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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 17:02

 

 

Source : mediapart.fr

 

Dans la panique, les banques suisses se décident à faire le ménage

|  Par Agathe Duparc

 

 

Soumis à une violente guerre fiscale américaine et aux pressions de l'OCDE, les banquiers suisses voient désormais dans l'échange automatique d'informations fiscales un moindre mal, alors qu'ils le refusaient catégoriquement il y a un an. Ce virage à 180 degrés conditionne la survie de la place financière suisse. 

Genève, de notre correspondante

Il y a encore un an, la moindre allusion à l’échange automatique d’informations fiscales provoquait chez tout banquier suisse une levée de boucliers. L’interlocuteur expliquait qu’un tel système « automatique » violait la protection de la sphère privée inscrite dans l’ADN de tout citoyen helvétique, et était tout juste bon à fournir une gigantesque masse de données et de noms que les services du fisc devraient ensuite traiter. 

Les banquiers expliquaient alors que « Rubik », la solution inventée par la Suisse, permettait aux États qui y souscriraient de récupérer sans attendre les millions de leurs fraudeurs. Avec ce système, les banques se chargent elles-mêmes de prélever un « impôt libératoire » sur les comptes de ces ressortissants étrangers non fiscalisés, tout en préservant leur anonymat. Ce serait « un nirvana » pour les fiscs étrangers, avançait alors Michel Dérobert, secrétaire général de l'Association des banquiers privés suisses, expliquant qu’il s’agissait « du meilleur système qu’on puisse imaginer : nous collectons, puis nous envoyons l'argent, ce qui facilite grandement la tâche des administrations fiscales qui travaillent souvent dans un certain désordre ».

Le « nirvana fiscal » a fait long feu. Au bout du compte, Rubik n’a séduit que deux pays : le Royaume-Uni et l’Autriche. Et malgré l’élaboration par le Conseil fédéral (gouvernement) d’une « stratégie de l’argent blanc » (Weissgeldstrategie) – un ensemble de règles visant à rendre « conforme fiscalement » la place financière –, les pressions du G20 et de l’OCDE n’ont pas faibli et la guerre fiscale avec les États-Unis entre dans sa phase décisive.

Résultat : en l’espace de quelques mois, les banquiers suisses ont dû revoir de fond en comble leur stratégie et leur discours, au point de se transformer en fervents défenseurs de l’échange automatique de données fiscales. La solution autrefois honnie apparaît aujourd’hui comme un moindre mal.

Sur le front américain, les banques s’apprêtent à franchir un pas encore inimaginable il y a peu. Elles avaient jusqu’au lundi 9 décembre, pour annoncer à la FINMA (l’autorité fédérale de surveillance des marchés) si elles se jetaient ou non à l’eau en acceptant de participer au « US Program » de régularisation du passé. En clair, si elles acceptent d’être passées au crible par la justice américaine pour avoir aidé des clients américains à frauder le fisc.


 

© Reuters

Dans le sillage du scandale UBS, quatorze établissements ont déjà été inculpés pour avoir attiré des fraudeurs américains, et même récupéré sans vergogne ceux qui fuyaient, dès 2008, le géant bancaire UBS. Au total, les pénalités pourraient atteindre 10 milliards de dollars, UBS s’étant à lui seul acquitté de 780 millions de dollars. Les autorités américaines ne se sont pas arrêtées en si bon chemin : elles veulent maintenant coincer tous les autres tricheurs. Volant au secours de la place financière, le gouvernement suisse a tenté durant plusieurs mois de négocier « une solution globale de règlement du passé » avec Washington afin de limiter la casse. En vain.  

Un « joint statement » – déclaration commune qu'on peut voir ici – a été signé le 29 août 2013 entre le Département fédéral des finances et le Département de la justice américaine (DoJ). Il prend acte du fait que pour échapper à des poursuites pénales, les banques qui ont « de bonnes raisons de penser qu’elles ont violé le droit fiscal américain » doivent se plier au programme concocté par les Américains (US Program). Et ainsi régler elles-mêmes leurs problèmes.

Concrètement, les établissements qui souhaitent faire leur « mea culpa » entrent dans la « catégorie 2 » (la « catégorie 1 » comprend les 14 banques déjà poursuivies). Elles doivent, avant le 31 décembre 2013, envoyer une lettre aux autorités américaines, en s’engageant à fournir une masse de renseignements : entre autres les noms des banquiers responsables du business transfrontalier avec les États-Unis, le nombre de clients et de comptes des « US persons » qu’elles abritent, leurs valeurs, et enfin la date d’ouverture des comptes. Autant de données qui devront être transmises aux États-Unis avant la fin mars 2014.

Des amendes seront ensuite calculées, particulièrement salées : 20 % du montant pour les comptes ouverts avant le 1er août 2008 (la date à laquelle le scandale UBS explosait), 30 % pour ceux ouverts entre le 1er août 2008 et le 28 février 2009 ; et 50 % pour ceux ouverts ensuite. En échange, ces établissements obtiendront une « attestation de non-poursuites juridiques » (Non-Prosecution Agreement).

Les banques qui estiment ne pas avoir violé le droit américain et celles dont l’activité est purement locale doivent se classer respectivement dans la « catégorie 3 » et dans la « catégorie 4 ». Elles peuvent s’annoncer entre le 31 juillet et le 31 octobre 2014, et ne seront en principe pas inquiétées.

Le « diktat » FATCA

Pour celles qui ne voudraient pas participer, le risque de représailles est très élevé : « l’exclusion du clearing pour les paiements en dollars, l’exclusion de la négociation des titres et des commodities sur les bourses américaines, l’interdiction aux banques américaines d’entretenir des relations d’affaires avec elles », comme l'énonce l'avocat tessinois Paolo Bernasconi.

Autant dire qu’à la veille de ce choix cornélien, un vent de panique souffle dans les milieux bancaires. Impossible d’obtenir la moindre information sur les intentions des uns et des autres. Dans son édition du 6 décembre, Le Temps parle d’un « poker menteur », citant une source anonyme qui explique qu’« opter pour la catégorie 3 est extrêmement coûteux et risqué, car il faut prouver via une expertise indépendante qu’elles (les banques) n’ont pas violé le droit américain. Or personne n’est à l’abri d’un client qui aurait dissimulé une double nationalité américaine ».

Pour les petits établissements, le choix est particulièrement douloureux. Entre de gigantesques amendes, et la perspective d’être finalement rattrapé par la justice américaine et de disparaître. Tous ont en mémoire le sort de la vénérable institution Wegelin & Co (la banque privée fondée à St. Gall en 1741) inculpée, en février 2012, par le Département américain de la justice (DoJ) pour complicité de fraude fiscale, et qui a dû se saborder.

L’argument sur la prétendue difficulté  de débusquer toutes les « US persons » circule depuis des mois. Interrogé par Mediapart, Michel Dérobert, secrétaire général de l’Association des banquiers privés suisses, rappelle que « tout individu dont la "green card" a expiré il y a moins de dix ans est une "US person". Comment savoir si le client indien avec son turban sur la tête n’est pas aussi américain ? ». « Aujourd’hui les banques doivent dépouiller tous leurs comptes. Il y a du personnel qui ne fait que ça depuis des mois : c’est quelque chose de terriblement compliqué », ajoute-t-il. 

Si le titanesque « US program » est censé régler le passé, avec à la clé des milliards de dollars de pénalités, c’est ensuite la pilule FACTA, un autre gros coup de massue sur le secret bancaire helvétique, que les banquiers devront avaler. Le 14 février dernier, la Suisse a été parmi les premiers pays à se plier à cette loi américaine de portée mondiale. Dès juillet 2014, le Foreign Account Tax Compliance Act (FATCA) permettra aux États-Unis d’imposer tous les comptes détenus à l’étranger par les personnes redevables au fisc américain.

 

Signature à Berne le 14 février 2013 de l'accord FATCA 
Signature à Berne le 14 février 2013 de l'accord FATCA © Reuters

Officiellement, l’honneur est sauf, puisque Berne est le seul pays avec le Japon à avoir négocié un régime particulier. Contrairement aux États qui, comme la France, procéderont à un échange automatique entre administrations fiscales (modèle 1 de FATCA), les Suisses ont obtenu de pouvoir avertir leurs clients américains (modèle 2). Si le titulaire du compte refuse, les informations seront transmises de manière anonymisée. À charge ensuite aux États-Unis d’actionner la voie de l’entraide administrative pour demander un complément et obtenir les noms. 

Mais en Suisse, personne n’est dupe. Fin novembre, une frange de la droite dure a lancé un référendum contre l’application de FATCA. Les opposants – Ligue vaudoise en tête, suivie de diverses personnalités de l’Union démocratique du centre (UDC) et quelques libéraux-radicaux – s’offusquent de ce « diktat » qui prévoit la reprise automatique du droit américain et qui, malgré des « arguments spécieux », équivaut à un échange automatique d’informations. Cinquante mille signatures doivent être récoltées avant le 16 janvier 2014.

Le lobby bancaire a déjà annoncé son intention de combattre ce référendum qui pourrait retarder la mise en application de FATCA, et irriter encore davantage Washington. Partant du principe qu’en matière d’échange automatique d’informations, la brèche est largement ouverte, certains banquiers estiment qu’à terme la Suisse devra passer au modèle 1 de FATCA, et s’épargner ainsi toutes sortes de complications.

Démarche commerciale

Sur le front européen, les choses avancent aussi à très vive allure. Sur demande du G8, puis du G20, l’OCDE s’est engagée à faire de l’échange automatique son nouveau standard en matière d’entraide fiscale, dès 2015 (l’actuel standard étant l’échange à la demande), en prenant modèle justement sur FATCA. Le Luxembourg, l’Autriche et le Liechtenstein, jusqu’alors réticents, s’y sont ralliés.

Après avoir longtemps résisté, la Suisse juge l’issue inévitable. Tout est allé très vite. En avril 2013, la ministre Eveline Widmer-Schlumpf, au nom du Conseil fédéral, a fait sauter le dernier verrou en se disant prête à passer à l’échange automatique pourvu qu’il devienne un standard international. Puis en juin, prenant acte d’un rapport d’experts suisses (le rapport Brunetti), Berne disait vouloir participer activement, dans le cadre de l’OCDE, à l’élaboration d’une nouvelle norme.

Enfin, à la mi-octobre, elle signait la « Convention multilatérale de l’OCDE concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale ». Un texte qui, in fine, offre la possibilité aux parties de procéder à un échange automatique de renseignements. 

Malgré ces signes de bonne volonté, la Suisse est toujours reléguée en « phase 1 » par le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales, aux côtés des pays dont la législation en matière d’entraide administrative fiscale à la demande est incomplète, comme Panama, le Botswana et le Liban. Ce qui ne l’a pas empêchée de se porter volontaire au sein du groupe de travail de l’OCDE, qui doit rendre ses premiers travaux sur l’échange automatique en février 2014. 

Chez les banquiers, l’impatience est perceptible. Après un virage à 180 degrés, tous se sont alignés sur la nouvelle position helvétique, quitte à se montrer plus royalistes que le roi.

