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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 18:26

 

 

Source : www.agoravox.fr

 

Géopolitique : Nos téléphones portables financent la guerre au Congo

 

 

"La région du Kivu est un enjeu fondamental pour les multinationales qui peuvent s'y fournir en coltan, minerai rare et aujourd'hui indispensable dans le domaine de l'électronique de pointe. Cette ressource est également un enjeu pour les milices armées qui y règnent par la terreur et sont la cause, depuis le milieu des années 90, de près de 6 millions de morts (ce chiffre a été revu à la baisse (150 000) dans un article de janvier 2014 paru dans le Monde diplomatique, NDLR). Coup de projecteur sur une relation incestueuse, sanglante et incompréhensiblement connue."

Au Congo-Kinshasa, des groupes « rebelles » exploitent illégalement des mines de coltan, un minerai rare utilisé dans la fabrication des appareils électroniques tels que les téléphones portables ou les tablettes numériques.

Les ressources naturelles dont regorge la région sont l’une des principales causes de la guerre qui ravage le Nord Kivu (est de la République Démocratique du Congo) depuis 1998. Acheteurs directs de ce minerai, les multinationales occidentales refusent toute transparence dans leur chaîne de fabrication, affirmant l’impossibilité de mener une traçabilité efficace.

En avril 2001, une commission d’enquête mandatée par les Nations Unies 1 dénonçait déjà les liens qui existaient entre le commerce du coltan et les importations illégales d’armes dans la région. Plus de onze ans après, rien n’a changé. La présence massive de groupes armés rend l’environnement géopolitique des plus instables. Conséquence de la vacance du pouvoir, les milices locales (« Le mouvement du 23 Mars » (M23) ou encore les « Forces nationales de libération » prélèvent des taxes aux habitants, exploitent les mineurs et sèment la terreur dans la région. Dans ce contexte hostile, les grandes compagnies ont déserté le Nord et le Sud Kivu, laissant le contrôle des ressources naturelles aux groupes armés.

La situation politique au Congo-Kinshasa : Entre instabilité, complexité et terreur.

La République Démocratique du Congo (RDC) fait actuellement l’objet de convoitises pour la richesse de ses sols en coltan. On estime, en effet, que 80 % des ressources naturelles de ce minerai, utilisé comme régulateur électrique dans la majorité des téléphones, ordinateurs et consoles portables, se trouvent dans la région du Kivu. Lorsque l’on sait que le prix de vente du coltan peut atteindre les cent dollars le kilo sur le marché européen, nous comprenons pourquoi il représente un moyen de survie pour les populations locales ; notamment les paysans qui ont tout perdu suite aux guerres successives que connaît le pays depuis dix-sept ans, dans la foulée de l’invasion du Rwanda par les troupes de Paul Kagamé (aujourd’hui président de ce pays), sans doute le plus grand criminel de guerre en activité. La Première Guerre du Congo s’est déroulée de 1996 à 1998, année où la Seconde Guerre a été déclarée. Bien que celle-ci se soit officiellement terminée en juin 2003, la région du Nord-Kivu reste en proie à de multiples violences, en partie liées à la présence de milices locales armées, de groupes rebelles (Simbas, guerriers Maï-Maï) et de militaires qui exploitent illégalement les mines de coltan pour financer leurs activités et acquérir des armes. Les petits mineurs, pour la plupart âgés de moins de 16 ans, revendent le coltan à des marchands soutenus par ces groupes violents, parfois travaillant eux-mêmes avec les pays voisins, à savoir l'Ouganda et le Rwanda. Parmi les clients que nous retrouvons au bout de cette chaîne d’intermédiaires ? Les grandes compagnies occidentales : Bayer, Nokia, Samsung, LG et bien d’autres.

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Nous estimons ainsi que 80% des exportations de coltan depuis la RDC échappent au contrôle de l’état. Les forces du président Joseph Kabila sont insuffisantes. A titre d’exemple, en avril dernier, des guerriers locaux, regroupés au sein du Mouvement du 23 Mars composé d’anciens soldats du « Congrès National Pour la Défense du Peuple » (CNDP), ont mené une attaque contre le gouvernement. En mars 2009, le CNDP avait pourtant signé un traité de paix avec le gouvernement dans lequel il s’engageait à se constituer en un parti politique, en échange de la libération de détenus. Cet accord n’aura pas tenu longtemps puisque le 4 avril dernier, Ntaganda, accompagné par trois-cent membres du CNDP ont mené une attaque contre les forces du gouvernement à Goma, dans la région du Nord-Kivu.

Le 6 juillet 2012, M23 s'est emparé de la ville de Bunagana, près de la frontière avec l’Ouganda. Deux jours plus tard, les rebelles ont pris Rutshuru (est du Nord Kivu). Le Mouvement du 23 Mars a ainsi divisé en parties la province du Nord-Kivu, conflit qui a obligé 260.000 personnes à fuir entre avril et juillet 2012. Par ailleurs, le Rwanda, accusé par l’ONU de soutenir les milices locales et d'avoir gagné 250 millions de dollars grâce au commerce du coltan a dénié toute implication dans le conflit. Ridicule dénégation quand on sait que le Rwanda est officiellement le premier producteur mondial de coltan et qu’il ne possède aucune mine sur son sol. Suite à ces différents conflits, les habitants se sont donc retrouvés à exploiter et vendre les ressources naturelles du Congo-Kinshasa à des milices armées qui n'hésitent pas à exploiter des enfants, et à faire preuve de violences envers les femmes et leurs familles.

 

La responsabilité des multinationales qui continuent de s'approvisionner dans ces mines Congolaises est non négligeable, surtout lorsque l’on sait que d'autres pays comme l'Australie ou encore le Canada et le Brésil possèdent également des sols riches en coltan.

 

« Chaque mine a sa signature électronique ».

Afin de se protéger de cette réalité où des milliers de creuseurs travaillent dans des conditions inhumaines pour quelques dollars, les multinationales prétendent ne pas pouvoir remonter à la source d’exploitation de leurs composants, tant le nombre d’intermédiaires est important.

Pourtant, certaines ONG telles que Global Witness, ASTM (Action Solidarité Terre Monde) ou encore le réalisateur Frank Piasecki Poulsen tentent d’attirer l’attention sur le problème de ce massacre qui a fait à l’heure d’aujourd’hui plus de six millions de morts sur le devant de la scène médiatique. En considération de ces chiffres monstrueux, on ne peut que s’étonner du silence à peu près total des grands médias sur cette question.

Dans son reportage Blood in the phone, le danois Frank Piasecki Poulsen essaye de comprendre le problème. Après avoir suivi des jeunes mineurs dans la région de Kivu, il se rend au siège social de Nokia à Espoo (Finlande). Après maintes négociations pour obtenir les réponses qu’il désire, la réponse du plus grand vendeur de téléphones mobiles dans le monde est édifiante : bien qu’au courant du problème depuis 2001, le groupe assure qu’une totale transparence est impossible puisque celle-ci remettrait en péril la compétitivité du groupe. Le responsable de l’Institut fédéral des géosciences et des ressources naturelles de Hanovre (Allemagne) affirmera néanmoins par la suite que « chaque mine a sa signature géologique ». Preuve que les choses peuvent changer, certains fabricants comme l’américain Intel se sont engagés à ne plus se fournir dans des régions en conflit.

Pourquoi le coltan est-il si recherché ?

Combinaison entre la colombite et la tantalite, le coltan est indispensable à la fabrication des téléphones portables, des tablettes, des caméras, des ordinateurs portables et des consoles de jeux. Ce minerai de couleur noire est principalement utilisé dans la fabrication de condensateurs pour les équipements électroniques. Il s’agit donc d’un mélange de minerais rares associés. D’un point de vue humanitaire, le coltan représente à lui seul une vraie menace : les mineurs travaillent en effet dans des conditions d’exploitation épouvantables, sous la surveillance des groupes armés locaux. La corruption à tous les niveaux est d’ailleurs inévitable. Les compagnies européennes, chinoises et américaines réalisent donc des bénéfices d’autant plus énormes au travers de ce schéma, que la demande en coltan explose proportionnellement aux ventes d’appareils électroniques dans le monde. Une autre conséquence irrémédiable de cette exploitation est la détérioration de l’environnement, avec une déforestation importante et la disparition d’espèces (gorilles et éléphants).

Cette tragédie se déroule en silence. Les médias commerciaux n’en parlent pas. Le massacre de près de 6 millions d’êtres humains est ainsi globalement ignoré. La France a rétabli ses relations diplomatiques avec le Rwanda de Kagamé en 2008, Kagamé, sans doute l’un des principaux responsables de cette horreur. Pourquoi ?

 

 

Source : www.agoravox.fr

 

 

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 16:02

 

Source : rue89.nouvelobs.com

 

 

Ce qui nous arrive sur la Toile 24/02/2014 à 10h53
La prochaine Bastille qui brûlera sera un hangar plein d’ordinateurs
Xavier de La Porte | France Culture

 

 


Un avion miniature (Prime Tambayong)

 

Et si, sans le savoir, nous étions prisonniers ? Et si, au moment même où certains pensent se libérer d’un pouvoir, ils tombaient sous l’autorité d’un autre pouvoir, moins visible, moins physique, mais tout aussi autoritaire ? Et si nous étions tous prisonniers des algorithmes ?

C’est la thèse développée récemment par un journaliste de la revue américaine The Atlantic, Bill Davidow, et qui fait écho – sans le savoir sans doute – au travail mené par deux chercheurs belges, Antoinette Rouvroy et Thomas Berns.

Depuis plusieurs années déjà ceux-ci parlent de « nouvelle gouvernementalité algorithmique » et montrent que nous sommes en passe de nous soumettre à un nouveau genre de pouvoir : celui des programmes informatiques.

Notre solvabilité, nos goûts et nos dépenses

Intuitivement, on sent bien que de plus en plus de nos gestes de la vie quotidienne, d’interactions avec les autres, sont dépendants de programmes informatiques, mais de là à parler de prison, il y a peut-être un pas. Bill Davidow le franchit allègrement. Et il ne manque pas d’arguments.

Les gouvernements et les entreprises, explique-t-il, utilisent l’information d’une manière inédite : grâce à d’énormes bases de données le plus souvent puisées sur Internet, grâce à des algorithmes fins et puissants qui fouillent ces données, ils nous profilent, prévoient nos actes, notre solvabilité, nos goûts, nos dépenses, et ils agissent en conséquence.

Ainsi nombre d’Américains se voient-ils refuser un prêt, imposer une augmentation de leur police d’assurance ou refuser un emploi parce les algorithmes l’ont conseillé. La voilà cette prison algorithmique.

Interdits de vol sans le savoir

Vous pensez que Bill Davidow est un peu paranoïaque. Eh bien sachez que le service chargé aux Etats-Unis de la sécurité des transports utilise un programme du nom de « Automated Targeting System », dont l’algorithme confronte des données comme :

  • les feuilles d’impôts ;
  • les voyages précédents ;
  • les titres de propriété  ;
  • les caractéristiques physiques ;
  • le casier judiciaire et autres informations provenant des services de renseignements, pour établir la dangerosité d’un passager.

Plusieurs centaines d’Américains auraient ainsi leur nom sur une liste d’interdits de vol, sans même le savoir.

Vous pensez que de tel procédé sont réservées à la sécurité ? Une entreprise du nom de The Gild a inventé un algorithme qui prédit les capacités des programmeurs informatiques en allant voir les lignes de codes qu’ils ont écrites dans des programmes open source, comment ils ont établi leur profil sur LinkedIn (un réseau social professionnel) ou comment ils répondent aux questions dans les forums informatiques.

Spécialité : le renseignement client

Vous pensez que c’est réservé aux informaticiens ? Mais les algorithmes contraignent votre espace sur Internet, vous le savez au moins intuitivement. Les liens qui vous sont proposés, les publicités qui s’affichent sur votre écran, et dans une certaine mesure les résultats des moteurs de recherche, sont déterminés par des algorithmes, en fonction de ce qu’ils savent de vous.

Vous pensez que tout cela est réservé à votre vie en ligne ? Il existe aux Etats-Unis une quarantaine d’entreprises répertoriées pour faire du renseignement client.

Ces entreprises fournissent des dossiers aux banques, aux sociétés de crédit, aux établissements de jeu, aux compagnies d’assurance, aux sociétés de location, ou à une entreprise qui voudrait connaître l’historique professionnel de quelqu’un.

Un contrôle invisible et à bas coût

Ainsi il n’y a pas UNE prison algorithmique, mais une multitude de ces prisons. Parce que gouvernement et entreprises ont toujours eu cette tentation de contrôle invisible des populations mais surtout, parce qu’il est possible aujourd’hui de l’établir à un coût très bas.

Le problème de ces prisons algorithmiques, c’est qu’on ne sait pas où sont les barreaux, mais on ne sait pas vraiment non plus où sont les geôliers. D’où provient l’algorithme qui me refuse un prêt ? De quelle entreprise ? Ou est-ce un programme de ma banque ? Et puis, comment savoir quel comportement l’algorithme sanctionne ou encourage ? Tout cela est encore peu encadré.

