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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 22:16

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

Les 1 500 filiales « offshore » des entreprises du CAC 40

Le Monde.fr | 13.02.2014 à 17h28 • Mis à jour le 14.02.2014 à 09h45 | Par Mathilde Damgé

 
 
Des baigneurs, le 15 juillet 2013 aux Bermudes.

Les groupes du CAC 40 disposent de plus de 1 500 filiales dans les paradis fiscaux, selon une enquête publiée jeudi 13 février par la revue Projet. Ses auteurs assurent que, d'après leurs recherches, « la présence dans les paradis fiscaux n'a pas diminué depuis [...] 2009 ».

 

Les fleurons de la place française disposent d'exactement 1 548 sociétés dans des paradis fiscaux, selon les dernières publications de résultats des entreprises elles-mêmes (cotées, elles ont l'obligation d'indiquer à leurs actionnaires la liste complète de leurs filiales), données croisées avec celles des études faisant autorité (les travaux de l'association Tax Justice Network notamment) et la liste la plus récente des paradis fiscaux du Forum mondial sur la transparence.

« Avec 214 filiales offshore, BNP Paribas se place en tête suivie de LVMH (202), Kering (99), Crédit agricole (86) et Schneider Electric (75) », précise Projet.

 

Lire aussi : Crédit agricole, BNP Paribas... des banques françaises à l'ombre des "palmiers"

 

LE DEGRÉ DE CIVISME FISCAL DES MULTINATIONALES

Le procédé est simple, rappelle la publication jésuite : « Des filiales aux Iles Caïmans, au Luxembourg ou en Irlande présenteront des résultats fortement excédentaires, alors que les bureaux y seront peu peuplés, voire inexistants. » En l'occurrence, les terres de prédilection des entreprises tricolores sont des pays voisins : Pays-Bas, Belgique, Suisse et Luxembourg.

« L'on s'arrangera en revanche pour que la filiale française ou indienne, plus fortement imposée, évite d'afficher des bénéfices trop élevés », ajoute l'étude. Des pratiques qui n'amenuisent pas seulement la contribution fiscale de l'entreprise mais grignotent aussi l'intéressement des salariés aux bénéfices.

L'étude admet que cet inventaire ne suffit pas à « mesurer le degré de civisme fiscal des entreprises multinationales ». Avoir une filiale ou des comptes à l'étranger ne constitue pas en soi une tentative d'évasion fiscale ; c'est le cas, en revanche, quand le montage est volontairement complexe, masquant manifestement son véritable bénéficiaire.

La solution pour lever le doute, insistent depuis plusieurs années les militants en faveur de la transparence, serait de publier non seulement le nombre de filiales et leur localisation mais aussi des données plus complètes sur leur nombre de salariés, leur chiffre d'affaires et leurs bénéfices.

 

PARTIE VISIBLE DE L'ICEBERG

Car ces quelque 1 500 filiales « offshore » pourraient n'être que la partie visible de l'iceberg. Par exemple, France Télécom annonce 400 entités, mais n'en liste que 32. Danone publie les noms de 99 filiales sur 252 annoncées, Capgemini 124 sur 136, Legrand 34 sur 157, Veolia Environnement 106 sur 2 728 et Vivendi 57 sur 690.

« Vingt-trois sociétés du CAC 40 ne publient pas la liste complète des entités qu'elles consolident dans leurs comptes [y compris des groupes dans lesquels l'Etat possède une participation, comme EADS, GDF Suez ou France Télécom] », regrettent les auteurs de l'étude.

Parmi les grands groupes français, seuls ceux ayant une activité bancaire seront (à partir du 1er juillet 2015) tenus de donner les détails complets de leur structure, bénéfices compris.

Le Parlement français a certes adopté le principe d'une transparence pour tous les secteurs au-delà des banques, mais avec une réserve importante : les autres pays de l'Union européenne doivent adopter une mesure identique pour qu'elle devienne effective en France. « La transparence pays par pays figurera-t-elle parmi les contreparties du pacte de responsabilité ? », s'interroge la revue militante.

L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) étudie également cette possibilité d'étendre le principe de transparence au-delà du secteur bancaire, « mais des lobbies font tout pour en amoindrir la portée », avance Projet. La consultation publique que l'institution a ouverte sur le sujet se clôt à la fin de ce mois.

L'échange automatique de données en marche

 

L'OCDE a choisi sa norme d'échange automatique de données fiscales, qu'elle espère voir adoptée par le plus grand nombre de pays pour lutter contre l'évasion fiscale.

L'échange automatique de données va plus loin que des coopérations reposant sur la bonne volonté des différents pays concernés. Il doit débuter fin 2015.

La norme présentée jeudi est inspirée du système d'échange automatique de données opéré par les Etats-Unis. La loi américaine FATCA (Foreign account tax compliance act), qui a marqué un tournant dans la lutte contre l'évasion fiscale dans le monde, force les établissements financiers étrangers à informer le fisc américain sur leurs clients imposables aux Etats-Unis, sous peine de sanctions financières.

Toutefois, là où FATCA prend pour base la nationalité américaine des entreprises ou des particuliers, la norme de l'OCDE s'appuiera sur le critère de résidence.

 

 

Source : www.lemonde.fr

 

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 20:05

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/poj

 

Y aurait-il des escrocs du PPP (partenariat public privé) ?

Daniel Bursaux

 

Martine Orange publie "Ecomouv: les calculs de la haute administration" : «  Si c’était à refaire, je le referais. » Auditionné par la commission d’enquête sénatoriale, Daniel Bursaux, directeur général des infrastructures, a défendu le contrat de partenariat public-privé (dits PPP) pour l’écotaxe. Les engagements de l’État s’élèvent déjà 774 millions d’euros. Pour combler le manque à gagner, l’État envisage d’allonger la durée des concessions autoroutières, donc le profit d'entreprises privées, gestionnaires d'équipements publics, qu'elles percevront sur les usagers. Ecomouv est un impôt déguisé illustrant le retour des fermiers généraux de l'Ancien Régime. Une régression de trois siècles défendue par un haut fonctionnaire de la République.

Daniel Bursaux est polytechnicien, comme l'ex-PdG Didier Lombard de France télécom qui avait lancé "la mode des suicides", et ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts. Le cursus de ce (très) haut fonctionnaire témoigne d'une très grande compétence et d'un niveau très élevé d'appréciation des dossiers les plus complexes.

Son analyse très favorables des PPP est extraordinaire en considération des articles publiés par Médiapart sur Ecomouv et l'étendue du scandale des Partenariat Public-Privé.

Le négationnisme paraît aurait-il aussi atteint la sphère de l'analyse économique et celle des évidences poltitiques ?

Il est en effet très étonnant que le caractère ruineux des PPP sur les comptes publics échappe puisse échapper à un ingénieur général, quant ce caractère ruineux est régulièrement exposé et débattu dans la presse. Comme dans le documentaires accessible actuellement sur ARTE : " Les partenariats public privé : un marché de dupes ?" (diffusé mardi 11 février à 22h35 (75 min) rediffusé vendredi 21.02 à 9h00)

Un gestionnaire privé est poursuivi pour banqueroute quant il maintient artificiellement l'activité de son entreprise par des moyens ruineux. Il existe une responsabilité comparable dans la gestion publique.

Un haut fonctionnaire a une obligation de conseil du politique selon la jurisprudence de la Cour de discipline budgéteire et financière.

Cette obligation de conseil du haut fonctionnaire l'oblige à éclairer précisément et donner l'information la plus pertinente pour permettre au politique de prendre la décision la plus conforme possible au principe de précaution des deniers public, lequel principe fonde l'action de la Cour des comptes. Cela paraît s'imposer d'autant plus en période de crise et d'austérité, comme le rappelle la Cour des comptes et le politique lui-même.

Le défaut de cette obligation de conseil entraîne donc la responsabilité personnelle du haut fonctionnaire défaillant comme l'a déjà condamné la Cour de discipline budgétaire et financière dans son Arrêt n°177-684 du 13/07/11 : Rectorat de l'académie de Paris  :

« Considérant que le fait, pour le directeur de cabinet d’un ministre, de ne pas alerter celui-ci sur les risques juridiques de ces nominations, et les difficultés de gestion qu’elles entraîneraient nécessairement, constitue une faute de gestion relevant de l’article L. 313-4 du code des juridictions financières qui sanctionne « toute personne visée à l'article L. 312-1 qui (…) aura enfreint les règles relatives à l'exécution des recettes et des dépenses de l'Etat » 

La prétention d'un haut fonctionnaire à s'abriter derrière des certitudes et des arguments d'autorité ne peuvent donc pas l'exonérer de ses responsabilités ni faire échec à la loi, qui est une infraction comme l'apprend Madame Christine Lagarde.

Ne pourrait-on d'ailleurs pas poursuivre les cocontractants de "PPP" douteux et secrets - ce n'est pas ce qui manque - pour escroquerie en bandes organisées ?

Ecotaxe: «On s’est fait enfumer»

Ecotaxe: les responsables d'Ecomouv esquivent face aux sénateurs

Le contrat qui devait vendre Ecomouv à l'opinion

Il semble donc que Monsieur Bursaux devrait adopter un propos moins péremptoire sur son attachement aux partenariats public privés.

Monsieur Bursaux devrait même s'attacher à donner des réponses précises sur son travail et les éléments pris en comptes pour aboutir aux affirmations qu'il fait.

Surtout qu'ARTE consacre un documentaire très édifiant à ce mode de contrats publics, les PPP, qui en établit la très grande perfectibilité et le déséquilibre important dans les comptes-publics ; ce qui est d'autant plus facilité par l'absence de contrôle démocratique sur la passation de ces contrats ; faisant ainsi obstacle au droit principal du parlement qui est de discuter et d'approuver la dépense publique. Les professeurs d'histoire de collège devraient le confirmer, ce serait même l'acquis principal de la Révolution. A moins que les programme aient changés pour s'adapter à la promotion de l'optimisation immédiate des profits des plus riches sur le dos des autres.

