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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 15:11

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Optimiser le vivant

Biologie de synthèse : comment ingénieurs et multinationales veulent fabriquer la vie

par Agnès Rousseaux 12 février 2014

 

 

 

 

 

Thérapies plus efficaces, bactéries anti-pollution, carburants synthétiques… La biologie de synthèse nous réserverait un futur plein de promesses. Et attire les investissements des plus grands groupes mondiaux de biotechnologies, de l’énergie ou de l’agroalimentaire. Mais fabriquer artificiellement la vie, à partir d’ADN construit en laboratoire et d’usines à gènes brevetés, suscite de nombreuses interrogations. Alors que les premiers organismes intégralement conçus par ordinateur commencent à prendre vie, des ingénieurs rêvent déjà de planifier l’évolution et de corriger les « imperfections » de la nature. Enquête.

« Fabriquer la vie ». Ainsi pourrait se résumer l’ambition de la biologie de synthèse. Cette branche des biotechnologies veut créer de toutes pièces des organismes vivants, inconnus à l’état naturel. Et aller plus loin encore que les OGM, qui modifient le code génétique d’un organisme pour lui donner une nouvelle fonctionnalité – croître plus vite ou résister à un pesticide. Avec la biologie de synthèse, nous entrons dans une autre dimension : on quitte le bricolage des gènes, pour aller vers une fabrication à grande échelle d’organismes artificiels, après modélisation et simulation informatique.

« Un nouveau monde s’ouvre à nous », décrit le site de présentation du ministère de l’Économie. La biologie de synthèse, nouvel eldorado techno-scientifique, « pourrait apporter des thérapies plus efficaces, des médicaments moins chers, de nouveaux matériaux facilement recyclables, des biocarburants, des bactéries capables de dégrader les substances toxiques de l’environnement », s’enthousiasment les pouvoirs publics. Les géants de la chimie, de l’énergie, de l’agrobusiness et de la pharmacie – comme BP, Exxon Mobil, BASF ou Cargill – sont sur les rangs, mais aussi ceux de l’informatique, comme Microsoft ou Google [1]. La biologie de synthèse apporterait, selon ses promoteurs, la promesse de remplacer à terme le secteur de la chimie, avec des recettes miracles pour faire face aux pollutions et à l’épuisement des ressources.

Briques d’ADN pour lego vivant

Le développement de la discipline est pourtant récent. En 2010, après 15 ans de travail, une équipe de l’institut Craig Venter aux États-Unis crée une bactérie d’un genre nouveau : son unique chromosome est composé d’ADN entièrement fabriqué par les chercheurs. C’est le premier organisme vivant construit artificiellement. « Voici sur cette planète la première espèce capable de se reproduire ayant pour parent un ordinateur », s’enflamme son créateur, Craig Venter [2]. Même si, pour le moment, il s’agit surtout de recopier la vie, en recréant en laboratoire les composants de base du code génétique.

Comment ça marche ? Des séquences d’ADN sont fabriquées « sur mesure », après modélisation informatique, puis reliées ensemble via des enzymes et bactéries. L’ADN ainsi synthétisé est inséré dans un châssis biologique – une bactérie ou une levure par exemple – pour pouvoir « fonctionner ». L’ADN synthétique est comme un logiciel, inséré dans un châssis-ordinateur. « Les gènes, les protéines, entre autres, sont à la cellule ce que les transistors, les condensateurs et les résistances sont à l’ordinateur », expliquent les chercheurs de l’université de Princeton [3]. Une sorte de lego du vivant, à base de « bio-briques » d’ADN standardisées, originales ou recopiant des briques d’ADN déjà existantes dans la nature.

Des usines à gènes

Les crédits de recherche dans ce domaine connaissent une croissance exponentielle depuis quelques années. Car les applications possibles seraient innombrables. Des produits arrivent déjà sur le marché : des bioplastiques issus du maïs, des tissus synthétiques à base de sucre céréalier, une saveur biosynthétique de pamplemousse ou du biodiésel. Les investissements se concentrent notamment sur le secteur de l’énergie, avec la production de micro-organismes ou d’algues modifiées capables de transformer de la biomasse en carburant. Les recettes de l’après-pétrole sortiront-elles des laboratoires de biologie de synthèse ?

 

 

Le groupe pétrolier Exxon a déjà investi 100 millions de dollars pour développer un carburant à partir d’algues, en partenariat avec l’entreprise Synthetics Genomics, dirigé par Craig Venter. BP a consacré 500 millions de dollars pour le développement d’agrocarburants synthétiques, au sein de l’Energy Biosciences Institute. Quant à la Fondation Bill & Melinda Gates, elle finance la recherche d’applications médicales à hauteur de 43 millions de dollars... Deux types d’entreprises se partagent actuellement le marché. Celles qui fabriquent les composants de base, les gènes synthétiques : les « fonderies à gènes » comme Tech Dragon à Hong-Kong et Gene Art en Allemagne, dont le catalogue comprend des séquences génétiques du cerveau, du foie ou du cœur humain, ou DNA 2.0 aux États-Unis, qui propose aussi un logiciel gratuit pour « concevoir des séquences [d’ADN] sans être limité par ce que la nature peut offrir ». Ensuite, des entreprises de biotechnologies créent et commercialisent des organismes à partir de ces gènes, comme Synthetic Genomics aux États-Unis. 3 000 chercheurs d’une quarantaine de pays travailleraient dans le secteur de la biologie de synthèse.

Privatisation des ressources naturelles

En France, quelques équipes de recherche, du Génopole d’Évry, se sont attelés à la biologie de synthèse, ainsi que sept entreprises de biotechnologie [4], selon un recensement du ministère de la Recherche. Celui-ci ambitionne de passer à la vitesse supérieure : « Il existe en France un gisement de compétences à mobiliser, permettant de viser une position mondiale de second ou troisième » [5]. En 2007 a été créé l’Institut de biologie systémique et synthétique (iSBB), qui comprend notamment la plate-forme abSYNTH, dont les équipements sont mis à disposition des entreprises et universités.

Total a créé un département Biotech avec un axe sur la biologie de synthèse en 2009. Le groupe pétrolier est devenu un important actionnaire de la société de biotechnologie Amyris (États-Unis). Celle-ci dispose d’une plateforme de biologie de synthèse de pointe, permettant de construire très rapidement des levures, qui deviennent de « véritables usines vivantes, optimisées pour fermenter des sucres et pour produire des molécules », qui sont ensuite transformées en agrocarburants [6]. Dans le secteur de la santé, c’est le groupe français Sanofi qui mène la danse. En 2013, Sanofi a annoncé la production à grande échelle d’artémisinine semi-synthétique, un principe actif utilisé contre le paludisme. Après dix années de recherche, financées par la Fondation Bill et Melinda Gates, un procédé a été breveté par Amyris [7], et une licence est octroyée à Sanofi.

Vers la fin de l’agriculture « naturelle » ?

Problème : cette production entre en concurrence avec celle d’artémisinine naturelle, dont vivent aujourd’hui des milliers d’agriculteurs. Un cas d’école concernant la biologie de synthèse, estime la Fondation Sciences citoyennes : un projet en apparence inattaquable car répondant à des enjeux de santé publique, des collusions entre scientifiques et entrepreneurs qui innovent dans les universités mais déposent des brevets via leurs start-up, puis cèdent les licences à des grandes entreprises. Avec le risque de captation de profits par des multinationales, pour des ressources génétiques également disponibles à l’état naturel [8].

 

 

La concurrence entre production agricole et production industrielle biosynthétique pourrait concerner demain le réglisse, la vanille ou le caoutchouc : des produits de substitution, issus de la biologie de synthèse, sont déjà au point. Le fabricant de pneumatique Goodyear et le groupe DuPont ont lancé des recherches sur un micro-organisme synthétique produisant de l’isoprène utilisé pour la fabrication de pneus. Ce qui pourrait mettre en péril l’économie des vingt millions de familles qui dépendent aujourd’hui de la production de caoutchouc naturel. Michelin travaille sur des projets similaires avec Amyris. La biologie de synthèse permet de produire à moindre coût des produits à haute valeur ajoutée – huiles essentielles, saveurs et fragrances, composés médicinaux ou ingrédients pour cosmétiques. « Des solutions de rechange synthétiques moins coûteuses qui ne dépendent pas de zones de culture, de conditions ou de producteurs spécifiques », décrit l’ONG canadienne ETC, qui a publié de nombreux rapports sur le sujet. Son émergence marquera-t-elle le début de la fin pour l’agriculture ? Car les brevets se multiplient. Amyris déploie beaucoup d’énergie pour faire breveter la biosynthèse des isoprénoïdes : cette classe compte plus de 55 000 composés naturels, dont le caoutchouc, l’huile de neem, l’huile de palme, le parfum de patchouli et l’huile de pin.

Biologie de synthèse : une technologie miracle ?

Les profits attendus sont immenses. La biologie de synthèse « apparaît comme la solution miracle qui devrait permettre de relancer la croissance, tout en préservant l’environnement, décrivent la chercheuse Bernadette Bensaude-Vincent et la journaliste Dorothée Benoit-Browaeys [9]. Tout comme les nanotechnologies, ou comme la géoingénierie, elle fonctionne sur l’espoir de résoudre les problèmes posés par les technologies d’hier grâce aux technologies de demain ». Crise énergétique, maladies de civilisation, pollutions... La biologie de synthèse aurait réponse à tout. Après la bulle internet, voici donc la bulle « synbio » : « Mêmes mécanismes d’investissement sous-tendus par une économie de la promesse, mêmes prévisions de croissance exponentielle. »


 

Les applications dans les secteurs de la santé et de l’énergie se diffusent déjà. Sans débat public sur les enjeux, sans contrôle par les autorités, sans réflexion sur l’impact sanitaire de la dissémination de ces molécules synthétisées, ou les risques pour l’environnement. Des organismes vivants, même artificiels, ça se reproduit. Donc ça se diffuse ! Et si la biologie de synthèse permet de produire des vaccins beaucoup plus rapidement, ces techniques peuvent aussi servir à fabriquer des virus, avec tous les risques possibles de détournements d’usage et de bioterrorisme. La législation, comme souvent, est en retard. Voire inexistante. Des scientifiques recommandent que les activités de recherche en biologie de synthèse se déroulent uniquement dans des laboratoires très sécurisés, de niveau de biosécurité P3 ou P4 (pour pathogène de classe 3 ou 4) où virus et bactéries sont manipulés sous haute-protection. En 2012, plus d’une centaines d’organisations internationales ont demandé un moratoire sur les usages commerciaux de la biologie de synthèse.

Dispositif-suicide pour gérer l’incertitude

En France, qu’en pensent les pouvoirs publics ? « La Délégation générale pour l’Armement (DGA) a réalisé une base des données des acteurs de la biologie de synthèse et a identifié les options biosécuritaires », décrit de manière lapidaire un rapport du ministère de la Recherche. Une veille sur la biologie de synthèse est organisée, ainsi qu’une « réunion interministérielle annuelle de concertation ». Mais, précise le rapport, « afin de ne pas pénaliser les avancées de la recherche dans ce domaine, il faut intégrer le risque nouveau avec une attitude d’incertitude positive ». Impossible de savoir ce que signifie ce principe de précaution version « positive attitude ».

Les chercheurs planchent sur des solutions pour limiter la dissémination. Comme la possibilité que les organismes synthétiques s’autodétruisent quand ils ont terminé leur travail, grâce à un « dispositif-suicide ». Ou qu’ils ne puissent pas se reproduire, à l’image du gène « Terminator », qui rend stériles les graines OGM de seconde génération. Mais les organismes peuvent évoluer et s’adapter, suite au croisement avec d’autres organismes naturels ou modifiés, ou à des mutations spontanées. « On peut faire en sorte que la bestiole dépende de l’homme pour se nourrir. Mais elle peut évoluer. Dans 10-15 ans, elle aura trouvé un autre moyen de s’alimenter, par symbiose par exemple, » explique le chercheur François Kepès, de l’ISSB [10].

Vers un nouvel « alphabet du vivant » : la xénobiologie

Le nombre limité d’entreprises qui fabriquent les gènes synthétiques laisse penser que le secteur peut être réglementé. Les banques de séquences ADN standardisées comme BioBricks ou GenBank peuvent être soumises à des réglementations. Une autre solution est avancées par des chercheurs : le « confinement sémantique ». Pour éviter les contaminations d’ADN artificiel, il suffirait d’utiliser d’autres bases que celles existantes – les bases A (adénine), T (thymine), G (guanine) et C (cytosine), qui composent le « squelette » de l’ADN. Changer « l’alphabet du vivant » en quelque sorte, le langage génétique qui sous-tend toute forme de vie sur la planète. C’est ce que propose le projet Xenome, piloté par le biologiste Philippe Marlière au Génopole d’Evry, auquel participe le Commissariat à l’énergie atomique. Cette nouvelle branche de la biologie de synthèse – la xénobiologie – vise à créer, à côté de l’ADN qui existe depuis trois milliards d’années, un autre code. Plus les créatures artificielles sont éloignées de la biodiversité terrestre, moins les risques d’interférences seront importants.

La xénobiologie empêcherait donc la contamination d’ADN. Et permettrait le développement de la biodiversité, estime Philippe Marlière [11] : « La biodiversité terrestre est étriquée et imparfaite. Elle pourra être élargie et dépassée en inventant des mondes vivants parallèles ». « La biosphère rafistole ses dispositifs au fil de l’eau et bricole pour en créer de nouveaux », poursuit Philippe Marlière. Cette évolution par bricolage et rafistolage « révèle l’impasse faite sur une multitude d’autres assemblages chimiques qui auraient conduit à des organismes radicalement différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. La xénobiologie n’est rien d’autre que le projet d’engendrer cette biodiversité inédite en vue de l’explorer scientifiquement et de l’exploiter industriellement. » Une biodiversité artificielle, construite par des ingénieurs dans des labos. Des ingénieurs qui planifient la vie et son évolution...

Biohackers et bidouille génétique « open source »

Face aux risques de privatisation du vivant par la biologie de synthèse, un autre courant émerge, cette fois inspiré de l’open source et de l’accès libre au savoir. Le principe : pas de brevet sur les gènes. Les « biobriques », bases de la biologie de synthèse, seraient accessibles à tous, et non privatisées par des entreprises ou des labos de recherche. La biologie de synthèse à la portée de tous. C’est ce que défendent les « biohackers », qui bricolent du code génétique à partir d’informations disponibles sur internet et de matériel d’occasion acheté pour trois fois rien. Avec la baisse des coûts du séquençage de l’ADN, il est désormais possible de bidouiller de la génétique dans son garage.