Ce qui se joue donc – et ce n’est plus Bill Davidow qui le dit, mais Antoinette Rouvroy –, c’est une nouvelle forme de pouvoir qui ne s’exerce plus sur nos corps dans le présent (comme le fait une prison) mais sur nos comportements à venir.

Contre cette forme de pouvoir, il est dur de se rebeller, parce qu’il ne fait pas couler le sang, ne tue pas. A quoi ressembleront les révolutions de demain ? A quoi ressembleront les Bastilles que nous brûleront ? Sans doute à des hangars pleins d’ordinateurs.

 

Publié initialement sur
France Culture

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 18:17

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Systèmes de pensions et dettes publiques en Europe

17 février par Jérémie Cravatte

 

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Les systèmes de pensions actuels en Europe émanent de diverses traditions et se différencient énormément quant à leurs régimes de financement, de prestations, de conditions d’accès et de modes de gestion. Cependant, nous pouvons voir que depuis les années 1990 et le début d’une longue série de contre-réformes libérales, ces régimes vont suivre une trajectoire toujours plus semblable et soutenue par la politique communautaire de l’Union Européenne : recul de l’âge légal de départ à la retraite et développement des deuxième et troisième piliers, avec la Suède comme exemple de success story à suivre. La crise et le creusement des déficits publics ont servi d’opportunité pour accélérer ces contre-réformes. Les liens avec la dette publique sont nombreux et il est nécessaire de s’arrêter sur cette thématique pour retourner le discours dominant et poser la question qui dérange : celle de la répartition des richesses dans une société qui n’en a jamais produites autant.

Source : Eurostat 2012

Source : Eurostat 2012

 

1) Des systèmes qui diffèrent selon les pays et des contre-réformes partout

Il existe autant de modèles que de pays en Europe, et certaines réalités rendent toute comparaison difficile voire hasardeuse |1| : régimes variables selon les secteurs de travail, reconnaissance ou non de la pénibilité du travail, usage de décotes et de surcotes ou non, certains concepts – comme la retraite à taux plein – existants ou inexistants, diversité des types de prestations (nature/espèces) et base de calcul de celles-ci, aspects obligatoires ou facultatifs, etc. Mais certaines données centrales sont ici présentées et de grandes tendances comparées. La pertinence de cette comparaison reste entière afin de mieux défendre ensemble l’outil subversif que représentent les pensions.

Historiquement, deux grands modèles d’organisation des régimes de retraite se sont développés en Europe. Le premier, dit bismarckien – du nom de l’ancien homme politique prusso-allemand qui le mit en place en 1889 – est celui du salaire socialisé. Il finance les pensions par les cotisations sociales et se gérait par des Institutions hors État (organisations des travailleurs et employeurs). Dans ce modèle, les travailleurs reçoivent une pension plus ou moins proportionnelle aux montants de leurs cotisations. Il s’applique plutôt dans les pays continentaux de l’Union (France, Italie, Allemagne, etc.). Le second, dit beveridgien – du nom de l’ancien homme politique britannique qui l’inspira avec un rapport rédigé en 1942 – est celui de l’assurance publique. Il finance les pensions par les impôts et se gérait par l’État providence. Dans ce modèle, toutes les catégories de travailleurs reçoivent une pension universelle minimum, indépendamment des cotisations. Il s’applique plutôt dans les pays nordiques (Danemark, Finlande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède) |2|.

A la sortie de la guerre, le droit à la pension (avec la sécurité sociale) se généralise. Aujourd’hui |3|, la majorité des systèmes européens sont constitués d’un mélange de régimes par répartition (historique) et par capitalisation (depuis les années 1990). L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg et le Portugal sont plutôt basés sur un système par répartition, tandis que le Danemark, l’Islande, le Royaume-Uni, la Suède et les Pays-Bas ont développé un système par capitalisation important.

 

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Une grosse partie du travail de comparaison se trouve dans ce tableau joint à l’article (voir tout en bas)


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Avec le vieillissement de la population, les réformateurs se sont dotés d’un argument phare pour déconstruire nos systèmes de pension : le (prétendu) taux de dépendance

Avec le vieillissement de la population, les réformateurs se sont dotés d’un argument phare pour déconstruire nos systèmes de pension : le (prétendu) taux de dépendance, c’est-à-dire le rapport entre le nombre de pensionnés et le nombre de personnes en âge de travailler augmente considérablement (de 25 % aujourd’hui à 53 % en 2050 d’après l’OCDE), les dépenses de retraites vont donc exploser et le système actuel est invivable |4|. Solution : il faut augmenter l’âge légal de départ à la retraite et baisser les montants des pensions, mais aussi favoriser le développement de piliers dits complémentaires |5|. En deux mots : privatiser et/ou détruire les système de pensions. Ou dit avec d’autres mots : quand est-ce que le travail non-subordonné au capital doit-il être valorisé via le pensions ? Le plus tard possible. Comment doivent-elles être financées ? De moins en moins par les pensions publiques |6|. Pour appliquer ces contre-réformes, les États européens ont choisi de modifier certains aspects de leurs systèmes ou de les changer radicalement (Italie, Lettonie, Pologne et Suède avec les régimes de comptes notionnels |7|). Mais, toujours, ils ont utilisé plusieurs leviers : régime de financement, annuités de cotisations nécessaires, âge de départ légal à la retraite, modes de calcul, etc. Les effets des réformes sont très étalés dans le temps, ce qui rend parfois difficile leur observation (et plus facile leur acceptation). Depuis les années 1990 (et encore plus depuis 2007), celles-ci se sont succédées et multipliées |8|.

Officiellement, le premier volet de ces contre-réformes (diminution des pensions et augmentation de l’âge légal de départ à la retraite) servirait à augmenter le taux d’emploi des seniors afin de diminuer le prétendu taux de dépendance dans la société – et tant pis pour leur non-employabilité, et tant pis pour les taux de chômage catastrophiques chez les jeunes en Europe. Dans la réalité, il sert à sortir ces personnes du temps de travail libéré – car rémunéré alors qu’il n’est pas au service d’employeurs – pour les ramener sur le marché du travail capitaliste. Tous les pays européens se dirigent vers un âge légal de départ à la retraite de 65 ou 67 ans. L’âge réel moyen de départ à la retraite est lui de 62 ans |9|. Un exemple flagrant d’écart entre les objectifs officiels et réels de ces mesures tient dans le nombre de départs forcés à la préretraite en échange d’indemnités de départ très incitatives qui accompagnent les vagues de licenciements actuelles en Europe. Pour ne prendre que la période la plus récente post-2007, voici quelques exemples : la dernière réforme italienne (2011) a mené l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans et aboli les retraites dites d’ancienneté (droit à la retraite à partir de 60 ans si on avait déjà cotisé pendant 35 ans) ; l’espagnole (2011) à 67 ans ; l’allemande (2007) à 67 ans ; la française à 67 ans ; l’anglaise (2007) à 68 ans ; la polonaise (2012) à 67 ans et supprimé la retraite anticipée ; le Portugal à 66 ans et supprimé la retraite anticipée ; etc. Plusieurs pays (Danemark, Espagne, Finlande, Grèce, Hongrie, Italie, Norvège) ont lié (ou vont lier) cet âge à l’espérance de vie, ce qui dans certains cas l’amènera a bien plus que 67 ans. L’indexation des pensions a également été remise en cause : la Hongrie, la Norvège et la République Tchèque ne les indexent plus sur l’inflation, tandis que l’Espagne, la Grèce, le Portugal et la Slovénie l’ont gelé. De même, plusieurs pays ont développé des pénalités pour les personnes qui partent à la retraite trop tôt (Danemark, Italie, Pologne, Portugal) ou des récompenses pour celles qui travaillent plus tard (Espagne, France, Irlande, Suède). Enfin, le calcul des montants des prestations ont évolué et dépendent maintenant, par exemple, de l’ensemble de la carrière plutôt que du dernier niveau de rémunération (Grèce) ou des meilleures années (Norvège) |10|.

Officiellement, le deuxième volet de ces contre-réformes (inciter le développement des régimes par capitalisation) servirait à palier aux manques de ressources de la sécurité sociale en laissant celle-ci assurer le minimum vital aux pensionnés qui devront compléter leurs retraites par des régimes complémentaires (privés, et donc plus efficaces). Dans la réalité, il a été démontré que les régimes privés sont moins efficaces que le système par répartition, et la sécurité sociale ne manque de ressources que parce que l’État l’a organisé (baisse continue des cotisations patronales rebaptisées « charges sociales », exonérations non compensées |11|). Mais, surtout, ces différents régimes sont tout sauf complémentaires. Les dépenses de retraite |12| représentent 13 % du PIB européen, soit plus ou moins 1.650 milliard d’euros par an. Dans la réalité, l’intérêt du secteur privé est de s’approprier ces ressources immenses qui lui échappent en retournant aux travailleurs. La financiarisation des pensions permet déjà à ce secteur privé de gérer chaque année des milliards et des milliards d’euros que les travailleurs et leurs entreprises lui versent à travers les 2e et 3e piliers, pourquoi ne pas augmenter ce montant ? Les États mettent du zèle à développer les régimes dits complémentaires (par de nombreux avantages fiscaux, entre autres) au détriment du régime par répartition. Pour tenter d’illustrer comment la place de ces différents régimes sont le fruit d’un rapport de force entre le travail et le capital : aux États-Unis, le système par répartition avait été instauré après la crise de 1929 dans le package du New Deal de Roosevelt car elle avait mis en défaut le système par capitalisation ; en Allemagne il avait vu le jour suite à une crise d’hyperinflation ; l’Argentine, qui avait développé la capitalisation dans les années 1990 également, est revenue à un système par répartition au moment de la crise ; etc.

2) Une importance relative des piliers dits complémentaires

Aujourd’hui, le premier pilier reste majoritaire, le deuxième se développe et le troisième est généralement réservé à une partie aisée de la population.

Aujourd’hui, le premier pilier reste majoritaire, le deuxième se développe et le troisième est généralement réservé à une partie aisée de la population. Les jeunes, les femmes et les personnes à faibles revenus sont moins affiliés aux régimes dits complémentaires. Les données permettant de différencier les régimes publics et privés sont encore tout à fait insuffisantes |13|, cependant plusieurs peuvent ici être mises en avant.

Les régimes privés (professionnels ou individuels) sont obligatoires ou quasi-obligatoires dans une quinzaine de pays du tableau joint. Concernant la population couverte par ces régimes, nous voyons dans les deux tableaux qui suivent que cela varie énormément en fonction du pays concerné.

 

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Source : OCDE, 2012

 

L’Estonie, la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Suède et la Suisse ont des taux de couverture de la population dite active par les régimes privés allant jusqu’à 70 %, voire plus. En Pologne, où des politiques de régimes obligatoires ont également été développées, mais arrêtées par la suite, ce taux atteint 55 %. Dans certains pays où ces dispositifs ne sont pas obligatoires le taux flirt tout de même autour des 40 % (Belgique, Irlande, Royaume-Uni) voire plus (Allemagne, République Tchèque). Enfin, dans d’autres pays il est tout à fait moindre (Autriche, France, Grèce, Hongrie, Italie, Portugal, Espagne) |14|.

Pour la proportion des prestations versées par les régimes obligatoires, nous voyons que le pilier public reste prépondérant, à part dans plusieurs pays qui ont misé sur la primauté du secteur privé (Danemark, Islande, Pays-Bas).

 

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Source : OCDE, 2012

 

Pour ce qui est des prestations dans leur ensemble (obligatoires ou non) on voit que la place du secteur privé reste négligeable, à l’exception des pays suivants : Danemark, Irlande, Islande, Pays-Bas, Royaume-Uni, Suède et Suisse. D’après les données disponibles de l’OCDE, les versements de pensions émanant des 2e et 3e piliers représenteraient un cinquième des dépenses du régime public (et dans certains cas, les allègements d’impôts pour ces régimes représenteraient la moitié, voire l’entièreté, de leurs prestations...). Il faut garder à l’esprit que beaucoup des dispositifs privés obligatoires ont été mis en place dans les années 1990 et que leurs effets pourraient se faire ressentir d’avantage dans le futur avec l’évolution du nombre d’affiliés.

 

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Source : OCDE, 2012

 

Dans la plupart des pays, ce sont bien les versements publics qui représentent la principale source de revenus des plus de 65 ans. En ce qui concerne les pays de l’OCDE, la moyenne des revenus tirés des transferts publics s’élève à 60 %, alors que les revenus tirés du travail (généralement nécessaire parce que le senior n’a pas cotisé suffisamment pour avoir droit à sa retraite à taux plein) représentent en moyenne 23 % et ceux tirés du capital (principalement des pensions privées) 17 %.

