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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 16:02

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Apple, eBay, Skype... Les ficelles du Luxembourg pour attirer les multinationales

|  Par Dan Israel

 

 

Le petit pays a vite compris que sa survie dépendrait de sa capacité à attirer les multinationales souhaitant s'implanter en Europe. À coups de cadeaux fiscaux et de lois sur mesure, les autorités se sont employées à ne pas les décevoir. Dernier volet de notre enquête sur le Luxembourg.

 

De notre envoyé spécial au Luxembourg

Actionnez la très discrète sonnette au 31-33, rue Sainte Zithe, une rue tranquille du centre de Luxembourg, et vous déclencherez une mécanique bien huilée. « Attendez, je descends », vous informera une voix aimable et jeune. Une hôtesse d’accueil, tout sourire, viendra vous apporter une feuille à destination des journalistes qui ne manquent pas de sonner de temps à autre. Elle vous interdira surtout l’accès au siège européen d’iTunes, hébergé dans cet anonyme immeuble de bureaux, où la filiale d’Apple, reine de la vente électronique de musique, occupe deux étages. Une banale boîte aux lettres signale l’adresse.

 

iTunes ne claironne pas exactement sa présence au Luxembourg.i
Tunes ne claironne pas exactement sa présence au Luxembourg. © D.I.

La jeune femme disparaîtra ensuite prestement dans les locaux, vous laissant à la main le nom et les coordonnées, en Angleterre, du directeur de la communication d’Apple. Qui n’a jamais répondu aux questions de Mediapart. À côté du siège démesuré d’ArcelorMittal (qui occupe le somptueux hôtel particulier de l’Arbed, le géant sidérurgique dont il est le descendant), situé à deux pas, le quartier général européen d’iTunes fait très pâle figure. Et on comprend que la société ne souhaite pas le dévoiler aux regards trop curieux : en avril 2012, le rapport d’audit annuel de la société, publié en France par le site de BFMTV, indiquait qu’en 2011, seuls 16 salariés y étaient employés. L'année précédente, ils n’étaient que 12. C'est peu pour un lieu qui est censé gérer la plateforme iTunes pour toute l’Europe.

Quelques centaines de mètres plus loin, boulevard Royal, siègent eBay et sa filiale Paypal. Si l’accueil y est moins distant, et s'il est possible de pénétrer dans les locaux, le résultat est identique : en cette fin décembre, personne n’est disposé à recevoir le journaliste de passage. Et les demandes de renseignements envoyées plus tard resteront elles aussi sans réponse. iTunes et eBay sont des symboles : les géants du commerce en ligne, comme de nombreuses multinationales, apprécient particulièrement le climat luxembourgeois. Pour son taux plancher de TVA et les divers arrangements fiscaux que le pays prodigue sans compter aux grandes entreprises qui viennent s’installer sur son territoire, estiment les observateurs critiques. En raison de ses excellentes infrastructures, d’une main-d’œuvre qualifiée, des mesures anciennes destinées à assurer le développement et la sécurité du commerce électronique, et bien sûr de sa stabilité et de son attractivité fiscales, martèlent en réponse les Luxembourgeois.

« Pourquoi les grands du e-commerce se sont-ils installés au Luxembourg ? Ils avaient notamment besoin d’infrastructures, dans lesquelles le gouvernement a investi massivement depuis le milieu des années 1990, explique Nicolas Mackel, le dirigeant de Luxembourg for Finance, l’agence chargée de la promotion de la place financière. Et Amazon, qui emploie environ 600 salariés sur notre territoire, n’est pas seulement là pour la TVA : la fiscalité est un facteur important, mais pas suffisant. Je crois savoir qu’avant de s’installer ici en 2004, ils ont réalisé une évaluation globale de trois ou quatre pays, qui portait sur la position géographique, la stabilité sociale et fiscale, l’attitude du gouvernement envers les entreprises, la législation sociale, la pratique des langues et même les horaires d’ouverture des entreprises ! »

Outre les entreprises déjà citées, le pays se fait une fierté d’héberger les sièges européens de Skype ou du géant japonais du commerce électronique Rakuten, auxquels il faut ajouter les quartiers généraux mondiaux du groupe média RTL, du leader mondial des satellites SES ou de Cargolux, premier affréteur d’avions-cargos en Europe…

 

 

Il est tout à fait exact que le Grand-Duché concentre un nombre d’atouts importants, susceptibles de plaire à une entreprise souhaitant s’installer au cœur de l’Europe. Mais ces atouts suffisent-ils à expliquer qu’un pays de 500 000 habitants compte 100 000 entreprises enregistrées à la chambre de commerce ? « Le Luxembourg a dû faire des concessions sur le secret bancaire (comme nous le racontons dans le premier volet de notre enquête), mais il continue à construire des législations très attractives pour les entreprises », affirme Mike Mathias, assistant parlementaire des députés Verts, spécialiste des questions de finances et ancien secrétaire du Cercle des ONG de développement du pays. Attirer le plus grand nombre d'entreprises est vital pour ce tout petit État, coincé entre France, Allemagne et Belgique, qui veut devenir la porte d'entrée des multinationales en Europe.

Officiellement, l’impôt sur les sociétés est établi à 29,22 % depuis 2013, pas si loin des 33,3 % français. Mais les façons d’alléger la facture sont innombrables, tout en étant totalement compatibles avec le droit européen. Nous l’indiquions dans notre précédent article, les fonds d'investissement s'acquittent par exemple généralement au Luxembourg d'une taxe de 0,01 % sur les actifs qu’ils gèrent. Les hedge funds, les fonds de capital risque, bénéficient eux aussi d’une défiscalisation presque totale, même lors du démantèlement du fonds, où chaque actionnaire peut empocher ses plus-values en toute tranquillité.

Une TVA à 6 % pour iTunes

Les incitations à s'installer vont bien sûr plus loin. Le très populaire régime des Soparfi, les « sociétés de participations financières », principalement destiné à optimiser la gestion de holdings, donne ainsi accès à de belles exemptions. Classiquement, une société française voulant alléger ses impôts peut ouvrir une Soparfi, dont l’entité française devient en théorie une filiale. Grâce à la convention fiscale existant entre le Luxembourg et la France (et comme partout dans l’Union européenne), il est possible de faire remonter les dividendes de la société française vers la maison-mère luxembourgeoise, sans taxe retenue à la source en France. Le Luxembourg pratique ensuite une exonération très bienveillante, de 80 %, sur les dividendes de la Soparfi. Les plus-values, elles, ne sont pas imposées.

Autre hameçon à entrepreneurs, qui concerne plutôt la net économie, les revenus provenant de l'exploitation des brevets, des marques, des droits d’auteur sur les logiciels ou noms de domaine, et tout revenu « issu de la propriété intellectuelle », bénéficient eux aussi depuis 2008 d’une exonération d’impôt de 80 %. Et depuis 2009, les droits de propriété intellectuelle sont exonérés de l’impôt sur la fortune.

Quel résultat pour les entreprises ? Il est généralement difficile de connaître les taux d’impôt réellement payés par les grandes sociétés. Sauf lorsqu’elles les annoncent elles-mêmes. Le géant des satellites SES a ainsi eu l’obligeance de le faire dans son rapport trimestriel de novembre, où il indique viser un modeste taux d’imposition annuel « de 10 à 15 % ».


 

Ce taux à prix cassé n’est certes pas très différent de celui dont s’acquittent réellement les sociétés du CAC 40 en France. Mais au Luxembourg, d’autres entreprises sortent encore mieux leur épingle du jeu, ou se servent du pays, parmi d’autres, pour faire quasiment s'évaporer leur imposition. Les cas les plus connus sont ceux des géants de la net économie, ceux que nous avons surnommés les Intaxables.

Le tour de passe-passe démarre par une TVA à prix d'ami. Par exemple, tout consommateur européen achetant musique ou films sur iTunes reçoit une facture établie depuis le Luxembourg, où le taux de TVA est établi à 15 %. « Le droit européen laisse le choix aux États-membres d’établir leur taux de TVA dans une fourchette. Nous sommes dans le bas de la fourchette, mais nous en avons absolument le droit », remarque Nicolas Mackel, de Luxembourg for Finance. Qui ne parle toutefois pas d’une autre optimisation plus discrète… En 2009, un rapport d’expertise établi pour le Sénat français soulignait que 75 % du prix d’un morceau ou d’un film est constitué de droits d’auteur, dont le taux de TVA au Luxembourg est de 3 %. En tout, l’achat du dernier Daft Punk serait donc taxé à 6 % au Luxembourg, contre 20 % en France depuis le 1er janvier. Encore mieux, depuis 2012 , le taux appliqué aux livres électroniques est de 3 % !

D’un point de vue strictement fiscal, le Luxembourg n’en sort pas vraiment gagnant : malgré un chiffre d’affaires d’un milliard d’euros environ sur place, iTunes reverse une bonne partie de ses profits à d'autres filiales d'Apple hors du pays, au titre de services de « support marketing ». En 2011, à coups de montages nommés « double irlandais » ou « sandwich néerlandais », Apple a fini par payer, hors États-Unis, un taux moyen d’impôt de 1,9 %. Mais pour le Grand-Duché, bénéficier des emplois et de la bonne réputation offerts par ces entreprises n'a pas de prix.

Le chiffre d'affaires français d'Amazon est 8 fois plus élevé que ce qu'il déclare

Toutes les bonnes choses ayant une fin, les entreprises de commerce électronique devront bientôt cesser de facturer depuis le Grand-Duché. Le régime de faveur dont profitent les « services électroniques » en Europe prendra fin le 1er janvier 2015. Pour encore un an, la TVA sur les services électroniques est payée au fisc de l’État où l’entreprise est implantée. Entre 2015 et 2019, une période de transition fera disparaître cette pratique : comme c'est déjà le cas pour tous les autres secteurs d’activité, la taxe devra être acquittée dans le pays où l’activité est réellement effectuée. Et donc en France pour un internaute français achetant un morceau de musique, un film ou un livre électronique. Le gouvernement luxembourgeois évalue le manque à gagner à environ 600 millions d’euros de recettes fiscales, soit 1,2 % du PIB. Il a donc déjà annoncé pour 2015 une augmentation de la TVA pour toutes les autres entreprises, qui continueront de la payer sur son sol. Mais il a aussi été promis que le taux resterait toujours le plus bas de l’Union européenne.