 

 

On peut commander à un laboratoire, qui le fabrique sur mesure, un segment d’ADN de synthèse conçu sur son ordinateur. En France, cette biologie de synthèse « Do-it-Yourself » se développe notamment autour du biohackerspace La Paillasse, un « laboratoire communautaire pour les biotechnologies citoyennes », à Vitry-sur-Seine. Des collectifs de passionnés fleurissent aux États-Unis. Comme le groupe DIYbioDo-it-Yourself Biology, à San Francisco, où on apprend à extraire l’ADN de sa salive avec une pincée de sel, du liquide vaisselle, du jus de pamplemousse et du rhum. Vous vous voulez synthétiser de l’ADN humain ? Pas de panique, la recette est en ligne : il est possible de télécharger sur internet des séquences de génome humain (ici), aussi facilement qu’un film !

Que deviennent les organismes trafiqués ?

« Les débats sur l’open source en matière de biologie de synthèse semblent plus une diversion sur des recherches sans grand enjeu industriel ; les séquences d’ADN stratégiques sont, elles, privatisées », tranche Dorothée Benoit-Browaeys. Le bricolage d’ADN dans la chambre d’ami n’augure rien de bon du point de vue dissémination. Le témoignage de Josh, informaticien et biohacker californien est éloquent : « Quand je modifie mes bactéries pour qu’elles produisent de l’éthanol, j’introduis également une seconde modification qui les rend résistantes aux antibiotiques. Puis j’injecte des antibiotiques dans leur bocal pour faire le tri : seules celles sur lesquelles la modification a réussi survivent. » Que fait Josh avec ces stocks de bactéries génétiquement modifiées résistantes aux antibiotiques, qui « pourraient transmettre leur résistance à d’autres bactéries pathogènes, dangereuses pour l’homme » ? Mystère.

 

La diffusion de la biologie de synthèse auprès d’un large public est aussi favorisée par la grande compétition IGEM (International Genetically Engineered Machine). Plus de 200 équipes étudiantes du monde entier sont invitées chaque année à inventer de nouvelles constructions en biologie de synthèse, à partir d’un répertoire d’environ 12 000 bio-briques standardisées et open source. Parmi les créations 2013 : la première machine à calculer bactérienne, par des étudiants de Toulouse [12], une version biologique du jeu Démineur par l’équipe de Zurich, ou une pile bactérienne que l’on peut imprimer soi-même avec une imprimante 3D... Chaque équipe étant sponsorisée par des entreprises, ici EADS, Sanofi, Novartis, Syngenta ou Sofiprotéol.

Devenir soi-même un châssis pour ADN artificiel

Novembre 2012. Dans l’amphithéâtre d’une école de chimie de Paris, une équipe d’étudiants présentent son projet pour le concours IGEM. De l’ADN a été injecté dans un têtard, devenu « châssis » pour biologie de synthèse. Le public interroge : quelles limites à la modification du vivant ? Quel statut pour les organismes créés ? « Un têtard, ce n’est pas vraiment un truc vivant », lâche un des étudiants. Certains d’entre eux portent un bracelet en plastique vert, remis lors d’un rassemblement IGEM : « Ça veut dire qu’on est d’accord pour devenir nous-mêmes des châssis », précisent-ils. De faire des tests sur eux-mêmes, donc. « Je suis étonnée de la candeur des étudiants IGEM. On les forme en leur disant que "tout est possible", dans une atmosphère joyeuse et bon enfant, décrit Catherine Bourgain, chercheuse, présidente de la Fondation sciences citoyennes et membre de l’Observatoire national de la biologie de synthèse. Beaucoup de jeunes n’ont pas de recul critique, sont d’une naïveté confondante. La règle, c’est "libère ta créativité". C’est flippant. »

Vers où ces étudiants, futurs chercheurs en biologie de synthèse, feront-ils avancer la discipline ? Quel contrôle les autorités publiques auront-elles sur les futurs développements ? Quelle formation des citoyens pour comprendre les enjeux ? « Le défi crucial est de créer les conditions pour que les avancées de la biologie de synthèse s’opèrent résolument dans un climat de confiance citoyenne et d’innovation manifestement responsable », avance le ministère de la Recherche. Un débat responsable, préconisé par Geneviève Fioraso, ministre de la Recherche, dans un rapport pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en 2012. Notamment pour « empêcher les dérives qui ont marqué les débats sur les OGM et les nanotechnologies » (sic). Pour le moment, le « dialogue public » est au point mort. Le débat semble déjà tranché.

Agnès Rousseaux

@AgnesRousseaux

 

Photos de Une : ADN et Nano (source). Par ordre : Cellule (CC rei-san) / Plants de riz mis en culture (CC International Rice Research Institute) / Laboratoire de classe P4 (sécurité maximale) de l’Inserm à Lyon (Inserm/P. Latron) / Banque de ressource génétique (CC International Center for Tropical Agriculture) / Grenouilles fluorescentes (CC de Muhammad Fahim)

 

 

Notes

[1Une enquête réalisée en 2012 par l’ONG canadienne ETC Group a révélé qu’à l’échelle planétaire, « les principaux investisseurs et promoteurs reliés au domaine de la biologie synthétique comprennent six des dix plus grandes entreprises chimiques, six des dix plus grandes entreprises productrices d’énergie, six des dix plus importants négociants en grains et sept des plus grandes entreprises pharmaceutiques ».

[2Cette bactérie est composée d’un seul chromosome, contenant 1,155 million de paires de base. Une molécule d’ADN est formée de deux brins en forme d’hélice sur lesquels sont placés quatre types de bases complémentaires, liées deux à deux : adénine (A) et thymine (T), cytosine (C) et guanine (G).

[3Cités par Frédéric Gaillard, Innovation scientifreak : la biologie de synthèse, Editions L’échappée, 2013. A lire également sur le site du collectif Pièces et main d’oeuvre.

[4Une à Clermont-Ferrand, une à Nîmes, et cinq en Île-de-France. Source.

[5Ministère de la Recherche, Stratégie nationale de recherche et d’innovation, 2011. Lire ici.

[6Source : Total.

[7L’entreprise a conçu une souche de levure modifiée qui produit de l’acide artémisinique à partir du glucose. Ce composé permet ensuite la production d’artémisinine.

[8L’objectif de Sanofi est de « produire 35 tonnes d’artémisinine en 2013 et 50-60 tonnes en moyenne en 2014. Il permettra de satisfaire en bonne partie la demande du marché ». Source : Sanofi. Voir également la synthèse réalisée par la Fondation Sciences citoyennes sur l’artémisinine.

[9Bernadette Bensaude-Vincent et Dorothée Benoit-Browaeys, Fabriquer la vie, Où va la biologie de synthèse ?, Éditions du Seuil, 2011.

[10Intervention lors des Assises du vivant, le 30 novembre 2012, à l’Unesco.

[11Lire ici.

[12Voir le détail ici.


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Source : www.bastamag.net

 

 

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12 février 2014 3 12 /02 /février /2014 14:35

 

 

Source : www.mediapart.fr

Le bureau du Sénat lève l'immunité parlementaire de Serge Dassault

|  Par La rédaction de Mediapart

 

 

Les magistrats financiers Serge Tournaire et Guillaume Daïeff souhaitent auditionner le sénateur UMP dans le cadre de leur enquête sur des soupçons d'achat de votes dans la ville de Corbeil-Essonnes, entre 2008 et 2010.

Les 26 membres du bureau du sénat ont voté ce mercredi, à main levée, la levée de l'immunité parlementaire du sénateur UMP et industriel Serge Dassault, par 14 voix pour et 12 abstentions.

Les magistrats financiers Serge Tournaire et Guillaume Daïeff, qui enquêtent sur des soupçons d'achat de votes à Corbeil-Essonnes, entre 2008 et 2010, vont pouvoir auditionner l'industriel et propriétaire du Figaro aux fins d'une éventuelle mesure coercitive (garde à vue, contrôle judiciaire, détention provisoire), ce que son immunité parlementaire empêchait jusqu'ici.

Le bureau du sénat avait refusé le 8 janvier, par 13 voix contre, 12 pour et une abstention dans un scrutin à bulletin secret, la demande des magistrats du pôle financier, provoquant de vives réactions.

Les juges d'instruction soupçonnent Serge Dassault d'« abus de biens sociaux », de « corruption », de « blanchiment » et d'« achat de votes », dans la ville où il a été maire de 1995 à 2009.

 

NOTRE DOSSIER : LE SCANDALE DASSAULT

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 18:06

 

Source : www.mediapart.fr

 


Ces secrets que la Cour des comptes ne veut pas révéler

|  Par Laurent Mauduit

 

 

La grande majorité des rapports de la Cour des comptes restent secrets. Alors que la transparence fait des progrès dans de nombreuses grandes démocraties, la France, pays oligarchique, cultive l'opacité et bafoue sans cesse le droit à l'information des citoyens.

En ce jour où la Cour des comptes rend public son traditionnel rapport annuel et où la presse se délecte des histoires, petites et grandes, qu’elle dévoile, sans doute est-il utile d’en faire le constat : la grande majorité des enquêtes conduites par la juridiction financière restent secrètes. Quelques-unes pour de bonnes raisons mais la majorité d’entre elles pour de mauvaises : parce que, de très longue date, la France baigne dans une culture démocratique anémiée et piétine fréquemment le principe de transparence qui est pourtant édicté en matière de finances publiques par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Si l’on s’en tient aux textes fondateurs de la République, la France est, certes, un pays exemplaire. Car les principes qui y sont affichés sont tous irréprochables et affirment le droit imprescriptible des citoyens à connaître l’usage des fonds publics, qui est fait en leur nom par les élus de la Nation. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui, en son article 14, affiche ce droit fondamental dans toute démocratie : « Tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. » Et l’article 15 consolide ce droit, en faisant cet ajout : « La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration. »

 

Le Barbier, 1789, Musée Carnavalet 

La Constitution de la Vème République, en son article 47-2, défend, elle aussi, exactement les mêmes principes de transparence démocratique : « La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances et de l'application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que dans l'évaluation des politiques publiques. » Et cet article 47-2 fait cet ajout majeur : « Par ses rapports publics, elle contribue à l'information des citoyens. ».

Pourtant, ces principes sont allégrement piétinés depuis longtemps. D’abord, pendant plus d’un siècle, la Cour des comptes s’est bornée à ne divulguer qu’une seule publication : son rapport annuel. Et ce qui figurait fréquemment dans ce célèbre rapport annuel n’était pas toujours les affaires les plus graves, mais trop souvent les plus grotesques ou les plus ubuesques.

 

 

Au lieu d’être un exercice de transparence démocratique, le rapport de la Cour des comptes s’est trop souvent apparenté – par la faute de la Cour tout autant que celle de la presse – à une sorte de vaudeville courtelinesque sur les stupidités de ces « Messieurs les ronds-de-cuir ». Et dans ce registre du bêtisier de l’administration, la Cour des comptes excelle toujours : si l’on se plonge dans le rapport annuel de 2014 publié ce mardi 11 février (il peut être téléchargé ici), on trouve un lot fourni d’histoires de ce type, des facilités de circulation offertes par la SNCF à ses agents et leurs familles jusqu’aux dysfonctionnements des internats d’excellence en passant par l’inutilité de la Chancellerie des universités de Paris.

Des progrès sur la voie de la transparence ont, certes, été effectués au fil des ans. La révision constitutionnelle de juillet 2008 a ainsi élargi les missions de la Cour des comptes et a assoupli les dispositions du Code des juridictions financières, qui fixe les règles de publication de la Cour des comptes et de ses chambres régionales, de sorte que le droit d’information des citoyens soit mieux garanti. Et de ces progrès, le rapport de la Cour des comptes qui vient d’être publié ce mardi en fait grand cas. Voici en effet ce qu’elle explique : « Initialement cantonné au rapport public annuel, le champ des publications a été progressivement étendu, notamment depuis que la révision constitutionnelle de juillet 2008 a confié à la Cour la mission, nouvelle et spécifique, de "contribuer", "par ses rapports publics", "à l’information du citoyen". Une disposition législative du 29 juillet 2011 (article L. 143-1 du code des juridictions financières) lui permet désormais de rendre publiques toutes ses observations et recommandations, sous réserve des secrets protégés par la loi. Un décret du 29 mars 2013 en a précisé les modalités d’application (article R. 143-1 du même code). »

Seulement 60 rapports sont rendus publics

La Cour ajoute : « Depuis 2011, les publications de la Cour sont ainsi passées d’une vingtaine à plus d’une soixantaine par an. Cette augmentation ne tient pas à ce que le nombre des travaux effectués par la Cour s’est sensiblement accru, mais résulte d’une publication plus fréquente des travaux habituels. En particulier, la plupart des référés adressés au Premier ministre ou aux ministres sont désormais publiés (29 en 2013), et tous les travaux réalisés pour le Parlement et le Gouvernement le sont systématiquement. Cette évolution s’inscrit dans la nouvelle mission constitutionnelle impartie à la Cour, telle que le législateur l’a déclinée, et qu’elle s’attache à progressivement mettre complètement en oeuvre. D’autres types de travaux sont encore susceptibles d’être rendus publics à l’avenir, par exemple les rapports sur les entreprises publiques. Conformément à la prescription du législateur (article L. 143-1 précité du code des juridictions financières), les publications de la Cour sont effectuées dans le strict respect des secrets protégés par la loi : secret touchant à la défense nationale, mais aussi secrets commercial et des affaires ou secrets relatifs à la protection de la vie privée. »

Mais dans cet auto-bilan très flatteur, la Cour des comptes omet de préciser quel est le nombre total de rapports ou de référés qui sont réalisés chaque année par ses propres soins ou par les chambres régionales. Or, le chiffre est énorme : environ 1 200 rapports. Si l’on prend en compte les quelque 60 rapports rendus publics par la Cour des comptes et ceux qui sont publiés par les chambres régionales – dont nous n’avons pas obtenu le nombre exact – le bilan ne fait aucun doute : ce n’est qu’une infime partie des rapports qui sont rendus publics.

Concrètement, le Code des juridictions financières prévoit la publication de certains rapports, et au premier chef, celle évidemment du rapport annuel. La loi prévoit aussi la publication de tous les rapports qui sont réalisés à la demande de l’Assemblée nationale ou du Sénat. De même, tous les référés doivent être rendus publics sous les deux mois qui suivent leur transmission aux commissions concernées du Parlement. Il en va de même des rapports qui ont trait à l’argent résultant de la générosité publique. Et surtout, tous les rapports régionaux qui portent sur des collectivités publiques, régionales ou locales, doivent être rendus publics – c’est une obligation légale. Mais l’immense majorité des autres rapports restent secrets, en violation des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’homme.