 

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Source : OCDE, 2012

 

Ici encore, les situations varient énormément en fonction des pays et de leurs politiques. En Autriche, Belgique, Finlande, Hongrie et au Luxembourg, les retraites versées par les régimes publics constituent au moins 80 % du revenu des personnes âgées. Mais elles n’en représentent que 50 % ou moins au Danemark, en Islande, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni. La part des revenus provenant des capitaux y est évidemment très élevée (de 30 à 45 %) puisqu’ils utilisent fortement les systèmes de pensions privées. De manière générale, les personnes âgées les plus pauvres tirent leurs revenus exclusivement des régimes publics, tandis que les plus aisées en tirent une grande partie de revenus du travail ou de pensions privées |15|.

3) Quelques cas emblématiques

Grâce à ces données nous pouvons nous faire une idée des pays qui ont été plus ou moins agressifs dans leurs mises en place de contre-réformes et de ceux qui ont fortement privilégié le développement des 2e et 3e piliers. Ceci-dit, certains cas emblématiques méritent de s’y attarder en quelques mots |16|.

Le Royaume-Uni. Le Royaume-Uni est un des pays où le système par capitalisation est le plus important et le plus ancien. Le système par répartition verse de faibles retraites de base : 464€ par mois. Les régimes dits complémentaires sont donc inévitables (même si une seconde pension d’État, sous conditions de ressources, est versée à ceux qui ne bénéficient pas de fonds de pension en entreprise). La plupart des salariés sortent d’ailleurs de la partie facultative du premier pilier existant dans ce pays pour souscrire aux nombreux types de régimes privés disponibles (qui représentent 40 % des revenus des retraités). L’âge pour percevoir la retraite minimum d’État passera à 66 ans en 2020, 67 ans en 2028 et 68 ans en 2040. Le travail au-delà de l’âge légal est motivé par des surcotes, ainsi que le cumul d’un emploi et d’une pension |17|.

L’Allemagne. Moins plébiscité que le modèle suédois, l’expérience allemande reçoit toutefois également les faveurs de nos prétendus représentants : le taux d’emploi des 60-65 ans y atteint un niveau record. Ce qu’on nous dit moins, c’est que les fameux mini-jobs allemands se multiplient chez les retraités de 65 et plus... Avant les années 1990, le taux de remplacement était de plus ou moins 70 % et il y avait de nombreuses options de départs à la retraite anticipés. Mais depuis, une dizaine de réformes ont été mises en place et ont entraîné la création et le développement du régime par capitalisation (par des incitations fiscales, entre autres), la disparition du taux de remplacement garanti (une baisse de 25 % est attendue), la restriction d’accès aux départs anticipés et l’application de décotes, une augmentation de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans d’ici 2029, etc. Cette logique pénalise les seniors qui ne peuvent se maintenir dans l’emploi et le report de l’âge légal est donc une mesure de baisse des pensions |18| (la part des retraités qui subissent une décote est passée de 12 % en 2000 à 60 % en 2008) |19|.

L’Italie. Même si les régimes dits complémentaires y sont minoritaires, ceux-ci se développent avec le temps. Ils ont vu leur nombre d’affiliés augmenter de 6 % en 2011 et leurs bénéfices augmenter de 8 % en 2012. La réforme Amato de 1992 est celle qui a fait naître les a fait naître, tout en faisant passer l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 65 ans pour les hommes, et de 55 à 60 ans pour les femmes, tandis que le nombre d’années de cotisations nécessaires passait de 15 à 20 ans. Trois ans plus tard, la réforme Dini a fait passer ce chiffre à 35 ans et a instauré des primes (surcotes) pour les personnes ne partant pas avant 67 ans. Enfin, la réforme du gouvernement technique de Monti a fait passer l’âge légal de départ à 66 ans (pour les hommes comme pour les femmes) et l’annuité de cotisations à 42 ans, en instaurant des pénalités (décotes) pour les personnes partant en retraite anticipée. Depuis, la déconstruction du système par répartition amène l’État a parler, comme en France, de « dette sociale » puisque l’Institut de sécurité sociale a un trou de 23 milliards d’euros et ne pourra en théorie plus faire face au paiement des pensions à partir de 2015. |20|

La Suède. Le modèle Suédois actuel a vu le jour à la fin des années 1990, après plus de 10 ans de débats entre État, syndicats et patronat. Après le modèle Chilien, c’est à son tour d’être vanté et prisé. Pourquoi ? Parce qu’il assure désormais un équilibre automatique des recettes et des prestations. En effet, pas besoin de faire de réformes toutes les x années puisque cet équilibre est atteint par la baisse des pensions. Aucun taux de remplacement n’est garanti, le montant de la pension dépendra du revenu moyen du parcours entier du salarié (et non plus des 15 meilleures années), de l’espérance de vie moyenne (la plus élevée d’Europe) et de la croissance économique. Rassurés ? On sait ce qu’on verse, on ne sait pas ce qu’on recevra. L’État garantit une pension minimum de plus ou moins 900€ avec le système par répartition (taux de cotisation immuable de 16%), complété par un système de capitalisation individuelle (taux de cotisation de 2,5%), qui reste donc minoritaire en termes de prestations mais couvre près de 90 % des salariés. Il faut donc travailler le plus tard possible (le droit de départ est ouvert à 61 ans mais l’âge de départ moyen est de 64 ans et demi)

L’indice de progressivité conçu par l’OCDE montre le lien entre la pension de retraite et le revenu perçu durant la vie. Il a une valeur négative en Suède, ce qui signifie que le système de pension est régressif.

L’indice de progressivité conçu par l’OCDE montre le lien entre la pension de retraite et le revenu perçu durant la vie. Il a une valeur négative en Suède, ce qui signifie que le système de pension est régressif. En 1997 le taux de risque de pauvreté chez les plus de 65 ans était de 8 %, il dépasse aujourd’hui les 17 %... Enfin, il faut souligner le rôle distributif des services publics (éducation, santé, garde des enfants, prise en charge des personnes âgées, logement social, etc.) sans lesquels le système de pension serait très certainement plus invivable encore. Ces services accroissent en moyenne de 28,8 % le revenu des ménages dans les pays de l’OCDE, alors que cela monte à 41 % en Suède |21| (or, on sait que les services publics profitent davantage à la population âgée qu’à la population en âge de travailler) |22|.

L’Europe de l’Est. Certains pays d’Europe centrale ont décidé de remettre en question la « complémentarité » des différents régimes et de réorienter l’argent qui alimentait les fonds privés vers le secteur public. En Hongrie, fin 2010, le gouvernement a progressivement supprimé le deuxième pilier obligatoire et a transféré les fonds vers le premier pilier (14,6 milliards de dollars en un an). Avant cette contre-contre-réforme, plus ou moins 3 millions de personnes (plus de 70 % de la population dite active) étaient affiliés au secteur privé, le 31 décembre 2011 ils n’étaient plus que 102.000. En Pologne, le gouvernement a décidé de faire passer progressivement les cotisations versées aux régimes privés de 7,3 à 3,5 % et d’augmenter celles versées au pilier public. En Slovaquie, le gouvernement a décidé en juin 2009 de supprimer l’aspect obligatoire des régimes privés pour revenir au régime par répartition. Cependant, cette mesure a fait long feu puisqu’en 2012 les piliers complémentaires ont été de nouveau rendus obligatoires |23|. Les raisons pour lesquelles ces gouvernements ont mené ces opérations ne reflètent pas forcément un progrès politique et social |24| (tout comme le cas portugais où le gouvernement a permis aux fonds de pensions privés d’acheter plus de dette souveraine), mais ils démontrent qu’il est tout à fait possible d’inverser la tendance de privatisation des pensions et de récupérer des fonds destinés à celles-ci.

Cette citation de l’OCDE en dit long sur le sujet : Il y a lieu, aussi, de renforcer les systèmes de pension privés pour s’assurer qu’ils contribuent effectivement à apporter un revenu suffisant aux retraités. L’épargne retraite a été frappée, dans un premier temps, par la crise financière mondiale mais, maintenant, les actifs et les niveaux de solvabilité des fonds de pension se sont en grande partie rétablis. Néanmoins, [...] l’enthousiasme a faibli pour les dispositifs privés par capitalisation dans certains pays d’Europe centrale : la Hongrie et la Pologne, par exemple, ont aboli ou notablement réduit leurs systèmes de pension privés obligatoires. [...] Même en Allemagne, où l’épargne retraite individuelle privée est fortement encouragée et aidée, on s’interroge sur le point de savoir s’il est judicieux que la puissance publique soutienne les pensions privées. L’idée est parfois avancée que l’argent public devrait plutôt servir à soutenir les systèmes publics par répartition |25|

4) Les vieux, plus dangereux que les banques ?

Il ne faudrait pas oublier que derrière ces chiffres, il y a des souffrances. Nous sommes en train de créer et d’alimenter une peur collective quant au vieillissement de la population et à son soi-disant coût collectif, d’exacerber des tensions intergénérationnelles dans nos sociétés et de diminuer les moyens mis à disposition de la dignité des personnes âgées (provoquant, entre autres, leur maltraitance) |26|. Le vieillissement de l’armée de main d’œuvre qu’est la population ferait exploser la dette publique et mettrait en danger notre économie toute entière |27|. Cette présentation nie le fait que la dette publique croît, non sous les effets d’une augmentation des dépenses publiques (exceptés les récents sauvetages bancaires et autres dépenses illégitimes) mais de la baisse des recettes publiques. Elle nie totalement le fait qu’une économie soutenable ne dépend pas de la pyramide des âges de sa population mais du nombre de personnes qui travaillent (dans et hors l’emploi), de la productivité de leur travail (qui n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui) et, surtout, de la répartition des richesses produites par ce travail |28|. Si l’on regarde l’évolution de ces richesses, nous avons tout à fait de quoi financer les pensions, et y partir bien plus tôt ! De plus, cette présentation n’a de sens que si l’on admet que les pensionnés ne créent aucune richesse (même s’ils créent des biens et services...) parce qu’ils le font hors de l’emploi capitaliste |29|. La question à se poser reste : qui doit à qui ? Qui a une dette sociale envers qui ?

une économie soutenable ne dépend pas de la pyramide des âges de sa population mais du nombre de personnes qui travaillent (dans et hors l’emploi), de la productivité de leur travail (qui n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui) et, surtout, de la répartition des richesses produites par ce travail.

Mais ces questions, les détenteurs de capitaux et leurs chiens de garde (gouvernements en tête) ne veulent pas qu’on se les pose. À l’inverse, face à ce problème créé du vieillissement de la population, c’est – qui l’eut cru – le marché tout puissant qui est érigé comme solution. Ce n’est pas pour rien que c’est depuis l’offensive néolibérale que l’on nous propose les fonds de pensions privés et l’attaque sur les conditions d’accès à la pension elle-même. Ce n’est pas pour rien non plus que ces contre-réformes nous soient à nouveau présentées comme techniques et non politiques... Il s’agit d’ôter leur légitimité aux régimes de ressources (service public ou salaire socialisé) qui subvertissent la forme capitaliste de la subordination du travail et de réactiver cette dernière en associant une partie des salariés à l’accumulation financière |30|.

Le marché va donc beaucoup mieux gérer nos pensions. Qu’est-ce que cela représente ? Aujourd’hui déjà, des montants considérables. En 2011, le total des actifs des fonds de pension des pays de l’OCDE |31| représentaient 74 % du PIB, soit plus de 20.000 milliards de dollars, dont un peu plus de la moitié aux États-Unis où les fonds de pensions ont saturé le marché avant de se répandre en Europe (plus ou moins 5.300 milliards d’actifs, soit 42 % du PIB européen) et ailleurs. Ils ont d’ailleurs augmenté partout leurs poids relatif, mais diminué là-bas. Au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, ils pèsent respectivement 2.300 milliards et 1.100 milliards de dollars, c’est-à-dire près de 2/3 de leur poids total en Europe |32| (qui pourrait tendre vers la création d’un marché commun pour les fonds de pension) |33|.

 

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Source : OCDE 2012

 

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Source : OCDE 2012

 

Les sommes en jeu sont donc immenses, elles sont investies en bourse et dans des obligations d’entreprises et d’État (voir le graphique qui suit). Or, suivant la logique dominante de développement de ces régimes, de plus en plus de personnes en dépendent pour leurs pensions. Lorsque tout va bien (sans même avoir ici de considérations pour les activités dans lesquels ces fonds investissent...), les « petits pensionnés » entretiennent les actionnaires, qui n’utiliseront pas les rendements |34| pour faire des réserves qui assureraient le paiement de leurs pensions mais pour augmenter leurs profits. Lorsque tout va mal, comme on l’a vu durant la crise, les « petits pensionnés » sont souvent en première ligne et assument les risques inhérents à la financiarisation et à ce marché particulièrement volatil (cela dépend évidemment des législations nationales).