En attendant, cette TVA non-perçue aura été un gouffre financier pour la France. Le sénateur UMP Philippe Marini estime que si elle était perçue en France, cette taxe sur les activités du secteur réellement exercées sur le territoire aurait rapporté plus de 800 millions d’euros par an. La Grande-Bretagne, elle, aurait perdu chaque année 2 milliards d’euros pour les mêmes raisons.

 

Devant le siège d'eBay et de Paypal. 
Devant le siège d'eBay et de Paypal. © D.I.

Le fisc français s’intéresse donc de près à la question. S’il soupçonne Google de le frauder en passant par l’Irlande (il lui réclame la bagatelle de 1,7 milliard d’euros), pour eBay et Paypal, c’est l’installation en Suisse, et au Luxembourg depuis 2008, qui le fait tiquer, comme L’Expansion l’avait révélé fin 2012.

Amazon est lui aussi dans la ligne de mire pour son QG luxembourgeois. Le fisc hexagonal lui réclame 200 millions d’euros d'arriérés d'impôts et de pénalités pour la période 2006 à 2010, contestant la manière dont l’entreprise présente son activité. Comme le détaille le site de BFM Business, et suite à une audition musclée devant les parlementaires britanniques, Amazon a fini par donner quelques informations, et reconnu que son chiffre d'affaires effectivement réalisé en France en 2011 était de 889 millions d'euros. Huit fois plus que les 110 millions effectivement déclarés ! En fait, l’entreprise déclare en France ou en Grande-Bretagne uniquement la marge que ses filiales locales sont censées dégager en fournissant à la maison-mère du Grand-Duché des services sur les activités de « logistique, service client, comptabilité, fiscalité, ressources humaines, assistance marketing ». Pourtant, l’agence Reuters a montré, au terme de trois mois d’enquête, que dans le cadre de ses activités au Royaume-Uni, Amazon effectue la majeure partie de son activité sur le sol britannique. Il est fort probable que la même chose soit vraie pour la France. Mais pour l'heure, l'entreprise se conforme aux règles européennes, qui définissent la notion d'établissement stable dans un pays. Comme nous le racontions ici, l'OCDE travaille actuellement pour tenter de corriger cette notion, et la faire coller aux réalités de l'époque.

Les curieux “rulings” luxembourgeois

Reuters a donc les yeux fixés sur les curieuses pratiques autorisées par le Luxembourg – et l'Europe. Et ses limiers sont tout récemment tombés sur un bel os, qui n’avait à notre connaissance pas été détaillé jusqu’alors. Le pays offre aux entreprises des déductions fiscales en fonction des décotes d’actifs qu’elles déclarent : si une multinationale achète une petite entreprise à un certain prix, mais est obligée par la suite de déclarer un baisse de la valeur de cet achat, elle peut obtenir une déduction d’impôt, même si elle ne la revend pas ! Le seul autre pays du monde à offrir cette possibilité (plus restreinte, d’ailleurs) est la Suisse, selon Reuters, qui qualifie le procédé « d’appât unique en son genre » dans l’UE.

La pratique existait en Allemagne jusqu’en 2001, mais en contrepartie, le grand voisin du Luxembourg taxait alors les plus-values effectuées lors de la revente avec bénéfice d’une entreprise achetée quelque temps auparavant. Ce que le Luxembourg s’abstient de faire. Pour une multinationale installée dans le Grand-Duché, racheter une entreprise est donc un coup gagnant à tous les coups : soit l’entreprise acquise est profitable, rapporte de l'argent, et pourra être revendue sans aucune taxe, soit elle perd de la valeur, et peut alors servir à faire baisser les impôts ! Reuters détaille plusieurs cas d’entreprises l’ayant bien compris : AOL a économisé plusieurs millions d’euros d’impôts en 2010, Caterpillar s'est offert plus de 320 millions d’euros de déductions reportables sur plusieurs années en 2012, et Vodafone a bénéficié de près de huit milliards d’euros de déductions ces treize dernières années...

Mais pour l’heure, ce n’est pas ce point qui a attiré l’œil de la Commission européenne. En ce moment, Bruxelles se concentre plutôt sur la question des « tax rulings », ces accords confidentiels entre une entreprise et l’administration fiscale sur la manière de s’acquitter de l’impôt. En septembre, le Financial Times a révélé que la Commission avait demandé des explications à l’Irlande, aux Pays-Bas et au Luxembourg sur certaines de leurs pratiques fiscales. La procédure est pour l’instant informelle.

Le Grand-Duché est ciblé parce qu'il autorise de façon très souple les entreprises à déduire de leurs impôts les intérêts d'emprunts qu'elles ont contractés auprès d'autres entreprises, appartenant souvent au même groupe. En faisant circuler l'argent d'une entité à l'autre, et en se facturant ces prêts, une société peut obtenir de sacrés dégrèvements fiscaux. Le taux théorique de 29,2 % de l'impôt sur les sociétés s'éloigne toujours un peu plus.

Embarras des responsables sur France 2

Ce type d’opération, ou ses multiples dérivés, nécessite de complexes montages financiers, validés par le fisc luxembourgeois au cas par cas. Ils sont en général élaborés par des avocats spécialisés ou par les « big four », les quatre cabinets mondiaux d’audit et de conseil, tous très bien implantés au Luxembourg : Deloitte, EY (ex-Ernst&Young), KPMG ou PriceWaterhouseCoopers (PwC).

Ce dernier cabinet a inventé des centaines de montages pour les entreprises basées au Luxembourg… et en a vu une bonne partie dévoilée dans les médias en mai 2012. D’abord dans « Paradis fiscaux : les secrets des grandes entreprises », une belle enquête d'Édouard Perrin diffusée dans Cash Investigation, une production Premières lignes pour France 2, qui peut encore être visionnée en intégralité en VOD sur le site Pluzz. Puis dans Panorama, la mythique émission d’enquête de la BBC.

Les documents ont notamment révélé que le labo pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline s’est livré en 2009 à un tour de passe-passe en faisant prêter plus de 7,5 milliards d’euros à sa maison-mère par une filiale nouvellement créée au Grand-Duché. Les quelque 150 millions d’intérêts payés à la filiale luxembourgeoise n’étaient taxés sur place qu’à… 0,5 %. GSK avait été pincée par le fisc britannique, et avait dû consentir au paiement d’une amende.

L’émission de France 2, qui avait détaillé la manip, avait interrogé sur ces « tax rulings » le ministre des finances de l’époque, Luc Frieden, et le responsable du département fiscalité de PwC au Luxembourg. L’embarras était palpable, et sacrément télégénique.

 Après coup, Luc Frieden s’était ému d’un reportage « tendancieux », rappelant que tous les accords validés par son pays étaient conformes aux règles européennes, et contestant leur caractère secret. Il convenait tout de même que les discussions avec les entreprises restent confidentielles. Au Luxembourg, la question des « rulings » est sensible. Nicolas Mackel, de Luxembourg for Finance, veut mettre les choses au clair : « Comme tous les pays, nous sommes à l’écoute des entreprises, mais l’administration ne négocie pas. » Nuance, « elle est ouverte à la discussion sur la base de données objectives avec des entreprises qui veulent connaître par avance ce qu’elles vont payer en impôt, notamment en fonction des bénéfices ou des déficits qu’elles annoncent ». Pour le représentant officiel, « la possibilité d’adapter l’imposition a toujours existé, et existe partout ».

Ce discours est repris en boucle au Luxembourg, où on ne voit rien que de très légal dans cette pratique, qui serait courante dans le monde entier. Ce qui est sans doute vrai, mais certainement pas à cette échelle. Et il ne faut pas beaucoup pousser les représentants officiels pour qu’ils s’indignent que personne ne relève les récentes initiatives d’États américains pour attirer les entreprises. Par exemple, l’État de New York propose une exonération fiscale totale de dix ans pour des entreprises s’installant dans des zones franches. « Si nous proposions ça, nous serions lynchés par l’opinion publique mondiale en deux jours », constate amèrement une source proche du gouvernement.

Même la banque centrale nationale tique

Pourtant, difficile d’en savoir plus sur les « rulings », couverts par le secret fiscal. Marius Kohl, le responsable qui a présidé pendant des années le fameux Bureau 6 de l’administration des contributions, et a validé des milliers de rulings, a récemment pris sa retraite. Contacté par Mediapart, il n’a pas donné suite. Et faute d'informations précises, les rumeurs les plus variées circulent. « De fait, le pays est totalement opaque sur son rapport avec les entreprises, témoigne un diplomate très au fait des questions fiscales (et qui préfère rester anonyme, voir notre “boîte noire”). J’ai même entendu un responsable d’une banque française me dire, en confidence, qu’il avait négocié un “ruling” sur place, mais avec la promesse de le laisser au coffre quoi qu’il arrive. »

Même la banque centrale du Luxembourg a récemment tiqué sur l’opacité de l’État quant aux niches et déductions fiscales offertes aux entreprises. Dans son dernier bulletin trimestriel, l’institution estime « nécessaire » de « procéder à un inventaire complet » de ce qu’elle qualifie de « dépenses fiscales », et dont elle avoue ne pas connaître l’étendue ! « On peut regretter qu’au présent stade, le Luxembourg se caractérise par un manque flagrant de données sur cet aspect essentiel des politiques publiques », déplore la banque centrale.

La loi française devrait bientôt permettre d’en savoir plus, au moins pour les entreprises d’origine hexagonale. La loi de finances 2014 oblige en effet les grandes entreprises à tenir à la disposition du fisc tous les documents ressemblant de près ou de loin à un accord écrit avec les autorités fiscales des pays où elles sont implantées. En d’autres termes, les « rulings » luxembourgeois pourront bientôt être consultés par l’administration fiscale. Le texte prévoyait aussi que les instigateurs et les utilisateurs de tous montages destinés à l’optimisation fiscale soient tenus de présenter leurs inventions à l’administration fiscale, comme c’est déjà le cas en Grande-Bretagne. Las. Le 29 décembre, le Conseil constitutionnel, saisi par les députés UMP, a censuré ces dispositions, comme l’ont relevé Les Échos et @rrêt sur images.