Il y a un mois et demi, lors de la traditionnelle grand-messe des banquiers genevois devant la presse, Nicolas Pictet – associé gérant de la banque privée Pictet & Cie et vice-président de la « Fondation Genève place financière » – a rappelé que les banques suisses s’étaient « clairement prononcées pour la transparence, l’échange automatique d’informations fiscales », et qu’elles voulaient désormais « jouer un rôle proactif dans ce domaine »,dans la mesure où la Suisse est « beaucoup plus avancée en termes d’identification des clients que nombre de pays dont les places financières sont connues »


Nicolas Pictet, président de la Fondation Genève place financière 
Nicolas Pictet, président de la Fondation Genève place financière © Reuters

Interrogé par Mediapart, le banquier privé tient un discours digne des économistes les plus radicaux. « Si l'on veut que l’échange automatique prenne toute sa signification, il faut aller jusqu’au bout des choses »dit-il, estimant que tout le monde doit appliquer les règles de la même manière, selon le principe du « level playing field ».

« Aux États-Unis ou au Royaume-Uni, quand une banque ouvre un compte au nom d’une panaméenne ou d’une société domiciliée aux BVI (Iles vierges britanniques, ndlr), ça s’arrête là. Elle n’a d’informations que sur les administrateurs et le pouvoir donné à un notaire », remarque-t-il. « Or dans ce cas vous échangez une information qui est réduite à zéro, parce que tout est caché derrière des paravents ! », s’agace M. Pictet. Il remarque que les banques suisses sont depuis des décennies tenues – en raison des normes antiblanchiment – de connaître l’ayant droit économique (le réel bénéficiaire) des comptes, et qu’elles ont ainsi « quelques enseignements à apporter, même à de grands pays ».

Michel Dérobert souhaite que « la Suisse exporte son modèle d’identification des ayants droit économiques », et participe activement aux négociations au sein de l’OCDE. « Il faut éviter que le nouveau standard ne profite qu’aux États-Unis et au Royaume-Uni », ajoute-t-il, estimant que les « beaux discours » masquent en réalité une « démarche commerciale ».

Stratégie de l'argent blanc

Les intermédiaires financiers helvétiques voient aussi dans l’échange automatique d’informations fiscales une solution beaucoup moins coûteuse et tatillonne que la « politique de conformité fiscale » voulue par le Conseil fédéral. En février 2012, alors que les attaques contre la Suisse redoublaient, Berne avait accouché d’une « stratégie de l’argent blanc », un ensemble de règles pour empêcher que des fonds non déclarés ne continuent à affluer dans les coffres suisses. 

Mais avec la perspective d’un passage à l’échange automatique d’informations, cette « Weissgeldstrategie » apparaît maintenant comme une sorte d’usine à gaz, d’une complexité extrême pour les banques, et bientôt inutile. Elle prévoit entre autres une modification de la loi sur le blanchiment (LBA), qui renforcerait les obligations de diligence des banquiers pour s’assurer que les fonds déposés par leurs clients sont bien fiscalisés. Ce qui reviendrait à les métamorphoser en quasi-inspecteurs du fisc, sans moyens d’investigation. Ce qui déplaît fortement à la profession, comme le montrent les résultats d'une procédure de consultation rendue publique le 29 novembre dernier. Le Conseil fédéral a annoncé vouloir revoir entièrement son projet.  

« Si vous avez l’échange automatique, c’est-à-dire la transparence totale, pourquoi alors encore demander aux banques l’effort insurmontable de savoir si les avoirs sont déclarés ou pas ? Comment le savoir et jusqu’où doit-on aller ? », s’emporte Nicolas Pictet, estimant que ce n’est pas aux banques d’être « la conscience fiscale de leurs clients ».

Le banquier genevois met en garde contre le « swiss finish » – cette tendance à faire du zèle et à concocter des lois qui s’avèrent d’une extrême complexité –, faisant remarquer que de telles pratiques n’existent nulle part ailleurs, et qu’elles risquent à terme « de poser de graves problèmes de compétitivité » à la place financière suisse.

Mais pour l’heure, les nouvelles exigences de « conformité fiscale » se sont bien abattues sur les clients européens non déclarés, dont les banques cherchent à se débarrasser. Avec la même énergie mise autrefois à les attirer. Chez Pictet & Cie, les Français – ceux qui faute de moyens n’ont pas pu transférer leurs comptes sous des cieux asiatiques plus cléments ou ont « raté » la cellule de dégrisement mise en place par Eric Woeth – se sont vu fixer la date butoir du 31 décembre 2013 pour se régulariser. À l’UBS, le ménage continue, avec comme horizon 2014, et l’interdiction de retirer plus de 250 000 francs pas semestre.

À Genève, la banque Julius Baer fait remplir des questionnaires détaillés à ses clients non fiscalisés, en leur demandant d’indiquer tous les autres comptes dont ils sont titulaires. Dans une enquête sur les misères des « évadés fiscaux », publiée le 2 décembre, le magazine Bilan cite le cas d’une « banque privée genevoise » qui a soldé de sa propre initiative le compte d’un Français, en lui remettant un « chèque barré » ne pouvant être encaissé « que par une banque où la personne a déjà un compte ».

« Le rapport entre les banques et la clientèle non déclarée a viré à un exercice d’intimidation mutuelle. Il est aujourd’hui judicieux d’aller d’emblée à sa banque accompagné d’un homme de loi », indique à Bilan Jean-Pierre Diserens, secrétaire général de la CIFA (Convention of Independent Financial Advisors).

Cette brutalité est en général réservée aux « petits » clients qui ont quelques millions. « Les banques n’ont pas mis à la porte ceux qui pèsent plus de 10 millions et font même des efforts pour les retenir », précise Bilan. Pour un Français très fortuné, il existe toujours la possibilité de se relocaliser à Londres avec un statut de « non-domicilié ». Plus que tout, les banquiers tremblent aujourd’hui à l’idée de se rendre coupables de complicité ou de blanchiment de fraude fiscale, en orientant un client vers un autre établissement, ou même en acceptant de lui remettre en cash ses avoirs.

L’avocat Paolo Bernasconi estime que si les pays de l’Union européenne ne disposent pas de « moyens de pression comparables à ceux mis en œuvre par les États-Unis », il leur reste toujours la possibilité de s’en prendre directement aux banquiers. Il rappelle ainsi que des « procédures pénales ont été engagées contre des dirigeants et des employés de banques suisses en Allemagne, Italie et France ».

Récemment invité à un colloque sur le « Nouveau tournant de la la place financière suisse » à Genève, maître Bernasconi a fait frissonner l’auditoire, composé de quelque 200 banquiers, gestionnaires de fortune et avocats fiscalistes, en prédisant une vague d’inculpations en Europe. « Si c'est une évolution possible, nous le regrettons », répond Michel Dérobert. « Car à vouloir systématiquement faire porter au banquier la responsabilité des infractions fiscales de ses clients, celui-ci finira par dire : "Entre vous et moi, je préfére encore que cela soit vous" et à plaider pour l'échange automatique d'informations », ajoute-t-il.

 

 

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 18:39

 

Source : cadtm.org

 

Chronologie : Jacques de Groote au FMI, à la Banque mondiale, au Congo, au Rwanda, en République tchèque et devant la justice suisse

 

6 décembre par Eric Toussaint

 


Jacques de Groote, ex-directeur exécutif du FMI (1973-1994) et de la Banque mondiale (1975-1991) représentant la Belgique, a été condamné en octobre 2013 par la justice suisse dans l’affaire de la privatisation frauduleuse de la principale mine de charbon de la république tchèque.

Ses coaccusés, cinq hommes d’affaires tchèques, ont écopé de peines privatives de liberté oscillant entre 36 et 52 mois de prison et d’amendes. Les cinq Tchèques ont été reconnus coupables de blanchiment aggravé et d’escroquerie ou de complicité d’escroquerie. Ces condamnations sanctionnent le détournement des actifs de la société minière tchèque MUS (Mosteck Uhelna Spolecnost), entre 1997 et 2003. Les cinq hommes d’affaires véreux, dont certains étaient des ex-administrateurs de la société ou des membres du Comité de surveillance, étaient parvenus à contrôler près du 97% de la société MUS. Placés sur une centaine de comptes bancaires, en Suisse, au Liechtenstein, aux Bahamas,… les montants issus de leurs malversations étaient blanchis par l’intermédiaire de plus de 30 sociétés. Selon le quotidien suisse, Le Temps, « Jacques de Groote a participé à cette gigantesque tromperie et a touché près d’un million de francs suisses à titre de rémunération. Il a joué un rôle trouble en accréditant la thèse d’investisseurs étrangers. Grâce à lui, les cinq hommes d’affaires tchèques ont pu avancer masqués. » |1| « Il a abusé de l’excellente réputation qu’il avait » et a fourni aux autorités et aux médias tchèques des informations qu’il savait « contraires à la réalité », a déploré lors de la lecture du verdict Jean-Luc Bacher, président du tribunal |2|. Selon le quotidien La Libre Belgique qui lui est généralement favorable, Jacques de Groote, suite à sa condamnation, a déclaré : "J’introduirai un recours contre cette décision pour faire valoir ma bonne foi. Il est en effet essentiel pour moi de mettre fin à une suite de procédures qui durent depuis plus de dix ans et qui m’ont ruiné moralement, financièrement et - à 86 ans - physiquement" |3|.

Au-delà du périmètre strict du procès, il est intéressant de se pencher sur la trajectoire de Jacques de Groote car il constitue une figure emblématique du FMI et de la Banque mondiale. Il y a un lien entre son rôle dans ces institutions et l’affaire dont s’est saisie la justice suisse.

Chronologie

1960 : Jacques de Groote participe comme fonctionnaire belge à la table ronde qui prépare l’indépendance du Congo belge proclamée le 30 juin 1960.

14 septembre 1960 : Mobutu fait un coup d’Etat contre le président Joseph Kasavubu et le premier ministre Patrice Lumumba. Est mis en place un collège des commissaires généraux avec, à leur tête, Justin Bomboko.

Octobre 1960 : Mobutu fait arrêter Patrice Lumumba.

17 janvier 1961 : assassinat de Patrice Lumumba au Katanga. La Belgique, Mobutu et des dirigeants politiques katangais, dont Moïse Tshombé, sont activement impliqués dans ce meurtre. La CIA de son côté avait également eu pour mission d’assassiner Lumumba.

D’avril 1960 à mai 1963 : J. de Groote est, à Washington, l’assistant du Directeur exécutif belge au FMI et à la Banque mondiale.

1961 : Mobutu repasse les rênes du pouvoir à Joseph Kasavabu qui le nomme commandant en chef de l’armée.

24 novembre 1965 : Mobutu destitue le président Joseph Kasavubu et prend le pouvoir avec l’appui du haut commandement de l’armée, des autorités belges et des Etats-Unis. A partir de ce moment, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international soutiennent activement le régime dictatorial de Mobutu.

De mars 1966 à mai 1969 : J. de Groote est conseiller économique du Congo et conseiller du gouverneur de la Banque Nationale du Congo à Kinshasa. Il s’occupe notamment de l’Union minière (Gécamines).