Bizarrement, les libéraux parlent très peu de cette réalité mais n’hésitent pas à agiter le spectre de la perte des épargnes des « petits pensionnés » en cas d’annulations de dettes publiques. En effet, les institutions financières des 2e et 3e piliers faisant partie des zinzins (investisseurs institutionnels) qui achètent des obligations souveraines, ne pas rembourser celles-ci les mettraient en difficulté et, donc, leurs affiliés. Premièrement, nous pouvons regarder où est placée l’épargne des personnes âgées de 65 ans ou plus et si elle est grandement exposée par ces piliers. Cela ne répond pas entièrement à la question mais le graphique ci-dessous montre que, à part en France où les régimes de retraite facultatifs et l’assurance-vie représentent une part très importante de ces épargnes (48%), les actifs détenus par les personnes âgées sont plutôt liées à d’autres placements |35|.

 

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Source : OCDE 2012

 

Deuxièmement, essayons de regarder dans quels produits les fonds de pension investissent.

 

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(1) La catégorie « Autres actifs » comprend les prêts, les terrains et constructions, les contrats d’assurance non imputés, les fonds d’arbitrage, le capital-investissement, les produits structurés et les autres investissements.

 

Ces données donnent très peu d’information |36| quant à savoir si une annulation de dettes souveraines entraînerait de fortes pertes au niveau de ces fonds privés car, si une partie importante de leurs investissements vont aux obligations, elles n’indiquent rien sur la distinction entre obligations d’entreprises et d’État. Quoiqu’il en soit, les fonds de pensions privés peuvent toujours être affectés par leurs investissements dans les dettes souveraines, ne serait-ce que par une perte de leur valeur sur les marchés ; il est possible que des investissements indirects via les organismes de placements collectifs engagent également les fonds de pension ; les compagnies d’assurances et les banques du 3e pilier font également partie des créanciers de ces dettes publiques, comment savoir si elles (ne) feraient (pas) supporter le coût d’une éventuelle annulation sur leurs épargnants-pension ; etc. En Belgique, on a vu que les fonds de pension ne détiennent qu’une infime partie de la dette publique |37|. Au Royaume-Uni, par contre, les sociétés d’assurance et les fonds de pension détiendraient une part importante de la dette publique (30 %) |38|. Quoiqu’il en soit, les chiffres Belges ne veulent pas dire qu’un défaut de paiement n’aurait aucune conséquence sur les pensionnés cotisants au secteur privé (de Belgique comme d’ailleurs). Cela veut dire qu’on dégagerait des sommes incroyables qui aujourd’hui plombent les budgets des États et qu’on devrait décider de qui faire payer en priorité.

Cela veut dire qu’on dégagerait des sommes incroyables qui aujourd’hui plombent les budgets des États et qu’on devrait décider de qui faire payer en priorité.

Certains diront que les épargnes aisées du 3e pilier ne seraient garanties qu’à hauteur de tel ou tel montant ; d’autres diront que les fonds de pension du 2e pilier devront alors être socialisés et retourner au système par répartition en faisant supporter le coût sur le patrimoine des plus gros actionnaires et en reprenant dans le secteur public les futurs pensions qui seront garanties à hauteur de tel ou tel montant ; évidemment d’autres diront que les pertes doivent être assumées par les affiliés et qu’il faut garder l’efficacité incroyable des piliers privés...

Tout cela dépendra de si ce défaut de paiement se fera démocratiquement, par un audit sous contrôle citoyen, ou par le pouvoir en place qui protège les intérêts des détenteurs de capitaux. Actuellement, on travaille de plus en plus longtemps pour continuer à enrichir cette minorité de la population et à rembourser une dette illégitime, tout en étant de plus en plus nombreux au chômage et incapables de faire face aux désastres écologiques qui s’annoncent pour nous. Loin du contrôle de nos propres caisses de sécurité sociale, nous sommes aujourd’hui obligés de jouer indirectement aux capitalistes en investissant dans le secteur privé afin de lui laisser la responsabilité d’assurer nos vieux jours. Les piliers dits complémentaires restent minoritaires aujourd’hui, mais comme on l’a vu leur taux de couverture va de 40 à 60 % dans les pays de l’OCDE et celle-ci va augmenter au fur et à mesure que de nouveaux salariés y adhéreront dans les prochaines années et décennies. Il faut arrêter cette tendance à financiariser nos droits à la pension |39| et reprendre d’urgence le contrôle des richesses collectivement produites.

Notes

|1| Pour une critique des comparaisons classiques, lire le papier « Les logiques des systèmes de retraite en Europe » de Lucy Ap Roberts de janvier 2007 ou l’article « Les systèmes de retraite possibles » d’Ecopublix de janvier 2008.

|2| Les pays de l’Est ont, eux, développés directement (dans les années 1990, sous l’influence de la Banque Mondiale) des régimes mixtes de répartition et de capitalisation. Depuis, ils ont évolué différemment.

|3| Une autre comparaison des systèmes européens peuvent être trouvée dans l’article « Trois modèles de protection sociale en Europe de 1995 à 2010 » de Georges Menahem, octobre 2013, mais aussi dans le papier « Régimes de ressources et statut des salariés : l’exemple des pensions de retraite » de Bernard Friot, février 2004.

|4| Nous avons déjà critiqué cette approche dans un article d’octobre 2013 : « Pensions et dette publique en Belgique ».

|5| Sur le plaidoyer pour la théorie des trois piliers, voir les documents de la Banque Mondiale depuis son rapport de 1994 sur « La crise du vieillissement : mesures destinées à protéger les personnes âgées et à promouvoir la croissance », mais aussi tous les dossiers de l’OCDE, ou encore le fameux « Livre Blanc : une stratégie pour des retraites adéquates, sûres et viables » de la Commission européenne, 2012.

|6| Voir : « Les réformes de la retraite en Europe : une lecture selon les formes de pensions », Bernard Friot, septembre 2005.

|7| Il s’agit d’un régime où le niveau de la pension est proportionnelle aux cotisations versées durant sa vie par la personne, augmentées ou diminuées en fonction de la croissance.

|8| L’exemple de la Grèce est un des plus parlant. Le système était critiqué comme étant trop généreux envers les retraités (en moyenne, ils recevaient plus que leur salaire moyen durant leur vie dite active), aujourd’hui 1/3 de la population n’a plus accès à la sécurité sociale... Lire « Qui a les meilleurs retraites en Europe ? » du Monde, octobre 2010.

|9| Dans certains pays, les femmes ont accès à la pension plus tôt. Cependant, il faut rappeler qu’elles ont des pensions moindres que les hommes en moyenne et que de plus en plus de pays épris d’égalité hommes/femmes penchent sur un âge légal de départ égal (un peu comme un salaire égal, certainement...).

|10| Pour plus d’information, lire « Les dernières réformes de retraites de nos voisins européens » de l’Huffington Post de juin 2013 et le rapport « Panorama des pensions 2013 – Chapitre 1 : les réformes récentes des retraites et leur impact redistributif » de l’OCDE, 2013, p.17

|11| Pour voir les taux de cotisations au régime public actuels, suivre ce lien : http://dx.doi.org/10.1787/888932907813

|12| Celles-ci concernent les pensions d’invalidité, les pensions de retraite partielles, les retraites, les retraites anticipées en raison d’une incapacité de travail ou pour des raisons dues au marché du travail ou pour d’autres raisons.

|13| Comme, par exemple, le nombre d’affiliés, les cotisations reçues, les chiffres d’affaires, les investissements effectués, les dépenses de pensions effectives, etc. des institutions du 2e et 3e piliers. Pour des premiers éléments, voir la partie « Industries, commerce et services – Statistiques sur les services financiers » d’Eurostat ou les indicateurs de l’OCDE sur les pensions.

|14| Pour plus de détails, suivre ce lien http://dx.doi.org/10.1787/888932908041

|15| Voir le rapport OCDE, 2013, op.cit, p.83 ou l’article « Retraites : que font les autres ? » de Slate de septembre 2009.

|16| Pour plus d’exemples, voir le dossier « International Guide to Pensions » de CMS, janvier 2011.

|17| Voir : « Retraites : à quel âge et avec combien partent nos voisins européens ? » de TF1 de juin 2013.

|18| Là-dessus lire : « Retraites : l’espérance de vie des plus pauvres est-elle en train de reculer ? » de Basta !, juin 2012.

|19| Voir : « Retraites : que nous apprennent les comparaisons européennes ? » du SNES-FSU de décembre 2010.

|20| Voir : « Pensioni, con la riforma Fornero spesa pubblica più stabile ma tenore di vita più basso ».

|21| Lire également « Suède : la dette des ménages près du seuil critique » du Trends Tendances de janvier 2014.

|22| OCDE, 2013, op.cit., p.116

|23| OCDE, 2013, op.cit., p.25

|24| Sur le sujet lire, entre antres, « Nationalisation partielle des fonds de pensions en Pologne : un pas dans la bonne direction, mais... » de Dariusz Zalega, octobre 2013.

|25| OCDE, 2013, op.cit., p.13.

|26| Lire à ce sujet la brochure « Seniors – Vieillissement actif : rentables jusqu’au bout ? » de Vivre Ensemble, mai 2013.

|27| Lire à ce propos notre article « Le surcoût des riches (et non des pensions) ne peut plus être assumé par la population, et ce depuis longtemps... » en réponse à Bruno Colmant, novembre 2013.

|28| « Os mitos da segurança social e o problema da sustentabilidade » (« Les mythes de la sécurité sociale et le problème de soutenabilité ») du CADPP, mai 2013, p.3.

|29| Lire « How Community interventions converge to bring about a shift in ressource regimes : the example of pension reforms » de Gaël Coron et Bernard Friot, 2013.

|30| Bernard Friot, septembre 2005, op. cit.

|31| En 2011, dans les pays de l’OCDE pour lesquels les données sont disponibles, 76 % des actifs des dispositifs privés, en moyenne, étaient détenus par des fonds de pension, 19 % dans le cadre de contrats d’assurance retraite gérés par des sociétés d’assurance-vie ou de retraite, 4 % sous forme de produits de retraite commercialisés par des banques ou des sociétés de gestion de portefeuille et 1 % dans des plans provisionnés. OCDE, 2013, op.cit., p.237

|32| Pour des chiffres plus récents dans la zone euro, voir la BCE : http://sdw.ecb.europa.eu/browse.do?...

|33| Lire Gaël Coron et Bernard Friot, op. cit.

|34| Pour avoir une idée des rendements des fonds de pension, suivre ce lien : http://dx.doi.org/10.1787/888932908193

|35| OCDE, 2013, op.cit., p.111. À noter également que dans ces treize pays les 30 % d’individus qui ont le plus de patrimoine en détiennent en fait plus des 2/3.

|36| Le tableau suivant fournit quelques précisions sur ces catégories de placements : http://stats.oecd.org/viewhtml.aspx?QueryName=600&QueryType=View

|37| 235 millions d’euros en 2011, soit plus ou moins 0,5 % de la dette publique. Voir la partie « Valeurs représentatives des provisions techniques » en suivant ce lien : http://www.fsma.be/fr/Supervision/p...

|38| Lire le dossier « Qui détient la dette publique ? » de Guillaume Leroy, avril 2011.

|39| La proposition récente de la FGTB, syndicat majoritaire en Belgique, de supprimer l’avantage fiscal du 3e pilier – plus ou moins 700 millions d’euros – va à ce sujet dans le bon sens, mais tous les partis au pouvoir l’ont rejetée. Lire : « La FGTB veut augmenter la pension légale en supprimant l’avantage fiscal lié à l’épargne-pension » de La Libre du 14 janvier 2014.

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 18:06

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Emprunts toxiques. Les banques une nouvelle fois condamnées

20 février par Patrick Saurin


 


À la fin de l’année 2013, la tentative félonne du gouvernement de faire valider rétroactivement les contrats de prêt illégaux, car dépourvus de TEG, a été à juste titre sanctionnée par le Conseil constitutionnel. Il faut se rappeler qu’à l’occasion du démantèlement de Dexia, le gouvernement avait fait reprendre un encours de 10 milliards d’euros de prêts toxiques de cette banque par la Société de financement local (SFIL), une structure publique spécialement créée à cet effet. Lorsqu’il a constaté que les tribunaux sanctionnaient les banques qui n’avaient pas mentionné de TEG dans leurs contrats et leurs fax de confirmation, le gouvernement a tenté de réduire à néant cette jurisprudence en proposant une loi de validation rétroactive des contrats illégaux afin d’exonérer les banques et renvoyer la prise en charge du surcoût des emprunts toxiques aux acteurs publics locaux. Mais les juges poursuivent leur travail. En voici pour preuve deux récents arrêts.

 

1) Royal Bank of Scotland contre Lille Métropole Communauté Urbaine

Le 28 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Paris a infligé un nouveau camouflet aux banques et au gouvernement en condamnant Royal Bank of Scotland (RBS), assignée par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU).