Quelle “substance légitime” ?

Reste une question. La seule question valable sans doute. Est-il normal qu’une entreprise puisse bénéficier de tous les avantages accordés par le Luxembourg, alors qu’elle n’y exerce pas d’activité réelle ? De l’aveu même de l’un des responsables de la chambre de commerce, sur les 100 000 entreprises enregistrées, « seules 30 000 sont des entreprises de l'économie réelle, par exemple des boulangers, des cafetiers, des entreprises de construction ». Les autres sont des holdings, ou autres sociétés bénéficiant des largesses luxembourgeoises. Combien exercent une réelle activité ? Un haut responsable financier luxembourgeois, qui s’exprime sous couvert d’anonymat, hausse les épaules : « Il y a bien sûr des sociétés qui sont une simple boîte aux lettres ici, une coquille vide pour profiter des avantages fiscaux que nous avons su proposer pour les attirer. »

Au Luxembourg, cette question est résumée par le terme de « substance » d’une entreprise. Le débat était très bien résumé dans le mensuel économique paperJam en fin d’année (l’ensemble du dossier sur l’avenir de la place financière vaut largement la lecture). C’est la Cour de justice européenne, basée à Luxembourg, qui a établi les règles en 2006, dans une affaire opposant les groupes Cadbury et Schweppes : les montages passant par des pays à basse fiscalité sont autorisés, pour autant qu’ils cachent une réelle substance économique.

 

La cour de justice européenne. 
La cour de justice européenne. © D.I.

Au début des années 2000, les autorités du Grand-Duché avaient déjà fait un certain ménage, en faisant fermer des centaines de sociétés fantômes. Depuis 2011, une circulaire du fisc précise que la moitié des administrateurs d’une Soparfi doit résider au Luxembourg, et que la gestion doit se faire de manière effective sur place. Mais ces règles sont facilement contournables, comme l’avait illustré de manière éclatante Édouard Perrin dans Cash Investigation sur France 2.

Le journaliste s’était rendu dans les locaux de Winvest, filiale de Wendel, l’ex-géant de la sidérurgie converti en fonds de placement, qui a utilisé à plusieurs reprises le Grand-Duché pour rémunérer discrètement ses dirigeants, avant de se faire pincer. Mais sur place, chez Winvest, difficile de trouver la fameuse « légitime substance ». Dans cet extrait, on voit surtout des bureaux vides et des responsables français de Winvest y passer environ deux heures, avant de repartir pour Paris.



(L'intégralité du documentaire en VOD est disponible sur Pluzz.)

« Légalement, il faut qu’une société soit dirigée depuis le Luxembourg, explique un ancien salarié d’un des “big four”. Personnellement, j'ai toujours recommandé aux dirigeants de tenir de vraies réunions de conseil d’administration sur place, mais il est bien sûr possible de rester quelques minutes à peine, le temps de signer des documents rédigés à l’avance. Sur le papier, les règles formelles sont tenues. C’est toute la distinction entre la légalité et la légitimité : tout cela est certes légal, mais pour qui est faite la loi ? Il y a une loi pour les grands et une loi pour les petits. »

Le tout nouveau premier ministre Xavier Bettel a assuré à paperJam qu’il était nécessaire de surveiller « ces entreprises qui ne paient pas d’impôt en usant d’artifices », et « y remédier ». L’ancien ministre des finances avait lui aussi affirmé en mai lors d’un débat à l’OCDE que le fait que « certaines entreprises ayant installé leur siège au Luxembourg ne payent pas d’impôts » était problématique. Mais tous deux se sont empressés dans le même mouvement de défendre la « compétition fiscale légitime » entre pays. La frontière entre l'inadmissible et le tolérable est parfois bien mince.

 

 

Ce reportage est le dernier volet d'une série sur le Luxembourg et sa place dans l'industrie financière mondiale. Nous avons exploré la façon dont la place financière pèse sur les mentalités au Grand-Duché, puis la manière dont le Luxembourg mène les négociations internationales sur le secret bancaire, et nous voyons enfin que la politique prioritaire du pays est de continuer à attirer les entreprises, à coups de lois sur mesure et de fiscalité au rabais.

J'ai recueilli tous les témoignages lors de mon déplacement au Luxembourg, les 19 et 20 décembre. De nombreux interlocuteurs, membres d'ONG, représentants du gouvernement ou salariés d'entreprise, ont demandé à garder l'anonymat. Pour cet épisode, merci à l'équipe de Premières Lignes et à Édouard Perrin pour leur aide et leur soutien.

Nous avons contacté Jean-Claude Juncker, Luc Frieden et Pierre Gramegna pour obtenir une interview, sans résultat.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 


 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 15:33

 

Source : Le Canard Enchainé

 

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5 janvier 2014 7 05 /01 /janvier /2014 17:14

 

Source : www.rue89.com

 

L’édito 04/01/2014 à 13h07
François Hollande, héros du Medef
Pascal Riché | Cofondateur Rue89

 

 


Pierre Gattaz, président du Medef, et François Hollande à l’Elysée, le 4 juillet 2013 (THOMAS SAMSON/AFP)

 

Le Medef est heureux : le président de la République s’est rangé à ses vues. En octobre, l’organisation patronale avait proposé des allègements fiscaux sur les entreprises en échange de créations d’emplois. Puis l’organisation patronale avait menacé de boycotter les assises de la fiscalité des entreprises si elle n’était pas entendue sur ce sujet.

Lors de ses vœux, François Hollande a saisi la perche, en avançant l’idée d’un « Pacte de responsabilité » : baisse des charges contre créations d’emplois. Aujourd’hui, Pierre Gattaz, le président du Medef, le remercie dans une interview au Monde :

« Je suis satisfait. Il a lancé le projet général de sortir le pays de l’ornière et a montré un cap qui nous va bien. »

Son organisation, dit-il, est « prête à jouer le jeu ». François Hollande n’apparaît plus seulement comme le Président des entreprises : il est devenu le héros du Medef.

Politique de l’offre, politique de la demande

Le Pacte de responsabilité ne constitue pas vraiment un tournant dans la politique économique de François Hollande : le virage a été pris en novembre 2012, après la remise du rapport Gallois sur la compétitivité des entreprises. François hollande a alors lancé l’idée du CICE (crédit d’impôt compétitivité pour les entreprises), formidable cadeau de 20 milliards d’euros, sans contreparties aux entreprises, y compris les plus grandes. On est, avec le Pacte de responsabilité, dans la même logique, celle de la « politique de l’offre ». C’est désormais son cap économique exclusif.

En période de difficultés économique, deux écoles s’affrontent :

  • certains jugent qu’il faut restaurer les marges des entreprises pour qu’elles puissent aller de l’avant, investir et embaucher : c’est la politique de l’offre. Généralement, c’est la droite qui défend cette approche ;
  • le diagnostic de la gauche est différent : la crise vient avant tout du chômage, de la précarité, des inégalités, et c’est de ce côté-là qu’il faut la combattre. Les entreprises sont comme des voiliers qui n’auraient plus de vent pour les mouvoir. Il ne sert à rien de chercher une meilleure voile (politique de l’offre), il faut faire repartir le vent, à savoir le pouvoir d’achat (politique de la demande).

La gauche n’est pas contre une certaine dose d’aide à « l’offre », mais cela passe par des incitations à l’innovation, à la formation, à la recherche... pas par des cadeaux sans contrepartie aux entreprises.

L’échec du donnant-donnant de 1986

Lors de ses vœux, François Hollande a donc suggéré un donnant-donnant : l’Etat réduirait les charges sociales (lors des universités d’été du Medef, Pierre Moscovici avait suggéré d’abaisser les cotisations famille) ; en échange, les entreprises embaucheraient. Mais qui peut croire à un tel scénario magique ?

Dans une économie ouverte – et c’est tant mieux –, on ne peut obliger une entreprise à embaucher. Aujourd’hui, si le Medef fait miroiter un million d’emplois, Pierre Gattaz se garde bien de prendre un quelconque engagement qu’il ne pourrait de toute façon pas tenir : il ne s’agit que de se fixer un « objectif », dit-il au Monde.

Il y a eu un précédent dans les années 1980. Yvon Gattaz, père de Pierre, était alors président du CNPF, l’ancien nom du Medef. Il avait proposé un donnant-donnant du même genre. En 1984, sur la base d’un sondage auprès de chefs d’entreprises, il avait assuré qu’en supprimant l’autorisation administrative de licenciement et en introduisant plus de flexibilité, on créerait 471 000 emplois en dix-huit mois.

Le gouvernement socialiste avait refusé (le ministre de l’Emploi, Jack Ralite, comparant cette proposition à l’apéritif proposé par le César de Marcel Pagnol : « Un petit tiers de curaçao, un tiers de citron, un bon tiers de Picon et un grand tiers d’eau. ») Mais Jacques Chirac, en arrivant au pouvoir en 1986, avait « joué le jeu » proposé par le CNPF. Résultat : l’autorisation de licenciement avait été supprimée, mais les emplois n’avaient pas été créés.

Le risque d’ajouter de la crise à la crise

Pour François Hollande et surtout pour l’économie, le risque est grand de se fourvoyer de nouveau dans cette voie.

Augmenter la TVA d’un côté, distribuer des crédits d’impôt et des baisses de charges de l’autre, n’est pas un acte politique neutre. Concrètement, François Hollande est en train d’organiser un transfert financier de dizaines de milliards d’euros de la poche des ménages vers les caisses des entreprises. Au nom de cette « politique de l’offre », il accroît le poids d’une austérité, qui avait été d’abord engagée au nom du rétablissement des comptes publics.

Or, si l’emploi promis par le Medef n’est pas au rendez-vous, quel sera le résultat ? Un accroissement des dividendes de leurs actionnaires ? Si telle est l’issue de ce Pacte de responsabilité, François Hollande n’aura fait qu’ajouter de la crise à la crise, et décrédibilisé un peu plus une gauche de gouvernement qui n’en a pas besoin.

