des émissions de gaz carbonique, la dynamique ne peut que s’emballer. Avec l’Accord de Copenhague, les pays industrialisés se sont engagés à réduire d’ici 2050, leurs émissions de CO2 de 80 à 90 % par rapport au niveau de 1990. C’est sans doute la raison pour laquelle le ministère fédéral allemand pour l’Environnement laisse entendre que 6 millions de nouveaux emplois pourraient être créés dans l’UE si l’on renforçait l’objectif contraignant de réduction d’émissions de 20 à 30 % d’ici à 2020….

Mettre l’humain au centre

La transition écologique ne pourra se faire que si l’on remet l’humain au premier plan. Les activités qui dégradent fortement l’environnement et la santé publique (extraction et production d’énergies fossiles, transport routier de marchandises…) sont appelées à diminuer dans le futur, ce qui poussera de nombreux travailleurs à changer d’emploi. Il faut donc sécuriser les parcours professionnels en s’appuyant sur le Fonds social européen dont la mission est de jouer un rôle en matière d’insertion sociale, de formation, et d’accompagnement vers l’emploi. Et au-delà, il faut garantir des salaires décents et équitables à ces nouveaux travailleurs. C’est la raison pour laquelle, nous écologistes, nous nous battons pour instaurer un revenu minimum européen.

Les organismes d’insertion sont un rouage essentiel de la transition écologique, puisqu’ils proposent à leurs membres des qualifications et des compétences durables (dans l’efficacité énergétique, les rénovations thermiques, le recyclage, l’agriculture biologique…). De plus, avec l’explosion du chômage, les projets de reconversion professionnelle sont voués à se multiplier.

Si l’on s’assure que les nouveaux emplois verts soient décents, qu’ils garantissent des revenus adéquats, la protection sociale, le respect des droits des travailleurs, et la possibilité de participer à des décisions affectant leurs vies grâce au dialogue social, alors les emplois verts permettront de réconcilier nos aspirations sociales et environnementales les plus élémentaires. Il est temps de donner une impulsion majeure en France et en Europe !

 

 

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