Le régime juridique des partenariats publics privés méprise donc le fonctionnement des institutions et notamment la compétence exclusive du législateur en matière de finance posée par l'article 34 de la Constitution : "Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat ".

" L’article 34 n’est pas une simple norme de procédure :  il porte en lui la substance démocratique."

Le Conseil constitutionnel condamne les atteintes à cette compétence exclusive, sanctionnant même l'incompétence négative du législateur, c'est-à-dire l'impossibilité du législateur à déléguer sa compétence à une autorité administrative.

Les "PPP" méprisent le principe de séparation des pouvoirs au profit d'intérêts financiers privés.

Les "PPP" sont en effet très rémunérateurs pour les cocontractants privés (voir le documentaire d'ARTE).

Les "PPP" tendent à remplacer les "délégations de service public" (DSP) dans lesquelles des affaires de corruption avaient déjà été relevées, poursuivies et condamnées. Cela n'est pas prêt de s'arranger puisque la passation des "PPP" est nettement plus opaque que celle des "DSP".

Cette évolution des contrats publics d'équipements d'intérêt général déroge de plus en plus au code des marchés publics et contourne le contrôle démocratique sur les conditions de passation du marché.

Il y a donc manifestement une escroquerie à l'impôt à laquelle les hauts fonctionnaires ne peuvent pas, sans commettre sinon de faute sanctionnable par la Cour de discipline budgétaire et financière, apporter une contribution favorable.

Il est étonnant qu'un pouvoir déclarant la France en banqueroute (François Fillon "Je suis à la tête d'un Etat qui est en situation de faillite") ait signé des PPP (Ecomouv', Palais de justice de Paris, Pentagone français Balard, TGV Bordeaux, Aéroprt de Notre dame des Landes, ...) qui sont des moyens ruineux.

L'actualité montre toute la confiance que l'Etat peut avoir dans les chefs d'entreprises :

Escroquerie à la formation professionnelle: une information judiciaire est ouverte

IUMM : Denis Gautier-Sauvagnac condamné à un an de prison ferme

Le jugement qui condamne l'UIMM et sa caisse noire

Le fondateur de PIP cherchait à rebondir

...

Nous sommes passés de l'Etat de droit au régime d'autorités-carpettes, bien éloigné de l'exigence d'exemplarité des cadres de la Nation.

La France souffre moins d'un manque de formation que d'un manque de personnes à la hauteur de leurs fonctions. Cest d'autant plus sensible qu'on s'élève dans la hiérarchie politico-administrative comme paraît l'illustrer le dossier Ecomouv :

Ecomouv: les calculs de la haute administration

Amnésie générale autour du contrat Ecomouv

Le ministre des transports veut signer au plus vite avec Ecomouv

Si Ecomouv était encore un cas isolé, mais ce n'est pas le cas :

Mediator: l’étonnante ignorance du professeur Abenhaim, directeur général de la santé

PIP : un nouveau rapport confirme l'incurie de l'Afssaps

Mediator: l'enquête qui sonnait l'alerte dès 1998 a été enterrée

Saint-Tropez: une enquête pour trafic d'influence va animer les municipales

L'étau judiciaire se referme sur Dassault

Marchés truqués en Essonne: Xavier Dugoin, un revenant aux affaires

Accord transatlantique: Hollande joue avec le feu

...

L'accord transataltique serait-il un super PPP, en son genre. Il est secret et on sait déjà qu'on va dans le mur.

PPP : un Petit Plan entre Potes ?

 

 

Source : blogs.mediapart.fr/blog/poj

 

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 19:51

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Affaire Kerviel : une justice rondement menée

|  Par martine orange

 

 

 

La Cour de cassation a examiné ce 13 février le pourvoi déposé par Jérôme Kerviel. L’avocat général a balayé les moindres questions qui auraient pu bénéficier à l’ancien trader de la Société générale. Décision le 19 mars.

Le dossier a été rondement mené. En moins de trois heures, la Cour de cassation a examiné le pourvoi déposé par Jérôme Kerviel, avant de décider de renvoyer son verdict au 19 mars. Mais dans cette affaire, tout a été expédié. Alors que la justice a mis plus de douze ans avant de juger la faillite du Crédit lyonnais, que Jean-Marie Messier, accusé d’avoir conduit Vivendi Universal à la faillite en 2002, est encore en train d’attendre le verdict de la cour d’appel – qui lui sera sans doute favorable –, en moins de six ans, Jérôme Kerviel a épuisé tous les recours de la justice.

 

 

L’ancien trader de la Société générale a été condamné pour abus de confiance, faux et usage de faux, intrusion frauduleuse de données dans le système de traitement automatisé, à cinq ans de prison dont deux avec sursis et à 4,915 milliards d’euros de dommages et intérêts. La peine a été confirmée en appel. Jérôme Kerviel et l’association « Halte à la corruption, à la censure, au despotisme et à l’arbitraire » s’étaient pourvus en cassation. Mais seul le pourvoi de Jérôme Kerviel a été admis.

L’ancien trader, qui a reconnu avoir mené des opérations fictives, a toujours nié avoir réalisé ces opérations en secret. « Toute ma hiérarchie était au courant », n’a-t-il cessé de plaider. Ce que confirme un ancien trader de la Société générale (voir Les Confessions d'un trader). Toutes les demandes d’expertises indépendantes, que ce soit pour les courriels internes de la Société générale, les bandes d’enregistrement lors de la découverte des pertes en janvier 2008, les pertes estimées par la Société générale (voir notre dossier : l’affaire Kerviel), lui ont systématiquement été refusées par la justice. Celle-ci s’est appuyée sur les seuls dires de la banque et des documents qu’elle avait mis à sa disposition, au point que dans son évaluation des dommages et intérêts, elle n’a même pas retenu le 1,7 milliard d’euros de crédit d’impôt consenti par Bercy dès mars 2008, que la Société générale avait omis de mentionner.

L’avocat de Jérôme Kerviel, Me Patrice Spinosi, avait soulevé plusieurs moyens pour contester le jugement de la cour d’appel : violation du code de la procédure pénale, responsabilité de la Société générale mise en cause par la Commission bancaire qui avait sanctionné les manquements de la banque, absence de profit personnel, condamnation civile (dommages et intérêts) disproportionnée. Tous ces moyens ont été rappelés à l’audience, comme toutes les objections données par l’avocat général, Yves Le Baut.

Dans un très long avis écrit, l’avocat général avait contesté tous les arguments du pourvoi. Passant vite sur le non-respect du code de procédure pénale – « Il appartient au président à qui incombe la direction des débats (..) de conduire ceux-ci comme il l’entend » –, il s’attarde surtout sur le fond du dossier, au cœur du pourvoi en cassation : la Société générale a-t-elle ou non une part de responsabilité dans les opérations fictives menées par son trader ?

La banque a toujours défendu qu’elle ignorait tout des positions prises par son trader, qui lui ont permis malgré tout d’empocher un résultat de 1,4 milliard d’euros en 2007 – un record absolu pour un trader, lequel qui avait engagé début janvier 2008 50 milliards d’euros, soit l’équivalent des fonds propres de la banque. Certes, la banque avait reconnu être coupable de négligence, mais rien n’avait été de son fait.

 

 

Lors des auditions au cours du procès, plusieurs témoins avaient contesté la ligne de défense de la Société générale. Revenant sur les procédures internes et externes du monde financier, ils avaient souligné combien il était impossible que la banque ignore tout des agissements de son trader, surtout au vu des montants engagés. Un ancien responsable du marché à terme international de France (Matif) avait notamment rappelé que toutes les opérations menées par Jérôme Kerviel intervenaient sur des marchés régulés, et passaient donc obligatoirement par la chambre de compensation Eurex. Chaque soir, celle-ci faisait la balance et demandait des appels de marge aux banques pour couvrir des positions perdantes.

Cela avait été le cas pour les positions de Jérôme Kerviel. Ses engagements étaient même si énormes qu’Eurex s’en était alarmée et avait écrit en octobre 2007 au responsable de la déontologie de la banque pour s’en inquiéter et demander des éclaircissements. La banque l’avait rassurée. Par la suite, la direction de la banque avait invoqué la négligence dans ses contrôles pour justifier cette réponse. À aucun moment, la justice n’a entendu les responsables d’Eurex. Ceux-ci l’ont été par la suite au cours d’une plainte déposée par Jérôme Kerviel, mettant en cause la responsabilité de la banque. Mais la plainte a été classée sans suite et les déclarations des responsables d’Eurex ont été enterrées.

De même, lors du procès, un ancien responsable de la société de courtage Fimat, filiale de la Société générale qui réalisait des opérations de la banque, avait raconté combien la suractivité de Jérôme Kerviel désorganisait son entreprise et qu’en juin 2008, ils continuaient à dénouer les opérations du trader, censées avoir été toutes débouclées le 25 janvier 2008. Depuis, il est au chômage et considéré comme un pestiféré dans le monde financier : il a brisé l’omerta.

Exception française

 

 

Lors de ce même procès en appel, d’anciens supérieurs hiérarchiques de Jérôme Kerviel avaient reconnu avoir quitté la banque à la suite de transactions. Les montants proposés par la banque étaient inconnus : les indemnités de licenciement correspondaient à sept années de salaire, quand les tribunaux accordent au grand maximum pour un préjudice jugé immense deux ans et demi de rémunérations. Dans l’accord transactionnel, il était précisé que le salarié s’engageait « à respecter la confidentialité des informations relatives tant à l’activité de la Société générale qu’à celle de ses filiales et partenaires dont il a pu avoir connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions et à ne rien faire, dire, suggérer, qui puisse porter atteinte à l’image, à la réputation et à la considération de la Société générale ».

Lors du procès en appel, l’avocat de Jérôme Kerviel, David Koubbi, avait demandé à un des anciens supérieurs du trader, Martial Rouyère, qui avait bénéficié d’une de ses transactions, ce qui se passerait s’il parlait. « Je dois rendre l’argent », avait-il expliqué (voir Le prix du silence). La cour n’avait même pas relevé la déclaration, alors qu’aucun accord de confidentialité ne peut normalement être invoqué devant la justice. En français dans le texte, on pourrait même se demander si un tel accord ne relève pas de la subornation de témoin.