Le litige portait sur trois contrats de swap |1| passés avec RBS pour couvrir les risques de taux de trois contrats de prêt signés respectivement avec Depfa Bank et le Comptoir des Entrepreneurs, Dexia, et le Crédit Agricole. Or, au lieu de protéger LMCU en minorant son exposition aux risques de taux, ce qui doit être précisément l’objet des contrats de couverture, les swaps ont au contraire accentué le risque, et le coût élevé des soultes pour les dénouer a privé la collectivité de la possibilité de sortir de ces contrats. Ces swaps reposaient en effet sur une structure de taux particulièrement complexe car leurs taux respectifs étaient déterminés par un différentiel entre un taux long et un taux court, un différentiel issu du taux de change de plusieurs monnaies (euros, franc suisse, dollar), enfin un différentiel entre l’inflation européenne et l’inflation française.

Dans son jugement, le TGI a écarté plusieurs arguments avancés par LMCU. Il a rejeté la demande d’annulation des contrats |2| en considérant qu’il n’y avait eu ni dol, ni erreur, ni cause ou objet illicites. Il a également considéré que ces contrats ne violaient pas l’article L. 5215-19 du code des collectivités territoriales selon lequel « le conseil de la communauté urbaine règle par ses délibérations les affaires qui sont de la compétence de la communauté urbaine ». Il a aussi estimé que la signature de contrats d’échange de taux par la communauté ne s’inscrivait pas dans des activités spéculatives mais dans « une politique de gestion active de la dette de la collectivité, visant à prévenir les évolutions de taux qui lui seraient défavorables, afin de limiter la charge financière qu’elle supporte ». Le tribunal a également considéré que les swaps litigieux n’avaient pas pour objet de procurer des ressources non autorisées à la collectivité. Enfin, il a estimé que la communauté a recouru de façon valable aux instruments de couverture et n’a pas apporté la preuve de la non-conformité des contrats à la circulaire interministérielle du 15 septembre 1992, « en elle-même dépourvue de valeur normative », a cru utile de préciser le TGI.

Le tribunal a également rejeté la demande de résolution judiciaire |3| des trois contrats par LMCU qui avançait un manquement aux devoirs d’information, de conseil et de mise en garde de la banque à laquelle il était également reprochée la mauvaise foi dans la conclusion et l’exécution des contrats. Pour le TGI, les manquements aux devoirs d’information, de conseil et de mise en garde ne peuvent être invoqués en l’espèce car ils concernaient des obligations précontractuelles, l’article 1184 du code civil spécifiant qu’un contrat ne peut être résolu judiciairement qu’en cas d’inexécution d’une obligation contractuelle |4|. Le tribunal n’a pas non plus retenu la mauvaise foi.

En revanche, le TGI de Paris a reconnu que RBS avait manqué à son obligation d’information en ne communiquant pas à la communauté la valorisation des swaps |5| à la date de leur conclusion. Pour le tribunal, « cette valorisation était […] un élément d’information important et pertinent ». Le tribunal a repris le point de vue de la Cour des comptes développé dans son rapport annuel 2009, selon lequel « la valorisation des instruments de couverture constitue le seul moyen de comparer les offres bancaires au moment de leur souscription, et […] permet de corriger un taux en apparence bonifié en tenant compte des anticipations du marché concernant l’évolution variable de l’indexation sur la durée totale de l’opération ». Pour la Cour des comptes, cette valorisation est également le seul moyen d’apprécier les conditions auxquelles la collectivité peut réaménager ou couvrir une position d’emprunteur devenue défavorable, et « permet de rétablir la symétrie de l’information entre le prêteur et l’emprunteur ».

Le tribunal a également relevé que la conclusion de l’un des trois contrats, le swap n° 1, mettait en évidence un manquement de RBS à son devoir de conseil. Après avoir relevé que ce contrat portait sur un notionnel |6| très important, avait une durée de treize ans et présentait la particularité d’être décalé dans le temps, ce qui augmentait la difficulté de la prévision, le juge a considéré qu’il comportait « du côté du taux reçu [c’est-à-dire du côté de la communauté], le risque de ne rien recevoir en cas d’appréciation de l’euro par rapport au franc suisse », ce qui a suffi à ses yeux « à rendre l’échange défavorable ». Le juge a également souligné que « RBS […] n’a à aucun moment indiqué quel était l’intérêt pour LMCU, par rapport au contrat de couverture existant déjà entre les parties, de l’ajout de cette indexation ». Il s’ensuit donc pour le TGI que « la société RBS a manqué à son devoir de conseil ». Pour le tribunal, « le préjudice résultant des manquements aux devoirs d’information et de conseil ne peut être égal à la valeur de remplacement des contrats, mais consiste dans la chance qu’a perdue LMCU de conclure des contrats d’échange de taux à de meilleures conditions, si elle avait été mieux informée, et pour le swap n° 1, mieux conseillée. »

Le TGI n’a pas chiffré le préjudice mais a considéré « qu’une tierce personne pourrait être désignée, afin d’entendre les parties et confronter leurs points de vue, pour trouver une solution, pour les points restant à trancher ». Avant de se prononcer sur l’évaluation du préjudice et le surplus des demandes des parties, le juge a invité les parties à donner leur avis sur l’organisation d’une mesure de médiation judiciaire.

2) Société Générale contre Société Minière Georges Montagnat

Une autre décision de justice est également intéressante à analyser pour notre sujet et elle est à rapprocher de la décision que nous venons de présenter. Il s’agit d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 septembre 2013 condamnant la Société Générale pour défaut d’information, de conseil et de loyauté dans une affaire de dérivés souscrits par la Société Minière Georges Montagnat (SMGM).

En 2005, alors que les prix du nickel sont orientés à la hausse, la banque avait fait souscrire à la SMGM des produits de couverture contraires afin de la protéger contre les évolutions du cours du nickel. En l’occurrence, la SMGM avait acheté à la Société Générale des options de vente (appelées « puts » dans le jargon financier) se déclenchant si les prix tombaient sous un certain seuil. Mais dans le même temps, la banque avait acquis de son côté auprès de cette même SMGM des options d’achat (appelées « calls » dans la même langue précitée) activables si les cours grimpaient au-delà d’un seuil fixé, la banque pouvant dans cette situation facturer à son client le différentiel de tarif. C’est précisément ce qui s’est produit. Lorsque les prix du nickel ont augmenté en 2006 avant d’exploser en 2007, la SMGM n’en a pas profité car la banque a fait jouer ses options d’achat et a retiré pour elle seule tous les bénéfices consécutifs à la hausse du prix du nickel.

Le seul avantage de la souscription de deux options contraires pour la société minière était de ne pas régler de prime lors de la mise en place de la couverture. Or la banque, qui n’a informé sa cliente que sur la stratégie d’options contraires, aurait dû lui proposer également une stratégie d’option sèche lui permettant de vendre le nickel à un tarif minimum garanti.

La Cour a également souligné que la Société Générale n’a pas fait connaître à son client la façon dont elle se rémunérait sur ses opérations de couverture. « Il n’y a eu ni commissions, ni prime versée par la SMGM lors de leur mise en place, mais une rémunération implicite perçue par la banque sur le flux financier maximum que la couverture était susceptible de générer et qui a été estimée par le consultant nommé par les premiers juges à la somme de 912 059 dollars », précise l’arrêt.

La Cour d’appel n’a pas prononcé la nullité des contrats, car elle n’a retenu ni le dol, ni le manquement au devoir de mise en garde, mais elle a donné raison à la SMGM en relevant que « la Société Générale n’a pas informé la SMGM des modalités de sortie des positions de couverture et de l’existence d’une stratégie d’option sèche (...) ni du coût de la couverture qui (...) affecte la pertinence de la stratégie choisie ». Pour la Cour, la banque « a le devoir d’informer son client de la manière dont elle va se rémunérer pour sa prestation même dans le cadre d’opération à prime nulle par loyauté et transparence ». La Société Générale aurait dû ainsi dévoiler la marge qu’elle était en mesure de réaliser dès la conclusion des contrats d’option. Elle a été condamnée à verser à la SMGM 9 millions de dollars.

Charlotte Valette, consultante à Seldon Finance, et Olivier Poindron, avocat de la société Fidal, ont réalisé une analyse intéressante de cet arrêt |7| en soulignant que l’argumentaire de la SMGM était identique à celui développé par plusieurs collectivités locales devant les tribunaux. Ils ont également réalisé un tableau comparatif entre l’affaire SMGM et une affaire concernant une collectivité locale qui aurait souscrit un prêt toxique l’exposant au risque d’une hausse du franc suisse par rapport à l’euro. Pour les deux juristes, « le raisonnement [de la Cour d’appel] repose sur la « vente implicite » d’options par la SMGM à la banque, il est donc transposable aux « prêts structurés », qui reposent également sur la vente d’options par une collectivité à la banque. » Les auteurs soulignent également dans leur conclusion un élément fort intéressant : « la Cour d’appel de Paris a jugé non avertie la société SMGM en matière de dérivés de nickel, alors même que :
cette société avait déjà conclu des opérations dérivées ;
son dirigeant était un ancien banquier. »


3) Les conséquences de ces décisions de justice

Ces deux arrêts sont riches d’enseignements.
Ils démontrent que les banques appliquent indifféremment aux collectivités et aux entreprises une même politique commerciale d’offre de produits toxiques.
Ils mettent en évidence que les banques sont coupables des mêmes manquements : défaut d’information et défaut de conseil.
Ils soulignent la nature spéculative et risquée des produits structurés et dérivés proposés (reposant notamment sur le cours des monnaies ou des matières premières) que les banques font souscrire aux collectivités. Dans le cas de LMCU, les trois contrats de swaps souscrits par la communauté en 2007 supposés couvrir les risques de taux de prêts se sont révélés extrêmement dangereux.
Ils révèlent au grand jour la vocation de ces produits qui n’est pas de couvrir les risques des acteurs publics ou privés qui les souscrivent, mais de rémunérer grassement les banques qui les leur proposent. Ainsi, l’emprunt souscrit en 2001 par LMCU avait déjà fait l’objet de 6 swaps, avant le nouveau contrat de swap passé en 2007.

La complexité des produits structurés et dérivés, l’opacité qui entoure leur mise en place, font ressortir que les banques prennent soin de dissimuler leur marge à leurs clients. Au vu de cette situation, le maintien du secret bancaire apparaît de plus en plus injustifiable.

Le jugement et l’arrêt que nous venons de présenter viennent s’ajouter à d’autres décisions favorables pour les collectivités. La jurisprudence qui se construit doit encourager les acteurs publics locaux et les collectifs de citoyens à poursuivre et à intensifier leur légitime lutte contre les banques qui ont commercialisé des emprunts toxiques.

Notes

|1| Un swap est un contrat qui consiste pour deux parties à échanger des flux financiers (par exemple des flux d’intérêts calculés sur un taux fixe contre des flux d’intérêts calculés sur un taux révisable).

|2| Lorsqu’une condition essentielle de formation d’un contrat n’est pas remplie, le juge peut prononcer l’annulation du contrat. Cette décision a un effet rétroactif, on considère que le contrat n’a jamais existé et s’il a commencé à produire ses effets, tout doit être rétabli dans l’état où les cocontractants se trouvaient avant la passation du contrat. Dans le cas de LMCU.

|3| La résolution judiciaire intervient lorsque l‘un des cocontractants n’a pas rempli l’une de ses obligations principales. Dans une telle situation, le juge met un terme au contrat, généralement de façon rétroactive.

|4| Les juges ont considéré que l’annulation ne pouvait être prononcée car le défaut d’information et de conseil ne concernaient pas la conclusion et l’exécution des contrats, mais la phase précontractuelle qui les précédait, et que de ce fait, LMCU ne pouvait prétendre qu’à des dommages et intérêts.

|5| La valorisation (ou pricing) d’un swap consiste à déterminer à un moment donné la valeur actualisée des flux à recevoir et la valeur actualisée des flux à payer. Ce calcul, effectué aux taux de marché du moment (« mark-to-market »), permet de connaître le gagnant de l’opération.

|6| Le montant du swap qui sert de base au calcul des intérêts s’appelle le nominal. Ce montant est notionnel, c’est-à-dire qu’il n’est pas échangé.

|7| http://www.seldon-finance.com/contr...

 

 

Source : cadtm.org

 

 

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 17:59

 

Source : www.reporterre.net

 

L’Europe capitaliste n’est pas l’Europe

Aurélien Bernier

vendredi 21 février 2014

 

 

 

L’Union européenne s’est enfermée dans le carcan néo-libéral. Pour Aurélien Bernier, la gauche radicale écologiste doit admettre que son projet de société se heurte à une construction européenne vouée au capitalisme, au productivisme et au libre échange.


L’imposture écologique de l’Union européenne a vécu. Il y a peu encore, ses représentants semblaient vouloir entraîner le reste du monde sur la voie de la réduction des gaz à effet de serre et de l’efficacité énergétique. Ils ne juraient que par le développement durable ou l’économie « verte ». Ils jouaient la comédie aux tribunes des sommets internationaux pour convertir les brebis égarées (Chine, États-Unis, Canada, Australie...) aux bienfaits de la révolution écologique.