 

Source : www.rue89.com

 


 

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4 janvier 2014 6 04 /01 /janvier /2014 17:36

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-richier

 

Les étrennes du gouvernement à l'élevage industriel

Avec le décret n° 2013-1301 du 27 décembre 2013 paru au Journal Officiel du 31 décembre, les éleveurs industriels de porcs peuvent dire merci au gouvernement.

 

 

elevageCochon.jpg

 

Par un texte réglementaire parfaitement incompréhensible au commun des mortels, où les porcs se mélangent à la transformation de polymères, les élevages de 450 à 2.000 porcs (enfin, "animaux-équivalents", comme dit le texte) n'ont dorénavant qu'à s'enregistrer (au-delà, les normes européennes restent en vigueur). Jusqu’à présent, toute ouverture ou extension au-dessus de 450 porcs nécessitait une autorisation conditionnée à une enquête environnementale préalable.

Ce décret, signé par Jean-Marc Ayrault et par Philippe Martin, le ministre de l'écologie et du développement durable (on ne rit pas), va donc favoriser la concentration des élevages, au triple détriment de l'environnement (avec les rejets nitratés), du bien-être animal, et des emplois.

L'association Eau & Rivières de Bretagne a été la première à attirer l'attention sur cette décision. On pourra consulter la dépêche de l'AFP par exemple dans Libération, ainsi que l'article bien fait de France Info.

Dans ce même Journal Officiel, on trouve, deux décrets plus loin, le décret n° 2013-1303 du 27 décembre 2013. Ce décret précise les consultations publiques censées intervenir dans les décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement, conformément à l'article 7 de la Charte sur l'environnement, l'article 3 de la loi n° 2012-1460, et l'article L120-1 du code de l'environnement.

C'est ainsi qu'une consultation "citoyenne" avait eu lieu sur ce décret (plus particulièrement les élevages de porcs) du 25/10/2013 au 15/11/2013. Aurions-nous notre mot à dire ?

On sait que l'essentiel de la production porcine française se concentre en Bretagne (plus particulièrement dans le Finistère et les Côtes d'Armor). Les consultations citoyennes les plus efficaces seraient-elles donc celles qui consistent à tout casser sur les routes ? En ce cas, l'avenir de la France est décidément inquiétant.

En fait, derrière les Benêts Bonnets Rouges, la FNSEA et le MEDEF étaient particulièrement attentifs.

En témoigne cet article de fin novembre sur un éleveur de porcs du Finistère « président de l'Association pour le maintien de l'élevage en Bretagne et membre de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) du Finistère, en pointe dans le combat des "Bonnets rouges" ». Il est « à la tête d'une exploitation de 20 000 porcs que font tourner une demi-douzaine de salariés » à un rythme où « tout est compté, minuté » (ces chiffres éberluants demanderaient à être précisés, mais les cochons ne sont sans doute pas chouchoutés).

« Il fustige l'Union européenne, dont certaines décisions pourront engendrer la suppression de près de 50 000 truies à l'échelle de la Bretagne. "Cela correspond à la production d'un million de porcs charcutiers, détaille-t-il, de quoi faire fonctionner un abattoir. […]  Tout ça "à cause des normes sur le bien-être animal imposées par Bruxelles et appliquées de façon plus draconienne en France où on lave plus blanc que blanc", soupire-t-il. »

Bref, un garçon sympathique.

Bon, parmi les manifestants bretons, il y avait évidemment des hommes qui travaillent dur et gagnent peu, ou qui n'ont plus de travail, ou qui craignent de le perdre.

Et quand on est aux commandes politiques, la question de la filière porcine industrielle n'est sûrement pas simple à résoudre dans notre monde globalisé.

Mais on attend des hommes politiques qu'ils prennent de la hauteur, pas qu'ils continuent à aller dans le mur en pataugeant dans le lisier. A fortiori quand ils se disent socialistes.

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/jean-paul-richier

 


 

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:49

 

Source : www.lesechos.fr

 

 

La fortune des milliardaires s’est accrue de plus de 500 milliards de dollars en 2013
Par Pierrick Fay | 02/01 | 11:47 | mis à jour à 16:14

                                                                                                                                                                                                                             Les 300 personnes les plus riches du monde disposent d’une fortune estimée par Bloomberg à 3.700 milliards de dollars. La forte hausse des actions en 2013 a permis à Bill Gates, fondateur de Microsoft, de reprendre la première place du classement à Carlos Slim.

 

Bill Gates redevient l’homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 78,5 milliards de dollars. - Reuters
Bill Gates redevient l’homme le plus riche du monde avec une fortune estimée à 78,5 milliards de dollars. - Reuters

2013, année des records en Bourse , notamment à Wall Street. 2013, année record également pour les 300 personnes les plus riches du monde. Selon le classement établi par Bloomberg, leur fortune s’est envolée l’an dernier de 524 milliards de dollars (381 milliards d’euros), pour s’établir à 3.700 milliards. C’est presque l’équivalent de 1,5 fois le PIB de la France. Avec la fortune supplémentaire amassée en 2013, les 300 hommes et femmes les plus riches de la terre pourraient s’offrir Apple en ce début d’année ou près de la moitié des entreprises du CAC 40 ! L’année dernière, l’indice MSCI World a bondi de 24% alors que l’indice américain S&P 500 a progressé de 30%, sa meilleure performance depuis 1997. L’indice créé par Bloomberg se base en grande partie sur l’évolution des marchés financiers.

2014 s’annonce sous les meilleurs auspices

En tête du classement, un changement d’importance intervenu dès le mois de mai : Bill Gates redevient l’homme le plus riche du monde selon le Bloomberg Billionaires Index, avec une fortune estimée à 78,5 milliards de dollars (+15,8 milliards en un an). Le fondateur de Microsoft a profité du beau parcours boursier du groupe informatique dont la capitalisation boursière a bondi de 88 milliards l’an dernier. Il devance le mexicain Carlos Slim (73,8 milliards, en baisse de 1,4 milliard) et Armancio Ortega Gaona, le fondateur d’Inditex, propriétaire de la marque Zara avec 66,4 milliards (+8,9 milliards de dollars). Le premier Français est une Française, Liliane Bettencourt, avec une fortune de 34,1 milliards, qui a gonflé de 7,3 milliards en un an. Une performance qui lui permet de dépasser Bernard Arnault, PDG de LVMH, par ailleurs propriétaire des Echos, avec 32,1 milliards (+3,2 milliards). François Pinault complète le podium (17,2 milliards de dollars, soit une hausse de 4,6 milliards).

Mark Zuckerberg plus riche que Georges Soros

La fortune de Bill Gates a augmenté de 20% l’an dernier, soit 15,8 milliards de dollars de plus. Derrière, un autre milliardaire américain a cru sa fortune de 14,4 milliards ! Il s’agit du fondateur de las Vegas Sands, Sheldon Adelson. Le propriétaire du plus grand groupe de casinos du monde devient la 11ème personne la plus riche du monde selon l’indice Bloomberg (37,1 milliards). Le groupe, qui réalise 58% de son chiffre d’affaires à Macao , a profité de la hausse de 19 % des revenus de jeu de l’ancienne colonie portugaise. Le suédois Ingvar Kamprad, fondateur d’Ikea, a lui accru sa fortune de 13,8 milliards à 53,4 milliards. Il devient le 5ème homme le plus riche de la planète et le deuxième européen. Warren Buffet, l’oracle d’Omaha a, de son côté, augmenté sa richesse de 12,9 milliards à 60,8 milliards. Jeff Bezos, le créateur d’Amazon réussit une percée stratosphérique avec une fortune de 36 milliards, en hausse de 12,4 milliards sur un an. Cela concrétise aussi la montée en puissance des magnats de l’Internet et des nouvelles technologies, puisque, globalement, les milliardaires du secteur ont vu leur richesse augmenter de 28 %. Mark Zuckerberg (Facebook) pointe à présent à la 26ème place avec une fortune qui a doublé à 24,7 milliards de dollars. Il devance Georges Soros (23 milliards).

L’infortune des Russes

La technologie qui rit, l’industrie minière qui fait grise mine. La fin du super-cycle des matières premières et le ralentissement de la croissance en Chine, au Brésil ou en Indonésie a lourdement pénalisé quelques gros patrimoines, surtout en Russie. Ainsi, le magnat ukrainien Rinat Akhmetov a perdu 5,1 milliards de dollars à 12,8 milliards. Le patron de Rusal Oleg Deripaska a lui vu sa fortune fondre de 3,8 milliards et celle de Alexey Mordashov, patron de Severstal de 2,3 milliards. Revers identique pour la famille indienne Jindal (-2,7 milliards) dont la matriarche Savriti règne avec ses neuf enfants sur un conglomérat présent dans l’énergie, la mine et la sidérurgie. Le mexicain Alberto Balleres Gonzales a lui perdu 4,4 milliards, alors que la très haute en couleur milliardaire australienne Georgina Rinehart est moins riche de 3,4 milliards. Dans ce contexte, le sidérurgiste Lakshmi Mittal s’en sort bien avec une fortune de 18,4 milliards, qui n’a reculé « que » de 272 millions. La chilienne Iris Fontbona, héritière du géant du cuivre Antofagasta, a de son côté vu 5,2 milliards d’actifs partir en fumée. Elle retombe à la 60ème place. Enfin les frères indonésiens Hartono, présents dans les cigarettes, ont perdu ensemble 6 milliards de dollars ! Mais, précise Bloomberg, « personne n’a plus perdu en 2013 qu’Eike Batista », dont le patrimoine a fondu de 12 milliards de dollars. Le groupe pétrolier Oleo e Gas Participacoes (ex-OGX), qui lui a permis d’accéder au panthéon des plus riches, est aujourd’hui en plein marasme et a été placé en redressement judiciaire. Eike Batista serait aujourd’hui potentiellement ruiné. Signe que les richesses peuvent aussi de défaire très vite au gré des aléas de la bourse.

Les milliardaires chinois dans un mouchoir de poche

En Asie, le hongkongais Li Ka-Shing reste le plus riche. Le petit actionnaire de Facebook, a vu sa fortune croître de 1,6 milliard en un an à un peu plus de 30 milliards. Il devance le milliardaire de Macao Lui Che Woo dont la richesse a plus que doublé à 26,1 milliards. Son groupe Galaxy Entertainment détient 20 % de parts de marché dans les casinos locaux. Les milliardaires chinois (hors Hong-Kong) continuent aussi d’émerger, mais leur classement est assez fluctuant. Ainsi Le roi de la boisson Zong Qinghou a été détrôné par Wang Jianlin le géant de l’immobilier, des média et du divertissement, lui-même dépassé en fin d’année par Robin Li, le fondateur du très populaire moteur de recherche Baidu. Cela se joue dans un mouchoir de poche (à 1 milliard près).