A cela, il y a parfois des raisons qui se comprennent. Par exemple, pour les rapports qui ont conduit un magistrat financier à faire jouer l’article 40 du code de procédure pénale, il est compréhensible qu’aucune publicité n’intervienne, au moins dans un premier temps, pour protéger le secret de l’instruction.

Mais pour tous les autres cas, le secret est incompréhensible. Il contrevient à un droit fondamental des citoyens, celui de savoir comment l’argent public est utilisé. Et le premier président de la Cour des comptes a beau périodiquement rappeler qu’il est partisan d’une publicité de plus en plus large des enquêtes de la juridiction, les choses n’avancent qu’à un train de sénateur.

Vieux débat au sein même de la Cour des comptes : partisans d’une transparence élargie, certains magistrats financiers font valoir que la Cour devraient avancer plus vite vers plus de publicité ; d’autres objectent que la publicité d’un rapport impose une procédure, en amont, beaucoup plus complexe, beaucoup plus lourde, qui pourrait conduire la Cour à être beaucoup moins productive.

Mais il y a un moyen simple de se faire une opinion dans ce débat d’expert. Il suffit de se référer aux rapports que la Cour des comptes ne voulait pas rendre publique mais que la presse a tout de même pu révéler pour comprendre qu’il y a, dans le fonctionnement français, une opacité choquante.

Arrêtons-nous juste à quelques exemple, pour en prendre la mesure.

 

Aperçu d'une page du rapport 
Aperçu d'une page du rapport

A titre d’illustration, examinons par exemple le rapport que la Cour des comptes a consacré à l’affaire Tapie. Frappé à chaque page de la mention « Confidentiel » (voir ci-contre), ce rapport a été bouclé à l’automne 2010, mais ne devait jamais être publié.

A l’époque, j’ai assez vite appris son existence, et les rumeurs qui me parvenaient laissaient entendre que le document était d’une très grande importance puisque les magistrats financiers avaient mis au jour des fautes pénales de première importance. De longues semaines, j’ai donc cherché ce document avec d’autant plus d’obstination que le scandale Tapie était en passe d’être étouffé. Le héros de la saga, Bernard Tapie, avait perçu ses 405 millions d’euros prélevés sur les deniers publics, et j’en étais réduit à chroniquer ses achats fastueux – un jour un yacht, le lendemain une villa à Saint-Tropez...

La seule version disponible du rapport Tapie

J’ai donc frappé toutes les portes. A la Cour des comptes – mais j’ai trouvé... porte close! A la commission des finances de l’Assemblée nationale – mais son président, un certain… Jérôme Cahuzac, qui avait le fameux document – est resté assis dessus, sans rien vouloir en divulguer. Et ainsi de suite, pendant de longues semaines. Jusqu’à ce que je rencontre un citoyen remarquable qui, disposant du rapport et étant indigné qu’il ne soit pas mis sur la place publique, a accepté de me le remettre.

Dans un souci de protection de nos sources, nous avons donc totalement ressaisi ce rapport, et le 21 mai 2011, soit près de six mois après sa confection, nous sommes parvenus à le mettre en ligne, inséré dans un article intitulé Affaire Tapie : le rapport qui accable Christine Lagarde.

Pour mémoire, voici ce rapport :

Or, la révélation de ce rapport a joué un rôle majeur dans l’affaire Tapie. Alors qu’elle était en passe d’être étouffée, elle a d’un seul coup été relancée. Ce rapport pose donc une grave question : le fait que la Cour des comptes ne l’ait pas publié ne constitue-t-il pas un scandale démocratique ? La question concerne non pas les magistrats financiers eux-mêmes, qui sont soumis aux règles du Code des juridictions financières, mais le législateur qui a la possibilité de modifier ce code. Bientôt trois ans après la révélation de ce rapport, la seule version disponible reste d'ailleurs celle de Mediapart.

Et des exemple de ce type, il en existe de très nombreux autres, d’importance diverse. Si je m’en tiens aux seuls rapports de la Cour des comptes qui n’auraient pas dû être révélés et qui l’ont finalement été par moi, je dois encore citer le rapport de la Cour des comptes sur la prestigieuse Ecole d’économie de Paris.

Daté du 28 avril 2011, ce rapport est longtemps resté secret. Quand j’ai commencé mes enquêtes pour écrire mon livre sur Les imposteurs de l’économie (Editions Gawsewitch, avril 2012) (ici mon billet de blog à ce sujet), j’ai d’abord cherché à comprendre les conflits d’intérêt que toléraient trop d’économistes français parmi les plus connus, se présentant dans les médias sous leur casquette d’universitaires mais cachant parfois qu’ils étaient en réalité appointés par la finance. Dans cette enquête importante, dans la foulée des révélations faite aux Etats-Unis par le célèbre documentaire Inside Job, j’ai aussi cherché à comprendre si l’OPA de la finance n’avait pas encore été au-delà : si, en plus de la corruption de quelques économistes vedette, le monde de la finance n’avait pas mis aussi la main sur la recherche économique, notamment au travers des Fondations et des financements privés qu’elles autorisent depuis quelques années.

Or, comme souvent en ce cas, la Cour des comptes n’a pas publié les rapports qu’elle a réalisés sur ce type de fondations, même si celles-ci ont connu beaucoup de dérives, comme on l’a vu avec Sciences-Po. Au cas par cas, certaines fondations ont donc d’elles-mêmes publié certains rapports – ce fut le cas par exemple de la Fondation de l’Ecole d’économie de Toulouse qui a fait l’objet d’un rapport à consulter ci-dessous :

Mais d’autres rapports n’ont pas été rendus publics, comme celui concernant l’Ecole d’économie de Paris. C’est en menant mes enquêtes que je suis parvenu à le trouver, et que j’ai fini par le mettre en ligne sur Mediapart. Pour mémoire, voici cet autre rapport :

Où est le rapport sur Icade ?

Or, ce document permet de comprendre si la recherche économique de pointe dans les pôles d’excellence, est restée ou non, indépendante en France (Lire L’OPA de la finance sur la recherche économique).

Et encore ne s’agit-il que de quelques rapports sur de très nombreux autres réalisés sur ce type de fondations. Vraisemblablement, toutes les fondations ont fait l’objet d’enquêtes identiques conduites par la Cour des comptes. Leur publication, non pas aléatoire au gré des investigations de la presse, mais systématique permettrait de dresser un vrai bilan de l’ouverture de l’université aux financements privés, avec les graves dérives que cela a pu susciter. Mais, dans l’immédiat, la Cour des comptes garde jalousement ses secrets.

Autre exemple, plus récent : deux journaux, Le Monde et Mediapart, ont révélé ces derniers jours le rapport que la Cour des comptes a consacré à la Société nationale immobilière (SNI), la filiale de la Caisse des dépôts et consignations au cœur, au cours de ces dernières semaines, de nombreuses controverses (Lire Vers une privatisation du n°1 du logement social). Mais ce rapport n’a jamais été rendu public par la Cour des comptes, elle-même. A Mediapart, dans le souci de protéger la source qui nous a permis d’en prendre connaissance, nous avons même été contraint de ne pas publier le rapport in extenso mais de n’en présenter que les principales conclusions.

La diffusion de ce rapport a été si restreinte que même la ministre du logement, Cécile Duflot, n’en a pas été destinataire. Or, qu’est-ce qui justifie que des faits aussi graves que ceux révélés par ce rapport, portant sur des dérives multiples révélant un climat d’affairisme dans un secteur très important, celui du logement social, ne soit pas porté à la connaissance des citoyens ? Rien ! Et cela encore atteste des règles d’opacité qui trop souvent régissent la démocratie française.

C’est d’autant plus choquant que si la pugnacité de la presse permet parfois de mettre au jour certains rapports secrets de la Cour des comptes, d’autres rapports restent durablement secrets. Dans le cas du logement social précisément, c’est également le cas. Car si le rapport sur la SNI a été révélé, un autre existe, portant sur le scandale d’Icade, une autre filiale de la Caisse des dépôts. Or, ce rapport est, selon nos sources, encore plus explosif que le premier. Alors pourquoi est-il tenu secret ? Ce type de confidentialité vient confirmer que la France dispose d’une démocratie anémiée, sinon même nécrosée.

Combien d’autres rapports dorment dans les coffres-forts de la Cour des comptes ? Sans doute n’en connaît-on pas même la liste. Pour la période récente, on sait ainsi que la Cité du cinéma a fait l’objet d’un rapport qui serait explosif. Un rapport sur Areva a aussi été abandonné à la critique rongeuse des souris…

Il faut se rendre à l’évidence : engluée dans sa culture de monarchie républicaine, celle du secret défense et de l’opacité généralisée, la France se tient à l’écart du mouvement des grandes démocraties où, ces dernières années, la transparence a fait, en certains pays, de formidables progrès. C’est le Freedom of information act qui a lancé, en 1966, cette tendance mondiale en faveur de la transparence publique et du droit à l’information des citoyens sur tous les actes publics. Et depuis, de nombreux pays ont marché sur ces brisées, adoptant des législations encore plus progressistes. En Suède, désormais, même de manière anonyme, un citoyen peut obtenir un document administratif. La révolution démocratique islandaise a même fait un pas de plus : un citoyen a le droit d’exiger des documents portant sur une entreprise privée dès lors que celle-ci est sous contrat ou aidée par l’Etat.

On peut donc penser qu’à petit pas, la Cour des comptes va continuer à progresser chaque année vers un peu plus de transparence. Mais en vérité, c’est d’une véritable révolution démocratique dont la France aurait besoin. Pour que la Déclaration des droits de l’homme ne soit pas perpétuellement violée. Pour que la transparence soit la règle et l’opacité une exception très encadrée en contrôlée par les élus de la Nation.

C’est la conception même de la démocratie qui se joue en cette matière. Le secret est l’une des marques des systèmes oligarchiques, qui tiennent les citoyens à l’écart des grandes décisions. La démocratie repose, elle, sur de tout autres règles. Dans son célèbre ouvrage L’Etrange défaite, écrit juste après la débâcle de Juin 1940, c’est ce qu’observe Marc Bloch en parlant du travail de reconstruction démocratique incombant à ceux qui libèreront le pays : « Je n’aurai pas l’outrecuidance de leur tracer un programme. Ils en tireront eux-mêmes les lois au fond de leur cerveau et de leur cœur. Ils en adapteront les contours aux leçons des évènements. Nous les supplions seulement  d’éviter la sécheresse des régimes qui, par rancune ou orgueil, prétendent dominer les foules, sans les instruire ni communier avec elles. Notre peuple mérite qu’on se fie à lui et qu’on le mette dans la confidence »

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

 

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 17:47

 

 

Source : www.mediapart.fr


50 milliards d'économies: une austérité à l'espagnole

|  Par martine orange

 

 

 

Personne n’a encore pris la mesure des économies voulues par le gouvernement. Supprimer 50 milliards d’euros de dépenses publiques sur trois ans va avoir des effets récessifs sur l’économie. Alors que la déflation menace dans toute l’Europe, cette politique procyclique risque de causer de lourds dégâts, à l'image de ce qui s'est produit en Espagne.

« Jamais un gouvernement n’a engagé de telles réductions sur les dépenses publiques. » Le ministre des finances, Pierre Moscovici, insistait à nouveau, dimanche soir au micro de France Inter, sur la « courageuse » politique du gouvernement. Effectivement, le choix est sans précédent. Depuis l’après-guerre, jamais un gouvernement en France n’a lancé un tel programme d’austérité. Il ambitionne d’économiser 50 milliards d’euros en trois ans.

 

 
© Reuters

Personne n’a encore pris la mesure de l’effort demandé. L’annonce reste pour l’instant dans l’abstraction des milliards. Qu’est-ce que 50 milliards dans le flot des dépenses publiques – État, collectivités locales, sécurité sociale – qui dépassent les 1100 milliards ? Dans le lot, pense-t-on, il y a bien sûr des économies à faire. Tout le monde pense aux ronds points inutiles, aux documents demandés trois fois par des administrations différentes, etc. L’ennui, c'est que tout cela n’est pas du tout à la hauteur de l’enjeu.

« La France est dans une zone dangereuse »,soutient le président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Le rapport de la Cour remis ce mardi pointe les secteurs qui doivent être particulièrement ciblés : en priorité la protection sociale et tout ce qui s’y apparente, « compte tenu de son poids dans les dépenses publiques » et les dépenses des collectivités locales. « Il faut changer de méthode pour obtenir les économies programmées », insiste Didier Migaud.

Le mensonge de Vincent Peillon sur le gel de l’avancement automatique des fonctionnaires donne une première illustration de ce qui se prépare dans le secret des cabinets. Ce sont des réductions gigantesques qui sont en cours d’élaboration, avec des ruptures complètes dans les systèmes sociaux et publics. Sans le dire, la France est en train de s’engager dans une politique d’austérité comparable à ce qu’a mis en place le gouvernement espagnol en 2008-2009 : une politique de la Troïka sans la Troïka.

Depuis le début de la crise financière, les termes de cette politique de la Troïka sont désormais familiers. Et la France a déjà beaucoup fait pour s’y conformer. Réduction du nombre de fonctionnaires ? C’est en cours depuis 2009 et, en dépit de ses promesses électorales, François Hollande a poursuivi la mesure. Diminution des salaires de la fonction publique ? Le point d’indice de la fonction publique est gelé depuis 2010, ce qui équivaut de fait à une baisse de 5 % environ des salaires et des pensions.

Remise en cause des systèmes de retraites ? Une nouvelle réforme a été lancée par le gouvernement Hollande : le système français repoussant l'âge de la retraite et allongeant la durée de cotisation est devenu un des plus durs d’Europe, bien que la démographie soit favorable. Suppression des professions réglementées ? La réforme est en cours pour les taxis et les pharmaciens. Réduction des soins de santé : le programme est aussi engagé de longue date. Révision du code du travail : la refonte a là aussi déjà commencé et se poursuit notamment avec la réforme de l'inspection du travail.

Après trois années de silence, l’ancien premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, qui a été un des premiers à expérimenter ces remèdes, est revenu dans un livre (lire l'entretien à Info Libre ici) sur cette période que beaucoup considèrent comme une trahison. « La question, se justifiait-il, est de savoir comment nous affrontons la concurrence. La réponse facile, entre guillemets, tient à l’innovation, à la technologie… Mais ils (la Chine, l’Inde, le Brésil) sont en train de l’acheter. La droite et le courant majoritaire de l’économie disent : "Ah, ça, on ne peut le faire qu’avec une dévaluation salariale, un marché du travail presque libre pour l’entreprise, sans salaire minimum, avec moins de droits dans les contrats, une négociation collective inexistante, parce que c’est la seule façon d’être compétitif…" C’est à ce discours que la social-démocratie doit savoir répondre », expliquait-il.