Dans son jugement, la cour d’appel avait exclu toute responsabilité de la banque dans la fraude. Dans son pourvoi, l’avocat de Jérôme Kerviel rappelait que les manquements de la banque relevés par la Commission bancaire « étaient de nature à interdire que soit établi tout détournement, lequel ne peut être caractérisé quand celui qui s’en prétend victime en connaissait ou aurait dû en connaître l’existence et partant, par son inaction, a contribué à la réalisation de l’infraction ».

Contestant ce moyen soulevé devant la Cour de cassation qui, pour lui, s’apparente à remettre en cause le jugement sur le fond, l’avocat général répond quand même à la question. Il reprend l’argumentaire de la banque, qui a séduit la justice. Pour lui, la banque, même si elle a commis des manquements et des erreurs, ne saurait avoir une part de responsabilité dans les opérations fictives de Jérôme Kerviel. « Une victime négligente n’est pas pour autant une victime consentante et l’on ne peut tirer pour conséquence du défaut de vigilance de la partie civile son adhésion à la commission des agissements qui lui ont porté préjudice », écrit l’avocat général.

Un argument longuement repris lors de l’audition. Pourtant, comme l’attestent des procès-verbaux du comité central d’entreprise de la banque, la Société générale avait déjà connu plusieurs accidents comparables sur des activités de trading, dont un six mois avant qui s’était achevé par le suicide du trader (voir Et si la Société générale n’avait rien retenu). Mais la Société générale ne saurait être coupable, même de négligence.

Une exception bien française. Au cours des différents procès sur des fraudes de trader, sur les subprimes ou sur des marchés obligataires – la baleine londonienne notamment – qui ont eu lieu récemment à Londres ou New York, la justice, britannique ou américaine, a toujours considéré que les banques en cause avaient des responsabilités dans ce qui s’était passé. Celles-ci ont accepté de payer des amendes massives – 550 millions de dollars pour Goldman Sachs dans l’affaire Tourre, 920 millions de dollars pour JPMorgan dans l’affaire de la baleine de Londres – pour éviter des procès publics. Un dispositif de faveur qui est lourdement contesté par l'opinion publique aux États-Unis. Que diraient-ils s'ils étaient en France ? Car ici, c’est l’inverse : non seulement la banque est dédouanée de toute responsabilité, mais en plus, l’État lui fait cadeau de 1,7 milliard d’euros d’impôt !

L’autre contestation de l’avocat de Jérôme Kerviel portait sur le montant des dommages et intérêts demandés, alors que le trader n’avait tiré aucun profit personnel de ses opérations fictives et que les montants étaient disproportionnés. Enfin, le préjudice de la Société générale est peut-être lié à la façon dont la banque a débouclé les positions ? 

Dans un long argumentaire, l’avocat général balaie toutes ces objections. La loi, rappelle-t-il, ne prend pas en compte la notion de profit personnel dans les affaires de fraude et d’abus de confiance. Certes, admet-il, il est arrivé dans le passé que des cours d’appel retiennent l’absence de profit personnel dans les affaires pour fraude et abus de confiance. De même, certaines prenaient en compte la négligence de la victime. Dans ses arrêts, la chambre criminelle de la Cour de cassation avait aussi retenu cet aspect du profit personnel dans le passé. Mais le droit a changé: « depuis une douzaine d’années, les arrêts récents de la chambre criminelle ne font plus une quelconque référence à une telle absence de profit », insiste-t-il.

Ecrit d'avance

Que Jérôme Kerviel ait gagné 1,4 milliard sur ses opérations de trading en 2007, qu’il n’en ait pas détourné un centime à son profit, alors que tout cela aurait été possible puisque la banque dit n’avoir découvert ces sommes que par la suite, ou qu’il ait mis toutes ces sommes sur un compte dans quelque paradis fiscal, ne fait donc aucune différence aux yeux de la justice. Les circonstances atténuantes ne semblent pas jouer dans ce cas-là. De même, le fait que la Société générale ait fait pour le moins preuve de négligence ne saurait lui non plus être pris en compte. « Juger autrement conduirait à considérer comme en parties équivalentes, dans la réalisation du dommage, l’action criminelle ou délictueuse de l’accusé ou du prévenu et la négligence éventuelle de la partie civile (à supposer au demeurant que cette négligence soit en lien direct avec le dommage) », conclut l’avocat général.

 

 
© Reuters
 

Il oppose une même fin de non-recevoir à l’évaluation des dommages subis par la Société générale. La banque a donné l’évaluation de ses pertes, le 24 janvier 2008, en même temps qu’elle révélait la fraude de Jérôme Kerviel. Or, à cette date, de l’aveu même de la Commission bancaire, la banque n’avait pas dénoué toutes les positions prises par son trader. De plus, comme le dit avec insistance l’avocat de Jérôme Kerviel, et à juste titre, la façon dont les positions sont débouclées, les jours où les transactions sont exécutées – cette semaine-là, les marchés américains étaient fermés pour deux jours –, l’heure même où tout cela s’est fait, peuvent faire varier sensiblement les résultats, aggraver ou réduire la perte, voire faire un profit.

Mais la justice n’a jamais cherché à aller très loin sur ce point. Les dires seuls de la Société générale ont fait autorité. Aucune expertise indépendante n’a été réalisée. « Si la justice voulait vraiment savoir la vérité sur ce qui s’était passé, elle en avait tous les moyens (…). Pourquoi n’avoir rien demandé à Eurex ? C’est la chambre de compensation qui fait office de notaire sur ce marché réglementé. Elle a toutes les preuves, les traces de tous les mouvements », expliquait l ancien informaticien chez Fimat, à Mediapart.  

Dans son jugement, la cour d’appel avait répondu à ces questionnements en s’appuyant sur le rapport Lagarde, commandé par la ministre des finances de l’époque. « Le rapport Lagarde du 4 février indique qu’Eurex et Liffe, gestionnaires des marchés concernés, auraient confirmé à l’AMF ne pas avoir de critiques à formuler sur les opérations de la banque pendant les trois journées du 21 au 23 janvier. » Des informations de troisième main au conditionnel, sans avoir entendu un seul intéressé, deviennent donc une preuve indéniable. « En statuant ainsi, la cour d’appel a sans insuffisance ni contradiction justifié l’octroi de dommages-intérêts à la partie civile en réparation d’un préjudice dont elle a souverainement constaté qu’il résultait directement des infractions dont elle a déclaré le prévenu coupable », analyse l’avocat général.

Dès lors, la condamnation à payer 4,915 milliards d’euros de dommages et intérêts s’impose. Balayant les accusations d’une condamnation civile à perpétuité au vu des montants demandés, l’avocat général insiste : « L’octroi de dommages et intérêts, qui ne représente pas le caractère d’une sanction pénale, n’est nullement fonction d’un manquement commis par le condamné mais exclusivement du préjudice subi par la victime ; dès lors, aucun principe de proportionnalité ne peut être invoqué à cet égard », écrit-il. 

« Qu’on ne vienne pas ici nous jeter à la face les déclarations paternalistes de l’établissement bancaire qui, pour faire bonne figure, prétend qu’il n’entend pas poursuivre le recouvrement sur l’ensemble de ces sommes », a rétorqué l’avocat de Jérôme Kerviel à l’audience. Admettre un partage des responsabilités serait « prendre le risque d’ébranler le droit stable », lui a rétorqué l’avocat général, en réponse à sa demande de révision des dommages et intérêts.

Dans son avis, l’avocat général conclut en s’appuyant sur l’avis du professeur de droit Mortier, qui semble résumer son état d’esprit : « Se servir du caractère exorbitant de cette somme pour tenter de discréditer des magistrats, faire penser qu’ils pourraient manquer de mesure, ne pas avoir le sens de la justice, voire être sujets aux pressions des puissances financières, est dans le meilleur des cas, profondément injuste. »

Après un tel réquisitoire, où tous les éléments qui pourraient introduire ne serait-ce qu’un questionnement sur le déroulé de la justice, l’équité du procès, ou les preuves, sont balayés, le cours de la justice paraît écrit d'avance. La Cour de cassation doit rendre son arrêt le 19 mars. Mais le parquet a déjà fait savoir que Jérôme Kerviel serait incarcéré dans un délai rapproché, en cas de rejet du pourvoi. Une affaire rondement menée, décidément.

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 18:39

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Consommation

Saint-Valentin : dans les coulisses pas très romantiques du business de la rose

par Ivan du Roy 14 février 2014

 

 

 

 

 

Des centaines de millions de roses sont importées en Europe à l’occasion de la fête des amoureux. Elles viennent du Kenya, d’Éthiopie et d’Amérique latine, cultivées dans des fermes géantes. Malgré les efforts réalisés par certains groupes horticoles, les conditions de travail y demeurent pénibles. Et l’irrigation intensive met en péril les ressources en eau. En France, en l’absence de labels clairs, impossible pour le consommateur de faire la différence entre une rose cultivée dans des conditions convenables et les autres.

Plus de 600 millions de roses vont se vendre en France cette année [1]. Près de 10 par habitant, dont une partie non négligeable est offerte à la Saint-Valentin, puis lors de la Fête des mères. Des roses rouges pour l’amour « passionné », blanches pour l’amour « courtois » ou jaunes pour célébrer une amitié… La fête des amoureux est aussi celle du marché de la « transmission florale ». Une journée qui pèse fortement sur le marché international, célébrée en même temps en Europe et en Amérique du Nord. « A partir du moment où une grande partie des roses est vendue sur deux jours dans l’année, une gigantesque production doit s’organiser pour disposer de la quantité de fleurs nécessaires », précise Christophe Alliot, co-fondateur du Bureau d’analyse sociétal pour une information citoyenne (BASIC). Exemple chez un fleuriste parisien qui commande habituellement un millier de tiges de roses par jour d’ouverture. En prévision de la Saint-Valentin, il en achètera 8 500 à son grossiste de Rungis.