« Les riches devraient devenir encore plus riches en 2014 », pronostique John Catsimatidis, lui-même milliardaire, propriétaire du groupe Red Apple. « Les taux d’intérêt vont rester bas, les marchés actions vont encore augmenter et l’économie mondiale va progresser encore d’au moins 2 % ». Au total, Bloomberg précise que son classement accueille 109 nouveaux milliardaires, jamais apparus dans son indice. Parmi eux : Lynsi Torres, la plus jeune milliardaire des Etats-Unis. Cette femme de 31 ans est à la tête de In-N-Out Burger, fondée par sa famille en 1948 et qui vaut aujourd’hui plus de 1,4 milliard de dollars (+26%).

 

Écrit par Pierrick FAY
Journaliste
pfay@lesechos.fr

 

 

Source : www.lesechos.fr

 

 


 

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:21

 

Source : www.marianne.net

 

Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN…
Vendredi 3 Janvier 2014 à 15:00

 

Journaliste politique à Marianne chargé du suivi des partis de gauche. En savoir plus sur cet auteur

 

Avec « La gauche radicale et ses tabous » à paraître en ce mois de janvier, Aurélien Bernier réalise un travail salutaire. Ancien dirigeant d’Attac, il pointe du doigt certains des interdits qui règnent en maître au pays de la gauche de la gauche et l’empêchent de combattre véritablement, comme elle le prétend, la progression du Front national.

BAZIZ CHIBANE/SIPA
BAZIZ CHIBANE/SIPA
«Le traumatisme que provoque l’émergence du Front national est si terrible qu’on assiste à un abandon de toute solution nationale dans les discours des partis ou des intellectuels de la gauche radicale. (…) Tout ce qui vient du Front national provoque une telle répulsion chez [ses militants] que le tri n’est plus fait entre “les idées du Front national” et les idées qui n’appartiennent à personne, mais sont reprises par le Front national ». Sévère ? Nécessaire, plutôt. Salutaire même à l’approche des élections européennes.

Avec son dernier ouvrage, bref mais néanmoins charpenté, La gauche radicale et ses tabous *, Aurélien Bernier donne à comprendre « pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national ». Cet ancien dirigeant d’Attac et collaborateur du Monde diplomatique, qui se définit lui-même comme un « proche du Front de gauche », n’épargne pas ses camarades altermondialistes, communistes et trotskystes et cible trois interdits qui règnent en maître au pays de la gauche de la gauche. Trois « tabous » qui ne manqueront pas de faire polémique.
 
A commencer par le protectionnisme jugé par le courant trotskyste (dont la pensée irrigue encore largement la gauche radicale et ce, malgré un poids électoral inversement proportionnel) comme « réactionnaire » et « petit-bourgeois » car il créerait « une fausse solidarité entre ouvriers et patrons » et présenterait « les travailleurs des autres pays comme des adversaires ». Bernier note que le Front de gauche porte néanmoins un « protectionnisme européen ». Mais pour lui, il s’agit d’un « doux rêve » car ce protectionnisme-là, explique-il, nécessite l’accord de l’ensemble des pays membres de l’Union pour qu’il soit véritablement opérant. Lui préfère donc prôner un « protectionnisme français », mais s’empresse d’ajouter, pour ne sans doute pas trop choquer ses pairs, « en attendant mieux »
 
L’auteur se penche également sur ce qu’il nomme « le tabou européen ». En clair, la gauche de la gauche en devenant « altereuropéiste », en soutenant « qu’il faut changer en profondeur le cours de la construction  européenne, mais sans rupture trop brutale, ni avec l’ordre juridique de Bruxelles ni avec son ordre monétaire » laisse le champ libre de la véritable radicalité au Front national. Bernier touche là au tabou des tabous, l’euro, un sujet dont le FN est une des rares formations en France à s’être emparé.

Mais il rappelle que « les monnaies nationales et les politiques monétaires étatiques ne sont pas une idée d’extrême droite » et, surtout, que l’autre gauche n’a pas toujours été sur cette ligne. Il montre comment le PCF, sous l’influence de Robert Hue, a bradé en 1997, sur l’autel des négociations avec le PS pour rejoindre le gouvernement Jospin, la campagne menée alors contre la monnaie unique place du Colonel-Fabien. Il note néanmoins qu’en mars 2013, en plein « blocus financier de Chypre », Jean-Luc Mélenchon évoqua publiquement, pour la première fois, la possibilité d’une sortie de l’euro. Comme le fit un mois après lui, Oskar Lafontaine, grand inspirateur du Parti de gauche français et ancien ministre des Finances allemand...
 
Enfin, Bernier s’attaque au « tabou de la souveraineté nationale et populaire » recoupant peu ou prou les deux précédents tabous. Il pointe notamment un paradoxe de taille que dirigeants, militants et sympathisants de l’autre gauche ne semblent définitivement pas vouloir voir : « Comment [la gauche radicale] en est-elle venue à mélanger sa voix avec celle des plus ultralibéraux pour conclure à l’obsolescence de la souveraineté nationale ? »
 
Cette question démontre à elle seule la pertinence de l'ouvrage d'Aurélien Bernier. Malheureusement, celui-ci se révèle incomplet car son auteur se montre très (trop ?) sélectif dans ses tabous. Quid par exemple du tabou de la sécurité ? Une grande partie de la gauche radicale continue de voir dans ce sujet-là une obsession de la droite la plus réactionnaire qui soit, oubliant que les premières victimes de l’insécurité sont ces classes populaires qu'elle prétend pourtant défendre…

Quid aussi du tabou de la laïcité ? Si Jean-Luc Mélenchon et d’autres avec lui se posent en fervents défenseurs de ce principe, certains de leurs camarades de la gauche de la gauche adoptent sans sourciller des positions communautaristes que ce soit par conviction pure, par perte de sens idéologique ou — et c’est sans doute le pire — par clientélisme électoral…

Quid enfin du tabou de l’immigration ? Non suffisamment maîtrisée, celle-ci induit une concurrence entre travailleurs que Bernier — par le protectionnisme notamment — et la gauche radicale dans son ensemble disent refuser.

Ces trois tabous-là expliquent, autant sinon plus, l’échec de l’autre gauche face au Front national…


Retrouvez l’interview d’Aurélien Bernier dans le numéro 872 de Marianne en vente en kiosques, ce samedi, et disponible, dès aujourd’hui, en souscrivant à notre offre numérique ou en vous rendant sur le site de nos partenaires Lekiosk.com et Relay.com

Si le Front de gauche voulait vraiment lutter contre le FN…



* La gauche radicale et ses tabous – Pourquoi le Front de gauche échoue face au Front national. Aurélien Bernier, Seuil, 17 €. 

 

 

Source : www.marianne.net

 

 


 

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 17:08

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 

La « success story » irlandaise est une escroquerie, champagne pour les banques !

Le 15 décembre 2013, l’Irlande est devenue le premier pays à sortir d’un programme de « sauvetage » de la Troïka - Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI. Au moment où les élites politiques européennes sablent le champagne en l’honneur du « succès » irlandais, Attac publie une étude inédite à partir de chiffres officiels jusqu’ici dispersés.

 


 

Alors que l’Irlande a reçu 67,5 milliards € de prêts pour son renflouement depuis la fin de 2010, le pays a transféré un montant total de 89,5 milliards € à son secteur financier au cours de la même période. 55,8 de ces milliards sont tombés dans les poches des banques créancières, toutes étrangères et certaines françaises.

L’étude confirme que la situation économique et sociale de l’Irlande demeure désastreuse : ces milliards n’ont en rien profité aux Irlandais, broyés par la politique d’austérité infligée à leur pays pour payer ces dettes illégitimes.

L’étude publiée aujourd’hui par le réseau des Attac d’Europe a été coordonnée par Attac Autriche et Attac Irlande. Voici ses résultats en détail :

  • 18,1 milliards € ont été utilisés pour recapitaliser directement les banques irlandaises.
  • 55,8 milliards € sont allés aux créanciers de l’Etat irlandais . € 37,5 milliards ont servi à rembourser des obligations gouvernementales à échéance et € 18,3 milliards pour payer les intérêts sur les obligations en circulation .
  • 1,6 milliards € ont été dépensés par la National Asset Management Agency (NAMA), une structure de défaisance garantie par l’Etat , pour acheter les mauvais actifs immobiliers détenus par les banques irlandaises.
  • 14 milliards € ont été utilisés jusqu’à présent pour la liquidation de la Compagnie de liquidation des banques irlandaises ( IBCR ) , la fusion de deux banques nationalisées en faillite. 12,9 milliards entre eux ont été utilisés par l’AMNA pour acheter le reste des actifs de l’IBCR . Un autre 1,1 milliard a été versé aux créanciers de la banque à la suite d’ une garantie du gouvernement.

« Au cours de son soi-disant sauvetage, l’Irlande a mis plus d’argent dans le secteur financier qu’elle n’a reçu de prêts pour son renflouement », note Dominique Plihon, porte-parole d’Attac France : « la population irlandaise s’est lourdement endettée pour sauver le secteur bancaire européen ».

Ces chiffres, qui concernent l’un des plus petits pays de la zone euro, confirment le caractère dérisoire de l’Union bancaire européenne et de son fonds de résolution récemment annoncé, qui atteindra à peine 60 milliards d’euros dans dix ans. Cinq ans après la faillite de Lehman Brothers et des banques irlandaises, les spéculateurs et les banques tiennent plus que jamais le haut du pavé. « Nous espérons que 2014 marque en Europe le début de la fin de leur arrogante domination, grâce notamment à l’instauration, enfin, d’une véritable taxation des transactions financières ; pour notre part, en 2014, nous allons plus particulièrement cibler deux requins de la finance, BNP Paribas et la Société Générale, pour qu’elles cessent de trafiquer dans les paradis fiscaux et de financer des projets destructeurs de la planète », conclut Dominique Plihon.