José Luis Zapatero avait au moins comme justification d’être soumis à une pression intense des marchés financiers et des responsables européens, au moment où il a pris ces décisions. De plus, il y avait un côté expérimentation en temps réel. Dans la panique, personne ne savait vraiment que faire. François Hollande n’a pas cette excuse. Il n’y a pas de pression des marchés, pas de risque d’explosion de la zone euro dans l’heure. Négligeant la mise en garde de l’ancien premier ministre espagnol, François Hollande n’a pas cherché une réponse sociale-démocrate. Il s’est contenté d’épouser sans grande difficulté le discours du monde des affaires.

Dans les conciliabules organisés à Bercy, il se prépare ainsi une politique d’austérité sans précédent. Des  programmes entiers de développement, d’investissement, de soutien à l’économie voire de sécurité vont être visés. Même si le gouvernement dit refuser une politique arbitraire du chiffre et lui préférer une réflexion approfondie dans ses choix et ses missions, l’exemple de la RGPP à nouveau remise sur le métier dit l’inverse : l’État se prépare à supprimer budgets et effectifs, selon la règle du chiffre.

Les manœuvres autour du gel de l’avancement automatique dans l’éducation nationale indiquent exactement la même chose. Pourquoi le gouvernement cible-t-il d’abord l’éducation nationale ? Parce que ce sont les plus gros bataillons de la fonction publique, qui représentent le plus gros poste budgétaire pour l’État, après les charges financières liées à la dette.

Le mea culpa du FMI ou de l'OCDE

Pour justifier la mise en œuvre d’une politique si éloignée des promesses de la présidentielle, François Hollande et le ministre des finances Pierre Moscovici mettent en avant la nécessité de reprendre en main les comptes publics, de ne pas perdre en crédibilité face aux financiers. L’urgence absolue est aussi de redonner une compétitivité à la France.

Derrière le pacte de responsabilité défendu par François Hollande, se cache un revirement idéologique qui laisse sans voix. Après avoir défendu pendant des décennies non seulement une politique de l’offre, mais aussi le rôle d’impulsion et de soutien de l’État dans l’économie, le gouvernement se rallie à la vision la plus libérale, qui considère que toute dépense publique est par nature improductive. Cette conversion inattendue l’amène à accepter des transferts massifs vers le privé, censé être le seul à même de savoir ce qui est bon pour l’économie.

 

Visite de l'entreprise vente-privee.com, le 6 février. 
Visite de l'entreprise vente-privee.com, le 6 février.

Ce ralliement est d’autant plus étonnant que les politiques d'austérité imposées par l'Europe ont de moins en moins de défenseurs. Les expériences passées de la Grèce, de l’Espagne ou du Portugal ont échaudé nombre d’économistes et de politiques. L’Europe du Sud, soumise au régime de la Troïka, a connu la plus grande destruction de richesses économiques en temps de paix. Confrontées à un effondrement spectaculaire et qu’elles n’avaient pas prévu des économies de l’Europe du Sud, les institutions internationales se sont senties dans l’obligation de procéder à une révision critique de leurs théories.

Les économistes du FMI ou de l’OCDE ont découvert, par exemple, que les dépenses publiques n’étaient pas forcément improductives, que les salaires versés aux fonctionnaires servaient à entretenir la consommation et la demande, que l’État pouvait soutenir par ses dépenses la production et l’investissement. Une vraie surprise !

Dans un rapport très critique publié à l’automne 2012, l’économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, insistait sur l’erreur conceptuelle que les États européens avaient commise dans leurs prévisions – prévisions accréditées par le FMI, malgré tout. Les gouvernements assuraient que pour un euro d’économie dans les dépenses publiques, la contraction économique n’était que de 50 centimes. Or, cela ne s’était pas passé comme prévu.

« De récents développements suggèrent que les multiplicateurs budgétaires à court terme peuvent être plus grands que prévu au moment de la planification budgétaire. Des recherches, dont il a été fait état dans les derniers rapports du FMI, montraient que les multiplicateurs budgétaires sont plus proches de 1 dans un monde où de nombreux pays s’ajustent en même temps. Des analyses suggèrent ici que les multiplicateurs sont désormais plus grands que 1 », écrivait le rapport. Les études du FMI évaluent aujourd’hui les coefficients multiplicateurs entre 0,9 et 1,7. En clair, pour un euro de dépense publique économisé, les contrecoups sur l’économie peuvent être de 90 centimes à 1,7 euro.

La commission européenne conteste cette analyse du FMI : elle juge que les effets contreproductifs de l’austérité sont surestimés et s’en tient à sa règle passée : la politique d’ajustement et de dévaluation interne finit par porter ses fruits. À l’appui de cette thèse, elle met en avant les supposés succès espagnols. Après cinq années de récession, dit-elle, la reprise se manifeste en Espagne.

Et quelle reprise ! L’activité économique a crû de 0,1 % au troisième trimestre, après une chute de près de 13 % en cinq ans. Les crédits aux entreprises sont en baisse de 19 % à la fin de l’année, la production baisse, la consommation aussi. Le chômage atteint un taux de 26 %, et de 53 % pour les jeunes. Si l’Espagne enregistre un premier excédent commercial depuis 1971, c’est surtout en raison de la chute des importations. L’endettement de l’État qui était de 57 % du PIB en 2007 est passé à 93 % fin 2013, et devrait dépasser la barre des 100 % cette année.

C’est à cette thèse européenne sur les mérites de la dévaluation interne que souscrit le gouvernement. Comment exclure  que les mêmes causes ne produiront pas les mêmes effets qu’en Espagne ? La question est soigneusement éludée par le gouvernement. Déjà, les premiers effets de l’augmentation des prélèvements fiscaux et des mesures d’économies décidées au cours des derniers dix-huit mois s’inscrivent dans les comptes de la Nation. L’économie est à la limite de la récession  La production industrielle a baissé à nouveau de 0,3 % en décembre. Depuis le début de la crise, elle a chuté de 16 %, pour revenir au niveau des années 2006.

Tout demeure bloqué depuis la crise financière. Six ans ont passé et l’économie française fait du surplace. La consommation stagne. Les investissements sont à leur plus bas niveaux depuis la crise de 1993, les industriels repoussant tout projet faute de débouchés et de crédit. Le chômage, par contre, s’envole. Décréter 50 milliards d’économies supplémentaires dans ce contexte, c’est l’assurance d’un effondrement ou au moins d’une chute prolongée dans la récession de l’économie française.

Les yeux rivés sur l’exemple allemand, François Hollande est convaincu qu’il faut en passer par les adaptations menées en Allemagne dans les années 2004-2008 pour relancer la compétitivité en France. C’est oublier, au-delà des contraintes imposées par la monnaie unique bien plus défavorable à la France qu’à l’Allemagne, et de la spécialisation très différente de l’industrie allemande, que les plans Hartz d’adaptation et d’ajustements parfois drastiques des salaires ont été menés à une période où tous les autres pays européens étaient en croissance. La rigueur allemande, même si elle a été payée à un prix élevé par une partie des salariés allemands, a pu être menée sans trop de heurts grâce à la demande et à la consommation du reste de l’Europe.

La situation est aujourd’hui radicalement différente. La France se lance dans une austérité accrue au moment où l’Europe entière est menacée par la déflation. Même s’il n’est jamais prononcé, le mot est dans tous les esprits. Il a même échappé par inadvertance à Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Loin de mener une politique contracyclique pour lutter contre ce danger considéré comme un des plus graves par les économistes, le gouvernement décide de conduire une politique procyclique, au risque d’aggraver encore la chute de l’économie française, mais aussi de toute l’Europe.

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 17:05

 

 

Source : www.bastamag.net

 

Débattre Réforme bancaire

Les vœux pieux de Michel Barnier et de la Commission européenne à propos des banques

par Eric Toussaint 11 février 2014

 

 

 

 

La Commission européenne vient de dévoiler sa proposition de réforme du secteur bancaire, qui doit être approuvée par les États membres et le Parlement européen. Une réforme très limitée, juge Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM), qui appelle à des mesures plus radicales : socialiser les banques en les transférant au secteur public sous contrôle citoyen, car « le métier de la banque est trop sérieux pour être confié à des banquiers privés ».

Fin janvier 2014, Michel Barnier, commissaire européen en charge des banques, a rendu public une proposition de réforme qui concerne en pratique les 30 établissements bancaires européens les plus importants [1], dont quatre banques françaises : BNP-Paribas, Société générale, Crédit agricole et le groupe BPCE (Banque populaire - Caisses d’épargne). Les banquiers ont poussé des cris d’orfraie car la Commission propose de forcer certaines banques à cantonner les opérations de trading les plus risquées dans une filiale ad-hoc [2].

The Economist qui rejette cette proposition est très clair et franchement cynique : « Heureusement, Monsieur Barnier n’a pas le mot de la fin. Sa proposition doit maintenant être approuvée à la fois par les gouvernements européens et par le Parlement européen. Grâce aux aléas du processus qui mènera à légiférer sur le sujet, il est toujours temps d’améliorer ou d’enterrer cette proposition. »  [3]. En effet, vu la tenue des élections européennes en mai 2014, la proposition de la commission sortante ne pourra être adoptée au plus tôt que fin 2015. Les banques ont donc du temps devant elles pour infléchir la position des autorités européennes, sauf si un nouveau krach survient et force Bruxelles et Francfort – siège de la Banque centrale européenne – à imposer des règles véritablement contraignantes.

De toute façon, Michel Barnier et la Commission européenne ne proposent pas une séparation des banques, à peine proposent-ils la création d’une filiale ad-hoc. En plus, la décision d’obliger certaines banques à créer cette filiale ad-hoc sera l’affaire des autorités de régulation, c’est-à-dire dans la zone euro de la compétence de la Banque centrale européenne, qui est très peu encline à imposer des contraintes sérieuses aux banques.

La succession de reculades, de concessions et de demi-mesures montre qu’on ne peut pas se fier aux gouvernants et aux autorités en place pour mettre véritablement de l’ordre dans le monde opaque de la finance.

À cause des choix qu’elles ont faits, les banques ont contribué à provoquer la pire crise économique et sociale depuis les années 1930. La décision des banques centrales de leur accorder un accès illimité au crédit sans leur imposer un changement des règles du jeu aggrave le problème.

La banque doit devenir un service public

Il faut revenir aux fondamentaux. Les banques doivent être considérées comme des services publics, du fait, précisément, de leur importance et de l’effet dévastateur que leur mauvaise gestion peut avoir sur l’économie. Le métier de la banque est trop sérieux pour être confié à des banquiers privés. Comme elle utilise de l’argent public, bénéficie de garanties de la part de l’État et rend un service de base fondamental à la société, la banque doit devenir un service public.

Les États doivent retrouver leur capacité de contrôle et d’orientation de l’activité économique et financière. Ils doivent également disposer d’instruments pour réaliser des investissements et financer les dépenses publiques en réduisant au minimum le recours à l’emprunt auprès d’institutions privées. Pour cela, il faut exproprier sans indemnisation les banques pour les socialiser en les transférant au secteur public sous contrôle citoyen. En prenant un virage radical, il est possible de protéger les dépôts des épargnants, de financer des activités utiles au bien commun, de garantir l’emploi et les conditions de travail du personnel du secteur. Pour cela, il apparaît indispensable et essentiel de construire un service public de l’épargne, du crédit et de l’investissement.

L’option qu’il faut mettre en avant implique l’élimination du secteur bancaire capitaliste, tant dans le crédit et l’épargne (banques de dépôt) que dans le domaine de l’investissement (banques d’affaire ou d’investissement). Dans cette option, il ne resterait que deux types de banques : des banques publiques avec un statut de service public (sous contrôle citoyen) et des banques coopératives de taille modérée.

 

Eric Toussaint, président du Comité pour l’annulation de la dette du tiers-monde (CADTM)

 

 

Notes

[1Pour avoir une idée de la liste, voir ici (p. 9).

[2Voir le texte complet de la proposition sur le site de la Commission européenne. Un résumé officiel, le communiqué de presse de la Commission. Pour une présentation favorable de cette proposition voir Le Monde.fr, « L’ambitieuse réforme des grandes banques européennes de Michel Barnier », 29 janvier 2014. Voir également la réaction positive, avec un bémol, des Verts européens : « Séparation des métiers bancaires. Les Verts au Parlement européen appellent à des mesures plus ambitieuses ». Finance Watch a également réagi favorablement, à lire ici.


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Source : www.bastamag.net

 

 

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 16:51

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Jean-Pierre Jouyet pousse la Caisse des dépôts dans la crise

|  Par Laurent Mauduit

 

 

 

Après avoir soutenu André Yché, le patron controversé de la Société nationale immobilière, le patron de la Caisse des dépôts, Jean-Pierre Jouyet, prend ses distances avec lui et annonce la constitution d'une mission d'audit sur les dérives de sa filiale. Cela suffira-t-il à remettre de l'ordre ?

Le constat ne fait désormais plus aucun doute : c’est une crise ouverte qui frappe la Caisse des dépôts et consignations (CDC), la plus puissante institution financière française. Pendant des mois, Jean-Pierre Jouyet, patron de cette grande maison et ami personnel du chef de l’État, a en effet soutenu André Yché, le président de l’une de ses principales filiales, la Société nationale immobilière (SNI), alors même que les informations publiées par la presse, et tout particulièrement par Mediapart, mettaient au jour les dérives affairistes qui affectent cette entreprise, pourtant en charge d'une mission d’intérêt général, en sa qualité de premier bailleur social français.

Et voilà que le même Jean-Pierre Jouyet suggère, samedi, à l’occasion d’un entretien dans Le Figaro, qu’il pourrait exécuter son lieutenant, auquel il a si longtemps apporté son soutien. Du même coup, la crise de la SNI devient aussi celle de la CDC. Car le patron de la CDC fait dans la foulée l’aveu qu’il n’a pas choisi de lui-même de remettre de l’ordre dans sa maison mais qu’il s’y résout, contraint et forcé, parce que les révélations de la presse l’y poussent. Le discrédit qui retombe aujourd’hui sur André Yché éclabousse aussi Jean-Pierre Jouyet.