De mai 1969 à novembre 1973 : il est conseiller financier à la délégation belge à l’OCDE à Paris.

1970 : le MPR de Mobutu devient « parti-unique ». Voyage officiel du roi des Belges, Baudouin et de la reine Fabiola pour le 10e anniversaire de l’indépendance. La Belgique, les Etats-Unis, la France et d’autres puissances occidentales soutiennent militairement et financièrement le régime mobutiste.

De 1973 à 1994 : J. de Groote occupe à Washington un poste de directeur exécutif au FMI en représentation de la Belgique qui préside un groupe de pays pesant 5 % dans les votes (soit plus que la France, la Grande Bretagne, la Chine ou l’Inde). De 1973 à 1991, il est également directeur exécutif à la Banque mondiale. A la fin de son mandat, le groupe qu’il présidait était composé de la Belgique, de la République tchèque, de la Slovaquie, de la Slovénie, de l’Autriche, du Luxemburg, de la Turquie, du Belarus, de la Hongrie et du Kazakhstan.

Mai 1978 : intervention de troupes belges et françaises à Kolwezi pour soutenir Mobutu contre une rébellion anti-mobutiste.

De 1980 à 1989 : J. de Groote est membre du jury de la Fondation Roi Baudouin qui « lutte contre la pauvreté et le sous-développement ».

Début des années 1980 : selon J. de Groote, les autorités rwandaises lui auraient demandé de les représenter au sein de la Banque mondiale. J. de Groote intervient en faveur d’une dévaluation du franc rwandais, ce qui sert notamment les intérêts de la mine Géomines du Baron van den Branden qui ensuite obtient de la banque belge Nagelmaekers qu’elle fasse un prêt à J. de Groote. Les faits sont dénoncés plus tard par le Wall Street Journal. Dans une interview au quotidien Le Soir, J. de Groote a répondu à ces accusations : « …ce n’est pas ma faute si j’ai un ami qui avait une mine au Rwanda. Et si j’ai sollicité un prêt par son intermédiaire, c’est parce que je voulais éviter de le demander à des banques avec lesquelles j’avais des liens familiaux. »4

Au début des années 1980, quand éclata la crise de la dette du Tiers-monde, le Rwanda (comme son voisin, le Burundi) était très peu endetté. Alors qu’à cette époque la Banque mondiale et le FMI abandonnaient leur politique active de prêts et prêchaient l’abstinence dans les autres pays, ils adoptèrent une attitude toute différente avec le Rwanda et le Zaïre de Mobutu auquel ils prêtèrent massivement. Ainsi, la dette extérieure du Rwanda a été multipliée par vingt entre 1976 et 1994.

1982 : le Rapport Blumenthal rédigé à la demande du FMI est rendu public. Il dénonce la corruption systématique du régime Mobutu. Malgré cela, la Banque mondiale et le FMI augmentent les crédits octroyés au régime mobutiste.

Selon le Wall Street Journal, J. de Groote est intervenu pour informer les autorités de Kinshasa de ce qu’attendait d’elles la mission du FMI qui se préparait à visiter le pays en 1982. L’enjeu portait sur le versement d’un prêt de 246 millions de dollars par le FMI.

1986 : selon le Wall Street Journal, J. de Groote rend visite à Mobutu dans sa villa du Sud de la France au mois d’août 1986.

1989-1991 : chute du Mur de Berlin et implosion de l’Union soviétique, le régime de Mobutu n’est dorénavant plus utile aux puissances occidentales, à la Banque mondiale et au FMI.

Décembre 1990 : le Wall Street Journal publie les résultats d’une longue enquête de sa rédaction à propos de Jacques de Groote. Le journal établit que de Groote a usé systématiquement de son influence au sein du FMI et de la Banque mondiale pour servir les intérêts du dictateur Mobutu. La rédaction considère qu’il y a conflit d’intérêt : de Groote aurait tiré des avantages financiers de sa fonction. Le quotidien financier affirme également que de Groote a obtenu un bénéfice de son action au sein de la Banque mondiale et du FMI en ce qui concerne le Rwanda.

Fin 1990 : Jacques de Groote et Alain Aboudarham entament une collaboration. Le premier rend des services au second en aidant la société d’A. Aboudarham à alléger sa facture fiscale en République tchèque et obtenir un contrat pour la construction d’un pipeline en Inde.

1991 : fin du mandat de J. de Groote à la Banque mondiale.

En 1991 : le FMI rompt les relations avec le Zaïre. La Banque mondiale fera de même en 1993. Sans nouveaux apports de fonds étrangers, le Zaïre de Mobutu ne dispose plus de liquidités suffisantes pour satisfaire au remboursement de sa dette et il en suspend le service en 1994.

1992-1994 : Alain Aboudarham écrit : « Le travail de conseil fourni par M. de Groote auprès de ma société, pour les seules années 1992 à 1994, lui a permis de percevoir des commissions d’environ 1 292 902 $. »

1994 : fin du mandat de J. de Groote au FMI.

Avril-juin 1994 : génocide au Rwanda, plus de 900 000 Tutsis et des opposants Hutus sont assassinés. La France intervient militairement pour soutenir le régime génocidaire et exfiltrer des génocidaires vers le Congo-Kinshasa. Le CADTM a mis en cause la Banque mondiale et le FMI qui ont dicté au Rwanda des politiques socialement néfastes et ont soutenu la dictature du général Habyarimana jusqu’en 1993.

1997 : chute du régime de Mobutu.

1998 : la privatisation frauduleuse de la mine MUS en République tchèque commence.

En 1998-1999 : J. de Groote devient président d’Appian Group, société suisse établie à Fribourg, spécialisée dans des investissements dans les entreprises privatisées d’Europe centrale et de l’Est, en particulier en République tchèque. Selon le Financial Times, en 2004, Appian Group occupait 15 000 employés et possédait outre la mine MUS (acquise en 1998), le groupe Skoda engineering (lui aussi privatisé).

2000 : un prêt de 500 000 dollars consenti à Jacques de Groote par Alain Aboudarham tourne mal. Leurs relations s’enveniment.

2002 : Alain Aboudarham fait pression sur Jacques de Groote et ses associés tchèques pour récupérer son argent, sans succès.
Décembre 2004 : Alain Aboudarham écrit à la justice suisse pour « faire éclater l’affaire ».

Juin 2005 : Alain Aboudarham est convoqué par la justice pour détailler sa dénonciation. Dans la foulée, le Ministère public de la Confédération helvétique (MPC) ouvre une enquête.

Entre 2004 et 2006 : aux Etats-Unis, différents tribunaux jugent le litige entre Alain Aboudarham et Jacques de Groote.

2006 : le CADTM, informé des procès aux Etats-Unis, interroge Gino Alzetta, le directeur exécutif pour le groupe présidé par la Belgique au sein de la Banque mondiale, à propos du comportement de J. de Groote. Gino Alzetta a affirmé qu’il ne voyait rien de répréhensible dans le comportement de J. de Groote.

Janvier-mars 2008 : au fil d’une « enquête internationale financière complexe », les autorités suisses ordonnent le gel de 660 millions de francs suisses sur une centaine de comptes bancaires en Suisse.

21 octobre 2011 : le Ministère public de la Confédération helvétique (MPC) transmet un acte d’accusation au Tribunal pénal fédéral, accusant Jacques de Groote et six ressortissants tchèques de, entre autres, blanchiment d’argent aggravé et escroquerie.

13 mai 2013 : le procès s’ouvre à Bellinzona dans le Tessin suisse. J. de Groote refuse de se rendre sur place et nie toute culpabilité.

Mai 2013 : pour la deuxième fois, le CADTM interpelle Gino Alzetta, représentant de la Belgique à la Banque mondiale concernant les faits reprochés à J. de Groote. Gino Alzetta réitère son soutien à J. de Groote.

Juillet 2013 : le ministère public de la confédération helvétique (MPC) a requis une peine de deux ans de prison avec sursis et le paiement de 162 000 euros (200 000 francs suisses) contre Jacques de Groote.

Octobre 2013 : Jacques de Groote a été condamné par la justice suisse pour escroquerie. Les 5 Tchèques qui ont organisé la fraude sont condamnés à des peines de prison ferme. Les fonds gelés (660 millions de francs suisses) seront versés aux victimes tchèques de la fraude qui a eu lieu lors de la privatisation.

 

Sources : Biography : Dr. Jacques De Groote http://www.zoominfo.com/p/Jacques-D... ; Le Temps, Wall Street Journal, Le Soir et recherches de l’auteur.

Le livre Procès d’un Homme Exemplaire est disponible en commande sur le site du CADTM.

Notes

|1| Le Temps, « CH/TPF : épilogue d’une escroquerie au préjudice de l’Etat tchèque » ,
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/0fc...

|2| Le Temps, « Les six accusés de l’affaire MUS sont déclarés coupables » http://www.letemps.ch/Page/Uuid/474...

|3| La Libre Belgique, "Jacques de Groote condamné à une amende avec sursis", 11 octobre 2013 http://www.lalibre.be/economie/jacq...

 

Eric Toussaint, président du CADTM Belgique (Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde, www.cadtm.org), est maître de conférence à l’université de Liège. Il est l’auteur de Procès d’un homme exemplaire, Edition Al Dante, Marseille, septembre 2013 ; Banque mondiale : le coup d’Etat permanent, Edition Syllepse, Paris, 2006, téléchargeable : http://cadtm.org/Banque-mondiale-le... Voir également Eric Toussaint, Thèse de doctorat en sciences politiques présentée en 2004 aux universités de Liège et de Paris VIII : « Enjeux politiques de l’action de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international envers le tiers-monde », http://cadtm.org/Enjeux-politiques-... Eric Toussaint est coauteur avec Damien Millet de 65 Questions, 65 Réponses sur la dette, le FMI et la Banque mondiale, Liège, 2012 (version en téléchargement libre sur internet : http://cadtm.org/65-questions-65-re... ) ; La dette ou la vie. coédition CADTM-Aden, Liège-Bruxelles, 2011. Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège http://www.cadtm.org/Le-CADTM-recoi... .

 

 

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 18:19

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-baquiast

 

NSA. Réactions contrastées des firmes américaines de l'Internet

Le New-York Times participe avec le Guardian et quelques autres quotidiens moins connus, aux protestations (discrètes) ayant suivi les révélations par Edward Snowden de l'espionnage intensif que subissent les entreprises de l'Internet, fussent-elles américaines et traitant des échanges domestiques.

Il publie dans cet esprit un article exposant les différentes mesures que mettent en place ces firmes pour protéger les données de leurs clients, et leurs propres bases d'information. Il s'agit principalement de Google, Mozilla, Twitter, Facebook and Yahoo. L'article ci-dessous référencé en donne un exposé intéressant, mais un peu technique. Bornons nous à citer l'encryptage dit Transport Layer Security, disponible déjà depuis plusieurs années sur Internet dans le http(s). S'ajouteront bientôt le Perfect Forward Secrecy et sans doute de nouvelles versions améliorant la vitesse.