D’où viennent ces millions de roses cultivées spécialement pour colorer un dîner romantique ? Environ une rose sur quatre commercialisée en France aura fleuri dans l’Hexagone, principalement dans le Var et le Finistère. Et les autres ? Qu’on les achète directement chez un fleuriste ou que l’on commande un bouquet en ligne, la route de la rose mène aux Pays-Bas. Le secteur horticole s’y porte plutôt bien. Les Pays-Bas en sont les leaders au sein de l’Union européenne, qui reste le premier producteur de fleurs et de plantes ornementales avec 42% de la production mondiale en 2012 [2].

La route de la rose mène en Afrique

Si les Pays-Bas continuent d’alimenter le marché de la rose, le vieux continent en importe la plus grande partie. D’Amsterdam, où arrivent par avion les colis de fleurs, la route de la rose nous emmène ensuite vers les pays qui bordent l’équateur : en Afrique de l’Est d’abord, au Kenya (31% des importations européennes de fleurs coupées, des roses dans leur grande majorité) et en Éthiopie (12%). En Amérique latine ensuite, principalement en Équateur (8%) et en Colombie (7%). L’ensoleillement et l’altitude y permettent de cultiver des roses toute l’année.

Lorsqu’un joli bouquet arrive chez vous, la probabilité est donc grande qu’il soit composé de roses kényanes. Elles auront voyagé environ 72h, et parcouru plus de 7 000 km. Les roses sont d’abord coupées dans un champs à proximité du lac Naivasha (à 2000 mètres d’altitude), où se concentre la plus grande partie des plantations horticoles du pays. Elles sont ensuite transportées dans des camions réfrigérés pour éviter qu’elles ne se dégradent. Puis prennent l’avion, destination Amsterdam. Les deux tiers seront vendus aux enchères à des grossistes qui les revendront à des fleuristes indépendants, à des enseignes comme Interflora, Florajet ou Monceau fleurs, qui les commercialiseront via leur réseau de détaillants, ou à des grandes surfaces. D’autres prendront directement la route vers un atelier, comme celui d’Aquarelle dans l’Oise, où elles seront assemblées en bouquets par une centaine de salariés. Pour être à leur tour livrées à leurs destinataires, quelque part entre Dunkerque et Perpignan, quitte à reprendre l’avion. A chaque étape, la chaîne du froid doit être maintenue pour éviter que les roses ne fanent trop vite.

Fermes et serres géantes de 5 000 ouvrières

C’est dans les années 90 que de grands groupes investissent dans des fermes florales le long de l’équateur : la compagnie fruitière états-unienne Dole Food en Amérique latine, des compagnies britanniques, néerlandaises ou indiennes au Kenya puis plus récemment en Éthiopie. Au bord du lac Naivasha, des fermes géantes peuvent employer jusqu’à 5 000 travailleurs. Ce business mondialisé de la rose a bien évidemment des conséquences sociales et écologiques. Le coût climatique n’est pas forcément le problème le plus grave : même en incluant le transport aérien vers l’Europe, une rose kényane émet six fois moins de CO2 qu’une rose néerlandaise, qui fleurit à l’abri de serres chauffées au gaz naturel [3]. « La dépense énergétique engendrée par l’achat d’un bouquet de 25 roses, équivaut à une balade en voiture de 20 kilomètres », estimait cependant un article de Terra Eco [4].

Au Sud, d’autres problèmes se posent. La ville de Naivasha a ainsi dû faire face à l’afflux de travailleurs pour les plantations et de leurs familles : en deux décennies, sa population est multipliée par 40, passant de 6 000 à 240 000 habitants ! Les infrastructures ne suivent évidemment pas. Les écoles accueillent 80 enfants par classe, les lits d’hôpitaux doivent être partagés à deux. Les tensions s’accroissent entre locaux et migrants. Et les conditions de travail dans les plantations sont particulièrement pénibles. En Colombie, « les heures de travail peuvent être longues, jusqu’à 60 heures par semaine », avec « six à dix heures supplémentaires par jour durant la saison de pointe dans les semaines précédant la Saint-Valentin », décrit en 2010 une ONG québécoise, le Comité pour les droits humains en Amérique latine (la moitié des fleurs importées par le Canada viennent de Colombie).

3 centimes par rose pour les employées des plantations

En Afrique de l’Est, les salaires des employés des serres – principalement des femmes – ne suffisent pas à couvrir les besoins de base, constate une étude de l’organisation Women Working Worldwide réalisée auprès de 38 000 femmes travaillant dans des fermes horticoles en Afrique de l’Est [5] : entre 59 et 94 dollars par mois pour une ouvrière kényane, entre 28 et 46 dollars pour une Éthiopienne. Lorsqu’un consommateur en Europe achète une rose à 1,5 €, seulement 0,03 € arrivera dans la poche de ceux qui l’ont fait pousser, soit 2% du prix de vente final. Une rose est vendue 0,12 € à la sortie de la ferme. Après son arrivée à Amsterdam, elle est achetée 0,8 € par les détaillants. Entre les deux bouts de la chaîne, le coût se répartit entre les marges des éventuels intermédiaires, ainsi que le prix du transport, surtout aérien [6].

A cette faible rémunération du travail, s’ajoutent des risques importants pour la santé, causés par l’usage intensif de pesticides et d’engrais chimiques. « En Colombie, on utilise une moyenne de 200 kilos de pesticides par hectare, soit le double de la quantité utilisée aux Pays-Bas pour la même superficie, et environ 75 fois plus que l’agriculture conventionnelle dans les pays industrialisés », pointent les Québécois. « En Équateur, nous avons observé plusieurs cas de travailleuses atteintes de cancer vers 45 ans. Comme elles n’étaient pas déclarées, elles n’avaient droit à rien », raconte Christophe Alliot, qui s’était rendu sur place dans le cadre d’une mission de Max Havelaar, l’une des principales organisations de commerce équitable. En France, pas moins de 26 herbicides, insecticides et fongicides peuvent être épandus sur les cultures de fleurs.

Vers l’assèchement du lac Naivasha ?

Les roses sont aussi gourmandes en eau : 7 à 13 litres sont nécessaires pour qu’un bouton arrive à maturité. Résultat : le niveau du lac Naivasha, où les fermes puisent leur eau, baisse inexorablement. Une baisse « qui coïncide avec le début des cultures horticoles dans la région en 1982 », estime une étude de l’Unesco, publiée en 2010. Une recherche plus récente menée conjointement par l’Université de Bonn (Allemagne) et de Twente (Pays-Bas) montre que le lac ne serait plus qu’à 60% de son volume initial. Le second lac kényan connaîtra-t-il le funeste destin de la mer d’Aral ? Le péril pèse aussi bien sur l’économie de la rose, sur les habitants de la zone, que sur les tribus pastorales masaï dont les troupeaux viennent s’abreuver sur les rives du lac. En attendant, la situation « crée des tensions entre les éleveurs et les fermes capitalistiques », pointe Christophe Alliot.

Face au risque d’épuisement de la ressource en eau et aux indignations provoquées par les conditions de travail, plusieurs groupes horticoles assurent avoir adopté des pratiques un peu plus responsables. En Suisse, une mobilisation d’organisations non gouvernementales puis un travail entrepris par Max Havelaar, avec le soutien des enseignes de grande distribution et l’appui des pouvoirs publics, ont permis à ce qu’une première ferme importante soit certifiée « commerce équitable », dès 2005 (la ferme Panda Flowers). Au Royaume-Uni, le groupe Flamingo, qui produit chaque année 120 millions de roses à Naivasha destinées au marché britannique, assure avoir diminué de moitié la consommation d’eau, réduit l’épandage de pesticides et amélioré les conditions de travail.

Invisibilité des roses labélisées

Et en France ? La PME Aquarelle, l’une des principales enseignes de vente de fleurs en ligne, se fournit directement auprès d’une demi-douzaine de fermes au Kenya et en Éthiopie [7] « Nous essayons d’être attentifs. Nous allons voir sur place. Nous travaillons avec des fermes qui tentent de ne pas utiliser de pesticides. Et quand nous ne pouvons pas rencontrer le personnel, nous ne retenons pas la ferme parmi nos fournisseurs », répond François de Maublanc, le PDG d’Aquarelle, qui reconnaît cependant ne pas avoir mis en place de charte éthique ni procéder à des évaluations objectives de ses fournisseurs. « Entre les normes objectives et ce que font les gens, il y a toujours un écart », se défend le PDG.

Plusieurs certifications existent en matière de qualité des fleurs, de critères sociaux et environnementaux [8], mais elles sont invisibles pour le consommateur. « Il existe plusieurs labels, qui ne sont pas valorisés par le marché. Dans ces conditions, il est difficile d’avoir un cercle vertueux qui entraînerait les producteurs de fleurs », explique Christophe Alliot. D’autant qu’il faut se méfier des « bonnes pratiques » un peu trop paternalistes. Investir dans des écoles ou des dispensaires autour des fermes, c’est bien. « Mais cela crée un phénomène de dépendance. Un salarié qui est en désaccord avec son employeur risque de tout perdre : son salaire, l’école pour ses enfants, son centre de santé, et parfois sa maison », prévient Christophe Alliot. « Ces certifications n’auront un effet levier que si elles s’accompagnent d’un véritable travail avec le producteur et les employés, et pas seulement d’un audit une fois dans l’année. Pour les fermes certifiées en commerce équitable, trois ans de travail ont été nécessaires pour organiser des réunions avec les salariés, leur expliquer leurs droits, leur donner envie de se syndiquer. » Aujourd’hui, 20 plantations de fleurs sont certifiées Fairtrade/Max Havelaar au Kenya, dont la ferme Oserian qui compte 4 300 salariés.