Il faut donc tout à la fois décrypter les mécanismes de la crise qui secoue aujourd’hui la Caisse des dépôts et consignations, mais aussi comprendre ce qu’elle révèle des dysfonctionnements plus généraux de l’État, jusqu’à ses sommets, c’est-à-dire jusqu’à l’Élysée. Car cette affaire soulève une question de fond : faut-il vraiment qu’un scandale de cette nature soit mis sur la place publique pour que l'exécutif fasse mine de découvrir qu’il faut en urgence réfléchir à la bonne stratégie en matière de logement social ?

* Le rôle moteur de la presse

Dans les remous qui secouent aujourd’hui la CDC et sa filiale, la SNI, un premier constat saute aux yeux : sans la presse, aucune des dérives affairistes dans lesquelles ont été prises depuis plusieurs années plusieurs filiales importantes de la CDC – la SNI mais aussi Icade – n’auraient été connues.

Dans le cas d’Icade, ma consœur de Mediapart, Martine Orange, a mis au jour très tôt, dès 2010, de nombreuses dérives, décrites dans des enquêtes que l’on retrouvera ici :

Dans le cas de la SNI, nous avons révélé ces dernières semaines des dérives de même nature. Cooptation de Thomas Le Drian, le fils du ministre socialiste de la défense, au comité exécutif de la SNI ; versement d’honoraires exorbitants à un cabinet d’avocats piloté par Frédéric Salat-Baroux, le gendre de Jacques Chirac ; recherches effrénées des « plus-values latentes » au détriment des missions sociales ; mise au jour de nombreux autres dysfonctionnements par un rapport de la Cour des comptes révélé par Le Monde et Mediapart ; projet secret d’une privatisation partielle. Nos enquêtes, ci-dessous :

Et pendant toute cette époque, qu’a donc fait Jean-Pierre Jouyet ? Si le scandale Icade est antérieur à son arrivée à la tête de la CDC, en juillet 2012, il a eu tout loisir, ensuite, de prendre connaissance des dérives qui ont affecté la SNI. Car les premières polémiques autour d’André Yché et des logiques spéculatives dans lesquelles il voulait entraîner la société ont alimenté des controverses publiques dès le quinquennat de Nicolas Sarkozy. À cette époque, le patron de la SNI avait ainsi adressé de « notes blanches » à l’Élysée, qui avaient fait scandale, car elles suggéraient que le premier bailleur social français copie les règles de fonctionnement des promoteurs immobiliers. Et il a même écrit un livre défendant ces pistes.

Jouyet a donné son aval à de nombreuses décisions

Arrivant à la direction générale de la CDC, Jean-Pierre Jouyet pouvait donc réorienter la SNI vers ses missions d’intérêt général. Or, le nouveau patron de la CDC n’en a rien fait. Pendant plus d’un an et demi, il a laissé André Yché faire ce qu’il voulait. On peut même dire les choses de manière plus abrupte : certaines décisions contestables n’ont pu être prises sans son aval. On imagine mal, ainsi, que Thomas Le Drian, le fils du ministre de la défense, ait pu être coopté au comité exécutif de la SNI sans le feu vert de Jean-Pierre Jouyet qui l’avait lui-même auparavant enrôlé… dans son propre cabinet.

On n’imagine pas plus que la SNI ait pu, le mois passé, monter au capital d’Adoma (ex-Sonacotra) pour y faire la chasse aux « plus-values latentes » sans que le patron de la CDC ne donne sa bénédiction. Bref, André Yché coulait des jours heureux à la CDC avec Jean-Pierre Jouyet. C’est bien la raison pour laquelle la crise de la SNI rejaillit aujourd’hui sur toute la CDC.

* L’opacité de la Cour des comptes

À chaque fois que l’on pointe l’opacité de la Cour des comptes, son premier président, Didier Migaud, s’en agace et fait valoir que le Code des juridictions financières encadre les règles de publication des enquêtes conduites par les magistrats financiers. Ce qui est incontestable !

Le fait n’en est pas moins là : l’immense majorité des rapports de la Cour des comptes restent secrets. En violation de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme, qui garantit aux citoyens le droit de pouvoir vérifier par eux-mêmes ou par l’intermédiaire des élus de la Nation l’usage des fonds publics, ce principe démocratique de transparence est bafoué. Comme le savent nos lecteurs, ce fut le cas avec le scandale Tapie : il a fallu que nous interceptions le rapport de la Cour des comptes sur cette affaire, jusque-là secret, et que nous le mettions en ligne, pour que l’on découvre qu’il révélait des irrégularités constitutives sans doute de graves fautes pénales. La seule version publique disponible de ce rapport est d’ailleurs toujours celle de Mediapart ! Ce rapport est ici.

Et c’est aussi le cas pour ces scandales qui affectent la SNI et Icade. Dans le premier cas, celui du rapport sur la SNI réalisé par la Cour des comptes, il n’y a eu que huit destinataires, parmi lesquels le premier ministre Jean-Marc Ayrault, le ministre des finances Pierre Moscovici, les patrons de la CDC et de la SNI, le président de la Commission de surveillance de la CDC Henri Emmanuelli et plusieurs responsables parlementaires. Mais personne d’autres ! Lors de notre soirée en live avec la ministre du logement, Cécile Duflot, celle-ci a admis qu’elle n’avait pas été destinataire de ce rapport.

Il a donc fallu que Le Monde et Mediapart révèlent ce que disait ce rapport de la Cour des comptes pour que l’affaire commence à avoir des suites. Jusque-là, personne n’avait estimé que ce rapport devait avoir des prolongements ou que les manquements révélés devaient être sanctionnés.

Ce système d’opacité est évidemment grave. Car dans ce rapport de la Cour des comptes sur la SNI, il est précisé que les magistrats financiers ont aussi réalisé un rapport sur Icade. Or, ce dernier rapport est toujours secret, même si l’on sait qu’il révèle des irrégularités, sans doute encore plus graves que dans le cas de la SNI. D’où une question majeure : qui a intérêt à ce que ces irrégularités ne soient pas connues ?

Une mission de convenance

* Le coup de gueule de Cécile Duflot

Dans ce naufrage de la puissance publique, il faut pourtant mettre à part Cécile Duflot, la ministre du logement. Car elle, au moins, a parlé droit et dit son indignation. Lors de sa prestation face à la rédaction de Mediapart, vendredi soir, elle a dit sans détour qu’elle était en total désaccord avec la stratégie d’André Yché, et qu’elle avait demandé au patron de la Caisse des dépôts d’intervenir pour remettre de l’ordre dans sa maison. On peut réécouter ci-dessous ce qu’a dit la ministre du logement, en réponse à nos interpellations :

Finalement, c’est donc tout cela qui a précipité les choses. Face aux révélations de la presse, ou encore à l’agacement public de la ministre du logement, Jean-Pierre Jouyet a sans doute compris qu’il devait prendre un peu ses distances avec son collaborateur. D’où une nouvelle stratégie du patron de la CDC : avec une mauvaise foi de premier communiant, faire mine de découvrir le problème.

* L'entretien de Jean-Pierre Jouyet dans Le Figaro

Jean-Pierre Jouyet a donc donné samedi un entretien au Figaro (il est ici – article partiellement payant). Un entretien qui est en vérité stupéfiant et parsemé de maladresses. Ne soutenant plus André Yché, il n’accable pas son collaborateur mais élude la question quand le quotidien lui demande s’il lui accorde toujours sa confiance : « Il est à la tête de la SNI depuis 15 ans, ce qui lui a laissé le temps de se faire des amis… et des ennemis. Pour ma part, je constate que la gestion de la SNI en fait un contributeur significatif aux résultats du groupe. » Et rien de plus !

Ne disant pas clairement qu’il condamne les dérives de la SNI – car il sait qu’on pourrait lui reprocher de se réveiller un peu tard –, Jean-Pierre Jouyet invente donc d’autres dysfonctionnements que ceux révélés ces dernières semaines, ou des dysfonctionnements réels mais qui ne sont pas au premier plan dans les controverses présentes : « Le temps des baronnies est révolu ! Cela ne peut plus durer. Je veux que la Caisse des dépôts apprenne la transversalité. Fini le temps où chacun pouvait se sentir propriétaire de son territoire, et piloter son propre petit fonds », s’insurge-t-il.

Le directeur général de la Caisse en vient donc à présenter les conclusions qu’il entend tirer de toute cette crise : « J'ai décidé de confier une mission à deux experts – Pierre Hanotaux, inspecteur général des finances, et Sabine Baietto-Beysson, du ministère du logement – pour examiner les opérations réalisées par le passé et établir le rôle joué par Icade et la SNI à l'époque, ainsi que pour évaluer le développement de cette dernière. Je me prononcerai quand leurs conclusions que je rendrai publiques, me seront remises fin mars. »

Pourquoi le directeur général de la caisse des dépôts a-t-il besoin de deux hauts fonctionnaires pour avoir une appréciation sur ces dérives – dont il ne parle pas précisément ? Parce qu’il ne sait pas, par lui-même, ce qui se passe dans la maison qu’il est censé diriger ? Parce qu’il ne parvient pas à lire par lui-même les deux rapports de la Cour des comptes, celui que Mediapart a révélé et celui qui est toujours secret ? À bien des égards, la proposition de Jean-Pierre Jouyet a des allures de galipette maladroite. Lui qui, prenant les commandes de la CDC en juillet 2012, a toujours renouvelé sa confiance dans les instances dirigeantes de la SNI cherche ainsi à faire du rétropédalage. Du même coup, pour se protéger lui-même, Jean-Pierre Jouyet décide de renvoyer à plus tard la résolution d’une crise… qu’il a lui-même contribué à envenimer !

Dans le même entretien, Jean-Pierre Jouyet avance des justifications tout aussi maladroites sur l’affaire Thomas Le Drian. Expliquant que c’est lui-même qui a coopté au sein de son propre cabinet, à la Caisse des dépôts, le fils du ministre socialiste de la défense, il a ces mots : « Je l'ai choisi, d'autant plus qu'il avait, avant mon arrivée, déjà rencontré la DRH du groupe. Il avait le bon profil, venant du monde de l'audit, et j'avais besoin de collaborateurs pour m'entourer au moment où je découvrais cette maison. Depuis, il a souhaité comme d'autres collaborateurs accomplir une mobilité interne et a donc rejoint la SNI, où il est en charge du contrôle de gestion. Je précise qu'il ne s'occupe d'aucun dossier relatif à la défense ou à la gendarmerie. »

Rumeurs de départ vers l'Elysée

Mais, cette fois encore, le patron de la caisse répond à côté de la question qui est au cœur des polémiques actuelles. Car si cette promotion a suscité des critiques, ce n’est pas tant parce que l’intéressé a été embauché comme contrôleur de gestion dans des filiales de la SNI – après tout, c’était dans ses compétences. Mais c’est que dans la foulée, André Yché l’a aussi coopté au comité exécutif de la SNI, comme s’il avait les compétences requises pour être l’un des cadres dirigeants de cette grande maison.

* La responsabilité de François Hollande

Dans cette histoire, on ne peut évidemment pas écarter la responsabilité de François Hollande. Car c’est lui qui a poussé à la tête de la Caisse des dépôts son meilleur ami, Jean-Pierre Jouyet, tout en sachant que sa nomination posait des problèmes de conflit d’intérêts (lire Après l’affaire Pérol, l’affaire Jouyet !). En quelque sorte, le mauvais exemple est venu du sommet de l’État : pourquoi le ministre de la défense se priverait-il de pousser son fils vers la Caisse des dépôts puisque le chef de l’État, ne prenant pas même le soin d’examiner les autres candidatures possibles – il y en avait d’autres, et de très grande qualité ! – y a installé son meilleur ami, ex-sarkozyste comme l’était lui-même André Yché ?

Soi-disant de gauche un jour, sarkozyste le lendemain, de nouveau soi-disant de gauche le surlendemain, Jean-Pierre Jouyet a changé constamment de fonction, incapable de rester durablement à un poste : chef de l’Inspection des finances, directeur du Trésor, ministre, président de l’Autorité des marchés financiers, puis directeur général de la Caisse. Et à peine nommé à la Caisse, il est au cœur d’innombrables rumeurs suggérant qu’il ne s’y plaît pas. Lui-même y prête le flanc puisque dans ce même entretien il prévient à l’avance – fait sans précédent – qu’il n’effectuera « qu'un mandat à la tête de cette institution » – une institution qui a besoin de stabilité, puisqu’elle est chargée de défendre des intérêts financiers majeurs pour la puissance publique et qu'elle est le principal investisseur de long terme de la place de Paris.

Même si Jean-Pierre Jouyet dément dans cet entretien au Figaro une rumeur persistante selon laquelle il pourrait rejoindre son ami François Hollande à l’Élysée, il peine à emporter la conviction. 

* Les voies de la sortie de crise

Elles seront assurément difficiles à trouver. Certes, l’attaque de Jean-Pierre Jouyet contre les « baronnies » de la Caisse des dépôts suggère que les jours d’André Yché sont probablement comptés.

Et pourtant, ce serait sûrement une erreur de penser que le patron de la SNI porte seul la responsabilité des dérives de ces dernières années. Les responsabilités sont beaucoup plus larges. D’abord, il y a la responsabilité de l’État qui s’est fortement désengagé du logement social ou qui a toléré des dérives financières ou éthiques dans des sociétés qu’il contrôlait directement – l’exemple d’Adoma est là pour en témoigner. Au sein même de la CDC, il serait aussi un peu simpliste d’accabler André Yché et d’amnistier d’autres dirigeants : après tout, le patron de la SNI a usé et abusé des libertés que lui ont laissées les patrons successifs de la caisse, hier Augustin de Romanet, aujourd’hui Jean-Pierre Jouyet.

Et puis, il serait sûrement erroné de dire que le problème de la SNI se réduit au « cas Yché ». En vérité, si l’affairisme y a prospéré, c’est aussi en grande partie par le fait d’autres cadres dirigeants, notamment ceux qui ont fait leur classe dans le privé, en particulier dans les milieux des promoteurs immobiliers. Évincer André Yché, qui envers et contre tout est entreprenant et imaginatif, pour promouvoir l'un de ses collaborateurs qui n'ont pas ses qualités mais qui connaissent toutes les roueries de la spéculation immobilière pourrait même être une erreur.