Mais le journal explique, dans un louable effort pour dédouaner la NSA et autres agences, que les utilisateurs répugnent à utiliser de tels logiciels, lesquels compliquent et alourdissent les échanges. Avec réalisme, il laisse aussi entendre que dans la course aux armements entre les adeptes du secret sur Internet et les briseurs de code, ce seront toujours les derniers qui auront le dernier mot. Ceci notamment s'ils disposent des milliards de dollars dépensés par les Etats pour pénétrer les matériels, les fichiers et les câbles.

Le Brésil prétend, comme certains autres pays, être capable de construire des Internet inaccessibles à la NSA. Mais on peut rester sceptique. Nous pensons pour notre part que le monde est entré définitivement dans l'ère de l'espionnage urbi et orbi. Les utilisateurs que nous sommes devront s'y résoudre.

Un lobbying intense

Dans le même temps, les géants américains du Net, Google, Facebook, IBM et consorts, multiplient actuellement leur lobbying à Bruxelles pour que la Commission ne mette pas en place les timides restrictions aux échanges de données personnelles actuellement envisagées par la commissaire à la Justice Viviane Reading, y compris un début de "droit à l'oubli" interdisant la conservation de ces données au delà d'un temps raisonnable. L'argument présenté est que ces réglementations diminueraient la liberté d'action de ces entreprises et donc leurs bénéfices.

Les géants du Net s'appuient pour agir à l'encontre du Parlement européen, comme l'indique un article du Monde daté du 6 décembre, sur des associations récemment crées à Bruxelles par eux, sous des noms évocateurs tels que l'European Privacy Association ou le Center for Democray and Technology. Il serait difficle de faire plus blanc que blanc.

* Article du NYT : http://www.nytimes.com/2013/12/05/technology/internet-firms-step-up-efforts-to-stop-spying.html?_r=0

* Article du Monde : Philippe Ricard, vendredi 6 décembre, p. 6.

 

 

 

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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 18:07

 

Source : euractiv.fr

 

Edward Snowden va témoigner devant les eurodéputés

 

Publié 06 décembre 2013

 

 

 

L'eurodéputé allemand Jan Philipp Albrecht vient d’annoncer qu'Edward Snowden, « le lanceur d’alerte » et acteur clef dans le scandale NSA, souhaite témoigner devant le Parlement européen.

L'audition d’Edward Snowden sur le scandale d'espionnage massif aura lieu à la commission Libertés civiles, justice et affaires intérieures (LIBE) au Parlement européen. Elle sera intégralement enregistrée au format vidéo, selon Jan Philipp Albrecht, rapporteur sur le projet de loi portant sur la protection des données.

L’Américain Edward Snowden a quitté son pays d'origine, avant de faire ses révélations qui ont mis les services de sécurité du pays dans une situation délicate. Il vit actuellement en Russie où il s'est vu accorder un droit d'asile pour une durée d'un an (voir « Contexte »).

« Edward Snowden, en tant que témoin principal dans le scandale de mise sur écoute, a souhaité témoigner en public par le biais d’une vidéo devant le Parlement européen. Ce choix représente une réussite énorme pour l'institution en question », affirme Jan Philipp Albrecht dans un communiqué.

« Edward Snowden répondra aux questions des eurodéputés de la Commission LIBE.  La réunion ne sera certainement pas à l'ordre du jour avant le 18 décembre », selon le même communiqué.

Jan Philipp Albrecht critique vertement le fait qu’aucun des responsables politiques n’ait tiré les conséquences. Il revient maintenant au Parlement européen d’agir, ajoute-t-il.

 

L'enquête parlementaire est en cours

Les eurodéputés verts avaient déjà demandé qu'Edward Snowden soit invité devant la commission, avant même qu'une enquête officielle soit lancée sur le scandale de mise sur écoute le 4 juillet. 

Lors du sommet européen des 24 et 25 octobre, la chancelière allemande, Angela Merkel, a exigé que les États-Unis concluent un accord de « non-espionnage » avec Berlin et Paris d'ici la fin de l'année. Elle a déclaré que Washington devait cesser d’espionner deux de ses plus proches alliés.

La chancelière souhaite que le président américain passe à l'action. Elle ne se contente pas d'excuses à la suite des révélations sur l'Agence américaine de la sécurité nationale (NSA), qui aurait eu accès à des dizaines de milliers de conversations téléphoniques en France et surveillé le téléphone portable privé d'Angela Merkel.

L'Allemagne et la France chercheront un accord mutuel avec les États-Unis sur la coopération entre leurs services de renseignement. D'autres États membres de l'UE pourraient éventuellement y participer par la suite.

Les États-Unis ont conclu un accord de non-espionnage avec le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada. Cette alliance, connue sous le nom de « Five Eyes », avait été nouée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Mais les Américains ont traditionnellement toujours rechigné à sceller un accord similaire avec d'autres alliés. Malgré leurs excellentes relations avec l'Allemagne à l’heure actuelle.

 

Colère collective

De hauts fonctionnaires allemands et le président du Parlement européen, Martin Schulz, ont lancé un appel en vue de suspendre les négociations entre l'UE et les États-Unis sur l'accord de libre-échange. Ces négociations ont commencé en juillet, à la suite des révélations faites sur les pratiques d’espionnage américaines.

Le Parlement européen a soutenu en octobre le projet de loi proposé par la Commission européenne au début de l'année 2012. Ce projet a pour but de durcir les règles portant sur la protection des données, établies en 1995.

Les nouvelles règles devraient restreindre les méthodes de partage de données par des sociétés telles que Google et Facebook collectées en Europe avec des pays non européens. Ainsi, les citoyens européens pourront demander que leurs traces numériques soient effacées. Une amende de 100 millions d'euros voire plus pourra être imposée aux sociétés contrevenantes.

Si l’on en croit les propos de Jan Philipp Albrecht, des décideurs politiques européens mais aussi du monde entier suivront l’audition.

 

Prochaines étapes : 
  • Après le 18 décembre : Edward Snowden témoignera par l’intermédiaire d’une vidéo devant le Parlement
EurActiv.fr — Article traduit de l'anglais

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 19:32

 

 

Source : marianne.net

 

Tintin chez les Bisounours européens
Samedi 7 Décembre 2013 à 16:00

 

Jack Dion
Directeur adjoint de la rédaction de Marianne et grand amateur de théâtre En savoir plus sur cet auteur

 

Pour le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, la «libre circulation» des personnes est «un signe de civilisation» incontestable. Soyons clairs. Nul n'aurait l'idée saugrenue de s'offusquer de saluer la possibilité pour les touristes d'aller de Paris à Berlin comme on va d'un village à un autre. Mais Herman Van Rompuy avalise ici la mise en concurrence des salariés d'un pays à l'autre, qui constitue un vrai recul de civilisation.

 

Herman Van Rompuy - Alessandra Tarantino/AP/SIPA
Herman Van Rompuy - Alessandra Tarantino/AP/SIPA

Voici peu, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen, a tenu à célébrer le 24e anniversaire de la chute du mur de Berlin dans la capitale allemande. Bonne idée, assurément. A cette occasion, il a fait un discours à la gloire de la liberté, de la fraternité, de l'égalité, j'en passe et des meilleures. Parmi ces fortes paroles, on a entendu ceci : «Le populisme et le nationalisme ne sont pas une réponse aux défis de notre temps.» Bravo, même si la notion de «populisme» fait partie de ces mots-valises où l'on met tout et n'importe quoi, à commencer par le mépris vis-à-vis du peuple. Passons.

A la suite de ces envolées lyriques, le bon monsieur Van Rompuy a expliqué qu'il fallait se méfier des critiques formulées à l'égard de l'immigration dérégulée, fustigeant ceux qui y voient la marque du «dumping social». A ses yeux, cela relève du faux procès.

Pour le digne représentant de l'élite bruxelloise, en effet, la «libre circulation» des personnes est «un signe de civilisation» incontestable. Soyons clairs. Nul n'aurait l'idée saugrenue de s'offusquer de saluer la possibilité pour les touristes d'aller de Paris à Berlin comme on va d'un village à un autre. Mais Herman Van Rompuy avalise ici la mise en concurrence des salariés d'un pays à l'autre, qui constitue un vrai recul de civilisation.

Dans ce cas, en effet, il s'agit d'une forme de guerre des pauvres contre les pauvres, d'une guerre où les puissants sont à la quête du moins-disant social grâce à une Europe où l'harmonisation relève du fantasme. Grâce au miracle de la concurrence non libre et complètement faussée, on fait du salaire une variable d'ajustement, on encourage le détricotage du droit du travail et on pousse au démantèlement des modèles sociaux les plus développés, à commencer par celui de la France, hérité de l'esprit du Conseil national de la Résistance.

Dénoncer le populisme et le nationalisme qui minent le rêve européen sans mettre en cause cette réalité, c'est le comble de l'hypocrisie. Comme disait Bossuet : «Dieu se rit des créatures qui déplorent les effets dont elles chérissent les causes.»

 

 


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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 19:05

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/marie-anne-kraft

 

Partis européens : pourquoi pas directement ouverts aux citoyens ?

L'Europe mal-aimée, insuffisamment démocratique, éloignée des citoyens, bouc émissaire des dirigeants des Etats qui l'accusent de décisions qu'ils ont eux-mêmes approuvées, ... Que faire pour rapprocher les citoyens européens de l'idéal européen et leur permettre de s'impliquer sans les décisions ? Et si on commençait par leur permettre une adhésion directe à des partis européens et instaurer une plate-forme collaborative leur proposant avec méthode de contribuer et de réagir aux décisions ?

Il faut d'abord rappeler le fonctionnement de l'Europe. Certes, il paraît complexe : la législation s'articule autour des trois instances que sont la Commission européenne (28 commissaires représentant l'intérêt général), le Conseil de l'UE (28 ministres représentant les Etats membres) et le Parlement européen (766 députés représentant les citoyens européens) :

- la Commission européenne a l'initiative des lois et doit également se charger de leur bonne application (pouvoir exécutif)

- le Parlement européen et le Conseil européen se partagent le pouvoir législatif (vote des lois) avec des navettes entre eux en 1ère, 2ème et 3ème lecture.

L'UE a un fonctionnement démocratique et diffuse sur internet tous les documents ainsi que les vidéos des séances parlementaires et des commissions de travail. Peu de gens le savent et il est difficile de suivre tous les sujets sans synthèse appropriée. Le problème étant que la synthèse que les citoyens sont en droit d'attendre dans les médias nationaux est rare, pauvre et confuse. On ne sait pas toujours où en est une loi : proposée, en cours de discussion ? Votée mais pas appliquée ? Même les journalistes s'y perdent et utilisent évasivement le terme générique de "Bruxelles", entendu comme "La Commission européenne". Il faudrait un minimum d'information dans la presse nationale, par exemple une page par semaine qui décrive l'actualité européenne, l'agenda, les futures discussions, les enjeux, les décisions prises et où elles en sont. En attendant le citoyen peut aller chercher l'information, s'abonner à des Newsletters comme Euractiv.fr ou Contexte, ou à des pages de journalistes spécialisés comme "Les coulisses de Bruxelles" par Jean Quatremer ou encore au moins suivre l'activité de certains députés européens sur leur site officiel.