 

Le rapport en détails

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/attac-france

 


 

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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 18:05

 

Source : www.latribune.fr

 

 

La France va emprunter 173 miliards d'euros en 2014

 

Dette publique
Cette somme de 173 milliars d'euros, nete des rachats de dette, est un peu plus faible que celle anticipée lors de la présentation du budget en septembre (174 milliards d'euros), mais plus élevée qu'en 2013 (169 milliards), selon un communiqué publié vendredi par l'Agence France Trésor (AFT).
Cette somme de 173 milliars d'euros, nete des rachats de dette, est un peu plus faible que celle anticipée lors de la présentation du budget en septembre (174 milliards d'euros), mais plus élevée qu'en 2013 (169 milliards), selon un communiqué publié vendredi par l'Agence France Trésor (AFT).

 

latribune.fr  |  20/12/2013, 17:06 
La France doit financer un déficit budgétaire de 70,6 milliards d'euros et rembourser 103,8 milliards de dette arrivant à échéance en 2014.

La France va emprunter 173 milliards d'euros sur les marchés à moyen et long terme en 2014, anticipant une remontée de ses taux d'emprunt après une année 2013 au cours de laquelle ses coûts de financement sont tombés à un plus bas historique.

Ce montant, net des rachats de dette, est un peu plus faible que celui anticipé lors de la présentation du budget en septembre (174 milliards d'euros), mais plus élevé qu'en 2013 (169 milliards), selon un communiqué publié vendredi par l'Agence France Trésor (AFT).

La France doit financer un déficit budgétaire de 70,6 milliards d'euros en 2014

La différence par rapport à septembre tient au fait que l'AFT a racheté depuis cette date un milliard d'euros de dette qui arrivait à échéance en 2014. En tout, l'AFT a racheté pour 23 milliards d'euros de dette en 2013, dont 13 arrivant à échéance en 2014 et 10 en 2015, ce qui lui permet d'alléger d'autant ses remboursements à venir.

Au total, les besoins de financement de la France s'élèvent à 176,4 milliards d'euros pour l'an prochain, couverts pour l'essentiel par les 173 milliards d'emprunts, complétés par des ressources annexes. La France doit financer un déficit budgétaire de 70,6 milliards d'euros et rembourser 103,8 milliards de dette arrivant à échéance en 2014.

L'AFT, chargée de placer la dette française sur les marchés, publie son programme pour 2014 alors que 2013 a été l'année de tous les records. Le taux moyen pour l'ensemble des emprunts à moyen et long terme s'est établi à 1,54% cette année, un plus bas historique, contre 1,86% en 2012 et 4,15% en moyenne entre 1998-2007.

Le taux d'emprunt à dix ans a atteint son plus bas historique en mai dernier

La France s'est même offert le luxe de voir son taux d'emprunt à 10 ans atteindre son plus bas historique à 1,66% le 2 mai sur le marché secondaire où s'échange la dette déjà émise.

"2013 est une très bonne année pour le marché de la dette française, avec des coûts de financement au plus bas à moyen et long terme. C'est le signe de la confiance dans le crédit de la France et la qualité technique de la dette française", a indiqué Ambroise Fayolle, directeur général de l'AFT lors d'une rencontre avec la presse.

Ces coûts de financement témoignent du fait que malgré une croissance très faible dans le pays les investisseurs sont friands de dette française, facilement échangeable et plus rémunératrice que des valeurs refuges comme les titres de l'Allemagne.

Le niveau de la charge de la dette a atteint 45 milliards d'euros en 2013

Ils sont également le reflet de l'apaisement des tensions en zone euro et de politiques monétaires très accommodantes des banques centrales. Les abaissements de note qu'a subi la France ces derniers mois n'ont eu en outre aucune conséquence sur son taux d'emprunt.

L'AFT a précisé que le niveau de la charge de la dette atteignait 45 milliards d'euros en 2013, soit 1,9 milliard d'euros de moins par rapport à ce qui était prévu, en raison d'une inflation et de taux d'emprunt plus bas qu'anticipé.

Pour l'an prochain, l'AFT table sur une charge de la dette à 46,7 milliards d'euros. Pour 2014, l'AFT a confirmé qu'elle s'attendait à une remontée de ses taux d'emprunt à 3,3% en moyenne pour l'échéance à 10 ans, contre 2,23% en 2013. "Nos hypothèses sont prudentes concernant la remontée des taux", relève Ambroise Fayolle.

"La remontée des taux devrait aussi être favorisée par une reprise économique en Europe"

L'annonce en mai dernier par la Réserve fédérale américaine (Fed) d'un prochain changement de cap avait entraîné une hausse des taux d'emprunts des États-Unis, puis dans la zone euro. La décision de réduire en janvier 2014 les rachats d'actifs, prise mercredi, n'a en revanche pas pesé sur les taux en zone euro, qui bénéficient par ailleurs d'une politique monétaire favorable de la Banque centrale européenne (BCE).

"La remontée des taux devrait aussi être favorisée par une reprise économique en Europe", estime Ambroise Fayolle. Une croissance plus vive pourrait pousser les investisseurs à être plus téméraires et à se détourner légèrement des placements les plus sûrs, comme la dette française.

 

 

Source : www.latribune.fr

 

 

 

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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 17:28

 

Source : www.mediapart.fr

 

Serge Dassault souhaite la bonne année aux socialistes

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Dans une tribune publiée par son journal, Le Figaro, le milliardaire Serge Dassault présente ses vœux pour 2014. Ils prennent des allures d'encouragements, à peine critiques, à destination des socialistes, pour la politique économique néolibérale qu'ils conduisent.

Au premier coup d’œil, on pourrait être enclin à ne pas prêter trop d’attention aux vœux de bonne année (ils sont ici) que Serge Dassault adresse ce jeudi 2 janvier aux lecteurs du Figaro. Simple tradition familiale, pensera-t-on. Marcel Dassault avait l’habitude de tenir son « café du commerce » – collection de fausses évidences réactionnaires écrites sur un ton bonhomme – dans les colonnes de Jours de France, qui était sa propriété et dont il était aussi le rédacteur en chef. Son fils, Serge, poursuit donc la même pratique, dans les colonnes du quotidien conservateur qu’il a racheté en 2004 aux héritiers de Robert Hersant, celui que la gauche avait baptisé le « papivore ».

Et pourtant, il faut prendre le temps de lire cette prose. Parce qu’elle lève un petit coin du voile sur ce que la presse française est devenue, au fil des ans. Et surtout parce qu’elle dit beaucoup de la dérive stupéfiante dans laquelle la gauche socialiste est emportée, suivant pour une bonne part, par avance, les recommandations du propriétaire et éditorialiste du Figaro.

Ainsi donc, en France, le propriétaire de l’un des principaux quotidiens d’information peut prendre la plume, et maître chez lui, à la manière d’un directeur de la rédaction, dialoguer avec ses lecteurs pour leur confier ce qu’il espère de l’année qui s’ouvre. Dans aucune autre grande démocratie moderne – l’Italie du temps de Silvio Berlusconi mise à part –, un tel mélange des genres entre le journalisme et les milieux d’affaires ne serait concevable. En France, si ! Un marchand d’armes et avionneur de son état, sénateur UMP de surcroît et mis en cause dans l’un des plus graves scandales de la République (lire ici toutes nos enquêtes et révélations sur l’affaire Dassault), peut ainsi, violant la muraille de Chine qui devrait exister entre une rédaction et les actionnaires d’un journal, jouer les éditorialistes sans que cela choque personne – ou presque personne.

On observera, certes, que les autres oligarques ayant racheté ces dernières années la presse française se comportent avec un peu plus de retenue. Xavier Niel n’ose pas (pas encore ?) prendre la plume dans les colonnes du Monde, ni Édouard de Rothschild dans celle de Libération, ni encore Bernard Arnault dans celle des Échos. Mais Serge Dassault, qui a fait du Figaro sa chose, qui peut réunir une fois par mois les éditorialistes de son journal au siège de son groupe pour leur suggérer ce qu’ils doivent écrire, ne constitue en rien une exception dans le paysage de la presse française. Il est juste le révélateur le plus caricatural de ce que la presse est devenue. Une presse, à la manière de celle du Second Empire ou de celle de l’entre-deux-guerres, qui est devenue la propriété – et le jouet – de colossales puissances d’argent. Sous la férule de Napoléon III, un avocat républicain, Jules Favre (1809-1880), avait eu ce mot, en 1862 : « En France, il n’y a qu’un seul journaliste ; et ce journaliste, c’est l’empereur ! » Nous voilà donc presque revenus à ces temps détestables...

Soit dit en passant, mais c’est évidemment tout sauf un détail, c’est précisément pour tourner le dos à cet asservissement de la presse que Mediapart s’est créé voilà six ans ; pour renouer avec les principes fondateurs du Conseil national de la résistance (on peut les consulter ici), dont celui-ci : « la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l'égard de l'État, des puissances d'argent et des influences étrangères ». Soit dit en passant aussi, c’est sans doute également la raison pour laquelle notre journal dérange tant, et fait aujourd’hui l’objet d’attaques aussi graves, menaçant jusqu'à son existence.

Ainsi fonctionne la presse française d’aujourd’hui : Le Figaro de Serge Dassault a bénéficié en 2012 de 18,2 millions d’euros d’aides directes de l’État – tout juste devancé par Le Monde –, alors que Mediapart a refusé cet argent public et, comme pour nous punir de revendiquer le respect du principe de l’égalité fiscale face à la TVA, a recueilli un contrôle fiscal.

Mais, dans la prose de Serge Dassault, on peut aussi lire entre les lignes d’autres choses : on peut prendre le pouls des relations qui se sont nouées depuis 2012 entre le gouvernement socialiste et les milieux patronaux – y  compris les milieux les plus paternalistes ou conservateurs qu’incarne Serge Dassault.

Car, même si l’auteur de cette prose ne le dit pas, toutes les recommandations qu’il formule recoupent très précisément le plan de travail du gouvernement socialiste ; ce qu’il a déjà fait ou ce qu’il compte entreprendre dans l'année qui vient.