La première urgence serait sans doute que la puissance publique choisisse enfin le cap qu’elle veut suivre pour défendre les missions du logement social, qu’elle choisisse une vraie stratégie. Car tout est là, sans doute : dans la « politique de l’offre » chère au patronat et à François Hollande, la seule vraie priorité, ce sont les entreprises. Le reste est résiduel, jusqu’aux missions d’intérêt général. Jusqu’au logement social au profit des plus démunis…

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 16:21

 

Source : www.reporterre.net

 

Les avions ne payent pas d’impôts mais polluent un maximum

Olivier Mary (Reporterre)

mardi 11 février 2014

 

 

 

 

La santé apparente du secteur aéronautique a une cause essentielle : le transport aérien paye beaucoup moins d’impôts que les autres activités. Faisant peser sur la collectivité son impact polluant et handicapant les autres moyens de transport moins nocifs.

 


 

Le secteur aérien ne semble pas subir la crise économique. En 2013, la fréquentation des aéroports français a connu en effet une nette progression : sur l’ensemble de l’année, le trafic aérien de voyageur a augmenté de + 2,5%. Le phénomène est spectaculaire à Orly (+ 7,7%), Nantes (+9,9%) et Beauvais (+ 10,8%).

En 2013, des plateformes comme Bordeaux ont atteint ou battu leur record annuel de fréquentation. Comment expliquer un tel succès ? Tout simplement par les privilèges acquis au fil des années par l’industrie aéronautique. Entre les avantages fiscaux et les profits engrangés grâce au système de quotas de C02, le secteur a toutes les raisons d’afficher une santé insolente.

Cela pose un réel problème en termes de réchauffement climatique : un avion émet environ 140 grammes de CO2 au kilomètre par passager, contre 100g/km en moyenne pour un automobiliste. Si la contribution de l’aviation aux émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union Européenne est estimée à seulement 3%, cet impact serait en fait 2 à 4 fois plus important selon le rapport spécial du Giec.

Un phénomène qui devrait s’accélérer avec l’accroissement régulier du nombre de voyageurs. « Si rien n’est fait, les émissions de ce secteur doivent doubler, voire tripler d’ici à 2050, réduisant à néant toute chance de limiter le réchauffement de la planète bien en deçà de 2° C d’ici la fin du siècle » estime le Réseau Action climat..

Tous les avantages dont bénéficie la filière ont eu pour conséquence la baisse des prix des billets, les rendant plus avantageux que des modes de transport plus propres : résultat, depuis 1990, les émissions de ce secteur au sein de l’Union ont augmenté de 110%.

 

Des privilèges en cascade



- Signature de la Convention de Chicago -

 

Ces avantages remontent à la signature en 1944 de la Convention de Chicago et étaient destinés à accompagner l’essor du transport aérien. L’exemption de toute taxe pour le kérosène destiné aux vols internationaux est inscrite dans ce texte. « Au niveau national il en va de même, le carburant utilisé pour l’aviation est totalement exonéré de taxe intérieure sur la consommation mais aussi de TVA. Ainsi le kérosène est le seul carburant d’origine fossile dont la consommation ne supporte aucune taxe », rappelle le Rac.

Des privilèges injustes pour le groupe parlementaire Europe Ecologie les Verts, qui avait déposé le 13 octobre 2012 un amendement (N° 448A) au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

« Il s’agit de mettre fin, progressivement, à une niche fiscale qui fausse la concurrence avec le train, comme cela été voté au Pays-Bas, et qui permettrait de récupérer 300 millions d’euros par an » explique Denis Baupin, Vice-Président de l’Assemblée Nationale et Député de Paris pour EELV. « Mais l’amendement a été refusé sous prétexte que cela risquait de faire du tort à Air France, » regrette l’élu.

« Les socialistes avait proposé la taxation du kérosène par la voix de Jérôme Cahuzac lorsqu’ils étaient dans l’opposition, une fois au pouvoir, plus rien », dénonce aussi Lorelei Limousin, chargée de mission transports au Rac. Avec toujours le même argument, protéger Air France.

Pourtant, le texte, plutôt mesuré, ne prévoyait pas la taxation du kérosène pour les vols dits de service public, vers des régions périphériques comme la Corse ou l’outremer, pour éviter de fâcher leurs élus.

Quant à la TVA sur les billets pour les vols internationaux (et intra-européens), elle est fixée à... 0 %. Une dérogation née en 1977 qui ne devait s’appliquer que de manière provisoire. Les compagnies peuvent même réclamer le remboursement de la TVA pour leurs achats de biens et de services destinés à leur activité alors qu’elles ne l’ont pas payé pour les billets !

A l’échelle de l’Union européenne, cette absence de TVA coûte dix milliards d’euros par an. En fait, les billets nationaux sont les seuls à être taxés. Et encore, à un taux réduit, qui vient de passer de 7 à 10 % le 1er janvier 2014. Une maigre augmentation qui fait pourtant bondir le SNPL, premier syndicat de pilotes chez Air France.

Il dénonce « l’augmentation de TVA sur les transports, [qui] annule l’intégralité du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité décidé l’an dernier par l’Etat français » et l’augmentation de 12 % à partir du 1er avril de la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », qui finance la lutte contre les pandémies dans les pays en développement.

« Nous demandons à l’Etat de cesser de ponctionner les compagnies françaises », a déclaré le président du SNPL Air France ALPA, Jean-Louis Barber, dans un communiqué. Il est vrai que cela crée un déficit de compétitivité par rapport, notamment, aux compagnies à bas coûts.

Bercy est pourtant bien arrangeant avec l’aérien : l’article 262-II-4 du Code général des impôts, exonère...

 

*Suite de l'article sur reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 15:35

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Catherine Wihtol de Wenden: «Fermer les frontières est inefficace et coûteux»

|  Par Carine Fouteau

 

 

 

Et si les Suisses, en cherchant à limiter l'immigration, agissaient contre leurs intérêts ? Dans son livre Faut-il ouvrir les frontières?, la chercheuse Catherine Wihtol de Wenden explique pourquoi les politiques de renforcement des contrôles aux frontières sont contre-productives.

 

 

À l’heure où les Suisses veulent limiter l’immigration des ressortissants de l’Union européenne et où la Grande-Bretagne envisage de plafonner les entrées d’Européens de l’Est, une meilleure compréhension des mécanismes migratoires internationaux est indispensable. C’est à cette remise à plat que s’emploie Catherine Wihtol de Wenden, spécialiste des questions d’immigration en France et dans le monde.

Dans son livre Faut-il ouvrir les frontières ? publié aux Presses de SciencesPo, la directrice de recherche du CNRS au Centre d’études et de recherches internationales (Ceri) rappelle que le renforcement des contrôles aux frontières est non seulement inefficace mais aussi coûteux. Inefficace car la multiplication des barrières et des législations répressives n’a jamais empêché quiconque de migrer. Tout juste les personnes désireuses de quitter leur pays, quelles qu’en soient les raisons, prendront plus de risques pour parvenir à leurs fins.

Ces politiques sont par ailleurs coûteuses, humainement, tout d’abord, comme en témoignent les drames à répétition aux abords de Lampedusa. Mais aussi économiquement : l’auteur liste les millions d’euros utilisés par les pays d’accueil pour les reconduites à la frontière (de l’interpellation des sans-papiers aux expulsions en passant par l’enfermement dans des centres de rétention) et la surveillance des frontières extérieures de l’UE via Frontex notamment. Elle constate que le faible rythme des régularisations, en particulier de déboutés du droit d’asile pourtant non expulsables, représente un manque à gagner pour les finances publiques.

Catherine Wihtol de Wenden estime enfin que ces politiques sont contre-productives. À court terme, elles peuvent apparaître aux responsables politiques comme la réponse adéquate aux interrogations d’opinions publiques tentées par le repli sur soi, mais à long terme, estime-t-elle, elles mettent en péril les économies du vieux continent, vouées à péricliter sans l’apport de main-d’œuvre étrangère. Anticipant les critiques qui pourraient lui être adressées, elle explique pourquoi les systèmes de protection sociale n'en pâtiraient pas, malgré les idées reçues.

Pour finir de convaincre les lecteurs réticents à l'idée d'une ouverture des frontières, la chercheuse propose d'inverser la logique, en appelant les États à considérer que la liberté de circulation des personnes est un droit universel, tout en leur laissant la possibilité de restreindre l'entrée sur leur territoire. Ni plaidoyer ultra-libéral (au sens où toute frontière serait un frein à l'enrichissement capitalistique), ni « angéliste » (selon l'une des expressions favorites de la droite pour désigner les politiques migratoires et sécuritaires de la gauche), ce livre se veut une alternative pragmatique, fondée sur le droit international et les intérêts bien compris de chacun.

 

Catherine Wihtol de Wenden, Faut-il ouvrir les frontières ? Presses de SciencesPo, 99 pages, 15 euros, décembre 2013.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 


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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 21:43

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Le choix de l’austérité met en danger les acteurs publics locaux et leurs missions au service de la population

10 février par Patrick Saurin

 


Le budget 2014 prévoit une baisse de 15 milliards d’euros des dépenses de l’État et des collectivités locales. Ces dernières verront leur dotation globale de fonctionnement amputée de 1,5 milliard, dont 840 millions d’euros pour les communes et leurs groupements, 476 millions d’euros pour les départements et 184 millions d’euros pour les régions. De plus, les remboursements effectués par l’État sur la TVA payée par les collectivités locales sur leurs investissements ne prendront pas en compte l’augmentation du taux prévue en 2014, ce qui pourrait représenter une perte supplémentaire de 200 à 250 millions d’euros.

À l’instar de l’État, ce sont tous les acteurs publics locaux, collectivités, établissements publics (les hôpitaux en particulier), organismes de logement social qui sont sollicités pour prendre en charge une large part de la socialisation des pertes des banques et du manque à gagner de la fiscalité. Ce coût va bien au-delà du 1,5 milliard de dotation supprimé, car il faut ajouter à cette somme un surcoût annuel de 1 milliard d’euros réglés directement aux banques par les acteurs publics locaux au titre des prêts toxiques.

Concrètement cette politique d’austérité se traduit par des plans draconiens de suppressions d’emplois. Dans les collectivités locales, Jean-Marc Ayrault et son gouvernement envisagent l’instauration de plafonds d’emplois territoriaux pour mettre fin à la tendance régulière à la hausse du nombre d’emplois dans la fonction publique territoriale. Dans les hôpitaux publics, ce sont plus de 20 000 emplois, l’équivalent de la population totale de la ville de Cahors, qui ont été supprimés en 2013, et 15 000 autres emplois, l’équivalent de la population totale de Brignoles, devraient disparaître en 2014. Enfin, cette détérioration touche également le secteur de l’habitat, puisque le nombre de logements sociaux diminue de façon régulière depuis 2010. En 2012, 102 000 logements sociaux seulement ont été financés sur les 120 000 prévus (le programme du candidat Hollande avait fixé un objectif de 150 000 logements sociaux par an).

La fusion ou la suppression de collectivités sont une autre façon de faire des économies d’échelles, notamment en matière d’emplois, mais avec pour contrepartie une moindre proximité des services publics et une dégradation de la qualité du service rendu aux usagers. C’est cette même logique destructrice d’emplois et de lien social que l’on voit à l’œuvre dans la sphère privée. Ainsi, les banques ont largement fait payer le prix de la crise à leurs salariés. Entre 2008 et 2012, le groupe BPCE a détruit plus de 11 000 emplois, soit une diminution de 8,9 % de l’effectif total. Dernièrement, le groupe Crédit Agricole a annoncé la fermeture de 50 agences sur les 325 que compte son réseau en Ile-de-France. Le développement de la banque à distance et des nouvelles technologies vont prochainement infliger de nouvelles coupes dans les effectifs.

La diminution de l’endettement des acteurs publics locaux est une autre possibilité de maîtriser leur équilibre budgétaire. Pour certaines collectivités, une telle diminution ne sera pas un choix mais une obligation car les collectivités sont soumises au principe d’équilibre budgétaire qui impose que le remboursement du capital des annuités de la dette (inscrit à la section d’investissement) soit couvert par des ressources propres et non par l’emprunt. La baisse des dotations de l’État, la stagnation des recettes fiscales, et pour certains acteurs locaux les surcoûts des emprunts toxiques vont contribuer à mettre en danger l’épargne de gestion (égale aux recettes de fonctionnement moins les dépenses de fonctionnement) et l’épargne brute (l’épargne de gestion moins les intérêts de la dette) des collectivités. Sachant que l’autofinancement est la principale ressource des collectivités, une diminution de celui-ci aura pour conséquence un ralentissement significatif des investissements des acteurs publics locaux qui, à la différence de l’État, sont soumis à la règle de l’équilibre budgétaire. C’est précisément pour tenter de maintenir les investissements des collectivités que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault veut instaurer pour celles-ci un plafond d’emplois territoriaux. Une diminution des investissements des collectivités aurait des conséquences désastreuses car elles assurent en France plus de 70 % de l’investissement public national et font vivre de très nombreuses entreprises.

Même s’il a augmenté en 2012 par rapport à 2011 et 2010 en atteignant près de 18 milliards d’euros, le recours à l’emprunt reste sensiblement inférieur à celui d’avant la crise. On observe en cette matière un changement important : les banques se désengagent et laissent le champ libre aux marchés financiers. En 2012, les collectivités locales ont levé 2,5 milliards d’emprunts obligataires, trois fois plus qu’en 2011. Une note rédigée à la demande de Mme Bresso, présidente ad intérim de la commission ad hoc temporaire sur le budget de l’UE, intitulée « impact de l’austérité budgétaire sur les finances et les investissements locaux » |1|, a souligné il y a quelque temps les dangers que font courir aux collectivités publiques européennes les politiques d’austérité actuellement mises en œuvre.

En définitive, le choix du gouvernement et du parlement pour une politique d’austérité est injuste socialement et de plus inefficace économiquement. Le choix de l’austérité appliqué en Europe produit partout les mêmes effets. La réduction des dépenses publiques a des conséquences extrêmement dommageables en matière d’emploi, d’éducation, de santé, de logement, de justice et même d’accès à la nourriture et à l’eau. Ainsi, pour ne prendre que deux exemples, aujourd’hui en Grèce 10 % des enfants souffrent de malnutrition et en Irlande une partie de la population a des difficultés d’accès à l’eau potable. Ce bilan désastreux a été dressé par Nils Muiznieks, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, dans un rapport de novembre 2013 intitulé, « Safeguarding human rights in time of economic crisis », « Préserver les droits de l’homme en temps de crise économique » |2|. Un juriste éminent, le professeur Andreas Fischer-Lescano du Centre d’études juridiques et politiques (ZERP) de l’Université de Brême, dépasse le stade du simple constat. Selon lui, « La politique d’austérité de l’UE est illégale », comme il l’a affirmé dans un rapport du 22 décembre 2013 |3| préparé pour la Fédération syndicale autrichienne (ÖGB), la Chambre fédérale autrichienne du travail (BAK), la Confédération européenne des syndicats (CES) et l’Institut syndical européen (ETUI).