Les députés siègent en groupes politiques; ils se regroupent non par nationalité mais en fonction de leurs affinités politiques. Il y a actuellement 7 groupes politiques au Parlement européen. Pour composer un groupe politique, le nombre de députés nécessaire est de 25, élus dans au moins un quart des Etats membres de l’Union Européenne. Il est interdit d'adhérer à plusieurs groupes politiques. Certains députés n'appartiennent à aucun groupe politique et dans ce cas, ils font partie des non-inscrits.

 

politicalgroups.jpg

 

Ces groupes sont à distinguer des partis politiques européens, qui portent des valeurs communes et suivent un programme politique commun, dont les membres sont des partis nationaux et des députés représentés dans plusieurs États membres. Il n'y a pas aujourd'hui d'adhésion directe des citoyens européens aux partis européens. Ces partis reçoivent une subvention de l'UE.

Résumons : pour s'engager sur la politique européenne, un citoyen européen est donc invité à le faire via les partis nationaux et donc déléguer les actions et décisions aux parlementaires de ces partis. Ce qui fait beaucoup d'intermédiaires. Sa parole n'est pas forcément entendue et relayée. Les choix du groupe parlementaire européen soutenu par son parti national ne lui convient pas forcément ou du moins partiellement. Et s'il n'a pas envie d'adhérer à un parti national mais souhaite quand même s'engager sur la politique européenne ?

Sinon, il peut aussi s'engager dans des associations comme le Mouvement européen, qui a des antennes nationales et des sections locales (Jean-Marie Cavada vient d'être réélu président pour trois ans pour la France).

Ce serait donc peut-être une bonne idée de proposer que les citoyens européens puissent directement adhérer aux partis européens et donner leurs avis ou contributions, pourquoi pas même directement sur le site de l'Union européenne, grâce à une plate-forme collaborative et des forums thématiques suivant l'actualité (par exemple en ce moment sur l'accord transatlantique de libre échange). Bien sûr le risque est que ces forums soient envahis pas les eurosceptiques et même anti-européens, ce qui donnerait une vision très orientée de la parole citoyenne. Alors que faire ? D'abord il faut non seulement des outils, avec l'utilisation d'internet, mais aussi une méthode. Le bureau d'étude ODIS (Observatoire du Dialogue et de l'Itelligence Sociale), qui va bientôt sortir une actualisation de son étude sur "l'état social de l'Europe", propose une méthode collaborative innovante, que j'ai déjà expérimentée dans des forums organisés par l'Odissée. Il faut s'en inspirer.

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 18:53

 

Source : mediapart.fr

 

Travailleurs « low cost » : le gouvernement cherche une arme anti-FN

|  Par Lénaïg Bredoux

 

 

 

Ces dernières semaines, l’exécutif s’est brusquement agité à propos de la directive d’application sur les travailleurs détachés dans l’Union européenne. L’objectif : contrer le Front national à six mois des européennes.

C’est un texte obscur et ultra-juridique. Une « directive d’application », dans le jargon bruxellois, mais dont le gouvernement français veut faire le symbole de son combat pour une Europe sociale. En luttant contre la fraude sur le détachement des salariés européens, Hollande et ses ministres veulent contrer le Front national qui en a déjà fait un argument de campagne, à six mois des européennes.

Lundi, les ministres du travail européens se retrouvent à Bruxelles pour une ultime séance de négociation sur les conditions de détachement des salariés européens. En amont, Michel Sapin, le ministre français, a multiplié les interventions publiques et médiatiques pour afficher sa fermeté. « Je choisirai l’absence de compromis plutôt qu’un mauvais compromis. L’Europe n’a rien à gagner dans la concurrence effrénée de ses travailleurs entre eux. L’Europe n’est pas faite pour fragiliser mais pour renforcer », a-t-il encore dit jeudi 5 décembre devant la commission nationale de lutte contre le travail illégal.

Trois jours plus tôt, à l’occasion d’un débat sans vote organisé sur le sujet à l’Assemblée nationale, il s’en était plus longuement expliqué : « Quelles seraient les conséquences, si nous laissions passer un mauvais compromis, un compromis trop faible, celui que cherchent les libéraux européens et que soutient le PPE, auquel adhère l’UMP ? La dérégulation sociale encore aggravée, et certains – suivez mon regard – n’hésiteront pas à en profiter pour attiser les haines ! Ils diront aux salariés licenciés ou à ceux qui ne trouvent pas de travail “voyez, ils vous prennent votre travail” (…). Dans un contexte de chômage important, c’est ravageur ! Au-delà de la préservation de l’ordre public social, (…) c’est le poison de la xénophobie qu’il faut combattre. »


Michel Sapin et Jean-Marc Ayrault à l'Assemblée, le 4 décembre 2013 
Michel Sapin et Jean-Marc Ayrault à l'Assemblée, le 4 décembre 2013 © Reuters

Pour une fois, toute la majorité est soudée. C’est même d’elle qu’est venue l’alerte et il a fallu attendre plusieurs mois avant que le gouvernement et le président de la République ne s’en saisissent.

La question du détachement des travailleurs n’est pas nouvelle : la directive qui l’encadre date de 1996 et elle visait, au départ, à limiter le dumping social. Une entreprise polonaise ou portugaise qui serait chargée d’un chantier de bâtiment en France doit respecter le droit du travail français (durée du travail, salaire minimum, etc.), à la seule exception des cotisations sociales qui sont réglées dans le pays d'origine (en l'espèce la Pologne ou le Portugal). Les salariés français sont aussi parmi les premiers à en bénéficier : la France est en effet le deuxième pays, derrière la Pologne, à détacher le plus de personnes dans un autre pays de l’Union, pour l’essentiel des cadres.

Mais ces dernières années, l’élargissement de l’Union européenne (à la Pologne en 2004 et à la Roumanie et la Bulgarie en 2007) et la crise économique ont provoqué une explosion du phénomène. Selon les derniers chiffres fournis par le ministère du travail, la France accueillera cette année huit fois plus de salariés détachés qu’en 2005 (210 000 estimés contre 26 500). En 2012, ils étaient 170 000, dont près de 32 000 Polonais, 20 000 Portugais, 17 000 Roumains et 13 000 Allemands. La moitié a travaillé dans le secteur du bâtiment (lire notre reportage en Auvergne).

Mais il ne s’agit là que des travailleurs légalement déclarés. Le ministère estime en effet que la fraude a elle aussi explosé. Selon une estimation de la direction du travail, les salariés détachés en France étaient plus proches des 350 000 que des 170 000. « Lors d’une vaste opération nationale de contrôle de mes services le 25 juin dernier, sur 87 entreprises pratiquant la prestation de service internationale, une sur deux n’avait pas fait de déclaration ! » explique Michel Sapin. À titre de comparaison, la France a détaché l’an dernier 140 000 salariés dans un pays tiers.

Dans certains départements, le phénomène est ancien – certains syndicalistes, comme la CGT des chantiers navals de Saint-Nazaire, et quelques députés communistes, l’ont dénoncé depuis longtemps, dans l’indifférence quasi générale. Mais il s’est répandu dans d’autres régions jusqu’à devenir un des symboles de la révolte des Bonnets rouges en Bretagne. Les abattoirs bretons, dont le site de Gad de Lampaul-Guimiliau aujourd’hui fermé, souffrent en effet de la concurrence des sites allemands qui embauchent, en détachement, beaucoup d’ouvriers polonais, dans un secteur qui n’est pas soumis à un salaire minimum outre-Rhin. À l’inverse, d’autres sites en France embauchent des ouvriers étrangers, ce qui leur permet, légalement, de payer moins de cotisations sociales, ou illégalement, en ne déclarant pas toutes leurs heures, en les payant moins ou en les logeant dans des conditions indécentes. L’image des salariés de Gad de Lampaul-Guimiliau (Finistère) allant bloquer le site Gad de Josselin (Morbihan), où travaillent aussi des salariés étrangers, est devenue le symbole de la colère provoquée par le détachement.

 

 

« Voilà des beaux marqueurs de gauche ! »

Depuis, les élus bretons font partie des plus actifs à l’Assemblée pour batailler sur le détachement des salariés. « Depuis un ou deux ans, c’est devenu une pratique industrielle ! C’est un des premiers dossiers qui m’a éclaté à la figure quand j’ai été élu », témoigne Gwenegan Bui, député PS du Finistère, qui a suivi de près les plans sociaux chez Gad et Tilly-Sabco. Il raconte les abattoirs, mais aussi les bâtiments agricoles construits par des salariés détachés et la rumeur, persistante dans sa circonscription, d’étrangers assurant la récolte des échalotes.

Même chose dans la circonscription voisine, celle du socialiste Richard Ferrand, qui raconte avoir « pris conscience par hasard et de façon empirique » du phénomène. « Début 2013, je visitais une exploitation agricole. Ils construisaient un nouveau bâtiment. Mais les gars ne parlaient pas français. C’était de la sous-traitance. Des artisans du coin m’ont ensuite raconté qu’ils recevaient des pubs par fax pour embaucher des salariés étrangers… »

« Dans les grands groupes de l’agroalimentaire, du bâtiment ou sur les chantiers navals civils et militaires, cela existait depuis longtemps. Mais la nouveauté, c’est que les petites et moyennes entreprises ont pris le relais en s’inspirant de ces pratiques », raconte aussi Gwendal Rouillard, député PS de Lorient où il voit des travailleurs étrangers logés dans des conditions extrêmement précaires, « au camping ».

Tous s’inquiètent de l’exaspération provoquée par cette pratique et du rejet de l’Union européenne qu’elle renforce. « Si on ne fait rien, on pourrait voir un drapeau allemand qui brûle… Chez Gad, on parle déjà de “Boches”. On sent monter une détestation de l’Europe qui peut être facteur de désagrégation électorale », selon Gwenegan Bui. En clair : ces députés bretons ont peur de la montée du FN.

Quand ils s’en sont émus, ils ont pu s’appuyer sur le travail qu’avait mené parallèlement une poignée de députés et de sénateurs – dont le communiste Éric Bocquet au Sénat et le socialiste Gilles Savary à l’Assemblée, auteurs de deux rapports qui font aujourd’hui référence. « Le réveil est brutal », s’exclame d’emblée le député Savary qui parle de « trading de main-d’œuvre low cost » à coups de publicité sur Internet (voir ci-dessous). « J’ai découvert qu’on était passé dans un autre monde. On est entré dans l’ère de l’optimisation sociale de masse, avec une brutale accélération à partir de 2006. »


Sur le moteur de recherche Google, en tapant "travailleurs polonais", samedi 7 décembre 
Sur le moteur de recherche Google, en tapant "travailleurs polonais", samedi 7 décembre

Mais là encore, le gouvernement a d’abord fait la sourde oreille – à l’exception de quelques ministres comme Guillaume Garot, délégué à l’agroalimentaire, Benoît Hamon ou Arnaud Montebourg, et d’allusions passées inaperçues de Jean-Marc Ayrault. « Nous avons travaillé dans une certaine indifférence », raconte Savary, qui a également préparé une proposition de loi sur le sujet, en cours de finalisation. C’est la crise bretonne et la menace du Front national, à six mois des européennes, qui ont tout changé.

