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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 17:25

 

Source : www.politis.fr

 

Par Fátima Martín, Jérôme Duval - 28 février 2014
Le Parlement européen questionne (à moitié) la Troïka

 

 

 

Un rapport préliminaire du Parlement européen pointes les irrégularités du triptyque UE, BCE, FMI. Explication de texte, avec une journaliste et un militant de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Espagne.

 

 

« L’examen de la troïka réalisé par le Parlement Européen justifie les graves déficiences démocratiques et juridiques de la Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI) envers les pays soumis au « programmes » de sauvetages financiers qu’ils mènent depuis quatre ans.

 

Les auteurs

Fátima Martín est une journaliste espagnole et Jérôme Duval est membre du Comité pour l’annulation de la dette du tiers monde (CADTM) et de la plateforme d’audit citoyen de la dette en Espagne.

Malgré l’intention dissimulée de blanchir la Troïka, le rapport préliminaire du Parlement européen ne peut s’empêcher de signaler de multiples irrégularités. Cette évaluation comprend des questionnaires envoyés aux principaux responsables, qui, en toute impunité, ne répondent pas ou bien ne le font qu’à moitié.

Dépendant du Comité des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, le projet de rapport, signé par Othmar Karas et Liem Hoang Ngoc, oublie curieusement et inexplicablement, le sauvetage du secteur bancaire espagnol en juin 2012 représentant jusqu’à 100 milliards d’euros (desquels on dit qu’il a été utilisé 41,3 milliards).

Le rapport préliminaire, qui devrait être rendu définitif peu avant les élections européennes, en avril, signale de grandes irrégularités de la troïka, et justifie son action à plusieurs reprises. Parlant de « l’immense défit de la troïka », il défend l’idée selon laquelle « le temps s’épuisait, les obstacles légaux devaient être écartés, la peur d’une fusion du noyau de la zone euro était palpable, il fallait adopter des accords politiques... ». La possibilité de mettre en œuvre des mesures alternatives est rejetée en soutenant :

« l’assistance financière à court terme a évité une cessation de paiement désordonnée de la dette souveraine qui aurait eu des conséquences économiques et sociales extrêmement graves ainsi que des effets indirects dans d’autres pays d’une magnitude incalculable... ».

Le document signale que « due à une nature ad hoc, il n’existait pas de base juridique adéquate pour la création de la troïka sur la base du Droit primaire de l’Union ». Fait confirmé indirectement par la Commission quand elle écrit que « le modèle de la troïka a été pris en charge par le législateur de l’UE (voir l’article 7 de la Régulation de l’UE nº 472/2013) », ce qui implique qu’avant 2013, ce n’était pas le cas. Nous savons cependant que tous les programmes de la Troïka, sauf celui de Chypre, ont démarré avant cette date.

 

Othmar Karas et Liem Hoang Ngoc, rapporteurs sur l'évaluation de la Troïka
Othmar Karas et Liem Hoang Ngoc, rapporteurs sur l’évaluation de la Troïka

©European Union 2014/European Parliament/B.Portela

 

Par ailleurs, le rapport souligne la double fonction de la Commission européenne (comme agent des États et comme institution de l’Union européenne) et de la BCE (en tant que conseiller technique et créancier) dans la troïka et ses évidents conflits d’intérêt, en tant que juge et partie. Selon le traité de fonctionnement de l’UE, le mandat de la BCE est limité à la politique monétaire, et par conséquent, « la participation de la BCE dans n’importe quelle affaire en relation avec les politiques budgétaires, fiscale et structurelle se situe dans un terrain légal incertain ». D’où découle « la faible responsabilité démocratique de la troïka » dans les pays concernés.

Le rapport avertit que « le mandat de la troïka a été perçu comme opaque et non transparent » et se montre particulièrement critique envers les mémorandums (Memorandum of Understanding), dont il déplore le manque de transparence dans les négociations.

La Troïka élude les questions et désigne les États comme responsables

Les présumés responsables des sauvetages, Commission européenne, BCE, FMI, Eurogroupe et Conseil européen, répondent, quand ils le font, au questionnaire envoyé par le Parlement européen de manière légère et largement insatisfaisante. Ils se rejoignent tous en rejetant la responsabilité sur les autres. Par exemple, le FMI s’est refusé à répondre en argumentant qu’il n’a pas de compte à rendre aux parlementaires, ce qui peut paraître surprenant quand on sait que c’est lui-même qui impose ses politiques aux Parlements. Herman Van Rompuy a répondu qu’il « n’est pas impliqué », alors qu’en tant que président du Conseil européen, il représente les États membres de l’UE.

Pour sa part, le président de l’Eurogroupe a évité la question en disant que les institutions de la Troïka sont les plus à mêmes de répondre, alors que dans le même temps, la BCE renvoie la balle à l’Eurogroupe : « En ce qui concerne des mesures concrètes pour des pays spécifiques, il serait plus approprié que ce soit l’Eurogroupe qui réponde ».

Tous ces responsables sont impliqués depuis des années dans les politiques d’austérité menées par les gouvernements sous le mandat opaque de la troïka. Ils appuient ces politiques en exerçant une forte pression sur ces États pour qu’ils les mettent en application. Au moment de répondre aux questions de nos représentants du Parlement européen, ils éludent leurs responsabilités et rejettent la faute sur les États dont ils ont volé la souveraineté. La CE comme la BCE l’affirme clairement : « La paternité de la conception du programme appartient aux autorités ».

Nous savions déjà que ces institutions et leurs hauts fonctionnaires jouissent d’une totale impunité devant la justice, maintenant nous savons qu’ils vont jusqu’à refuser de répondre aux questions sur leurs implications. Fuiraient-ils leurs responsabilités face à une opinion populaire chaque jour plus révoltée par les conséquences humanitaires de ces politiques ? »

 

Nota Bene :

Photo : FREDERICK FLORIN / AFP

 

 

Source : www.politis.fr

 

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3 mars 2014 1 03 /03 /mars /2014 17:20

CADTM

 

Source : cadtm.org

 

Il faut imposer une véritable taxe Tobin au lobby bancaire

3 mars par Eric Toussaint

 

 

 


Dans une tribune publiée dans l’Humanité le 25 février 2014, Éric Toussaint, maître de conférences à l’université de Liège, président du CADTM Belgique et membre du Conseil scientifique d’Attac nous explique comment enrayer le fléau de la spéculation sur les monnaies.

Les banques sont les principaux acteurs sur le marché des devises et elles entretiennent une instabilité permanente des taux de change. Plus de 95 % des échanges de devises sont de type spéculatif. Une infime partie des transactions quotidiennes en devises concerne des investissements, du commerce de biens et de services liés à l’économie réelle, des envois de migrants. Le volume quotidien des transactions sur le marché des devises tournait en 2013 autour de 5 300 milliards de dollars  ! Les banques qui disposent, comme les fonds de placement mutuel, de très importantes liquidités en usent et en abusent en poussant des monnaies à la baisse ou à la hausse afin d’obtenir des gains sur les différentiels de taux de change. Les banques jouent également de manière déterminante sur des dérivés de change qui peuvent provoquer des pertes considérables, sans compter les méfaits de l’instabilité des monnaies pour l’ensemble de la société. À partir de mai 2013, les monnaies de grands pays dits émergents (Inde, Brésil, Afrique du Sud, Russie, Turquie, Argentine…) ont été soumises à des attaques spéculatives et ont perdu dans certains cas jusqu’à 20 % de leur valeur. Le taux de change entre le dollar et l’euro est aussi l’objet de la spéculation.

Le marché des changes constitue le compartiment du marché financier global qui, aux côtés du marché des dérivés, a enregistré la plus forte croissance. Entre 1970 et 2013, le volume des transactions sur les monnaies a été multiplié par plus de 500 (passant d’un peu plus de 10 milliards à 5 300 milliards de dollars par jour). Alors qu’en théorie, la fonction principale des marchés des changes est de faciliter les échanges commerciaux internationaux, en 2013, le montant des transactions liées aux échanges de marchandises ne représentait même pas 2 % du montant des transactions quotidiennes sur le marché des changes.

En 1979, il fallait l’équivalent de 200 journées d’activité sur les marchés de change pour atteindre le volume annuel des exportations mondiales. En 2013, 3,5 journées d’activité sur les marchés de change suffisaient à atteindre le volume annuel des exportations mondiales de marchandises. Cela indique à quel point les activités des marchés monétaires sont déconnectées de l’économie productive et du commerce des marchandises.

En 2013, quatre banques à elles seules contrôlaient 50 % du marché des changes (Deutsche Bank, 15,2 %  ; Citigroup, 14,9 %  ; Barclays, 10,2 %  ; UBS, 10,1 %). Si on ajoute la part de six autres banques (HSBC, JPMorgan, Royal Bank of Scotland, Credit Suisse, Morgan Stanley, Bank of America), on atteint 80 % du marché. La moitié des échanges a lieu sur le seul marché de Londres.

Alors que le scandale de la manipulation du Libor (il s’agit des taux d’intérêt auxquels les banques se prêtent de l’argent) était à peine considéré comme résolu par les autorités de contrôle, un nouveau scandale a éclaté en 2013 à propos de la manipulation du marché des changes. Les autorités de contrôle des marchés financiers des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’UE, de Hong Kong et de Suisse suspectent au moins quinze grandes banques d’avoir ensemble manipulé les taux de change, y compris le marché de change euro-dollar qui, à lui seul, représente un volume quotidien de 1 300 milliards de dollars. Des responsables des autorités britanniques de contrôle ont déclaré que l’ampleur des dommages causés par les manipulations est au moins égale à ceux qu’a impliqués la manipulation du Libor et qui a abouti au paiement d’amendes pour un montant de 6 milliards de dollars. Le comble, c’est que, selon le Financial Times, des dirigeants de la Banque d’Angleterre seraient impliqués dans la manipulation comme lors de l’affaire du Libor. En avril 2012, des traders spécialisés dans le marché des changes auraient informé de leurs pratiques certains hauts responsables de l’honorable Banque d’Angleterre qui auraient laissé faire. Une enquête est en cours. Le laisser-faire, la complicité, voire la collusion entre dirigeants des banques et autorités de contrôle ont commencé à sortir au grand jour, même si les informations arrivent au compte-gouttes et font très rarement la une des grands médias.

Voici plus de quarante ans, James Tobin, ancien conseiller économique de John F. Kennedy, proposait de mettre un grain de sable dans les rouages de la spéculation internationale sur les devises. Malgré tous les beaux discours de certains chefs d’État, le fléau de la spéculation sur les monnaies s’est encore aggravé. Le lobby des banquiers a obtenu qu’aucune entrave ne vienne perturber leur activité destinée à créer du profit. Pourtant, depuis l’époque où James Tobin a fait sa proposition, nous avons vu que le volume des transactions quotidiennes sur le marché des devises a été multiplié par plus de 500…

La décision de principe prise en janvier 2013 par onze gouvernements de la zone euro d’imposer une taxe d’un millième sur les transactions financières est totalement insuffisante, car elle ne porte pas sur les devises et il n’est même pas sûr qu’elle entrera rapidement en vigueur. Les banques exercent une forte pression pour l’éviter et pour en limiter encore plus fortement la portée. Le gouvernement français, très intimement lié aux banques, intervient activement en faveur des demandes du lobby bancaire. Il n’y a pas de solution juste si on reste dans un contexte aussi biaisé.

Voilà pourquoi il est plus que temps d’enrayer l’engrenage de la spéculation en appliquant une véritable taxe de type Tobin, premier pas vers l’interdiction complète de la spéculation sur les monnaies.

 

Source : http://www.humanite.fr/tribunes/il-...

 

 

Source : cadtm.org

 

 

 

 

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2 mars 2014 7 02 /03 /mars /2014 18:15

 

Source : www.marianne.net

 

 

A l'UMP tous les moyens sont bons pour faire rentrer du blé
Vendredi 28 Février 2014 à 12:05

 

 

Pendant que Jean-François Copé se défend d'avoir favorisé ses copains de Bygmalion, le mouvement qu'il préside fait la quête pour les municipales en envoyant des appels aux dons aux Français, électeurs socialistes compris ! Un comble quand on sait que le fichier de noms utilisé par l'UMP a été loué au très droitier hebdomadaire « Valeurs actuelles ».