L’austérité n’est donc pas la réponse appropriée à la crise. La solution de celle-ci passe en premier lieu par une réforme fiscale radicale. En effet, il est urgent de mettre un terme à la fraude et à l’évasion fiscale et de taxer le capital des grosses sociétés et celui des grandes fortunes privées largement exonérés jusque-là. Cette réforme doit s’accompagner d’une plus juste répartition de la valeur ajoutée, donnant au travail la part qui doit lui revenir. La réduction significative du temps de travail pour partager le travail entre tous est une autre mesure indispensable. La socialisation de l’intégralité du système bancaire est une autre priorité. Enfin, la production doit être réorientée vers la transition écologique, et le développement d’activités socialement utiles doit remplacer au plus vite le mode de production calamiteux que nous connaissons aujourd’hui, uniquement motivée par le profit, et dont les effets délétères sont la mise à sac des ressources et de l’écosystème de la planète, l’exploitation et l’aliénation des individus, avec pour toile de fond la marchandisation toujours plus étendue des relations sociales. Plus que jamais, le refus de l’austérité et la mise en œuvre d’une autre politique nécessitent un vaste mouvement citoyen solidaire, unitaire et déterminé dépassant le cadre des frontières. Chaque jour qui passe, la nécessité de changer de système apparaît de plus en plus impérative et fait aujourd’hui de l’anticapitalisme non pas un choix parmi d’autres voies, mais le passage obligé qui exige le devoir citoyen de chacun.

Patrick Saurin (porte-parole de SUD BPCE, membre du CADTM et du Collectif d’audit citoyen)

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 21:35

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Les banques spéculent sur les matières premières et les aliments

10 février par Eric Toussaint

 

 


Via leurs activités de trading, les banques sont les principaux spéculateurs sur les marchés de gré à gré et à terme de matières premières et de produits agricoles car elles disposent de moyens financiers nettement plus élevés que les autres protagonistes en jeu. Une petite visite sur le site du Commodity business awards |1| permet de découvrir une liste de banques et de courtiers qui jouent un rôle de premier plan sur le marché des commodities |2| (que ce soit le marché où les matières premières s’achètent et se vendent physiquement), ou sur celui des dérivés qui ont pour sous-jacent des commodities. Parmi ces banques, on retrouve le plus souvent BNP Paribas, Morgan Stanley, Crédit Suisse, Deutsche Bank et Société Générale. Certaines banques vont d’ailleurs plus loin et se dotent d’instruments pour influer directement sur des stocks de matières premières. C’est le cas du Credit Suisse qui est associé à Glencore- Xstrata, la plus grande société mondiale de courtage en matières premières |3|. Parmi les banques européennes, BNP Paribas est avec Deutsche Bank une banque des plus influentes sur le marché des commodities, elle joue un rôle clé dans le secteur des dérivés sur les matières premières |4|.

Plusieurs banques des États-Unis sont allées plus loin que les européennes dans la stratégie de contrôle d’une part du marché des commodities, il s’agit de JP Morgan, Morgan Stanley et Goldman Sachs. Par exemple, JP Morgan a importé aux États-Unis 31 millions de barils de pétrole au cours des quatre premiers mois de l’année 2013 ! Les banques des États-Unis sont propriétaires de raffineries de pétrole, de centrales électriques, de réseaux de distribution d’énergie, d’entreprises de stockage de métaux, de stocks de produits agricoles, d’entreprises d’exploitation de gaz de schiste… Comment en est-on arrivé là ? La Fed a autorisé en 2003 la banque universelle Citigroup à acheter la société de courtage Phibro en expliquant qu’il était normal de compléter l’activité de la banque sur le marché des dérivés de commodities par la détention physique de stocks de matières premières (pétrole, grains, gaz, minerais…). Quant à Morgan Stanley et Goldman Sachs qui jusqu’en 2008 |5| avaient le statut de banque d’affaires, elles ont pu dès 1999, grâce à la loi de réforme bancaire qui a complété l’abrogation du Glass Steagall Act, faire l’acquisition de centrales électriques, de tankers pétroliers et d’autres infrastructures. C’est ainsi que Morgan Stanley possède des barges, des tankers, des pipelines, des terminaux pétroliers et gaziers ! De son côté, JP Morgan a acheté la division commodities de RBS en 2010 pour 1,7 milliard de dollars, ce qui lui a permis d’acquérir 74 entrepôts de stockage de métaux au R-U comme aux États-Unis, tandis que Goldman Sachs en détient 112. Ces deux banques détiennent donc ensemble plus d’entrepôts de stockage de métaux que Glencore (qui en possède 179). Détenir des entrepôts de stockage est fondamental notamment si une société ou un cartel de plusieurs sociétés (par exemple des banques) veut spéculer sur les prix en stockant au maximum pour faire monter les prix ou en déstockant pour les faire baisser. C’est ce qui s’est passé concrètement par exemple sur le marché de l’aluminium depuis 2008. Selon une enquête menée par le New York Times, depuis que Goldman Sachs a racheté en 2010 les entrepôts d’aluminium à Detroit, le temps d’attente pour être livré en barres d’aluminium est passé de 6 semaines à 16 mois. Les prix ont nettement augmenté (alors que l’offre et les stocks d’aluminium sur le marché mondial se sont accrus), ce qui a provoqué de fortes réactions d’entreprises comme Coca-Cola et le brasseur Miller, gros consommateurs d’aluminium pour la fabrication des canettes… Rien qu’en revenus de stockage d’aluminium à Detroit, Goldman a engrangé 220 millions de dollars |6|.

Après avoir fait de plantureux bénéfices en manipulant les cours, les banques les plus présentes sur le marché physique des commodities ont adopté une stratégie de sortie. Trois raisons principales les ont poussées dans cette direction. Primo, les autorités de contrôle se sont rendu compte des manipulations auxquelles se sont livrées plusieurs banques. JP Morgan, Barclays, Deutsche Bank ont dû payer des amendes dans plusieurs affaires concernant notamment la manipulation du marché de l’électricité de Californie. JP Morgan a ainsi accepté de payer une amende de 410 millions de dollars dans cette affaire qui n’est pas terminée |7|. Les autorités américaines, sous la pression de sociétés concurrentes des banques et face à l’impopularité des banquiers en général auprès du grand public, envisagent sérieusement de limiter les activités des banques sur le marché physique des commodities. Secundo, les bénéfices que tirent les banques de leurs activités sur ce marché ont commencé à baisser depuis 2011-2012, les prix des matières premières ont d’ailleurs tendance à se contracter. Tertio, le capital dur (Core Tier 1) requis pour les investissements dans les entreprises de courtage pèse plus lourd que d’autres investissements (dettes souveraines par exemple). Du coup, comme les banques doivent augmenter leur ratio fonds propres/actifs pondérés, elles font le calcul qu’il vaut mieux se délester en tout ou en partie des investissements dans le marché physique des commodities |8|. Affaire à suivre. Il n’en demeure pas moins que les banques resteront très actives sur les marchés des dérivés de commodities et sur tous les segments des marchés financiers qui sont concernés par les matières premières. Leur capacité de nuisance est et restera tout à fait considérable si des mesures radicales ne sont pas prises.

Ces banques sont des acteurs de tout premier ordre dans le développement de la bulle spéculative qui s’est formée sur le marché des commodities |9|. Quand elle éclatera, l’effet boomerang sur la santé des banques provoquera de nouveaux dégâts. Il faut également prendre en compte le réel désastre, bien plus grave, pour les populations des pays du Sud exportateurs de matières premières. L’ensemble des peuples de la planète seront affectés d’une manière ou d’une autre.

Retour sur le rôle fondamental de la spéculation dans l’envolée des prix des aliments et du pétrole en 2007-2008

La spéculation sur les principaux marchés des États-Unis où se négocient les prix mondiaux des biens primaires (produits agricoles et matières premières) a joué un rôle décisif dans l’accroissement brutal des prix des aliments en 2007-2008 |10|. Cette hausse des prix a entraîné une augmentation dramatique, de plus de 140 millions en un an, du nombre de personnes souffrant de malnutrition. Plus d’un milliard d’êtres humains (une personne sur sept) ont faim. Les affameurs ne sont pas des francs-tireurs, ce sont les investisseurs institutionnels (les zinzins : les banques |11|, les fonds de pension, les fonds d’investissement, les sociétés d’assurances), les grandes sociétés de trading comme Cargill. Les hedge funds ont aussi joué un rôle, même si leur poids est bien inférieur à celui des investisseurs institutionnels |12|.

Michael W. Masters, qui dirigeait depuis douze ans un hedge fund à Wall Street, a explicité le rôle néfaste de ces institutionnels dans un témoignage qu’il a présenté devant une commission du Congrès à Washington le 20 mai 2008 |13|. A l’occasion de cette commission chargée d’enquêter sur le rôle possible de la spéculation dans la hausse des prix des produits de base, il a déclaré : « Vous avez posé la question : Est-ce que les investisseurs institutionnels contribuent à l’inflation des prix des aliments et de l’énergie ? Ma réponse sans équivoque est : OUI » |14|. Dans ce témoignage, qui fait autorité, il explique que l’augmentation des prix des aliments et de l’énergie n’est pas due à une insuffisance de l’offre mais à une augmentation brutale de la demande venant de nouveaux acteurs sur les marchés à terme des biens primaires (« commodities ») où l’on achète les « futures ». Sur ce marché (également appelé contrat à terme), les intervenants achètent la production à venir : la prochaine récolte de blé, le pétrole qui sera produit dans 6 mois ou dans 5 ans, etc. Dans le passé, les principaux intervenants sur ces marchés étaient des entreprises qui avaient un intérêt spécifique - lié à leur activité - pour un de ces biens primaires. Il pouvait s’agir par exemple d’une compagnie aérienne qui achète le pétrole dont elle a besoin ou d’une firme alimentaire qui se procure des céréales. Michael W. Masters montre qu’aux États-Unis, les capitaux alloués par les investisseurs institutionnels au segment « index trading » des biens primaires des marchés à terme sont passés de 13 milliards de dollars fin 2003 à 260 milliards en mars 2008 |15|. Les prix des 25 biens primaires cotés sur ces marchés ont grimpé de 183 % pendant la même période. Il explique qu’il s’agit d’un marché étroit et qu’il suffit que des investisseurs institutionnels comme des fonds de pension ou des banques allouent 2 % de leurs actifs pour en bouleverser le fonctionnement. En 2004, la valeur totale des contrats futurs concernant 25 biens primaires s’élevait seulement à 180 milliards de dollars. A comparer avec le marché mondial des actions qui représentait 44 000 milliards, environ 240 fois plus. Michael W. Masters indique que cette année-là, les investisseurs institutionnels ont investi 25 milliards de dollars dans le marché des futurs, ce qui représentait 14 % du marché. Il montre qu’au cours du premier trimestre 2008, les investisseurs institutionnels ont augmenté de manière très importante leur investissement dans ce marché : 55 milliards en 52 jours ouvrables. De quoi faire exploser les prix !

Le prix des biens primaires sur le marché à terme se répercute immédiatement sur les prix courants de ces biens. Ainsi, quand les investisseurs institutionnels ont acheté des quantités énormes de maïs et de blé en 2007-2008, la flambée des prix de ces produits a été immédiate.

A noter qu’en 2008 l’organe de contrôle des marchés à terme, la Commodity Futures trading Commission (CFTC), a estimé que les investisseurs institutionnels ne pouvaient pas être considérés comme des spéculateurs. La CFTC définit les zinzins comme des participants commerciaux sur les marchés (« commercial market participants »). Cela lui permet d’affirmer que la spéculation ne joue pas un rôle significatif dans l’envolée des prix. Une sévère critique de la CFTC est faite par Michael W. Masters, mais surtout par Michael Greenberger, professeur de droit à l’université de Maryland, qui a témoigné devant la commission du Sénat le 3 juin 2008. Michael Greenberger, qui a été directeur d’un département de la CFTC de 1997 à 1999, critique le laxisme de ses dirigeants qui font l’autruche face à la manipulation des prix de l’énergie par les investisseurs institutionnels. Il cite une série de déclarations de ces dirigeants dignes de figurer dans une anthologie de l’hypocrisie et de la bêtise humaine. Selon Michael Greenberger 80 à 90 % des transactions sur les Bourses des Etats-Unis dans le secteur de l’énergie sont spéculatives |16|. Son expertise est donc sans appel.

Le 22 septembre 2008, en pleine tourmente financière aux États-Unis, alors que le président Bush annonçait un plan de sauvetage des banques qui consistait à leur remettre 700 milliards de dollars (sans compter les liquidités qui ont été mises à leur disposition massivement), le prix du soja faisait un bond spéculatif de 61,5 % !

Jacques Berthelot montre lui aussi le rôle crucial joué par la spéculation des banques dans la montée des prix agricoles mondiaux |17|. Il donne l’exemple de la banque belge KBC, qui a mené une campagne publicitaire pour vendre un nouveau produit commercial : un investissement des épargnants dans six matières premières agricoles. Le fonds de placement « KBC-Life MI Security Food Prices 3 » racole des clients avec un slogan cynique : « Tirez avantage de la hausse du prix des denrées alimentaires ! ». Cette publicité présente comme une « opportunité » la « pénurie d’eau et de terres agricoles exploitables » ayant pour conséquence « une pénurie de produits alimentaires et une hausse du prix des denrées alimentaires » |18|.

Du côté de la justice américaine, les spéculateurs sont dans leur bon droit. Paul Jorion, dans une opinion publiée dans Le Monde, met en cause la décision d’un tribunal de Washington qui a invalidé le 29 septembre 2012 des mesures prises par la CFTC « qui visaient à plafonner le volume des positions qu’un intervenant peut prendre sur le marché à terme des matières premières, afin qu’il ne puisse pas, à lui seul, le déséquilibrer » |19|.