Ainsi Serge Dassault recommande-t-il que la puissance publique n’accable pas les Français « d’impôts et de prélèvements décourageants » et s’engage dans la voie d’une véritable « baisse des impôts pour tous ». Cela tombe bien : c’est exactement ce qu’a promis François Hollande lors de ses propres vœux, prononcés le 31 décembre au soir (lire Hollande prononce des vœux de social-libéral) : oubliant la promesse-phare de sa campagne présidentielle, celle d’une « révolution fiscale », et tournant même le dos à la plus modeste « remise à plat » annoncée par Jean-Marc Ayrault, il a fait comprendre désormais que le cap nouveau du gouvernement serait celui de la baisse des impôts, inspiré de la doctrine néolibérale. Par avance, donc, le chef de l’État a exaucé une première fois le vœu du sénateur UMP.

« Après bravo Manuel », « bravo François » ?

Ainsi Serge Dassault recommande-t-il encore que le gouvernement allège « fortement le poids de la dépense budgétaire ». Cela tombe toujours bien : c’est très exactement la promesse que réitère François Hollande à chaque fois, ou presque, qu’il prend la parole. C’est le refrain aussi du gouvernement : l’austérité se poursuivra jusqu’à la fin du quinquennat. Par avance, le chef de l’État a donc exaucé une deuxième fois les vœux du sénateur UMP.

Ainsi le propriétaire et éditorialiste du Figaro enjoint-il le pouvoir socialiste, « pour faire reculer le chômage », de faire « le choix de la flexibilité du travail en généralisant les CDD non limités ou le contrat de projet, avec embauche pour la durée du contrat ». Cela tombe toujours bien puisque c’est également dans cette voie que s’est engagé le gouvernement, en faisant en sorte que quelques syndicats signent l’an passé avec le patronat un projet de flexi-sécurité qui a démantelé des pans entiers du Code du travail et notamment du droit du licenciement.

Ainsi le milliardaire presse-t-il encore le gouvernement de suivre l’exemple allemand. « En Allemagne, grâce au chancelier social-démocrate Gerhard Schröder et à son plan global d'amélioration de compétitivité des entreprises lancé il y a dix ans, le redressement est tel que le pays bénéficie aujourd'hui d'une situation économique cumulant excédent commercial et excédent budgétaire », explique-t-il. Or là encore, les dignitaires socialistes partagent le même point de vue. Le cap de François Hollande aujourd’hui, c’est en effet très exactement celui que suivait hier Gerhard Schröder : c’est celui de la « politique de l’offre », c’est celui de la marche forcée pour stimuler la compétitivité des entreprises.

Cela tombe donc toujours bien puisque ce vœu-là, François Hollande a dit, pas plus tard que le 31 décembre, qu’il allait encore s’employer à l’exaucer. On sait donc que, non content d’avoir offert 20 milliards d’euros aux entreprises sous la forme d’un crédit d’impôt – sans contrepartie ni contrôle –, financé sur le dos des consommateurs par le biais des hausses de TVA, le chef de l’État a proposé aux entreprises un nouveau « pacte de responsabilité », qui leur apportera des allègements complémentaires de charges sociales, financés encore et toujours par le biais de l’impôt. C’est-à-dire par les salariés. Des cadeaux en veux-tu, en voilà ; des cadeaux à n'en plus finir...

En bref, avant même que Serge Dassault ne prenne la plume, François Hollande avait déjà fait comprendre qu’il suivrait pas à pas ses souhaits. Jusqu’aux plus droitiers, jusqu’aux plus conservateurs.

Et tout cela, pour quels résultats ? La tribune de Serge Dassault apporte aussi une réponse à cette ultime interrogation. Car dans cette course folle qui conduit le pouvoir socialiste à désespérer chaque jour davantage son électorat et à essayer de devancer les moindres désirs des milieux d’affaires, il n’aura pas même la satisfaction de recevoir, en retour, la gratitude de ces puissances d’argent. À sa manière, qui est caricaturale, le patron-propriétaire du Figaro le montre bien. Jouant de la surenchère, il ne salue pas même le gouvernement pour avoir suivi à l’avance ses conseils mais le presse au contraire d’en faire plus, toujours plus. Jusqu’à suivre l’exemple de la Russie qui est « devenue libérale » (sic !) « après soixante-dix ans de communisme désastreux (et où) a été institué un impôt sur le revenu à taux unique ». Ou alors jusqu’à suivre celui de la Chine – « eh oui, même en Chine ! – Deng Xiaoping a remis au goût du jour le slogan inventé cent cinquante ans plus tôt par Guizot : "Enrichissez-vous par le travail et par l'épargne." En 1992, il lance : "Plus il y aura de riches, plus le pays s'enrichira." »

Paroles outrancières d’un vieux milliardaire qui ratiocine à l’envi ses obsessions personnelles, jusqu’à celles marquées par l’égoïsme social le plus outrancier ? On aimerait le croire. On aimerait penser que ses tristes rêveries pour 2014 n’engagent qu’un sénateur de l’UMP isolé parmi ses pairs, visé de surcroît par une demande de levée de son immunité parlementaire. Et pourtant non ! Les socialistes aujourd’hui au pouvoir nous ont appris qu’avec eux, il ne fallait jamais exclure le pire. 

Déjà, lors de l’inauguration de la 64e foire de Corbeil-Essonnes, au début du mois de septembre 2012, Serge Dassault avait chaleureusement applaudi la campagne xénophobe contre les Roms que le ministre socialiste de l’intérieur, Manuel Valls, avait entreprise : « Je veux dire un mot à Manuel. Pour moi, pour nous, la sécurité n'est ni de gauche ni de droite. Et je dois vous dire que nous sommes très heureux de son action (…) C'est pour ça qu'il a l'appui d'un journal bien connu (…) Mais, s'il fait des bêtises, on en reparle. Actuellement, c'est très bien. Pour les Roms et tous les autres, c'est formidable. Donc, bravo, Manuel, et continue ! »

Aujourd’hui, c’est aussi ce que suggère la tribune de Serge Dassault. Pour la politique économique et sociale néolibérale qu’il conduit, le gouvernement a l’appui vigilant (et s'il le faut critique)… « d’un journal bien connu ».

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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2 janvier 2014 4 02 /01 /janvier /2014 17:23

 

 

 

Source : www.mediapart.fr


Secret bancaire: le pas de deux du Luxembourg agace les Européens

|  Par Dan Israel et Ludovic Lamant

 

 

 

La décision est passée presque inaperçue au conseil européen de décembre : le Luxembourg a obtenu un nouveau délai, jusqu'à mars, pour signer une directive clé afin de lutter contre l'évasion fiscale. Quitte à crisper un peu plus ses partenaires européens. Entre gages de bonne volonté et stratégies d'évitement, à quoi joue le Grand-Duché à Bruxelles ?

 De nos envoyés spéciaux à Bruxelles et Luxembourg

Le rituel est immuable entre les murs du « Justus Lipsius », ce cube austère où se déroulent les conseils européens à Bruxelles. À l'issue du sommet, chaque dirigeant convie « ses » journalistes dans « sa » salle de presse, pour dresser le bilan des négociations. Ce vendredi 21 décembre aux environs de midi, l'exercice est une première pour Xavier Bettel, un libéral de 40 ans, à la tête du gouvernement luxembourgeois depuis une dizaine de jours à peine.

Dans une salle de presse minuscule, au deuxième sous-sol du bâtiment (les plus spacieuses sont réservées aux « grands » États membres), des journalistes, dont bon nombre de Suisses, sont venus lui poser la seule question qui vaille : le Grand Duché va-t-il finir par lâcher du lest dans la lutte contre l'évasion fiscale ? Va-t-il enfin accepter un échange automatique d'informations bancaires, le plus ambitieux possible, avec ses 27 partenaires au sein de l'Union ? La question est brûlante. Depuis plus de dix ans, le Luxembourg joue le rôle d’élément perturbateur dans les négociations européennes portant sur le secret bancaire et sur la lutte contre les paradis fiscaux.

Le pays est le plus gros centre financier de l’Union, et à ce titre constamment soupçonné d’attirer les riches Européens et les multinationales du monde entier par des procédés peu scrupuleux (lire notre reportage sur place). Dirigé pendant près de dix-neuf ans par Jean-Claude Juncker, qui a aussi présidé de 2005 à 2013 l’Eurogroupe, le club des pays de la zone euro, le Grand-Duché a tout tenté pour conserver son secret bancaire, qui lui assure un indéniable avantage compétitif sur ses partenaires européens. Sous la pression internationale, les digues ont commencé à céder. Mais jusqu’à quel point exactement ?

Pour son baptême européen, Xavier Bettel n'a pris aucun risque : « Le Luxembourg n'est pas venu brader ses engagements à Bruxelles », a-t-il prévenu, se disant « blessé » lorsque des journalistes réduisent le Luxembourg à un pays qui ne chercherait qu'à protéger sa fortune. Tout au long de sa conférence de presse, il a pris soin de s'inscrire, sur ce dossier, dans les pas de son prédécesseur. À Bruxelles, ceux – peu nombreux – qui misaient sur une évolution du Luxembourg, après les élections d'octobre, ont été déçus : le statu quo est total.

 

José Manuel Barroso et Xavier Bettel, le 20 décembre, à Bruxelles. © Commission européenne 
José Manuel Barroso et Xavier Bettel, le 20 décembre, à Bruxelles. © Commission européenne


« On voit que vous gardez la continuité de l'État, même quand les gouvernements changent… », a glissé José Manuel Barroso dans un sourire, lors d'une visite du jeune premier ministre à la commission européenne, la veille du sommet. Martin Schulz, le président du parlement européen, y est lui aussi allé de sa petite remarque cinglante, à l'issue de sa rencontre avec l'ancien maire de la ville de Luxembourg : « Nous sommes plein de compréhension pour tout le monde, mais cela ne veut pas dire que nous accepterons chaque décision. » Réponse de Xavier Bettel, tout en rondeur : « C'est déjà un bon début ! »

Alors qu'un front européen s'est formé, en début d'année 2013, pour renforcer la lutte contre les paradis fiscaux, le Luxembourg est dans la ligne de mire. Si bien que son nouveau premier ministre a souvent donné l'impression de marcher sur des œufs, lors de sa première tournée bruxelloise. Son pays agace nombre de partenaires européens, à force de souffler le chaud et le froid, entre gages de bonne volonté et stratégies d'évitement, pour en finir avec l'évasion fiscale.