Des efforts sont donc entrepris. Mais en l’absence de labels clairs, impossible pour le consommateur de faire la différence entre une rose cultivée dans des conditions convenables et les autres. La multinationale indienne Karuturi, qui produit 580 millions de roses par an au Kenya et en Éthiopie, dont une partie est exportée vers l’Europe, a ainsi été accusée d’évasion fiscale par l’administration kényane. Depuis cet hiver, elle est aussi l’objet de grèves et de protestations de ses salariés kényans, qui dénoncent le non-paiement des salaires, l’absence de protection contre les pesticides ou le harcèlement sexuel de la part des managers. « Karuturi veille à ce que ses employés aient de bonnes conditions de travail et une rémunération équitable », a répondu la firme, par publicité interposée. Karuturi fournit-elle le marché français ? « On ne traite pas avec eux. Ce mouvement social, c’est la meilleure nouvelle qui puisse arriver », commente François de Maublanc, pour la société Aquarelle. « Quand bien même une moitié de producteurs seraient vertueux, si l’autre moitié fait n’importe quoi, cela n’est pas suffisant. C’est l’ensemble du secteur qui doit arrêter les pratiques les plus néfastes, par la régulation publique si nécessaire », conclut Christophe Alliot. Alors, quelle sorte de roses offrirez-vous à la personne que vous aimez ?

Ivan du Roy

Photo : CC Frédéric Le Gac

 

 

Notes

[1Selon la dernière étude de référence disponible, publiée par FranceAgriMer en 2009, 190 millions de roses ont poussé en France – une production en déclin depuis 20 ans – et plus de 470 millions ont été importées. 65% des fleurs coupées achetées sont des roses.

[2En son sein, la France arrive en quatrième position, derrière les Pays-Bas, l’Italie et l’Allemagne, au coude à coude avec l’Espagne.

[3Comparative Study of Cut Roses for the British Market Produced in
Kenya and the Netherlands
, Department of Natural Resources Cranfield University (février 2007).

[4Article publié en 2007, à lire ici en accès abonné.

[5Achieving a Living Wage for African Flower Workers, printemps 2013.

[6Source : A Study on the Kenyan-Dutch Horticultural Supply Chain, une étude publiée en mai 2012 par le ministère de l’économie néerlandais.

[7Nous avons également contacté par courriel Interflora, qui n’a pas répondu.

[8Florimark MPS, la certification la plus répandue, Fair Flowers Fair Plants (FFP), Ethical Trade Initiative (ETI), Flower Label Program (FLP) et les normes des Fairtrade Labelling Organizations (FLO) avec le label Fairtrade (Max Havelaar) destiné au consommateur.


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Source : www.bastamag.net

 

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 18:24

 

Source : dechiffrage.arte.tv/2-chomage

 

Ce qui se cache derrière le taux de chômage

<Voir tous les articles

 

Le taux de chômage ne dit pas tout de la situation du travail dans un pays. Certaines formes d'emplois précaires ou à temps partiel ne font en effet que transformer des chômeurs en travailleurs pauvres. Il est donc nécessaire d'aller au-delà du chiffre du chômage.

 

 

Source : dechiffrage.arte.tv/2-chomage

 

 

On travaille toujours moins

 

 

Dans tous les pays développés, la tendance à long terme est à la baisse du nombre d'heures travaillées.

 

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14 février 2014 5 14 /02 /février /2014 18:20

 

 

 

 

(source INSEE)

 

 

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 22:34

 

Source : sosconso.blog.lemonde.fr

 

Démarchage téléphonique: le lobby des centres d’appels a gagné

 

 

 
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Nombre de lecteurs de Sosconso vont être fort déçus d'apprendre que le sénateur Jacques Mézard (Rassemblement démocratique et social européen, Cantal), farouche opposant au démarchage téléphonique, a été défait par le lobbying des centres d'appel.

Son amendement, qui réclamait un consentement du consommateur, préalablement à toute intrusion téléphonique, ne sera pas intégré au projet de loi consommation qui doit être définitivement adopté, jeudi 13 février.  

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M. Mézard partait du principe que personne n'a envie d'être dérangé par un démarcheur téléphonique: ceux qui le souhaitent doivent s'inscrire sur un fichier ad hoc. Les professionnels ne pourraient ainsi contacter que ces volontaires - soit pas grand-monde.

M. Mézard préconisait ainsi une formule d'opt-in, radicalement opposée à l'option d'opt-out qui prévaut actuellement, avec la liste Pacitel.

Le fichier Pacitel a été mis en place volontairement par cinq fédérations professionnelles représentant 80% des entreprises de démarchage téléphonique. Les adhérents de ces fédérations s'engagent à le consulter avant toute prospection, et à supprimer les numéros qui y figurent, de leurs listings. Mais nombre de particuliers remarquent que, bien qu'inscrits sur Pacitel, ils sont sans cesse dérangés.

Au Sénat, lors de la séance de deuxième lecture, le 28 janvier, M. Mézard n'a pas mâché ses mots: "Tout le monde sait que le dispositif Pacitel ne fonctionne pas et que c’est une fumisterie. Ceux qui s’y sont inscrits en ont fait l’expérience !"

Daniel Raoul (PS, Maine-et-Loire), président de la commission des affaires économiques, l'a confirmé: "Tout le monde, ici, a fait le constat de l’échec complet du dispositif Pacitel. Il n’aura guère fonctionné plus de deux ou trois mois..

Il a déploré "l’acharnement, pour ne pas dire le harcèlement, dont sont victimes certains de nos compatriotes, en particulier entre midi et 14 h 30, ou entre 19 et 21 heures. Il est totalement insupportable, surtout pour des personnes qui ont déjà des problèmes personnels, d’être dérangé par des démarchages indétectables au premier abord, et de se laisser entraîner, je pense notamment aux personnes âgées, par ces sollicitations."

Christian Cointat (UMP, représentant des Français établis hors de France), a eu une pensée pour "nos compatriotes qui se rendent à l'étranger avec leur portable. C'est généralement quand on se trouve à l'autre bout du monde qu'on reçoit ce genre de coup de téléphone au milieu de la nuit" - et qu'on paie pour le roaming.

D'autres élus, en revanche, ont estimé que la sauvegarde de l'emploi valait bien quelques intrusions dans la vie privée.

Natacha Bouchart (UMP, Pas-de-Calais) a ainsi assuré que la proposition de M. Mézard, si elle était adoptée, "porterait un coup d’arrêt brutal à l’activité des centres d’appels en France et aurait de très graves conséquences en termes d’emplois pour l’ensemble de la filière de la relation client.

Rien que dans le Pas-de-Calais, département dont je suis l’élue, quelque 1 300 emplois sont concernés ; à Boulogne-sur-Mer – berceau du ministre des transports – et à Calais, 70 % de l’activité concerne les appels sortants. L’impact social serait d’autant plus important que les call centers permettent souvent d’employer des personnes sans qualification supérieure et donc de lutter contre le chômage dans des territoires en reconversion industrielle.
À Calais, la société Armatis continue de se développer et prévoit de créer 350 nouveaux emplois cette année. Nous ne devons pas freiner cet élan favorable à l’emploi !"

Le ministre délégué à la consommation, Benoît Hamon, a lui aussi rappelé que "le secteur de la relation client représente 233 000 emplois en France. En son sein, 117 000 emplois relèvent du marketing direct, dont 55 000 emplois sont recensés dans les call centers. L’activité de ces derniers dépend de la demande de certaines entreprises, dont la prospérité repose pour beaucoup sur ce démarchage."

Il a ajouté que "dans la situation économique difficile que la France traverse, certaines entreprises pourraient avoir du mal à atteindre leurs objectifs si elles ne peuvent pas interroger autant de consommateurs qu’elles le souhaitent".

M. Mézard a estimé que l'argument relatif à la destruction d'emplois devait être nuancé, dans la mesure où nombre de centres d'appel sont délocalisés. Il a regretté que son amendement n'ait pas donné au gouvernement prétexte pour "engager les discussions avec les responsables de fédérations professionnelles, afin de les amener à rapatrier en France nombre d’emplois. En effet, pour dire les choses telles qu’elles sont, la plupart de ces centres d’appels fonctionnent depuis le Maroc, l’Inde ou ailleurs… Les 110 000 emplois en suspens constituent donc, là encore, une fumisterie !"

Il y a longtemps que M. Mézard essaie de faire valoir son point de vue. En mars 2011, il a introduit une proposition de loi visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique.  Le Sénat l'a adoptée à l'unanimité, en avril de la même année, et l'a transmise à l'Assemblée nationale, qui ne l'a jamais inscrite à son ordre du jour.

Lorsque le projet de loi consommation défendu par Frédéric Lefebvre est arrivé au Sénat, M. Mézard a obtenu que sa proposition de loi y soit introduite, sous la forme d'un amendement, et votée. L'élection présidentielle qui a suivi a enterré le projet Lefebvre.

M. Mézard a recommencé lorsque le projet de loi consommation porté par Benoît Hamon est arrivé au Palais du Luxembourg, en première lecture. Mais les députés ont retiré son amendement, en deuxième lecture. Les sénateurs l'ont réintroduit. En commission mixte paritaire, jeudi 6 février,  il a disparu. Razzy Hammadi (PS, Seine-Saint-Denis), rapporteur pour l'Assemblée nationale, a rappelé que "200 000 emplois sont en jeu".

Le dispositif désormais prévu n'est pas très éloigné du droit actuel. Il comporte toujours une liste d'opposition au démarchage téléphonique. Simplement, il oblige les entreprises à croiser leur fichier de prospection de clients potentiels avec cette liste. Il leur interdit de démarcher un consommateur qui y est inscrit.

Il prévoit toutefois deux exceptions:
1.  "le  cas de relations contractuelles préexistantes": votre opérateur téléphonique aura le droit de vous déranger pour "vérifier le bon fonctionnement du contrat" et vous en proposer un autre.
2. "La fourniture de journaux, de périodiques ou de magazines".  

Le projet de loi interdit la location ou la vente de fichiers contenant les coordonnées de consommateurs inscrits sur la liste d'opposition au démarchage.