REVELLI-BEAUMONT/SIPA
REVELLI-BEAUMONT/SIPA
Les médias reprennent en chœur l’information du Point selon laquelle Jean-François Copé aurait favorisé la société Bygmalion lors de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy. Mais pendant ce temps, l’UMP fait la quête. Discrètement, sans renfort de communication, le mouvement s’adresse aux électeurs via un courrier estampillé « Avec vous pour gagner ». Objectif : amasser des dons en vue des municipales. Les 11 millions d’euros récoltés en septembre dernier pour le « sarkothon » n’étant évidemment pas destiné à être versés dans cette bataille...
 
Le document envoyé par les équipes du « service des donateurs » de l’UMP contient un « bulletin personnel de soutien pour les élections municipales de 2014 », avec incitation à faire un don qui « donne droit à une réduction d’impôt », naturellement.

A l'UMP tous les moyens sont bons pour faire rentrer du blé

A l'UMP tous les moyens sont bons pour faire rentrer du blé

Le courrier s’accompagne également d’une lettre signée de la main de Copé qui « remercie par avance » son lecteur pour son « implication » et son « soutien financier ».
 
Un honneur que ne goûte guère Marc-Denis Osanno. Socialiste de la première heure, engagé dans diverses associations dont Répondre à gauche, présidée par le très hollandais Stéphane Le Foll, cet ancien conseiller en communication fait partie des destinataires de ce charmant document de propagande électorale. Irrité, ce retraite de 63 ans ne comprend pas comment ses coordonnées ont pu atterrir dans l’escarcelle de l’UMP. Renseignement pris, il s’avère que le parti de Jean-François Copé a passé un coup de fil au magazine Valeurs actuelles  pour mettre la main sur son fichier client. Pourquoi Marc-Denis Osanno y figure-t-il ? Parce qu'il a commandé une fois un numéro de l’hebdomadaire par téléphone car il souhaitait, dit-il, « lire leur dossier sur les municipales et les villes susceptibles de basculer ». Ainsi a-t-il envoyé un chèque avec une adresse de livraison qui a été soigneusement archivée. Ce fut son seul contact avec l'hebdomadaire.
 
Le parti, qui s’enorgueillit d’avoir plus de 300 000 adhérents, marchande donc des adresses avec un magazine ami dans l’espoir de recruter de nouveaux fidèles. Et tant pis s’il arrose à tout va ! A l’UMP, comme à Valeurs actuelles, on souligne évidemment que tout a été fait en totale conformité avec les préconisation de la Commission nationale de l'informatique et des liberté (CNIL). Des petits marchandages qui ont le don d’énerver M.Osanno. Car ce n’est pas la première fois qu'il trouve dans sa boîte aux lettres une missive d’un mouvement radicalement opposé à ses idées : il y a quelques semaines, c’est un courrier du très droitier syndicat étudiant UNI qui lui était adressé, comme nous le racontons dans le détail cette semaine dans Marianne.

Cette fois, la quête n’était pas justifiée par les élections municipales mais par la nécessité de combattre la soi-disant volonté du gouvernement d’enseigner la théorie du genre à l’école...

Joint par téléphone, le directeur de la publication de Valeurs actuelles, Yves de Kerdrel, s’est agacé d’avoir à répondre à un « tribunal de la transparence », ne voyant pas de mal à vendre ou louer des fichiers à l’UNI, précisant néanmoins qu'à « [sa] connaissance, cela ne se faisait pas avec les partis politiques ». Ah bon ?

 

 

Source : www.marianne.net

 

 


 

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28 février 2014 5 28 /02 /février /2014 18:52

 

 

Source : www.mediapart.fr

 

Six ans après, la fusion GDF-Suez tourne au fiasco

|  Par martine orange

 

 

 

Mauvaise évaluation des changements dans le monde de l’énergie, financiarisation à outrance, le groupe paie au prix fort ses erreurs stratégiques : les pertes s’élèvent à 9,7 milliards d’euros. Les actionnaires applaudissent : ils reçoivent plus que ce le groupe gagne ! Il paraît que l’État est actionnaire...

Toutes les recettes utilisées par la communication d’entreprise pour banaliser les faits ne parviendront pas à masquer la réalité. Tout ne va pas mieux que bien chez GDF-Suez. Six ans après, la fusion entre les deux groupes « pour construire le leader européen du gaz » est même en  train de tourner au fiasco. Jeudi, le groupe a annoncé une perte de 9,7 milliards d’euros, à la suite de 15 milliards d’euros de dépréciation d’actifs. Dans la vie d’une entreprise, cela s’appelle une catastrophe industrielle, surtout quand cela concerne un secteur aussi oligopolistique que l’énergie.

 

Gérard Mestrallet  
Gérard Mestrallet © Reuters

« Cette opération n'aura aucun impact sur la trésorerie ni sur la situation financière du groupe, par ailleurs très solide », minimise Gérard Mestrallet, le PDG de GDF-Suez, dans un entretien surréaliste au Monde. Pour lui, ce ne sont que de simples écritures comptables qui n’ont aucune incidence sur la vie du groupe. Néanmoins, le groupe ne manquera pas à l'avenir ces reports déficitaires pour diminuer sa charge fiscale. Le vrai chiffre qu’il faut retenir selon le groupe, et qu’il met en avant, c’est son bénéfice avant les opérations comptables : 3,3 milliards d’euros.

Gérard Mestrallet ne peut cependant pas ne pas y penser : il se retrouve exactement dans la même situation qu’en 2003. À l’époque, il dirigeait le groupe Suez, né de la fusion entre la Lyonnaise des eaux et Suez. Sept ans après la fusion, le groupe, croulant sous les dettes et les pertes, avait dû aussi passer des dépréciations d’actifs à coups de milliards. Toutes les richesses de Suez avaient été dilapidées. Gérard Mestrallet ne s’était sauvé et n’avait sauvé le groupe qu’en poussant à une fusion avec GDF, encore publique, avec la complicité du gouvernement de l’époque et des politiques. Aujourd’hui, le scénario se reproduit avec GDF. Une nouvelle fois, les richesses sont en train d’être gaspillées. À chaque fois, l’aventure se chiffre en milliards d’euros.

À l’entendre, le groupe ne porte aucune responsabilité dans cette débâcle. Il est la victime de la politique énergétique inconséquente en Europe. « Personne, dans les milieux politiques ou à la Commission, n'avait anticipé. J'ai été le premier, en mai 2013, à les alerter et à dire qu'on était allé trop vite et trop loin sur les renouvelables », explique Gérard Mestrallet. Le développement inconsidéré des énergies renouvelables, subventionnées dans des proportions exorbitantes, l’écroulement du marché du CO2, l’effondrement des prix de l’électricité lié à une baisse de la consommation et à la crise, les prix cassés du charbon américain déstabilisant toute la filière gazière, les surcapacités de production, sont à l’origine de tous ses déboires, soutient le groupe.

GDF-Suez n’a pas tort de pointer l’Europe. La libéralisation du secteur énergétique sur le continent, menée dans une optique concurrentielle, fixant des objectifs contradictoires, a été menée en dépit du bon sens, au mépris de toute sécurité énergétique. La plupart des groupes électriques et gaziers européens se retrouvent en difficulté. Depuis un an, les fermetures ou les gels de centrales thermiques se succèdent à un rythme accéléré. Plus de 50 gigawatts de production (soit l’équivalent de 50 centrales nucléaires) ont été retirés du marché. Les allemands E.ON et RWE, l’italien Enel sont tous engagés dans des programmes de cession et dépréciations d’actifs, se chiffrant en milliards d’euros. GDF-Suez va plus loin, justifiant sa « politique de la paille de fer » pour pouvoir mieux tirer un trait sur le passé.

Mais GDF-Suez peut-il pour autant se dégager de toutes responsabilités ? Car la transformation du marché de l’énergie en Europe est à l’œuvre depuis plusieurs années. Le cap mis sur la transition énergétique l'est depuis plus de dix ans en Europe. Plus de 100 gigawatts d’électricité éolienne ou solaire ont été installés en moins de trois ans. GDF-Suez y participe aussi activement. Comment ne pas voir que ces capacités supplémentaires allaient avoir un effet sur le marché ?

De même, le groupe se plaint des prix bas du charbon américain, importé massivement par les électriciens européens pour leurs centrales thermiques et qui disqualifie totalement les centrales gazières, désormais toutes déficitaires. Mais ce changement ne vient pas de nulle part. Il est une des conséquences de la révolution énergétique voire géopolitique – quoi qu’on pense sur le sujet par ailleurs – induite par le gaz de schiste aux États-Unis. Les électriciens américains ayant substitué le gaz moins cher au charbon dans leurs centrales, les producteurs de charbon exportent massivement à prix bradés leur production dans le monde.

Curieusement, GDF-Suez ne parle jamais de gaz de schiste. Dans son rappel annuel de 2012 – celui de 2013 n’est pas encore publié –, le mot n’est pas écrit une seule fois. Cela ne peut pas tenir de la négligence ou de l’oubli, mais plutôt d’un tabou.

« Il n’y a personne pour penser à la stratégie dans ce groupe, pour parler des changements. L’état-major a un comportement de cabinet ministériel. Pas une tête ne dépasse. Tous ceux qui font un peu de bruit sont écartés. Depuis vingt ans, c’est la même équipe qui gouverne, tous des vieux balladuriens », dit un ancien salarié du groupe.

Le grand monopoly

Bien que spécialiste du monde gazier, GDF-Suez n’a pas pris la mesure des bouleversements apportés par le gaz de schiste. Au moment de la fusion avec GDF en 2008, personne dans le groupe ne parle de la révolution en cours, et qui émergera aux yeux du grand public dès 2009. Le groupe a pourtant les moyens de savoir : il est installé à Houston (Texas), la capitale américaine de l’énergie. Surtout, il exploite quatre terminaux gaziers sur les côtes américaines, destinées aux importations de gaz pour le continent américain. Il est donc aux premières loges pour constater les évolutions du marché.

Dans les années 2006-2007, des responsables du groupe sur le terrain, selon nos informations, ont conseillé à Gérard Mestrallet de vendre ces terminaux pendant qu’il en était encore temps. Mais ce dernier a refusé. En 2008, le groupe vante cette force de frappe magnifique au cœur du marché américain... En 2013, il parle encore de sa position de premier importateur de gaz GNL (gaz liquéfié) aux États-Unis. L’ennui est que les États-Unis n’importent plus de gaz. Le Qatar, un des trois grands producteurs mondiaux de gaz avec la Russie et l’Algérie, n’y vend plus un mètre cube de gaz depuis 2010. En un mot, les terminaux gaziers du groupe ont de moins en moins d’utilité. Pourtant, dans sa grande revue de liquidation du passé, le groupe n’a pas déprécié ces actifs. Explication : après avoir servi à l’importation du gaz, ils vont servir à exporter le gaz de schiste américain, affirme-t-il. Cela peut prendre un certain temps. Pour des raisons de sécurité stratégique, les exportations d’énergie sont étroitement contrôlées par le gouvernement américain. Jusqu’à présent, il n’a autorisé qu’un contrat d’exportation de gaz de schiste vers le Japon pour aider le pays à faire face à l’après Fukushima. 

 

 
© GDF Suez

Mais l’aveuglement le plus consternant est sur le marché européen. Tout en se faisant le chantre de la mondialisation, GDF-Suez a fait comme si tout allait continuer comme avant sur le marché gazier et de l’énergie en Europe. Ce n’est qu'aujourd’hui que le groupe acte pour la première fois une décorrélation entre les prix du pétrole et ceux du gaz. Pendant des années, il a nié cette rupture intervenue à partir de 2009, au point que dans les calculs de la première formule pour établir les prix régulés du gaz en France – formule rédigée par le groupe et approuvée par la commission de régulation de l’énergie ( CRE) –, la référence était le cours spot du Brent à Rotterdam. Cette formule, de l’aveu même des statisticiens de la CRE, a été au détriment des consommateurs. La formule a été depuis révisée pour inclure au moins une référence au cours du gaz. Mais la régularisation n’a jamais été faite auprès des consommateurs. GDF-Suez continue à demander régulièrement des révisions de prix à la hausse.

Loin d’anticiper les bouleversements, le groupe a maintenu sa stratégie, comme auparavant. « On ne peut pas s'accrocher au monde ancien et à l'héritage des monopoles », dit aujourd’hui Gérard Mestrallet. Dans l’esprit du grand public, cela semble désigner essentiellement l’héritage de GDF, ancienne entreprise publique intégrée, dont les actifs ne sont plus forcément adaptés à un monde de l’énergie en pleine révolution. Erreur ! L’ancien GDF, ainsi que le belge Electrabel, restent la vache à lait du groupe, même si le groupe noie les chiffres dans un grand ensemble européen.