Côté chaud : le Grand-Duché s'est engagé, en mars 2013, à quitter le statut dérogatoire dont il bénéficie jusqu'à présent, avec l'Autriche, dans le cadre de la directive « épargne » de 2005. Jusqu’à présent, ces deux pays avaient arraché le droit de n’échanger aucune information sur les détenteurs de comptes en banque sur leur territoire, contre des versements d’argent prélevé sur ces comptes. À partir de janvier 2015, le Grand-Duché va se plier à l'échange automatique d'informations, portant sur le versement des intérêts. En clair, il sera désormais possible pour Bercy de savoir qui sont les Français détenteurs d'un compte au Luxembourg. « Cet engagement reste valable avec le nouveau gouvernement, nous serons dans les clous de la directive début 2015 », assure-t-on côté luxembourgeois.

Mais c'est la révision de cette même directive, mise en chantier par la commission européenne en 2012, qui cristallise les tensions. Ambition affichée par l'exécutif de José Manuel Barroso : élargir le champ d'application de l'échange automatique à bien d'autres types de revenus – par exemple les dividendes et plus-values des entreprises et autres fonds d’investissement, ainsi que « toute autre forme de revenus financiers ».

« Aucune négociation n'a eu lieu avec la Suisse »

Pour le Luxembourg, où les fonds d'investissement ont acquis un poids considérable dans l'économie, cette directive révisée pourrait avoir des conséquences majeures. Le pays est le deuxième centre mondial de fonds d’investissement après les États-Unis, et de loin le premier concernant les fonds qui sont distribués dans plus d’un seul pays : 70 % des fonds distribués internationalement y sont domiciliés. Selon les derniers chiffres européens, ces quelque 3 800 fonds abritent plus de 2 400 milliards d’euros. Ces instruments financiers servent en particulier de véhicules à des contrats d’assurance-vie, où le Grand-Duché déploie ses armes secrètes, comme le rappelle la brochure de l’association des compagnies d’assurances : « une parfaite neutralité fiscale », autrement dit une absence de taxes sur ces produits (les fonds d'investissement classiques s'acquittent en général d'un taxe de... 0,01 % sur leurs actifs) , et une « confidentialité garantie par la loi ». Jusqu’à présent.

Cela explique sans doute la gêne du Grand-Duché, qui tente de faire traîner le dossier. Au conseil européen de mai 2013, l'adoption de cette directive révisée était au cœur des débats, alors que l'affaire Cahuzac en France, et les révélations du « Offshore Leaks » s'étalaient dans toute la presse internationale. À l'époque, le Luxembourg et l'Autriche (qui défend quant à elle aussi le secret fiscal mais dont l'industrie financière est bien plus réduite) s'en étaient sortis in extremis, en avançant l'argument suivant : pas question de signer, tant que l'Union n'a pas négocié les mêmes conditions avec cinq États tiers concurrents, dont la Suisse (mais aussi San Marin, le Liechtenstein, Monaco et Andorre). En résumé, le Luxembourg ne bougerait pas, tant que la Suisse n'adopterait pas elle-même ces standards contraignants (le même « level playing field », dit-on dans le jargon bruxellois). Face à ces désaccords, Herman Van Rompuy, le président du conseil, a proposé en mai de repousser l'adoption du texte à décembre.

« Nous partageons bien sûr l'objectif d'un élargissement des domaines sur lesquels se fait l'échange d'informations », assure Nicolas Mackel, directeur général de Luxembourg for Finance, l'agence de promotion de la place financière du Grand-Duché. « Mais nous divergeons sur la procédure. Nous estimons qu'il faut avoir à bord les autres centres financiers européens, et notamment la Suisse, avant d'activer le processus », poursuit ce responsable, qui dénonce un « acharnement » contre le Luxembourg. Traduction en langage moins diplomatique, assurée par un banquier luxembourgeois : « Pas question que nous soyons les dindons de la farce ! Il ne faut pas que la Suisse puisse profiter de nos évolutions sans bouger elle-même. »

Sauf qu'en décembre 2013, le Grand-Duché est parvenu à obtenir un nouveau délai, jusqu'au conseil… de mars (lire le paragraphe 27 des conclusions). Que s'est-il passé cette fois ? « Au jour du 20 décembre, nous constatons qu'aucune négociation n'a eu lieu avec la Suisse », regrette Xavier Bettel. Le premier ministre laisse entendre que la commission n'a pas tenu sa promesse, et n'a pas lancé, comme cela avait été convenu en mai, des négociations avec Berne. Or, aux yeux du Luxembourg, c'est une condition sine qua non pour avancer.

 

Xavier Bettel et François Hollande, à Bruxelles, le 19 décembre. ©Conseil européen. 
Xavier Bettel et François Hollande, à Bruxelles, le 19 décembre. ©Conseil européen.


« On s'est rendu compte, à l'automne, que les choses n'avançaient pas », explique-t-on côté luxembourgeois. La Suisse a en effet tardé à lancer les discussions avec Bruxelles, mais les négociations formelles avec la commission devraient bien s'ouvrir début janvier. Elles sont déjà en cours avec les quatre autres « États tiers » concernés, Monaco inclus, dont l’exemple revient constamment dans la bouche des responsables luxembourgeois lorsqu’ils s’entretiennent avec les journalistes français. Parallèlement, les services du commissaire à la fiscalité, le Lituanien Algirdas Semeta, devront rédiger, pour le conseil de mars, un rapport sur l'avancement des négociations, qui doit permettre de juger de leur sérieux.

Toute la question désormais est de savoir si Xavier Bettel et son équipe attendent que les discussions aient abouti avec la Suisse, avant de faire un pas à leur tour – ou s'il est suffisant que ces négociations soient enclenchées. Le premier ministre luxembourgeois a expliqué mi-décembre qu'il voulait la preuve, d'ici mars, que les discussions « aillent dans la bonne direction ». Une expression suffisamment floue pour ménager toutes les portes de sortie au conseil de mars. « Nous allons nous engager sur le chemin d'une extension (de la directive épargne, ndlr), c'est certain. La seule question, c'est quand », résume, de son côté, Jean-Jacques Rommes, à la tête de l'Association des banques et banquiers (ABBL), au Luxembourg. Mais ces gages de bonne volonté n'ont pas l'air de suffire.

Jouer la montre, jusqu'aux élections de mai ?

À Bruxelles, c'est peu dire que l'attitude des Luxembourgeois en crispe plus d'un. Côté français, où certains proches des négociations se disent « désemparés » et « exaspérés » par l'attitude du pays, on a accepté sans enthousiasme le report de la date butoir à mars. « Il y a eu des élections en octobre, le gouvernement a changé. Donc, c'est une sorte de délai de grâce politique. Mais il faut que ce nouveau délai de mars soit bien compris comme définitif », précise une source française.

À la sortie d'un « Écofin » début décembre, une réunion des ministres des finances de l'UE, le commissaire Semeta n'avait pas caché son agacement, jugeant qu'il était « incompréhensible qu'il n'y ait toujours pas eu d'accord sur la directive "épargne" » révisée : « Ce n'est pas en phase avec l'état d'esprit, et les résolutions qui ont été prises, aussi bien aux niveaux européen qu'international. »

Le bras de fer engagé par les Luxembourgeois avec la commission peut en effet surprendre. Car le Grand-Duché a conclu par ailleurs cette année des accords au sein d'autres enceintes internationales. Au printemps 2013, le Luxembourg a signé un accord de coopération fiscale avec l'OCDE. Il s'est surtout entendu avec les États-Unis, pour pratiquer un échange automatique d'informations au périmètre très large, portant sur les Américains détenteurs d'un compte dans le pays (la loi dite « Fatca », en vigueur courant 2014). Une révolution imposée à travers le monde entier par le géant américain lorsqu'il a découvert, à partir de 2008, que les banques suisses, UBS en tête, organisaient l’évasion fiscale depuis son propre territoire.

Pourquoi, alors, tant de lenteurs au sein de l'UE ? À y regarder de près, les enjeux semblent en fait très différents – l'immense majorité de la gestion de fortunes privées au Luxembourg concernant des Français, des Belges et des Allemands. « L'impact pratique de l'accord avec les États-Unis est proche de zéro pour nous, puisque nous n'avons quasiment aucun client américain », résume un haut responsable financier luxembourgeois, qui reconnaît tout de même que Fatca aura un « impact administratif lourd ». Les banques devront en effet mettre en place un système de gestion et de transmission des données aux États-Unis.

Certains diplomates européens se montrent nettement plus sceptiques sur la stratégie du Luxembourg au sein de l'UE : « En coulisses, ils nous font comprendre que si tout le monde passe à l'échange automatique, ils iront aussi. Mais ils se ménagent toutes les portes de sortie possible, en attendant de voir si tout ne se bloquera pas avant les échéances finales. C'est pour ça qu'au niveau européen, ils bloqueront jusqu'au dernier moment. ».

À force de jouer la montre, les Luxembourgeois pourraient réussir à reporter le dossier à l'après-élections européennes. Et tout dépendrait alors de la nouvelle commission, mise sur pied en octobre 2014. Exit, dans ce scénario, le commissaire Semeta, très impliqué dans le dossier, mais qui n'est pas forcément soutenu en interne par beaucoup d'autres commissaires de l'équipe Barroso.  

La composition de la future commission sera tout aussi décisive pour l'avenir d'un autre texte, le troisième et dernier sur la table : une directive sur la coopération administrative. Celle-ci prévoit, là encore, d'instaurer l'échange automatique d'information, au sein des 28 États membres, mais sur d'autres types de revenus – comme les pensions, les salaires, mais aussi les revenus des produits d'assurance-vie. Le texte viserait donc directement le pilier de la place financière luxembourgeoise. Malgré toutes les promesses, rien ne dit aujourd’hui que le Grand-Duché acceptera de voir surveiller de si près ce qui a fondé sa richesse et sa puissance ces trente dernières années.

 

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Source : www.mediapart.fr

 

 

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