La mobilisation est venue de l’Élysée, où les élus bretons disposent de plusieurs relais (les ministres Le Drian ou Le Foll, mais aussi le maire de Quimper, conseiller de François Hollande, Bernard Poignant), après un conseil des ministres le mois dernier où le président de la République « a appuyé sur l’accélérateur », selon Savary. Depuis, « Sapin est en ligne et il est à fond », dit le député qui rappelle que « rien n'a été fait sous Sarkozy ». « Hollande était réceptif, ses conseillers nettement moins », glisse de son côté Gwendal Rouillard.

Pendant plusieurs mois, l’incertitude sur les élections allemandes a gelé toute prise de position publique de la France. « Notre trouille du populisme et le risque que l’esprit européen se dissipe rencontrent aujourd’hui une situation politique conjoncturelle en Allemagne qui redevient active sur les dossiers sociaux. C’est le sujet de la grande coalition et on peut refaire un axe franco-allemand sincère et non pas seulement de compromis », veut croire un ministre du gouvernement.

« C’est un dossier à connotation politique très forte à l’horizon 2014 (les élections européennes, ndlr), perçu comme le symbole d’une Europe incapable de lutter contre le dumping social et le retour de l’image du “plombier polonais”. Aujourd’hui, la France mène un combat politique sur ce dossier avant les élections européennes qui doivent aussi servir le rapport de force », explique aussi Thierry Repentin, le ministre délégué aux affaires européennes. « Cette bataille est un élément fédérateur : on parle des travailleurs, du respect des conditions de travail, de la lutte contre le dumping social, de la santé au travail, de la relance de l’idée européenne. Voilà des beaux marqueurs de gauche ! Puisqu’on en cherche parfois… », résume le député Gwendal Rouillard.

Mais ce discours laisse parfois pantois à Bruxelles (lire l’article de Ludovic Lamant) où l’agitation française dans cette négociation semble disproportionnée eu égard aux enjeux réels de la direction en préparation. Car il ne s’agit pas de revenir sur le texte datant de 1996 mais d’en redéfinir les conditions d’application pour renforcer les contrôles. Pas question donc de remettre en cause le détachement ni de revenir sur le non-paiement des cotisations sociales dans le pays d'accueil qui est déjà, à lui seul, une cause de dumping.

À Paris, certains conseillers en charge du dossier l’admettent : l’attitude française est surtout question de politique intérieure. « Sapin en a fait un enjeu symbolique, et un combat très personnel. Quoi qu’il arrive, le texte négocié à Bruxelles ne va pas permettre de régler les problèmes bretons ! Les attentes sont beaucoup trop élevées », glisse l’un d’eux, sous couvert d’anonymat.

Elles le sont d’autant plus que le problème principal posé par le détachement est celui de la fraude. Et donc du contrôle. « C’est d’abord un problème national, pas tellement européen », dit un autre conseiller français qui a suivi les discussions. Si les négociations en cours à Bruxelles visent justement à renforcer le cadre juridique de ces contrôles, ils dépendent ensuite des services nationaux – en France, de l’inspection du travail. Une administration dont les moyens ont été considérablement réduits ces dernières années et qui se rebelle actuellement contre la réorganisation décidée par Michel Sapin. Mais pour les élections européennes, c’est nettement moins spectaculaire.

 

 

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 18:42

 

Source : mediapart.fr

Pourquoi l'Union peine à lutter contre le « dumping social »

|  Par Ludovic Lamant

 

 

 

La France continue de miser sur un accord, lors d'une réunion clé lundi à Bruxelles, sur un sujet explosif : la directive sur les travailleurs détachés. Mais l'alliance de la Grande-Bretagne avec des pays de l'Est complique les débats. Le parlement européen, lui aussi, est très divisé. Les propositions sur la table sont-elles à la hauteur ?

Bruxelles, de notre envoyé spécial

L'« opération déminage » du gouvernement français va-t-elle aboutir ? Une partie de la réponse sera connue lundi, à l'issue de la réunion des ministres de l'emploi des 28, à Bruxelles, qui discuteront d'un texte ultra-sensible à l'approche des élections européennes : l'adaptation de la directive sur les travailleurs détachés de 1996.

À l'origine, cette directive, entrée en vigueur en 1999, visait à lutter contre le dumping social provoqué par l'arrivée de travailleurs espagnols, portugais ou grecs, dans des pays d'Europe du Nord. Mais à l'heure du bilan, après l'élargissement à l'Est des années 2000, tout le monde s'accorde sur l'ampleur des abus. De là à y voir un retour de « Bolkestein », du nom de cette directive visant à libéraliser les services dans l'UE, et qui avait popularisé, en 2005, la figure du « plombier polonais » ?

Environ 1,2 million de citoyens européens disposent aujourd'hui de ce statut mal connu : un employeur peut détacher jusqu'à deux ans l'un de ses employés dans un pays de l'UE, au nom de la « libre prestation de services ». Ce dernier profite d'un « noyau dur » de droits et de lois en vigueur dans le pays d'accueil (temps de travail, congés payés, salaire minimum quand il existe, respect de la sécurité, etc.). Mais les cotisations de sécurité sociale, elles, sont versées par l'employeur au pays d'origine. Pour les entreprises françaises, c'est une manière d'économiser, en toute légalité, sur les cotisations sociales.

Mais le problème majeur est ailleurs : sous couvert de cette directive, des entreprises ont fait venir des ouvriers détachés, sans toujours respecter la durée maximale du temps de travail, ou encore les règles salariales. Une masse de travailleurs « low-cost », qui constitue aussi une forme de concurrence déloyale, sur les marchés du travail des principaux pays d'accueil – dont la France et l'Allemagne. L'ensemble des contrôles, sur le respect de cette directive, est laissé à la charge de l'État membre.

La commission reconnaît l'ampleur des détournements du texte, comme le montre un inventaire des abus qu'elle a dressé, dans un rapport de 2012. Elle y évoque par exemple (page 27) le cas désormais bien connu du chantier de l'EPR de Flamanville, où Bouygues est accusé d'avoir payé moitié moins que les salariés français des détachés polonais. Ces ouvriers étaient envoyés par une filiale, basée à Chypre, d'une agence d'intérim irlandaise… Bouygues est également accusé de ne pas avoir déclaré 38 accidents sur le chantier, impliquant des détachés (pour d'autres exemples, lire l'enquête de Rachida El Azzouzi).

Les discussions en cours à Bruxelles sont censées déboucher sur une amélioration du texte de 1996. Le gouvernement français a décidé de monter au créneau sur ce dossier emblématique. Mais rien ne dit que ses efforts s'avéreront payants. Que peut l'Europe, dans la lutte contre le « dumping social » ? Décryptage en quatre points de certains blocages européens.

 

Une visite sur le site de l'EPR de Flamanville, le 13 janvier 2013. © Reuters. 
Une visite sur le site de l'EPR de Flamanville, le 13 janvier 2013. © Reuters.


1 - PAS DE GRAND CHAMBOULEMENT EN VUE

Il n'est pas question de revoir de fond en comble la directive de 1996. La commission a fait le choix de proposer, l'an dernier, une « directive d'application », censée toiletter, à la marge, le texte de référence. Objectif : corriger un effet pervers, ou supprimer les abus ici ou là. Mais le principe du détachement – inscrit dans les traités européens (l'article 56) – n'est pas remis en cause, pas plus que l'esprit du texte de 1996.

Alors que le parlement européen débattait du projet en début d'année, beaucoup d'élus français, quel que soit leur bord politique, ont regretté le choix de la commission. Ils auraient préféré une « révision » de la directive de 1996, plus ample, qui aurait permis d'imposer des aménagements plus importants.

« Il y a trois facteurs qui expliquent la dérive du texte de 1996 : l'élargissement des années 2000, la crise financière et plusieurs arrêts de la cour de justice européenne sur le sujet. Pour toutes ces raisons, il aurait fallu ouvrir une révision du texte. Mais José Manuel Barroso, qui nous l'avait d'abord promise, nous l'a refusée, au début de son deuxième mandat », avance Pervenche Berès, élue PS à Strasbourg, qui préside la commission emploi au sein de l'hémicycle.

Dans une tribune publiée dans Les Échos fin novembre, des élus UMP montent au créneau, avec le même argument : « La révision était pourtant essentielle lorsqu'on est passé d'un groupe de 15 États (…) à aujourd'hui 28, intégrant pour grande partie des pays de l'Est et du Sud de l'Europe ». Certains eurodéputés signataires du texte, comme Rachida Dati ou Françoise Grossetête, n'ont pas manqué de se faire épingler pour « mauvaise foi » par leurs adversaires socialistes, rappelant que l'UMP avait soutenu la reconduction de José Manuel Barroso voilà cinq ans.

« La réponse de la commission n'est pas à la hauteur des enjeux. Une directive d'exécution n'est pas la solution. Ce qui est sur la table est très insuffisant. Le texte devrait aussi parler du statut d'autres travailleurs étrangers, qui ne sont pas détachés, et qui, eux, ne bénéficient même d'aucun droit », s'inquiète Veronica Nilsson, spécialiste du dossier au sein du think tank de la CES, la confédération européenne des syndicats.

Du côté de la commission, on assume le choix modeste d'une directive « d'application », malgré l'élargissement de l'UE : « Il y a déjà un noyau dur de droits sociaux qui sont garantis dans la directive de 1996. C'est le droit du pays d'accueil qui doit s'appliquer, par exemple, en matière de salaire minimum, de conditions de travail, ou encore de santé au travail. Le texte de 1996 établit déjà un équilibre qui nous semble approprié, entre le respect des droits des travailleurs d'un côté, et la libre prestation de services de l'autre », assure le porte-parole du commissaire à l'emploi, Laszlo Andor, un socialiste hongrois.

L'exécutif français a donc décidé de faire monter les enchères cet automne sur un texte qui, par nature, aura des effets limités. Ceux qui veulent renverser la table devront patienter. Le PS ou les Verts ont prévu de faire campagne, à l'occasion des élections européennes, pour une révision du texte.

2 - LE VOTE DE LUNDI N'EST QU'UNE ÉTAPE
Si la réunion de lundi s'annonce décisive, elle n'est qu'une étape. Qu'il y ait accord ou échec, le texte n'en a pas fini avec les allers-retours entre institutions bruxelloises, d'ici aux élections européennes de mai.  

Scénario vertueux pour les Français : un compromis lundi. Sur les deux articles au cœur des débats, le 9 fait a priori consensus. Il prévoit, comme le souhaitait Paris, que la directive fixe une « liste ouverte », pour chaque État membre, de mesures de contrôle. En clair : chaque capitale est libre de durcir les contrôles, par rapport à ce que prévoit le texte, à condition que ces mesures soient « proportionnelles », conformément à la jurisprudence européenne sur le sujet, et de le « notifier », en amont, à la commission.