L’essentiel des 15 milliards d’euros de dépréciations d’actifs réalisées par le groupe portent sur des biens achetés après la fusion, alors que les changements étaient déjà à l’œuvre. Ainsi, le groupe dit avoir révisé à la baisse la valeur de ses capacités de stockage en Allemagne. GDF-Suez a racheté ces installations en 2011 pour 1 milliard d’euros. À l’époque, il se félicitait de cet investissement majeur qui allait lui donner la place de numéro un européen dans le stockage gazier. De même, en 2009, le groupe rachète pour 771 millions d’euros une centrale thermique aux Pays-Bas. Là encore, il se réjouit de cette acquisition qui conforte son rôle européen. En 2012, changement complet de perspective, la centrale est dépréciée à hauteur de 513 millions d’euros. Dans le bilan de 2013, sa valeur a été ramenée à zéro. Plus discrètement, le groupe paraît avoir aussi déprécié une partie des actifs européens de la société britannique International Power, rachetée à prix d’or en 2012.

GDF-Suez a peut-être eu raison d’acquérir de tels actifs. Ils pourraient retrouver un réel intérêt stratégique et industriel, une fois que le marché de l’énergie en Europe aura trouvé un nouvel équilibre. Cela demande de compter avec le temps. Mais GDF-Suez ne raisonne pas comme cela. Il n’a pas de vision industrielle à long terme. Son modèle est financier, les actifs dissiminés, sans intégration industrielle, doivent dégager une rentabilité en eux-mêmes, sur la base du coût marginal de l'électricité. Dès lors, il jongle avec les centrales, les réseaux, les infrastructures, les vendant aussi vite qu’il les a achetés. Sacrifiant à une logique financière de l’instant, il brûle tout ce qu’il a adoré, se fiant à la rentabilité du moment. Aujourd'hui il parie sur les marchés émergents, bien plus profitables paraît-il que les marchés développés. Jusqu'au jour, où il redécouvrira que la mondialisation n'est pas si heureuse que cela, et que cette stratégie, outre qu'elle n'est pas prouvée sur le long terme, comporte des risques politiques, notamment.

Depuis la fusion, la vie du groupe est rythmée par les opérations financières. Le mariage avec GDF était à peine réalisé que déjà le groupe se lançait dans les achats. En quelques mois, il dépensa 10 milliards d’euros. Même Les Échos s’inquiétaient de cette fièvre d’achats. Il est vrai que cela évoquait un fâcheux précédent. Au début du mariage avec la Lyonnaise des eaux, Suez s’était aussi lancé dans une vague d’acquisitions. Alors que le groupe n’avait aucun endettement et plus de 10 milliards d’euros disponibles, il finit en 2003 avec plus de 25 milliards de dettes, sans que l’on comprenne très bien dans quelles opérations était passé l’argent.

L’expérience n’a pas vraiment porté. Acquisitions, fusions, cessions, filialisations, achats et reventes, la direction ne se lasse pas du grand monopoly financier. D’une année sur l’autre, les périmètres changent, les organisations sont faites puis défaites. Rien n’est comparable. Un épais brouillard règne sur la gestion du groupe. Une désagréable impression de gaspillage entoure le groupe. À titre d’exemple, en 2011, Suez environnement, la filiale eau du groupe rachetait pour 217 millions la société d’eau de Rome (ACEA). Un an plus tard, le groupe passait déjà une dépréciation de 84 millions d’euros. En un mot, le groupe avait surpayé cette acquisition. Pourquoi ? D'autant que ces erreurs paraissent se répéter fréquemment.

Tout pour l'actionnaire

Les quelques chiffres solides donnent une image peu rassurante du groupe. Au moment de la fusion, le nouveau groupe dans son bilan de constitution affiche un endettement brut de 17 milliards d’euros. Fin 2008, les dettes s’élèvent déjà à 30 milliards. Elles atteindront 57,2 milliards en 2012, après le rachat au prix fort de la société britannique International Power, soit 80 % de ses capitaux propres. Mais il n’y a que dans le secteur public que les dettes sont maudites.  

Entre-temps, le groupe a déjà cédé pour près de 10 milliards d’euros d’actifs. La seule filialisation des anciennes filiales de GDF – les stockages (Storengy), les ports méthaniers (Elengy), les réseaux de transports (GRT gaz), les réseaux de distribution (Grdf) – lui a permis de dégager environ 2 milliards d’euros.

Sous la pression de ses actionnaires, Gérard Mestrallet a été prié de diminuer l’endettement du groupe. Celui-ci a été ramené à 39,9 milliards fin 2013 (29,8 milliards en dette nette incluant la trésorerie). La direction se félicite de cet effort et dit être en avance sur son programme de désendettement. Mais une grande partie de ce programme tient en un artifice comptable : mettant à profit la fin du pacte d’actionnaire qui le liait dans Suez Environnement, le groupe a déconsolidé sa filiale pour la traiter comme une simple participation. Cela lui a permis d’effacer 8,5 milliards d’euros de dettes de son bilan d’un coup.

L’ennui est que cet arbitrage financier permanent entre les actifs, ces grandes opérations de fusion-acquisition, ne se retrouvent pas dans les profits du groupe. Ceux-ci sont tendanciellement à la baisse. De 4,8 milliards d’euros en 2008, le bénéfice net est passé à 4,4 milliards en 2009, 4,6 milliards en 2010, 4 milliards en 2011, 1,6 milliard en 2012, pour finir par une perte de 9,7 milliards en 2013. Sur la même période, le chiffre d’affaires, de 67,9 milliards d’euros en 2008, a atteint 81,2 milliards en 2013.

Cette conduite ne semble pas inquiéter outre mesure le conseil et les administrateurs du groupe. Mais il est vrai que la direction veille à les satisfaire. Depuis le début de la fusion, la politique du groupe est tout pour l’actionnaire. Entre 2008 et 2011, GDF Suez a distribué en moyenne entre 71 % et 83,3 % de son résultat sous forme de dividendes. Même si les groupes du CAC 40 accordent beaucoup à leurs actionnaires, aucun d’entre eux distribue autant : le taux moyen de distribution des profits tourne autour de 50 %. Ce qui est déjà énorme.

Pour faire bonne mesure, GDF-Suez a aussi racheté ses actions. Ces rachats s’élèvent entre 400 et 500 millions d’euros chaque année. Dans un groupe où l’on compte à longueur de temps en milliards, cela peut paraître une peccadille. Mais quand dans le même temps, les différentes structures opérationnelles du groupe sont obligées à des efforts toujours plus contraignants pour trouver un ou deux millions d’économies ici ou là, ce n’est plus un point de détail.

Ainsi, depuis sa création, GDF-Suez ne garde rien ou presque de ses bénéfices pour assurer son développement et reverse tout à ses actionnaires. En 2012, la dérive s’est encore accentuée. Malgré une chute de 60 % de son résultat net, la direction du groupe a décidé de maintenir son dividende au même niveau que les années précédentes et de verser à nouveau 3,3 milliards d’euros à ses actionnaires, soit 2,2 fois le bénéfice. Certes, une partie (2,5 milliards d’euros) a été payée sous forme d’actions. Mais celles-ci bénéficieront de dividendes par la suite.

Pour faire face à ses engagements, le groupe a dû puiser dans ses réserves. Ce qui revient à s’appauvrir et obérer l'avenir pour le profit immédiat de ses actionnaires. La trace de cet appauvrissement se retrouve dans les comptes sociaux du groupe. Les réserves disponibles du groupe, qui n’avaient quasiment pas bougé depuis la fusion, ont fondu de 5 milliards d’euros fin 2012, passant de 31,2 à 26,3 milliards d’euros.

 

 
© boursorama

Sans hésiter, la direction est prête à réitérer l’opération cette année. Alors que le bénéfice (hors éléments de dépréciation) s’élève à 3,4 milliards, elle entend verser 3,6 milliards de dividendes, soit 200 millions d’euros de plus que le profit réalisé. Une nouvelle fois, il faudra donc puiser dans ses réserves. « Il faut veiller à satisfaire les actionnaires. L’action GDF-Suez offre le meilleur rendement du marché », explique un porte-parole du groupe. Tous ces gestes ne se retrouvent même pas dans le cours de Bourse, l’arbitre absolu selon les financiers. L’action qui valait 35 euros au lancement du groupe en 2008, est tombée à 18,5 euros.

« Cette décision a été approuvée à l’unanimité », s’est empressé de souligner Gérard Mestrallet. Pourquoi le conseil d’administration cautionne-t-il une telle politique de distribution, au moment où le groupe est pris à contre-pied sur son principal marché, l’Europe, et a besoin de ressources financières pour son avenir ? C’est la faute d’Albert Frère, murmurent certains observateurs. L’homme d’affaires belge, qui détient 5,1 % du capital, est connu pour sa rapacité. Il exige dans toutes les entreprises où il est présent au capital des dividendes plantureux pour « arrondir sa galette », selon son expression.

Mais à côté d’Albert Frère, il y a l’État français, qui détient 36,7 % du capital. Il a quatre représentants au conseil d’administration : Ramon Fernandez, directeur du Trésor, Olivier Bourges, directeur général adjoint de l’agence des participations de l’État (APE), Pierre Mongin, président de la RATP, Stéphane Pallez, en remplacement de Bruno Bézard, depuis son départ de l’APE. Depuis le début, ceux-ci semblent avoir tout accepté, ou en tout cas avoir fermé les yeux sur les erreurs stratégiques, le gaspillage financier, l’endettement du groupe. Pourquoi ont-ils approuvé la politique de distribution délirante du groupe ? Par petit calcul, pour permettre aux finances publiques d’empocher quelques centaines de millions facilement ? Si cette stratégie fait sans doute les affaires immédiates des actionnaires et de la direction du groupe, l’intérêt social de l’entreprise, lui, paraît bien oublié. Et demain, on parlera de réduction de coûts et de licenciements ?

 

 

Lire aussi

 

Source : www.mediapart.fr

 

 

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28 février 2014 5 28 /02 /février /2014 16:27

 

Source : www.bastamag.net

 

 

Greenwashing rural

Ces projets de golf qui dévorent les terres agricoles

par Sophie Chapelle 10 avril 2013

 

 

 

 

Des golfs et des villas présentés comme écolo-compatibles à la place de terres agricoles ? Cela se passe dans le Gard, près d’Alès, où une enquête d’utilité publique vise 300 hectares de terres pour y aménager une zone résidentielle et touristique assortie de deux terrains de golf. Des habitants pointent des lacunes dans l’information et critiquent la destruction des dernières terres agricoles ainsi que le gaspillage des ressources en eau. Un Notre-Dame-des-Landes version golfique ?

« C’est un projet inutile et coûteux qui sacrifie des terres agricoles. » Nous ne sommes pas à Notre-Dame-des-Landes, mais à Saint-Hilaire-de-Brethmas, près d’Alès (Gard). Dans cette commune de 4 000 habitants, deux terrains de golf pourraient voir le jour, sur une surface de 195 hectares. Ils s’inscrivent dans un projet de Zone d’aménagement différé (ZAD) qui prévoit la construction de villas, une zone d’activités « éco-environnementale » et une zone dédiée au tourisme. Pour la Communauté d’agglomération du Grand Alès qui porte le projet, ces 300 hectares pourraient donner un nouvel élan économique et touristique à la région. « C’est surtout la dernière zone naturelle et agricole de la commune qui pourrait être rayée de la carte », rétorquent les opposants au projet.

Golfs et villas écolo-compatibles ?

« Ce que nous dénonçons, c’est le manque de concertation autour de ce projet autoproclamé éco-compatible », explique Rémy Coulet, membre de l’association Saint-Hilaire Durable. Créée en 2008, elle vise à « exercer une vigilance citoyenne sur l’environnement de la commune ». A l’époque, de nombreux propriétaires adhèrent à l’association en raison des craintes d’expropriation liées à la ZAD. Mais, faute d’informations « beaucoup pensaient que le projet ne se ferait pas », souligne Rémy Coulet. L’ouverture de l’enquête publique le 19 mars l’a remis dans l’actualité locale.

La communauté d’agglomération envisage de donner naissance à un nouveau « poumon vert ». « Sur les 195 hectares du golf, 50 hectares seront classés "zone verte et naturelle" et formeront des bois laissés intacts, ne nécessitant pas d’eau », rapporte le journal de l’Agglo. Carte en main, Rémy Coulet voit surtout dans ce projet la disparition programmée des terres agricoles. « Sur les 180 hectares de zone agricole actuellement recensés, il n’en restera que 30 », relève t-il.