Jean Ziegler, ex-rapporteur des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, exprime les choses sans détour : « La crise financière de 2007-2008 provoquée par le banditisme bancaire a eu notamment deux conséquences. La première : Les fonds spéculatifs (hedge funds) et les grandes banques ont migré après 2008, délaissant certains segments des marchés financiers pour s’orienter vers les marchés des matières premières, notamment celui des matières premières agricoles. Si l’on regarde les trois aliments de base (le maïs, le riz et le blé), qui couvrent 75 % de la consommation mondiale, leurs prix ont explosé. En 18 mois, le prix du maïs a augmenté de 93 %, la tonne de riz est passée de 105 à 1010 dollars et la tonne de blé meunier a doublé depuis septembre 2010, passant à 271 euros. Cette explosion des prix dégage des profits astronomiques pour les spéculateurs, mais tue dans les bidonvilles des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants. Une deuxième conséquence est la ruée des hedge funds et autres spéculateurs sur les terres arables de l’hémisphère sud. Selon la Banque mondiale, en 2011, 41 millions d’hectares de terres arables ont été accaparés par des fonds d’investissements et des multinationales uniquement en Afrique. Avec pour résultat, l’expulsion des petits paysans. » |20|

En février 2013, dans un rapport intitulé « Ces banques françaises qui spéculent sur la faim », l’ONG Oxfam France indique que les quatre principales banques françaises – BNP Paribas, Société générale, Crédit agricole et Natixis (BPCE) – géraient, pour leurs clients, en novembre 2012, au moins dix-huit fonds qui spéculent sur les matières premières.

« Il y a deux façons de spéculer, explique Clara Jamart, responsable de la sécurité alimentaire chez Oxfam France. En prenant des positions sur les marchés de produits dérivés de matières agricoles. Ou par ces fonds indiciels, qui suivent les prix des matières premières agricoles et les poussent à la hausse. » |21| La majorité de ces fonds ont été créés une fois qu’avait commencé en 2008 la crise alimentaire, dans le but manifeste de faire des profits en spéculant sur les aliments et d’autres commodities.

À Bruxelles, le Réseau financement alternatif a également dénoncé en 2013 l’implication de six banques actives en Belgique dans la spéculation sur la faim dans le monde. Environ 950 millions d’euros provenant de clients de banques belges servent à spéculer sur les matières premières alimentaires |22| Il faut mettre fin à cet ordre des choses, voici 22 propositions afin de mettre en place une alternative à la crise alimentaire |23|.

  • Interdire la spéculation sur l’alimentation ; spéculer sur la vie des gens est un crime, c’est pourquoi les gouvernements et les institutions internationales doivent interdire les investissements spéculatifs sur les produits agricoles.
  • Interdire les dérivés sur les commodities.
  • Interdire aux banques et autres sociétés financières privées d’intervenir sur le marché des commodities.
  • Socialiser sous contrôle citoyen la banque en lui donnant notamment comme mission de financer les projets agricoles favorisant la souveraineté alimentaire et donnant la priorité aux petites exploitations familiales, aux coopératives et au secteur agricole public
  • Établir ou rétablir des organisations internationales de régulation des marchés et des productions des principaux produits d’exportation (cartels de pays producteurs par exemple dans les secteurs du café, du cacao, des bananes, du thé...) pour assurer des prix stables au niveau international.
  • Mettre fin aux plans d’ajustement structurel (PAS) qui obligent les États à renoncer à leur souveraineté alimentaire.
  • Proscrire l’accaparement des terres.
  • Mettre en place des réformes agraires globales (sur la terre bien sûr, mais aussi l’eau et les semences) pour assurer que les paysans et les paysannes qui produisent l’alimentation pour les populations aient accès aux ressources agricoles, plutôt que les grandes entreprises qui produisent pour l’exportation.
  • Inscrire le droit à la souveraineté alimentaire dans le droit international pour que le droit de chaque pays à développer ses propres politiques agricoles et à protéger son agriculture, sans nuire aux autres pays, soit reconnu (notamment dans la Charte des droits économiques, sociaux et culturels)
  • Mettre fin aux mécanismes asservissants de la dette publique extérieure ou intérieure dominée par les banques privées, de même mettre fin à l’asservissement des familles paysannes par les prêteurs privés
  • Mettre en place un moratoire sur les agro-combustibles industriels, proscrire les organismes génétiquement modifiés
  • Réformer la Politique agricole commune de l’UE et le Farm Bill des États-Unis qui ont des effets dévastateurs sur l’équilibre des marchés agricoles
  • Ne pas signer et le cas échéant dénoncer les accords de libre-échange multilatéraux et bilatéraux (ALE et APE) qui contredisent la souveraineté alimentaire
  • Établir ou rétablir des protections douanières face aux importations agricoles
  • Reconstituer des réserves alimentaires publiques dans chaque pays
  • Rétablir des mécanismes de garantie des prix agricoles
  • Développer des politiques de maîtrise de la production pour stabiliser les prix agricoles
  • Contrôler les marges des intermédiaires

La sécurité alimentaire de tous passe par des prix agricoles stables qui couvrent les coûts de production et assurent une rémunération décente pour les producteurs. Le modèle des prix agricoles bas, promus par les gouvernements pour augmenter la consommation de masse de produits manufacturés et des services (tourisme, divertissement, télécommunications, etc.), n’est pas durable, ni sur le plan social ni sur le plan environnemental. Ce modèle bénéficie essentiellement aux grandes entreprises de l’agro business, aux banques privées et, en détournant les attentes démocratiques des populations vers la consommation de masse, aux élites politiques et économiques des pays qui confisquent ainsi le pouvoir.

Face aux crises alimentaires et environnementales actuelles, des changements radicaux sont indispensables et urgents. Les propositions ci-dessus offrent des pistes pour des politiques agricoles et commerciales basées sur la souveraineté alimentaire et qui permettraient une stabilisation des prix agricoles à des niveaux capables d’assurer une production alimentaire durable dans la grande majorité des pays du monde.

Sur le plan local, il convient d’ajouter :

  • Soutenir la production agricole locale, notamment en soutenant l’activité agricole et en facilitant des mécanismes de crédit pour les petits producteurs, hommes et femmes
  • Soutenir et développer les circuits de commercialisation directs/courts entre producteurs et consommateurs pour assurer des prix rémunérateurs pour les paysans et abordables pour les consommateurs
  • Encourager la consommation de produits locaux
  • Soutenir des modes de production plus autonomes par rapport aux intrants chimiques et ainsi moins sujets aux variations des coûts de production (élevage à l’herbe plutôt qu’au maïs/soja par exemple).

Notes

|1| http://www.Commoditybusinessawards.com/winners/winners-2013.html

|2| Les commodities regroupent le marché des matières premières (produits agricoles, minerais, métaux et métaux précieux, pétrole, gaz…). Les commodities, comme les autres actifs, font l’objet de négociations permettant la détermination de leurs prix ainsi que leurs échanges sur des marchés au comptant, mais aussi sur des marchés dérivés.

|3| Glencore-Xsrata est une compagnie de négoce et courtage de matières premières fondée par le trader Marc Rich. Elle est basée en Suisse, à Baar, dans le canton de Zoug, paradis fiscal bien connu par les fraudeurs de haut vol. Marc Rich (décédé en 2013) a été poursuivi à plusieurs reprises pour corruption et évasion fiscale. Il a été amnistié par le président Bill Clinton le dernier jour de son mandat présidentiel, ce qui a provoqué un scandale considérable. Glencore-Xsrata possède en tout ou en partie 150 mines et sites métallurgiques. Selon les données disponibles, avant la fusion avec Xsrata qui a eu lieu en 2013, Glencore contrôlait environ 60 % du zinc mondial, 50 % du cuivre, 30 % de l’aluminium, 25 % du charbon, 10 % des céréales et 3 % du pétrole. Cette société très controversée a reçu en 2008 le prix du Public Eye Awards de la multinationale la plus irresponsable. Glencore-Xsrata est présente dans 50 pays et emploie 190 000 personnes (voir http://www.glencorexstrata.com/about-us/at-a-glance/ et http://www.glencorexstrata.com/assets/Uploads/20130711-GlencoreXstrata-Factsheet.pdf). Le patron et principal propriétaire de Glencore-Xsrata (il détient 16 % des actions), Ivan Galsenberg, aurait perçu une rémunération d’environ 60 millions de dollars en 2013 (voir : http://lexpansion.lexpress.fr/economie/les-remunerations-des-patrons-de-glencore-xstrata-et-credit-suisse-epinglees_399326.html). Crédit Suisse et Glencore-Xsrata collaborent étroitement sur le marché chinois. Les autres grandes sociétés spécialisées dans le courtage (trading) de commodities (en dehors des banques qui y sont très actives) sont Vitol (Pays-Bas), Cargill (Etats-Unis), Trafigura (Pays-Bas), Noble Group (Hong-Kong/Singapour), Wilmar (Singapour), Louis Dreyfus commodities (France), Mitsui (Japon), Mitsubishi (Japon), ADM (États-Unis). Le revenu cumulé de Glencore et de ces 9 sociétés s’est élevé à la somme colossale de 1200 milliards de dollars en 2012. Voir Financial Times, « Tougher times for the trading titans », 15 avril 2013.

|4| Voir son site spécialisé : http://cib.bnpparibas.com/Products-services/Managing-your-risks-and-assets/Commodity-Derivatives/page.aspx/100

|5| Morgan Stanley et Goldman Sachs ont obtenu leur licence de banque universelle en pleine crise afin de bénéficier d’un plus fort soutien de l’État et éviter le sort de la banque d’affaire Lehman Brothers.

|6| L’Écho, "Des banques américaines accusées de manipuler les matières premières" , 24 juillet 2013, http://www.lecho.be/actualite/entreprises_finance/Des_banques_americaines_accusees_de_manipuler_les_matieres_premieres.9379357-3027.art

|7| Financial Times, « JPMorgan nears commodities sale », 6 février 2014. Barclays de son côté a payé une amende de 470 millions de dollars dans la même affaire.

|8| JP Morgan a annoncé début 2014 son intention de vendre ses activités physiques de commodities, Deutsche Bank a fait de même. Morgan Stanley a passé un accord avec le pétrolier russe Rosneft pour lui céder une partie de son business.

|9| Bien sûr, parmi les puissants protagonistes du marché des matières premières et des produits alimentaires, il faut ajouter les grandes entreprises spécialisées dans l’extraction, la production et la commercialisation des commodities : dans les minerais, Rio Tinto, BHP Billiton, Companhia Vale do Rio Doce ; dans le pétrole, ExxonMobil, BP, Shell, Chevron, Total ; dans les aliments, en plus de Cargill déjà mentionné au niveau de courtage, Nestlé, Monsanto et bien d’autres dont font partie plusieurs sociétés chinoises.

|10| J’ai analysé les causes de la crise alimentaires de 2007-2008 dans Éric Toussaint, "Une fois encore sur les causes de la crise alimentaire" publié le 9 octobre 2008, http://cadtm.org/Une-fois-encore-sur-les-causes-de Voir également : Damien Millet et Éric Toussaint, "Pourquoi une faim galopante au XXIe siècle et comment l’éradiquer ?" publié le 24 avril 2009, http://cadtm.org/Pourquoi-une-faim-galopante-au

|11| Notamment BNP Paribas, JP Morgan, Goldman Sachs, Morgan Stanley et, jusqu’à leur disparition ou leur rachat, Bear Stearns, Lehman Brothers, Merrill Lynch.

|12| Au niveau mondial, au début de l’année 2008, les investisseurs institutionnels disposaient de 130 000 milliards de dollars, les fonds souverains de 3000 milliards de dollars et les hedge funds de 1000 milliards de dollars.

|13| Testimony of Michael W. Masters, Managing Member/Portfolio Manager Masters Capital Management, LLC, before the Committee on Homeland Security and Governmental Affairs United States Senate http://hsgac.senate.gov/public/_files/052008Masters.pdf

|14| “You have asked the question ‘Are Institutional Investors contributing to food and energy price inflation ?’ And my answer is ‘YES’”.

|15| “Assets allocated to Commodity index trading strategies have risen from $13 billion at the end of 2003 to $260 billion as of March 2008”.

|16| Voir Testimony of Michael Greenberger, Law School Professor, University of Maryland, before the US Senate Committee regarding “Energy Market Manipulation and Federal Enforcement Regimes”, 3 juin 2008, p. 22.

|17| Jacques Berthelot, « Démêler le vrai du faux dans la flambée des prix agricoles mondiaux », 15 juillet 2008, p. 51 à 56. En ligne : www.cadtm.org/spip.php ?article3762

|18| http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=419336

|19| Paul Jorion, « Le suicide de la finance », Le Monde, 9 octobre 2012.

|20| Jean Ziegler, « La faim est faite de main d’homme et peut être éliminée par les hommes », interview donnée à Éric Toussaint, publiée le 11 février 2012 http://cadtm.org/La-faim-est-faite-de-main-d-homme Jean Ziegler est l’auteur de Destruction massive, géopolitique de la faim, Éditions du Seuil, Paris, 2012.

|21| Voir Le Monde, Quatre banques françaises accusées de "spéculer sur la faim", 11 février 2013 http://www.lemonde.fr/economie/arti... Sur la campagne internationale d’Oxfam, voir Financial Times, « Food price peculation taken off the menu », 4 mars 2013. Voir également sur le site d’Oxfam : EU deal on curbing food speculation comes none too soon, 15 janvier 2014, http://www.oxfam.org/en/eu/pressroom/reactions/eu-deal-curbing-food-speculation-comes-none-too-soon

|22| Voir http://blogs.lecho.be/argentcontent/2013/06/des-centaines-de-millions-deuros-belges-pour-sp %C3 %A9culer-sur-la-faim.html

|23| En ce qui concerne les propositions, l’auteur est redevable des discussions auxquelles il a participé en tant que conférencier au cours du séminaire organisé aux Canaries du 21 au 24 juillet 2008 par la commission Souveraineté alimentaire de l’organisation La Via Campesina. Évidemment le contenu de la présente étude et les propositions qu’elle contient sont de l’entière responsabilité de l’auteur, il n’engage en rien les personnes et les organisations citées.

Éric Toussaint, maître de conférence à l’université de Liège, préside le CADTM Belgique. Il est auteur du livre Procès d’un homme exemplaire, Éditions Al Dante, Marseille, 2013 ; Un coup d’œil dans le rétroviseur. L’idéologie néolibérale des origines jusqu’à aujourd’hui, Le Cerisier, Mons, 2010. Il est coauteur avec Damien Millet du livre AAA, Audit, Annulation, Autre politique, Le Seuil, Paris, 2012 ; La dette ou la vie, Aden/CADTM, Bruxelles, 2011. Ce dernier livre a reçu le Prix du livre politique octroyé par la Foire du livre politique de Liège, http://www.cadtm.org/Le-CADTM-recoi....

Prochain livre à paraître en avril 2014 : Bancocratie chez ADEN, Bruxelles, http://www.chapitre.com/CHAPITRE/fr...

Cette étude prolonge la série « Banques contre Peuples : les dessous d’un match truqué ! » parue en 2012-2013 sur www.cadtm.org ainsi que sous une autre version, la série Et si on arrêtait de banquer ?

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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