À l'origine, un bon nombre de pays, autour de la Grande-Bretagne, plaidaient pour une « liste fermée », plus restrictive, pour ne pas alourdir la charge administrative des entreprises, mais également pour un encadrement plus strict par la commission. Sur ce point, le compromis, également soutenu par la Belgique, l'Italie, l'Allemagne ou le Luxembourg, devrait être atteint.

En revanche, l'article 12 continue de crisper les uns et les autres. Cette fois, il s'agit d'instaurer une « responsabilité conjointe et solidaire » de tous les sous-traitants d'une chaîne. Cela ne concerne que le secteur du bâtiment, qui emploie 25 % des travailleurs détachés. Cela doit permettre, par exemple, à un de ces ouvriers d'être tout de même payé, si son employeur dépose le bilan, par un autre sous-traitant de la chaîne. La France voudrait une responsabilité « obligatoire », mais elle ne serait qu'« optionnelle » pour d'autres États membres.

Les discussions en fin de semaine à Bruxelles se concentraient sur la définition de seuil (rémunération des ouvriers, chiffre d'affaires du chantier) à partir duquel cette responsabilité pourrait prévaloir. L'accord doit se faire à la majorité qualifiée : tout l'enjeu d'ici lundi est de savoir si les Français vont parvenir à rallier un « poids lourd » du camp d'en face, comme la Pologne ou l'Irlande – ce qui suffirait à défaire la minorité de blocage sur l'article 12. Mais Paris semble jouer une carte maximaliste qui irrite bon nombre de négociateurs.

En cas d'accord lundi, le chemin est encore long : des « trilogues » (discussions entre représentants de la commission, du conseil et du parlement) s'ouvriront, sans doute dès la fin de l'année, pour travailler à un compromis qui puisse être voté en séance plénière à Strasbourg d'ici avril (la dernière session avant les élections). Étant donné les écarts entre le texte voté en juin au parlement, et le compromis qui se dessine lundi, l'affaire ne s'annonce pas simple.

En l'absence d'accord lundi, tout n'est pas non plus perdu. Le dossier serait reporté à l'après-élections européennes de mai. Ou pourrait aussi s'inviter… au conseil européen des 19 et 20 décembre, une réunion des chefs d'État et de gouvernement qui doit débattre, en priorité, de la future « union bancaire ». Mais certains États ne veulent pas en entendre parler, de peur d'« empoisonner » le conseil avec ce sujet de discorde.

« Angela Merkel ne veut pas que le sujet soit programmé au conseil européen. Mais Herman Van Rompuy sera bien obligé de le faire s'il n'y a pas d'accord lundi. Ce qui fait qu'il n'est pas exclu que les Allemands lâchent les Français lundi, pour les forcer à adopter un compromis moins ambitieux », s'interroge une source européenne. Jusqu'à présent, les Allemands ont soutenu la position française.

3 - QUELLES SONT LES CAPITALES OPPOSÉES À PARIS ?
Un noyau dur d'États membres freine tout durcissement de la directive de 1996. Autour de la Grande-Bretagne, on trouve l'Irlande, la Pologne, la Hongrie, la Lettonie ou encore l'Estonie. Certains d'entre eux avancent un argument de principe : ce n'est pas à l'Europe de dire aux États membres comment faire appliquer le droit du travail. Et un argument plus pragmatique : ne pas alourdir la charge administrative des entreprises par temps de crise. D'autres, enfin, s'inquiètent de ce qu'ils considèrent comme un retour déguisé du protectionnisme.

Dans ce contexte, le double discours de Londres détonne. David Cameron, le premier ministre britannique, a publié une tribune dans le Financial Times, fin novembre, intitulée : « La libre circulation en Europe doit être moins libre », dans laquelle il s'inquiète de l'arrivée de travailleurs roumains et bulgares sur l'île. La stratégie, ici, est toujours la même : l'exécutif ne veut pas abandonner ce terrain aux eurosceptiques du UKIP, une formation en tête des sondages pour les européennes. Mais le même David Cameron, à Bruxelles, torpille tout projet de renforcement des contrôles des ouvriers détachés...

« D'un côté, les Britanniques refusent de soutenir le principe d'une loi européenne. Mais de l'autre, ils connaissent exactement les mêmes problèmes sur l'application de cette directive, que l'Allemagne ou la France, et ils savent bien que seule l'Europe peut gérer ce genre de dossiers transfrontaliers », s'indigne Elisabeth Schroedter, une eurodéputée allemande du groupe des Verts, qui suit de près ce dossier.

Autre capitale dans une situation inconfortable : Varsovie. Les Polonais se trouvent alliés dans les négociations avec Londres, qui ne cesse pourtant de stigmatiser les Européens de l'Est. D'après plusieurs sources proches des négociations, les Polonais ont l'impression d'avoir déjà beaucoup lâché auprès des Français pour atteindre un compromis, et ne bougeront plus. À l'origine, ils plaidaient par exemple pour la suppression pure et simple de l'article 12 (sur la responsabilité des sous-traitants), ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.

La surprise pourrait venir d'un raidissement des positions allemandes, si les Français en demandent trop. Mais l'accord de gouvernement de la « grande coalition » SPD - CDU - CSU, contient plusieurs passages sur les travailleurs détachés, qui vont plutôt dans le sens des positions françaises. L'instauration, à moyen terme, d'un salaire minimum en Allemagne aura d'importantes répercussions sur les conditions des ouvriers détachés (lire l'analyse de Thomas Schnee).

4 - DIVISIONS AU PARLEMENT EUROPÉEN ET ACROBATIES FRANÇAISES
Depuis le début de leur mandat en 2009, les eurodéputés, très divisés sur le sujet, n'ont jamais donné d'« avis » sur la directive des détachés en chantier, lors d'une séance plénière. Un seul vote, dans la commission Emploi, qui regroupe les élus spécialistes du sujet, s'est déroulé en juin dernier.

Sur les points sensibles du débat, le texte adopté par les eurodéputés va plus loin que les compromis sur la table, et même que les positions défendues par Paris. Il parle de « liste ouverte » pour l'article 9, mais surtout de « responsabilité conjointe, solidaire et obligatoire », à l'article 12, applicable à tous les secteurs (et pas seulement au bâtiment).

À l'époque, le groupe des socialistes et démocrates (S&D, deuxième force au parlement) avait pourtant voté, comme la GUE (gauche unitaire européenne)… contre le texte, qu'il considérait « rempli de failles », en particulier sur la définition même de travailleur détaché. Certains des élus S&D s'étaient moqués de l'alliance de circonstance entre le PPE (droite), les libéraux et les Verts, qui avait permis l'adoption du texte. La socialiste française Françoise Castex s'était emportée contre ce vote qui « a vidé de sa substance un texte fondamental pour l'amélioration des conditions de travail en Europe », allant jusqu'à parler de « scandale ».

Aujourd'hui, la situation a changé. Les communiqués rageurs ont été mis de côté. Les socialistes français font profil bas, en soutien de l'exécutif français. D'autres formations suivent, et sourient quand on leur parle des acrobaties socialistes. « Je salue l'offensive du gouvernement, même si elle vient un peu tard, et même si c'est vrai qu'ils ne vont pas assez loin sur certains points, quand on le compare au texte que l'on a adopté au parlement », explique Karima Delli, une eurodéputée du groupe des Verts, qui, elle, a voté le texte en juin.

Pour Constance Le Grip, une élue UMP, « il reste à voir le détail de l'accord de lundi, s'il y en a un, mais je soutiens l'initiative du gouvernement français sur ce sujet. Au parlement, il y a une forme de front d'élus français qui se dessine sur le sujet des détachés ». Mais d'autres socialistes (espagnols ou anglais) continuent de juger qu'il faut s'opposer coûte que coûte au compromis qui se dessine. Sans oublier les syndicats, qui jugent le texte quasiment vide.

C'est toujours la même question piège qui finit par se poser à Bruxelles, pour le gouvernement socialiste : jusqu'où accepter les compromis avec une Europe majoritairement de droite ? Le PS ne risque-t-il pas de perdre son âme, dans ces négociations ultra-techniques ? À cette question délicate, Pervenche Berès répond : « Le gouvernement a une obligation de résultats. » Manière de dire qu'il est important d'arracher des améliorations, même modestes, à l'approche des municipales et européennes. Pour d'autres, ces avancées sont tellement réduites qu'il vaut mieux rejeter le texte en bloc, au nom d'une certaine clarté politique.

Chez les socialistes, ce dilemme n'est pas neuf, mais il risque de s'intensifier l'an prochain, à l'approche des élections.

 

 

 

 

 

 

 

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7 décembre 2013 6 07 /12 /décembre /2013 18:27

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 

Attac France

OMC : un accord au profit des multinationales et des plus riches !

Tous les commentateurs saluent un accord historique qui aurait sauvé l'OMC et le multilatéralisme, tout en facilitant le commerce mondial au bénéfice des populations. A y regarder de plus près,le paquet de Bali va profiter aux multinationales, les pays pauvres devant se contenter de quelques promesses. Décryptage.

 

 

La 9ème ministérielle de l'OMC à Bali (Indonésie) ne devait pas être une réunion de négociations. Le nouveau directeur général de l'OMC, Roberto Azevedo, souhaitait y arriver avec un accord finalisé que les ministres n'auraient eu qu'à valider. Aucun accord n'ayant été atteint lors de la dernière session de négociations à Genève, les négociations se sont poursuivies à Bali après un coup d'éclat médiatique d'Azevedo ayant déclaré que ce n'était ni plus ni moins que « l'avenir de l'OMC » qui était en jeu à Bali. Comportant une dizaine de textes portant sur trois sujets principaux, à savoir « la facilitation des échanges », « l'agriculture » et le « développement », le paquet de Bali ne porte que sur une petite partie de l'agenda du « cycle de développement » initié à Doha il y a 12 ans et jusqu'ici bloqué. En s'accordant sur le paquet de Bali, premier accord depuis la naissance de l'OMC en 1995, les pays membres de l'OMC, désormais au nombre de 160 depuis l'adhésion du Yémen, ont-ils ouvert une nouvelle expansion des politiques de libre-échange et d'investissement au sein de l'OMC que les importantes mobilisations de la société civile, notamment à Cancun en 2003, et les désaccords intervenus entre les pays membres, notamment sur l'agriculture, avaient jusqu'ici limité ?

 

Psychodrames habituels !

A chaque conférence internationale, son lot de psychodrames et conflits diplomatiques montés en épingle. A Bali, les négociations ont principalement achoppé sur deux points. Le premier concerne les politiques agricoles. Les pays industrialisés, les Etats-Unis en tête, se sont longtemps opposés à une proposition provenant du G33, un groupe de 46 pays « en développement », dont l'objectif annoncé visait à leur permettre de soutenir les paysans et leur agriculture, réduire les risques de famine et atteindre leurs objectifs du millénaire en termes d'alimentation. Dans le but d'assurer leur « sécurité alimentaire », ces pays, l'Inde en tête, exigeaient de pouvoir mettre en œuvre des politiques d'achats de stocks à prix administrés, de subventions agricoles et de mesures compensatoires qui sont très fortement limitées et sanctionnées par l'OMC lorsqu'elles dépassent certains seuils. Ces seuils étant fixés avantageusement en faveur des « pays développés », la proposition visait à obtenir un engagement de ces derniers à ne pas poursuivre les « pays en développement » et leurs politiques de « sécurité alimentaire » le temps que « soit trouvé une solution permanente ».