Pour ceux qui y ont cru, la désillusion est douloureuse. Aujourd’hui, en pleine crise économique, il n’est question que d’autoriser de nouvelles plantes génétiquement modifiées, de favoriser l’extraction des gaz de schiste, d’adapter les normes environnementales aux exigences libre-échangistes des multinationales américaines dans le cadre du grand marché transatlantique en cours de construction. A l’image de « l’Europe sociale », « l’Europe verte » n’aura pas lieu [1].

La gauche radicale écologiste devrait admettre que son projet de société se heurte frontalement à cet autre projet de société : celui d’une construction européenne vouée au capitalisme, au productivisme, au libre échange et à la libre concurrence.

Malheureusement, cette prise de conscience est encore loin d’être accomplie. Car nous avons tous été intoxiqués par cette pensée unique : l’Europe c’est la paix et la fraternité ; les Nations, c’est la guerre et le repli sur soi. Mais où est la fraternité lorsque des dirigeants allemands proposent à la Grèce de vendre ses îles pour payer sa dette ?

Où est le repli sur soi lorsque le Venezuela reconquiert fièrement sa souveraineté nationale pour, ensuite, créer l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), un processus d’intégration de pays d’Amérique latine basé sur la justice et la solidarité ?

La « nouvelle gauche » de l’après Mai-68, les écologistes puis les altermondialistes ont tellement voulu dépasser le cadre national qu’ils ont défendu par principe le supranationalisme, et notamment la construction européenne [2]. Or, s’il est évident que le cadre national est bien trop étroit pour traiter les grands problèmes mondiaux (la pauvreté, la paix, l’environnement...), on ne voit pas en quoi le transfert de souveraineté résout quoi que ce soit.

Au contraire, l’ordre juridique et monétaire européen s’impose aujourd’hui aux États membres et empêcherait toute sortie du capitalisme. Une gauche radicale qui arriverait au pouvoir et voudrait interdire les OGM, stopper les dégâts de l’agriculture productiviste, réduire la consommation matérielle, développer les services publics, taxer véritablement les richesses... n’aurait d’autre choix que de désobéir au traité de Lisbonne et aux centaines de directives ultralibérales adoptées depuis l’Acte unique de 1986.

Il n’est plus l’heure de prendre nos désirs pour des réalités. Il est noble et respectable d’espérer, dans l’absolu, une Europe démocratique, écologique et sociale ou une Organisation mondiale du commerce soucieuse du bien-être des peuples. Mais il n’est plus possible de bâtir une stratégie politique sur cette seule espérance.

 

*Suite de l'article sur  reporterre

 

 

Source : www.reporterre.net

 

 

 

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 15:45

 

Source : www.mediapart.fr

 

Le coup de poker de Bercy contre la taxe sur les transactions financières

|  Par Lénaïg Bredoux et Ludovic Lamant

 

 

 

Angela Merkel et François Hollande n’ont toujours pas réussi à se mettre d’accord quant aux contours précis de la taxe sur les transactions financières, même s'ils veulent aboutir avant les européennes. Selon nos informations, Bercy a avancé une nouvelle proposition pour sortir de l’impasse, mais celle-ci réduirait considérablement la portée de la taxe.

Au pire un nouvel échec, au mieux une déception. François Hollande et Angela Merkel ne sont toujours pas d’accord sur l’avenir de la taxe sur les transactions financières (TTF). Malgré leurs déclarations d'intention mercredi, à Paris, les deux dirigeants divergent toujours sur les modalités concrètes de cette taxe. Selon nos informations, Bercy a même fait une nouvelle proposition qui réduirait considérablement l'ampleur de ce symbole de la lutte contre la spéculation.

Officiellement, Hollande et Merkel veulent aller vite et conclure avant les européennes. Mais leur rencontre en marge du conseil des ministres franco-allemand mercredi à Paris n'a pas aplani les différends. Pire encore : le dossier est tellement enlisé que, ces derniers jours, la France a sorti du chapeau un dispositif très différent qui viderait pour partie de sa substance le principe même d’une taxe sur les transactions financières.

Selon plusieurs sources, Bercy a proposé à ses partenaires européens que l’impôt ne soit plus prélevé sur chaque transaction (à chaque vente ou achat d’action ou d’un produit dérivé), mais qu’une « taxe systémique » soit prélevée sur l’exposition des banques aux dérivés. Exit la TTF, qui serait alors remplacée par un simple impôt sur le bilan des banques, prélevé chaque année.

Avantage de la manœuvre : cela permettrait d’asseoir cette taxe sur une « assiette » large, comprenant tous les produits dérivés, ce que réclament les ONG. Mais ce scénario rapporterait nettement moins que le projet de la Commission européenne. « La baisse des recettes serait considérable », admet une source française. « Cette nouvelle proposition de Bercy serait sans doute plus simple à mettre en place qu’une TTF classique. Mais il faut bien comprendre qu’un impôt de ce type n’aurait aucun impact pour freiner la spéculation sur les marchés financiers », commente un bon connaisseur du dossier à Bruxelles.

En revanche, le montant de la collecte pourrait être supérieur aux projets a minima présentés par d'autres pays européens comme l’Italie. « C’est entre la proposition de la commission très large et mal ciblée et entre celle de l’Italie, qui est un truc minuscule », dit-on à Paris. Contacté, le cabinet de Pierre Moscovici n'a pas répondu à nos questions.

Depuis son élection, François Hollande a fait de la taxe sur les transactions financières un de ses objectifs pour « réorienter » l’Union européenne. Les discussions, entamées en octobre 2010 sous Nicolas Sarkozy, ont échoué entre les 27 États membres (aujourd’hui 28) mais onze d’entre eux, dont la France et l’Allemagne, ont décidé d’une « coopération renforcée » pour la mettre en œuvre.

La Commission leur a remis une proposition prévoyant une assiette large (y compris tous les dérivés, ces produits financiers qui contribuent largement à la spéculation boursière) pour plus de 30 milliards d’euros collectés chaque année. Mais elle provoque la fureur des milieux bancaires, qui possèdent de puissants relais auprès des gouvernements. Le projet de Bruxelles a ainsi été qualifié « d’excessif » par Pierre Moscovici et, ces derniers mois, la France bataillait en coulisses pour atténuer au maximum le champ d’application de cette “taxe Tobin”. Le mois dernier, un collectif d’ONG avait publié une lettre au président de la République intitulée « Hollande doit recadrer Moscovici ».

L’Allemagne, préoccupée par la Deutsche Bank, n’était pas non plus très allante mais le contrat de grande coalition entre la CDU d’Angela Merkel et le SPD de Sigmar Gabriel prévoit la mise en œuvre de cette taxe. Ces dernières semaines, Paris avait le mauvais rôle et semblait prêt à tout pour affaiblir la TTF. « Les positions étaient bloquées », admet un négociateur français. D’où la nouvelle proposition choc de Bercy. Pour l’instant, de source française, Berlin est réticente.

« C'est de la stratégie politique : la France espère déplacer la responsabilité de l'Allemagne sur le fait que les dérivés ne seront pas taxés. Bercy pourra toujours dire que ce sont les Allemands qui n'en ont pas voulu, que ce sont eux les mauvais », avance l'expert bruxellois qui a requis l'anonymat.

« Mieux vaut du super light que rien du tout »

Un autre scénario est sur la table : celui d’une mise en œuvre graduelle de la taxe, prévoyant un élargissement progressif de l’assiette. Dans un premier temps, les 11 mettraient en place une taxe modeste, sur le modèle de ce qui existe déjà en France ou en Italie. Avant de monter en gamme, et d’élargir l’assiette.

À Bruxelles, ce scénario par étapes semble faire consensus : le commissaire européen chargé du dossier, Algirdas Semeta, l’a explicitement mentionné devant les eurodéputés le 4 février : « Il n’y aurait rien de mal à ce que l’on mette en place cette taxe de manière graduelle. » « Mieux vaut du super light que rien du tout. Si l’on n'avance pas tout de suite, même qu’un peu, cela risque d’être abandonné », résume-t-on au sein de l’exécutif européen, où l’on continue de redouter un enlisement total du dossier.

Paris et Berlin devront aussi se mettre d’accord sur l’affectation du produit de cette taxe – une autre pomme de discorde entre les deux capitales. La France veut pouvoir l’utiliser partiellement pour l’aide au développement et pour la conférence sur le climat prévue à Paris l’an prochain. Berlin est contre. « De toute façon, d’ici les européennes de mai, on repart pour trois mois de discussions ! Au moins, il y a un calendrier », dit un observateur dépité.

À l’issue de la réunion de mercredi, c’est même un des seuls points d’accord. Lors de sa conférence de presse, Hollande a indiqué que Paris et Berlin voulaient conclure « d’ici les élections européennes ». Avant d'ajouter : « Je préfère une taxe encore imparfaite que pas de taxe du tout. Le purisme peut être aussi une façon d’éviter d’appliquer, purement et simplement. » L’objectif serait de conclure en marge de la réunion des 28 ministres des finances de l’UE, prévue le 6 mai prochain à Bruxelles – soit deux semaines avant les européennes.

 

 

Mais ce calendrier est à prendre avec beaucoup de pincettes. D’abord parce que les précédentes dates butoirs dans ce dossier n’ont jamais été respectées. Ensuite parce que d’autres États membres engagés dans cette « coopération renforcée », aux côtés de Paris et Berlin, semblent se poser, eux aussi, beaucoup de questions. C’est ce qu’a confirmé la réunion qui s’est tenue, mardi à Bruxelles, entre les 11 États membres volontaires : « Il y a eu plus de questions que de réponses, et souvent des questions très techniques. On ne peut pas dire qu’il y avait un enthousiasme énorme autour de la table... », raconte un diplomate d’un des États concernés.

« Les déclarations ambiguës, ça suffit. On a besoin d'action. Il faut un accord concret franco-allemand dès que possible, sur une assiette qui comprend les dérivés, et qui mentionne l'affectation d'une partie des recettes à la solidarité internationale », insiste Alexandre Naulot, d'Oxfam-France.

Autre obstacle : Londres a déposé un recours contre ce projet de « coopération renforcée » en avril 2013 devant la cour de justice de l’UE. Sans surprise, le gouvernement de David Cameron ne fait pas partie du dispositif à 11, mais il estime que, si cette taxe à 11 voit le jour, elle obligera les autres États membres à participer, malgré eux, à une partie de la collecte des fonds.

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 17:36

 

Source : blogs.rue89.nouvelobs.com

 

Augmenter le salaire minimum de 40% : débat houleux aux Etats-Unis
Marie Rousseau - Journaliste
Publié le 20/02/2014 à 11h08

Obama lors d’un meeting sur la hausse du salaire minimum, à Lanham dans le Maryland, le 29 janvier 2014 (Maryland GovPics/Flickr/CC)

 

Obama en a fait l’une des priorités de son second mandat, et pourrait bien, grâce à la mobilisation du camp démocrate, des médias et le soutien d’une large partie de la population, parvenir à augmenter le salaire minimum fédéral de 40% d’ici la fin de l’année : une initiative historique.

La proposition du Fair Minimum Wage Act

Ce fut l’un des thèmes phares de la campagne du président américain en 2012 : l’augmentation du salaire minimum au niveau fédéral, fixé depuis 2009 à 7,25 dollars (5,28 euros) de l’heure, qu’il avait proposé de rehausser à 9 dollars de l’heure (6,50 euros) peu après sa réélection.

Le camp démocrate a pris les devants en mars 2013 en proposant une réforme globale « plus juste » des bas salaires avec le Fair Minimum Wage Act qui fixe le minimum horaire 10,10 dollars de l’heure (7,36 euros) – il aurait dû être de 10,74 dollars aujourd’hui s’il avait été indexé sur le taux d’inflation depuis 1968.

 


La valeur du salaire minimum fédéral selon la valeur du dollars en 2012 (NELP)

 

Un bond de 40% du salaire minimum actuel qui semblait a priori risqué pour le Président et le camp démocrate face à l’opposition systématique des républicains sur ce sujet – qui possèdent par ailleurs la majorité à la Chambre des représentants.

Obama a finalement soutenu la proposition Harkin-Miller (du nom des deux démocrates à son origine) en novembre dernier, espérant rassembler l’ensemble du camp démocrate derrière elle.

Lors du dernier discours de l’Union, il a montré sa détermination en promulgant « un ordre exécutif » qui fixe à 10,10 dollars le salaire de tout contracteur employé par le gouvernement fédéral et qui entrera en vigueur en 2015.

Il s’agit désormais pour le Président d’essayer de faire passer en force cette proposition historique, avant les élections de mi-mandat en novembre prochain, qu’il doit à tout prix éviter de perdre comme en 2010.