Menaces d’expropriations

L’équivalent d’un département de terres agricoles disparaît tous les sept ans en France. « De 54 000 hectares de terres artificialisées par an (1982-1992), nous atteignons les 86 000 hectares par an en 2010 », détaille André Torre, économiste et directeur de recherche à l’Inra (lire l’entretien). Le projet de ZAD golfique vient alimenter une concurrence déjà féroce dans l’utilisation de la terre entre l’agriculture, les loisirs et l’habitat.

La plupart des propriétaires ont accepté de céder leurs terrains au prix proposé par l’Agglomération. «  20 000 euros par hectare, soit 3 fois et demie le prix de la terre agricole », avance Rémy Coulet. Les propriétaires récalcitrants pourraient désormais être menacés d’expropriation. « En raison d’une utilité publique, on ne peut pas exclure que le Préfet en réalise », a reconnu le maire de Saint-Hilaire lors d’une réunion publique le 20 décembre dernier.

Un projet très consommateur en eau

« La consommation en eau d’un golf de 18 trous est équivalente à celle d’une ville de 15 000 habitants environ », pointent les détracteurs du projet. Qui ajoutent qu’un golf supplémentaire de 9 trous est aussi prévu à Saint-Hilaire. L’un des coordinateurs du projet reconnaît que la création d’un tel équipement pose inévitablement la question de l’arrosage. Mais il se veut rassurant : « Le premier maillon du dispositif consistera à sélectionner et semer une herbe peu consommatrice en eau. Seuls 40 hectares seraient véritablement concernés par l’arrosage ». Ce qui représente quand même 243 000 m3/an, selon le rapport du bureau d’étude pour le dossier de Déclaration d’utilité publique qu’a pu consulter l’association Saint-Hilaire Durable. Dans une région où la sécheresse est de plus en plus présente...

En période de pointe (juillet), le besoin s’élève à 58 169 m3. D’où la nécessité de stocker 154 000 m3 pendant 92 jours pour éviter de puiser dans une ressource en eau devenue rare. Un bassin de rétention de 250 000 m3 devrait également être construit. « Cette réserve d’eau sera naturellement alimentée durant le printemps et l’automne et permettra de tenir sans aucun pompage dans la nappe phréatique durant toute la période estivale, du 15 juin au 15 septembre », promet l’Agglo. Difficile d’en savoir plus. Aucun compte-rendu de l’avis du Syndicat mixte d’aménagement et de gestion équilibrée des Gardons, ne figure dans le dossier de déclaration d’utilité publique.

Projet alternatif

« Accroître l’attractivité du territoire » a un prix : 20 millions d’euros selon les chiffres avancés par la communauté d’agglomération. Aucune décision n’a encore été prise quant au mode de gestion du futur golf. Le 2 mars dernier, Saint-Hilaire Durable a présenté un projet alternatif à la ZAD. Sur le plan agricole, l’association propose de développer les zones actuellement cultivées par l’aide à l’installation de jeunes agriculteurs, en vue d’alimenter les cantines scolaires du bassin alésien. Elle encourage également à la création d’habitats groupés participatifs et socialement accessibles, dans les zones déjà urbanisées. « Ces propositions visent à montrer que l’on peut conserver le caractère rural, agricole et libre d’accès de cette zone, tout en créant des activités pérennes agricoles, en lien avec les besoins du bassin de la population », souligne Rémy Coulet.

L’association Saint-Hilaire Durable promet de multiplier les actions. « Les élus de la communauté d’agglomération se comportent comme si l’artificialisation des terres agricoles, le réchauffement climatique, les sécheresses et la pénurie d’eau douce autour de l’arc méditerranéen n’étaient que des chimères de la communauté scientifique et non une réalité en marche », souligne Rémy Coulet. Depuis le 19 mars, les citoyens peuvent consulter le dossier pendant un peu plus d’un mois et apporter leurs remarques. Avec un bémol : la possibilité pour le Préfet de ne pas tenir compte de l’enquête publique et d’autoriser les travaux.

Sophie Chapelle

@Sophie_Chapelle sur twitter

Photo : FlickR

 


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Source : www.bastamag.net

 

 

 

                                                                        *********************************

 

 

Source : www.sainthilairedurable.com

 

PROJET ALTERNATIF​ proposé par l’association St Hilaire Durable

 

 

Projet alternatif  à la ZAD Golfique

élaboré par l’association St Hilaire Durable


Ces propositions visent à conserver le caractère rural, agricole et libre d’accès de cette zone, tout en maintenant/créant des activités pérennes basées sur une agriculture respectueuse de l’homme et de son environnement, en lien avec les besoins du bassin de population.Le tourisme n’y est inclus qu’en tant qu’activité complémentaire.

- Agriculture/Élevage :
Sur les zones actuellement cultivées, maintien de cultures bio de céréales (blé, orge), légumineuses alimentaires (pois chiche) ou fourragères (luzerne), oliviers, amandiers et de plantes condimentaires, médicinales et aromatiques adaptées au sol et au climat (éventuellement en lien avec la société Arcadie).
Ces cultures seront développées par l'aide à l'installation de jeunes agriculteurs en agriculture biologique, à l'instar de ce qui se fait au domaine ‘La Grange des Prés’ de Barjac. Les productions viseront à alimenter les cantines scolaires et les circuits courts du bassin alésien.
Mise en place ou maintien de troupeaux de moutons (filières laine et viande) dont l’effectif sera compatible avec la zone concernée.
Création d'un rucher école qui par le biais de cours et stages, formera des apiculteurs et dispensera de l'information aux amateurs.
Si le besoin en est avéré, création d’une ferme pédagogique pour les enfants et/ou d'un centre de formation de jeunes agriculteurs.

- Habitat :
Création, à proximité du village ou dans les zones déjà urbanisées, pour limiter la consommation d’espace et d’énergie, d’habitats groupés participatifs,  bioclimatiques**, socialement accessibles (voire auto construits), entourés de potagers/vergers, avec composts collectifs, etc. Un type d'habitat convivial fortement développé dans les pays scandinaves, en Suisse, en Allemagne.

- Tourisme et Loisirs :
Des appartements destinés à l’accueil d’un tourisme familial et social seront inclus dans l’habitat collectif.
Développement de circuits "doux" pédestres ou autres, en améliorant ceux existants ou en créant d'autres. Création/réhabilitation de voies vertes reliant les communes limitrophes.
Création d’une aire d’accueil pour cyclotouristes.
Création d'un parcours pédagogique de découverte  des activités de cette zone.
Développement de l'agrotourisme pour valoriser les activités et productions agricoles, le patrimoine naturel.

*Est considéré comme un circuit court un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte, à condition qu'il n'y ait qu'un seul intermédiaire.
**Un habitat bioclimatique est un bâtiment dans lequel le chauffage et la climatisation sont réalisés en tirant le meilleur parti du rayonnement solaire et de la circulation naturelle de l'air.

 

Source : www.sainthilairedurable.com


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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 19:36

 

Source : www.humanite.fr

 

Culture - le 27 Février 2014

unedic

Le Medef rêve d’intermittents payés au chapeau...


 

Manifestation des intermittents à Paris, jeudi 27 février.


 

L’avant-dernière séance de négociations sur la convention de l’assurance chômage s’ouvre ce jeudi. Une journée placée sous le signe de la mobilisation avec de nombreux rassemblements à Paris, devant le siège du Medef, et en province. 

« Êtes-vous favorable à la proposition du Medef d’en finir avec le régime des intermittents du spectacle ? » propose le Point dans un sondage à l’adresse de ses lecteurs. En 2003, un intermittent du spectacle, croisé dans une des nombreuses manifestations, brandissait une pancarte sur laquelle il avait écrit : « Pour faire des économies, tue un clown ! » Si les arguments du Medef n’ont pas varié d’un pouce depuis, la situation n’est plus tout à fait la même qu’il y a dix ans tant les salariés intermittents ont élaboré des contre-propositions.

  • Voir la vidéo : Les propositions pour le régime des intermittents du spectacle (annexes 8 et 10) présentées par le comédien Samuel Churin

 

 

 

En 2013, après de nombreuses auditions de l’ensemble des acteurs concernés (à l’exception notable du Medef qui n’a pas daigné venir s’exprimer devant la représentation nationale), un rapport parlementaire sous la direction du député PS Jean-Patrick Gilles est venu conforter la nécessité de maintenir les annexes 8 et 10 de la convention Unedic de l’assurance chômage, et quelques-unes de ses recommandations recoupaient les propositions des intermittents, techniciens et artistes, portées par le nouveau comité de suivi composé de parlementaires (Noël Mamère, Pierre Laurent, Laurent Grandguillaume), de syndicats (CGT, FO, SUD…), de la coordination et d’organisations professionnelles (Syndeac, Synavi). Parmi les propositions du comité de suivi, on peut en distinguer trois : le retour à la date anniversaire et 507 heures en 12 mois avec indemnisation sur 12 mois ; le plafonnement du cumul salaires et indemnités, ou encore la prise en compte des heures d’enseignement et d’heures faites au régime général.

Il est beaucoup question de chiffres dès lors que l’on évoque l’assurance chômage des intermittents. Des chiffres le plus souvent invérifiables mais qui ont la peau dure tant ils sont amplement relayés. Ainsi, les intermittents coûteraient… un milliard par-ci, quelques millions par-là. Nos confrères du Figaro, reprenant in extenso les éléments de langage du Medef, écrivent (le 18 février) que les intermittents « représentent 15 % de l’emploi en France mais plus de 50 % des allocations versées ». L’Express (le 17 janvier) parle du « très coûteux régime d’indemnisation des métiers du spectacle » tandis que l’Opinion préfère l’expression de « ruineux dossier » (le 25 février).

Un Medef qui se fait de plus en plus arrogant 

Il est évident que la réforme de 2003, adoptée par le Medef et la CFDT, n’a en rien résolu le déficit d’alors (estimé aux alentours de 800 millions, chiffre tout aussi invérifiable). Car ce n’était pas son propos. L’objet de cette réforme était bien de durcir les conditions d’entrée à l’assurance chômage pour les artistes et techniciens (507 heures sur 10 mois pour les techniciens, sur 10 mois et demi pour les artistes. Ce qui eut pour effet immédiat l’exclusion de dizaines de milliers d’artistes et de techniciens du système). Dix ans plus tard, le bilan est bien là : sur plus de 254 000 salariés intermittents qui ont cotisé en 2011, seuls 43 % ont bénéficié d’une journée d’indemnisation. Vous avez dit privilégiés ? En 2011, le salaire annuel moyen de ces mêmes salariés (artistes et techniciens confondus) est de 8 503 euros. Celui des seuls artistes de 4 869 euros. Quant au salaire annuel médian de l’ensemble des intermittents du spectacle, il est de 2 762 euros... Vous avez dit privilégiés ?

  • Voir la vidéo : pourquoi le déficit des annexes 8 et 10 des intermittents du spectacle n'existe pas

 

 

 

Le 17 décembre 2013, Pierre Gattaz, actuel patron des patrons, déclarait sur le sujet : « Rien n’est tabou. Tout est à mettre sur la table. » Le passage à l’acte ne s’est pas fait attendre puisque au cours des négociations actuelles sur l’Unedic, le Medef n’a pas hésité à proposer la suppression des annexes 8 et 10 et, dans la foulée, celle de l’annexe 4 dont dépendent les intérimaires. Une provocation de plus de la part d’un Medef de plus en plus arrogant ? On peut penser que, de son point de vue, cette proposition est dans le droit fil de son raisonnement purement libéral. Dans la logique du Medef, il faut en découdre avec le système de l’assurance chômage. Les intermittents, et les intérimaires, deviennent dès lors les boucs émissaires d’un système à bout de souffle du fait de l’explosion du chômage. Selon la logique patronale, l’Unedic est déficitaire… à cause des chômeurs. Étonnant, non ? Et comme on ne peut pas tous les virer, commençons par nous attaquer aux plus fragiles, donc aux intermittents. Mais le Medef ne veut pas en rester là. Non content de vouloir faire basculer les intermittents dans le régime général, niant la spécificité de leurs métiers, il propose que le manque à gagner de ce scénario (estimé à quelque 300 millions) soit financé par l’État. Et non plus par la solidarité interprofessionnelle. Au (faux) prétexte mille fois brandi par le Medef : « Ce n’est pas à l’assurance chômage de financer la culture ! »

Un système adapté à la discontinuité des métiers

C’est bien là que l’aveuglement du Medef, sa méconnaissance profonde de la nature des métiers des artistes et techniciens s’affichent. Dans le spectacle, dans le cinéma, la notion de travail est à dissocier de la notion d’emploi. Entre deux contrats (deux cachets), l’artiste ne s’arrête pas de travailler. Il reste un créateur : il continue d’écrire, de faire ses vocalises s’il est chanteur lyrique, ses échauffements s’il est danseur, de monter des projets s’il est metteur en scène, de lire et de découvrir des auteurs s’il est acteur… S’il est évident que ce n’est pas aux Assedic de payer les répétitions, le système d’assurance chômage des intermittents, adapté à la discontinuité de leurs métiers, est un sacré filet de sécurité pour que les artistes de ce pays puissent envisager la suite sans être paniqués par le vide que constituerait la disparition des annexes 8 et 10. Et qui, par ricochet, participent de l’exception culturelle.