Les Etats-Unis, refusant de trop grandes concessions, ont finalement obtenu que l'Inde accepte une solution transitoire, nommée « clause de paix »1, encadrée par de nombreuses conditions. Si la référence au fait de « trouver une solution permanente » est bien présente, ce qui semble satisfaire l'Inde, il n'est nulle part précisé quelle forme pourrait prendre cette solution et si elle doit consister en une revoyure partielle ou totale des chapitres du GATT consacrés à l'agriculture. Il est seulement indiqué qu'une telle solution devra être adoptée d'ici quatre ans, lors de la 11ème conférence ministérielle. Par ailleurs la clause de paix ne s'applique que pour les seules cultures de base d'un régime alimentaire d'un pays, restreignant son champs d'application Elle n'est valable que pour les seules politiques de « sécurité alimentaire » existantes à ce jour, et ne pourra couvrir d'éventuelles nouvelles politiques, en Inde ou ailleurs, qui pourront donc être poursuivies devant l'Organe de règlement des différends de l'OMC. Par ailleurs, elle ne concerne que la constitution de stocks à prix administrés et non les subventions agricoles et mesures compensatoires (ASCM).

 

Une « clause de paix » au rabais !

Au final, si l'on y rajoute quelques limites et conditions procédurales complexes, la « clause de paix » s'appliquera principalement et quasi exclusivement aux dispositifs existants en Inde. Par contre elle hypothèque toute possibilité de généralisation des politiques de sécurité alimentaire, qui plus est de souveraineté alimentaire, dans les années à venir. Ce qui a fait dire à certains négociateurs du G33 que l'Inde ne négociait que dans la poursuite de son propre intérêt, sans se soucier des besoins et intérêts des autres membres du groupe. La Via Campesina note de son côté que cette clause de paix est une absurdité puisqu'aucun pays ne devrait avoir à mendier auprès de l'OMC le droit de garantir le droit à l'alimentation, et que les politiques agricoles devraient être exclues de l'OMC.

 

 

Le blocus de Cuba pouvait-il faire dérailler les négociations ?

Le second psychodrame s'est noué lors du dernier jour de négociations, ce vendredi 6 décembre. Alors que les différents textes comprenaient de nombreux passages entre crochets, c'est-à-dire non encore validés, le directeur général de l'OMC Roberto Azevedo a proposé un texte finalisé, sur la base des réunions bilatérales tenues lors des dernières quarante-huit heures. Parmi les paragraphes supprimés se trouvaient ceux proposés par Cuba pour remettre en cause l'embargo commercial des Etats-Unis sur Cuba qui dure depuis plus de 50 ans. La suppression, unilatérale brutale et irrespectueuse, de ces paragraphes, a attisé la colère de Cuba et des pays de l'Alba représentés à Bali. Dénonçant un texte déséquilibré au seul profit des pays les plus riches et de leurs multinationales, ils ont exigé une modification substantielle du texte. Sans accord sur le texte, les négociations ont été prolongées de plus de 12 heures. Au final Cuba a obtenu qu'il soit fait mention de l'Article V du GATT et de son principe de non-discrimination qu'ils espèrent pouvoir utiliser contre le maintien de l'embargo. Au passage, alors que les paragraphes initiaux étaient intégrés à l'accord sur la Facilitation des échanges, la mention obtenue n'a été rajoutée que dans la seule déclaration ministérielle adjointe aux accords validés à Bali, plus rhétorique que normative.

La partie agricole des négociations comportait également un volet exportations. A en croire la ministérielle de Hong Kong en 2005, toutes les subventions aux exportations agricoles devaient être éliminées d'ici 2013. C'est loin d'être le cas, pour le bénéfice du modèle agricole américain notamment. A Bali, il a été juste rappelé que « la concurrence à l'exportation reste une priorité pour le programme de travail post-Bali ». Autre promesse faite à Hong Kong, la remise à plat du volet coton, qu'exige depuis longtemps les pays africain,s n'a pas avancé puisqu'il est simplement annoncé qu'il y aura des « discussions dédiées » dans le programme de travail post-Bali.

 

Le « cycle du développement », une promesse sans lendemain

Si le paquet de Bali intègre une partie en faveur des « pays les moins développés » (Least Developed Countries – LDC), il ne comporte rien de substantiel ou de significatif. La mise en œuvre effective d'un traitement spécial et différencié et d'un mécanisme de contrôle restent de vieilles promesses non tenues, aujourd'hui à l'état de déclaration. Leur mise en œuvre ne bouleversera pas la donne, tandis qu'il est assez choquant que ces mesurettes destinées aux pays les plus pauvres de la planète aient été utilisés comme monnaie d'échange dans ces négociations. Alors que le cycle de Doha avait été annoncé comme celui « du développement », supposé apporter un avenir meilleur et plus juste à la majorité des populations de la planète, le résultat de Bali montre à quel point cette affirmation était sans fondement.

 

Les multinationales choyées


Finalement, c'est du côté volet « Facilitation du commerce » de ces négociations qu'il faut regarder pour trouver des engagements réellement contraignants. Alors que les échanges commerciaux n'ont augmenté que de 0,02 % en volume en 2012 par rapport à 2011, marquant un net ralentissement des échanges après deux années de hausse importante, cet accord s'inscrit clairement dans une perspective d'expansion des échanges commerciaux à l'échelle mondiale. Schématiquement, tous les Etats membres, dont les plus pauvres, s'engagent à simplifier les procédures douanières et à mettre à niveau leurs appareils réglementaires et logistiques afin de réduire les coûts des transactions commerciales. Les pays du Nord, et les lobbies privés, ont fait valoir que ces derniers pourraient diminuer de 10 %. Les derniers chiffres annoncés, de l'ordre de 1000 milliards de dollars d'économie et de création de 21 millions d'emplois à l'échelle mondiale, paraissent totalement fantaisistes.

Par ailleurs, comprenant des exigences de libéralisation et d'accès facilités aux marchés, les mesures de « facilitation des échanges » seraient extrêmement coûteuses à mettre en œuvre pour les « pays en voie de développement » et profiteraient surtout aux entreprises multinationales, sans que les pays industrialisés ne fournissent une assistance technique et financière pour leur mise en œuvre. Le Rapport sur le commerce mondial 2013 de l'OMC indique que 1% des entreprises d'imports exports concentrent 80% des exportations américaines, que 85% des exportations européennes sont dans les mains de 10% de grands exportateurs et que les 5 plus grandes entreprises d'imports exports des pays en développement sont en charge de 81% de leurs exportations. L'accord de facilitation des échanges va donc surtout profiter à ces multinationales et au secteur privé, alors que sa mise en oeuvre va terriblement peser sur les budgets des pays les plus pauvres.

 

Les prémices d'une finalisation du cycle de Doha ?

Salué comme un immense succès par l'essentiel des négociateurs et commentateurs, le paquet de Bali est annoncé comme celui qui a sauvé et relégitimé l'OMC et le multilatéralisme commercial et qui va permettre de finaliser le « cycle de Doha ». Si la déclaration ministérielle prévoit bien d'établir dans les douze mois « un programme de travail clairement défini sur les questions en suspend du cycle de Doha », il faut noter que le paquet de Bali comportait tout au plus 10 % de l'ensemble du programme de travail établi à Doha, la majorité des sujets importants (services, etc.) restant non achevés. Par ailleurs, si cet accord est le premier que l'OMC parvient à conclure depuis 1995, l'institution reste largement délégitimée et court-circuitée par la multiplication des accords de libre-échange et d'investissement bilatéraux. Les mêmes qui se félicitent de cet accord à l'OMC et de la relance du multilatéralisme en matière commerciale négocient actuellement des accords bilatéraux aux ambitions extrêmement larges.

Par ailleurs, le débat est-il réellement entre multilatéralisme et bilatéralisme ? Ou bien entre poursuite et expansion des politiques de libre-échange et d'investissement destructrices des économies et productions locales et vivrières, et mise en œuvre de politiques commerciales justes et démocratiques, centrées sur les droits des êtres humains et de la nature. Saluer l'accord de l'OMC à Bali revient à se féliciter d'un accord sur la « facilitation des échanges » contraignant les pays au profit des multinationales et de quelques promesses non tenues mais réaffirmées en faveur des pays pauvres. Les négociations ont échoué à assurer une protection permanente du droit à l'alimentation des populations, au risque d'exposer des centaines de millions de personnes à la faim et la famine dans le seul but de satisfaire au dogme de l'expansion des échanges commerciaux. Il serait temps de mettre fin à cette mascarade et de reconnaître les dégâts qu'on suscité de telles politiques depuis de nombreuses années, et d'en tirer toutes les leçons.

Maxime Combes, membre d'Attac France et de l'Aitec, engagé dans le projet Echo des Alternatives (www.alter-echos.org)

1La « clause de paix » engage les membres de l'OMC à ne pas se poursuivre devant l'Organe de règlement des différends – ORD - de l'OMC en attendant une évolution des règles à l'origine du conflit

 

  
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6 décembre 2013 5 06 /12 /décembre /2013 19:20

 

Source : confederationpaysanne.fr

 

L'agriculture biologique en péril

 

 



06.12.2013 Le ministère de l'Agriculture a décidé de stopper l'élan de la bio, en totale contradiction avec son intention affichée de transition agroécologique. Au cours de la réunion de mercredi sur les Mesures agro-environnementale (MAE*) au ministère, a été annoncée la possibilité pour les régions de ne pas attribuer les aides au maintien de l'agriculture biologique à tous les paysans. Chaque région pourrait établir des critères de priorité (zone à fort enjeu environnemental, lien à une filière, projets collectifs), voire limiter la période d'aide à cinq ans.

Le président Hollande a annoncé le doublement de l'enveloppe bio, mais le ministère se contente de soutenir la conversion. Ainsi, sous prétexte que les marges brutes sont globalement meilleures que celles des conventionnels, il oublie la volonté affirmée de réorienter l'agriculture. Il oublie surtout que l'agriculture biologique crée beaucoup plus d'emploi paysan. Et quel paysan osera s'engager dans cette courageuse transition sans visibilité au-delà de cinq ans ? Veut-on vraiment développer l'agriculture bio pour le bien de l'environnement et la démocratisation d'une alimentation saine, ou au contraire la contenir au statut de niche pour assurer notre bonne conscience ?

La bio est un laboratoire de l'agriculture de demain, un champ d'expérimentation au service de toutes les agricultures. A ce titre, elle doit être soutenue spécifiquement et durablement. Si des arbitrages budgétaires doivent être faits, la Confédération paysanne dispose d'une liste suffisamment longue de subventions inutiles pour des budgets conséquents. Et si le ministère persiste, ce sont les régions qui subiront nos assauts.

 

 

 

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