Les manquements à ces dispositions sont passibles d'une amende administrative de 15 000 euros maximum pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale.

Lorsqu'un professionnel contacte un consommateur par téléphone, il ne doit pas masquer son numéro. Il doit indiquer "au début de la conversation son identité, le cas échéant l'identité de la personne pour le compte de laquelle il effectue cet appel, et la nature commerciale de celui-ci."

A la suite d'un démarchage par téléphone, le professionnel adresse au consommateur, "sur papier ou sur support durable, une confirmation de l'offre qu'il a faite. Le consommateur n'est engagé qu'après l'avoir signée et acceptée par écrit, ou avoir donné son consentement par voie électronique."

Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à la suite d'un démarchage téléphonique.

Et vous, qu'en pensez-vous?

D'autres articles de Sosconso: Et si je prenais un numéro de téléphone surtaxé pour décourager les démarcheurs

 

 

Source : sosconso.blog.lemonde.fr

 


 

 

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 22:01

 

 

Source : www.revue-projet.com

 

 

L'équipe de rédaction
12 février 2014

 

Dès 2015, les banques devront s’expliquer précisément sur leur présence dans chaque pays (et donc chaque paradis fiscal)… Mais étendra-t-on la mesure aux autres secteurs ? C’est ce que demandent les ONG et les syndicats de la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires. Les 1548 filiales offshores du CAC40 répertoriées par Revue-Projet.com demandent explication. La transparence pays par pays figurera-t-elle parmi les contreparties du Pacte de responsabilité ?

Une étude de Revue-Projet.com en partenariat avec la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires.

La géographie des multinationales présente deux visages, au point que l’économie mondiale en paraisse déboussolée : Jersey devient le premier exportateur de bananes vers l’Union européenne, les Îles Vierges britanniques le premier créateur d’entreprises par habitant[1]… Le visage le plus visible des grandes entreprises est celui que présente une approche pragmatique : un regard sur les lieux de production, les usines, l’implantation de la main-d’œuvre, les marchés de distribution des biens et services… L’autre visage est celui que les firmes internationales présentent dans leurs comptes, à l’attention du fisc et des syndicats. Ce sont les deux revers d’une même réalité, mais les différences sont notables. Des filiales aux Îles Caïmans, au Luxembourg ou en Irlande présenteront des résultats fortement excédentaires, alors que les bureaux y seront peu peuplés, voire inexistants. L’on s’arrangera en revanche pour que la filiale française ou indienne, plus fortement imposée, évite d’afficher des bénéfices trop élevés. L’objectif ? Minorer la charge fiscale, bien sûr, mais aussi l’intéressement des salariés aux bénéfices.

 

Un CAC40 plus vertueux ?

Quelques exemples récents, mettant en cause Facebook, Apple ou Amazon, ont achevé de montrer le caractère généralisé de la manœuvre. Mais, à en croire le rapport publié en juillet 2013 par la mission d’information sur l’imposition des multinationales, animée par Pierre-Alain Muet et Éric Woerth, les entreprises françaises feraient exception… « Nous nous sommes beaucoup interrogés sur la réalité de l’optimisation fiscale opérée par les entreprises françaises. Nous pêchons peut-être pas naïveté (…) nous avons le sentiment que, comparativement, l’optimisation touche sans doute moins l’impôt sur les sociétés payé en France[2] ». L’actualité récente semble leur donner raison : ce sont bien les américains Google et McDonald’s qui seraient menacés d’un redressement fiscal en France à hauteur, respectivement, d’un milliard[3] et de 2,2 milliards d’euros[4].

Cependant, les entreprises européennes ne sont pas en reste dans l’usage des paradis fiscaux, comme le révélait « Aux paradis des impôts perdus », l’étude publiée par la Revue Projet et le CCFD-Terre Solidaire en juin 2013[5] : les cinquante plus importantes détiennent davantage de filiales aux Îles Caïmans qu’en Inde ! Tous ces groupes se seraient-ils spécialisés dans la maroquinerie ?

Qu’en est-il, plus précisément, des entreprises françaises cotées au CAC40 ? C’est ce que la Revue Projet, en partenariat avec les associations et syndicats mobilisés contre les paradis fiscaux[6], a voulu savoir. Le CAC40 se montre généreux envers ses actionnaires, qui ont touché en 2013 (pour l’exercice 2012) près de 43 milliards d’euros en dividendes et rachats d’actions (une hausse de 4 % par rapport à 2012). Se montre-t-il aussi généreux envers le fisc français ? Cette information-là est beaucoup plus difficile à obtenir. Depuis que le Journal du dimanche a établi un tel palmarès en 2010[7], qui laissait entrevoir qu’un grand nombre de stars de la bourse de Paris ne payaient qu’un montant dérisoire ou nul en impôts, les services de communication des grands groupes veillent au grain.

Les sociétés cotées à la bourse de Paris ont toutefois l’obligation de fournir quelques informations à leurs actionnaires, dont la liste précise de leurs filiales et de leurs participations à travers le monde. Pour les organisations de la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires, cette obligation – peu respectée – est insuffisante : il faudrait connaître, pour chaque pays ou chaque filiale, le chiffre d’affaires, le nombre de salariés, le bénéfice dégagé et les impôts payés.

Le Parlement français a adopté le principe d’une transparence pays par pays, pour tous les secteurs au-delà des banques, avec une réserve importante.



Portée par le vent d’indignation suscité en 2013 par l’Offshore Leaks, l’affaire Cahuzac et le travail de sape d’ONG comme le CCFD-Terre Solidaire, le Secours catholique, Anticor ou Sherpa, épaulées par les collectivités locales[8], cette revendication a trouvé une première traduction dans la loi bancaire française adoptée en juillet 2013, ainsi que dans la directive européenne sur les obligations de fonds propres des banques[9]. À partir du 1er janvier 2015, les banques européennes seront tenues de transmettre ces informations à la Commission. Les françaises, elles, devront indiquer ces informations dans leur rapport annuel (public). Le Parlement français a également adopté le principe d’une transparence pays par pays en juillet 2013, pour tous les secteurs au-delà des banques, avec une réserve importante : les autres pays de l’Union européenne doivent adopter une mesure identique pour qu’elle devienne effective en France. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) aussi étudie la possibilité d’étendre la mesure au-delà du secteur bancaire, mais des lobbies font tout pour en amoindrir la portée. Elle a ouvert une consultation publique sur le sujet qui se clôt fin février 2014. L’enjeu, pour la plate-forme paradis fiscaux et judiciaires, est notamment que les informations pays par pays soient effectivement rendues publiques et non mises à la seule disposition du fisc des pays riches de l’OCDE.

En attendant que ces discussions internationales se traduisent en obligation pour les grosses entreprises, nous en sommes réduits à dresser l’inventaire des filiales localisées dans les paradis fiscaux à partir des listes publiées dans le rapport annuel 2013 des vedettes du CAC40, et à grappiller ci et là d’éventuelles informations supplémentaires[10]. Nous optons ici pour une acception extensive du terme « filiale », en intégrant à notre décompte l’ensemble des entités incluses dans le périmètre de consolidation comptable de chaque groupe. Notre liste de paradis fiscaux est celle dressée en 2009 par un réseau d’experts indépendants, le Tax Justice Network[11] (voir l’encadré méthodologique). La simple présence dans des pays considérés comme paradis fiscaux ne vaut pas condamnation ![12] Une filiale aux Pays-Bas ou en Irlande peut avoir sa raison d’être… Mais seule la transparence sur l’activité pays par pays permettrait d’en avoir le cœur net !

 

Quels enseignements tirer de l’exercice ?

Les filiales fantômes du CAC40

Les sociétés du CAC40 se distinguent par leur forte opacité concernant une information aussi basique que l’implantation de leurs filiales[13]. 23 des sociétés du CAC40 ne dressent, dans leur rapport annuel, qu’une liste des « filiales principales ». Où sont celles jugées mineures ? La question reste entière. France Télécom annonce 400 entités, mais n’en liste que 32. Danone publie les noms de 99 filiales sur 252 annoncées, Capgemini : 124 sur 136, Legrand : 34 sur 157, Veolia Environnement : 106 sur 2728 et Vivendi : 57 sur 690. Quant à Total, la société annonce 883 entités mais ne donne les noms que de 179 d’entre elles (sans préciser, à l’instar des groupes Vinci et L’Oréal, les pays d’implantation). Parmi les filiales passées sous silence, Total International Ltd (affréteur du pétrolier l’Erika), qui semble jouer un rôle pivot dans l’achat et la revente de pétrole[14], est située aux Bermudes[15]. Ce manque de transparence amène évidemment à traiter avec prudence les résultats de notre enquête. Le CAC40 publie les noms de 1548 filiales présentes dans les paradis fiscaux, soit 23 % de l’ensemble de ses filiales étrangères. Le total serait probablement bien supérieur si l’on disposait d’une information exhaustive.

Le CAC40 publie les noms de 1548 filiales présentes dans les paradis fiscaux, soit 23 % de l’ensemble de ses filiales étrangères.



L’État actionnaire loin d’être exemplaire

La participation de l’État au capital n’est en rien gage de transparence. Si Safran, Renault et EDF fournissent une liste exhaustive, en revanche EADS (Airbus Group depuis le 1er janvier 2014), GDF Suez et France Télécom ne révèlent pas publiquement toutes leurs filiales. Pour cette liste incomplète, on découvre 3 filiales paradisiaques pour France Télécom, 18 pour GDF Suez, 43 pour EADS. EDF compte 11 filiales offshores, Safran 17 et Renault 19… Des députés socialistes s’en sont d’ailleurs émus. Pour Laurent Grandguillaume, « l’État ne peut pas être schizophrène ». Pierre-Alain Muet regrette que l’Agence des participations de l’État « ne se souci[e] pas fondamentalement des pratiques d’optimisation des entreprises dans lesquelles l’État détient des participations »[16].