Comme le rappelait judicieusement le comité de suivi il y a quelques jours, l’ensemble des revendications qu’il porte depuis dix ans maintenant « avaient toutes été défendues par le groupe socialiste maintenant dans la majorité, y compris François Hollande, alors député. Aujourd’hui, les ministres en charge du dossier, Aurélie Filippetti pour la culture et Michel Sapin pour le travail, ont pris des engagements sur le maintien des annexes, mais pas sur leur contenu ! ». Et c’est bien là où le bât blesse. Où il en va de la responsabilité des pouvoirs publics de ne pas se contenter d’un « Il faut sauver les annexes 8 et 10 » ou d’un « Il revient aux partenaires sociaux de négocier ». Telles qu’elles sont aujourd’hui, elles sont injustes, inefficaces. À moins de considérer que le Medef ne contrôle tout, ne dirige tout. On se doute que s’il ne tenait qu’à lui, on pourrait même payer les artistes au chapeau. Comme dans le bon vieux temps.

Manifs à Paris et en province. Dans un communiqué envoyé hier en fin de journée, la CGT spectacle alerte sur les dernières manœuvres du Medef qui confirment que « l’indemnisation des travailleurs relevant 
des annexes 8 et 10 du règlement général est désormais alignée sur celle du règlement général ». Pour riposter, une manifestation unitaire parisienne est prévue aujourd’hui à 14 heures place 
du Palais-Royal pour rejoindre le siège du Medef. Une assemblée générale unitaire aura lieu le 5 mars à 18 h 30 à l’Olympia.

Lire aussi :

Marie-José Sirach

 

 

Source : www.humanite.fr

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 19:27

 

Source : www.marianne.net

 

Avant l'UMP, les « Copé boys » ont gratté à France télé
Jeudi 27 Février 2014 à 13:50

 

 

Les proches de Jean-François Copé, Bastien Millot et Guy Alves, ont empoché avec leur société de communication Bygmalion pas moins de 8 millions d'euros grâce à la campagne de Nicolas Sarkozy, en 2012. Mais là n'est pas l'unique exploit des deux « Copé boys ». Entre 2008 et 2013, leur société a perçu 1,2 millions d'euros de contrats passés avec France Télévisions. Un pactole qui intéresse de près la justice...

 

SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA
SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA
Pour avoir organisé les meetings de campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, la société de communication Bygmalion, dirigée par Guy Alves et Bastien Millot, deux proches de Jean-François Copé, aurait empoché pas moins de 8 millions d’euros en contrats signés avec l’UMP et son candidat, selon Le Point .
 

Quelques mois après l’appel au don – dit « sarkothon » – lancé par le président du mouvement pour renflouer ses caisses, l’information laisse songeur... et suscite déjà de violentes réactions au sein de la formation d’opposition, à l’image de celle du député UMP Lionel Tardy, auteur de ce tweet incendiaire :

Mais il n’y a pas qu’avec l’UMP que la société créée par les deux anciens collaborateurs de Copé a gagné beaucoup d’argent. De 2008 à 2013, l'entreprise a perçu 1,2 millions d’euros en contrats passés avec la direction de France Télévisions, et sans appels d’offre... Rappelons-le : c'est Patrick de Carolis qui, voulant plaire à Jean-François Copé alors ministre du Budget, s'était tourné vers Bastien Millot pour en faire son directeur de la communication – Guy Alves était chef de cabinet du ministre. 

Cette tambouille intéresse de près le juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke, comme nous l’écrivions dans les colonnes de Marianne dans notre numéro daté du 31 janvier dernier (voir ci-dessous).

Ce matin, sur l'antenne d'Europe 1, Bastien Millot a expliqué que face à ces accusations, « [sa] meilleure réponse était [son] travail ». Justement, ce sont bien ces méthodes de « travail » qui commencent à intriguer...



France Télé : le magot et Millot

Le très actif communicant Bastien Millot a su profiter des largesses de France Télévisions de 2008 à 2013 par le biais de sa société Bygmalion. Mais quelques « détails » gênants ont éveillé l'intérêt de la justice...

Il squatte les plateaux de Public Sénat, LCI, France 2, iTélé... Tient chronique sur Europe 1 au titre d'« expert en médias ». A 41 ans, Bastien Millot professe sur toutes les ondes  sa bonne parole de communicant. Le pôle financier du tribunal de grande instance de Paris ne devrait pas tarder à lui offrir une nouvelle estrade.

Cet intime de Jean-François Copé est au cœur de l'enquête menée par le juge Renaud Van Ruymbeke pour « délit de favoritisme, prise illégale d'intérêts et complicité de prise illégale d'intérêts » à France Télévisions (lire le blog du syndicat CGC-Média, à l'origine de la plainte). Le magistrat scrute les nombreux contrats signés de 2008 à 2013 par la société de Bastien Millot, Bygmalion, et l'entreprise publique dirigée par Patrick de Carolis, puis par Rémy Pflimlin.

C'est qu'il y a de quoi être chiffonné par la concomitance des dates. En novembre 2008, Millot, qui occupe depuis trois ans le poste ronflant de directeur délégué chargé de la stratégie, de l'innovation et de la communication à France Télévisions, se met en congé sabbatique pour un an, renouvelé l'année suivante pour création d'entreprise. Jusqu'ici tout va bien.

Les choses se compliquent lorsqu'il apparaît que Bygmalion, qui existe depuis octobre 2008, empoche très vite de juteux marchés avec la télé publique, comme la réponse aux courriers des téléspectateurs ou le suivi sur Internet de « la réputation du groupe et de ses principaux dirigeants ». Deux contrats portant sur l'année 2009 et paraphés juste avant leur terme, le 21 décembre de cette même année...

Millot, en homme d'action, n'a pas de temps à perdre en paperasse. Ni en réponse aux appels d'offres. Ça tombe bien : contrairement à ce que stipule une ordonnance du 6 juin 2005, la direction de France Télévisions n'a pas semblé très prompte, à l'époque, à faire jouer la concurrence. Après avoir perdu, en septembre 2010, son salaire de 13 000 € mensuels (hors primes) et les avantages en nature liés à ses fonctions dans l'audiovisuel d'Etat – deux ordinateurs portables, un abonnement à Canal Sat, une Peugeot 407 coupé –, l'ancien directeur adjoint de cabinet de Jean-François Copé au Budget avait besoin de se refaire...

Au gré des tacites reconductions de ses multiples prestations (gestion de sites Web, études d'image, conseil stratégique...), Bygmalion a empoché 1,2 million d'euros en six ans. Une manne que le bénéficiaire minimise, au regard des « 40 millions d'euros dépensés en communication chaque année » par son ancienne maison, explique-t-il à Marianne.

Martin Ajdari, l'actuel financier du groupe, n'a trouvé trace d'une « mise en concurrence » de Bygmalion que pour un seul contrat, celui du courrier des téléspectateurs. Et encore, il n'y avait qu'un rival en lice. Réponse de Millot : « Les procédures d'appels d'offres ne sont pas du ressort des prestataires. La direction est seule responsable de leur respect. » Message transmis aux généreux patrons du service public.

 

 
Lire aussi l'article paru dans Marianne en décembre 2012 sur d'autres « dérives » de la société Bygmalion : Contrats publics : un maire UMP accusé de favoritisme envers Guillaume Peltier et Bastien Millot
 
Source : www.marianne.net

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 19:20

 

Source : www.marianne.net

 

Un rapport dénonce les abus de la troïka européenne
Jeudi 27 Février 2014 à 05:00

 

Hervé Nathan

 

"Marianne" s'est procuré la version provisoire d'un texte rédigé par des parlementaires européens. Il est très critique sur l'action de la troïka qui a plongé certains pays dans la pauvreté.

Un rapport dénonce les abus de la troïka européenne
Il aura fallu que le Parlement européen arrive à la fin de son mandat pour que soit enfin levé un coin du voile qui a recouvert un des chapitres les moins glorieux de l'histoire de l'Union européenne : comment a agi et a fonctionné la fameuse et fumeuse troïka, cette instance monstrueuse associant la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international, qui a imposé, de 2010 à aujourd'hui, l'austérité la plus ravageuse à la Grèce, l'Irlande, au Portugal et à Chypre.

C'est l'objet d'un «rapport d'enquête» de la commission des Affaires économiques et monétaires du Parlement de Strasbourg, dont Marianne a pu consulter la version provisoire, rédigée par deux corapporteurs, le conservateur autrichien Othmar Karas et le socialiste français Liêm Hoang-Ngoc.

On ne peut pas dire que les institutions se soient empressées de répondre aux questions des parlementaires. Le FMI n'a délégué que son représentant régional, la BCE a argué qu'elle n'est pas responsable de son indépendance pour renvoyer des réponses dilatoires et refusé d'indiquer si des débats avaient agité son institution et, si Jean-Claude Trichet a bien accepté de témoigner sur son action d'ex-président de la banque centrale, Mario Draghi a jugé, lui, que ce n'était pas digne de la haute idée qu'il se fait de lui-même. «Même les fonctionnaires européens ont fait savoir qu'ils n'avaient pas à s'expliquer, que c'était aux responsables politiques de le faire», explique un parlementaire.

Ce prérapport, qui est pourtant déjà un compromis entre les libéraux et les sociaux-démocrates (mais des amendements seront débattus en février puis en mars), dresse néanmoins un tableau qui ferait dresser les cheveux sur la tête de n'importe quel citoyen européen un peu attaché au droit.

Non seulement le mandat de la troïka «n'est pas clairement défini et manque de transparence», mais, pis encore, «il n'existait aucune base juridique pour [sa] création» dans les traités de l'Union en 2010. La troïka rendait compte de son action à l'Eurogroupe (le conseil des ministres des Finances de la zone euro), instance elle-même informelle, puisque seul le Conseil des ministres de l'Economie et des Finances où sont représentés les 28 pays membres a une existence institutionnelle.

Les entorses aux principes sont multiples : la Commission européenne était en plein conflit d'intérêts puisque, réputée être «la gardienne des traités», elle gérait aussi leur transgression. Ainsi la troïka a-t-elle imposé des réformes des systèmes de santé à la Grèce, à l'Irlande et au Portugal, en violation de l'article 168 du traité de Lisbonne prescrivant que ces questions sont du ressort exclusif des Etats...

Manipulation politique

Un abus de pouvoir manifeste, en somme, a été commis par les plus hautes instances de l'Union ! En ce qui concerne la BCE, le rapport «attire l'attention sur une possibilité de conflit d'intérêts entre le rôle actuel dans la troïka en tant que "conseiller technique" et son statut de créancier vis-à-vis de quatre Etats membres». Sans compter les soupçons de manipulation politique.

Lors des entretiens avec les rapporteurs, l'ex-Premier ministre socialiste portugais José Socrates a confié qu'il soupçonnait fortement José Manuel Barroso, président de la Commission de Bruxelles, d'avoir favorisé l'arrivée au pouvoir de son parti de droite, le PSD, à l'occasion de la renégociation du programme d'ajustement.

A la confusion des genres s'ajoutent aussi les comportements d'autruche. Jean-Claude Juncker (ancien Premier ministre du Luxembourg) a reconnu devant les députés européens que l'Eurogroupe qu'il présidait «avait soutenu les recommandations de la troïka sans en examiner les implications politiques spécifiques»...

Le même Eurogroupe a aussi, en 2013, imaginé de spolier les petits épargnants des banques chypriotes en faillite pour ne pas faire fuir les gros déposants russes, à la demande du président (communiste) de Chypre, Dimitris Christofias...