Un enjeu politique crucial pour les démocrates

Aux Etats-Unis, le droit donné aux Etats et aux villes de fixer leur propre salaire minimum (égal ou supérieur au minimum fédéral actuel) a contribué ces dernières années à creuser les écarts des revenus sur l’ensemble du territoire entre les bastions démocrates et les Etats du Sud.

Un salarié de 40 heures chez McDonalds va débuter avec un salaire de 1 718 dollars (1 254 euros) à San Francisco (le plus élevé du pays) et de seulement 1 160 dollars (846 euros) en Louisiane ou dans le Mississippi.

A l’approche des élections de novembre qui doivent élire ou réélire les gouverneurs de 36 Etats, la hausse du salaire minimum est donc devenue la « plateforme économique populaire » sur laquelle vont jouer les démocrates.

Argument puissant pour les politiques et « intérêt direct » pour les électeurs qui iront voter « pour avoir une augmentation », explique au Huffington post un conseiller républicain.

Devant le blocage quasi-systématique du Congrès à faire passer des réformes, l’initiative appartient donc aux gouverneurs et aux maires :

  • l’Etat de Washington a donné l’exemple début janvier en promulguant le record national de 9,32 euros de l’heure (6,79 euros) ;
  • le gouverneur de Californie a signé l’année dernière une augmentation de 8 à 10 dollars de l’heure, qui devrait prendre effet en 2016.

Bénéfique pour 28 millions d’Américains

Aujourd’hui, 4,8 millions d’Américains touchent le salaire minimum, essentiellement dans le secteur des services, l’hospitalité (restaurants, hôtels) et la vente (grandes chaines de vêtements et d’alimentation).

La seule façon de survivre aujourd’hui aux Etats-Unis avec 1 200 dollars, c’est d’être « jeune, célibataire et de vivre au milieu de nulle part ».

Sauf que l’âge moyen d’un salarié à bas salaire est aujourd’hui de 35 ans, à majorité féminine qui participe à près de 50% à la survie du foyer – des statistiques qui contredisent l’argument républicain que les emplois à bas salaires sont surtout des jobs d’été pour étudiants.

 


Le salaire minimum : entre « ce que les gens pensent » et « la réalité » (Economic Policy Institute)

 

Ces « working poors » sont de plus en plus défavorisés par rapport au reste de la population active américaine, qui touche un salaire moyen presque trois fois plus élevé : 19,55 dollars de l’heure (14,26 euros).

Un salaire horaire de 10,10 dollars – soit 1 750 dollars (1 277 euros) par mois contre 1 250 dollars (912 euros) auparavant – aiderait à sortir 900 000 familles de la pauvreté.

La mesure bénéficierait plus largement à 28 millions de travailleurs : les 17 millions gagnant aujourd’hui entre 7,25 et 10 dollars de l’heure, et ceux dont les salaires un peu plus élevés que 10,10 dollars seraient systématiquement réajustés – soit un cinquième de la force de travail américaine.

Un soutien médiatique et populaire

Cette proposition de loi bénéficie d’un soutien populaire assez rare pour une mesure aux effets redistributifs.

Un sondage du Washington Post publié en décembre affirme que 66% des Américains sont favorables à une augmentation du salaire minimum – qu’ild fixeraient cependant à 9,41 dollars – en dessous de l’actuel projet de loi.

 


Une du Bloomberg Businessweek du 17 février

 

Les médias ont également pris part au débat cette semaine, en défendant le « 10,10 » : Bloomberg Businessweek, qui y a consacré sa une, parle « du plancher salarial comme une marque de dignité du travail en lui-même » et la hausse de 40% comme du compromis le plus juste entre « la justice sociale et l’économie ».

Pour le New York Times, c’est désormais au tour des bas salaires de récolter les profits toujours plus importants des entreprises utilisés jusqu’ici pour ndemniser les dirigeants et les actionnaires.

D’autant, poursuit-il, que « des recherches, des faits, et des preuves montrent aujourd’hui qu’une hausse du salaire minimum est vitale pour la sécurité économique de milliers d’Américains, et bénéfique pour une économie à la peine ».

L’appel des 600

 


Affiche du Nelp expliquant la nécessité d’une hausse du salaire minimum (National Employment Law Project)

 

En janvier, ce sont 600 économistes, dont sept prix Nobel d’économie, qui ont apporté leur soutien à la proposition démocrate dans une lettre ouverte à Barack Obama et au président de la Chambre des représentants, le républicain John Boehner.

Publiée par l’Economic Policy Institute, un think tank libéral proche des démocrates, la lettre affirme que ces « augmentations auraient peu ou pas d’incidence sur l’économie puisque ces salariés seraient amenés à dépenser davantage d’argent, à faire augmenter les demandes et la croissance de l’emploi ».

Deux tiers des employés à faibles revenus travaillent aujourd’hui dans des compagnies de plus de 100 salariés qui ont continué d’engranger des bénéfices malgré la crise. Parmi elles figurent Walmart, MCDonalds, Yum ! , Taco Bell, Pizza Hut et KFC.

Un rapport du Nelp (le National Employment Law Project) daté de juillet 2012 souligne que sur les 50 plus grands employeurs de bas salaires (inférieurs à 10 dollars de l’heure) 90% ont réalisé des profits en 2011 et les trois quarts ont perçu davantage de revenus qu’avant la récession.

Ces entreprises seraient donc tout à fait capables de financer une hausse des salaires.

Les républicains et les grandes compagnies

 


Campagne parue dans le Wall Street Journal contre la hausse du salaire minimum (Minimumwage.com/The Employment Policies Institute)

 

A Washington DC, les Républicains soutenus par les entreprises de restauration et de loisirs, et leur puissants lobbies, sont déterminés à enterrer la proposition qu’ils jugent comme « une taxe injuste pour les employeurs », susceptible de freiner la création d’emploi et la croissance, de limiter les marges de manœuvre des petites entreprises.

Le bureau du Budget du Congrès américain (CBO) leur a donné raison mardi, en publiant les conclusions de son rapport affirmant qu’un salaire minimum fédéral de 10,10 dollars de l’heure pourrait coûter quelque 500 000 emplois a l’économie du pays d’ici à 2016 – soit 0,5% de sa force de travail.

Mais il a aussi reconnu que ces 40% de hausse pouvaient améliorer le quotidien de 15% des salariés américains – ce qui, au bout du compte, est un plus pour l’économie américaine.

Les républicains défendront coûte que coûte l’emploi aux dépens des salaires : « Le chômage est la première préoccupation des Américains, et notre objectif est de créer et non pas de détruire des emplois pour ceux qui en ont le plus besoin », affirmait en début de semaine Brendan Duck, le porte-parole du président de la Chambre des représentants, John Boehner.

A quelques mois des élections de mi-mandat, boosté par des sondages favorables et un soutien médiatique important, le camp démocrate est décidé à réaliser un tour de force politique en obligeant le Congrès a voter la loi.

Les républicains ont réussi ces dernières années à empêcher toute tentative de réforme de la part d’Obama, et la dernière grande initiative à être passée (dans la douleur) lui a couté une lourde défaite aux élections de mi-mandat en 2010.

L’enjeu de ces prochaines semaines est donc crucial pour le mandat du Président et pour le bilan politique qu’il va laisser derrière lui.

 

Source : blogs.rue89.nouvelobs.com

 

 

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 17:10

 

Source :  lentreprise.lexpress.fr

 

Auto-entrepreneur, artisan: ce que la loi Pinel va changer

 


Le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a été adopté par l'Assemblée nationale ce 18 février. Un texte qui prône, à terme, la consécration d'un statut unique de l'entrepreneur individuel.

Par Ludwig Gallet pour LEntreprise.com, publié le 18/02/2014 à 17:38, mis à jour le 20/02/2014 à 10:23

 


 

Auto-entrepreneur, artisan: ce que la loi Pinel va changer

Le projet de loi de Sylvia Pinel, relatif au commerce, à l'artisanat et aux très petites entreprises a été adopté ce mardi 18 février en première lecture à l'Assemblée nationale.

Reuters

 

Les Poussins, défenseurs du régime de l'auto-entrepreneur, peuvent se réjouir, leurs contestations ont bel et bien porté leurs fruits. Le projet de loi de Sylvia Pinel, relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises acte la création d'un régime unique de la micro-entreprise, supplantant ainsi les velléités premières de l'exécutif, qui envisageait au départ de limiter plus strictement l'activité d'auto-entrepreneur, en divisant par deux les seuils au-delà desquels il devient obligatoire de passer à un régime classique.

Après des mois de négociations, et la remise du rapport du député Laurent Grandguillaume sur le sujet, artisans et auto-entrepreneurs semblent en mesure d'enterrer la hache de guerre. Certes, le projet de loi n'a pas achevé son parcours législatif. Mais les grandes lignes de ce texte semblent désormais définitivement fixées. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2015.

Un régime fiscal unique

Absente dans la première version du projet de loi, la refonte des régimes fiscaux de la micro-entreprise en un seul et même dispositif découle directement des préconisations du député Laurent Grandguillaume, député de la Côte-d'Or. Cette disposition va entraîner de profonds changements pour les entrepreneurs dépendants du régime micro-fiscal. Cette réforme marque pour eux un certain rapprochement vers le régime micro-social, dont les auto-entrepreneurs étaient jusqu'à présent les seuls bénéficiaires.

S'agissant des cotisations sociales, le projet de loi de Sylvia Pinel prévoit donc de les calculer à partir "de leur chiffre d'affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés". Ils pourront profiter du versement libératoire, c'est-à-dire s'acquitter de leurs cotisations tous les mois ou tous les trimestres, au fur et à mesure. Jusqu'à présent, les cotisations sociales des micro-entrepreneurs étaient calculées sur la base d'un revenu forfaitaire, cumulé au versement d'acomptes provisionnels.

La même logique prévaut pour le paiement de l'impôt sur le revenu. Là encore, la fusion des deux régimes a conduit à une application du régime réservé jusqu'alors aux seuls auto-entrepreneurs pour l'ensemble des micro-entreprises. Dès lors, tous les entrepreneurs affiliés à ce régime de la micro-entreprise pourront opter pour le versement libératoire de l'IR, après modification de l'article 151-0 du code général des impôts. À défaut, ils seront imposés sur la base d'un revenu forfaitaire, comme le prévoyait auparavant le régime micro-fiscal.

De nouveaux frais pour les auto-entrepreneurs

Cette fusion des régimes ne consiste pas seulement à l'extension du régime micro-social à l'ensemble des auto-entreprises. En effet, les auto-entrepreneurs seront après la mise en application du projet de loi soumis à de nouvelles obligations. Ainsi, ils devront désormais s'acquitter de la taxe pour frais de chambres ou encore de la cotisation foncière des entreprises, alors qu'ils en étaient jusqu'à présent exonérés. La première est calculée à partir d'un taux appliqué sur le chiffre d'affaires du redevable, de 0,044% pour les prestataires de services, et de 0,015% pour les entrepreneurs exerçant "des opérations de vente de marchandises". Pour les artisans inscrits au répertoire des métiers, le taux s'élève à 0,007%.

Arrive ensuite la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises, régie à l'article 1601 du code général des impôts. Toutes les micro-entreprises, auto-entrepreneurs inclus, seront désormais logées à la même enseigne, avec un taux imputable au chiffre d'affaires de 0,48% pour les prestations de services, et de 0,22% pour les activités de vente.

Artisan = qualification

Pour revaloriser "le savoir-faire des artisans", le projet de loi de Sylvia Pinel prévoit de supprimer la notion "d'artisan qualifié", qui laissait entendre aux dires de la ministre que certains artisans n'étaient pas qualifiés. Il en découle une restriction à l'attribution de la qualité d'artisan. Désormais, le titre "sera réservé aux chefs d'entreprise détenant une qualification professionnelle ou une expérience dans le métier qu'ils exercent". Cette qualification sera étudiée au moment de l'inscription obligatoire à la chambre des métiers et de l'artisanat. Mais encore, les artisans employant plus de 10 salariés pourront rester immatriculés au répertoire des métiers pour continuer à bénéficier "de l'accompagnement des Chambres des métiers et de l'artisanat".

Concrètement, les auto-entrepreneurs exerçant une activité artisanale devront eux-aussi s'immatriculer auprès de la chambre des métiers de l'artisanat, en justifiant alors d'une qualification ou d'une expérience dans le domaine. Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement du député UDI Michel Zumkeller visant à contraindre certains corps de métiers artisanaux à mentionner sur leurs factures et devis une assurance.

Enfin, Le projet de loi prévoit d'étendre aux auto-entrepreneurs le suivi du stage obligatoire de préparation à l'installation. Un nouveau rapprochement avec les artisans.

Création à venir d'un statut unique de l'entreprise individuelle

L'intérêt de la création de ce nouveau régime de la micro-entreprise doit sans doute être envisagé à plus long terme. Car l'article 16 bis du projet de loi de Sylvia Pinel prévoit de créer à terme un statut unique de l'entreprise individuelle. Un rapport devra en ce sens être remis au gouvernement six mois après la date de promulgation de la loi. Un projet qui, s'il arrive à terme, scellera le sort de nombreux statuts juridiques actuels, à savoir l'EURL, l'EIRL ou encore l'EI.