Les françaises moins férues de l’offshore

Les sociétés françaises du CAC40 sont moins implantées dans les paradis fiscaux que leurs collègues européennes, en particulier les allemandes et les britanniques. Celles qui donnent une liste totale de leurs filiales en détiennent en moyenne une soixantaine offshore, moitié moins que la moyenne continentale. Leurs terres de prédilection ? Les Pays-Bas, la Belgique, la Suisse et le Luxembourg. Les entreprises du CAC40 privilégient la proximité – et, potentiellement, des marchés naturels pour elles. Faut-il y déceler un moindre recours à des filiales vides de toute substance ? Si tel est le cas, les françaises devraient être les premières à publier, délibérément, leur nombre de salariés, leur chiffre d’affaires et leur bénéfice dans chaque pays d’implantation !

 

*Suite de l'article sur revue-projet

 

Source : www.revue-projet.com

 


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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 18:07

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Les votes blancs seront décomptés, mais qu'est-ce que ça change?

|  Par Mathieu Magnaudeix

 

 

 

Le sénat a définitivement adopté une reconnaissance partielle du vote blanc, à partir des prochaines européennes. Ils seront comptabilisés indépendamment des bulletins nuls, mais sans être inclus dans les suffrages exprimés. C'est un acte symbolique qui ne va pas résoudre à lui seul la crise démocratique.

Sans surprise, le sénat a adopté mercredi 12 février une proposition de loi centriste qui reconnaît le vote blanc dès les prochaines élections européennes.

Ce texte, définitivement adopté par le parlement, a été largement édulcoré au cours de la navette parlementaire. Les votes blancs seront désormais décomptés séparément des votes nuls (maculés, annotés, déchirés, etc.). Les enveloppes vides seront considérées comme des bulletins blancs. Mais il n'y aura pas de bulletin blanc proposé aux électeurs : ceux qui veulent voter blanc devront donc bricoler leur propre feuille de papier blanche, non raturée, sous peine de compter dans les nuls. Surtout, les blancs n'entreront pas dans le total des suffrages exprimés, ce qui aurait bouleversé l'issue de bien des scrutins.

« Cette loi a pour unique objet de mieux respecter les personnes qui, en votant blanc, expriment un choix ou plutôt un non-choix », indique le président PS de la commission des lois du sénat, Jean-Pierre Sueur.

« On a du mal à être vraiment content, c'est une reconnaissance a minima », déplore Stéphane Guyot, président du parti du vote blanc, qui revendique 450 adhérents et entend présenter en mai ses listes dans sept des huit circonscriptions européennes. Le texte ne sera pas appliqué aux municipales du 23 mars prochain. Beaucoup y voient une intention du gouvernement, qui craint une sanction électorale, d'éviter une déperdition des voix. « Raison purement technique », assure Jean-Pierre Sueur.  

Depuis 1852, le Code électoral assimilait les bulletins blancs aux bulletins nuls. Blancs et nuls sont comptabilisés à part. Ils n'entrent pas dans les suffrages exprimés, qui seuls servent de base de calcul pour établir le rapport des forces entre les candidats dans les urnes.

Le total des votes blancs et nuls tend à augmenter depuis le début de la Cinquième République, avec des pics à certains référendums (1972, élargissement de la communauté économique européenne ; 2000, quinquennat, etc.). À Caen, la liste du parti blanc (rebaptisé depuis le parti de vote blanc) avait réuni 8 % des voix aux municipales de 2001, un score alors très remarqué :

 

&quot;P&quot;= présidentielle. &quot;L&quot;= législative. &quot;R&quot;= référendum 
"P"= présidentielle. "L"= législative. "R"= référendum © Assemblée nationale

Depuis les années 1990, la reconnaissance du votre blanc est devenue une marotte des politiques, sans doute persuadés qu'il est l'un des instruments de la résorption du fossé grandissant entre les électeurs et leurs dirigeants politiques. François Bayrou en a fait l'une des propositions de son programme présidentiel en 2007 et 2012. Depuis 1993, 26 propositions de loi sur le reconnaissance du vote blanc ont été déposées par des députés de gauche comme de droite à l'assemblée nationale.

Derrière cette obsession parlementaire, l'idée est que le vote blanc se distingue profondément du vote nul, jugé « irrégulier », et de l'abstention, considérée comme une mise en marge du système politique. Comme si « à la différence du nul », il était considéré par les politiques comme une « bonne modalité de contestation », convenable, du système électoral, remarque le chercheur Joël Gombin.

« Le vote blanc est un acte citoyen, explique le député centriste François Sauvadet, à l'origine de la proposition de loi discutée ce mercredi au sénat. Il se distingue de l’abstention – l’électeur s’étant déplacé jusqu’à son bureau de vote – et exprime au contraire un choix, une volonté politique de participer au scrutin pour dire son refus de choisir entre les candidats en lice. »  

Pour le socialiste Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois de l'assemblée nationale, « c’est l’acte réfléchi de celui qui veut marquer tout à la fois un attachement à la procédure démocratique et une défiance – à tout le moins – à l’égard des candidats proposés à son choix ou à l’égard des options qui lui sont soumises. Il souhaite donc bien contribuer à la communauté de destin qui s’enracine dans le vote. »

« En votant blanc, l'électeur manifeste une exigence vis-à-vis du système politique », renchérit Stéphane Guyot, du parti du vote blanc. D'après lui, le vote blanc a aussi une dimension protestataire, puisqu'il « permet de dire stop aux mauvais choix que les partis traditionnels font depuis quarante ans », sans s'abstenir ni voter « pour les extrêmes ». D'après François Sauvadet, reconnaître le vote blanc contribuerait même « à détourner nos concitoyens de l’abstention » et « à éviter le recours au vote extrême, qui est souvent un vote de rejet ».

« Messieurs, je vote pour personne »

Le vote blanc, rempart contre l'abstention, voire les votes de rejet ? Plusieurs politistes interrogés par Mediapart ne sont guère convaincus.

« Le profil sociologique des gens qui votent blanc et des abstentionnistes est très différent, rappelle ainsi Adélaïde Zulfikarpasic, l'une des rares chercheuses à s'être penchée sur ce sujet, plutôt déserté par la science politique. La distinction entre les deux est très étroitement corrélée au degré d'intégration dans la société. L'abstentionniste type est jeune, de milieu ouvrier, vit dans une ville, il se détourne de la vie politique. Le votant blanc a entre 25 et 45 ans, mais il est inséré dans la vie active, un niveau d'étude plutôt élevé, et un intérêt pour la politique. »

Certes, le bulletin blanc remplace parfois l'abstention dans les milieux ruraux, où l'on vote plus qu'ailleurs car il est souvent mal vu de ne pas se rendre au bureau de vote. Mais ce n'est pas parce que le vote blanc est davantage reconnu que les abstentionnistes vont revenir voter par magie.

« Toute cette réflexion part d'une vision assez naïve, ou idéale, de ce qu'est un électeur. L'électeur éclairé qui lit tous les programmes et considère rationnellement qu'il va voter blanc parce qu'il est mécontent de l'offre politique existante est une figure réelle, mais marginale, estime le chercheur Joël Gombin. Pour les politiques, reconnaître le vote blanc est moins coûteux que remettre en cause le système politique. »

« Cette reconnaissance du vote blanc est symbolique, et le symbolique en politique n'est jamais à mépriser, assure Patrick Lehingue, professeur de Sciences politiques à l'Université de Picardie, auteur de Le vote, Approche sociologique de l'institution et des comportements électoraux (La Découverte 2011). Mais je doute vraiment que cela fasse bouger le taux d'abstention d'un iota. Penser que changer la règle de droit modifie d'elle-même les phénomènes sociaux, c'est du pur juridisme. Pour changer la donne, il faudrait des propositions véritablement révolutionnaires, comme par exemple le non-cumul des mandats dans le temps », torpillé lors de la récente réforme.

Et « s'il suffisait de faire vote blanc pour faire baisser le Front national, j'en serais très heureux mais ce n'est pas le remède », balaie de son côté le sénateur socialiste Jean-Pierre Sueur.

En réalité, les partisans du vote blanc estiment que seule l'incorporation des bulletins blancs dans les suffrages exprimés serait susceptible d'avoir un impact réel sur la vie politique. « Ce serait une reconnaissance pleine et entière », assure Stéphane Guyot, du parti du vote blanc. De fait, les résultats de toutes les élections en seraient modifiés : le 48 % contre 52 % d'un deuxième tour de législative partielle deviendrait par exemple 42 %, 50 % et 8 % de blancs.

Les conséquences, listées par le Conseil constitutionnel, seraient importantes. Dans le cas des scrutins majoritaires à deux tours (législatives, cantonales, municipales), l'élection à la majorité absolue serait plus difficile, et personne ne pourrait être élu dans le cas où les blancs arriveraient en tête au second tour.

Les projets de référendums ne pourraient être adoptés que si le “oui” était supérieur à la somme des “non” et des blancs réunis. Les seuils de voix permettant l'accès au second tour ou de fusionner avec une autre liste seraient relevés. Et les règles de financement des partis politiques seraient modifiés, ce qui n'enchante ni à gauche ni à droite.  

Dans le cas de l'élection présidentielle, où le « président est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés », un candidat obtenant moins de 50 % au deuxième tour sur son seul nom ne pourrait pas être élu : ainsi Jacques Chirac en 1995 n'aurait pas passé la barre (52,6 % des suffrages exprimés, mais seulement 49,5 % des votants en décomptant blancs et nuls), pas plus que François Hollande, le 6 mai 2012 (51,6 % des suffrages exprimés, mais 48,6 % des votants autour de son nom). Un constat qui nourrit depuis près de deux ans à droite l'idée que François Hollande, élu avec une « minorité des voix », et avec lui la gauche, qui détient les pleins pouvoirs, ne sont pas légitimes.

Mais pour Joël Gombin, reconnaître le vote blanc dans les suffrages exprimés constitue « une contradiction en soi » : « Un vote exprimé, par définition, exprime quelque chose. » « La démocratie, c'est choisir entre des candidats. Le vote doit désigner un projet ou un candidat, il doit exprimer une position », dit aussi le sénateur Jean-Pierre Sueur.