Dans ce capharnaüm où se dissolvent les responsabilités politiques, les différents acteurs tirent la politique économique à hue et à dia. La BCE refuse de faire contribuer les senior bond holders, les banques et les fonds qui avaient souscrit aux juteuses émissions d'obligations des banques irlandaises en faillite.

C'est donc sur l'insistance de Jean-Claude Trichet, terrorisé à l'idée d'une déstabilisation du système bancaire, que le budget irlandais prendra entièrement à sa charge les pertes des banques privées, provoquant un déficit public de plus de 9 % du PIB. C'est aussi sur l'injonction du très dogmatique commissaire Olli Rehn que la Grèce est contrainte à un exercice de réduction accélérée de son déficit public, alors que le FMI militait pour privilégier une politique de réduction des coûts salariaux, une «dévaluation interne».

Bruxelles n'a jamais voulu accepter les arguments, pourtant étayés, de Washington, selon lesquels la cure budgétaire accélérait la crise plutôt qu'elle n'aidait à la résoudre. Du coup, la population grecque a dû subir une déflation des salaires (- 22 % pour le salaire minimum) et budgétaire, et enfin une restructuration de la dette, avec pour corollaire trois années consécutives d'une terrible récession.

Le bilan de la troïka est donc loin d'être globalement positif : l'endettement des pays n'a pas baissé, il a au contraire explosé dans les quatre pays sous contrôle. L'Irlande va, certes, sortir de sa situation d'assistée de l'Europe. Mais elle a dorénavant une dette de 120 % du PIB alors que, avant la crise, elle n'était que de 30 %. La Grèce traîne un endettement de plus de 170 % de son PIB, alors qu'elle a bénéficié en 2012 d'un effacement de la moitié de ses créances bancaires. Athènes sollicite une nouvelle opération cette année. Le chômage de masse a explosé (25 % en Grèce, 6 % au Portugal, 15 % en Irlande...).

Le rapport «déplore que, depuis 2008, l'inégale répartition des revenus se soit accrue au-delà de la moyenne dans les quatre pays concernés et que la réduction des prestations sociales et l'augmentation du chômage entraînent une hausse de la pauvreté».

L'affrontement politique droite-gauche au sein du Parlement européen devrait empêcher l'adoption d'ici à avril d'un rapport condamnant formellement la politique d'austérité, et le consensus. Les rapporteurs recommandent qu'à l'avenir la Commission rende compte «régulièrement» de son action devant le Parlement et que l'UE se dote d'un véritable «fonds monétaire européen», indépendant du FMI et doté de règles transparentes. C'est bien le minimum.
                                                                                                                                                                                                                           Source : www.marianne.net

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 18:37

 

 

Source : blog.mondediplo.net

 

Les irresponsables du pacte de responsabilité

  Les entreprises ne créent pas l’emploi

 

 

mercredi 26 février 2014, par Frédéric Lordon

Il faut avoir sérieusement forcé sur les boissons fermentées, et se trouver victime de leur propension à faire paraître toutes les routes sinueuses, pour voir, comme s’y emploie le commentariat quasi-unanime, un tournant néolibéral dans les annonces récentes de François Hollande [1]. Sans porter trop hauts les standards de la sobriété, la vérité appelle plutôt une de ces formulations dont Jean-Pierre Raffarin nous avait enchantés en son temps : la route est droite et la pente est forte — mais très descendante (et les freins viennent de lâcher).

Entreprise, mon amour ? Retour à la table des matières

En effet, droit, c’est droit ! Et depuis l’origine. Evidemment, pour s’en apercevoir, il aurait fallu prêter un peu plus attention aux six premiers mois de la présidence Hollande, où tout a été posé pour cinq ans, et les actes et la logique des actes.

Ce texte est la version longue de l’article paru dans Le Monde diplomatique de mars 2014. Les actes d’abord, en une séquence impressionnante de cohérence : ambassade du premier ministre à l’université du MEDEF, reculade devant les « pigeons », rapport Gallois, consécration législative de l’ANI (Accord National Interprofessionnel) — et tout le reste à l’avenant : Jérôme Cahuzac qui n’a « jamais cru à la lutte des classes » [2], heureusement remplacé par Bernard Cazeneuve qui voit, lui, distinctement que « les entreprises ne sont pas des lieux d’exploitation ou d’accumulation de profit » [3], l’un puis l’autre sous la tutelle éclairée de Pierre Moscovici qui pense que « pour lutter contre l’exil fiscal, il faut avant tout valoriser le site France qui doit être accueillant pour les entreprises, les talents » [4], qu’il ne doit pas y avoir de loi sur les rémunérations patronales, matière en laquelle il faut préférer « agir dans le dialogue (...) et miser sur une autorégulation exigeante » [5], qui pense tellement de choses d’ailleurs... Essentiellement résumable à une : « les entreprises sont au cœur de notre politique économique » [6].

Et voilà énoncée la logique des actes. Pauvre logique qui transpire les stratégies du désespoir et de la renonciation. Car les tendances longues de la trahison idéologique se mêlent ici aux calculs égarés de la panique quand, ayant abandonné toute idée de réorienter les désastreuses politiques européennes, ayant même fait le choix de les durcir un peu plus avec le TSCG, et par conséquent privé de toute possibilité de relance, il ne reste plus pour se sauver du naufrage complet que le radeau de la Méduse : « l’entreprise » comme ultime providence, c’est-à-dire... le MEDEF comme planche de salut. Formidable effort de la vie sauve et géniale trouvaille au bord de l’engloutissement : « La seule chose qu’on n’a pas essayé, c’est de faire confiance aux entreprises » [7]. Ah ! la riche idée : faire confiance aux entreprises... Faire confiance au preneur d’otages en se jetant dans ses bras, persuadé sans doute que l’amour appelle invinciblement l’amour — et désarme les demandes de rançon.

La prise d’otages du capital Retour à la table des matières

Contrairement à ce qu’exclamerait dans un unisson d’horloges synchronisées la cohorte éditorialiste, scandalisée qu’on puisse parler de « prise d’otages », il n’y a pas une once d’outrance dans le mot, dont il faut même soutenir qu’il est analytiquement dosé au plus juste. Il est vrai que l’altération perceptive qui fait voir les droites sous l’espèce de la courbure est en accord avec cette autre distorsion qui conduit à voir des « prises d’otages » partout — chez les cheminots, les postiers, les éboueurs, et plus généralement tous ceux qui se défendent comme ils peuvent des agressions répétées dont ils sont l’objet —, sauf où il y en a vraiment. Il est vrai également que le capital a pour lui tous les privilèges de la lettre volée d’Edgar Poe [8], et que sa prise d’otages, évidente, énorme, est devenue invisible à force d’évidence et d’énormité. Mais par un effet de cécité qui en dit long sur le pouvoir des idées dominantes, pouvoir de faire voir le monde à leur manière, en imposant leur forme au réel, et en rendant invisible tout ce qui pourrait les contredire, par cet effet de cécité, donc, la plus massive des prises d’otages est devenue la moins remarquée, la plus entrée dans les mœurs.

Or, comme Marx l’avait remarqué, le capitalisme, c’est-à-dire le salariat, est une prise d’otage de la vie même ! Dans une économie monétaire à travail divisé, nulle autre possibilité de reproduire la vie matérielle que d’en passer par l’argent du salaire... c’est-à-dire l’obéissance à l’employeur. Et s’il n’y avait eu la conquête de haute lutte des institutions de la protection sociale, on ne voit pas bien ce qui séparerait la logique profonde de la mise au travail capitaliste d’un pur et simple « marche ou crève ».

Le capital ne prend pas en otage que la vie des individus séparément, mais également — en fait d’un seul et même tenant — leur vie collective, celle-là même dont la politique est l’expression, et qui donne normalement à la politique son objet. Mais voilà, l’objet de la politique est dans les pattes d’un autre : le capital. Cette captation a pour principe majeur que toute la reproduction matérielle, individuelle et collective, est désormais entrée sous la logique de l’accumulation du capital : la production des biens et des services qui reproduisent la vie matérielle n’est plus effectuée que par des entités économiques déclarées capitalistes et bien décidées à n’opérer que sous la logique de la marchandisation profitable. Et pour principe mineur la capacité d’initiative dont jouit le capital : le capital financier a l’initiative des avances monétaires qui financent les initiatives de dépenses du capital industriel — dépenses d’investissement ou dépenses de recrutement. Aussi les décisions globales du capital déterminent-elles le niveau général de la conjoncture, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles les individus trouvent les moyens — salariaux — de leur reproduction. C’est ce pouvoir de l’initiative, pouvoir d’impulsion du cycle de la production, qui confère au capital une place stratégique dans la structure sociale d’ensemble — la place du preneur d’otages, puisque tout le reste de la société n’en finit pas d’être suspendu aux décrets du capital et à son bon vouloir.

Sous la menace de la grève de l’investissement Retour à la table des matières

Sans doute l’intensité de la prise d’otages se trouve-t-elle modulée par la configuration historique concrète du capitalisme au moment considéré. Le rapport de force entre le capital et le travail, on pourrait même dire entre le capital et tout le reste de la société, n’est pas le même lorsque le commerce international, les investissements directs et les mouvements de capitaux sont très régulés, et lorsqu’ils ne le sont pas. C’est d’ailleurs le propre du néolibéralisme que d’avoir accru quasiment sans limite les possibilités stratégiques du capital, en abattant systématiquement les barrières qui jusqu’ici retenaient ses calculs.

Il fallait donc avoir l’humanisme chrétien, ou la bêtise crasse, chevillée au corps pour s’imaginer que le capital pourrait, comme toute puissance en marche, ne pas pousser son avantage jusqu’à sa dernière extrémité, et pour croire qu’il trouverait de lui-même les voies de la décence ou de l’autorégulation. Or cette « dernière extrémité », très exactement appuyée à la capacité d’initiative qu’on vient de décrire, consiste en ce que le capital est en mesure d’exiger de la société qu’il soit fait droit à toutes ses demandes pour que l’initiative soit effectivement lancée. Faute de quoi il pratiquera la grève de l’investissement — « grève », n’est-ce pas là le mot qui, dans la boîte à deux neurones de l’éditorialiste quelconque, déclenche habituellement l’association avec « prise d’otages » ?

Bien sûr pour qu’il y ait arc électrique dans cette boîte-là, il faudrait que cette grève, d’un genre spécial, se donne à voir sous des formes plus standard. Or ni piquet, ni banderole, ni brasero dans les grèves du capital, mais plutôt une retenue silencieuse — de l’investissement —, accompagnée d’un lamento bruyant, lamento de la création empêchée, à base d’énergies qui voudraient tant être libérées (et qui sont tant bridées), d’étouffement règlementaire et de strangulations fiscales, ou plus subtilement d’attractivité du territoire (médiocre) et par conséquent de fuite des talents, bref le discours du positif contrarié — pour ainsi dire le discours des forces de la vie, que seule une perversité mortifère peut avoir l’idée de retenir.

Evidemment le discours du positif a le gros bâton du négatif sous la main. Car si la société n’exécute pas les quatre volontés du capital, le capital a les moyens de le faire sentir à la société — et ceci du fait même qu’il a capté la maîtrise entière de sa reproduction matérielle. Il faut alors prendre un peu de recul pour mieux mesurer l’ampleur de la prise d’otages, et l’efficacité du rançonnement, depuis la suppression de l’autorisation administrative de licenciement au milieu des années 80 jusqu’aux dispositions scélérates de l’ANI, en passant par la baisse de l’impôt sur les sociétés, la défiscalisation des stock-options, les atteintes multiples au CDI, le travail du dimanche, etc., liste interminable de butins de guerre, dont il faut comprendre qu’elle est vouée à s’allonger indéfiniment tant qu’il ne se trouvera pas en face de la puissance du capital une puissance de même échelle mais de sens opposé pour le ramener autoritairement à la modération, car, la liste précédente l’atteste suffisamment, le capital n’a aucun sens de l’abus.

Le capital-enfant Retour à la table des matières

Intensifiée comme jamais par la configuration institutionnelle du néolibéralisme, la capture — la prise d’otages — constitutionnelle au capitalisme a porté le rançonnement de la société entière à des degrés inouïs, mesurables par l’impudence déboutonnée de ses ultimatums. Le capital ne négocie plus avec la société : il extorque. Pourquoi se gênerait-il ? Sous le nom de « mondialisation », la situation structurelle a été aménagée pour maximiser son pouvoir matériel et symbolique, et il est dans la (tauto)logique des choses qu’une puissance à laquelle a été ôtée toute limite ne connaisse plus de limite. C’est pourquoi le capital désormais dicte ses demandes — on prétend que le pacte de responsabilité a été livré à Hollande clé en mains par Gattaz qui s’en défend à peine —, à défaut de quoi, il bloquera tout.