 

 

Source :  lentreprise.lexpress.fr

 

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 16:31

 

 

Source : www.politis.fr

 

Par Erwan Manac’h - Suivre sur twitter - 20 février 2014
Paris-VII : le fiasco qui met Vinci à nu

 

 

 

Sur le site de l’université Paris-VII, qui fait l’objet d’un partenariat public-privé, les plaintes et les recours s’accumulent face aux manœuvres de Vinci pour accroître ses bénéfices au mépris du droit et de la sécurité. Enquête.

 

 

Dans les grands projets du BTP, rares sont les trouble-fête. Le programme de construction de trois bâtiments universitaires dans l’est de Paris est en passe de devenir une illustre exception. Livraison hors commande, contournement des normes de sécurité, arrangements en sous-main avec la complicité du porteur public : la bataille obstinée de deux proches du dossier a mis au jour un véritable fiasco pour Vinci et le ministère de l’Enseignement supérieur.

En juillet 2009, le ministère choisit de recourir à un partenariat public-privé (PPP), signé avec Udicité, groupement de trois filiales de Vinci, pour mener à bien les travaux d’extension de l’université Paris-VII Diderot et gérer les bâtiments pendant vingt-sept ans. Au total, le partenariat engage l’État à hauteur de 273 millions d’euros.

Trois immeubles doivent s’élever au-dessus des rails du TGV. La société In/On, un cabinet d’architectes expérimenté dans ce type d’exercice – mais peu coutumier des contrats avec la multinationale – est désigné pour mener les travaux du plus petit des bâtiments. Mais le courant passe mal dès la signature du contrat. Honoraires au forfait avec obligation d’étudier gratuitement toute demande de modification, absence de garanties pour le droit d’auteur de l’architecte : Vinci propose un contrat « surréaliste », se souvient Philippe Blandin, architecte au cabinet In/On, qui a obtenu à l’époque sa renégociation. Une correspondance d’In/On avec la Mutuelle des architectes français, que nous avons pu consulter, témoigne aussi de la stupéfaction de l’assureur qui pointe les « clauses exorbitantes » du contrat proposé par Vinci et « n’envisage pas d’apporter [ses] garanties » s’il est signé en l’état.

« Abandon du problème de solidité »

Les craintes d’In/On étaient prémonitoires. Pour s’être un peu trop inquiété des évolutions du budget et des travaux de renforcement d’une poutre, déterminante pour la solidité et la polyvalence des lieux, le cabinet est écarté par Vinci en février 2010. Il est remplacé par un proche du constructeur, qui exerçait jusqu’alors en tant que « responsable de programmes » pour lui.

 

Le bâtiment « Lamarck » a été ouvert aux étudiants en septembre 2012.
Le bâtiment « Lamarck » a été ouvert aux étudiants en septembre 2012.

E.M.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Selon Philippe Blandin, Vinci lui propose alors un dédommagement ainsi que « l’abandon de la problématique de la solidité [du bâtiment], le tout accompagné d’une clause de confidentialité ». L’architecte refuse la « scandaleuse proposition » et engage une bagarre pour faire reconnaître son œuvre et obtenir des indemnités de rupture. Une plainte a été déposée pour contrefaçon au droit d’auteur, faux, usage de faux et abus de confiance. Car les plans originaux ont été modifiés. Vinci a allégé le bâtiment afin d’économiser sur les travaux de renforcement de la dalle qui accueillera l’édifice.

Plusieurs documents révélés durant l’enquête du pôle financier de Paris prouvent des arrangements d’un cynisme à peine croyable. En 2010, la direction du chantier se montre intraitable avec un cabinet d’études, la Sétec, qui l’importune en demandant la consolidation de la fameuse poutre, à la base du chantier. Selon le compte rendu confidentiel du comité de direction réuni le 30 novembre 2010, que la presse révélera un an plus tard et que nous avons pu consulter, les filiales de Vinci regrettent « le choix très malheureux du bureau d’études », actant le fait que « le chantier s’appuiera en cas de difficulté sur un bureau de contrôle peu présent ». En l’occurrence le cabinet Qualiconsult, moins exigeant. « Sur les 48 rendez-vous de chantier dont nous avons eu connaissance, il était absent à 38 », avance Philippe Blandin.

La même note indique que le groupement renonce à plusieurs travaux de consolidation et qu’il a « obtenu officieusement des réductions de charges » de la part de l’université (qui fait une croix au passage sur 183 m2 d’archives) et de la société d’aménagement de Paris : « Le chantier se dirige vers un démarrage des pieux vers le 17/12, sans approbation, de façon à brusquer les choses tout en s’assurant de la capacité des pieux à reprendre les charges. »

Des secrets bien gardés

Des documents que Vinci n’apprécie pas de voir circuler : l’entreprise a obtenu leur rétractation pour vice de procédure, les rendant inutilisables en justice. Elle refuse par ailleurs de collaborer à l’enquête, malgré des astreintes financières prononcées par le tribunal à trois reprises, pour un total de 240 000 euros.

L’instruction doit notamment permettre de lever le voile sur la réalité des travaux de renforcement de la fameuse poutre qui focalise les attentions. Car les travaux ont été menés dans une grande opacité. Nous avons notamment pu constater que les plans d’évacuation du bâtiment, affichés au rez-de-chaussée, sont faux.

Et ce n’est pas tout. Hasard malheureux pour la multinationale, un autre empêcheur de tourner en rond exerce à Paris-VII. Professeur de mathématiques rompu au droit administratif, Michel Parigot est l’un des animateurs des révélations sur le scandale de l’amiante dans les années 1990. Aux premières alertes, il se plonge dans les dossiers de permis de construire de deux des bâtiments. Des dizaines de plans, des kilomètres de calculs : au total, « 2 mètres linéaires de dossier sur l’ensemble des documents rassemblés depuis le début de l’affaire », raconte aujourd’hui Michel Parigot. Il y détecte des irrégularités importantes et monte, seul, deux recours de 300 pages en juin 2010. « Si j’avais dû prendre un avocat pour un dossier d’une telle complexité, l’ensemble des procédures aurait représenté des centaines de milliers d’euros de frais d’avocat », assure-t-il.

« Les banques n’assument pas le risque de surcoûts »

Mais Vinci se protège des éventuelles conséquences de ses irrégularités. Trois mois après le dépôt des requêtes, le 21 septembre 2010, la multinationale a fait voter par le CA de l’université un avenant au contrat de partenariat faisant peser sur l’université le coût des retards de construction, en cas d’annulation des permis de construire. Paris-VII s’engage à payer les travaux hypothétiques de mise aux normes, voire de démolition, au-delà d’une franchise de 500 000 euros acquittée par Vinci.

Mais à croire l’ancien président de l’université, Vincent Berger, cette stupéfiante manœuvre se trouve être… une victoire pour l’université :

« Dans un PPP, les banques [qui font partie du groupement élu pour les travaux] n’assument pas le risque de surcoûts causé par des recours. L’État risquait donc de devoir assumer seul ces dépenses. Nous avons refusé de courir un tel risque, en menaçant de faire arrêter les travaux. Pour décrisper la discussion, Vinci a accepté de fixer une franchise de 500 000 euros. Nous avons accepté de reprendre les travaux grâce à cet avenant. »

Le temps que ces recours soient examinés par la justice, les travaux sont achevés et les locaux ouvrent leurs portes à la rentrée 2012, au grand dam des associations d’usagers. Les charges que les bâtiments peuvent supporter rendent tout aménagement ultérieur impossible, contrairement à ce que prévoyait le contrat de partenariat (lire pages 13 et 14 et dans cet extrait du programme fonctionnel du projet publié par Médiapart).

Pour s’affranchir des règles de sécurité des établissements recevant du public (ERP), le constructeur a restreint l’accès des étages aux seuls personnels munis d’un badge. Mais la manœuvre est caduque dans le cas d’un bâtiment universitaire qui inclut des secrétariats, des salles de séminaires et une bibliothèque de recherche.

 

Un panneau barre l'accès aux étages du bâtiment Lamarck, le 10 février 2014.
Un panneau barre l’accès aux étages du bâtiment Lamarck, le 10 février 2014.

E.M

 

C’est ce que confirme le tribunal administratif le 2 juillet 2013, en annulant les deux permis de construire faisant l’objet de recours : « Il ressort clairement (…) que chacun des niveaux supérieurs [des] bâtiments comporte des locaux destinés à accueillir des personnes (…) en plus du personnel de l’université », indique le jugement (lire ici et ). Les « baies d’accès » pour les pompiers aux étages supérieurs sont donc insuffisantes.

« Expliquer et circonscrire le projet » 

Vinci, l’université et le ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur font bloc. « Les requérants se sont engouffrés dans des failles de rédaction des dossiers de permis de construire, mais les experts en sécurité incendie qui se sont succédé dans ces bâtiments nous ont d’ailleurs toujours fermement affirmé qu’ils étaient aux normes  », assure Vincent Berger, qui a quitté ses fonctions en octobre 2013 pour celles de conseiller enseignement supérieur et recherche de l’Élysée. Il est aussi membre de l’Institut de l’Entreprise, un think tank présidé par Xavier Huillard, le PDG de Vinci.

État et constructeur font appel de la décision du tribunal administratif et un nouveau dossier de permis de construire est déposé pour « mieux expliquer et circonscrire le projet », en faisant passer les irrégularités pour des demandes de dérogation. « Les deux bibliothèques du R+8 deviennent deux centres de documentation et d’information (CDI) », fait ainsi valoir le document. Sur place, nous avons toutefois pu constater que les panneaux d’orientation indiquent toujours la présence, au 8e étage, de « bibliothèques ».

 

Dans le hall du bâtiment Sophie Germain, le 10 février 2014.
Dans le hall du bâtiment Sophie Germain, le 10 février 2014.

E.M

 

La préfecture de police de Paris veille quant à elle au bon déroulé des événements. En décembre, elle édite deux nouveaux permis de construire accordant des dérogations au constructeur. (voir ici et ). Elle prend également soin de publier deux nouveaux arrêtés d’ouverture, car le tribunal administratif examinait le 24 janvier deux recours qui devraient déboucher, d’ici à quelques jours, sur l’annulation des premiers permis d’ouverture.

Ce déploiement d’énergie et l’indulgence aveugle du porteur public laissent songeur. Qu’aurait-on su de cette affaire sans l’opiniâtreté des deux lanceurs d’alerte ? Les PPP français pilotés par Vinci, Bouygues ou Eiffage recèlent-ils tous autant d’irrégularités ?« Je ne pense pas qu’il y ait des cas similaires à celui de Paris-VII, où les dérives liées aux appétits financiers de la société arrivent à ce que la construction soit finalement impropre à sa destination ! Mais, dans chaque PPP, nous avons des contrats opaques qui ne permettent pas de réel contrôle par la collectivité », estime Denis Dessus, vice-président du Conseil national de l’ordre des architectes.

À cela s’ajoute, de l’aveu même de l’ancien président de l’université Paris-VII, une question d’ordre plus politique. « Les PPP permettaient de faire des travaux sans avoir à les payer ni à les compter dans la dette, estime aussi Vincent Berger. C’était une façon de construire en laissant les gouvernements ultérieurs endettés sans que cela n’apparaisse. C’était donc en quelque sorte une atteinte à la démocratie.  »

Malgré sa complexité, le cas de Paris-VII devrait continuer à faire parler de lui. Des recours vont être montés contre les nouveaux arrêtés d’ouverture, et l’instruction du pôle financier se poursuit « avec attention », indique Jean-Luc Bongrand, juge en charge de l’affaire. Elle devrait encore porter son lot de révélations. « Les éléments de preuves sont recueillis, indique le magistrat, ils ne disparaîtront pas. » Selon nos informations, les principales entreprises engagées sur le chantier ont été perquisitionnées en juillet 2013.

 

Source : www.politis.fr

 

 

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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 21:18

 

Source : www.lemonde.fr

 

Comprendre l’affaire Dassault en 3 minutes

Le Monde.fr | 19.02.2014 à 18h02 • Mis à jour le 19.02.2014 à 20h28 | Par Simon Piel, Jean-Guillaume Santi, Jules Grandin et Henri Olivier (Infographie)

 

 


Eclairage

Le sénateur UMP de l'Essonne a été placé en garde à vue mercredi dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour « abus de bien sociaux », « corruption » et « achat de votes ».

Au cœur de l'affaire Dassault, un système présumé d'achat de votes qui aurait vu transiter pas moins de 7 millions d'euros selon les magistrats en charge du dossier.

Comment fonctionnait ce système ? Qu'est-ce qui a amené la justice à enquêter sur Serge Dassault ?

 

Source : www.lemonde.fr

 


 

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