Et si l'on reconnaît les bulletins blancs, ne faudrait-il pas aussi prendre en compte certains bulletins nuls ? En pratique, la distinction est floue : faute de définition de ce qu'est un bulletin blanc dans le Code électoral, la voix de beaucoup de gens qui croient voter blanc est en réalité comptée parmi les nuls (plusieurs bulletins dans une enveloppe, bulletin déchiré, vieux bulletin, etc.).

D'ailleurs, « les nuls sont souvent l'expression de quelque chose », explique la chercheuse Adelaïde Zulfikarpasic « Écrire “Hollande démission” sur un bulletin, ça a évidemment un sens ».

Lors de la législative partielle de Villeneuve-sur-Lot, en 2012, les bulletins Cahuzac, l'ancien député et maire, avaient fleuri alors que l'ancien ministre du budget de François Hollande n'était pas candidat : avec la percée du Front national, ce fut l'un des faits politiques de la soirée, même si ces bulletins ont été comptabilisés parmi les nuls.

 

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Des bulletins “Cahuzac” dans l'urne, comptés nuls. © M.M.

« Des voix qui parlent sont depuis des décennies considérées comme nulles », affirme Patrick Lehingue. Dans une étude, parue en 1991 dans la Revue française de sciences politiques, les chercheurs Olivier Ihl et Yves Déloye avaient compilé ces « votes perdus », mais qui en disent long sur l'état d'esprit de l'électeur :

 

Annotations sur des bulletins de vote aux législatives de 1881 
Annotations sur des bulletins de vote aux législatives de 1881 © Y.Déloye, O.Ihl, "Des votes pas comme les autres", RFSP, 1991-41

Il y a d'ailleurs fort à parier que dans le contexte actuel, celui d'un pouvoir de gauche très impopulaire qui a déçu jusque dans son propre camp, certains électeurs mécontents ne manqueront pas de griffonner des messages sur leur bulletin de vote lors des européennes et des régionales et cantonales 2015. Des électeurs de gauche intéressés par la vie politique et votants réguliers, qui n'ont pas pour habitude de s'abstenir mais sont déçus et entendent avertir le pouvoir pourraient également recourir au vote blanc.

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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13 février 2014 4 13 /02 /février /2014 17:26

 

Source : www.mediapart.fr

 

Accord transatlantique: Hollande joue avec le feu

|  Par Ludovic Lamant

 

 

Le président français veut accélérer les négociations de libre-échange entre l'UE et les États-Unis, pour éviter l'« accumulation de peurs ». À deux mois et demi des élections européennes, c'est une position surprenante, qui tranche avec la relative prudence affichée depuis le départ par Paris sur ce dossier.

De notre envoyé spécial à Bruxelles

François Hollande sait-il qu'il se tiendra des élections européennes fin mai ? Et que figurent, parmi les sujets explosifs de la campagne à venir, les négociations entre l'Union européenne et les États-Unis, pour conclure un accord de libre-échange censé accoucher de la plus grande zone de libre-échange au monde 

À écouter ses remarques sur le sujet, lors d'une conférence de presse à Washington mardi, il est désormais permis d'en douter. Aux côtés de Barack Obama, le chef de l'État a plaidé sans détour pour une accélération du calendrier des discussions : « Aller vite n'est pas un problème, c'est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu'il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. » Et le président français, que l'on a connu plus prudent sur le sujet, d'enfoncer le clou : « Si nous sommes de bonne foi, si nous sommes respectueux des positions des uns et des autres, si nous sommes attachés (…) à la croissance, nous pouvons aller vite » (voir la vidéo ci-dessous à partir de 52‘20”). 


 

La commission européenne a reçu en juin 2013 un mandat pour négocier, au nom des 28 États membres de l'UE, cet accord avec Washington (le « TTIP », dans le jargon bruxellois). Officiellement, l'objectif est d'aboutir d'ici à la fin du mandat de la commission, en octobre 2014. Mais les bons connaisseurs du dossier s'attendent plutôt à ce que ces discussions s'étalent sur plusieurs années – et durent au moins jusqu'en 2015. À titre d'exemple, il avait fallu plus de quatre ans de négociations difficiles, pour que l'accord entre l'UE et le Canada soit signé, fin 2013 (et cet accord, sur le papier, est moins ambitieux que celui en cours de négociation avec Washington, qui va bien au-delà des seules baisses de droits de douane).

« Ce n'est pas François Hollande qui fixe le tempo de la négociation européenne, raille Yannick Jadot, eurodéputé d'EELV, ferme opposant au projet. Il dit vouloir accélérer, mais ce n'est pas du tout la réalité de la négociation, qui est plutôt en train de marquer le pas ces jours-ci. Côté américain, le congrès refusera sans doute de valider le mandat de négociations d'ici aux élections de mi-mandat, fin 2014. » Barack Obama est à la peine avec sa majorité démocrate au congrès, qui rechigne à lui accorder le fast track, ce blanc-seing qui permet au gouvernement de gagner du temps et négocier des accords internationaux sans en rendre compte, au fil de la négociation, aux parlementaires.

Jusqu'à présent, Paris faisait plutôt partie, au sein de l'UE, des capitales les moins enthousiastes face à ce projet censé faire grimper à terme de 0,5 à un point la croissance du PIB de l'UE – selon des prévisions de la commission européenne difficiles à vérifier. En juin 2013, c'est au terme d'une mobilisation des Français que le secteur de l'audiovisuel a été exclu du champ des négociations, au grand regret du commissaire au commerce, Karel De Gucht. Dans un entretien accordé à Mediapart en avril 2013, Nicole Bricq, la ministre du commerce extérieur, proposait même de… « ne pas se précipiter », pour mieux défendre les intérêts français.  

Presque un an plus tard, la sortie de François Hollande, à Washington, a donc de quoi surprendre. Même l'UMP, au parlement européen, y est allé de son communiqué cinglant : « Est-ce la chaleur du banquet officiel qui a inspiré à François Hollande cette stratégie de la précipitation ? Elle nous semble à tout le moins prématurée et peu judicieuse », a commenté l'eurodéputée Constance Le Grip.

En Allemagne, le débat prend

En proposant d'accélérer le calendrier, le président français tourne aussi le dos à tout un pan de la société civile, qui dénonce l'opacité des négociations. Pour bon nombre d'associations, il faudrait au contraire prendre davantage de temps, pour mener un débat serein sur ces questions lourdes de conséquences pour l'avenir. « Les négociations continuent dans le secret, malgré la petite amélioration apportée par la création d'un groupe d'experts sur le sujet », commente Natacha Cingotti, de l'ONG Friends of the Earth à Bruxelles. « Les enjeux de cet accord sont tels, qu'il est absolument essentiel d'ouvrir le processus et d'assurer que toute la transparence soit faite autour des négociations. Les citoyens européens et américains doivent être capables de participer. »

Pour le socialiste Henri Weber, qui s'était battu l'an dernier, au parlement européen, pour « sauver » l'exception culturelle française, « la question du délai ne doit pas être un fétiche, ce qui est déterminant, c'est de savoir si l'on négocie un bon ou un mauvais accord ». Et l'élu de préciser, en défense du président socialiste : « Ce qui doit commander l'ensemble, c'est le respect des conditions fixées par le parlement européen dans la résolution qu'il a votée, en mai dernier, pour définir le mandat de négociation. »


 
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Les chefs des négociations: Daniel Mullaney pour les E-U, et Ignacio Garcia Bercero (à droite) pour l'UE. ©Reuters

Une fois les négociations entre l'UE et les États-Unis terminées (si elles aboutissent un jour…), il reviendra aux parlementaires européens de valider, in fine, le projet d'accord. En l'état, un rejet du texte – comme ce fut déjà le cas à l'été 2012 avec un autre texte sensible, ACTA – n'est pas exclu. Quoi qu'en pense François Hollande, le sujet devrait donc être l'un des thèmes de la campagne des européennes. En France, les partis à gauche du PS, comme le Front de gauche, Europe Ecologie Les Verts ou Nouvelle Donne, y sont opposés.

« Cela ressemble surtout à la méthode Coué : Hollande veut montrer qu'on est vraiment copains avec les États-Unis », poursuit Yannick Jadot. « D'un côté, il nous explique que l'affaire des écoutes de la NSA, ce n'est déjà plus un sujet. De l'autre, qu'il faut accélérer sur le TTIP. Mais ce sont des effets de tribune, qui masquent une forme d'impuissance politique. »

Cet empressement de François Hollande, visiblement soucieux de jouer au bon élève auprès d'Obama, apparaît d'autant plus maladroit, qu'ailleurs en Europe, les plus fervents défenseurs d'un accord avec les États-Unis se font, eux, plus prudents depuis peu. Karel de Gucht, le commissaire européen au commerce, a ainsi promis une consultation publique avec les citoyens européens, à partir du mois de mars, sur l'un des points les plus contestés des négociations: la procédure de « règlement des différends entre États et investisseurs » (lire notre article). Une manœuvre pour faire baisser la pression, à l'approche des élections ?

En Allemagne également, alors qu'Angela Merkel est une chaude partisane du futur « TTIP », le débat commence à prendre, sur fond de tensions avec les États-Unis, après le scandale des écoutes de la NSA. Les sociaux-démocrates s'interrogent. Le responsable des négociations pour l'UE, l'Espagnol Ignacio Garcia Bercero, a ainsi fait le déplacement en début de semaine à Berlin, pour répondre aux inquiétudes d'une partie de l'opinion publique allemande, qui redoute les retombées de cet accord en matière de sécurité alimentaire (avec l'importation, par exemple, de poulets au javel ou de bœuf aux hormones).

Apparemment satisfait des bonnes dispositions de son homologue français sur ce dossier, Barack Obama s'est contenté d'ajouter, lors de la conférence de presse mardi à Washington : « Je veux remercier François pour sa coopération. »

 

 

 

 

Source : www.mediapart.fr

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