La compréhension de ce blocage demande alors de sortir de l’abstraction macroscopique du « capital » pour se transporter dans les psychés patronales ordinaires, et y observer in situ moins le cynisme ouvert de l’institution MEDEF que le sentiment du « bon droit » des patrons individuels, sentiment d’une évidente légitimité, ou bien celui d’une véritable offense au moindre refus, et la réaction totalement infantile du « si c’est comme ça... » qui s’en suit invariablement — « si c’est comme ça, je m’en vais », « si c’est comme ça la France n’aura plus mon talent », « si c’est comme ça, je paye mes impôts ailleurs », « si c’est comme ça, mon énergie n’est plus du tout libérée », « si c’est comme ça, je ne peux pas innover », « si c’est comme ça, je n’embaucherai pas ».

L’hypothèse infantile est décidément la bonne puisque la perte des limites fait invariablement remonter la part de l’enfant-tyran. A l’image de la psychologisation générale de la société, une des tendances les plus profondes du néolibéralisme, le débat politique se trouve donc entraîné dans une effarante régression où ne comptent plus que les conditions du confort psychique de l’enfant-patron. Pierre Gattaz réclame qu’on lui évite toute disposition « stressante ». Mais c’est sans doute Fleur Pellerin qui va le plus loin dans la grammaire du dorlotement en reconnaissant bien volontiers que « le milieu entrepreneurial a encore besoin de preuves d’amour » [9]. Voilà donc où nous en sommes : pour obtenir des patrons qu’ils daignent faire leur travail, la société doit leur témoigner de « l’amour », et surtout veiller à leur éviter toute contrariété. Stade ultime de la prise d’otages, où le preneur d’otages, en plus de la rançon, réclame d’être aimé, l’extorsion matérielle cherchant à se prolonger sous une forme délirante en extorsion affective.

Et c’est avec ce genre de complexion que la Droite Complexée du président Hollande imagine passer un pacte de responsabilité ! idée folle conduisant inévitablement à se demander lequel des deux « contractants » est le plus irresponsable, le capital-enfant qui ne connaît plus aucun frein et violentera jusqu’au bout la société otage, ou le gouvernement qui persiste, contre toute évidence, à en faire un partenaire « responsable ». Il faut en tout cas avoir au choix la franche bêtise ou, plus probablement, le cynisme retourneur de veste de M. Montebourg pour oser dire que le pacte consiste en « une réconciliation de la nation autour de l’entreprise », en contrepartie de laquelle il est attendu que « l’entreprise secoure la nation » [10].

La curieuse science expérimentale
des baisses de cotisations Retour à la table des matières

Supposé qu’il passe parfois dans quelque esprit gouvernemental l’ombre d’un doute, le capital, lui, ne se pose pas ce genre de question. Tout à sa poursuite des coudées larges et de la suppression fiscale, il demande, menace... et obtient. Bref il commande. De toutes ses revendications, la plus constamment réaffirmée a pour objet les cotisations sociales — les « charges » — et le voilà de nouveau satisfait. Mais d’une satisfaction qui va s’usant — avec la force de l’habitude — et réclame sans cesse des montants plus importants pour se soutenir. C’est pourquoi — assez d’être timoré ! — Pierre Gattaz se propose toutes les audaces de l’arrondi supérieur : 100 milliards de réduc’, c’est beau, c’est net, pas compliqué à retenir, maintenant, donc, il nous faut 100 milliards. Double effet caractéristique de l’addiction et de l’accoutumance, le capital déclare qu’il ne peut plus vivre, et donc qu’on ne pourra pas compter sur lui, s’il n’a pas sa dose. Le fait est que depuis presque trois décennies de pratique intensive des baisses de cotisations sociales, sans compter les aides variées à l’emploi et les allègements de toutes sortes — Gérard Filoche en estime le total à 65 milliards d’euros [11], soit 3 bons points de PIB tout de même —, le capital n’a même plus à chercher la seringue : il a le cathéter branché à demeure.

Mais le vrai mystère dans toute cette affaire réside bien dans le fait même de politiques entretenues depuis si longtemps alors que leur inefficacité est si continûment avérée — elle, pour des raisons qui n’ont rien de mystérieux : parce que le coût salarial complet n’est qu’une fraction relativement modeste du coût total (25 %) [12] et que même les 100 milliards de Gattaz n’aboutiraient qu’à une baisse du coût de production de 3,5 % [13], une misère à la merci du moindre renchérissement de matière première, pour ne rien dire d’un mouvement de change d’un compétiteur extra-européen. A ce propos, et dans le registre du passeur de plats, signalons le commentaire tout de bienveillance de Daniel Cohen pour qui il ne faut voir dans le pacte de responsabilité « aucune conversion idéologique » [14] mais une simple « option pratique », le pacte consistant, « privé de l’arme monétaire, (...) à gagner en compétitivité (...) par une dévaluation fiscale ». Ceci, d’ailleurs, avant de suggérer « d’indexer [les prestations] des systèmes sociaux sur la croissance », soit la proposition même du MEDEF, et cette remarquable convergence du patronat, de la Droite Complexée et de ses économistes de service ne peut en effet être mise au compte d’aucune « conversion idéologique » — à l’évidence, l’unanimité spontanée des raisonnables.

Mais que dire également de l’imitation de tous les pays européens dans la course à la baisse du coût du travail, sinon qu’elle n’a pas d’autre effet que l’attrition générale des standards sociaux sans le moindre gain de compétitivité puisque celle-ci n’est jamais qu’un avantage différentiel, comme tel annulé par son adoption généralisée. Ou encore de la théorie dite du wage-gap, soutenant que le chômage est un effet de déséquilibre de l’offre et de la demande sur le marché du travail dû à un excès du prix du travail, sinon qu’elle est fausse et archi-fausse [15].

Mais aucune de ces évidences n’a la moindre prise, ni sur le patronat évidemment — il ne faut pas trop demander —, ni sur le commentariat qui jacasse la baisse des charges à l’unisson du MEDEF, ni surtout sur le gouvernement socialiste à qui pourtant ces conneries coûtent les yeux de la tête ! Le voilà alors le vrai pouvoir des idées dominantes : le pouvoir de se maintenir envers et contre tout, contre toutes les objections de l’analyse et contre toutes les infirmations du réel — et il n’en a pas manqué depuis plus de vingt ans de baisses continues de tout et de stagnation prolongée dans le chômage de masse. Le pouvoir des idées dominantes, c’est ce privilège des épistémologies asymétriques, c’est-à-dire d’un rapport totalement distordu à l’expérience : on poursuivra pendant des décennies, et jusqu’au bout, la mise en œuvre du faux que l’on continuera, contre toute évidence, de déclarer le vrai, là où on ne laisserait pas six mois à une tentative authentiquement alternative.

Car il faut s’efforcer d’imaginer un programme de rupture avec le néolibéralisme et surtout se figurer ce que serait la réaction du commentariat aux turbulences qui suivraient nécessairement d’une refonte de l’ordre institutionnel du capitalisme (encore ne parle-t-on même pas ici de sortie du capitalisme...) : glapissements et hauts cris, rappels à l’ordre de la « raison économique », avertissements que ça ne marche pas et que ça ne marchera jamais, injonction à faire une démonstration immédiate d’efficacité, quand le néolibéralisme ne cesse, lui, de nous appeler à la sagesse du long terme (où « s’obtiennent vraiment ses effets »), et de nous renvoyer à la patience, patience des efforts de compétitivité qui « finiront par payer », patience de l’Europe qui sera bientôt sociale, enfin plus tard... — il faudra, donc, se souvenir de cette asymétrie des exigences temporelles, qui somme les uns au court terme et accorde aux autres le long, le très long terme, pour ne pas oublier, si jamais vient un jour le moment de la transformation sociale, de préciser que nous demanderons nous aussi vingt ans et pas une journée de moins.

Les entreprises ne créent pas l’emploi Retour à la table des matières

Mais le pire dans toute cette affaire c’est peut-être l’irrémédiable inanité de la stratégie Hollande et de ses conseillers, esprits entièrement colonisés par la vue MEDEF du monde et qui n’ont d’autre point de départ de toutes leurs réflexions que la prémisse, l’énoncé princeps du néolibéralisme, il est vrai répété partout, entré dans toutes les têtes sur le mode de l’évidence au-delà de toute question : « ce sont les entreprises qui créent l’emploi ». Cet énoncé, le point névralgique du néolibéralisme, c’est la chose dont la destruction nous fait faire un premier pas vers la sortie de la prise d’otages du capital.

En tout cas, derrière « les entreprises ne créent pas d’emploi » il ne faut certainement pas voir un énoncé à caractère empirique — que les vingt dernières années confirmeraient pourtant haut la main en tant que tel... Il s’agit d’un énoncé conceptuel dont la lecture correcte n’est d’ailleurs pas « les entreprises ne créent pas d’emploi » mais « les entreprises ne créent pas l’emploi ». Les entreprises n’ont aucun moyen de créer par elles-mêmes les emplois qu’elles offrent : ces emplois ne résultent que de l’observation du mouvement de leurs commandes dont, évidemment, elles ne sauraient décider elles-mêmes, puisqu’elles leur viennent du dehors — du dehors, c’est-à-dire du bon-vouloir dépensier de leurs clients, ménages ou autres entreprises.

Dans un éclair de vérité fulgurant autant qu’inintentionnel, c’est Jean-François Roubaud, président de la CGPME et Saint Jean Bouche d’or, qui a vendu la mèche, à un moment, il est vrai, voué à être puissamment révélateur : le moment de la discussion des « contreparties ». Comme on sait à l’instant T moins epsilon qui précède la conclusion du « pacte », le patronat jure sur la tête du marché qu’il s’en suivra des créations d’emplois par centaines de mille et, comme de juste, à l’instant T plus epsilon on n’est tout d’un coup plus sûr de rien, il faudra voir de près, ne nous emballons pas, en tout cas il faut nous faire confiance.

Et voilà ce gros nigaud de Roubaud qui déballe tout sans malice ni crier gare : « encore faut-il que les carnets de commandes se remplissent... » [16] répond-il en toute candeur à la question de savoir si « les entreprises sont prêtes à embaucher en échange » [17]. C’est pas faux Roubaud ! Or si les entreprises « produisaient » elles-mêmes leurs propres carnets de commandes, la chose se saurait depuis un moment et le jeu du capitalisme serait d’une déconcertante simplicité. Mais non : les entreprises enregistrent des flux de commandes sur lesquels elles n’ont que des possibilités d’induction marginale (et à l’échelle agrégée de la macroéconomie aucune possibilité du tout [18]) puisque ces commandes ne dépendent que de la capacité de dépense de leurs clients, laquelle capacité ne dépend elle-même que de leurs carnets de commande à eux [19], et ainsi de suite jusqu’à se perdre dans la grande interdépendance qui fait le charme du circuit économique.

A quelques variations près, réglées par la concurrence inter-firmes, la formation des carnets de commandes, dont Roubaud nous rappelle — pertinemment — qu’elle décide de tout, ne dépend donc pas des entreprises individuellement, mais du processus macroéconomique général. En situation de passivité face à cette formation de commandes, qu’elles ne font qu’enregistrer, les entreprises ne créent donc aucun emploi, mais ne font que convertir en emplois les demandes de biens et services qui leurs sont adressées. Là où l’idéologie patronale nous invite à voir un acte démiurgique devant tout à la puissance souveraine (et bénéfique) de l’entrepreneur, il y a donc lieu de voir, à moins grand spectacle, la mécanique totalement hétéronome de l’offre répondant simplement à la demande externe.

On dira cependant que les entreprises se différencient, que certaines réduisent mieux leurs prix que d’autres, innovent plus que d’autres, etc. Ce qui est vrai. Mais n’a in fine d’effet que sur la répartition entre elles toutes de la demande globale... laquelle demeure irrémédiablement bornée par le revenu disponible macroéconomique. Ne peut-on pas aller chercher au dehors un surplus de demande au-delà de la limite du revenu interne ? Oui, on le peut. Mais le cœur de l’argument n’en est pas altéré pour autant : les entreprises enregistrent, à l’export comme à domicile, des demandes que, par construction, elles ne peuvent pas, individuellement, contribuer à former, et elles se borneront (éventuellement) à convertir ces commandes en emplois. En d’autres termes, les emplois ne sont que le reflet de demandes passivement perçues. Aucun geste « créateur » du type de celui que revendique l’idéologie patronale là-dedans. Les entrepreneurs et les entreprises ne créent rien (en tout cas en matière d’emploi) — ce qui ne veut pas dire qu’elles ne font rien : elles se font concurrence pour capter comme elles peuvent des flux de revenu-demande, et font leur boulot avec ça.

Non pas les entreprises : la conjoncture Retour à la table des matières

Tout ceci signifie alors que nous n’avons pas à déférer à toutes leurs extravagantes demandes au motif qu’elles détiendraient le secret de la « création des emplois ». Elles ne détiennent rien du tout. Mais si l’emploi n’est pas créé par les entreprises, par qui l’est-il donc, et à qui devraient aller nos soins ? La réponse est que le « sujet » de la création des emplois n’est pas à chercher parmi les hommes, en vérité le « sujet » est un non-sujet, ou pour mieux dire la création des emplois est l’effet d’un processus sans sujet, un processus dont le nom le mieux connu est la conjoncture économique — terrible déception de ceux qui attendaient l’entrée en scène d’un héros... La conjoncture économique est en effet ce mécanisme social d’ensemble par quoi se forment simultanément revenus, dépenses globales et production. Elle est un effet de composition, la synthèse inintentionnelle et inassignable des myriades de décisions individuelles, celles des ménages qui vont consommer plutôt qu’épargner, celles des entreprises qui lanceront ou non des investissements — et, drame pour la pensée libérale-héroïsante, il faut avoir la sagesse intellectuelle de s’intéresser à un processus impersonnel.

Mais s’y intéresser, on le peut, et très concrètement même ! Car la conjoncture est un processus qui, dans une certaine mesure se laisse piloter. C’est précisément l’objet de cette action qu’on appelle la politique macroéconomique. Mais, de cela, le gouvernement « socialiste » a manifestement abdiqué toute velléité : ligoté par les contraintes européennes qui ont si bien neutralisé toute possibilité de politique économique active, et ayant renoncé par avance à tout effort de retrouver quelque marge de manœuvre en cette matière, il ne lui est plus resté qu’à dévaler avec tout le monde la pente de l’idéologie libérale-entrepreneuriale pour former le puissant raisonnement que « si ce sont les entreprises qui créent les emplois, alors il faut être très gentil avec les entreprises ».

Cependant, n’y a-t-il pas une contradiction à dire que le capital a toute initiative et qu’il prend — activement — la société en otage, quand, par ailleurs, on soutient que les entreprises sont réduites à enregistrer — passivement — des demandes qu’elles n’ont aucun pouvoir de former, et qu’elles n’ont dès lors nulle capacité de « créer l’emploi ». Il n’y a là en fait rien de contradictoire mais l’effet d’une asymétrie d’échelle, et une discontinuité classique quand on passe du microéconomique au macroéconomique. Les entreprises séparément n’ont aucune prise sur rien. C’est la composition de toutes leurs décisions qui fait tout. Mais cette composition est la plupart du temps inintentionnelle et sans cohérence spéciale — on en constate juste le résultat —, puisque c’est précisément le propre d’une économie de marché, c’est-à-dire d’une économie décentralisée que les agents y prennent leurs décisions par devers eux et sans coordination avec les autres. Aussi chacun d’eux est-il renvoyé à son isolement et à sa condition passive.

La situation change lorsque se présente un coordinateur. Le « capital » prend peut-être son sens le plus haut lorsqu’il apparaît ainsi sous l’espèce de la collectivité coordonnée des détenteurs de moyens de production. Certes le capital existe hors de cet état coordonné, et l’on peut bien maintenir qu’il est souverain — et preneur d’otages. Mais c’est un souverain désarticulé — un pur effet de composition acéphale. Et il n’est qu’un preneur d’otages de fait. Disons plus précisément : la société se retrouve otage du processus impersonnel en quoi consiste la synthèse des décisions des propriétaires individuels. Le souverain preneur d’otages ne prend alors vraiment sa forme consistante qu’au moment où le capital accède au stade du pour-soi en se posant, sous l’égide d’un coordinateur explicite (typiquement le MEDEF), comme une unité d’action consciente. C’est par passage du microéconomique au macroéconomique, c’est-à-dire de l’entreprise au capital, qu’apparaît véritablement la lutte de classes à l’échelle de la société entière, soit : un groupe constitué et unifié contre le reste.

On dira que ce capital coordonné se tire une balle dans le pied lorsqu’il s’engage dans son chantage caractéristique de la grève de l’investissement puisque, à gémir que rien n’est possible, il conduit en effet tous ses membres à gémir de concert, et de concert aussi à retenir leurs avances (leurs projets)... c’est-à-dire in fine à torpiller pour de bon la conjoncture dont pourtant ils vivent tous. Se seraient-ils coordonnés sur la position inverse qu’ils ne se seraient pas moins donné raison, mais cette fois en soutenant une conjoncture brillante... telle qu’ils auraient tous contribué à la former. Mais d’une part, le capital, dont Marx rappelait qu’il est incapable de dépasser « ses intérêts grossiers et malpropres », est le plus souvent hors d’état d’accéder à ce degré de rationalité. Et d’autre part, c’est l’horizon même de ces intérêts grossiers et malpropres qui lui désigne les bénéfices immédiats du chantage à l’investissement, contre lequel il espère bien ramasser autant d’avantages en nature (exonérations de toutes sortes, réglementaires et fiscales) que possible — et c’est une rationalité qui en vaut une autre : non pas la rationalité de l’entrepreneur mais celle de l’extorsion. Et si, par une asymétrie caractéristique, le capital refuse, au nom d’un argument idéologique, la coordination positive de l’investissement (« que le libre marché fasse son œuvre ! »), il est en revanche très capable de la coordination négative du chantage et de l’ultimatum.

On peut donc soutenir sans la moindre contradiction et la thèse de la prise d’otages (globale, celle du capital) et celle de la vaine prétention des entreprises à « créer l’emploi ». Les entreprises, séparément, ne créent rien. Mais il est vrai que, liguées en capital coordonné, elles décident de tout. Reconnaissons qu’à la profondeur où l’ânerie des « entrepreneurs qui créent l’emploi » est désormais enkystée, mesurable à la vitesse-éclair à laquelle elle vient à la bouche de l’éditorialiste quelconque, le travail d’éradication va demander du temps. Raison de plus pour l’entamer tout de suite. La politique se portera mieux, c’est-à-dire un peu plus rationnellement, quand ses discours commenceront d’être à peu près purgés de toutes les contrevérités manifestes, et manifestement attachées à un point de vue très particulier sur l’économie, et quand les schèmes de pensée automatique que ces contrevérités commandent auront été désactivés. Les entreprises ne créent pas l’emploi : elles « opèrent » l’emploi déterminé par la conjoncture. Si l’on veut de l’emploi, c’est à la conjoncture qu’il faut s’intéresser, pas aux entreprises.

Mais faire entrer ça dans une tête « socialiste »... Il est vrai que parmi le programme chargé des conversions symboliques à opérer, il y a à défaire l’habitude irréfléchie qui consiste à donner le parti socialiste pour la gauche, et à donner (très inconsidérément) de la gauche au parti socialiste. Alors que, rappelons-le, et il met d’ailleurs assez d’effort comme ça pour qu’on n’en doute plus et qu’on puisse l’en « créditer », le parti socialiste : c’est la droite ! La Droite Complexée. A propos de laquelle, du train où vont les choses, il va bientôt falloir se demander ce qu’il lui reste exactement de complexes.

Notes

[1] Proposé en janvier par M. Hollande, le « pacte de responsabilité » offre aux entreprises un allégement de cotisations sociales de 30 milliards d’euros... dans l’espoir que celles-ci voudront bien, en contrepartie, créer des emplois...

[2] France 2, 7 janvier 2013.

[3] BFM-RMC, 6 janvier 2014.

[4] Les Echos, 4-5 mai 2013.

[5] Les Echos, 23 mai 2013.

[6] Les Echos, 23 mai 2013.

[7] Matthias Fekl, député proche de Pierre Moscovici, cité in Lénaïg Bredoux et Stéphane Alliès, « L’accord sur l’emploi fracture la gauche », Mediapart, 28 avril 2013.

[8] Dans la nouvelle d’Edgar Allan Poe La Lettre volée (1844), tous les protagonistes recherchent fébrilement un billet d’une importance décisive qu’ils supposent caché, mais qui est en fait posé en évidence sur un bureau.

[9] Cité in Julien Ponthus, « Hollande, VRP de la “start-up République” à San Francisco », Reuters, 12 février 2014.

[10] Arnaud Montebourg, « La Matinale », France Inter, 18 février 2014.

[11] « Le président de la CNAF dément la Présidence de la République », blog de Gérard Filoche, 27 janvier 2014.

[12] Christian Chavagneux, « Pourquoi le pacte de responsabilité n’améliorera pas les marges des entreprises et ne créera pas d’emplois », blog Alternatives Economiques, 6 janvier 2014.

[13] Id.

[14] Daniel Cohen, « La baisse des charges est davantage une option pratique qu’une conversion idéologique », entretien avec Franck Dedieu, L’Expansion, 18 février 2014.

[15] Pour un démontage en règle de cette thèse, voir le petit livre de Laurent Cordonnier, Pas de pitié pour les gueux, éditions Raisons d’agir, 2000.

[16] Les Echos, 3 janvier 2014.

[17] Id., la question lui est posée par Derek Perrotte.

[18] En tout cas hors de toute coordination.

[19] Commande de travail pour les ménages-salariés, commande de biens et services pour les entreprises-clientes.

 

 

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Source : blog.mondediplo.net

 

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 18:26

 

Source : www.humanite.fr

 

Social-Eco - le 25 Février 2014

 

La France médaille de bronze aux JO des dividendes versés

 

 

 

Total s’affiche comme la société française la plus généreuse en termes de dividendes. Ici le PDG de Total, Christophe de Margerie annonçant une hausse de 1,7 % du dividende en 2014.

En 2013, les entreprises cotées en Bourse ont versé 731 milliards d’euros de dividendes à leurs actionnaires dans le monde. Avec 36,8 milliards d’euros, la France se situe à la troisième place.

«Tu vois, le monde se divise en deux catégories : il y a ceux qui ont le pistolet chargé et ceux qui creusent. » La réplique culte du film le Bon, la Brute et le Truand définit parfaitement l’année qui vient de s’écouler. D’un côté les records de chômage et de l’autre ceux des dividendes. Selon l’Indice Henderson Global Dividend, les sociétés mondiales cotées ont gavé leurs actionnaires de 1 003 milliards de dollars, 731 milliards d’euros, l’an dernier. C’est la toute première fois que les dividendes versés franchissent la barre des 1 000. Au cours des cinq dernières années, la croissance annuelle moyenne des dividendes a été de 9,4 %. Tant et si bien qu’entre 2009 et 2013 les revenus du capital ont gonflé de 43 %, avec une hausse de 310 milliards de dollars.

Avec une explosion de 49 % en cinq ans, les États-Unis représentent à eux seuls un tiers du gâteau mondial, avec 301,9 milliards de dollars, loin devant le Royaume-Uni dont les dividendes se sont accrus de 39 % depuis 2009.

Avec 50,5 milliards de dollars, soit environ 36,8 milliards d’euros, la France est le troisième pays du monde dans la course au podium pour les versements de dividendes. Un niveau qui reste néanmoins inférieur aux 51 milliards de dollars versés aux actionnaires des sociétés hexagonales en 2009 et aux 58 milliards de dollars distribués en 2011. Dans l’ensemble de l’Europe, hors Royaume-Uni, en pleine crise de la zone euro, les dividendes versés ont atteint 199,8 milliards d’euros, contre 185,4 milliards en 2009, soit une hausse de 7,8 % en cinq ans. Les pays émergents représentent la troisième grande zone géographique pour les dividendes, avec une progression spectaculaire de 109 % depuis 2009.

En augmentation de 76 % – pour un montant de plus de 160 milliards d’euros –, c’est évidemment le secteur financier qui fournit près d’un quart du gâteau mondial (24 %). Juste devant le secteur pétrolier, qui constitue l’un des piliers de la distribution de dividendes sur le plan mondial. Sur 7 dollars de dividendes versés en 2013, le secteur pétrolier en a versé 1. À l’instar de Total qui s’affiche comme la société française la plus généreuse en termes de dividendes. Dans le classement mondial, le groupe pétrolier arrive en quatorzième position.

Lire aussi :

Clotilde Mathieu

 

Source : www.humanite.fr

 

 

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